N° 3364 tome VII - Avis de M. Jean-Paul Anciaux sur le projet de loi de finances pour 2007 (n°3341)



N° 3364

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2006.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2007 (n° 3341)

TOME VII

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

FORMATIONS SUPÉRIEURES ET RECHERCHE UNIVERSITAIRE ; VIE ÉTUDIANTE

Par M. Jean-Paul ANCIAUX,

Député.

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Voir le numéro : 3363 (annexe n° 25).

INTRODUCTION 5

I.- L’EFFORT DE LA NATION EN FAVEUR DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR EST INSUFFISANT MALGRÉ UN PROJET DE BUDGET MÉRITOIRE 7

A. LA DÉPENSE INTÉRIEURE D’ÉDUCATION N’EST PAS FAVORABLE À L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET ENCORE MOINS AUX UNIVERSITÉS 7

1. Le financement des universités françaises n’est pas satisfaisant 7

2. Les sorties sans diplôme sont trop nombreuses et très pénalisantes 9

3. Le nombre d’étudiants à l’université ne progresse plus 11

B. LES ORIENTATIONS GÉNÉRALES DU PROJET DE BUDGET POUR 2007 VONT DANS LA BONNE DIRECTION 11

1. L’exécution du budget 2006 est altérée par la régulation budgétaire 12

2. Le projet de budget place l’enseignement supérieur et la vie étudiante au rang des priorités 13

a) Des emplois supplémentaires et la revalorisation de l’allocation de recherche 13

b) Les crédits de fonctionnement en progression significative 14

c) Un effort soutenu pour l’immobilier universitaire 14

d) Une augmentation sans précédent des crédits du programme « Vie étudiante » 15

II.- AMÉLIORER LES CONDITIONS DE VIE DES ÉTUDIANTS: UN EFFORT QUI DOIT ÊTRE POURSUIVI 17

A. UN SYSTÈME D’AIDES FOISONNANT ET MAL ADAPTÉ À LA GRANDE MASSE DES ÉTUDIANTS 17

1. Le dispositif général est complexe, source d’injustice et peu efficace 17

2. Les bourses sont très concentrées sur les plus démunis 20

a) Les bourses sur critères sociaux 21

b) Les bourses de mérite 24

c) Les bourses sur critères universitaires 24

d) Les allocations d’étude 25

e) Les aides financières à la mobilité 25

2. Les aides au logement 26

a) L’allocation de logement à caractère social (ALS) 26

b) L’allocation personnalisée au logement (APL) 26

3. Le système de prêts est inopérant en France 27

B. LE PROBLÈME DU LOGEMENT ÉTUDIANT EST EN AMÉLIORATION 28

1. Le bilan de la mise en œuvre du plan gouvernemental en faveur du logement étudiant est plutôt positif 28

2. La situation des étudiants étrangers ne progresse pas 29

3. Une bonne idée qui pourrait marcher mieux : Loca-Pass 30

C. VERS UNE VISION PLUS DYNAMIQUE DU FINANCEMENT DES ÉTUDES 32

1. Développer les formations en alternance 33

2. Mettre en œuvre un véritable système de prêts 34

3. Améliorer le fonctionnement du Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) et du réseau des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) 35

a) Renforcer le rôle fédérateur, de conseil et d’encadrement du CNOUS 35

b) Faire de chaque CROUS le guichet unique de toute la vie sociale des étudiants et améliorer le paiement des bourses 36

4. Rendre les étudiants plus responsables de leur santé 37

TRAVAUX DE LA COMMISSION 39

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 43

INTRODUCTION

Le projet de budget pour 2007 est présenté pour la seconde fois en application de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF) qui réorganise le budget de l’État en missions ministérielles ou interministérielles.

La mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » est composée de treize programmes qui recouvrent le périmètre de l’ancien budget civil de recherche et de développement, ainsi que celui de l’enseignement supérieur. Le présent rapport pour avis ne porte que sur les crédits proposés pour les programmes « Formations supérieures et recherche universitaire » et « Vie étudiante ». Les crédits correspondants aux autres programmes de la mission, font l’objet d’un rapport pour avis présenté par M. Jean-Jacques Gaultier.

Les crédits proposés pour le financement des formations supérieures et de la recherche universitaire s’élèvent à 10,66 milliards d’euros soit un peu moins de 50 % des crédits de la mission. Les montants proposés pour la vie étudiante sont de 1,84 milliard d’euros, représentant 10 % des crédits de la mission. À structure constante et hors pensions, les crédits du programme « Formations supérieures et recherche universitaire » devraient progresser de 2,82 % par rapport à 2006 (+ 285 millions d’euros) et ceux du « Vie étudiante » de 4,31 % (+ 75 millions d’euros).

En 2007, 1 000 emplois supplémentaires, dont 450 emplois d’enseignants chercheurs et 550 emplois de personnels non enseignant seront créés.

La première partie du présent rapport pour avis présente les lignes de force de l’ensemble des moyens que le gouvernement propose d’allouer en 2007 à l’enseignement supérieur et au soutien financier des étudiants.

Dans un contexte budgétaire contraint, et ceci depuis plusieurs décennies, ce projet de budget montre que le gouvernement s’efforce de redynamiser l’enseignement supérieur et les universités françaises même si ces dernières restent parmi les moins bien dotées des pays de l’OCDE. Si l’on effectuait le classement des cinq cents meilleures universités du monde selon leur budget, on obtiendrait un résultat comparable à celui effectué par les chercheurs de l’université Jiao Tong de Shangai qui s’appuient sur le nombre de lauréats du prix Nobel en physique, chimie, médecine ou économie, le nombre de chercheurs de haut niveau, le nombre d'articles publiés et la performance universitaire par faculté. L’université demeure le parent pauvre de l’enseignement supérieur français et de l’ensemble du système éducatif national. La dépense publique moyenne par étudiant et par an à l’université est inférieure à celle effectuée pour un collégien, soit 6 700 euros pour le premier et 7 400 euros pour le second. L’étudiant en classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) coûte pour sa part le double à la collectivité (13 700 euros) et le coût d’un étudiant en Institut universitaire de technologie (IUT) s’élève à 9 160 euros.

Une autre caractéristique de notre système d’enseignement supérieur réside dans la forte corrélation entre l’origine sociale des étudiants et la filière choisie. Près d’un tiers des étudiants inscrits dans une formation longue à l’université a des parents cadres supérieurs de la fonction publique ou du privé, ou exerçant une profession libérale. Cette surreprésentation concerne 51,7 % des étudiants de CPGE et 43,9 % dans les disciplines de santé. À l’inverse, les filières technologiques courtes (instituts universitaires de technologie [IUT] et sections de techniciens supérieurs [STS]) recrutent davantage parmi les enfants de techniciens, de salariés et d’employés (31,3 % des inscrits en IUT et 37,7 % en STS).

Ce paysage général de l’enseignement supérieur a conduit le rapporteur pour avis, comme il l’avait fait en 2003 à propos du logement étudiant(1), à s’intéresser particulièrement aux conditions de vie des étudiants et aux aides directes et indirectes que les moins favorisés peuvent percevoir.

Si les droits d’inscription à l’université sont très faibles, on s’apercevra à la lecture de la seconde partie du présent rapport, que les aides financières consenties aux étudiants sont modestes et surtout qu’elles laissent à l’écart une trop large fraction d’entre eux, qui sont nombreux à exercer un emploi régulier, même si le nombre est inférieur à ceux des autres pays européens.

S’agissant des étudiants boursiers, le problème majeur auquel tous les acteurs s’efforcent d’apporter des réponses, concerne les retards des versements et tout particulièrement du premier versement de rentrée, période d’installation où les étudiants ont à faire face à des dépenses importantes.

En toile de fond un problème essentiel, qu’il faudra résoudre, est posé concernant le mécanisme des aides: faut-il continuer à privilégier l’aide aux familles des étudiants et à fixer l’éligibilité aux aides en fonction du niveau de revenu de ces familles ou faut-il inverser cette tendance en regardant le financement de la vie étudiante comme un investissement public ?

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

Le rapporteur a demandé que les réponses lui parviennent le 15 septembre 2006. À cette date, 30 % des réponses lui étaient parvenues. À la date butoir ce pourcentage était de 72 %.

La dépense intérieure d’éducation (DIE) représente la somme des dépenses effectuées en métropole et dans les DOM par différents financeurs pour tous les niveaux d’éducation. L’État, les collectivités territoriales, les chambres consulaires, les entreprises (notamment par la taxe d’apprentissage), les ménages (frais d’inscription, achats de biens et services) et l’Union européenne concourent à cette dépense qui s’est élevée en 2004 à 116,3 milliards d’euros.

La dépense d’éducation en faveur de l’enseignement supérieur concerne l’ensemble des établissements de l’enseignement supérieur, publics ou privés. Ainsi sont recensées les dépenses des instituts universitaires de technologies (IUT), des sections de techniciens supérieurs (STS), des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), des universités, des écoles d’ingénieurs, de commerce mais aussi des autres établissements d’enseignement supérieur relevant des autres ministères.

La collectivité nationale a consacré, en 2004, 19,7 milliards d’euros à l’enseignement supérieur, soit 1,2 % du PIB. En prix constants, cette dépense a augmenté de 0,8 % par rapport à 2003.

Le tableau suivant retrace l’évolution de la dépense d’éducation pour l’enseignement supérieur de 1980 à 2004, ainsi que l’évolution de la part de la dépense pour l’enseignement supérieur dans le total de la dépense d’éducation qui est passé de 14,6 % à 16,9 %.

Dépense d’éducation pour l’enseignement supérieur

(en milliards d’euros)

 

1980

1985

1995

2003

2004

Dépense intérieure d’éducation pour le supérieur (DIE)

         

Aux prix courants

4,2

8,0

15,4

19,3

19,7

Aux prix de 2004

9,2

11,5

17,3

19,6

19,7

Part du supérieur dans la DIE totale (supérieur + scolaire) en %

14,6 %

15,7 %

16,9 %

17,0 %

16,9 %

Dépense moyenne par étudiant

6 720

7 270

7 710

8 700

8 630

DIE totale / PIB

6,4 %

6,7 %

7,6 %

7,2 %

7,1 %

Si, sur l’ensemble de la période, la DIE au profit du supérieur a été multipliée par 2,1, compte tenu d’un quasi-doublement des effectifs, la dépense moyenne par étudiant a augmenté elle de 28 %. Dans le même temps, la dépense moyenne par élève, tous niveaux scolaires confondus, augmentait de 71 %.

La dépense d’éducation pour l’enseignement supérieur comprend l’ensemble des dépenses pour les établissements publics et privés de la métropole pour l’enseignement et les activités liées (œuvres universitaires, administration, fournitures, bibliothèques universitaires…). Elle ne comprend pas les activités de recherche des universités mais elle intègre l’ensemble des salaires des enseignants-chercheurs.

Le tableau ci-dessous fait apparaître la répartition des financements entre les différents contributeurs en 2004.

