Points-clés
Le suivi de l’application des lois poursuit un double objectif : veiller à l’application des lois votées et s’assurer des conditions concrètes de leur mise en œuvre. Cette mission n’a eu de cesse de se renforcer, et le contrôle parlementaire s’étend désormais à l’évaluation de la législation, conformément à l’approche de l’action publique qui vise à apprécier les effets et l’impact des décisions prises au regard des objectifs fixés et des moyens mobilisés. Cette évolution s’est traduite dans la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a modifié l’article 24 de la Constitution afin de préciser que le Parlement, outre le vote de la loi et le contrôle de l’action du Gouvernement, « évalue les politiques publiques ». 

Plusieurs instruments permettent de répondre à ces exigences :

- la présentation devant les commissions permanentes de rapports d’application des lois lorsque celles-ci nécessitent la publication de textes de nature réglementaire ;

- la création de structures temporaires – missions d’information ou commissions d’enquête – destinées à évaluer la mise en œuvre de certaines législations et politiques publiques ; 

- l’institution de structures plus pérennes : l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPESCT) commun avec le Sénat ; le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) ; les délégations parlementaires ;

- la mise en place de rendez-vous réguliers, comme les « Printemps de l’évaluation » mis en place par les commissions des finances et des affaires sociales sous la XVe législature.

 

I. –    LE CONTRÔLE DE L’APPLICATION DES LOIS RELÈVE DES COMMISSIONS PERMANENTES

La complexité croissante des lois rend leur mise en œuvre de plus en plus tributaire de textes réglementaires d’application. Les députés suivent donc avec attention l’application des lois qu’ils votent afin d’éviter, notamment, que le défaut de publication des textes d’application fasse échec aux décisions qu’ils ont prises.

Depuis 1990, le rapporteur général de la commission des finances procède à l’examen de l’état d’application des dispositions fiscales des lois examinées par la commission (c’est-à-dire non seulement des lois de finances, mais aussi de toutes les lois portant dispositions d’ordre économique et financier). Il présente également au printemps un rapport d’information sur les premiers éléments disponibles concernant l’exécution du budget de l’année précédente.

Cette pratique a été généralisée et étendue à toutes les commissions permanentes en 2004. En effet, depuis cette date, à l’issue d’un délai de six mois suivant l’entrée en vigueur d’une loi dont la mise en œuvre nécessite la publication de textes de nature réglementaire, un rapport sur la mise en application de cette loi doit être présenté à la commission compétente. Ce rapport fait état des textes réglementaires publiés et des circulaires édictées pour la mise en œuvre de ladite loi, ainsi que de ses dispositions qui n’auraient pas fait l’objet des textes d’application nécessaires. Il peut donner lieu, en séance publique, à un débat sans vote ou à une séance de questions.

L’article 145-7 du Règlement confie la rédaction de ce rapport à deux députés. Ce binôme inclut nécessairement le rapporteur du texte dont l’application est examinée, ainsi qu’un député d’un groupe d’opposition, qui doit, depuis la réforme du Règlement de l’Assemblée nationale du 4 juin 2019, avoir été désigné à cette fin par la commission dès que le projet ou la proposition de loi lui est renvoyé. 

En outre, depuis la même réforme de 2019, il est prévu que lorsqu’une loi a été examinée par une commission spéciale, le rapport d’application doit être présenté aux commissions permanentes compétentes par deux de leurs membres, dont l’un appartient à un groupe d’opposition.

Afin de contrôler l’application des lois, les commissions permanentes disposent des échéanciers de mise en œuvre des textes mis à disposition par le Gouvernement sur le site Légifrance. Elles peuvent également se fonder sur les études d’impact qui accompagnent les projets de loi et exposent notamment l’état d’application du droit sur le territoire national dans le ou les domaines visés par le projet de loi ainsi que les modalités d’application dans le temps des dispositions envisagées, les textes législatifs et réglementaires à abroger et les mesures transitoires proposées. Enfin, les rapporteurs peuvent requérir toute information utile auprès des ministères chargés de la mise en application du texte et entendre toute personne utile à leur information.

