N° 3594 - Rapport d'information de MM. Guy Lengagne et Didier Quentin déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne sur le "troisième paquet de sécurité maritime" (documents E 3067, E 3074, E 3080, E 3081, E 3086, E 3091 et E 3092)




N° 3594

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 janvier 2007

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur le « troisième paquet de sécurité maritime »
(documents E 3067, E 3074, E 3080, E 3081, E 3086, E 3091 et E 3092)
,

ET PRÉSENTÉ

par MM.  Guy LENGAGNE et Didier QUENTIN,

Députés.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. François Guillaume, Jean-Claude Lefort, secrétaires ; MM. Alfred Almont, François Calvet, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe-Armand Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Axel Poniatowski, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

Résumé du rapport 7

Report summary 9

INTRODUCTION 11

I. LE SOUHAIT DE LA COMMISSION D'INTRODUIRE DE NOUVELLES AVANCEES DANS LA SECURITE MARITIME EN EUROPE 15

A. La situation contrastée de la sécurité maritime en Europe 15

1) Des progrès réels 15

a) La stratégie globale mise en œuvre depuis les paquets Erika 15

b) L'apparition d'un cercle vertueux dans le transport maritime 18

2) Des progrès fragiles 20

a) Le soutien mesuré des Etats membres aux efforts de la Commission 20

b) Les lacunes persistantes de l'ordre juridique international 22

B. L'ambition du troisième paquet : l'introduction de nouvelles avancées dans la sécurité maritime 24

1) La prévention renforcée des accidents et des pollutions 24

a) Les acteurs publics : l'Etat du pavillon et l'Etat du port 25

(1) L'Etat du pavillon 25

(2) Le contrôle par l'Etat du port 27

b) Les organismes agréés 31

c) Le suivi du trafic 33

(1) La désignation par les Etats membres d'une autorité indépendante compétente pour statuer sur l'accueil d'un navire en détresse 35

(2) Le renforcement de la politique en matière d'accueil des navires en détresse 36

(3) L'obligation d'emport du système d'identification automatique des navires (AIS) à bord des navires de pêche 40

2) L'instauration de mécanismes destinés à traiter les suites des accidents 41

a) L'instauration d'un système d'enquête sur les accidents 41

b) Le renforcement du régime de responsabilité des transporteurs et des propriétaires de navires 45

(1) Les entreprises de transport de personnes par mer ou par voie de navigation intérieure 45

(2) La responsabilité civile des propriétaires de navires 47

II. UNE DEMARCHE CONTESTEE 53

A. Des propositions dont les bases juridiques ne seraient pas fondées 53

1) La question de la conformité de certaines propositions de la Commission aux principes de subsidiarité et de proportionnalité 53

a) La communautarisation jugée excessive des compétences des Etats membres 53

(1) La proposition de directive relative aux obligations des Etats du pavillon 54

(2) L'institution d'une autorité compétente et indépendante pour statuer sur l'accueil des navires ayant besoin d'assistance 57

b) Le non-respect du principe de proportionnalité 58

2) Les initiatives de la Commission mettraient en cause l'unité du droit international 58

a) Un empiètement sur les compétences de l'Organisation maritime internationale 58

b) Le risque d'une segmentation du droit maritime international 63

B. Des mesures peu pertinentes au plan économique 67

1) Des mesures dépourvues de tout lien avec la réalité économique 67

a) La preuve de la nécessité des réformes proposées n'est pas rapportée 67

b) Des mesures aux effets dommageables 74

(1) Des difficultés accrues pour les assureurs 74

(2) La crainte d'un affaiblissement du dynamisme économique des professionnels des Etats membres 75

2) Des mesures pouvant comporter des effets pervers 77

a) Le débat sur l'efficacité du renforcement du régime de responsabilité des armateurs 77

b) Les doutes quant à une protection accrue des victimes 79

C. L'insuffisante prise en compte du facteur humain dans le paquet de sécurité maritime 81

1) Une place trop limitée dans les propositions de la Commission 81

2) Une lacune paradoxale devant l'importance des enjeux 82

a) Un déficit réel de recrutement 82

b) La question cruciale de la formation des équipages 83

c) La taille des équipages : un problème de plus en plus délicat 85

III. SOUTENIR LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION SOUS RESERVE DE CERTAINS CORRECTIFS 87

A. Respecter la logique du paquet 87

1) L'idée de paquet repose sur une vision cohérente de la sécurité maritime 87

2) La logique du paquet s'inscrit dans l'objectif d'un espace maritime communautaire 88

B. Poursuivre le renforcement des contrôles 88

1) Une condition indispensable : l'accomplissement de leurs obligations par les Etats du pavillon 89

2) L'extension nécessaire des autres contrôles 90

a) Le contrôle par l'Etat du port 90

b) La nécessité d'encadrer étroitement les activités des organismes agréés 93

c) L'opportunité de réajuster le dispositif relatif aux procédures de refuge 95

C. S'orienter vers l'instauration d'un régime de réparation des dommages efficace et équitable 98

1) Prévoir des mécanismes transparents et complets d'enquêtes sur les accidents 98

2) Revoir le cadre applicable à la responsabilité des entreprises de transport maritime et fluvial de passagers 98

3) Moderniser le régime de responsabilité des opérateurs 100

a) Les propositions de la Commission vont dans le bon sens 100

b) La nécessité d'introduire des dispositions complémentaires 101

(1) Les modifications susceptibles d'être apportées dans l'immédiat à la proposition de directive 101

(2) L'urgence à ouvrir certains autres chantiers 104

(a) La réforme du régime de responsabilité en cas de pollution par les hydrocarbures 104

(b) La consécration du dommage écologique 105

D. Promouvoir des actions de coopération pour faire face aux problèmes posés en matière d'emploi maritime 106

TRAVAUX DE LA DELEGATION 109

PROPOSITION DE RESOLUTION 113

ANNEXE : Liste des personnes entendues par les rapporteurs 119

Résumé du rapport

Au mois de novembre 2005, la Commission européenne a présenté un ensemble de sept propositions, encore appelé troisième paquet de sécurité maritime.

A la différence des mesures qui ont été prises depuis le paquet Erika I (21 mars 2000), celles du troisième paquet interviennent dans un contexte marqué par une nette amélioration du niveau de la sécurité maritime, qu'illustrent - entre autres - l'absence de catastrophe majeure depuis celle du Prestige, au mois de novembre 2002 et la baisse des déclarations de sinistres auprès des assureurs.

En second lieu, le troisième paquet ne se borne pas à renforcer les dispositifs existants et à prévenir la pollution. Il a pour ambition de doter l'Europe d'une véritable politique commune de sécurité maritime, qui lui permette à la fois de se protéger contre les dommages susceptibles d'être causés par les navires non conformes aux normes européennes et de poursuivre l'objectif
- annoncé par la Commission européenne dans le Livre vert sur la politique maritime - de parvenir à la création d'un espace maritime communautaire, notion qui apparaît encore aujourd'hui, comme une idée neuve. Dans cet esprit, le troisième paquet comporte, en particulier, deux propositions phares - qui sont également les textes les plus sensibles - relatives au respect des obligations de l'Etat du pavillon et à la responsabilité civile des propriétaires de navires.

Si les propositions de la Commission constituent incontestablement une avancée supplémentaire de la politique commune de sécurité maritime, elles suscitent toutefois des débats analogues à ceux que des réformes novatrices présentées dans le passé par la Commission ont également soulevés. En effet, une majorité d'Etats membres, ainsi que les armateurs et les assureurs émettent des objections fondées sur le non-respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité, les atteintes à l'unité du droit international, les risques de pénaliser la compétitivité des flottes européennes.

Or, ces critiques omettent le fait que les initiatives de la Commission s'inscrivent dans le cadre de la politique commune des transports visée à l'article 70 du Traité instituant la Communauté européenne. D'autre part, en proposant l'incorporation d'un certain nombre de Conventions de l'Organisation maritime internationale (OMI) dans l'ordre juridique communautaire, la Commission peut user des pouvoirs contraignants dont elle dispose dans le contrôle de la transposition des directives, pour inciter les Etats membres à ratifier lesdites conventions. Enfin, les mesures concernant, en particulier, le renforcement de la responsabilité civile des propriétaires de navires, tout en étant inspirées de l'esprit de la législation américaine, apparaissent moins drastiques que l'Oil Pollution Act de 1990.

Dans ce contexte, les rapporteurs, MM. Guy LENGAGNE et Didier QUENTIN, à la différence du Conseil, mais à l'exemple de la commission des transports du Parlement européen, ont souhaité - sous réserve d'un certain nombre de correctifs - l'adoption rapide - et dans sa globalité - du troisième paquet, solution préférable à celle qui consisterait à devoir légiférer sous l'empire d'une pollution majeure.

Report summary

In November 2005, the European Commission presented a set of seven proposals, still called the third maritime safety package.

Unlike the measures which have been adopted since the Erika I package (21 March 2000), those of the third package are intervening in a context marked by a clear improvement in the level of maritime safety, as illustrated - inter alia - by the absence of any major disaster since that of the Prestige in November 2002 and the decline in claims statements sent to insurers.

Secondly, the third package is not limited to strengthening the existing provisions and preventing pollution. It is aimed at providing Europe with a genuine common maritime safety policy allowing it to protect itself against damage likely to be caused by sub-standard ships breaching Community standards and also enabling it to pursue the goal - announced by the European Commission in the Green Paper on Maritime Policy - of managing to create a Community maritime area, a notion which still today seems a new idea. With this in mind, the third package includes, in particular, two key proposals - which are also the most sensitive texts - on effective flag State implementation of obligations and the civil liability of ship owners.

While the Commission proposals undeniably constitute an additional advance in the common maritime safety policy, they are however giving rise to debates similar to those also caused by innovative reforms presented in the past. In effect, a majority of the Member States, as well as ship operators and insurers, are expressing objections based on non-compliance with the principles of subsidiarity and proportionality, infringements of the unity of international law, and risks of penalising the competitiveness of European fleets.

However, these criticisms omit the fact that the Commission's initiatives fit into the framework of the common transport policy addressed in Article 70 of the Treaty establishing the European Community. Also, by proposing the incorporation of a certain number of International Maritime Organisation (IMO) conventions in the Community legal order, the Commission can use the binding powers available to it in monitoring the transposition of directives, to encourage Member States to ratify said conventions. Lastly, the measures concerning, in particular, the stepping up of the civil liability of ship owners, while being inspired by the spirit of the American legislation, appear less drastic than the 1990 Oil Pollution Act.

In this context, the rapporteurs, Messrs. Guy LENGAGNE and Didier QUENTIN, unlike the Council, but following the example of the European Parliament Transport Committee, expressed their desire - subject to a certain number of corrections - for the rapid adoption - and in its totality - of the third package, a solution preferable to that consisting in having to legislate urgently in the context of a major pollution disaster.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

A l'évidence, il y a lieu de se féliciter de la présentation par la Commission européenne - en novembre 2005 - des sept propositions qui nous sont soumises, ensemble encore communément appelé « troisième paquet de sécurité maritime ».

Tout d'abord, ce train de mesures montre de nouveau l'importance du rôle irremplaçable que joue l'Europe dans le domaine de la sécurité maritime, mais qui, comme les rapporteurs l'ont déjà relevé(1) et rappelé à leurs différents interlocuteurs, est malheureusement et injustement méconnu, y compris au sommet de certains Etats membres. Or, l'entretien que nous avons eu avec M. Willem de Ruyter, directeur de l'Agence européenne pour la sécurité maritime lors de notre déplacement à Lisbonne, nous a permis de prendre concrètement la mesure des possibilités très fructueuses offertes par la mutualisation des moyens pour assurer en Europe un niveau élevé de sécurité maritime.

Un second motif de satisfaction tient à ce que, à la différence des paquets Erika I et Erika II, puis des mesures qui ont été prises à la suite du naufrage du Prestige, ce paquet est présenté non sous l'empire de l'urgence mais dans un climat plutôt serein, marqué par une nette amélioration du niveau de sécurité maritime, qu'illustre l'absence de pollution majeure depuis quatre ans.

Outre qu'elles interviennent dans ce contexte favorable, les propositions de la Commission se distinguent surtout par l'ambition de « sanctuariser »(2) davantage les eaux européennes et de les protéger contre les navires inférieurs aux normes.

Car ces mesures ne se limitent pas simplement à compléter et à renforcer l'efficacité des dispositifs déjà existants. Allant au-delà de la prévention de la pollution, la Commission souhaite obliger les acteurs majeurs du transport maritime - Etats et professionnels - à assumer pleinement leurs responsabilités.

Tel est l'esprit de la plupart des textes de ce paquet, mais plus particulièrement de deux d'entre eux - qui sont aussi les plus sensibles. Le premier vise à renforcer la qualité des pavillons européens, en s'assurant que tous les Etats membres contrôlent effectivement le respect des normes internationales par les navires battant leur pavillon et disposent à cette fin d'administrations maritimes opérant selon des critères de qualité uniformes. Quant au second texte, il tend à responsabiliser davantage les propriétaires de navires, en doublant les plafonds de leur responsabilité lorsque, du fait de négligences graves, ils causent des pollutions majeures. Puis, dans un second temps, la Commission visera dans le cadre de l'Organisation maritime internationale (OMI), à faire admettre le principe de la responsabilité illimitée des propriétaires de navire.