Répartition du financement de la dépense pour l’enseignement supérieur

(en millions d’euros)

Financeurs DIE pour l’enseignement supérieur

2004

2004 (en %)

Ministère de l’éducation nationale

12 772

64,8 %

Autres ministères

1 883

9,6 %

Collectivités territoriales

1 156

5,9 %

Autres administrations et Union européenne

261

1,3 %

Entreprises

1 268

6,4 %

Ménages

2 357

12,0 %

TOTAL

19 697

100,0 %

La part de l’État est prépondérante (près de 75 %). Certaines aides directes ou indirectes, financées par l’État et bénéficiant aux étudiants ou à leur famille, n’apparaissent pas dans la DIE pour l’éducation supérieure car elles sont soit d’ordre fiscal (majoration du quotient familial), soit non directement liées au statut d’étudiant (allocation logement social). Leur prise en compte (hors versements des régimes sociaux) porterait le coût moyen d’un étudiant, pour la nation, de 8 630 à 9 700 euros.

Avec 12 %, les ménages sont les plus importants contributeurs après l’État pour 64,8 % de la dépense totale devant les entreprises qui contribuent à hauteur de 6,4 %.

L’évolution de la dépense moyenne par étudiant (aux prix de 2004), ventilée entre STS, CPGE, universités, IUT sur une période de cinq ans, figure dans le tableau ci-après.

Dépense moyenne par étudiant par an en fonction de la filière choisie

(en euros)

 

Dépense moyenne pour un étudiant

STS

CPGE

Université

IUT

2000

8 660

12 130

13 850

7 110

9 400

2001

8 630

12 200

13 810

6 930

9 150

2002

8 880

12 230

14 050

7 040

9 120

2003

8 700

12 220

13 830

6 850

9 150

2004 (*)

8 630

12 300

13 760

6 700

9 160

(*) dernière année disponible

Environ 11 % d’une classe d’âge a étudié dans l’enseignement supérieur sans y obtenir de diplôme. Ces jeunes qui n’ont pas réussi à obtenir un diplôme représentent environ 20 % des sortants de l’enseignement supérieur.

L’échec à l’université se produit généralement dès la première année après le baccalauréat et, pour une large part, il résulte d’une mauvaise orientation.

A titre d’exemple, s’agissant de bacheliers professionnels, la poursuite d’études varie selon les spécialités. Quelques spécialités favorisent l’accès en BTS, d’autres voient les portes se fermer. La sélectivité de l’accès à la formation dans les formations supérieures courtes élimine d’emblée les bacheliers professionnels dans les IUT, et limite leur entrée dans les STS. Cette forte sélection dans l’accès aux BTS et aux DUT incite les bacheliers professionnels qui souhaitent poursuivre leur cursus de formation dans l’enseignement supérieur à se retourner vers l’université, ce qui n’est pas la meilleure solution eu égard à leur cursus antérieur.

Il convient de saluer à ce sujet l’initiative de M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche, qui a donné des instructions aux recteurs afin que les 16 000 places qui restaient disponibles au moment de la rentrée dans les filières professionnalisantes de DUT et de BTS soient effectivement pourvues, notamment au bénéfice des bacheliers professionnels et technologiques. Il dénonçait de cette façon « un comportement malthusien de certains directeurs » qui limitent volontairement les effectifs de leur département.

Globalement, 47,0 % des étudiants entrés en 2004-2005 en première année de l’enseignement supérieur universitaire (IUT et formations universitaires d’ingénieurs inclus) sont passés en deuxième année ; 27,8 % ont redoublé leur première année et 25,2 % sont sortis du système universitaire : sortie définitive, temporaire ou orientation vers des filières supérieures non universitaires (STS, formations paramédicales et sociales…).

Le taux de passage le plus élevé dans la même filière se situe en formation d’ingénieur (73,5 %) et en IUT (71,1 %) ; le taux le plus faible est observé en médecine (12,9 %) et en pharmacie (24,2 %) en raison du numerus clausus réglementant le passage en deuxième année.

Le pourcentage total de taux de sortie sans diplôme, soit 25 %, est beaucoup trop élevé et représente un coût humain et financier considérable. Cela est d’autant plus pénalisant que, selon l’étude de l’OCDE « Regards sur l’éducation 2005 », la France fait partie des pays où le taux d’emploi chez les jeunes âgés de 20 à 24 ans dépend le plus fortement de l’obtention d’un diplôme.

Le tableau ci-après retrace le devenir universitaire des entrants dans les différentes filières à l’issue de l’année 2004-2005.

Devenir, un an après, des étudiants (bacheliers toutes séries et non bacheliers)
entrés en première année de l’enseignement supérieur universitaire en 2004-2005

 

Taux de passage

Taux de redoublement

Taux

Ensemble

Nouveaux inscrits

Même filière

Autre filière

Sous-total

Même filière

Autre filière

Sous-total

de sortie

 

2004-2005

Droit - sciences politiques

42,4

0,8

43,2

23,3

8,6

31,9

24,9

100,0

31690

Sciences économiques - gestion (hors AES)

41,3

2,6

43,8

17,4

9,1

26,4

29,8

100,0

17011

AES

31,6

2,9

34,5

16,4

13,2

29,6

35,9

100,0

11686

Lettres - sciences du langage - arts

41,2

5,6

46,8

10,5

8,2

18,7

34,5

100,0

22029

Sciences humaines et sociales

44,3

1,6

45,9

16,1

7,2

23,3

30,8

100,0

44195

Langues

38,9

2,4

41,3

16,4

8,7

25,1

33,6

100,0

29822

Sciences fondamentales et applications

49,8

2,3

52,1

13,6

9,6

23,3

24,7

100,0

28422

Sciences de la vie, santé, terre et univers

46,2

5,1

51,3

14,7

11,9

26,6

22,1

100,0

10366

STAPS

48,3

0,5

48,8

22,1

6,4

28,5

22,7

100,0

11224

Médecine

12,9

1,6

14,6

57,9

10,9

68,7

16,7

100,0

23825

Pharmacie

24,2

0,5

24,7

54,9

8,3

63,2

12,1

100,0

4949

IUT

71,1

0,2

71,3

9,7

4,7

14,4

14,2

100,0

47976

Ingénieurs

73,5

0,9

74,4

5,4

16,2

21,7

3,9

100,0

1824

Toutes filières

45,1

1,9

47,0

19,5

8,3

27,8

25,2

100,0

285019

Champ : France métropolitaine +DOM Source DEPP

Il est donc primordial de mieux informer les étudiants pour leur permettre de trouver la filière qui correspond justement à leur attente. Il ne s’agit pas d’orienter de façon autoritaire les bacheliers vers telle ou telle filière, ni d’interdire à certains de poursuivre des études universitaires. Les étudiants doivent rester libres de leur choix, mais en pleine connaissance de cause et non par défaut.

L’orientation des nouveaux bacheliers doit devenir une des priorités du gouvernement car une bonne orientation est une condition essentielle de leur réussite dans l’enseignement supérieur.

Il faut également que la dénomination des diplômes devienne plus lisible tant pour les étudiants que pour les employeurs grâce à une simplification de l’architecture de l’offre de formation et à un resserrement des mentions et spécialités au sein des différents domaines. On dénombre aujourd’hui dans l’enseignement supérieur plus de 10 000 offres de formation dont beaucoup ne diffèrent que par leur appellation. Comment les bacheliers peuvent-ils trouver leur voie dans ce labyrinthe ?

Il est très important également d’introduire dans tout parcours de licence un module « projet personnel et professionnel » de l’étudiant, ainsi qu’un module de langue vivante et un module d’informatique de façon à favoriser l’insertion professionnelle des diplômés.

Enfin, on ne peut qu’adhérer à la proposition du ministre d'instaurer une pré-inscription à l'université au mois de février pour les « primo-entrants », avant l'inscription définitive en juillet. Cette mesure a pour but d’inciter les universités à s'impliquer dans un rôle de conseil en éclairant en amont les lycéens qui semblent faire le mauvais choix et risquent d’aller à l’échec.

Environ la moitié d’une génération accède à l’enseignement supérieur. À la rentrée 2005, 2 281 241 étudiants étaient inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur dont 1 802 884 dans des formations publiques relevant du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Parmi ces derniers, 1 582 300 étudiants relèvent du programme « Formations supérieures et recherche universitaire », les sections de techniciens supérieurs (150 993 étudiants) et les classes préparatoires aux grandes écoles (62 080 étudiants) étant inscrites dans la mission « enseignement scolaire ».

Toutes les universités (hors formation de santé) se sont adaptées plutôt qu’elles n’ont réellement basculé dans le nouveau système de diplômes européen « LMD » qui devrait concerner l’ensemble des formations supérieures à l’horizon 2010.

Comme chaque année, un dispositif de réserve de précaution a été mis en place par le ministère des finances pour l’exécution du budget 2006 et perdurait encore fin août.

S’agissant du programme « Formations supérieures et recherche universitaire », des crédits à hauteur de 88,10 millions d’euros en autorisation d’engagement et de 97,56 millions d’euros en crédits de paiement ont été gelés. Sur le programme « Vie étudiante » ce gel s’est élevé à 84,76 millions d’euros en autorisation d’engagement et en crédits de paiement. Par ailleurs, dans le cadre du décret d’avance du 27 mars 2006 qui a ouvert des crédits au titre de la lutte contre le virus H5N1 et le chikungunya, 7,15 millions d’euros ont été annulés sur le programme « Formations supérieures ».

En réponse à une question posée par le rapporteur pour avis, le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche indique que le dégel complet des crédits des deux programmes a été demandé, compte tenu des fortes pressions subies notamment sur les dépenses de personnel et les dépenses d’investissement, mais aussi afin de permettre le financement des mesures annoncées en faveur des étudiants (mise en place de l’allocation d’installation étudiante, augmentation du contingent des bourses de mérite, …)

Le maintien d’un gel sur le programme « Vie étudiante », dont la majeure partie des crédits concerne les aides directes aux étudiants, conduirait à retarder encore un peu plus le paiement des bourses, et donc viendrait à contre-courant de l’action entreprise par le gouvernement pour améliorer les conditions de vie des étudiants. Le rapporteur insiste pour que la totalité des moyens inscrits en loi de finances 2006 au titre du programme « Vie étudiante » soit débloquée afin que les bourses puissent être versées aux étudiants bénéficiaires avant la fin de l’année.

Sur l’autre programme, toujours selon les informations obtenues, les tensions qui existent sur les dépenses de personnel et les dépenses d’investissement justifient à eux seuls le dégel des crédits. Plus généralement, le maintien de tout ou partie du gel conduirait directement à diminuer les financements des établissements d’enseignement supérieur.

Les problèmes posés par les mesures de régulation, lesquels réapparaissent chaque année en fin d’exercice, sont notamment liés au décalage entre l’année universitaire et l’exercice budgétaire, alors qu’il est indispensable que les opérateurs du ministère de l’éducation nationale puissent être assurés dès le mois de septembre que l’ensemble des crédits votés en loi de finances sera mis à leur disposition.

L’évolution des programmes « Formations supérieures et recherche universitaire » et « Vie étudiante » devrait permettre de poursuivre le renforcement et la modernisation de l’enseignement supérieur français et de la recherche universitaire puisqu’ils augmentent de 360 millions d’euros par rapport à 2006, à structure constante. Le projet de budget 2007 pour ces programmes s’élève à 12 511 millions d’euros ce qui représente une progression de 5,71 % par rapport à 2006 (11 835 millions d’euros). Ces montants intègrent le transfert des crédits de rémunération des allocataires de recherche en provenance du programme Orientation et pilotage de la recherche (+ 305 millions d’euros). Ces effets corrigés, la progression des crédits des deux programmes s’élève à 360 millions d’euros soit une progression de 3,04 % par rapport à 2006.