II. –    LE DÉVELOPPEMENT DE L’ÉVALUATION DES EFFETS DE LA LÉGISLATION ET DES POLITIQUES PUBLIQUES

La nouvelle approche de l’action publique, qui apprécie les effets et l’impact des décisions prises au regard des objectifs fixés et des moyens mobilisés, a été intégrée dans le contrôle parlementaire de l’application des lois. Le développement de ces activités de contrôle et d’évaluation est conforme aux fonctions qu’assigne la Constitution au Parlement qui, aux termes de l’article 24 de la Constitution tel qu’il résulte de la révision du 23 juillet 2008, « vote la loi », « contrôle l’action du Gouvernement » et « évalue les politiques publiques ».

Un nombre croissant de lois est assorti d’un dispositif de contrôle qui peut prendre des formes diverses, plus ou moins contraignantes : simple remise d’un rapport d’application ; organisation d’expérimentations sur le fondement de l’article 37-1 de la Constitution ; mise en place de mécanismes d’évaluation pouvant aller jusqu’à une obligation continue d’information du Parlement afin de lui permettre d’assurer un contrôle immédiat des mesures prises par le Gouvernement (voir par exemple, en application de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid 19, l’obligation pour le Gouvernement d’informer sans délai l’Assemblée nationale et le Sénat des mesures prises par lui au titre de l’état d’urgence sanitaire, les deux assemblées pouvant requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures).

L’Assemblée nationale a utilisé les dispositifs existants et a créé de nouveaux outils afin d’évaluer la législation, certains temporaires, d’autres réguliers.

1. –     DES ORGANES TEMPORAIRES DE CONTRÔLE ET D’ÉVALUATION

En juin 1990, une modification du Règlement a permis la création de missions d’information temporaires portant notamment sur les conditions d’application d’une législation. Ces missions d’information peuvent être créées au sein d’une seule commission permanente, être communes à plusieurs commissions permanentes ou être créées par la Conférence des présidents.

Depuis la réforme du 28 novembre 2014, le Règlement prévoit l’évaluation de l’impact d’une loi trois ans après son entrée en vigueur. Aux termes de l’article 145-7 du Règlement, il s’agit alors de faire état dans un rapport « des conséquences juridiques, économiques, financières, sociales et environnementales de la loi, le cas échéant au regard des critères d’évaluation définis dans l’étude d’impact préalable, ainsi que des éventuelles difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre de la loi. »

La composition de ces missions d’information est variable. En pratique, ces missions sont presque toujours composées de deux députés ou plus. Conformément à l’article 145 du Règlement, elles doivent alors compter en leur sein au moins un député de l’opposition et s’efforcer de reproduire la configuration politique de l’Assemblée. Lorsque la mission d’information est créée sur décision de la Conférence des présidents, elle comporte un bureau de neuf membres – un président, quatre vice-présidents et quatre secrétaires – auquel s’ajoute le poste de rapporteur, la fonction de président ou de rapporteur revenant de droit à un député appartenant à un groupe d’opposition.

Les travaux des missions d’information sont d’une durée variable, souvent de quelques mois au cours desquels leurs membres procèdent à des auditions et des déplacements, et se concluent par la publication d’un rapport d’information.

Par ailleurs, la mission assignée aux commissions d’enquête – organes parlementaires temporaires spécifiques car dotés de prérogatives d’investigation étendues (communication de pièces, auditions sous serment, etc.) – tend à évoluer vers une démarche évaluative de politiques sectorielles, ou de telle ou telle législation.

2. –    LE COMITÉ D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES POLITIQUES PUBLIQUES

Créé par la réforme du Règlement du 27 mai 2009, le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) permet à l’Assemblée nationale de mettre en œuvre la fonction d’évaluation des politiques publiques qui lui est explicitement reconnue par l’article 24 de la Constitution.

La composition initiale du CEC, très institutionnelle car comportant un certain nombre de membres de droit, présidents d’un groupe politique ou d’une commission permanente, a été modifiée en 2014 pour renforcer son efficacité et assurer une participation accrue des groupes politiques, en rapprochant sa composition de celle des autres délégations et office. L’article 146-2 du Règlement de l’Assemblée nationale indique que le CEC, présidé par le Président de l’Assemblée nationale, comporte trente six membres désignés pour la durée de la législature de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes politiques et une représentation équilibrée des commissions permanentes.