Ces deux propositions méritent d'être soutenues sans réserve. Les rapporteurs n'ont cessé, au cours de leurs auditions et déplacements, de souligner la nécessité de responsabiliser les Etats du pavillon, puisqu'ils constituent le premier maillon de la chaîne des responsabilités en matière de sécurité maritime. En octroyant le droit de battre son pavillon, l'Etat accepte d'accorder sa protection au navire, mais s'engage aussi à exercer ses compétences en matière de juridiction et de police ainsi que son pouvoir de contrôle dans les domaines administratif, technique et social.

La réforme du régime de la responsabilité des propriétaires de navires répond aussi à une pressante nécessité, tant comme le montre de façon éclatante l'affaire de l'Erika, entre autres, sont insupportables les injustices auxquelles peut conduire le principe actuel de la limitation de la responsabilité des propriétaires de navire en cas de pollution.

Or, au vu du déroulement actuel des travaux au sein du Conseil, les rapporteurs ne peuvent manquer de faire part de leur déception et de leur crainte.

D'un côté, le Conseil a décidé de ne pas respecter la logique du paquet - contrairement au souhait de la Commission - et de procéder à la discussion séparée des textes. A cet égard, le bilan est plutôt décevant puisque, douze mois après la présentation du paquet par la Commission, seules les propositions relatives au suivi du trafic et au contrôle par l'Etat du port ont fait l'objet d'une orientation générale lors des Conseils « Transports » des 8-9 juin et des 11-12 décembre 2006.

De l'autre côté, il est à craindre que la volonté réformatrice de la Commission ne soit de nouveau entravée par l'hostilité du Conseil à l'encontre des deux textes les plus sensibles évoqués précédemment. Comme c'était déjà le cas antérieurement de certaines propositions novatrices de la Commission, la majorité du Conseil - à l'exception de la France notamment - invoque le non-respect du principe de subsidiarité et l'empiètement sur les compétences de l'Organisation maritime internationale (OMI). Dès lors, l'issue de la discussion de ces deux textes est très incertaine.

En revanche, la commission des transports du Parlement européen a maintenu, jusqu'à présent, la logique du paquet et inscrit ses travaux dans ce cadre.

Les rapporteurs approuvent une telle démarche qui est également la leur. Car ils considèrent que ce troisième paquet doit conserver la cohérence qui l'inspire pour contribuer efficacement à la poursuite de l'objectif d'un espace maritime européen commun annoncé par le Livre vert sur la politique maritime.

Ce sont, d'une part, cette ambition du troisième paquet et, d'autre part, la contestation qu'elle suscite, que les rapporteurs examineront, avant qu'ils n'exposent les grandes lignes de la proposition de résolution qu'ils présenteront en conclusion.

*

* *

Malgré l'embellie qui semble caractériser la situation actuelle de la sécurité maritime en Europe, celle-ci demeure néanmoins contrastée. Les progrès qu'elle enregistre depuis la mise en œuvre des paquets Erika sont réels, mais fragiles.

C'est à cette fragilité persistante que le troisième paquet veut remédier, grâce à des initiatives qui ont pour ambition d'aller au-delà de la seule prévention de la pollution.

1) Des progrès réels

Ces progrès se traduisent par l'apparition d'un cercle vertueux dans le transport maritime, à laquelle a contribué la stratégie globale mise en œuvre depuis les paquets Erika.

a) La stratégie globale mise en œuvre depuis les paquets Erika

On se bornera ici à rappeler, à grands traits(3), l'esprit qui a inspiré la stratégie destinée à combler certaines lacunes révélées par les naufrages de l'Erika et du Prestige.

C'est bien de stratégie dont il faut parler, en raison du large champ d'application des mesures préconisées et du souhait de la Commission de susciter, à travers certaines d'entre elles, un infléchissement de la législation internationale.

¬ Le champ d'application des dispositions prises depuis le paquet Erika I est étendu, englobant les trois piliers sur lesquels repose une politique de sécurité maritime soucieuse d'efficacité, à savoir : la prévention, la réparation et les sanctions.

 S'agissant de la prévention, la Commission a souhaité doter les Etats de moyens de contrôle renforcés sur les navires et les sociétés de classification. Au premier objectif, a répondu la directive 2001/106/CE du 19 décembre 2001 sur le contrôle par l'Etat du port, qui a non seulement prévu une inspection renforcée obligatoire tous les ans des navires à risques à leur entrée dans un port de l'Union européenne, cette entrée devant, par ailleurs, être notifiée au préalable pour organiser l'inspection. Cette même directive a également autorisé l'interdiction d'accès aux ports européens des navires qui auront été immobilisés plus de deux fois au cours des années précédentes et qui figurent sur une liste noire de pavillons.

Quant au contrôle sur les sociétés de classification - dont l'une des principales fonctions est la certification, c'est-à-dire la délivrance au nom des Etats des titres officiels qui attestent la conformité du navire - il a été renforcé et harmonisé par la directive 2001/105/CE du 19 décembre 2001.

Enfin, la Commission a proposé dans le paquet Erika II la création de l'Agence européenne pour la sécurité maritime, chargée de veiller - en application du règlement 1406/2002 du 27 juin 2002 - à la bonne mise en œuvre de la législation en matière de sécurité maritime et de contrôler son application. A cet égard, il y a lieu de relever qu'en un temps très bref, depuis sa mise en place au 1er mai 2003, l'Agence a parfaitement su montrer, par son expertise, qu'elle constituait un instrument irremplaçable de mutualisation de la politique de sécurité maritime en Europe, ce qu'illustre, entre autres, son rôle dans l'élaboration du troisième paquet de sécurité maritime.

 Au titre de la réparation, la Commission a tenté de remédier aux insuffisances du régime international d'indemnisation des victimes de marées noires survenues dans les eaux européennes, en proposant de porter le plafond qui était alors de 200 millions de dollars à un milliard de dollars et de créer à cette fin le fonds COPE.

 Pour ce qui est du volet relatif aux sanctions, la décision-cadre 2005/667/JAI du Conseil du 12 juillet 2005 et la directive 2005/35/CE du 7 septembre 2005 ont instauré un régime de sanctions en cas de pollution causée par les navires. Là encore, ces initiatives résultaient, à l'origine, de la prise de conscience par la Commission des insuffisances de la législation internationale, dont les pays touchés par les naufrages de l'Erika et du Prestige ont souffert.

¬ En ce qui concerne le souhait de la Commission d'un infléchissement de la législation internationale, deux réformes importantes intervenues au sein de l'OMI y ont répondu.

La première est illustrée par l'accélération - à deux reprises - du calendrier du retrait des pétroliers à simple coque. C'est ainsi que l'adoption de propositions dans le cadre du paquet Erika I et à la suite du naufrage du Prestige, a amené l'OMI à s'aligner sur le calendrier préconisé par la Commission. Sur ce point, il n'est pas indifférent de rappeler que la deuxième modification du calendrier a été appliquée de façon anticipée par l'Union européenne le 21 octobre 2003, alors que la décision prise par la Conférence diplomatique de l'OMI qui s'est tenue à Londres du 1er au 5 décembre 2003 n'a pris effet qu'à compter du 5 avril 2005.

Sans contester la portée de l'accélération du calendrier du retrait des pétroliers à simple coque - qui présente l'avantage de contribuer au rajeunissement de la flotte - les rapporteurs n'en ont pas moins souligné, lors de leurs auditions, que les navires à double coques ne constituaient nullement une panacée, en raison notamment des risques d'explosion.

La deuxième réforme a trait au régime international d'indemnisation des victimes de marées noires, à laquelle la Conférence diplomatique de l'OMI a procédé le 16 mai 2003 à Londres. Cette conférence a porté à près d'un milliard de dollars (contre 200 millions de dollars auparavant) le plafond d'indemnisation du Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL). Il y a lieu de noter que le projet de fonds COPE - précédemment évoqué - dont la discussion a été bloquée par le Conseil - a inspiré la réforme intervenue au sein de l'OMI.

b) L'apparition d'un cercle vertueux dans le transport maritime

Certains interlocuteurs des rapporteurs ont douté que les diverses mesures préconisées par la Commission puissent expliquer à elles seules l'absence de catastrophe majeure depuis le naufrage du Prestige ou encore la baisse de la déclaration de sinistres auprès des assureurs depuis 2004.

Il est vrai que les professionnels avaient déjà procédé à des contrôles de qualité avant que la Commission n'élabore les paquets Erika. C'est ainsi que dès la fin des années 70, un certain nombre de compagnies pétrolières avaient commencé à développer un système de contrôles dit vetting, qui s'effectuent au préalable de tout affrètement, contrat de transport ou à l'occasion d'une escale dans un des terminaux de la société concernée. Ces contrôles ont eu tendance à s'intensifier à la suite du naufrage en 1989 de l'Exxon Valdez(4).

D'autres facteurs ont également pu expliquer la place croissante de la sécurité dans les préoccupations des opérateurs. Ainsi, le fait que les porte-conteneurs de la dernière génération - pouvant accueillir plus de 10 000 équivalents vingt pieds (EVP)(5)  - contiennent jusqu'à 13 000 tonnes de fuel pour leur propulsion, conduit les armements à exiger diverses mesures de protection en vue de protéger la cargaison et d'éviter une pollution. Mais, de façon plus générale, les armateurs semblent estimer que la qualité paie sur le long terme et que leurs navires seront revendus d'autant plus facilement lorsqu'ils sortiront de leur flotte.

En outre, à la suite du naufrage de l'Erika, des compagnies pétrolières ont mis en place les « revues de management » qui consistent à recueillir toutes les informations destinées à améliorer la traçabilité des armateurs ou opérateurs de navire : étude de la structure patrimoniale, financière et organisationnelle.

Pour autant, il serait difficile de nier le rôle de catalyseur qu'ont joué la stratégie de la Commission et la sévérité accrue de certaines législations nationales, dont celle de la France.

L'un des effets les plus remarquables de l'extension continue de l'acquis communautaire en matière de sécurité maritime a résidé dans l'amélioration de la qualité des flottes maltaise et chypriote, puisqu'elles sont passées progressivement de la liste noire, à la liste grise, puis à la liste blanche du Mémorandum de Paris(6).

En outre, il importe de relever que, dans le respect par tous
- Etats membres et opérateurs - de cet acquis communautaire, l'Agence européenne pour la sécurité maritime, qui s'est imposée comme le gendarme de la sécurité maritime, a joué un rôle non négligeable.

En tout cas, on notera qu'en ce qui concerne les sociétés de classification, ce pari sur la qualité est illustré par l'accord intervenu le 13 juin 2005 entre les dix plus grandes sociétés de classification du monde regroupées dans l'Association internationale des sociétés de classification (International classification societies - IACS). Aux termes de cet accord - entré en vigueur le 1er avril 2006 - des « règles communes » sont destinées à empêcher toute concurrence entre les membres de l'IACS sur les critères de qualité et à empêcher que la compétition entre les sociétés de classification - et par voie de conséquence, entre les chantiers - ne nuise à la sécurité. Ainsi, comme l'indique le communiqué de presse de l'Institut français de la mer en date du 27 juin 2005 :

« Plus question, par exemple, de rogner ici sur l'épaisseur des tôles, là sur tout autre élément pouvant fragiliser la structure du navire. Certes, la concurrence subsistera, sur la qualité du service, éventuellement sur le prix, mais elle se fera au-dessus de seuils raisonnables de sécurité. »

Enfin, la mise en application du volet environnemental de la loi Perben(7) et la sévérité affichée par le tribunal de grande instance de Brest à l'encontre des capitaines de navires accusés de rejets illicites ont contribué à diminuer de moitié en 2005 par rapport à 2004(8) le nombre d'affaires jugées. Non seulement les amendes supérieures à 100 000 euros ne sont pas exceptionnelles, mais récemment, par un jugement du 5 avril 2006, cette juridiction a prononcé une amende de 800 000 euros, pour rejet d'une longueur de 61 kilomètres sur 100 mètres au large de l'Ile de Sein. Les tribunaux français deviennent donc aussi sévères que les juridictions américaines, réputées pour n'avoir aucune hésitation à prononcer de lourdes amendes.

2) Des progrès fragiles

Cette fragilité tient, d'une part, au soutien mesuré des Etats membres aux efforts de la Commission et, d'autre part, aux effets des lacunes persistantes de l'ordre juridique international.

a) Le soutien mesuré des Etats membres aux efforts de la Commission

Cette attitude des Etats membres peut revêtir diverses formes.

Soit, les Etats membres ont été carrément hostiles aux initiatives de la Commission et les ont bloquées, comme dans le cas du fonds COPE, en s'appuyant sur le fait qu'une telle mesure relevait des compétences de l'OMI et que cette dernière préparait une réforme analogue(9).

Soit, les Etats membres ont affaibli la portée des dispositions préconisées par la Commission, comme le montre le bilan médiocre de la transposition des paquets Erika I et II et qu'atteste l'encadré ci-dessous, qui fait état des procédures d'infractions - pour défaut de transposition ou mauvaise transposition - engagées par la Commission, au mois de décembre 2005 et de décembre 2006.