En 2007, 1 000 emplois supplémentaires seront créés dont 450 emplois d’enseignants chercheurs et 550 emplois de personnels non enseignants (personnels administratif, technique et de service). Ces emplois nouveaux permettront de soutenir les activités de recherche et favoriseront la professionnalisation des formations. Ils devraient permettre aux établissements d’améliorer l’encadrement pédagogique des étudiants. Par ailleurs des crédits, sont prévus pour le recrutement à la rentrée 2007 de 500 moniteurs supplémentaires (0,69 million d’euros), pour les établissements d’enseignement supérieur, ils s’ajoutent au 500 déjà créés en 2006. Ces moyens ont pour but de faciliter les décharges de service d’enseignement dont bénéficieront les enseignants chercheurs pour leur participation à des projets de recherche et à l’orientation des étudiants. Les allocations de recherche pour les doctorants seront revalorisées de 8 %, à compter du 1er février 2007. Leur montant mensuel passera à cette date de 1 417,38 euros (valeur au 1er juillet 2006) à 1 530,77 euros. À compter du 1er octobre 2007, les allocations de troisième année seront portées à hauteur de 1,5 SMIC ce qui représente un coût budgétaire de 5,90 millions d’euros.

En 2007, l’université française devrait compter 11 988 allocataires de recherche ce qui correspond à une campagne de recrutement de 4 000 thésards. Rappelons que l’obtention d’une allocation de recherche est conditionnée par les notes obtenues en DEA (diplôme d’étude approfondie) et les possibilités d'encadrement du laboratoire d'accueil (sur la base d'une bourse par encadrant).

Par ailleurs une enveloppe de 12,77 millions d’euros est prévue en faveur des personnels de l’enseignement supérieur, afin de poursuivre le plan d’amélioration des carrières contenu dans l’accord salarial conclu avec le ministère de la fonction publique et pour financer diverses mesures statutaires et indemnitaires au titre des engagements pris dans le cadre du pacte pour la recherche (revalorisation de la prime d’encadrement doctorale et de recherche, accélération des carrières…).

Les crédits de fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur progressent globalement de 62,62 millions d’euros (contre une augmentation de 25,43 millions d’euros en loi de finances 2006). Ils devraient ainsi être portés globalement, hors immobilier, à 1 316,68 millions d’euros.

Ces moyens supplémentaires seront répartis au sein des enveloppes de crédits contractualisés (volets enseignement supérieur et recherche) et de la dotation globale de fonctionnement. Ils compensent en outre, à hauteur de 41 millions d’euros, le transfert de certaines charges qui seront désormais assumées directement par les établissements d’enseignement supérieur (cotisations patronales sur les cours complémentaires assurés par les agents non titulaires, versement des allocations de retour à l’emploi des agents non titulaires).

Il convient de noter que les contrats quadriennaux qui lient l’État aux établissements d’enseignement supérieur s’inscrivent désormais dans une logique de performance. Cela implique que soient définis des objectifs stratégiques clairs, affichés par l’établissement, et leur déclinaison en objectifs opérationnels, en actions programmées à moyen terme, avec des indicateurs permettant de mesurer les résultats obtenus au regard des objectifs fixés et de l’ensemble des moyens mobilisés. Cette logique doit être sous tendue par un dialogue État-opérateurs qui veille à la prise en compte des priorités de la politique nationale dans la stratégie de chaque établissement. Enfin dans les prochains contrats, les moyens seront alloués aux établissements en fonction de leur performance au regard des objectifs assignés et de leur situation propre, c’est-à-dire des résultats obtenus au cours de la période précédente tels qu’ils peuvent être évalués.

Pour ce qui est des universités, leurs moyens progresseront à périmètre constant de 21,62 millions d’euros. Il est, notamment, prévu d’accroître de 20 % l’effectif des bénéficiaires des bourses de mobilité versées aux étudiants accomplissant des séjours à l’étranger (+ 3,5 millions d’euros) et d’augmenter de 1 million d’euros les moyens des bibliothèques universitaires.

Les dépenses relatives à l’immobilier bénéficient d’un effort soutenu et devraient permettre de commencer à mettre en œuvre les nouveaux contrats de projets État – Régions (CPER) 2007/2013. À structure constante, l’enveloppe de crédits de paiement progresse de 63 millions d’euros (soit 603 millions d’euros) par rapport à la loi de finances 2006 (540 millions d’euros). Le montant des autorisations d’engagement (AE) ouvertes pour 2007 au titre des prochains CPER s’élève à 143,47 millions d’euros, dans le cadre d’une montée en charge progressive du financement des nouveaux contrats pour lesquels l’engagement global de l’État porte sur 1 890 millions d’euros sur l’ensemble de la période.

En termes de crédits de paiement (CP), le montant prévu est de 229 millions d’euros. Il devrait permettre la poursuite des opérations initiées dans le cadre des CPER 2000–2006 et la couverture des nouvelles opérations, notamment pour la construction de logements étudiants.

L’effort financier pour la mise en sécurité des établissements d’enseignement supérieur, est poursuivi en 2007 : 45 millions d’euros en autorisation d’engagement (contre 43 millions en LFI 2006) et 73 millions d’euros en crédits de paiement sont prévus (soit la reconduction du niveau de financement de 2006). La poursuite du désamiantage et la mise en sécurité du site de Jussieu est également financée à hauteur de 114,59 millions d’euros pour 2007.

Enfin, est prévue une première enveloppe de 1,84 million d’euros en AE et CP pour le fonctionnement de l’Établissement public d’aménagement universitaire (l’EPAU) qui doit voir le jour avant la fin de l’année 2006 et qui aura pour mission d’appuyer l’État et les établissements pour la mise en œuvre de la politique en matière de patrimoine immobilier universitaire.

Le projet de loi de finances prévoit 75 millions d’euros supplémentaires pour l’accompagnement social des étudiants.

Une enveloppe supplémentaire de 41,73 millions d’euros contribuera à améliorer le dispositif d’ensemble des aides directes aux étudiants. Ce dispositif qui sera présenté dans la seconde partie du présent rapport, doit être complété par la mise en place dès cette année, de l’allocation d’installation étudiante (ALINE) pour un coût de 24 millions d’euros. 2,14 millions d’euros sont également prévus pour financer dès 2006 l’augmentation du nombre de bourses de mérite, destinées à soutenir les étudiants particulièrement méritants et de condition modeste dans des études supérieures longues. De plus 6,7 millions d’euros sont prévus pour le financement de l’augmentation de 1,5 % des taux des bourses et des plafonds de ressources à la rentrée 2007.

La réhabilitation des résidences universitaires se poursuit en 2007 avec une dotation de 1,5 million d’euros supplémentaires pour le fonctionnement du réseau du Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) et des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS). Grâce à ces moyens supplémentaires 5 000 chambres devraient être mises aux normes actuelles de confort et d’équipement et 5 000 nouveaux logements seront mis en chantiers.

Une enveloppe supplémentaire de 10,85 millions d’euros est prévue pour la promotion de l’égalité des chances à l’université, dont 7,5 millions pour l’amélioration de l’accompagnement pédagogique des étudiants handicapés au moyen de dispositifs d’accueil et de soutien et de la mise en place d’équipements spécifiques.

Enfin, une somme de 1,19 million d’euros est destinée d’une part à renforcer les actions de tutorat avec la montée en puissance de l’opération 100 000 étudiants pour 100 000 élèves de l’éducation prioritaire et d’autre part à financer l’appel à projets lancé conjointement par les ministres chargés de l’enseignement supérieur et de l’égalité des chances en 2006, intitulé « promouvoir l’égalité des chances à l’université ».

II.- AMÉLIORER LES CONDITIONS DE VIE DES ÉTUDIANTS: UN EFFORT QUI DOIT ÊTRE POURSUIVI

En janvier 1997, M. Bernard Cieutat, conseiller à la Cour des Comptes, a rendu au ministre en charge de l’enseignement supérieur un rapport dressant un état précis de l'effort de la Nation en direction des étudiants. Ce rapport fait état de la complexité du système d’aides sociales mais surtout de son caractère antiredistributif si l’on tient compte de la part importante des aides fiscales pour les familles ayant des enfants étudiants ce qui favorise les hauts revenus.

La situation n’a pas évolué depuis et Laurent Wauquiez dans un récent rapport sur les aides sociales étudiantes (2), élaboré en qualité de député en mission auprès du Gouvernement, constate également que « notre système se caractérise par une relative iniquité, en aidant les deux extrêmes : les plus démunis (par le biais des bourses sur critères sociaux) et les ménages les plus aisés (par le biais des aides fiscales) ».

Pourtant, à l’instar de tous les pays de l’OCDE, la France a vu depuis 1975 le nombre de ses étudiants doubler pour atteindre aujourd’hui le chiffre de 2 268 423, toutes catégories confondues et DOM compris.

Cette explosion démographique de la population étudiante touche principalement les classes moyennes dont les enfants sont de plus en plus nombreux à accéder à l’université ce que le système semble ignorer.

Dans le même ordre d’idée, dans une communication intitulée « Efficacité et équité des systèmes européens d'éducation et de formation », la commission européenne considère que l'accès gratuit à l'enseignement supérieur ne garantit pas nécessairement l'équité. Il n’est pas certain qu'un système d'enseignement supérieur entièrement gratuit est en soi, équitable, dans la mesure, selon la Commission, où les rendements privés sont habituellement élevés pour ceux qui ont bénéficié de l'enseignement supérieur, et que ces gains ne sont pas entièrement compensés dans les systèmes d'imposition progressive. Cela entraînerait un effet de redistribution inverse. Cet effet régressif est particulièrement aigu lorsque les systèmes scolaires accentuent l'influence du milieu socio-économique sur le niveau d'études, poursuit la Commission.

La Commission européenne soulève également dans cette communication, un autre aspect intéressant à propos des coûts cachés des échecs à l’université et des injustices en matière d'éducation et de formation. Aux États-Unis, explique ainsi la Commission, l’abandon des études supérieures par un jeune de 18 ans a, sur toute la durée de sa vie, un coût global estimé à 450 000 dollars (350 000 euros). Ce coût englobe les pertes en matière d'impôt sur le revenu, une demande accrue de soins de santé et d’aide publique, et les dépenses liées à des taux plus élevés de criminalité et de délinquance. Au Royaume-Uni, si 1 % de plus des membres de la population active étaient titulaires d'un diplôme d'études secondaires au lieu de ne posséder aucune qualification, le bénéfice pour le pays s'élèverait à environ 665 millions de livres sterling par an, au travers d'une diminution de la criminalité et d'un accroissement des revenus potentiels, assure également la Commission. Une semblable évaluation mériterait d’être conduite en France, où beaucoup d’échecs et d’abandon des études résultent d’une situation financière trop précaire.

En France, le système des bourses est conçu comme une aide complémentaire à la famille et non pas comme une aide directe aux étudiants. Pourtant ce sont des associations étudiantes qui sont à l’origine, dès l’année 1955, de la création du réseau des œuvres universitaires. Puis, ainsi que l’explique M. Laurent Wauquiez dans le rapport susvisé, l’étatisation progressive de ce réseau l’a progressivement fait évoluer vers un complément à la politique familiale.

