Points-clés
La loi est l’expression de la volonté générale.

L’initiative des lois appartient au Premier ministre et aux membres du Parlement.

Outre les lois dites « ordinaires », il existe d’autres catégories de lois prévues par la Constitution. Des règles et des procédures particulières s’appliquent à chacune de ces catégories.

Toutes les lois, sauf les lois référendaires, sont adoptées par le Parlement.

Une loi d’habilitation peut permettre au Gouvernement d’intervenir temporairement, par voie d’ordonnances, dans le domaine normalement réservé à la loi.

 

I. –    LES LOIS « ORDINAIRES »

« La loi est un commandement » disait Portalis, un des auteurs du code civil.

Une approche plus institutionnelle définit la loi comme un texte normatif adopté par le Parlement, promulgué par le Président de la République, le cas échéant après décision du Conseil constitutionnel, et fixant des règles et principes fondamentaux dans les domaines énumérés à l’article 34 de la Constitution. La loi peut également être adoptée par référendum, selon les règles fixées à l’article 11 de la Constitution. L’initiative des lois appartient au Premier ministre et aux membres du Parlement.

Dans tous les cas, comme le proclame l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi est l’expression de la volonté générale.

Le Conseil constitutionnel, après avoir rappelé les termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789, a lui-même considéré, à partir de 2004, que : « la loi a pour vocation d’énoncer des règles et doit par suite être revêtue d’une portée normative ». (1)

Outre les lois dites « ordinaires », il existe d’autres catégories de lois prévues par la Constitution. Des règles et des procédures particulières s’appliquent à chacune de ces catégories.

II. –    LES LOIS PARTICULIÈRES VOTÉES PAR LE PARLEMENT

1. –    LES LOIS CONSTITUTIONNELLES

Les lois constitutionnelles portent révision de la Constitution selon la procédure déterminée à l’article 89 de la Constitution.

L’initiative d’une révision constitutionnelle appartient au Président de la République, sur proposition du Premier ministre, ainsi qu’aux députés et aux sénateurs. Le projet ou la proposition de loi constitutionnelle doit être voté dans les mêmes termes par les deux assemblées. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’un projet de loi, le Président de la République peut décider de ne pas le soumettre à référendum, mais au Parlement convoqué en Congrès qui l’approuve à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Le champ de la révision constitutionnelle fait l’objet d’une double limitation :

–    limitation dans le temps : aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ou en cas d’intérim de la présidence de la République ;

–    limitation de son champ : les lois constitutionnelles ne peuvent remettre en cause la forme républicaine du Gouvernement.

2. –    LES LOIS ORGANIQUES

Les lois organiques précisent les modalités d’organisation et de fonctionnement des pouvoirs publics dans les cas prévus par la Constitution.

Les projets et propositions de loi tendant à modifier une loi organique ou portant sur une matière à laquelle la Constitution confère un caractère organique doivent comporter dans leur intitulé la mention expresse de ce caractère. Elles ne peuvent contenir de dispositions d’une autre nature.

Le Conseil constitutionnel a jugé qu’une loi organique « ne peut intervenir que dans les domaines et pour les objets limitativement énumérés par la Constitution » (décision n° 87-234 DC du 7 janvier 1988) et précisé que « l’introduction dans un texte de loi organique de dispositions n’ayant pas cette nature pourrait en fausser la portée » (décision n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005). Toutefois, lorsque des dispositions non organiques sont insérées dans une loi organique, le Conseil se contente de les « déclasser », c’est-à-dire de leur restituer leur valeur de loi ordinaire (ce qui permet de les modifier selon la procédure applicable aux lois ordinaires).

Les projets ou propositions de loi organique sont soumis à une procédure particulière d’adoption :

–    comme les lois ordinaires, ils ne peuvent être examinés par la première assemblée saisie qu’à l’expiration d’un délai de six semaines après leur dépôt. Toutefois, en cas d’engagement de la procédure accélérée, subsiste un délai spécifique, fixé à quinze jours, ce qui n’est pas le cas pour les autres lois ;

–    il ne peut être présenté aucun amendement ou article additionnel tendant à introduire dans le projet ou la proposition des dispositions ne revêtant pas un caractère organique ;

–    en cas de désaccord entre les deux assemblées, la loi organique ne peut être adoptée en dernière lecture par l’Assemblée nationale qu’à la majorité absolue de ses membres ;

–    les lois organiques relatives aux conditions d’application de l’article 88-3 de la Constitution (ouvrant aux résidents de l’Union européenne le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales) et celles « relatives au Sénat » doivent être adoptées dans les mêmes termes par les deux assemblées. Le Conseil constitutionnel a, en 2009, limité la portée de la notion de lois organiques « relatives au Sénat » aux dispositions qui affectent directement et spécifiquement le Sénat. Une loi n’est pas relative au Sénat lorsque chaque assemblée est concernée par les mêmes dispositions ;

–    une loi organique ne peut être promulguée qu’après déclaration par le Conseil constitutionnel de sa conformité à la Constitution.