La Commission européenne a annoncé, le 19 décembre 2005, le lancement ou la poursuite d'une série de procédures d'infraction concernant le secteur des transports maritimes. Neuf Etats membres sont concernés :

- l'Italie : pour n'avoir pas transposé la directive 2003/13/CE sur le niveau minimal de formation des marins (envoi d'un avis motivé) et pour avoir mal transposé la directive 1995/21/CE sur le contrôle par l'Etat du port (avis motivé) ;

- le Royaume-Uni : pour n'avoir transposé ni la directive 2003/13/CE sur le niveau minimal de formation des marins (envoi d'un avis motivé) ni les directives 2003/24/CE et 2003/25/CE sur les prescriptions et normes de sécurité applicable aux navires à passagers (avis motivé) ;

- le Portugal : pour non respect du règlement 3577/92 sur la libre circulation des services maritimes de cabotage (envoi d'un avis motivé), pour non respect de la directive 2000/59/CE sur les installations de réception portuaire pour les déchets d'exploitation des navires (avis motivé) et pour n'avoir pas respecté la compétence externe exclusive de la Communauté européenne en ce qui concerne la mise en œuvre de la politique commune des transports ;

- la Grèce : pour non respect du règlement 3577/92 sur la libre circulation des services maritimes de cabotage (envoi d'un avis motivé), pour non respect de la directive 2000/59/CE sur les installations de réception portuaire pour les déchets d'exploitation des navires (avis motivé) et pour n'avoir pas respecté la compétence externe exclusive de la Communauté européenne en ce qui concerne la mise en œuvre de la politique commune des transports ;

- la Belgique : pour non transposition de la directive 2003/24 établissant des règles et normes de sécurité pour les navires à passagers (envoi d'un avis motivé) ;

- la Slovénie : pour non respect de la directive 2000/59/CE sur les installations de réception portuaires destinées à recueillir les déchets d'exploitation des navires (avis motivé) ;

- la Pologne : pour non respect de la directive 2000/59/CE sur les installations de réception portuaires destinées à recueillir les déchets d'exploitation des navires (avis motivé) ;

- Malte : pour avoir mal transposé la directive 1995/21/CE sur le contrôle par l'Etat du port (envoi d'un avis motivé) ;

- la Lettonie : pour n'avoir pas transposé la directive 2002/84/CE sur la prévention de la pollution par les navires.

Le 12 décembre 2006, la Commission a traduit le Portugal devant la Cour de justice, au motif que cet Etat n'a pas transposé une directive de 2005 relative au niveau minimal de formation des gens de mer. En outre le Portugal se voit reprocher d'avoir transposé de manière incorrecte une directive sur le contrôle des navires par l'Etat du port.


Source :
Communiqué de presse de la Commission européenne.

De même, le Conseil a largement vidé de sa substance la proposition initiale de directive concernant les sanctions, notamment pénales, en cas d'infractions de pollution, en soutenant que seule une décision-cadre pouvait définir le contenu de ces sanctions, une telle question relevant du troisième pilier. On notera toutefois que ce dossier n'est pas clos, la Commission ayant intenté un recours contre la décision-cadre 2005/667/JAI du Conseil du 12 juillet 2005. Dans cette affaire, la Commission se prévaut, en effet, de l'arrêt rendu par la Cour de justice le 13 septembre 2005, par lequel la Cour a fait droit à la requête en annulation de la Commission de la décision-cadre 2003/80 JAI du 27 janvier 2003 relative à la protection de l'environnement par le droit pénal. Dans cet arrêt, la Cour de justice a notamment considéré que les dispositions de droit pénal nécessaires à la mise en œuvre effective du droit communautaire relevaient du premier pilier.

Enfin, les invitations adressées par la Commission aux Etats membres en vue de ratifier des conventions internationales concernant la sécurité maritime sont restées lettre morte. Il en est ainsi de la Convention de 1996 dite HNS (convention de l'OMI sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses) qui n'est toujours ni ratifiée par les Etats membres, à l'exception de Chypre et de la Slovénie, ni entrée en vigueur.

b) Les lacunes persistantes de l'ordre juridique international

L'affaire de l'Erika, entre autres, montre malheureusement que l'Etat du pavillon jouit d'une irresponsabilité illimitée, que confortent certains privilèges en cas de poursuites.

En principe, la responsabilité des Etats en matière de protection et de préservation de l'environnement relève du droit international classique de la responsabilité, comme l'affirme l'article 235 de la Convention sur le droit de la mer :

« Les Etats sont responsables conformément au droit international ».

Or, certains de nos interlocuteurs nous ont fait remarquer que l'Etat français n'avait pas engagé la responsabilité internationale de l'Etat maltais, à la suite du naufrage de l'Erika, pour l'obliger à réparer les conséquences de sa négligence, ni même pour l'encourager à un meilleur respect de ses obligations.

Profitant ainsi des carences volontaires ou involontaires des autres Etats, l'Etat du pavillon peut invoquer l'exception d'immunité qui a pour effet d'empêcher toute action judiciaire à son égard. C'est un principe que la Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 23 novembre 2004, par lequel elle a confirmé l'arrêt de la chambre d'instruction de la Cour d'appel de Paris annulant la mise en examen de l'Autorité maritime de Malte et de son directeur exécutif, qui avaient géré la délivrance du pavillon de l'Etat maltais à l'Erika. La Cour de cassation a ainsi rappelé que :

« ... la coutume internationale s'opposant à la poursuite des Etats devant les juridictions pénales d'un Etat étranger s'étend aux organes et entités qui constituent l'émanation de l'Etat(10) ainsi qu'à leurs agents en raison d'actes qui, comme en l'espèce, relèvent de la souveraineté de l'Etat concerné. »

Pour ces raisons, l'Etat maltais n'a pu être poursuivi, aux côtés de Total et de la société de classification RINA dans le procès sur l'affaire Erika, qui s'ouvrira prochainement.

La responsabilité de l'Etat du pavillon est d'autant plus difficile à engager que l'article 238 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer lui confère la possibilité de suspendre des poursuites en vue de réprimer une infraction aux normes internationales visant à prévenir la pollution par les navires

« ... dès lors que l'Etat du pavillon a lui-même engagé des poursuites du chef de la même infraction ».

C'est sur la base de ces dispositions que la Norvège et l'Etat maltais ont demandé que les procès intentés contre des capitaines de navire battant leur pavillon - soupçonnés de pollution volontaire - aient lieu sur leur territoire plutôt que devant le tribunal de grande instance de Brest. Ce dernier ayant estimé, conformément à l'article 238 de la Convention sur le droit de la mer précité, qu'en l'espèce, il s'agissait d'un « dommage grave causé à l'Etat côtier » il s'est déclaré compétent et a prononcé des amendes qui se sont élevées respectivement à 400 000 euros et à 500 000 euros, contre les capitaines des cargos norvégien et maltais.

Il a été interjeté appel de l'arrêt rendu à l'encontre du capitaine norvégien.

Il convient de relever que l'application de l'article 238 de la Convention sur le droit de la mer peut déboucher sur de réels dénis de justice, puisque dans le cas de l'affaire concernant le capitaine du cargo norvégien, les avocats des parties civiles avaient plaidé que la sanction infligée en Norvège n'était qu'une amende administrative et non pénale, comme c'est le cas en France.

Ces avancées s'articulent autour de deux axes majeurs :

- la prévention renforcée des accidents et des pollutions ;

- le traitement de la suite des accidents.

1) La prévention renforcée des accidents et des pollutions

Cette prévention renforcée devrait, selon la Commission, reposer sur : les acteurs publics, les sociétés de classification - désormais appelées organismes agréés - et le contrôle du suivi du trafic.

a) Les acteurs publics : l'Etat du pavillon et l'Etat du port

(1) L'Etat du pavillon

L'Etat du pavillon est celui dans lequel est immatriculé un navire qui en arbore le pavillon et en a donc la nationalité.

La Commission a parfaitement raison de souligner que les obligations de l'Etat du pavillon demeurent le « chaînon manquant » de la réglementation en matière de sécurité maritime.

En effet, jusqu'à présent, faisait défaut un cadre communautaire permettant une application harmonisée des conventions de l'OMI par les Etats membres. La Commission rappelle à juste titre que l'OMI est dépourvue de tout pouvoir de contrôle de l'application des règles qu'elle édicte.

Or, le septième considérant de la proposition de directive concernant les obligations de l'Etat du pavillon relève que certains Etats membres n'ont pas encore ratifié certaines conventions, dont les plus importantes, la Convention SOLAS (Convention sur la sauvegarde de la vie en mer) et la Convention MARPOL (Convention pour la prévention de la pollution par les navires).

Enfin, on observera que ni les flottes ni les administrations maritimes des Etats membres ne sont parvenues au même niveau de qualité. En ce qui concerne les premières, non seulement certaines flottes figurent toujours sur les listes noire et grise du Mémorandum de Paris(11). Mais, en outre, à la suite de l'élargissement, la moyenne de détention des navires européens s'est sensiblement accrue, passant, selon les indications de la Commission, de 2,5 % à 4,6 %. Quant au niveau des administrations maritimes, la poursuite de l'Etat maltais devant la Cour de justice - rappelée précédemment - par la Commission, justifiée par le fait que ce dernier confie l'inspection du contrôle par l'Etat du port à des personnes dépourvues des qualifications appropriées, confirme l'existence de disparités, d'autant plus préjudiciables qu'elles sont source de distorsions de concurrence.

Pour remédier à ces lacunes, la Commission préconise quatre catégories de mesures :

- l'incorporation dans le droit communautaire des parties 1 et 2 du code de l'Etat du pavillon élaboré par l'OMI. Ce code énumère notamment les diverses conventions internationales que doivent appliquer les Etats du pavillon ;

- l'harmonisation des inspections et des certifications, en vue notamment d'harmoniser les contrôles sur les sociétés de classification ;

- l'audit, à intervalles réguliers, des administrations du pavillon des Etats membres : par cette disposition, la proposition rend obligatoire le système d'audit de l'OMI, qui a été adopté en 2005. L'article 13 de la proposition de directive confère à la Commission la faculté d'y participer en tant qu'observateur.

La Commission rappelle, dans l'exposé des motifs, que le système d'audit de l'OMI ne vise pas à sanctionner les Etats qui ne remplissent pas, ou seulement de façon partielle, leurs obligations en tant que parties contractantes aux conventions de l'OMI, mais à les aider à mieux mettre en œuvre les conventions énumérées par le code de l'Etat du pavillon(12) ;

- l'obligation impartie aux Etats membres d'imposer à leur administration maritime le respect de la norme ISO 9001-2000. Cette norme aurait permis à certains Etats membres(13) qui l'ont appliquée de rationaliser leurs ressources humaines et financières et, par conséquent, d'effectuer des économies budgétaires.

L'ambition de la Commission est, à travers ces dispositions, de favoriser l'apparition d'une flotte européenne de qualité, compétitive et dont toutes les composantes figureraient sur la liste blanche du Mémorandum de Paris.

Cependant, cet objectif, d'autant plus légitime que, du fait de l'élargissement, l'Union européenne a conforté son statut de puissance maritime, ne recueille pas l'adhésion de l'ensemble des Etats membres.

Lors d'une réunion récente du groupe de travail du Conseil, au cours de laquelle la Commission a présenté la proposition de directive, la réaction de la plupart des délégations a été négative. Elles ont estimé que la proposition était dépourvue de valeur ajoutée et qu'elle risquerait d'être coûteuse sur le plan administratif. En outre, plusieurs d'entre elles(14) ont demandé qu'une solution globale soit discutée au sein de l'OMI plutôt que par la voie d'une proposition de directive, qui risquerait de pénaliser les pavillons communautaires et de s'avérer redondante avec les normes de l'OMI et du droit communautaire déjà existantes.

La position de Mme Marta Vicenzi, rapporteure de la commission des transports du Parlement européen, est diamétralement opposée. Ainsi, selon elle, les marées noires successives, dont l'Europe a souffert, montrent que « la protection maritime ne peut être considérée comme adéquate et efficace au niveau national » et que « les conventions de l'OMI ne prévoient aucune sanction ». Elle conclut qu'« une véritable amélioration de l'application (de ces conventions) peut être obtenue avec la communautarisation des règles internationales »(15).

Ces observations sont pleinement partagées par les rapporteurs qui, sans entrer dans l'argumentation qu'ils développeront ultérieurement, ne peuvent qu'exprimer leur surprise devant les réactions de la majorité des délégations. Il leur apparaît que ces dernières ne souhaitent pas tirer les leçons du naufrage de l'Erika, qui montre combien les défaillances de l'Etat du pavillon sont à l'origine de toutes les défaillances subséquentes : celles du contrôle des sociétés de classification et du contrôle par l'Etat du port.

(2) Le contrôle par l'Etat du port

L'Etat du port est celui sur le territoire duquel est implanté le port où le navire fait escale pour embarquer ou débarquer sa cargaison.

Au-delà de la refonte de la législation existante, l'objectif poursuivi par la Commission est de rendre plus dissuasif le régime communautaire, en particulier vis-à-vis des navires présentant les plus grands risques.

Dans cette perspective, de nouvelles dispositions sont introduites, qui ont pour objet principal :

- une meilleure application du régime des contrôles dans les ports et mouillages de l'Union européenne : il s'agit de viser à l'uniformisation du contrôle dans l'ensemble des ports de l'Union. Ainsi, le régime du bannissement sera basé sur les immobilisations intervenues dans tous les ports des Etats membres et pas seulement dans ceux du Mémorandum de Paris. En outre, les inspections seraient rendues possibles au mouillage ;

- un nouveau régime d'inspection (NIR) : le système actuel repose sur le respect du seuil purement quantitatif des 25 % des navires inspectés par Etat membre, qui non seulement permet à de nombreux navires d'échapper au contrôle, mais également conduit parfois à des inspections injustifiées, en particulier de navires - en bon état -, uniquement motivées par l'objectif d'atteindre le seuil de 25 %. L'approche proposée consiste à inspecter tous (100 %) les navires faisant escale dans les ports de l'Union(16). A cette fin, l'annexe II de la proposition précise que chaque Etat membre effectue une quote-part du nombre total d'inspections à réaliser dans la région couverte par le Mémorandum de Paris. Cette quote-part est calculée sur la base du nombre de navires faisant escale dans chaque Etat membre(17).