Ce schéma ne correspond plus à l’aspiration à l’autonomie, de plus en plus marquée, des nouvelles générations d’étudiants et surtout écarte du bénéfice des aides ceux dont les familles ne sont éligibles à aucun soutien de la part de l’État.

Le tableau ci-dessous illustre assez bien la situation des familles face à l’entretien d’un enfant étudiant en fonction de leur revenu global annuel. Les montants relatifs au gain fiscal lié au rattachement au foyer d’un enfant étudiant et à la demi-part fiscale supplémentaire qui en résulte ont été obtenus au moyen de simulations de calcul d’impôts sur le revenu effectuées sur le site du ministère de l’économie et des finances.

Ce gain fiscal décroît évidemment avec les revenus sans être compensé, pour un grand nombre de familles aux revenus moyens par une bourse, le système ne se rééquilibre qu’à partir des revenus très faiblement imposables. On rappellera que selon les chiffres de l’INSEE, le salaire médian annuel en France s’établit à 17 808 euros et le salaire moyen à 22 836 euros. Le montant et les barèmes d’attribution des bourses d’enseignement supérieur sur critères sociaux sont présentés ci-après dans le présent rapport.

Avantages comparés de l’aide fiscale et de l’attribution d’une bourse
sur critères sociaux selon le revenu familial

En euros

Revenu annuel du couple parental

Gain fiscal lié au rattachement d’un enfant étudiant

Montant annuel d’une bourse d’enseignement supérieur sur critères sociaux

100 000

2 159

0

50 000

1 182

0

30 000

719

0

25 000

348

0

16 010

0

1 335 (échelon 1)

8 490

0

3 607 (échelon 5)

La revendication d’un salaire étudiant exprimée par plusieurs syndicats étudiants reflète cette aspiration à voir déconnecter le financement de la vie étudiante de la situation sociale de la famille. Assortie de diverses conditions (la réussite au concours) et contraintes dont celle de servir l’État pendant cinq ans, c’est bien la situation dont bénéficient les élèves de plusieurs grandes écoles publiques. C’était également le système des anciennes indemnités de préparation à l’enseignement secondaire (IPES) qui accordait un salaire aux futurs enseignants ayant satisfait aux épreuves d’un prérecrutement. Ainsi que le souligne M. Jean-Marie Rolland, dans son rapport d’information sur l’enseignement des disciplines scientifiques dans le primaire et le secondaire(3), l’Académie des sciences est favorable à la réintroduction, sous une forme aménagée, de ces indemnités dans le but de rendre attractif le métier d’enseignant, notamment pour les étudiants d’origine modeste qui n’osent pas entreprendre d’études longues surtout dans les disciplines scientifiques. Il suggère également, afin d’enrayer la désaffection des étudiants pour les études scientifiques, qu’un système préférentiel de bourses soit attribué aux étudiants qui s’engagent dans les filières universitaires scientifiques et ce dès le premier cycle.

On voit bien se dessiner ainsi une nouvelle philosophie de l’aide sociale aux étudiants beaucoup plus corrélée à leur situation personnelle, à leurs choix d’orientation et à leur réussite universitaire, qu’à la situation de leur famille.

De façon partielle mais réelle, on peut considérer que la création de l’allocation d’installation étudiante (ALINE) qui a été préférée par le gouvernement à une allocation de rentrée universitaire, va dans le sens de cette nouvelle approche des aides. Bien que réservée aux étudiants boursiers et donc conditionnée par les ressources de la famille, cette allocation d’un montant de 300 euros, sera réservée aux étudiants bénéficiaires pour la première fois d’une aide au logement, c'est-à-dire à ceux qui quittent le domicile parental. Actuellement plus de la moitié des étudiants vivent en permanence chez leurs parents ce qui n’est pas le cas dans la majorité des pays voisins.

Le dispositif général des aides sociales étudiantes se caractérise par trois grandes masses budgétaires de montants assez comparables : les bourses (environ 1,7 milliard d’euros), les aides au logement (environ 1,13 milliard d’euros), les aides fiscales (environ 1,3 milliard d’euros).

On dénombre une vingtaine de dispositifs différents, sans compter les aides des collectivités locales mais malgré cela, l’effet de seuil brutal du barème d’attribution des bourses sur critères sociaux prive de toute aide les étudiants des classes moyennes.

De l’avis de tous les acteurs concernés il faudrait, en attendant une refonte générale du système des aides sociales aux étudiants, simplifier l’ensemble, déplafonner les bourses sur critères sociaux et décontingenter les autres.

Pour l’année 2005-2006, le nombre total de bourses, toutes catégories confondues, allouées en métropole et dans les DOM a été de 520 259, dont 496 427 sur critères sociaux.

En 2004, le nombre d’étudiants recevant une aide financière a progressé de 1,0 %) par rapport à l’année précédente mais cette hausse est moindre que lors des années précédentes (+ 2,0 % en 2001 et 2002, + 2,5 % en 2003). La proportion d’étudiants aidés se stabilise autour de 30 %. Depuis 2002, cette proportion progresse modérément (+ 0,5 % point en 3 ans) alors qu’en 1997 et 2001, elle avait augmenté de près de six points avec le plan social étudiant. La faible croissance du nombre d’étudiants aidés s’explique notamment, par la faible évolution des effectifs dans les formations ouvrant droit à une bourse.

Les étudiants en STS ont la plus forte propension à être boursiers (43,1 %) malgré une baisse de 1,0 point en 2004. À l’inverse, les étudiants en CPGE présentent des caractéristiques socio-économiques plus favorables, la proportion de boursiers y est beaucoup plus faible (18,8 %). La proportion d’étudiants aidés à l’université s’élève à 28,2 % : cette part progresse régulièrement dans le temps (+ 0,4 point en 2004, + 7,0 points en dix ans) et plus vite que pour les autres formations (+ 33,0 % en dix ans pour l’université contre + 24,3 % en moyenne). Les étudiants les plus défavorisés optent donc de plus en plus pour des cursus universitaires, ainsi 60 % des boursiers suivent des études à l’université. Le coût global des aides toutes catégories confondues s’élevait à 1,69 milliard d’euros en 2006 et devrait atteindre 1,76 milliard en 2007.

Les étudiants âgés de moins de 26 ans, suivant des études supérieures à plein-temps dans une formation habilitée à recevoir des boursiers par le ministère chargé de l'enseignement supérieur, de nationalité française ou étrangère sous certaines conditions, peuvent faire une demande de bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux entre le 15 janvier et le 30 avril précédant la rentrée universitaire suivante. La demande est examinée en fonction des ressources et des charges de la famille de l’étudiant telles qu’elles figurent dans l’avis fiscal et selon un barème national.

Le barème d’attribution figure dans le tableau suivant, les plafonds de ressources déterminent à la fois l’éligibilité et l’échelon de la bourse qui en détermine le montant. L’échelon « zéro » permet à son bénéficiaire d'être exonéré du paiement des droits d'inscription dans des établissements publics et du paiement de la cotisation sociale étudiante. Les points de charge introduisent dans les calculs certaines situations spécifiques de l’étudiant et de sa famille ainsi que cela ressort du tableau ci-après.

Tous ces éléments constituent un ensemble extrêmement rigide qui peut au centime près ou au kilomètre près pour les points de charge, faire basculer d’un échelon à l’autre ou sortir du champ d’attribution de toute aide.

Points de charge

Plafonds des ressources (en euros)

échelon 0

échelon 1

échelon 2

échelon 3

échelon 4

échelon 5

0

18 900

16 010

12 940

11 430

9 940

8 490

1

21 000

17 790

14 370

12 700

11 050

9 420

2

23 100

19 580

15 810

13 980

12 160

10 350

3

25 200

21 360

17 250

15 240

13 260

11 300

4

27 300

23 130

18 690

16 510

14 360

12 240

5

29 400

24 910

20 120

17 780

15 470

13 170

6

31 500

26 680

21 560

19 050

16 580

14 110

7

33 600

28 450

23 000

20 330

17 690

15 050

8

35 700

30 230

24 430

21 600

18 790

16 000

9

37 800

32 010

25 870

22 870

19 900

16 940

10

39 900

33 790

27 310

24 150

21 000

17 890

11

42 000

35 570

28 740

25 430

22 110

18 830

12

44 100

37 340

30 180

26 700

23 210

19 770

13

46 200

39 130

31 620

27 970

24 320

20 170

14

48 290

40 910

33 060

29 240

25 430

21 650

15

50 390

42 690

34 500

30 520

26 540

22 600

16

52 490

44 470

35 940

31 790

27 650

23 540

17

54 590

46 250

37 380

33 060

28 760

24 490

Points de charge à prendre en considération
pour l’attribution d’une bourse d’enseignement supérieur sur critères sociaux

Les charges de l’étudiant

 

Candidat boursier dont le domicile familial est éloigné de l’établissement d’inscription à la rentrée universitaire :

– de 30 à 249 kilomètres
– de 250 kilomètres et plus

2 points

1 point supplémentaire

Candidat boursier atteint d’une incapacité permanente (non pris en charge à 100  % dans un internat)


2 points

Candidat boursier souffrant d’un handicap physique nécessitant l’aide permanente d’une tierce personne


2 points

Candidat boursier pupille de la nation ou bénéficiaire d’une protection particulière


1 point

Candidat marié dont les ressources du conjoint sont prises en compte

1 point

Pour chaque enfant à charge du candidat

1 point

Les charges de la famille

 

Pour chaque enfant à charge, étudiant dans l’enseignement supérieur, à l’exclusion du candidat boursier


3 points

Pour chaque autre enfant à charge, à l’exclusion du candidat boursier

1 point

Père ou mère élevant seul(e) un ou plusieurs enfants

1 point

Source : ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Conformément au troisième tableau relatif aux montants annuels de ces bourses, on constate qu’à l’exception de l’échelon 5 auquel correspond une bourse annuelle de 3 607 euros, les montants des autres échelons sont très modestes alors qu’ils correspondent à des niveaux de revenus familiaux eux-mêmes très modestes. Une bourse du premier échelon de 1 335 euros par an correspond à un revenu fiscal annuel (sans point de charge) de 16 010 euros soit à peine plus qu’un salaire annuel payé au SMIC pour toute la famille. Au-delà de ce niveau de revenu et sans point de charge, aucune bourse sous condition de ressources ne peut être allouée.

Ces barèmes d’attributions associés au calcul des points de charge entraînent des effets de seuil extrêmement rigides. Pour quelques kilomètres de différence ou quelques centaines d’euros de revenus supplémentaires, un étudiant peut perdre sa bourse et les avantages qui y sont associés ou la voir diminuer de près de la moitié s’il passe par exemple du 2è au 1er échelon. Il faut ajouter à cela qu’un étudiant dont la bourse est trop faible et qui est amené à effectuer un travail pour compléter ses revenus risque de voir le taux de sa bourse encore diminué l’année suivante puisque ses salaires seront intégrés dans le plafond de ressources de la famille.

Taux applicables en 2005-2006

(en euros)

Bourses sur critères sociaux

Taux annuel

échelon 0

0

1er échelon

1 335

2è échelon

2 012

3è échelon

2 578

4è échelon

3 143

5ème échelon

3 607

Source : Ministère de l’Education nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

En 2005-2006, 40 % des étudiants boursiers ont une bourse de cinquième échelon, 19 % une bourse de premier échelon et 9 % des étudiants boursiers bénéficient uniquement de l’exonération des droits d’inscription et de sécurité sociale (échelon zéro). Les trois autres échelons sont répartis également entre les 30 % d’étudiants restant.