3. –    LES LOIS DE FINANCES

On distingue quatre catégories de lois de finances :

–    la loi de finances de l’année (souvent appelée loi de finances « initiale ») qui arrête annuellement les ressources, les dépenses et le montant de l’excédent ou du déficit budgétaire de l’État ;

–    la loi de finances rectificative (souvent appelée « collectif budgétaire ») qui a notamment pour objet d’ajuster les prévisions de ressources de l’année en cours ou de modifier les dépenses ou leur répartition ;

–    la loi de finances de fin de gestion, créée par la loi organique n° 2021-1836 du 21 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, qui vise à pérenniser la pratique des collectifs budgétaires de fin d’année. Cette loi ne peut comporter aucune mesure fiscale ;

–    la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année, qui constate les résultats financiers de l’année écoulée. L’intitulé de cette loi dite « de règlement » a été modifié par la loi organique du 21 décembre 2021 précitée afin de souligner l’importance des travaux liés à l’évaluation des politiques publiques à l’occasion de son examen.

En application de l’article 39 de la Constitution, les projets de loi de finances sont soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale. Le Conseil constitutionnel a jugé qu’il en allait de même des amendements gouvernementaux qui, dans ce cadre, introduisent des mesures nouvelles (décisions n° 76-73 DC du 28 décembre 1976 et n° 2006-544 DC du 14 décembre 2006).

La loi de finances de l’année est votée en deux parties distinctes, d’abord celle relative aux ressources et à l’équilibre général, puis celle relative aux dépenses ainsi qu’aux mesures n’ayant pas d’incidence sur l’équilibre. Le projet de loi de finances est soumis à une seule lecture dans chaque assemblée, avant que le Gouvernement puisse provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion.

Le Parlement dispose d’un délai de 70 jours pour se prononcer (40 jours en première lecture à l’Assemblée nationale, 15 ou 20 jours en première lecture au Sénat). S’il ne s’est pas prononcé dans ce délai, les dispositions du projet de loi peuvent être mises en vigueur par ordonnances.

4. –    LES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Catégorie de lois instituée par la révision constitutionnelle du 22 février 1996, les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de ses prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses. Elles déterminent également les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et prévoient, par catégorie, les recettes de l’ensemble des régimes obligatoires de base dont elles fixent, par branche, les objectifs de dépenses.

Les lois de financement de la sécurité sociale sont examinées chaque année à l’automne, selon des règles de procédure inspirées de celles des lois de finances. Elles sont soumises en premier lieu à l’Assemblée nationale ; il en va de même des amendements qui, dans ce cadre, introduisent des mesures nouvelles. Le Parlement dispose d’un délai de 50 jours pour se prononcer (20 jours à l’Assemblée en première lecture, 15 jours au Sénat en première lecture) ; s’il ne s’est pas prononcé dans ce délai, les dispositions du projet de loi peuvent être mises en œuvre par ordonnances.

Les lois de financement de la sécurité sociale comportaient jusqu’en 2022 quatre parties, la première correspondant à la loi de règlement, la seconde à la loi de financement rectificative pour l’année en cours, la troisième regroupant les recettes pour l’année à venir et la quatrième les dépenses. 

Cette structuration en quatre parties a néanmoins vocation à disparaître, la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale ayant créé une nouvelle catégorie de loi de financement de la sécurité sociale sur le modèle des lois relatives aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année : la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (LACSS), dont le dépôt devra intervenir au plus tard le 1er juin de chaque année et qui reprend les dispositions figurant jusqu’alors dans la première partie de la loi de financement de la sécurité sociale, relative à l’exercice clos. La première loi d’approbation sera examinée au cours de l’année 2023, pour clore les comptes de l’exercice 2022. À compter de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, celle-ci ne comprendra plus que trois parties.  

Enfin, des lois de financement rectificatives supplémentaires peuvent, en cours d’exercice, modifier les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale de l’année. Le recours à ces textes est cependant très limité : en vingt-cinq ans, seules deux lois de financement rectificatives ont été adoptées par le Parlement, en 2011 et en 2014. 

5. –    LES LOIS DE PROGRAMMATION

Les lois de programmation – qui remplacent les lois dites de « programme » depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 – déterminent les objectifs de l’action de l’État, dans un domaine précis (éducation nationale, recherche, dépenses militaires, etc.), pour une durée de plusieurs années (souvent cinq ans), et les moyens financiers qu’il envisage d’y consacrer.