Ce dispositif est inspiré du souci de la Commission de concentrer les contrôles sur les navires à risques et d'alléger ceux sur les navires de qualité, en tenant compte notamment du fait que le pavillon que battent ces derniers applique le système d'audit volontaire de l'OMI ;

- l'extension du refus d'accès à tous les navires battant des pavillons inscrits sur la liste noire du Mémorandum de Paris. En outre, le bannissement définitif des ports de l'Union européenne est envisagé ;

- la publication d'une liste noire de propriétaires de navires ayant fait l'objet d'immobilisations ou de refus d'accès répétés ;

- l'extension aux pilotes de haute mer de l'obligation de signaler les anomalies.

Les travaux du groupe de travail du Conseil sur cette proposition de directive ont bien avancé, de telle sorte qu'une orientation générale a pu être dégagée lors du Conseil « Transports » du 12 décembre 2006.

La présidence finlandaise a élaboré un compromis qui a été accepté pour l'essentiel, notamment sur les point suivants :

¬ Nouveau régime d'inspection (NIR)

La réunion du Comité du Mémorandum de Paris (MOU) qui s'est tenue à Nantes du 9 au 12 mai 2006 pour discuter notamment du NIR n'a pas abouti à un accord et a décidé de renvoyer son examen à mai 2007.

Sans attendre cette date, le NIR a été incorporé par le Conseil dans le corps du dispositif de la proposition de directive et devrait se substituer à la règle en vigueur du contrôle obligatoire par chaque Etat membre des 25 % de navires entrant dans leurs ports.

Le NIR repose sur les principes suivants :

∙ Il s'agit de répartir les navires en trois catégories : haut risque, risque standard et risque bas, suivant leur âge, leur historique, leur Etat du pavillon et leur compagnie ;

∙ Pour ces navires, une inspection est obligatoire, s'ils n'ont pas été inspectés depuis respectivement plus de 6 mois, 12 mois et 36 mois. Les navires sont éligibles à une inspection s'ils n'ont pas été inspectés respectivement depuis plus de 5 mois, 10 mois et 24 mois.

∙ Les navires de priorité I sont ceux qui sont assujettis à une inspection obligatoire. Ceux de priorité II sont éligibles à une inspection.

Le NIR impartit deux obligations aux Etats membres :

- inspecter tous les navires à haut risque avec un taux d'inspections manquées inférieur à 5 % et la possibilité de ne pas comptabiliser une inspection manquée comme telle dans certains cas particuliers ;

- inspecter les navires à haut risque et à risque standard à hauteur d'une quote-part égale au nombre de navires faisant escale dans les ports de chaque Etat membre divisé par celui de l'ensemble des navires faisant escale dans les ports de l'Union et du MOU.

Comme suite à une demande du Danemark, le Conseil a accepté la proposition de la présidence finlandaise visant à relever le taux d'inspections manquées de 5 à 10 % pour les navires de priorité I qui ne sont pas à haut risque, un certain nombre d'inspections pouvant être manquées le week-end, faute de personnel. Dans le même esprit, la France a demandé et obtenu un délai de 15 jours au lieu de 10 en cas d'inspections reportées.

¬ Champ d'application des inspections

Le champ d'application inclut les inspections effectuées dans un port ou dans un mouillage qui a un lien opérationnel avec un port. Les inspections effectuées aux autres sortes de mouillage sont possibles au titre de la directive, mais ne sont pas obligatoires, ce qui convient à la France. Certains Etats membres sont opposés à des inspections obligatoires pour certaines catégories de mouillage au contraire de la Commission, qui souhaite élargir le champ des inspections obligatoires.

¬ Refus d'accès aux navires battant pavillon inscrits sur la liste grise

La présidence finlandaise a proposé d'interdire d'accès non seulement les navires qui ont été détenus au moins deux fois lors des 36 derniers mois et qui battent un pavillon inscrit sur la liste noire du MOU, mais aussi les navires qui ont été détenus au moins deux fois lors des 24 derniers mois et qui battent un pavillon inscrit sur la liste grise du MOU. Certains Etats membres se sont toutefois opposés à ce que le pavillon soit un critère pour interdire un navire.

b) Les organismes agréés

Sans contester que comme le rappelle l'exposé des motifs, « la nécessité d'un traitement approprié des organismes qui inspectent et délivrent les certificats de navires a constitué une préoccupation constante de législateur communautaire », les rapporteurs observent cependant que plusieurs de leurs interlocuteurs ont soulevé des questions récurrentes ayant trait, d'une part, à l'aptitude des sociétés de classification à prévenir des conflits d'intérêts et, d'autre part, à l'adéquation de leur régime de responsabilité.

Ces interrogations soulignent bien les difficultés que peuvent rencontrer les sociétés de classification - mais aussi les Etats du pavillon - à prouver le bien-fondé et l'efficacité des délégations de fonctions que ces derniers leur accordent.

Quoi qu'il en soit, cette nouvelle réforme du cadre juridique des sociétés de classification - appelées « organismes agréés » dans la proposition de directive, pour tenir compte de l'évolution de leur structure juridique - comporte les principales dispositions suivantes :

¬ Le renforcement des systèmes de contrôle

Les organismes agréés mettront en place une structure commune d'évaluation et de certification de la qualité. Elle devra être indépendante et disposer des moyens nécessaires pour proposer des actions correctrices.

Le Bureau Veritas a critiqué cette disposition, estimant y voir une défiance de la Commission envers l'Agence européenne pour la sécurité maritime qui, aux yeux du Bureau Veritas, serait parfaitement qualifiée pour accomplir une telle tâche, d'autant qu'elle effectue déjà des inspections des sociétés de classification.

¬ La réforme des modalités d'agrément

Il s'agit d'abord de motiver l'agrément communautaire non plus sur la base de la taille de l'organisme concerné mais compte tenu de sa qualité et de sa performance en matière de sécurité et de protection de l'environnement. L'objectif poursuivi consiste à empêcher qu'un organisme agréé, quelle que soit sa taille, intervienne pour le compte d'Etats membres dans des domaines pour lesquels elle ne possède pas les compétences nécessaires, par exemple, la certification des navires spécialisés comme les chimiquiers ou les gaziers.

Le second volet touche à la simplification des conditions d'agrément. Celles-ci imposent, entre autres, l'exigence d'un nombre d'inspecteurs proportionnel à la flotte classifiée(18), ou encore l'encadrement du recours aux inspecteurs non exclusifs, c'est-à-dire ceux dont l'emploi est précaire. La Commission estime que ces inspecteurs, malgré les efforts de formation et de suivi des organismes agréés, ne permettent pas d'assurer de façon fiable l'indépendance et la qualité du travail. Enfin, les organismes agréés devront avoir la personnalité juridique et soumettre leurs comptes à une procédure de certification, indispensable pour vérifier leur indépendance financière.

¬ La réforme du système des sanctions

En vue d'assouplir le système actuel de sanctions, une liste unique d'infractions et de pénalités serait instituée, tandis que la suspension de l'agrément serait remplacée par l'application de sanctions financières. Celles-ci devront être proportionnées à la gravité de l'infraction et à la capacité financière de l'organisme agréé. Le montant de ces sanctions - déterminé, par référence à une disposition applicable dans le droit de la concurrence- ne peut dépasser 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice précédent.

¬ Préciser le champ d'application et faciliter l'application de certaines dispositions de la directive

Il s'agit de permettre aux inspecteurs communautaires d'avoir accès aux navires et aux dossiers des navires quel que soit leur pavillon, la Commission observant pertinemment que la distinction entre navires battant pavillon d'un pays tiers et ceux des Etats membres n'ayant pas lieu d'être puisqu'ils naviguent dans les eaux communautaires.

En second lieu, il importe, devant la diversité considérable des formes juridiques - allant de la fondation à la société anonyme - d'introduire une notion large d'organisme, afin de garantir que l'agrément s'applique aux groupements tant horizontaux que verticaux et de clarifier leur situation au regard du droit communautaire.

Les rapporteurs observeront, à ce stade, qu'il est souhaitable, comme le propose la Commission, de procéder à l'harmonisation toujours plus poussée du régime juridique applicable aux organismes agréés. Pour autant, certains aspects de cette harmonisation, comme le principe de la reconnaissance mutuelle des certificats de classification posé à l'article 20 de la proposition de directive sont contestés par les organismes agréés. Ceux-ci estiment qu'un tel principe ne tient pas compte des disparités existant entre eux quant à la qualité des services qu'ils offrent. C'est pourquoi, le rapporteur de la commission des transports du Parlement européen a proposé d'en encadrer le champ d'application. En revanche, la Commission fait valoir que la reconnaissance mutuelle serait de nature à alléger les charges que supportent les fournisseurs et chantiers du fait de la certification redondante par plusieurs sociétés. En outre, cette reconnaissance mutuelle est déjà prévue par les équipements statutaires dans le cadre de la directive 96/98 sur les équipements marins.

c) Le suivi du trafic

La Commission propose de renforcer le dispositif déjà existant du suivi du trafic.

La directive 2002/59/CE du 27 juin 2002, relative à la mise en place d'un système communautaire de suivi du trafic des navires et d'information, a eu pour objet de mettre en place de nouveaux dispositifs techniques, tels que les systèmes d'identification automatiques de navires (AIS) ou encore d'assurer la cohérence des politiques nationales, en particulier en ce qui concerne l'élaboration des plans pour l'accueil des navires en détresse dans des lieux de refuge.

La catastrophe du Prestige - sur la cause de laquelle les différentes analyses ont, à l'évidence, divergé, comme le rappelle la commission d'enquête de l'Assemblée nationale(19) - a incité la Commission à proposer aux Etats membres d'avancer la date de présentation des plans d'accueil des navires en détresse. Tandis que, pour sa part, la commission temporaire du Parlement européen pour l'amélioration de la sécurité en mer (MARE) avait, en 2004, préconisé un certain nombre de mesures, dont la mise en place dans chaque Etat membre d'une autorité indépendante, disposant des compétences et de l'expertise nécessaires, chargée de prendre les décisions pertinentes en cas de situation de détresse, ou encore la possibilité d'imposer une obligation d'assurance aux navires circulant dans les eaux européennes.

La proposition de directive présentée par la Commission tient compte des travaux du Parlement européen, mais également de ceux de l'Agence européenne pour la sécurité maritime.

C'est le premier texte sur lequel une orientation générale a été dégagée, lors du Conseil « Transports » du mois de juin 2006.

La proposition de directive prévoit les principales dispositions suivantes :

(1) La désignation par les Etats membres d'une autorité indépendante compétente pour statuer sur l'accueil d'un navire en détresse

Il appartiendra à cette autorité de prendre une décision sur la base d'une évaluation préalable dont l'accueil d'un navire en détresse dans un lieu de refuge doit faire l'objet.

Cette disposition - qui a été préconisée par la Commission, pour tirer les leçons des dissensions apparues entre le gouvernement espagnol et les autorités régionales de Galice, lors de la catastrophe du Prestige - est très fortement inspirée du système britannique. Ce dernier a créé une institution - le SOSREP (Secretary of State Representative), qui est l'autorité chargée de prendre la décision sur l'opportunité d'accueillir un navire en détresse, de mettre en œuvre les procédures de refuge et de contrôler les différentes administrations impliquées - y compris la Navy, la marine militaire.

Désigné pour cinq ans par le ministre des transports après avis de son propre département ministériel, il assume particulièrement la responsabilité des décisions qu'il prend, sans que le ministre puisse interférer.

A l'évidence, il est important que la décision d'accueillir un navire en détresse soit prise le plus rapidement possible et de la façon la plus appropriée, ce qui suppose, entre autres, que l'autorité responsable ait connaissance de l'état réel du navire et - de façon générale - ait une grande expertise du sauvetage en mer. Pour autant, les rapporteurs n'ont pas manqué de faire observer à leurs interlocuteurs - notamment aux représentants du ministère britannique des transports - qu'une décision de cette nature n'était jamais simplement technique, mais comportait nécessairement des conséquences politiques, dont il est impossible de faire abstraction. C'est pourquoi, il leur est apparu que l'exigence d'indépendance ne rendait pas pleinement compte de la complexité des problèmes à résoudre, ni ne permettait d'y apporter une solution satisfaisante, parce qu'elle semble vouloir écarter toute intervention des autorités politiques.

Quoi qu'il en soit, le statut de l'autorité responsable a été l'un des points les plus discutés par le groupe de travail et qui est toujours en suspens. Car, si le texte ayant fait l'objet d'une orientation générale lors du Conseil « Transports » du mois de juin 2006, a supprimé la mention de l'indépendance, le Royaume-Uni - soutenu par l'Allemagne, les Pays-Bas et la Commission - a souhaité son maintien. Le Royaume-Uni a même suggéré d'ajouter une disposition, qui prévoirait que :

« L'autorité compétente doit être constituée de telle manière que, en cas d'incidents, elle seule soit habilitée à prendre des décisions. »

En revanche, la France et sept autres Etats membres se sont opposés à une telle proposition, estimant que les Etats membres devraient être libres de désigner « l'autorité compétente », au nom du principe de subsidiarité.