Au titre du transport, les étudiants boursiers des académies de Créteil, Paris et Versailles perçoivent un complément de bourse, d’un montant annuel de 153 euros.

Les étudiants boursiers, originaires des départements d'outre-mer et qui font leurs études en métropole bénéficient de la prise en charge de leur frais de voyage au début et à la fin de leurs études. Les étudiants boursiers sur critères sociaux, originaires des départements d'outre-mer, de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon et qui étudient en métropole, peuvent obtenir le maintien de leur bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux pendant les grandes vacances universitaires. Les étudiants boursiers, dont la famille réside en Guyane et qui suivent leurs études en Guadeloupe ou en Martinique ainsi que les étudiants dont la famille réside en Guadeloupe ou en Martinique et qui suivent des études en Guyane, perçoivent un complément de bourse au taux annuel de 612 euros.

Outre la complexité et la rigidité du système, il faut signaler dès à présent le problème, sur lequel le présent rapport reviendra, des retards de paiement des bourses.

Dans son rapport susvisé, M. Laurent Wauquiez, député, s’insurge contre le fait que le premier versement des bourses intervient au mieux en novembre et parfois en février alors que tous les frais se concentrent sur les premiers jours de la rentrée qui intervient désormais dans de nombreux établissements dès le mois de septembre. Plusieurs syndicats étudiants évaluent à 1 380 euros les dépenses de rentrée auxquelles un étudiant doit faire face en moyenne.

Cette situation doit évoluer et il est regrettable que la nouvelle allocation d’installation étudiante (ALINE) qui a été conçue en partie pour remédier au retard de paiement des bourses ne puisse, elle non plus, être versée avant le prochain mois de novembre.

Les bourses de mérite sont attribuées depuis la rentrée 1998 aux étudiants éligibles à une bourse sur critères sociaux, titulaires du baccalauréat avec mention Très bien et s’engageant à se présenter aux concours d'entrée à l'École nationale d'administration (ENA), à l'École nationale de la magistrature (ENM), à un concours d'entrée dans une grande école scientifique, littéraire ou de sciences humaines ou encore au concours de fin de première année de médecine. Elles sont attribuées pour une année universitaire et peuvent être renouvelées chaque année jusqu'au niveau d'études correspondant au concours ou cursus envisagé.

Ces aides dont le montant annuel de 6 102 euros est plutôt généreux, sont contingentées et chaque académie peut en allouer un nombre limité. Le contingent de ces bourses a été augmenté de 350 à la rentrée 2006 et 1 450 bourses de mérite pourront être allouées en 2007, soit une dépense prévisionnelle de 8,85 millions d’euros.

Ces bourses sont accordées sur proposition des présidents d'université, en fonction de critères universitaires et sociaux et du type de formation suivie. Elles ne bénéficient qu’aux étudiants bien avancés dans leur cursus par exemple ceux qui préparent un diplôme d'études approfondies (DEA) ou un diplôme d'études supérieures spécialisées (DESS) ou sont en troisième ou quatrième semestre d’un master de recherche ou d’un master professionnel.

Certains étudiants préparant une agrégation peuvent également obtenir une bourse sur critère universitaire ou encore ceux qui préparent certains concours externes d'accès à des corps de fonctionnaires de catégorie A, concours d'accès aux écoles du commissariat de l'armée de terre, de l'air ou de la marine ainsi que pour la licence et la maîtrise d'administration publique.

Les taux annuels de ces bourses sont relativement élevés comme l’indique le tableau suivant, mais là encore leur nombre est très limité, le contingent actuel étant de 12 779 bourses.

Bourses sur critères universitaires

Taux annuel

D.E.A., D.E.S.S., 2e année de master

3 895

Préparation de l'agrégation

4 200

Ces aides sont destinées aux étudiants qui rencontrent, durant leur année universitaire, des difficultés particulières (rupture familiale, indépendance familiale avérée, etc.) et qui n’ont pu obtenir une bourse dans le cadre du droit commun ou qui ont repris des études après l'âge limite de 26 ans.

L’allocation peut également être allouée aux étudiants qui s'inscrivent à la préparation à un concours d'agrégation ou ceux inscrits pour la première fois en première année de troisième cycle, non bénéficiaires d’une bourse sur critères universitaires et qui ont précédemment obtenu une aide directe de l’État.

Les décisions d'attribution sont prises dans le cadre d'une commission académique d'allocation d'études, ce qui en l’absence de critères réglementaires d’attribution clairement établis ne donne pas lieu à un traitement harmonisé sur l’ensemble du territoire. Ces aides sont contingentées.

La commission académique d’allocations d’études peut également se prononcer sur des demandes de bourses d’étudiants non bénéficiaires d’une bourse sur critères sociaux dans le cadre réglementaire général mais dont les parents sont en situation de surendettement, de faillite, ou ont à faire face à une baisse de revenu brutale en rapport avec la conjoncture économique, notamment pour les professions agricoles.

À toutes ces aides s’ajoutent celles qui peuvent être proposées par les différentes collectivités territoriales municipalité, département, région.

On s’aperçoit alors que dans le domaine social, qu’il s’agisse des étudiants ou de toutes les autres catégories de population, le système français ne sait pas procéder autrement que par empilement de mesures complexes et parcellaires répondant à des logiques différentes, rendant le tout opaque et l’évaluation de l’efficacité impossible.

Dans le cadre du programme communautaire Erasmus, qui permet à certains étudiants européens d’effectuer une année d’étude dans une université d’un autre pays que le leur, un complément de bourse communautaire (laquelle est de l’ordre de 95 euros par mois) peut être attribué par le ministère de l’éducation nationale pour les étudiants français ainsi que pour les étudiants étrangers en France bénéficiant de ce programme.

Des bourses bilatérales peuvent également être attribuées au niveau de la maîtrise, dans le cadre d’accords avec des universités étrangères.

Des bourses de voyage pour des stages à l’étranger sont également envisageables généralement à hauteur du financement du trajet.

Enfin, les étudiants boursiers sur critères sociaux conservent normalement leur bourse en cas de poursuite d’études dans un pays européen. Ils peuvent en sus obtenir une bourse de mobilité d’un montant mensuel de 389 euros pour un séjour d’étude à l’étranger d’une durée maximale de 9 mois.

Cet ensemble disparate et portant le plus souvent sur des sommes minimes ne correspond pas à une véritable politique d’aide à la mobilité des étudiants vers des universités étrangères et ce avant le niveau doctoral et postdoctoral.

Elle a été créée par la loi du 16 juillet 1971 afin de venir en aide à des catégories de personnes autres que les familles, caractérisées par le niveau modeste de leurs ressources (personnes âgées, handicapés, travailleurs de moins de 25 ans). Depuis 1991, toute personne ayant des ressources modestes et une charge de logement peut prétendre à une aide au logement, quels que soient son âge et sa situation familiale ou professionnelle. L’octroi de cette prestation étant lié aux ressources personnelles du demandeur, ce sont de fait les étudiants qui en ont été les principaux bénéficiaires. Elle est financée par le Fonds national d’aide au logement (FNAL) qui est alimenté par l’État et par une cotisation des employeurs. Elle est calculée en fonction des ressources personnelles du bénéficiaire et du montant du loyer, ce dernier facteur constituant un avantage supplémentaire pour les plus favorisés.

Des prêts d’honneur peuvent être accordés à des étudiants français non boursiers. Sans intérêt, remboursables au plus tard dix ans après la fin des études, ils sont attribués par un comité académique spécialisé, dans la limite des crédits prévus à cet effet et selon la situation sociale du candidat. Pour 2007, le montant des crédits alloués pour ces prêts s’élève à 7 millions d’euros, ce qui devrait permettre de satisfaire 3 200 demandes pour un montant moyen de 2 200 euros. Il est bien évident que dans ces conditions ce système de prêt ne répond nullement à un besoin de financement efficace et rénové de la vie étudiante et cette situation s’explique par des raisons propres au système éducatif français.

Le diplôme universitaire joue de moins en moins un rôle protecteur contre le chômage et la précarité et cet aléa décourage évidemment les jeunes de s’endetter face à un avenir très incertain.

Les analyses produites par le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Céreq) à partir de l’étude du devenir de plusieurs cohortes de jeunes pendant les années qui suivent la fin des études montrent une nette dégradation de l'insertion des jeunes diplômés depuis trois ou quatre ans.

Dans l’enquête « Génération 2001 », le Céreq a interrogé au printemps 2004, un échantillon de 10 000 jeunes sortis de formation initiale en 2001. Il résulte de cette enquête que près d'un jeune sur deux quitte le système éducatif après un passage dans l'enseignement supérieur. Parmi eux, 77 % ont obtenu un diplôme universitaire ou un BTS avant de rechercher un travail. Le taux de chômage des diplômés trois ans après leur sortie se situait aux environ de 8 à 9 % (contre 4 à 7 % selon le niveau de diplôme pour la génération ayant quitté le système éducatif en 1998), celui des non diplômés aux alentours de 18 % (contre 9 % pour la génération sortie en 1998). Entre-temps, beaucoup ont occupé un emploi mais dans des conditions précaires. Selon le Céreq, le premier emploi occupé est dans un cas sur deux seulement un emploi à durée indéterminée. Seuls les diplômés des écoles d'ingénieur ou de quelques filières de troisième cycle obtiennent majoritairement un premier emploi stable.

De surcroît, les déclassements au moment de l'embauche sont fréquents. Toujours selon l’enquête « Génération 2001 », trois ans après la fin de leurs études, 30 % seulement des étudiants issus de deuxième cycle ont un emploi de cadre et 54 % exercent une profession intermédiaire ; 68 % de ceux issus des troisièmes cycles en lettres, sciences humaines ou gestion (y compris écoles de commerce) ont un emploi de cadre.

Dans un rapport remis le 12 février 2006 au ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, sur le thème de l'insertion des jeunes sortis de l'enseignement supérieur (4), M. Henri Proglio, président–directeur général de Véolia Environnement considère que ces données se sont vraisemblablement détériorées ces deux ou trois dernières années.

Dans le rapport sus-visé, le groupe de travail réuni autour de M. Henri Proglio, formule diverses propositions pour remédier à l’inégalité d’accès aux études. Le groupe préconise, notamment, de créer des systèmes d'aides financières spécifiques pour l'accès aux grandes écoles pour les jeunes dont les ressources financières sont insuffisantes. Des fondations, financées sur fonds privés et sur fonds publics, pourraient apporter, dès l'inscription dans les classes préparatoires, et même dès la fin des études secondaires, l'aide dont ces jeunes ont besoin pour avoir une chance de rejoindre ces cursus d'excellence. L'attribution de bourses par ces fondations tiendrait compte des résultats scolaires mais aussi des difficultés financières propres à chaque jeune: faiblesse des revenus de la famille, nécessité de trouver un logement éloigné du domicile familial. Selon ce rapport, un tel dispositif viendrait compléter le système existant de bourses et de prêts et pourrait être financé conjointement par les établissements d'enseignement supérieur concernés et par les pouvoirs publics, notamment les Conseils régionaux.