Cependant, les crédits correspondants ne peuvent être ouverts que par une loi de finances votée pour chaque exercice budgétaire. Les lois de programmation n’ont donc pas de valeur normative et obligatoire sur le plan financier. Les plans approuvés par le Parlement, définissant des objectifs à long terme, peuvent donner lieu à des engagements financiers de l’État, mais cette procédure est tombée en désuétude (la dernière loi de ce type étant celle du 10 juillet 1989 approuvant le Xe plan). 

Enfin, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, des lois de programmation définissent les orientations pluriannuelles des finances publiques. Une loi de programmation des finances publiques a ainsi été adoptée en janvier 2018 (2 ), pour fixer les orientations budgétaires pour les années 2018 à 2022. 

6. –    LES LOIS AUTORISANT LA RATIFICATION DES TRAITÉS

Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie.

Les traités ou accords portant sur les domaines définis à l’article 53 de la Constitution ne peuvent être ratifiés par le Président de la République qu’après le vote d’une loi l’y autorisant ; il s’agit des traités de paix, traités de commerce, traités ou accords relatifs à l’organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l’État, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux relatifs à l’état des personnes et ceux comportant cession, échange ou adjonction de territoire.

Au cours de l’examen par les assemblées du projet de loi de ratification, les articles contenus dans les traités ou accords soumis à ratification ne sont pas soumis au vote. Aucun amendement ne peut être présenté sur le texte du traité. L’Assemblée ne peut conclure qu’à l’adoption ou au rejet du projet de loi.

Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier ministre, par le Président de l’une ou de l’autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, déclare qu’un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l’autorisation de ratifier ou d’approuver l’engagement international en cause ne peut intervenir qu’après révision de la Constitution.

III. –    LES LOIS RÉFÉRENDAIRES, NON ADOPTÉES PAR LE PARLEMENT

L’article 11 de la Constitution n’emploie pas le terme de loi référendaire. Mais il prévoit que, sur certains sujets, un projet de loi peut être soumis au référendum, c’est à dire à l’ensemble des électeurs. Adoptées au suffrage universel, les lois référendaires échappent au contrôle de constitutionnalité (décision du Conseil constitutionnel du 6 novembre 1962).

Le texte soumis au référendum doit porter sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la Nation et aux services publics qui y concourent, ou tendre à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.

La décision de recourir au référendum est prise par le chef de l’État, sur proposition du Premier ministre pendant la durée des sessions parlementaires ou sur proposition conjointe des deux assemblées. Dans les faits, le Parlement n’a jamais usé de son pouvoir d’initiative. Quant au Gouvernement, sa proposition n’a été le plus souvent que de pure forme, l’initiative réelle appartenant au Président de la République.

La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a modifié l’article 11 de la Constitution afin d’introduire la référence précitée aux textes portant sur la politique environnementale de la Nation mais aussi pour prévoir une nouvelle voie de recours au référendum. Celui-ci peut désormais être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d’une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an. Si cette proposition n’a pas été examinée au moins une fois par chacune des assemblées dans un délai de six mois à compter de la décision du Conseil constitutionnel déclarant qu’elle a bien reçu le soutien d’au moins un dixième des électeurs, le Président de la République la soumet au référendum.

En marge de la procédure prévue par l’article 89 de la Constitution, le Général de Gaulle a eu recours à la procédure de la loi référendaire pour réviser la Constitution afin d’instituer l’élection du Président de la République au suffrage universel (loi constitutionnelle du 6 novembre 1962). 

IV. –    LE CAS PARTICULIER DES LOIS D’HABILITATION

En application de l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement peut demander au Parlement l’autorisation de prendre par voie d’ordonnances des mesures qui relèvent normalement du domaine de la loi. L’autorisation est accordée par une loi fixant le délai d’habilitation, la finalité et le domaine d’intervention des mesures que le Gouvernement entend prendre.

Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres, après avis du Conseil d’État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais elles deviennent caduques si un projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse. À l’expiration du délai mentionné dans la loi d’habilitation votée par le Parlement, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif.

  

(1) Ce principe a été une nouvelle fois rappelé dans la décision n° 2018-766 DC du 21 juin 2018 rendue sur la loi relative à l’élection des représentants au Parlement européen : « Selon l’article 6 de la Déclaration de 1789 : " La loi est l’expression de la volonté générale... ". Il résulte de cet article comme de l’ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l’objet de la loi que, sous réserve de dispositions particulières prévues par la Constitution, la loi a pour vocation d’énoncer des règles et doit par suite être revêtue d’une portée normative » (par. 4).

(2) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.


Septembre 2023