Quant à M. Dirk Stercks, rapporteur de la commission des transports du Parlement européen, il a formulé une proposition de compromis qui laisse le soin aux Etats membres de désigner une autorité compétente ayant l'expertise requise et qui est indépendante,

« en ce sens qu'elle a, au moment de l'opération de sauvetage, le pouvoir de prendre de sa propre initiative des décisions en ce qui concerne l'accueil des navires en détresse aux fins de : protéger des vies humaines ; protéger le littoral ; protéger l'environnement marin ; garantir la sécurité maritime ; minimiser le préjudice économique ».

Cet amendement reprend ainsi la liste des missions conférées à l'autorité compétente par la directive 2002/59/CE relative au suivi des navires.

(2) Le renforcement de la politique en matière d'accueil des navires en détresse

On relèvera tout d'abord que le groupe de travail - contre l'avis de la Commission - a substitué la notion consacrée par les normes de l'OMI, de « navires ayant besoin d'assistance » à celle de navires en détresse, censée, selon la Commission, recouvrir les diverses catégories d'incidents.

La politique en matière d'accueil de ces navires a été renforcée par la proposition de directive à travers les obligations accrues pesant respectivement sur les Etats membres et les opérateurs.

¬ Le renforcement des obligations des Etats membres

∙ Tout d'abord, les Etats membres doivent s'assurer que les navires ayant besoin d'assistance se voient admettre dans un lieu de refuge permettant de limiter le risque généré par leur situation sous réserve de l'évaluation de cette dernière sur la base du plan que les Etats membres sont tenus d'élaborer pour l'accueil de ces navires.

Avant qu'elle n'ait été supprimée par le groupe de travail, cette disposition a suscité une vive controverse. L'Espagne - soutenue par d'autres Etats membres - invoquant les normes de l'OMI - a fait valoir que la responsabilité de l'Etat d'accueil devrait se limiter à la mise en place de procédures adéquates, alors que la proposition de la Commission va bien au-delà en créant une obligation de placement dans un lieu de refuge impartie à l'Etat membre. Pour sa part, la Commission a vigoureusement contesté cette interprétation, car l'accueil d'un navire ayant besoin d'assistance est effectué sous réserve de l'examen par les autorités compétentes.

Or, si la nouvelle rédaction adoptée par le groupe de travail conserve bien l'exigence d'une évaluation préalable par l'autorité compétente, elle insiste toutefois sur le caractère discrétionnaire de la décision qu'elle prend d'accepter ou de refuser un navire ayant besoin d'assistance, tout en imposant aux autorités concernées l'obligation de se réunir régulièrement, afin d'échanger les connaissances acquises et d'améliorer les mesures requises.

En revanche, le rapporteur de la commission des transports du Parlement européen a proposé non seulement de maintenir la disposition initiale de la proposition de directive mais aussi de préciser - dans une liste reprise des dispositions prévues par la directive 2002/59/CE - les mesures que devra prendre l'autorité compétente.

∙ Une deuxième obligation imposée aux Etats membres touche à l'élaboration des plans d'accueil des navires ayant besoin d'assistance.

La proposition impose la consultation préalable des parties concernées et fixe une liste minimale d'éléments que les plans doivent comporter.

En second lieu, elle précise les obligations des Etats membres concernant la publication et la communication des informations. Ainsi, ces derniers seront tenus de communiquer non seulement l'inventaire des lieux de refuge potentiels, élément devant figurer dans les plans d'accueil, mais aussi les informations pertinentes concernant les plans et lieux de refuge aux Etats membres voisins.

Enfin, lors de la mise en œuvre des procédures de refuge, les Etats membres devront s'assurer que toutes les informations pertinentes concernant les plans et lieux de refuge soient mises à la disposition des parties impliquées dans les opérations, y compris les compagnies d'assistance et de remorquage.

Très attentif aux prérogatives des Etats membres et au caractère sensible des informations concernées, le groupe de travail a supprimé dans la liste des éléments contenus dans les plans des lieux de refuge la mention de l'inventaire des lieux de refuge potentiels pour lui substituer celle « d'informations relatives au littoral des Etats membres ».

En outre, il a remplacé l'obligation de communiquer cet inventaire des lieux de refuge à la Commission, par une simple information de cette dernière sur les mesures prises par les Etats membres, en ce qui concerne l'élaboration des plans pour les lieux de refuge. De même encore, il a prévu que ce serait sur demande des Etats voisins que les Etats membres communiqueront les informations pertinentes concernant les plans.

Enfin, il a jugé nécessaire d'imposer le respect de l'obligation de confidentialité aux destinataires - Etats membres voisins et parties concernées. Le rapporteur de la commission des transports du Parlement européen a présenté un amendement inspiré du même souci.

Il s'agit là d'une sage et indispensable précaution, tant les populations riveraines ne manqueraient pas d'opposer de vives contestations, ce que les Américains appelleraient le phénomène NIMBY(20), dans le cas où cette obligation de confidentialité ferait défaut.

¬ Les garanties financières demandées aux opérateurs

La proposition prévoit que préalablement à l'accueil d'un navire ayant besoin d'assistance dans un lieu de refuge, l'Etat membre peut demander à l'exploitant ou au capitaine de navire la présentation d'un certificat d'assurance couvrant sa responsabilité pour les dommages causés par le navire.

Il est, en outre, précisé que l'absence de certificat d'assurance ou de garantie financière ne dispense pas les Etats membres de l'évaluation préalable de la situation causée par un navire ayant besoin d'assistance.

A la différence du groupe de travail qui a proposé la suppression de ces dispositions, le rapporteur de la commission des transports du Parlement européen les a maintenues - sous réserve de certaines modifications rédactionnelles - et complétées par un amendement, qui pose le problème de la prise en charge du préjudice et des coûts auxquels les ports peuvent être confrontés en cas d'accueil d'un navire ayant besoin d'assistance.

Le rapporteur de la commission des transports fait, en effet, observer que le dispositif préconisé par la proposition de directive relative à la responsabilité civile et aux garanties financières des propriétaires de navires ne permet pas, dans certains cas, de compenser le préjudice économique subi par le port. C'est pourquoi, il a demandé que soit mis en place un fonds d'indemnisation pour couvrir ces cas exceptionnels.

Il s'agit là d'un réel problème, qui conduit de nouveau à se pencher sur certaines conséquences fâcheuses du principe de la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires. Comme le contre-amiral Edouard Guillaud, alors Préfet maritime de Cherbourg, l'a fait remarquer aux rapporteurs, le coût d'un sauvetage en mer peut dépasser, dans certains cas, le montant de la garantie d'assurance présentée par le propriétaire du navire.

(3) L'obligation d'emport du système d'identification automatique des navires (AIS) à bord des navires de pêche

La Commission propose que les navires de pêche soient équipés de l'AIS, les plus grands à partir de 2008 et les plus petits
- moins de 15 mètres - à partir de 2010.

Cette mesure, selon la Commission, prend en considération les évolutions en cours de la politique commune de la pêche concernant le développement de systèmes de positionnement et de communication destinés au contrôle des flottes de pêche. La Commission souhaite également réduire le nombre de collisions entre les grands navires marchands et les navires de pêche.

La mesure préconisée par la Commission a fait l'objet de longues discussions au sein du groupe de travail sur deux points :

¬ Le premier concerne le coût de la mesure et les modalités de son financement. Pour tenir compte des préoccupations de l'Espagne, un nouveau considérant a été introduit aux termes duquel une aide financière peut être prévue dans le cadre du fonds européen pour la pêche, en faveur de l'installation à bord des navires de pêche d'instruments de sécurité, tels que l'AIS.

Les rapporteurs estiment que l'argument tiré du coût(21) vise en réalité à dissimuler le refus des pêcheurs d'accepter d'être contrôlés, et même, de faire l'objet de ce que ces derniers assimilent à de l'espionnage.

¬ La longueur minimale des navires devant être soumis à l'emport d'AIS : le Danemark et la Lettonie ont suggéré de distinguer entre les nouveaux navires de plus de 15 mètres qui seraient soumis à la nouvelle mesure et les navires déjà en service pour lesquels cette obligation ne s'imposerait qu'à partir d'une longueur minimale de 24 mètres(22).

La rédaction qui a fait l'objet de l'orientation générale tient partiellement compte de cette proposition, qui prévoit l'application de l'obligation d'emport de l'AIS aux nouveaux navires de pêche de plus de 15 mètres, 18 mois après l'entrée en vigueur de la directive. Pour les navires actuellement en service, la mesure est applicable aux navires de plus de 15 mètres selon un calendrier variable, suivant leur taille, s'échelonnant entre trois et cinq ans suivant l'entrée en vigueur de la directive.

Pour prévenir tout risque « d'espionnage économique »(23) des pêcheurs, le rapporteur de la commission des transports du Parlement européen a proposé plusieurs amendements visant à encadrer très étroitement les modalités d'application de la mesure préconisée par la Commission. Ainsi, il suggère que conformément à certaines recommandations de l'OMI, l'AIS puisse être débranché si le capitaine le juge nécessaire pour la sécurité ou la protection de son navire.

L'avis du Comité des régions confirme le caractère très sensible du champ d'application de la mesure, puisque l'une de ses recommandations prévoit d'équiper de l'AIS l'ensemble des navires de pêche et non pas seulement ceux d'une longueur supérieure à 15 mètres, au motif que les plus petits sont les plus exposés, dans la mesure où ils sont difficiles à repérer tant à l'œil nu qu'au radar, s'ils sont en bois ou en composite verre-résine.

2) L'instauration de mécanismes destinés à traiter les suites des accidents

Ces mécanismes touchent, d'une part, à la mise en place d'un dispositif harmonisé d'enquêtes sur les accidents et, d'autre part, au régime de responsabilité et de réparation des dommages en cas d'accidents.

a) L'instauration d'un système d'enquête sur les accidents

Comme le souligne la Commission, l'absence de lignes directrices claires concernant l'exécution d'enquêtes techniques et le retour d'expérience pour prévenir les risques d'accidents maritimes graves au niveau européen est une carence affectant le dispositif communautaire de sécurité maritime.

Certes, la législation communautaire actuellement en vigueur n'est pas totalement dépourvue de dispositions concernant les enquêtes sur les accidents maritimes. Ainsi, la directive 1999/35/CE du 29 avril 1999 demande aux Etats membres de procéder à toute enquête sur les accidents ou incidents impliquant un transbordeur roulier ou un engin à passagers à grande vitesse.

De même, la directive 2002/59/CE relative au suivi du trafic maritime contient des dispositions sur l'utilisation des « boîtes noires maritimes ».

Enfin, le règlement 1406/2002 instituant l'Agence européenne pour la sécurité maritime lui confie la tâche de faciliter la coopération entre les Etats membres et la Commission dans l'élaboration d'une méthodologie commune pour enquêter sur les accidents maritimes.

S'agissant de l'OMI, une résolution [A.849(20)] portant sur l'adoption d'un code pour la conduite des enquêtes après événements de mer a été adoptée en 1997. Ce code ne contient cependant que des recommandations - non contraignantes - aux Etats du pavillon.

Pour autant, force est de constater que le transport maritime, à la différence des autres modes de transport - aérien et ferroviaire - n'est toujours pas doté d'un cadre juridique harmonisé et contraignant.

C'est pourquoi, la Commission propose d'impartir aux Etats membres l'obligation de mener des enquêtes après les accidents maritimes qui impliquent des navires battant pavillon d'un Etat membre, mais aussi ceux qui surviennent dans des zones où les Etats membres sont habilités à exercer leur juridiction ou qui touchent à des intérêts importants de l'Etat membre.

L'objectif de telles enquêtes n'est pas de déterminer une quelconque responsabilité civile ou pénale, mais d'établir les circonstances et de rechercher les causes des événements en vue d'en tirer tous les enseignements pour l'amélioration de la sécurité maritime.

Ces enquêtes devront être menées par un organe d'enquête permanent et impartial, qui doit être fonctionnellement indépendant des autorités compétentes pour les questions de navigabilité, de certification ou de contrôle par l'Etat du port.

Par ailleurs, la proposition contient un dispositif relatif à la coopération entre Etats membres et entre ces derniers et les pays tiers. Elle vise aussi à aménager les procédures pour préserver, sauvegarder et établir les rapports d'enquête et garantir le retour d'expérience.

La Commission s'est ainsi très fortement inspirée du système britannique du Marine Accident Investigation Branch (MAIB).

Son rôle n'est pas d'engager des poursuites mais de découvrir les causes de l'accident et les déficiences en matière de sûreté et de promouvoir des enseignements dans ce même domaine.

Les Britanniques insistent sur son indépendance(24), tant à l'égard de l'autorité judiciaire que du ministre des transports, même si le responsable du MAIB rapporte directement auprès de ce dernier.

Aux yeux de M. de Ruiter, directeur de l'Agence européenne pour la sécurité maritime, le fait que ce soit une autorité indépendante qui, dans le système britannique comme dans la directive, établisse un rapport d'enquête constitue une réelle avancée par rapport à la situation actuelle. Il a déploré que, à la suite des catastrophes de l'Erika, de l'Estonia et du Prestige, aucun des différents rapports n'ait fait l'unanimité sur les causes de ces accidents ni permis d'en tirer les leçons.