Ce plan gouvernemental a été basé en très grande partie sur les préconisations du rapport précité de la mission confiée au rapporteur par le Premier ministre en 2003 sur le logement étudiant. Il prévoyait notamment la réhabilitation de 70 000 chambres individuelles dans les résidences universitaires en dix ans et 50 000 constructions nouvelles pendant la même période.

S’agissant de la réhabilitation, le plan gouvernemental prévoit de financer les remises aux normes de confort et d’équipement des chambres en cités universitaires par la mobilisation, d’une part des ressources des CROUS (29 millions d’euros en 2006) auxquels s’ajoutent les 48 millions d’euros apportés par le CNOUS via la subvention pour charges de service public et d’autre part, des crédits inscrits dans le cadre des contrats de plan État Régions (CPER) ; 4 388 chambres ont été réhabilitées en 2005 et 4 600 sur l’exercice 2006. En 2007, 5 000 réhabilitations sont prévues, malgré certaines difficultés liées au fort plan de charges des entreprises de bâtiment et travaux publics (BTP); le coût par chambre rénovée est de 17 000 euros.

Pour les constructions neuves, compte tenu des conditions à réunir (disponibilité du terrain, financement, recherches de maîtres d’ouvrage), un délai de trois ans est en général nécessaire entre la genèse du projet et sa livraison.

À partir de 2007, les mesures annoncées devraient porter leurs fruits et le nombre de logements mis en service devrait être proche des objectifs du plan.

Le tableau et le graphique suivants relatent l’évolution des constructions et des prises en gestion des logements par les CROUS.

Places nouvelles CROUS
(constat 2002, 2003, 2004, 2005, prévisions 2006-2007)

Année

2002

2003

2004

2005

2006

2007

Constructions nouvelles et prises en gestion par le CROUS

700

1 374

1 105

1 913

2 000

5 000

Mises en chantier

     

3 000

6 000

5 000

Source : ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Le nombre d’étudiants étrangers en France a connu un essor considérable ces dernières années. Depuis 1998, il a progressé de 74,4 %. À la rentrée 2005, plus de 265 000 étrangers étudiaient en France métropolitaine et dans les DOM. Néanmoins depuis deux ans, le rythme de croissance diminue (+ 3,7 % en 2005, + 4,6 % en 2004 et + 10,3 % en 2003). Aujourd’hui, la proportion d’étudiants étrangers dans l’enseignement supérieur français atteint 11,6 % contre 7,1 % en 1998.

Cette affluence d’étudiants étrangers pose de gros problème d’accueil par les établissements où ils sont inscrits et surtout de logement car les inscriptions ne sont pas conditionnées par la capacité d’hébergement du lieu choisi par l’étudiant. Ils bénéficient des services des CROUS de la même manière que les étudiants français, et peuvent ainsi bénéficier des restaurants universitaires et des résidences universitaires dans les mêmes conditions. Environ 35 500 étudiants étrangers sont logés dans le parc des CROUS, ce qui représente plus de 25 % de leur capacité d’hébergement. Les responsables des CROUS auditionnés dans le cadre de la préparation du présent rapport, soulignent tous la situation de grande précarité dans laquelle se trouvent de nombreux étudiants étrangers et, notamment à Paris, la saturation totale du parc immobilier géré par le CROUS.

Si la France veut renforcer sa compétitivité sur la scène internationale en matière d’enseignement supérieur, il est impératif d’améliorer la qualité des services offerts aux étudiants étrangers qui souhaitent venir en France, en facilitant leurs démarches administratives et pédagogiques et en les informant longtemps à l’avance sur les conditions d’hébergement offertes.

L’aide Loca-Pass concerne tous les étudiants de moins de trente ans, de toutes nationalités, boursiers (de l’État français), ou stagiaires justifiant d'une convention de stage d'une durée minimale de trois mois, en cours au moment de la demande d'aide, ou salariés à temps partiel ou titulaire d’un contrat à durée déterminée d'une durée minimale de trois mois.

L’aide porte sur l’avance du dépôt de garantie prévu dans le contrat de location (deux mois de loyer maximum) sans intérêt ni frais de dossier. L’étudiant rembourse mensuellement sous forme de prêt sans intérêt. La durée maximale de remboursement est de 36 mois. En cas de départ avant la fin du prêt, l’étudiant rembourse l’organisme prêteur dans les trois mois.

Elle s’applique également à la garantie de paiement du loyer et des charges. L’organisme prêteur s’engage pendant une durée de trois ans, à partir de l’entrée de l’étudiant dans les lieux, à assurer le paiement de son loyer et des charges locatives dans la limite de 18 mois, en cas de difficultés financières. Si la garantie s’applique, elle constitue une avance remboursable par le locataire, sans intérêt sur trois ans maximum.

Ce système, qui a le mérite d’être simple et clair et de dispenser les étudiants des dépenses très élevées attachées à la conclusion d’un bail d’habitation tout en offrant les meilleures garanties aux bailleurs, ne fonctionne pas bien.

Tout d’abord, il ne bénéficie pas à tous les étudiants ce qui est surprenant et en second lieu il semble qu’il n’inspire pas confiance aux bailleurs privés et que même les résidences universitaires négligent d’offrir cette possibilité aux étudiants.

Les CROUS devraient être invités à entreprendre des campagnes d’information et de sensibilisation sur cette formule en direction des bailleurs et aussi des étudiants et les collectivités territoriales devraient pouvoir apporter leur garantie aux étudiants qui ne sont pas éligibles à Loca Pass, notamment les étudiants étrangers.

Le tableau suivant retrace, en détaillant les aides directes, indirectes, les aides fiscales et toutes les formes de soutien financier, les moyens engagés par l’État, pour l’action sociale en faveur des étudiants. En 2005, ces moyens atteignaient un montant total de 4,56 milliards d’euros ce qui est considérable et permettrait d’en attendre plus d’efficacité. Depuis l’année 1995, ces moyens ont progressé en euros constants de 12,4 %.

Nature des aides

1995

2005

2005/1995 en € courants

2005/1995 en€ constants

Aides de l’État

       

Aides budgétaires

       

Aides directes

       

Bourses et prêts

927,7

1332,6

43,6 %

24,1 %

Allocation de logement social (ALS)

672,6

995,7

48,0 %

27,9 %

Aide personnalisée au logement (APL)– part de l’état

187,5

181,4

-3,3 %

-16,4 %

Aide au transport (carte imagine R)

 

11,4

   

Total aides directes

1 787,8

2 521,1

41,0 %

21,8 %

Aides indirectes

       

Œuvres universitaires

253,4

302,3

19,3 %

3,1 %

Aides aux associations et médecine universitaire

12,8

22,6

76,6 %

52,5 %

Compensation de l’exonération des droits d’inscription dont bénéficient les étudiants boursiers

8,4

47,8

469,0 %

391,6 %

Total aides indirectes

274,6

372,7

35,7 %

17,2 %

Total aides budgétaires

2 062,4

2 893,8

40,3 %

21,2 %

Aides fiscales

       

Majoration du quotient familial pour enfants étudiants rattachés au foyer fiscal de leurs parents

942,1

1 075,0

14,1 %

-1,4 %

Réduction d’impôt pour frais de scolarité des enfants poursuivant des études supérieures

125,0

160,0

28,0 %

10,6 %

Total aides fiscales

1 067,1

1 235,0

15,7 %

0,0 %

Total des aides de l’État

3 129,5

4 128,8

31,9 %

14,0 %

Versements des régimes sociaux

       

Contribution des différents régimes au financement des assurances sociales des étudiants

375,1

426,1

13,6 %

-1,9 %

Versements des universités

       

Fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes (FSDIE)

6,1

12,2

100,0 %

72,8 %

Total des autres aides

381,2

438,3

15,0 %

-0,7 %

Total général

3 510,7

4 567,1

30,1 %

12,4 %

Source : Repères et références statistiques (édition 2006)

Le système actuel de financement de la vie étudiante se caractérise par la dispersion des aides directes et indirectes, leur manque de lisibilité et leur forte concentration sur certaines catégories d’étudiants laissant les autres souvent très démunis. Environ 515 000 étudiants reçoivent une aide financière essentiellement sous forme de bourse sur critères sociaux, mais ce chiffre ne comptabilise pas les aides au logement et les aides fiscales à la famille.

Une réflexion mériterait d’être menée afin d’évaluer les possibilités de regroupement de ces aides en une allocation unique d’étude gérée par les seuls CROUS et soumise à des conditions très strictes de réussite aux examens et de situation matérielle. Mais d’autres pistes doivent également être explorées pour rendre le système plus juste, plus efficace et plus propice à l’apprentissage de l’autonomie.

Les formations en alternance au sens large sont régies par deux contrats de travail de type particulier : le contrat d’apprentissage qui relève de la formation initiale et le contrat de professionnalisation qui relève de la formation continue.

La préparation des diplômes de l’enseignement supérieur par la voie de l’apprentissage est relativement récente, puisque c’est la loi du 23 juillet 1987 modifiée par une loi du 20 juillet 1992 qui l’a permise.

L’apprentissage dans l’enseignement supérieur continue de progresser fortement : les effectifs ont été multipliés par près de trois entre 1995 et 2003 en France métropolitaine et dans les DOM. Avec 62 910 jeunes concernés (+ 6,1 % par rapport à 2003), l’apprentissage dans l’enseignement supérieur représente en 2004 (dernière année disponible) 17,1 % de l’ensemble des formations préparées par apprentissage, contre 6,9 % en 1995-96.

Le BTS occupe toujours une place prépondérante puisqu’il regroupe près de la moitié des apprentis du supérieur. Les autres se répartissent entre des diplômes très variés de la licence au DESS et au master professionnel. Les effectifs d’apprentis en licence ont augmenté fortement depuis 2001, avec l’ouverture en 2000 de la licence professionnelle. La préparation au diplôme d’ingénieur par apprentissage, concerne 6 631 jeunes (en croissance de 6,9 % en 2003).

L’apprentissage dans l’enseignement supérieur se caractérise par une très grande disparité géographique. Trois régions accueillent plus de la moitié (51 %) des effectifs d’apprentis du supérieur (Ile-de-France, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte-D’Azur). L’Ile-de-France accueille à elle seule un tiers de l’ensemble des formations du supérieur en apprentissage.

Deux mesures préconisées dans le bilan d’étape rendu, en juin 2006, par la Commission du débat national Université–Emploi pourront contribuer au développement de ce mode de formation. La première porte sur l’expérimentation de l’apprentissage, à la rentrée universitaire 2007-2008, pour les licences générales du domaine du droit, des lettres et des sciences humaines. La seconde vise à encourager et aider les universités qui le souhaitent à créer un centre de formation d’apprentis (CFA) et à favoriser les partenariats avec les CFA existants en accord avec les conseils régionaux qui ont l’initiative de la création de ces centres.

S’agissant des moyens consacrés à l’apprentissage dans l’enseignement supérieur, il convient de préciser que, comme pour la formation continue, les moyens ne sont pas fléchés et ne sont donc pas individualisés au sein de la dotation globale de fonctionnement, ni dans les crédits pédagogiques.

Outre l’avantage financier que représente ce type de formation pour les étudiants, la cote des formations en alternance a beaucoup monté auprès des entreprises. Trop longtemps, les diplômes obtenus en alternance, du diplôme bac + 2 au diplôme d’ingénieur, ont été moins bien cotés que les formations classiques. Un basculement s’est clairement opéré et le vécu professionnel accumulé pendant des études en alternance est bonifié dès l’arrivée sur le marché du travail.

