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Mercredi 26 octobre 2016 matin, la commission des affaires économiques, et la commission du développement durable, ont autorisé, à l’unanimité, la publication du rapport de leur mission d’information commune sur l’application de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Composé de 212 articles – 3 articles ayant été censurés par le Conseil constitutionnel – la loi a été adoptée après 150 heures de débats en séance publiques. Structurée autour de huit titres, elle vise à renforcer l’indépendance énergétique du pays, à réduire les émissions de gaz à effets de serre et à donner à chacun des outils pour entamer la transition énergétique et la croissance verte.
Visant à « engager le pays tout entier dans la voie d’une croissance verte », le champ de la loi est large. Il couvre le secteur du bâtiment, le développement des transports propres, le tri et le retraitement des déchets et la promotion de l’économie circulaire, toutes les sources d’ l énergies renouvelables, la sûreté nucléaire, la simplification de certaines procédures, la tarification d l’énergie et la fiscalité qui lui est applicable, et un volet gouvernance.
La loi appelle à 167 mesures d’application, comporte 56 habilitations à légiférer et 104 renvois à des décrets d’application. Par ailleurs, la loi a une incidence sur de nombreux autres textes tels que des agréments des éco-organismes, des concessions, règlements intérieurs d’organismes ou des arrêtés municipaux.
Selon le président de la mission, Jean-Paul Chanteguet, laquelle avait pour rapporteurs Julien Aubert, Marie Noëlle Battistel et Sabine Buis, le rapport tient à « s’interroger sur ce qui fonctionne et de fonctionne pas et s’interroger rétrospectivement sur la qualité de la loi ». Les rapporteurs ont ainsi adopté une approche pragmatique en s’attachant à définir les avancées, les blocages et à formuler des recommandations ou propositions de reformulation pour chacun des 212 articles de la loi.
Dans ce travail d’évaluation, les rapporteurs ont tenu à auditionner l’ensemble des acteurs des secteurs concernés. La mission a ainsi auditionné 28 organismes, organisé 5 tables rondes, soit plus de 200 personnes en tout, et les rapporteurs ont également mené des auditions spécifiques.
Le rapport pointe des retards dans l’application de la loi. Les rapporteurs regrettent ainsi que la programmation pluriannuelle de l’énergie qui constitue l’un des points fondamentaux d’application de la loi n’ait toujours pas été adoptée par décret, ce qui a ralenti l’application de la loi. Ils suggèrent d’en modifier le périmètre et la nature juridique. De la même manière, les rapporteurs constatent que seulement deux rapports d’information ont été publiés sur les 26 demandés par la loi.
Le titre relatif aux bâtiments constitue la partie la moins satisfaisante. Certains retards s’expliquent par la réticence de certains acteurs. Ainsi ENEDIS et GRDF rencontrent encore des hostilités au déploiement des compteurs déportés Linky et Gazpar. Des réticences, amplifiées par le Conseil supérieur technique des bâtiments, sont également à constater s’agissant de l’individualisation des compteurs de chauffage dans les immeubles collectifs. De la même manière, l’obligation de reprise des déchets par les distributeurs de matériaux, prévue à l’article 93, fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité. Les rapporteurs regrettent toutefois que les décrets concernant le carnet numérique de suivi et d'entretien du logement et l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments à usage du tertiaire n’aient pas été publiés. Enfin, les rapporteurs, comme de nombreux députés, regrettent que le rapport d’information prévu sur les colonnes montantes dans les immeubles d’habitation n’ait pas été publié, bien qu’ils notent que la question soulève des difficultés juridiques portant notamment sur la désignation de leurs propriétaires.
Concernant le titre relatif au développement des transports propres pour améliorer la qualité de l’air, les rapporteurs constatent que les collectivités se sont emparées des outils créés par la loi. Le rapport prend ainsi l’exemple du développement de transports publics à énergie alternative ou des points de recharge des véhicules électriques. Les rapporteurs sont toutefois critiques à l’égard des concessionnaires autoroutiers. Ils demandent ainsi au Gouvernement d’interroger les concessionnaires sur la mise en œuvre d’une tarification différenciée des abonnements selon la catégorie d’émission des véhicules. Sur le même sujet, le rapport préconise de modifier la rédaction de l’article 53 pour que la création d’aires de covoiturage ne soit pas une justification pour des majorations de tarifs. Enfin, si les rapporteurs constatent que le Gouvernement a bien publié le décret relatif à la création d’une « indemnité kilométrique vélo », ils préconisent que celle-ci soit étendue à l’ensemble de la fonction publique.
Concernant la lutte contre les gaspillages et la promotion de l’économie circulaire, les rapporteurs jugent positif le bilan de l’interdiction des ustensiles de cuisine à compter de 2020 et des sacs de caisse à usage unique en plastique. Si certains acteurs du réseau de distribution veulent différer l’entrée en vigueur de ces mesures, il faudra qu’ils s’en justifient devant l’opinion publique Ils constatent que les mesures relatives au recyclage du papier bureautique, au tri séparé et à l’obligation de reprise des bouteilles de gaz sont bien appliquées. Les rapporteurs proposent d’abroger l’article 55 de la loi économie bleue qui reporte d’un an la mise en place du mécanisme de responsabilité élargie du producteur en matière de navire de plaisance. Le rapport propose également de rendre plus opératoires les objectifs de papier recyclés et de limitation du routage par « blister » prévus par le décret relatif au paiement de l’éco-contribution par la presse.
Concernant la sûreté nucléaire, à laquelle est consacrée une importante ordonnance du 10 février 2016, le rapport invite le législateur à ne pas ratifier l’article 41 de cette ordonnance, qui fait disparaître le suivi médical spécifique des travailleurs exposés à des rayonnements ionisants, qui était prévu par la loi.
En ce qui concerne le titre relatif à la gouvernance, les rapporteurs recommandent de prévoir la programmation d’études sur l’incidence de la cessation d’exploitation d’une installation nucléaire de base. Menée par des organismes indépendants, ces études non conclusives auraient pour objectif de chiffrer les incidences économiques et sociales et le montant estimé de l’indemnisation des éventuels arrêts d’exploitation. Ces études devront être actualisées régulièrement et rendues publiques. Ainsi, au-delà des modifications portant sur la règlementation des autorisations et des contrôles, scrupuleusement appliquées, les décisions en matière de sûreté nucléaire et de la part de la production nucléaire dans le mix énergétique, plafonnée en capacité par la loi à 63,2 Gw, qui sont lourdes de conséquence, pourront s’inscrire dans la durée. Au final, en dépit de contrastes dans son application, la loi permet de franchir des étapes irréversibles dans la transition énergétique.