Cependant, se référant à l'affaire en cours du Bugaled Breizh, les rapporteurs ont fait valoir à M. de Ruiter que, précisément, les conclusions du BEA-Mer, considéré comme tout aussi indépendant que le MAIB, étaient toutefois contestées, à ce stade, par les parties civiles. Ce qui tend à confirmer que lorsque des intérêts sont en cause - en l'occurrence, semble-t-il des intérêts de nature militaire - le rapport d'enquête risque d'être inévitablement critiqué pour la partialité alléguée par certaines parties.

Tout en marquant son accord avec ces observations, M. de Ruiter a souligné que le dispositif proposé par la Commission n'était qu'un début et ne pouvait, de ce fait, apporter de réponse satisfaisante à tous les problèmes. A cet égard, il a fait observer que même les enquêtes effectuées dans le transport aérien - pourtant regardées comme un modèle - pouvaient ne pas donner non plus entière satisfaction, comme le montre le procès sur l'accident aérien du Mont-Saint-Odile.

Un autre point de débat concerne l'étendue de la transparence autorisée par la directive. Le Comité économique et social juge préoccupante la possibilité ouverte à l'autorité judiciaire de divulguer certaines informations, alors que le Comité estime judicieux d'accorder le bénéfice de l'immunité et même de l'anonymat aux personnes fournissant des preuves dans le cadre de ces enquêtes techniques sur les accidents.

Quant à la Fédération française des sociétés d'assurance, elle regrette que la Commission n'ait pas apporté de solution satisfaisante à l'accès des compagnies d'assurances, par exemple, aux résultats des enquêtes, demande qui avait déjà été formulée à propos des enquêtes effectuées à l'occasion d'accidents aériens. Un tel accès permettrait, en effet, aux compagnies d'assurances de bénéficier d'informations objectives en vue de l'établissement de statistiques.

Le groupe de travail du Conseil devrait entamer l'examen de ce texte sous la présidence allemande, qui a débuté au 1er janvier 2007.

b) Le renforcement du régime de responsabilité des transporteurs et des propriétaires de navires

(1) Les entreprises de transport de personnes par mer ou par voie de navigation intérieure

La Commission préconise, par une proposition de règlement, une protection accrue et uniforme des passagers, usagers des transports maritimes et fluviaux et de clarifier les obligations de ces transporteurs en cas d'accident.

A cette fin, la Commission propose d'intégrer dans le droit communautaire les dispositions du Protocole de 2002 à la Convention d'Athènes de 1974 relative au transport par mer de passagers et de leurs bagages, adoptée au sein de l'OMI.

Ce protocole institue :

- un régime de responsabilité sans faute du transporteur en cas de blessures, de décès et de perte de bagages ;

- le relèvement des plafonds d'indemnisation, lesquels peuvent aller jusqu'à 480 000 euros. Les limites disparaissent si le transporteur a agi soit avec l'intention de provoquer les dommages, soit témérairement ;

- la souscription obligatoire d'une assurance par les transporteurs ;

- la possibilité ouverte au plaignant de s'adresser directement à l'assureur pour obtenir réparation.

Si la Convention de 1974 est entrée en vigueur le 28 avril 1987, ce n'est pas encore le cas du Protocole de 2002. Les questions de fond qui en ont retardé la ratification concernent la responsabilité en cas d'action terroriste et la couverture d'assurance du transporteur.

Outre l'incorporation de ces dispositions dans l'ordre juridique communautaire, la proposition de règlement étend le champ d'application du Protocole d'Athènes au cabotage et au transport par voie navigable, sous réserve toutefois de trois modifications.

La première écarte la disposition du Protocole de 2002 ouvrant la possibilité aux Etats membres de fixer des limites de responsabilité supérieures à celles prévues par le Protocole. La Commission justifie cette mesure par l'objectif visant à instaurer l'uniformité totale au sein de l'Union.

La deuxième introduit une mesure autorisant le paiement d'avances aux victimes.

Enfin, est instituée une obligation d'information des passagers sur leurs droits.

L'esprit de ces modifications est d'adapter aux transports maritimes et fluviaux de passagers des dispositions existant déjà dans les transports aérien et ferroviaire.

Tout comme la proposition de directive visant à renforcer les obligations de l'Etat du pavillon, cette proposition de règlement ne manque pas de soulever la question de l'habilitation juridique de la Commission à formuler unilatéralement des dispositions, qui non seulement sont régies par une convention de l'OMI, mais vont au-delà des normes prévues par cette dernière.

C'est la raison pour laquelle plusieurs délégations au groupe de travail du Conseil, ont interrogé la Commission sur la conformité de ce texte aux principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Quant aux professionnels, ils ont mis l'accent sur les dommages causés par un acte de terrorisme, car ni la Convention d'Athènes, ni la proposition de règlement n'aborde spécifiquement cette question. Or, la couverture d'un tel dommage pose problème, car sur le marché, il n'existe pas d'assurance à cet égard. C'est pourquoi, aucun Etat n'a encore ratifié le Protocole de 2002. En vue de résoudre ce problème, le Comité juridique de l'OMI a adopté un « modèle de réserve » pour la ratification « avec réserve » de la Convention, qui réduit la responsabilité en cas de dommages causés par un acte de terrorisme. Pour insatisfaisante qu'elle soit, cette solution n'en a pas moins débloqué la situation à l'OMI. La Commission a annoncé lors du Conseil « Transports » des
11-12 décembre 2006, qu'elle préconiserait un dispositif destiné à tenir compte dans la proposition de règlement de l'accord intervenu au sein de l'OMI.

La présidence allemande a déclaré le 7 janvier 2007, lors d'une réunion du groupe transports du Conseil qu'elle consacrerait du temps à l'examen de la transposition en droit communautaire de la Convention d'Athènes, sans toutefois viser à un résultat définitif sur ce texte.

(2) La responsabilité civile des propriétaires de navires

Deux préoccupations sont au cœur de la proposition de directive relative à la responsabilité civile et aux garanties financières des propriétaires de navires, qui est l'un des textes les plus sensibles et les plus contestés de ce paquet.

La première date du paquet Erika I, dans lequel la Commission avait souligné les impasses auxquelles conduisait l'application du principe traditionnel du droit maritime, qui autorise le propriétaire du navire à limiter sa responsabilité. Si les modalités de ce principe ont évolué au cours des siècles, les justifications invoquées en sa faveur sont restées inchangées. D'un côté, le transport maritime, qui est une activité à risques, doit être protégé, la limitation de responsabilité offrant cette protection. De l'autre, un opérateur qui demande à un propriétaire de navire de transporter sa marchandise accepte de courir un certain risque et doit en assumer les conséquences. La limitation de responsabilité du propriétaire traduit donc cette réalité. Le propriétaire de navire n'est privé de ce droit d'invoquer le principe de la responsabilité limitée que lorsque le dommage résulte de son fait ou de son omission personnels, commis avec l'intention de provoquer un tel dommage ou commis témérairement et avec conscience qu'un tel dommage en résulterait probablement.

Or, la Commission constate que, de ce fait, les régimes internationaux ont des effets très peu dissuasifs.

D'une part, la règle de la souscription obligatoire d'une assurance ne s'applique pas de façon générale. D'autre part, bien que les normes de l'OMI aient prévu l'obligation de souscrire une assurance, les conventions internationales concernées ne sont pas toutes entrées en vigueur.

Trois conventions de l'OMI régissent ainsi des risques spécifiques :

- la convention de 1992 sur la responsabilité civile - dite CLC - pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures ;

- la convention de 1996 sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses (encore appelée en anglais convention HNS - hazardous and noxious substances), ratifiée par deux Etats membres ;

- la convention de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute (dite convention « bunker » en anglais), ratifiée par sept Etats membres.

Ces conventions, dont les deux dernières ne sont pas encore entrées en vigueur constituent un écheveau particulièrement complexe de règles d'indemnisation qui varient selon les Etats, selon qu'ils ont ratifié ou non ces conventions, et les risques concernés.

Outre que les régimes internationaux ne sont pas réellement dissuasifs, ils ne permettent pas non plus d'assurer une indemnisation correcte des victimes, comme le montrent amplement les affaires de l'Erika et du Prestige.

Dans les deux cas, le montant des indemnisations versées par le FIPOL a été inférieur aux dommages estimés et à celui des demandes d'indemnisation adressées au FIPOL, comme le révèle le tableau ci-dessous :

 

Estimation des dommages

Estimation des demandes d'indemnisation adressées au FIPOL

Montant des indemnisations versées par le FIPOL

ERIKA

estimation basse :
460 millions €

estimation haute :
920 millions € (*)

387 millions €
(au 15 septembre 2006)

L'Etat français a présenté à lui seul une demande de 179 millions €

117,8 millions €

PRESTIGE
(les chiffres de cette ligne concernent : l'Espagne, la France et le Portugal)

1,05 milliard €

734 millions €
(au 8 décembre 2006)

≈ 60 millions €

(*) Professeur Antoine Vialard : Faut-il réformer le régime d'indemnisation de pollution par hydrocarbures ?, 3 avril 2003.

Source : FIPOL.

Pour ces raisons, la Commission avait proposé dans le cadre du paquet Erika I d'instituer le principe de la responsabilité illimitée du propriétaire de navire en cas de négligence grave.

La deuxième préoccupation de la Commission est de répondre, à travers le texte proposé, aux souhaits respectifs du Parlement européen et du Conseil.

Le premier a appelé, de ses vœux, le 21 mars 2004 :

« une politique européenne de la mer, globale et cohérente, destinée à la création d'un espace européen de sécurité maritime reposant en particulier sur la mise en place d'un régime de responsabilité étendu à la chaîne du transport maritime ».

Dans le même esprit, le Conseil européen a suggéré, le 21 mars 2003, l'extension de la responsabilité des opérateurs maritimes, dans le cadre des travaux sur la révision éventuelle du système international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures.

Sur la base de l'ensemble de ces considérations, la Commission propose que tous les Etats membres ratifient la convention de 1996 sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes (en anglais LLMC) dès que possible et avant la fin de la période de transition de la directive (18 mois après son entrée en vigueur).

La convention LLMC est une convention de portée horizontale qui harmonise les régimes de responsabilité civile des propriétaires de navires lorsqu'aucune des conventions sectorielles(25) ne trouve à s'appliquer. Elle concerne tout type de dommage causé par un navire.

En second lieu, suivant les recommandations de la résolution A-898 du 25 novembre 1999 adoptée par l'OMI, la proposition met en œuvre un régime de garantie obligatoire de responsabilité civile suivant le modèle de certificats d'assurance fixé par les conventions sectorielles.

Pour tenir compte d'un déplafonnement éventuel de responsabilité, la proposition prévoit le doublement des plafonds fixés par la convention LLMC.

Limitation de responsabilité (convention LLMC 1976)

 

Atteintes aux personnes

Autres créance

De 0 à 500 tjb

330 000 DTS

167 000 DTS

De 501 à 3 000 tjb

500 DTS / tjb

167 DTS / tjb

De 3 001 à 30 000 tjb

333 DTS / tjb

167 DTS / tjb

De 30 001 à 70 000 tjb

250 DTS / tjb

125 DTS / tjb

Supérieur à 70 000 tjb

167 DTS / tjb

83 DTS / tjb

Limitation de responsabilité prévue par le protocole de 1996

 

Atteintes aux personnes

Autres créance

De 0 à 2 000 tjb

2 millions DTS

1 million DTS

De 2 001 à 30 000 tjb

800 DTS / tjb

400 DTS / tjb

De 30 001 à 70 000 tjb

600 DTS / tjb

300 DTS / tjb

Supérieur à 70 000 tjb

400 DTS / tjb

200 DTS / tjb

Droits de tirage spéciaux (DTS) : 1 DTS = environ 1,15 euro, au 12 janvier 2007

Tjb : tonneaux de jauge brute

Il incombera, de fait, aux propriétaires de navires de demander aux autorités d'un Etat membre un certificat attestant la réalité de la garantie pour tout dommage causé aux tiers et pour les cas d'abandon de gens de mer. Les certificats seront reconnus mutuellement par les Etats membres entre eux.

La présence à bord des certificats devra être notifiée dès l'entrée dans la zone économique exclusive des Etats membres. Cette exigence permet de couvrir les navires en transit qui ne feront pas escale dans les ports européens.

Enfin, pour que la victime puisse bénéficier d'une indemnisation rapide et concrète, elle se voit reconnaître la possibilité d'agir directement contre le fournisseur de la garantie financière.

Incontestablement, la discussion de cette proposition de directive s'annonce difficile, tant il sera délicat de trouver un point d'équilibre satisfaisant. Car, d'un côté, assureurs et armateurs ne manquent pas de souligner les risques économiques que les préconisations de la Commission ne manqueraient pas de susciter sur le marché de l'assurance. De l'autre, en revanche, les rapporteurs et M. Gilles Savary, rapporteur de la commission des transports du Parlement européen, considèrent que l'initiative de la Commission a le mérite de vouloir combler certaines des lacunes les plus choquantes du régime de la responsabilité des propriétaires des navires.

Trois séries de critiques sont adressées à certaines des propositions de la Commission :

- leur base juridique ne serait pas fondée ;

- elles seraient dépourvues de pertinence au plan économique ;

- elles n'ont pas tenu suffisamment compte de l'importance du facteur humain.

Comme les rapporteurs l'ont indiqué dans leurs propos liminaires, il est reproché à certaines propositions de la Commission de n'être conformes ni aux principes de subsidiarité et de proportionnalité, d'une part, ni, d'autre part, au droit international.