Ainsi que cela a été souligné, il existe une corrélation forte entre les chances d’insertion professionnelle à la sortie de l’université en rapport avec le diplôme obtenu et l’aversion des étudiants pour le risque que représente un emprunt pour financer les études.

Notre système est gravement défaillant dans ce domaine et une meilleure insertion professionnelle contribuera sans aucun doute au développement de ce mode de financement.

Bien qu’il ne soit nullement transposable, il est intéressant d’évoquer le système suédois dont l’un des principaux intérêts est qu’il permet aux étudiants de devenir très vite indépendants vis-à-vis de leurs parents.

En Suède, les étudiants reçoivent une bourse d’État de l’ordre de 1 000 euros par mois dont les deux tiers sous forme de prêt pendant six ans au maximum. La quasi-totalité des 400 000 étudiants suédois en bénéficie. Cette bourse est renouvelée chaque semestre en fonction des résultats aux examens. À la fin des études la partie emprunt doit être remboursée sur une durée qui peut être assez longue. Ce système, évidemment coûteux, contribue néanmoins à rendre les étudiants plus responsables de leur avenir et plus vigilants dans le choix de leur filière et de leur parcours universitaire.

Une réflexion doit s’engager en France sur l’évolution du système actuel qui devrait prendre en compte des critères d’attribution rénovés (études longues, délais de remboursement raccourcis) et qui pourrait conduire à une augmentation du montant et du nombre des prêts.

Le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) et les Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) ont été créés par la loi n° 55-425 du 16 avril 1955 portant réorganisation des services des œuvres sociales en faveur des étudiants. Les missions et l'organisation des œuvres universitaires sont définies par le décret n° 87-155 du 5 mars 1987 modifié tout récemment par le décret 2005-1001 du 22 août 2005.

Ces organismes doivent être de plus en plus associés à toutes les structures de regroupement régional des activités d’enseignement, de recherche et de développement économique tels que les pôles de compétitivité et les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES). Conformément au souhait de plusieurs interlocuteurs du rapporteur, il est également important que les œuvres universitaires soient associées à l’Établissement public d’aménagement universitaire (EPAU) chargé de piloter les politiques menées en faveur du patrimoine immobilier universitaire, qui devrait voir le jour en 2007 ou encore à Campus France, établissement public chargé d’organiser l’accueil des étudiants étrangers.

Le CNOUS n’a pas d’activité de gestion directe au profit des étudiants sauf en matière d’accueil et de prise en charge des boursiers du gouvernement français et des gouvernements étrangers. Il assure une fonction de tête de réseau auprès du ministère, avec lequel il négocie le montant des moyens dévolus aux CROUS et les répartit entre eux. Il a un rôle de conseil juridique et technique vis-à-vis des CROUS dont il suit la gestion notamment en matière de restauration et d’hébergement et un rôle de mutualisation des expériences et de formation des personnels.

En 2006, le budget global du CNOUS s’est élevé à 384 millions d’euros dont 63 millions de subvention de l’État pour ses actions de pilotage. Pour 2007, cette subvention est prévue à hauteur de 64,58 millions afin de tenir compte d’un certain nombre de transferts de charges.

Le nouveau directeur du CNOUS, M. Jean-François Cervel, auditionné par le rapporteur, considère qu’il faut mieux articuler les activités des CROUS et du CNOUS avec celles des établissements d'enseignement supérieur. Selon lui, les questions liées à la vie étudiante ne doivent plus être traitées séparément des questions d’enseignement et de recherche, mais surtout il revendique un véritable pouvoir de contrôle et d’impulsion du CNOUS sur les CROUS en matière de recrutement et de formation des personnels. Les compétences des personnels des CROUS en matière de gestion financière, de technique du bâtiment ou dans le domaine juridique sont le plus souvent insuffisantes et le CNOUS n’a aucun pouvoir sur les recrutements qui se font, à l’exception des directeurs et des directeurs adjoints, par le jeu du mouvement national des agents publics de catégorie A. Les directeurs de CROUS ne peuvent donc pas davantage choisir leurs collaborateurs en fonction de leurs compétences et des besoins spécifiques à chaque CROUS. C’est ainsi que l’on retrouve un jeune attaché d’administration territoriale fraîchement sorti d’un institut régional d’administration (IRA), nommé sur un poste de direction d’un restaurant universitaire auquel il n’est absolument pas préparé.

Selon M. Cervel, au minimum les directeurs d’unités de gestion (restaurants, résidences universitaires) devraient pouvoir être choisis par les directeurs de CROUS.

À la rentrée 2005, 50 % des étudiants avaient reçu leur premier versement de bourse fin octobre et 92 % de ceux qui avaient respecté les délais de dépôt de dossier, fin novembre mais le taux de premier versement est très variable selon les académies. La taille et le nombre d'établissements d'enseignement supérieur dans l'académie ont un impact sur les délais de versement des bourses. Il faut veiller à l'articulation entre la chaîne du paiement des bourses et les chaînes d'inscription dans les universités. Le premier paiement ne peut intervenir que lorsque l'étudiant est effectivement inscrit or, dans certaines universités, cette confirmation d'inscription n'intervient qu'en octobre.

De plus, selon l’association des directeurs de CROUS, depuis trois ans, l’insuffisance de trésorerie amène les CROUS à surseoir à des paiements de bourses en décembre et à les reporter en janvier de l’année suivante. Chaque année, le montant de cette impasse budgétaire augmente, elle était de l’ordre de 90 millions d’euros fin 2005.

Un audit de modernisation a été confié conjointement à l’Inspection générale des finances et à l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche sur la gestion des bourses de l’enseignement supérieur et ses conclusions viennent d’être rendues publiques.

La mission relève des dysfonctionnements tant sur le plan budgétaire et financier qu’organisationnel et juridique et souligne les faiblesses de l’organisation actuelle du circuit de la gestion des bourses qui se caractérise par l’intervention d’un trop grand nombre d’acteurs et une dilution des responsabilités.

Elle recommande donc, afin de clarifier les responsabilités et d’améliorer l’efficacité du dispositif, une nouvelle répartition des compétences par le transfert de la gestion et du paiement des bourses au réseau des œuvres qui en assurerait le traitement complet. Actuellement, les CROUS sont instructeurs du dossier, les recteurs ordonnateurs du paiement et les trésoriers payeurs généraux paient effectivement les bourses. Cet audit préconise également la consolidation du cadre juridique des bourses qui repose actuellement essentiellement sur des circulaires alors qu’il devrait être fondé sur une loi, un décret et une circulaire d’application.

Le rapporteur tient tout d’abord à dénoncer les difficultés de fonctionnement de la carte Vitale étudiant. Certains professionnels de santé (pharmacies et laboratoires d’analyses médicales) refusent la carte Vitale gérée par les mutuelles étudiantes et les étudiants se voient obligés de faire l’avance des frais. Le nombre de cas relevés par les mutuelles étudiantes n’est pas communiqué mais elles ne contestent pas cette difficulté.

Les étudiants âgés de moins de 20 ans pendant toute l'année universitaire, bénéficient de la sécurité sociale de leurs parents salariés. En revanche, de 20 à 28 ans, l'affiliation à la sécurité sociale étudiante est obligatoire, sauf pour les étudiants assurés à titre personnel en qualité de salariés permanents (plus de soixante heures par mois), les ayants droit d'un conjoint (non étudiant) et ceux dont l'un des parents est salarié d'une entreprise appartenant à un régime spécial de la sécurité sociale. Pour bénéficier de ce régime spécifique de protection sociale, l'étudiant verse une cotisation annuelle forfaitaire et indivisible de 189 euros pour l'année 2006-2007, les étudiants boursiers étant exemptés du versement de cette cotisation.

Par ailleurs, les sociétés mutualistes étudiantes proposent des assurances complémentaires-santé variant, selon les garanties offertes, d’environ 7 euros à 28 euros par mois. Selon les mutuelles étudiantes, 18 % des étudiants ne bénéficieraient actuellement d’aucune assurance maladie complémentaire soit deux fois plus que le reste de la population.

Le suivi médical des étudiants et plus généralement l’état sanitaire de cette population qui se caractérise, en raison de son âge notamment, à la fois par une vulnérabilité à certains comportements addictifs et par une certaine indifférence aux problèmes de santé, ne sont pas satisfaisants.

L’article 9 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique a modifié le dernier alinéa de l’article L. 2325-1 du code de la santé publique (article L. 541-1 du code de l’éducation) et prévoit qu’un contrôle médical de prévention est effectué pendant tout le cours de la scolarité obligatoire et seulement proposé au-delà de cet âge limite, la visite médicale qui était obligatoire en début d’études a ainsi été supprimée.

La loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur a prévu la création de services de médecine préventive et de promotion de la santé (SMPPS) et le décret n° 88-520 du 3 mai 1988 impose aux universités soit de créer un SMPPS, soit de s'associer pour créer des services inter-universitaires de médecine préventive. Il existe actuellement 42 services universitaires et 10 services interuniversitaires. Près d’un tiers des universités ne dispose donc pas d’un tel service.

Dans une enquête sur la santé des étudiants effectuée en 2005-2006 et portant sur un panel de 10 000 étudiants, la Mutuelle des étudiants (LMDE) a constaté que faute de structures de soins spécifiques, facilement accessibles et peu coûteuses, les étudiants renoncent aussi longtemps que possible aux soins médicaux, notamment dentaires et optiques. L’enquête révèle également que les phénomènes de stress, d’angoisse, parfois même de véritable détresse psychologique sont le lot de beaucoup d’étudiants et que 15 % d’entre eux ont eu des pensées suicidaires sans pouvoir s’adresser à des professionnels spécialisés.

L’Union nationale des sociétés étudiantes mutualistes régionales (USEM) propose pour sa part la création d’un « chèque santé étudiant », pris en charge par l’État et remis à chaque étudiant lors de sa première rentrée universitaire. Ce chèque, d’un montant forfaitaire à définir, devrait être obligatoirement utilisé à hauteur de 50 % pour financer l’adhésion à une mutuelle complémentaire de base. L’objectif de cette proposition, qui n’est évidemment pas dénuée d’intérêt commercial pour les mutuelles, va dans le bon sens puisqu’il s’agit de responsabiliser les étudiants par rapport à leur santé en les incitant à cotiser personnellement à une assurance complémentaire alors qu’une majorité d’entre eux relève passivement de l’assurance complémentaire des parents.

Une telle contribution de l’État représenterait sans aucun doute une économie à moyen terme pour la collectivité car l’amélioration générale de l’état de santé des étudiants peut contribuer à améliorer sensiblement leur insertion professionnelle.

Par ailleurs, il faut développer au sein des campus ou des pôles universitaires des lieux d'information et de sensibilisation des étudiants aux problèmes sanitaires, tels que les MPU (Médecine préventive sanitaire) ou les BAPU (bureau d'aide psychologique universitaire).