Au titre de ses missions, dont le champ a été délimité par le Conseil constitutionnel (décision n° 2009-581 DC du 25 juin 2009), le CEC assure les fonctions suivantes :

–    assurer l’évaluation des politiques publiques transversales : le CEC, de sa propre initiative ou à la demande d’une commission permanente, évalue les politiques publiques portant sur des domaines de compétence plus larges que ceux d’une commission permanente. Chaque groupe peut obtenir de droit la réalisation d’une évaluation par session ordinaire (article 146-3 du Règlement) ; le programme des travaux du CEC est planifié sur une année ;

–    être tenu informé des conclusions des missions d’information : le CEC est tenu informé des conclusions des missions d’information, qu’elles soient propres à une commission permanente, communes à plusieurs commissions permanentes ou créées par la Conférence des présidents (article 146-4 du Règlement) ;

–    formuler des propositions pour l’ordre du jour de la semaine réservée par priorité au contrôle et à l’évaluation : en application de l’article 48 de la Constitution, le CEC peut « en particulier, proposer l’organisation en séance publique, de débats sans vote ou de séances de questions portant sur les conclusions de ses rapports ou sur celles des rapports des missions d’information » des commissions permanentes ou de la Conférence des présidents (article 146-7 du Règlement) ;

–    réaliser une évaluation préalable d’un amendement d’un député ou de la commission saisie au fond, à la demande de son auteur ou, dans le cas d’un amendement de la commission, à la demande du rapporteur ou du président de la commission (article 146-6 du Règlement).

3. –    LE PRINTEMPS DE L’ÉVALUATION 

Au cours de la XVe législature, la commission des finances de l’Assemblée nationale a mis en place un rendez-vous annuel autour de l’examen du projet de loi de règlement appelé « Printemps de l’évaluation ». Chaque rapporteur spécial choisit en début d’année une politique publique dans son champ de compétence et procède à son évaluation. Son analyse est ensuite présentée lors de réunions de la commission des finances dédiées, appelées commissions d’évaluation des politiques publiques (CEPP), auxquelles participent les ministres qui répondent à la fois sur l’exécution budgétaire et sur la politique publique expertisée.

Ces travaux peuvent conduire à l’élaboration de propositions de résolution qui sont examinées en séance publique lors de la semaine de contrôle du mois de juin, en même temps que le projet de loi de règlement. 

Ce travail d’évaluation des politiques publiques s’est substitué à la mission d’évaluation et de contrôle (MEC), créée en 1999 et qui a été mise en sommeil.

La commission des affaires sociales a mis en place un dispositif analogue intitulé Printemps social de l’évaluation, qui se concentre sur certains articles de la loi de financement de la sécurité sociale. La création d’une loi d’approbation des comptes de la Sécurité sociale (LACSS) par la récente réforme organique permettra d’accentuer ce travail. La commission des affaires sociales a par ailleurs maintenu l’activité de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS).

4. –    LES DÉLÉGATIONS

Cinq délégations sont en activité au sein de l’Assemblée nationale :

-    la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (créée en 1999) ;

-    la délégation parlementaire au renseignement (créée en 2007) qui est commune à l’Assemblée nationale et au Sénat ;

-    la délégation aux outre-mer (créée en 2012) ;

-    la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (créée en 2017).

- la délégation aux droits des enfants (créée en 2022).

Ces délégations ont pour objet le développement d’une capacité d’expertise approfondie de certains sujets, et de suivre particulièrement une question ou une politique publique.

5. –    LE DÉVELOPPEMENT D’OUTILS AUTONOMES DE SIMULATION 

Sous la XVe législature, l’Assemblée nationale a mis en place un nouveau service d’évaluation et de simulation, dénommé LexImpact. Opérationnelle depuis 2020, la cellule LexImpact, spécialisée en gestion sécurisée et en analyse de données, a développé des simulateurs de l’impact de certains amendements conçus pour être utilisés par les députés et leurs collaborateurs. Les simulateurs ont aussi une interface accessible à tous les citoyens, qui permet d’obtenir des évaluations sur des cas types et présente de façon claire et transparente les données qui s’y rapportent. 

Ces développements ont nécessité l’utilisation de bases de données exhaustives dont l’accès a été ouvert pour la première fois à l’Assemblée nationale.

Pour en savoir plus : https://leximpact.an.fr/

6. –    LA DIRECTION DU CONTRÔLE ET DE L’ÉVALUATION

Pour donner une plus grande visibilité aux travaux de contrôle et d’évaluation et leur dédier des moyens de fonctionnement, une structure administrative a été créée, en janvier 2021, la direction du Contrôle et de l’évaluation, qui regroupe les secrétariats des organes de contrôle (à l’exception de la MECSS et du Printemps de l’évaluation qui relèvent toujours des commissions compétentes).

 

Septembre 2023