1) La question de la conformité de certaines propositions de la Commission aux principes de subsidiarité et de proportionnalité

a) La communautarisation jugée excessive des compétences des Etats membres

Il importe de rappeler que d'après le Protocole accompagnant le traité d'Amsterdam sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, pour être justifiée, une action de la Communauté doit répondre aux deux aspects du principe de subsidiarité : les objectifs de l'action proposée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par l'action des Etats membres dans le cadre de leur système constitutionnel national et peuvent donc être mieux réalisés par une action de la Communauté.

Pour déterminer si ces conditions sont remplies, il convient de suivre les lignes directrices suivantes :

- la question examinée a des aspects transnationaux qui ne peuvent pas être réglés de manière satisfaisante par l'action des Etats membres ;

- une action au seul niveau national ou l'absence d'action de la Communauté serait contraire aux exigences du traité (comme la nécessité de corriger les distorsions de concurrence, d'éviter des restrictions déguisées aux échanges ou de renforcer la cohésion économique et sociale) ou léserait grandement d'une autre manière les intérêts des Etats membres ;

- une action menée au niveau communautaire présenterait des avantages manifestes, en raison de ses dimensions ou de ses effets, par rapport à une action au niveau des Etats membres.

Il ressort des entretiens que les rapporteurs ont eus et des discussions en cours au sein du groupe de travail du Conseil que l'invocation de la violation du principe de subsidiarité concerne, principalement, la proposition de directive relative au renforcement des obligations de l'Etat du pavillon, d'une part, et, d'autre part, l'obligation impartie aux Etats d'instituer une autorité compétente et indépendante pour statuer sur l'accueil des navires en détresse.

(1) La proposition de directive relative aux obligations des Etats du pavillon

C'est lors des déplacements des rapporteurs à Athènes et à Londres que la violation par la Commission du principe de subsidiarité a été invoquée avec le plus de vigueur.

Le Secrétariat général de la marine marchande de Grèce a déclaré aux rapporteurs que le code de l'Etat du pavillon élaboré par l'OMI touchait à des compétences exclusives de ce dernier : application des réglementations concernant la sécurité maritime, protection de l'environnement marin, formation des marins et contrôle des conditions de travail des marins. Dès lors, aucune raison valable ne justifierait l'élaboration d'une proposition de directive.

De leur côté, les représentants du ministère britannique des transports ont fait valoir, d'une part, que grâce à la proposition de directive, la Commission exercera des compétences dans l'ensemble des domaines couverts par le code de l'Etat du pavillon, alors même que l'Union européenne n'a pas le statut d'un Etat. D'autre part, la proposition de la Commission est d'autant moins justifiée qu'il n'existe plus de pavillon de complaisance dans l'Union européenne.

Que ce soit au plan juridique ou au plan politique, ces arguments ne sont pas totalement convaincants.

¬ Au plan du droit, l'article 70 du traité pose le principe d'une politique commune des transports pour la mise en œuvre de laquelle le Conseil, en application de l'article 71 du traité établit :

« a) des règles communes applicables aux transports internationaux exécutés au départ ou à destination du territoire d'un Etat membre ou traversant le territoire d'un ou de plusieurs Etats membres ........................

b) ... ... ...... ... ... ...

c) les mesures permettant d'améliorer la sécurité des transports ;

d) toutes autres dispositions utiles »

En second lieu, aux termes de l'article 80, paragraphe 2, du traité :

« Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, pourra décider si, dans quelle mesure et par quelle procédure, des dispositions appropriées pourront être prises pour la navigation maritime et aérienne. »

Sur la base de ces dispositions, la Commission souhaite, d'une part, incorporer en droit communautaire des conventions internationales adoptées dans le cadre de l'OMI et, d'autre part, poser le principe de l'audit obligatoire à intervalles réguliers des administrations du pavillon des Etats membres.

L'objectif est donc de parvenir à l'instauration d'un cadre harmonisé impartissant à tous les Etats membres d'appliquer les dispositions prévues par les conventions internationales visées par la proposition de directive.

On relèvera, en outre, que s'agissant de l'audit obligatoire de l'administration du pavillon, l'esprit de cette procédure n'est pas éloigné de celui qui inspire les inspections des mesures de sûreté dans les ports et les aéroports auxquelles la Commission peut procéder.

Dans ces différents cas, il ne s'agit nullement de sanctionner, ce que d'ailleurs la Commission n'a pas le pouvoir de faire, sauf à poursuivre un Etat membre pour défaut de transposition ou mauvaise transposition devant la Cour de justice. L'objectif est plutôt d'aider à la correction des insuffisances révélées par l'audit ou l'inspection.

¬ Au plan politique, il apparaît que les arguments qui ont été opposés aux rapporteurs ne sont pas non plus pertinents. Il est, en effet, difficile de récuser l'objectif de la Commission de responsabiliser davantage l'Etat du pavillon et d'ériger les pavillons des Etats membres en pavillons de référence, au motif qu'il n'existe plus de pavillon de complaisance au sein de l'Union. Car la question demeure posée de savoir si tous les Etats membres appliquent bien toutes les obligations qui leur sont imparties en tant qu'Etats du pavillon. Or, l'affaire de l'Erika a montré, comme cela a été rappelé aux rapporteurs, que si la France avait attrait Malte devant le Tribunal de la mer de Hambourg, par exemple, c'est la question des conditions d'octroi de l'immatriculation du navire qui n'aurait pas manqué d'être soulevée. En outre, la même affaire a confirmé que la tendance des Etats du pavillon à se décharger de leur responsabilité en matière de contrôle en s'en remettant aux sociétés de classification pouvait entraîner de graves conséquences. A cet égard, un document de travail récent de la Commission sur le contrôle auquel elle a procédé(26) fait état de sérieuses lacunes, qui amènent à s'interroger sur le bien-fondé de cette délégation de compétences de l'Etat du pavillon aux sociétés de classification. Ainsi, s'agissant du respect des règlements de classe et des exigences légales, la Commission observe que :

« Cet examen a donné un tableau parfois assez décourageant, avec des cas où des erreurs importantes avaient été commises par les inspecteurs, ou bien où certains tests ou inspections avaient été tout simplement omis, tandis que les contrôles internes ultérieurs échouaient parfois à détecter des cas évidents ou à assurer un suivi adéquat »(27).

(2) L'institution d'une autorité compétente et indépendante pour statuer sur l'accueil des navires ayant besoin d'assistance

Comme on l'a vu précédemment, la France et d'autres Etats membres se sont opposés à l'exigence posée par la proposition de directive relative au suivi du trafic, selon laquelle l'autorité statuant sur l'accueil des navires ayant besoin d'assistance doit être « indépendante ».

A l'appui de son argumentation, la France a fait valoir deux arguments.

D'une part, la décision d'accueil d'un navire en situation critique dans un lieu de refuge relève d'une gestion de crise, qui implique une approche politique au regard des enjeux en cause.

D'autre part, la détermination institutionnelle de la chaîne de prise de décision ainsi que celle concernant les modalités et les critères de la décision à prendre touchent à l'organisation souveraine des compétences des Etats membres et relève du principe de subsidiarité.

Les rapporteurs approuvent totalement ces arguments. Autant les obligations de l'Etat du pavillon relèvent de ce que l'on pourrait appeler l'ordre public international - en ce sens que les obligations sont les mêmes pour tous les Etats -, autant, dans le cas de la décision à prendre sur l'accueil d'un navire ayant besoin d'assistance, cette décision dépend de circonstances locales, que les autorités de l'Etat membre concerné sont les seules à pouvoir apprécier.

Il en résulte que dans le cas où l'exigence d'indépendance de l'autorité concernée serait maintenue, l'organisation française pourrait être appelée à subir des modifications substantielles, puisqu'elle prévoit l'intervention du ministre des transports en cas de désaccord entre l'autorité portuaire et le préfet maritime.

b) Le non-respect du principe de proportionnalité

Aux termes du Protocole au traité d'Amsterdam sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, ce dernier signifie que l'action de la Communauté n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du traité.

Or, il est précisément reproché à la Commission de ne pas avoir respecté cette exigence dans plusieurs textes du troisième paquet. Les dispositions concernées sont critiquées pour être plus sévères que celles prévues par l'OMI et présenter le risque corrélatif - que l'on examinera plus loin - d'introduire un droit international à deux vitesses. En outre, ces mêmes dispositions pourraient faire peser sur les opérateurs des charges financières excessives, en particulier à travers l'augmentation des primes d'assurance.

2) Les initiatives de la Commission mettraient en cause l'unité du droit international

Ceux-là mêmes qui invoquent la violation des principes de subsidiarité et de proportionnalité soulignent le fait que certaines initiatives de la Commission ne sont pas non plus recevables au regard du droit international, parce qu'elles empiètent sur les compétences de l'Organisation maritime internationale et qu'elles risquent, en conséquence, de porter atteinte à l'unité du droit international.

a) Un empiètement sur les compétences de l'Organisation maritime internationale

Compte tenu du caractère international des transports maritimes, la compétence en matière de sécurité maritime est dévolue au plan mondial à l'OMI.

En outre, la question de la pollution maritime étant devenue un sujet de préoccupation majeur pour la communauté internationale, l'OMI s'est également saisie de cette question. C'est pourquoi, à la suite du naufrage du Torrey Canon en 1967, un comité juridique a été constitué afin de traiter les problèmes de droit soulevés par ce sinistre. Ce comité est devenu un comité permanent de l'Organisation. Créé en novembre 1973 par l'Assemblée de l'Organisation, le Comité de la protection du milieu marin (MEPC) est l'un des trois comités que compte l'OMI. Les deux autres sont : le comité chargé de la coopération technique, qui coordonne les activités d'assistance au profit des pays en développement et le comité chargé de la simplification des formalités qui a pour mission de faciliter les démarches des acteurs du trafic maritime international, notamment dans les ports.

Plusieurs conventions internationales intéressant la sécurité maritime et la prévention ont ainsi été élaborées dans le cadre de l'OMI, dont les plus importantes sont la Convention SOLAS sur la sauvegarde de la vie humaine en mer, la Convention MARPOL sur la prévention de la pollution par les navires et, en matière de réparation, les conventions CLC (Civil liability Convention
- Convention sur la responsabilité civile) et FIPOL (Fonds d'indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures).

Or, ces conventions présentent deux inconvénients majeurs. Le premier tient à leur mode d'élaboration. Cette procédure est le plus souvent lente, car elle repose sur le consensus(28) .

Le deuxième inconvénient est lié à l'absence de force contraignante des conventions à l'égard des Etats parties à ces dernières, chargés pourtant de les appliquer. Il en résulte que certains Etats, par leur laxisme, les vident de leur substance, comme le montre l'exemple bien connu des Etats immatriculant des pavillons de complaisance, dont les carences exigent précisément la restauration urgente et vigoureuse du principe de la responsabilité des Etats du pavillon.

Pour ces raisons, des Etats - le Canada et les Etats-Unis - ou même l'Union ont effectivement été amenés à prendre des mesures qui ont interféré avec les compétences de l'OMI et à jouer ainsi utilement le rôle d'aiguillon, puisque l'OMI entreprendra des réformes analogues à celles qu'ils ont initiées unilatéralement.

Le Canada - par la loi de 1985 sur la prévention de la pollution des eaux arctiques - et les Etats-Unis par l'Oil Pollution Act de 1990 ont - on y reviendra plus loin - introduit des dispositifs basés sur le principe pollueur-payeur, lequel était alors absent de la législation internationale et que celle-ci n'applique d'ailleurs toujours pas, du fait de la limitation de la responsabilité du propriétaire de navire. En outre, l'Oil Pollution Act a posé le principe de l'interdiction du recours aux navires à simple coque.

S'agissant de l'Union européenne, le Mémorandum d'entente de Paris (MOU) de 1982 offre le premier exemple d'une application harmonisée des conventions internationales au titre du contrôle par l'Etat du port des navires faisant escale dans les ports européens.

Ultérieurement, plusieurs textes présentés par la Commission ont été contestés au motif qu'ils intervenaient dans le champ des compétences de l'OMI : accélération, à deux reprises, du retrait des navires à simple coque ; projet relatif à l'institution d'un fonds communautaire d'indemnisation des victimes de marées noires (fonds COPE) et institution de sanctions pénales en cas de pollution.

En ce qui concerne les textes du troisième paquet, l'entretien que les rapporteurs ont eu avec M. Efthinios Mitropoulos, le secrétaire général de l'OMI, a fait ressortir que l'OMI était très attentive aux initiatives présentées par la Commission et approuvait celles qui seraient susceptibles d'accroître la sécurité maritime et de renforcer la protection de l'environnement, à la condition que s'instaure une coopération confiante entre l'OMI et la Commission.

Comme l'a exprimé le secrétaire général,

« L'idée est que l'un ne surprend pas l'autre. L'Union européenne doit discuter de ses initiatives à l'OMI. »

De fait, plusieurs rencontres ont déjà eu lieu entre M. Mitropoulos et M. Jacques Barrot, vice-président de la Commission et commissaire en charge des transports.

Pour autant, les propos de M. Mitropoulos mettent bien en relief les deux problèmes soulevés par les initiatives de la Commission. Le premier est celui des modalités selon lesquelles elle peut et doit en discuter à l'OMI, ce qui pose la question de la représentation de l'Union européenne à l'OMI. Dans un rapport(29) qu'il a présenté récemment à la Délégation, notre collègue, M. Christian Philip, a souligné les difficultés auxquelles cet objectif poursuivi par la Commission - depuis plusieurs années - de parvenir à l'adhésion de l'Union européenne à l'OMI s'étaient heurtées à l'hostilité d'une majorité de membres du Conseil.