*

En conclusion, on peut dire que notre système d’enseignement supérieur est peu coûteux d’accès mais offre peu de services à la grande masse des étudiants en dehors des cours. Les faibles droits d’inscription à l’université font que cet enseignement est ouvert à tous mais qu’il faut des ressources privées substantielles pour en tirer profit et l’Observatoire de la vie étudiante (OVE) constate que les étudiants contraints d’exercer un emploi régulier à mi-temps ont un taux d’échec supérieur de 40 % à la moyenne.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Paul Anciaux, les crédits pour 2007 des programmes « Formations supérieures et recherche universitaire ; Vie étudiante » de la mission « Recherche et enseignement supérieur », au cours de sa séance du mercredi 25 octobre 2006.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Jean-Marie Geveaux a félicité le rapporteur pour la qualité de son intervention et de ses propositions. Le problème de l’université est aujourd’hui global. Tant qu’une réforme des universités embrassant tous les problèmes ne sera pas mise en œuvre, il sera difficile d’avancer sur un dossier particulier, les moyens financiers des universités étant aujourd’hui trop contraints. On ne peut donc que se féliciter des réflexions en cours, en espérant qu’elles aboutiront à une réforme.

Le taux d’étudiants sortant de l’université sans diplôme est particulièrement inquiétant. Certaines filières sont réellement saturées et on doit avoir le courage de limiter leur accès, car il est absurde de laisser des étudiants y entrer alors qu’ils auront toutes les difficultés du monde à s’insérer professionnellement et même à changer ensuite de voie de formation.

S’agissant des bourses, elles sont effectivement utiles et importantes. Elles sont certes versées trop tardivement, mais les collectivités territoriales qui en octroient ont les mêmes difficultés, du fait de la longueur de traitement de chaque dossier. Le versement des bourses ne se fait donc malheureusement pas toujours dans des délais raisonnables.

Mais le vrai problème de fond concerne les classes moyennes, notamment lorsqu’elles ont deux ou trois enfants dans l’enseignement supérieur. Elles doivent alors faire face à des charges très importantes et sont pourtant peu aidées, puisqu’on ne tient aucun compte du nombre d’enfants dans le supérieur pour l’attribution des bourses d’État. Les collectivités n’ont pas toutes la même politique. Ainsi, dans la Sarthe, le conseil général prend en compte cette situation dans l’octroi des bourses. Le seul critère de revenu est insuffisant pour fonder une politique de bourses efficace.

Les prêts constituent une solution qui n’est pas inintéressante, mais une réforme est nécessaire au niveau national. Aujourd’hui, seules les collectivités ont une politique cohérente. Il conviendrait peut-être d’expérimenter de nouveaux dispositifs.

Quoi qu’il en soit, le gouvernement est dans la bonne voie, même s’il reste beaucoup de travail.

M. Pierre Lasbordes a estimé que le budget de cette année va dans le bon sens. Le principal problème des universités est aujourd’hui l’état désastreux de l’immobilier. Les prochains contrats de projet État/régions (CPER) doivent prendre des mesures pour y remédier. Les régions devraient répondre présentes et accompagner plus fortement l’Etat sur ce dossier.

S’agissant des allocations de recherche, on ne peut que se féliciter des efforts constants du gouvernement depuis 2002, prolongés aujourd’hui par une nette revalorisation. Malgré tout, il convient d’être objectif et de ne pas ignorer la déception des jeunes chercheurs. Certes les revendications des doctorants de troisième année ont été satisfaites puisque leur allocation devrait atteindre la valeur de 1 ,5 Smic, mais il conviendra de veiller au respect des engagements pris lors de la loi de programme du 18 avril 2006 pour la recherche en faveur des doctorants de première et deuxième années.

De nombreux rapports ont mis en avant les carences de l’université française. Il convient aujourd’hui de s’atteler à la réforme.

M. Alain Néri a, en premier lieu, attiré l’attention sur l’état défectueux des bâtiments universitaires et des établissements d’enseignement supérieur. Les propositions de régionalisation des investissements immobiliers risquent d’aggraver profondément les écarts entre les universités. Il faut s’en tenir aux lois de décentralisation de 1982 qui ont clairement réparti les compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État en matière d’enseignement. L’État doit conserver sa compétence pour les universités et il est de sa responsabilité de maintenir les immeubles universitaires en bon état. Une nouvelle étape de décentralisation dans ce domaine pourrait conduire à avoir des universités françaises à vingt-deux vitesses.

En matière de logement étudiant, les crédits sont insuffisants. Il faut tenir compte du délai de trois à quatre années séparant l’ouverture des crédits de la mise à disposition des logements neufs. À côté des mesures en faveur de la construction de logements, il faudrait augmenter les crédits destinés à la rénovation de logements selon, par exemple, le modèle des primes à l’amélioration des logements à usage locatif et occupation sociale (PAPULOS). De même, il faut encourager l’utilisation des logements vides comme le font certains CROUS et les centres info-jeunesse.

Par ailleurs, il est indispensable d’abaisser les droits d’inscription universitaire. Les niveaux actuels des droits génèrent une ségrégation par l’argent et excluent trop d’étudiants d’origine modeste du système universitaire. Parallèlement, les bourses étudiantes doivent être augmentées, et le seuil d’attribution relevé, notamment pour les familles nombreuses.

Faute de moyens suffisants, beaucoup d’étudiants de famille modeste sont obligés de travailler et cela entraîne pour eux un taux d’échec supérieur à la moyenne. L’égalité des chances n’existe pas.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a donné les éléments d’information suivants :

– En matière d’orientation et d’information sur les filières de l’enseignement supérieur, le rapport propose plusieurs pistes d’amélioration. Il faut en fait revoir toute la chaîne de l’orientation très en amont, bien avant la terminale, et les systèmes de pré-orientation envisagés avant le baccalauréat vont dans le bon sens.

– Le système des bourses universitaires écarte les classes moyennes car il est orienté vers les étudiants des milieux les plus défavorisés. Le rapport fait des préconisations mais c’est une remise à plat de l’ensemble qui est nécessaire et pour cela il faudra du temps et du courage.

– La situation des familles ayant plusieurs enfants n’est pas totalement ignorée, au moins au plan fiscal, avec le quotient familial.

– Les étudiants français sont très réservés à l’égard des prêts étudiants pour des raisons culturelles et aussi à cause des incertitudes en matière d’insertion professionnelle.

– Les contrats de plan État-régions prennent en compte les investissements immobiliers universitaires. De nombreuses régions réalisent des investissements importants. Ainsi, la Bourgogne, indépendamment des majorités de son conseil régional, s’est toujours impliquée dans ce dossier qui relève de la liberté des régions dans leurs choix budgétaires. Il ne faut pas craindre les actions des régions et même des communautés urbaines en faveur des universités. Les résultats de ces actions sont contrastés, mais l’exemple de la communauté d’agglomération de Strasbourg montre que la décentralisation peut permettre aux universités de bénéficier d’importants efforts en faveur de leur développement. Il faut laisser aux collectivités locales la possibilité d’intervenir dans le domaine des universités. L’État doit fixer les grandes lignes et corriger les inégalités mais on ne peut pas interdire aux collectivités locales d’investir dans les universités.

– L’effort budgétaire en faveur de la recherche universitaire est réel mais il peut toujours être jugé insuffisant.

– Les résultats dans le domaine du logement des étudiants sont fonction de l’implication des directeurs de CROUS, des présidents d’université et des recteurs. Il faut également rappeler que les étudiants étrangers pèsent sur ce dossier dans la mesure où la présence d’un étudiant étranger exige de prévoir un logement. Le rythme de 7 000 rénovations de logements chaque année et de 5 000 logements en construction est atteint, mais le délai de livraison des logements est de deux ans car les entreprises sont surchargées de commandes et préfèrent intervenir dans le secteur privé. À cela s’ajoute, surtout à Paris, la difficulté de trouver des surfaces disponibles à des prix abordables.

– Les droits d’inscription à l’université varient en fonction des cursus mais ils sont en moyenne de 200 euros, auxquels il faut ajouter 189 euros de cotisation au régime étudiant de sécurité sociale. La France est de très loin le pays européen à pratiquer les tarifs les plus bas.

M. Alain Néri a indiqué qu’il était d’accord pour que les départements ou les régions qui veulent s’impliquer par des dotations complémentaires dans la construction d’infrastructures universitaires le fassent. Mais l’exemple du département des Hauts-de-Seine, qui a eu les moyens de créer une université privée, n’est pas transposable.

Le rapporteur a estimé qu’il faut laisser une certaine liberté aux collectivités territoriales dans l’intérêt des étudiants. Il ne faut pas interdire les initiatives locales.

La commission a approuvé les conclusions du rapporteur sur les crédits des programmes « Formations supérieures et recherche universitaire » et « Vie étudiante » et a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

ANNEXE
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(dans l’ordre des auditions)

Ø Union nationale des étudiants de France (UNEF) – Mme Sophie Binet, membre du bureau national, M. Mickaël Zemmour, responsable des affaires sociales, et M. Benjamin Vétélé, vice-président

Ø Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) – M. Jean-François Martins, président, et M. Gilles Le Bar, vice-président

Ø Syndicat national de l’enseignement supérieur (SNESUP) –Mme Michèle Lauton, secrétaire nationale chargée du secteur formation supérieure, et M. François Bouillon, secrétaire national chargé des questions étudiantes

Ø Observatoire national de la vie étudiante (OVE) – M. Guillaume Houzel, président du conseil de l’OVE, et M. Louis Gruel, chargé de mission

Ø Syndicat général de l’éducation nationale - Confédération française démocratique du travail (SGEN-CFDT) – M. Michel Deyme, secrétaire fédéral, Mme Odile Ravaux, secrétaire nationale, et M. Thierry Cadart, secrétaire national

Ø Union nationale des sociétés étudiantes mutualistes régionales (USEM) – M. Édouard Bidou, président, et M. Laurent Michel, délégué général

Ø Conférence des présidents d’université (CPU) – M. Éric Esperet, délégué général, M. Yannick Vallée, premiervice-président, commission de la Recherche, M. Bernard Bosredon, deuxième vice-président, commission des relations extérieures, M. Richard Lioger, troisième vice-président, commission des moyens et personnels

Ø Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) – M. Denis Lambert, directeur du Crous de Lyon et président de l’association des directeurs de Crous, Mme Bernadette Petit, directrice du Crous de Paris et M. Pierre Richter, directeur du Crous de Montpellier

Ø Mme Marie-Christine Bellosta, maître de conférence, auteure de l’étude « De la diplomation à l’emploi »

Ø Union nationale interuniversitaire (UNI) – M. Olivier Vial, délégué national

Ø M. Luc Ferry, ancien ministre, président du Conseil d’analyse de la société (CAS)

Ø La Mutuelle des étudiants (LMDE)  M. Mickaël Delafosse, président, M. Damien Berthilier, vice-président, M. Fabrice Chambon, secrétaire adjoint, Mme Anne Delbonde, administratrice, et Mme Fanélie Carrey-Conte, administratrice déléguée

Ø M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche

Ø Confédération étudiante – M. Jean Bernard et M. Abdoul Baki Youssoufou, membres de la commission exécutive

Ø Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) –M. Jean-François Cervel, directeur

Ø Ministère de l’éducation nationale – M. Jean-Marc Monteil, directeur de l’enseignement supérieur

Ø Promotion et défense des étudiants (PDE) – Mme Nadine Vrignaud, présidente

Ø M. Laurent Wauquiez, député, auteur d’un rapport au Premier ministre sur les aides sociales aux étudiants.

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