Dans ce contexte, l'OMI ne reconnaît pas l'Union européenne, celle-ci étant représentée par les Etats membres et par la Commission qui a le statut d'observateur. Cette dernière assure, dans les faits, la coordination de la position des Etats membres afin qu'une position commune puisse être défendue.

Certes, cette coordination peut déboucher sur des résultats fructueux, comme l'ont illustré l'accélération du calendrier du retrait des navires à simple coque ou encore la réforme du régime international d'indemnisation des victimes de marée noire.

Mais, précisément, cette dernière réforme montre comment l'invocation des compétences de l'OMI peut être instrumentalisée par certains Etats membres, pour paralyser la discussion par le Conseil de certaines initiatives de la Commission, ce qui risque d'être de nouveau le cas des textes concernant le respect des obligations des Etats du pavillon et la réforme du régime de la responsabilité civile des propriétaires de navires.

En réalité, ceux-là mêmes qui instrumentalisent l'OMI sont également très satisfaits de la situation actuelle, quitte, pour certains d'entre eux, à avancer des justifications qui ne sont pertinentes que de façon partielle. Les représentants du ministère britannique des transports ont ainsi fait valoir que la demande d'adhésion de l'Union européenne à l'OMI devrait nécessiter une modification des statuts de cette dernière à la majorité des deux tiers. En tout état de cause, elle n'est toutefois pas souhaitable car, d'une part, une telle adhésion renforcera la prépondérance de l'Europe, contre laquelle d'autres Etats risquent de s'élever. D'autre part, l'Union européenne est plus forte, à travers les 27 Etats membres qu'à travers une représentation unique, car chaque Etat membre peut user des réseaux d'influence dont il dispose au sein de l'OMI, ce qui peut faciliter la conclusion d'accords. Ce deuxième argument a davantage de portée que le premier, compte tenu du fait que, comme on l'a rappelé précédemment, le consensus nécessaire à la conclusion d'un accord est constaté lorsque le président de la réunion se sent assuré d'un accord des deux tiers des présents.

Pour sa part, l'ICS (Chambre internationale de la marine marchande), après avoir fait observer que les naufrages de l'Erika et du Prestige avaient suscité des critiques qui ont affaibli l'OMI, a estimé que l'adhésion de l'Union européenne risquait de politiser cette institution, et par conséquent, de nuire à la qualité de la réglementation qu'elle produit.

De toute façon, il semble que, pour le moment, ce dossier de la représentation de la Communauté à l'OMI soit clos, la présidence allemande ayant annoncé, lors d'une réunion du groupe de travail, le 7 janvier 2007, qu'elle ne souhaitait pas poursuivre les discussions sur le statut d'observateur de la Communauté à l'OMI, bien que, dans le même temps, elle ait fait part de sa volonté d'assurer la coordination entre les Etats membres.

On voit bien, dès lors, que le second problème suscité par les initiatives de la Commission, à savoir le risque d'un affaiblissement de l'OMI est un faux problème, d'autant que, à la différence de l'unilatéralisme des Etats-Unis, qui a présidé à l'Oil Pollution Act et qui, en réalité, s'explique par le refus de reconnaître la primauté des conventions internationales sur les lois étatiques des Etats-Unis(30), le troisième paquet ne débouche pas sur une séparation aussi radicale avec la législation internationale, malgré les reproches adressés à la Commission de vouloir porter atteinte à l'unité du droit maritime international.

b) Le risque d'une segmentation du droit maritime international

La technique, à laquelle recourt le troisième paquet suscite deux principales critiques :

¬ La première repose sur la crainte que l'incorporation de diverses conventions adoptées par l'OMI dans l'ordre juridique communautaire par voie de directives n'encourage pas réellement les Etats membres à les ratifier, contrairement au souhait formulé par la Commission. En d'autres termes, alors que d'importantes conventions de l'OMI ne sont toujours pas ratifiées par les Etats membres, le risque est que ces derniers estimeront, à tort, y avoir procédé le jour où ils auront transposé les directives du troisième paquet.

Certes, au plan juridique, la ratification des conventions de l'OMI et la transposition des directives constituent des procédures distinctes.

Néanmoins, la critique formulée à l'encontre de cette technique employée par la Commission - que le droit communautaire ne prohibe d'ailleurs pas - n'est-elle pas excessive ? Car, en effet, grâce aux sanctions que la Commission peut mettre en œuvre pour défaut de transposition d'une directive, elle s'érige, dans les faits, en « gendarme » de l'OMI et met les ressources juridiques de l'ordre communautaire au service d'une application effective des conventions internationales.

Comme a pu le déclarer M. Jacques Barrot :

« ... la mise en œuvre en Europe, avec des moyens juridictionnels contraignants, des normes adoptées par l'OMI, témoigne des interactions entre les deux organisations (l'OMI et l'Union) en faveur de la sécurité maritime »(31).

¬ La deuxième catégorie de critiques a trait au fait que plusieurs textes du troisième paquet contiendraient des dispositions différentes - et même plus sévères - que celles des conventions adoptées par l'OMI, ou s'ajouteraient à des réformes en cours de préparation en son sein.

Une telle situation n'est pas jugée satisfaisante, car elle aboutit soit à un risque de contrariété de normes, soit à un risque inutile de leur chevauchement.

· La première hypothèse est illustrée par le principe de l'audit obligatoire et régulier de l'Etat du pavillon, alors que l'OMI ne prévoit qu'un audit facultatif. Comme on l'a vu, plusieurs Etats membres - le Royaume-Uni, la Grèce, Chypre et Malte - considèrent une telle proposition comme une atteinte à la souveraineté des Etats.

De même, la disposition de la proposition de directive sur le suivi du trafic impartissant à l'Etat côtier d'accueillir un navire en détresse va également au-delà des directives adoptées par l'OMI dans sa résolution A 949 (23) du 5 décembre 2003, puisque celle-ci insiste bien, à deux reprises, qu'il s'agit d'une décision relevant du pouvoir discrétionnaire des autorités compétentes(32). C'est d'ailleurs pourquoi le groupe de travail a adopté une rédaction dans le même sens.

La proposition de règlement relatif à la responsabilité des entreprises assurant le transport de personnes par mer ou par voie de navigation intérieure fournit un exemple dans lequel, selon les professionnels, l'extension par la Commission du champ d'application de la Convention d'Athènes au trafic domestique entraînera de sérieuses conséquences économiques pour les transporteurs.

Un troisième exemple de modifications substantielles apportées par la Commission aux conventions de l'OMI est illustré par la proposition de directive relative à la responsabilité civile et aux garanties financières des propriétaires de navires.

Ce texte amende, en effet, la Convention LLMC sur plusieurs points :

- Le test de limitation de la responsabilité

La proposition de directive ajoute la notion de négligence grave à la faute intentionnelle et à la faute dolosive dans les cas d'exclusion de limitation de la responsabilité du propriétaire d'un navire battant pavillon d'un Etat qui n'a pas ratifié la Convention LLMC. La portée de cette modification peut être interprétée de deux façons.

Pour les assureurs du groupe des clubs de protection et d'indemnisation (P & I), il s'agirait d'un retour en arrière, qui nous ramènerait à la Convention de 1957, dans laquelle un armateur perdait son droit de limitation si le sinistre résultait d'une « faute ou d'une obligation effective de l'armateur ». Or, ce ne pourrait qu'être une mauvaise direction, puisque se trouveraient ébranlés les principes fondamentaux de garantie et de rapidité du paiement des indemnités aux victimes. Ces dernières devront affronter les lenteurs du contentieux que l'introduction de la notion de négligence grave ne manquera pas de susciter.

En revanche, selon une seconde interprétation, cette notion de négligence grave - qui, traduite en anglais, serait « gross negligence »(33) - rappellerait la législation américaine. En effet, aux termes de l'Oil Pollution Act, la partie responsable perd son droit de limitation notamment en cas de « gross negligence » qui équivaut à une « faute lourde » en droit français. Selon une spécialiste de cette législation américaine :

« Une faute lourde de la part de l'armateur, voire encore d'une personne avec qui il a des relations contractuelles ou bien une exécution insuffisamment diligente d'une instruction fédérale, peut provoquer la responsabilité illimitée »(34). La notion de négligence grave serait donc l'un des moyens à l'aide desquels la Commission s'efforcerait de poursuivre l'objectif de suppression de la limitation de la responsabilité de l'armateur. C'est pourquoi - indépendamment de l'argument tiré du risque d'insécurité juridique qu'elle introduirait - cette notion est si fortement contestée par les assureurs et les armateurs.

- Le doublement des plafonds de la limitation de responsabilité

Cette disposition contrevient au Protocole de 1996, qui a créé une procédure « d'acceptation tacite », par laquelle les limites peuvent être modifiées par le Comité juridique de l'OMI sans devoir convoquer une conférence diplomatique. Cependant, aucune révision n'est encore intervenue, puisque les limites révisées ne sont entrées en vigueur qu'en 2004.

On peut constater, à travers cette proposition de directive, ce qui différencie toutefois la démarche de la Commission de celle du législateur américain. Alors que l'Oil Pollution Act procède de l'unilatéralisme intégral, la Commission prend soin de préciser dans l'exposé des motifs qu'elle demandera un mandat pour négocier au sein de l'OMI une révision de la convention de 1996, afin de réexaminer le niveau auquel le propriétaire perd son droit à réviser sa responsabilité.

· Outre ces cas dans lesquels la Commission propose des dispositions différentes de celles de l'OMI, d'autres textes du troisième paquet interviennent en parallèle à des études en cours au sein de l'OMI.

Ainsi, un projet vise, comme la proposition de directive relative aux enquêtes sur accidents, à instituer un système d'enquêtes obligatoires dans le cadre d'une révision de la Convention SOLAS. Le secrétaire général de l'OMI s'est demandé si l'Union et l'OMI seraient en mesure de parvenir à des dispositions harmonisées.

Au total, l'«unilatéralisme » reproché à la Commission doit être apprécié de façon nuancée. Certes, il est arrivé que l'Union ait effectivement devancé l'OMI et amené celle-ci à s'aligner sur les mesures communautaires, comme ce fut le cas lors de l'accélération du calendrier du retrait des navires à simple coque. Toutefois, comme le montre le dossier de la réforme de la responsabilité civile, la Commission souhaite en discuter à l'OMI. Mais, cette dernière ne critique pas non plus systématiquement la Commission lorsqu'elle prend des initiatives qui vont au-delà des dispositions contenues dans ses conventions internationales. A cet égard, le secrétaire général de l'OMI a estimé que les mesures relatives aux lieux de refuge renforçaient les lignes directrices de l'OMI.

C'est à un véritable dialogue de sourds que les rapporteurs se sont heurtés avec certains opérateurs - notamment - sur le bien-fondé des réformes proposées par la Commission, visant à renforcer la responsabilité des acteurs privés du transport maritime. Car si les rapporteurs sont convenus qu'un régime de responsabilité ne pourrait être efficace qu'en étant équilibré, ils ont néanmoins rencontré des difficultés pour faire valoir auprès de leurs interlocuteurs que la législation actuelle se devrait d'être plus sévère, compte tenu du fait que l'opinion publique - en particulier en France - a le sentiment que les fautes commises par certains acteurs responsables des dommages causés par les naufrages de l'Erika et du Prestige étaient demeurées impunies.

Pour ces opérateurs, les mesures préconisées par la Commission sont, en tout état de cause, inappropriées, parce qu'elles sont dépourvues de tout lien avec la réalité économique et qu'elles présentent, de ce fait, des risques d'effets pervers.

1) Des mesures dépourvues de tout lien avec la réalité économique

Non seulement la Commission n'aurait pas rapporté la preuve de la nécessité des réformes qu'elle propose, mais, en outre, ces dernières ont des effets dommageables sur l'activité de différents opérateurs du transport maritime.

a) La preuve de la nécessité des réformes proposées n'est pas rapportée

Armateurs et assureurs font valoir que le régime actuel d'indemnisation permet d'assurer des réparations équitables.

En effet, il serait d'autant moins nécessaire de prévoir le doublement des plafonds de la convention LLMC que, d'une part, ils sont déjà élevés et que, d'autre part, le relèvement à un milliard de dollars du plafond du FIPOL est seulement entré en vigueur en mars 2005. Il en résulterait aussi que l'objectif poursuivi par la Commission visant à instituer la responsabilité illimitée des propriétaires de navires ne repose non plus sur aucune justification convaincante.

A cela s'ajoute le fait - souligné par le groupe international des clubs de protection et d'indemnisation (P&I) - que les normes de transport maritime se sont améliorées de façon significative au cours de ces dernières années, comme le confirmerait le tableau ci-dessous, relatif à la perte de navires de plus de 100 tonneaux de jauge brute.

Nombre total de pertes
(navires de plus de 100 tonneaux de jauge brute)

Nombre de navires

Ces arguments n'apparaissent pas recevables aux yeux des rapporteurs. Car, d'une part, pour se limiter aux affaires de l'Erika et du Prestige, les indemnisations versées sont dérisoires au regard des dommages subis. Dans les deux cas, les dommages estimés et les demandes d'indemnisation ont très nettement dépassé le montant des plafonds d'indemnisation du FIPOL.

D'autre part, c'est précisément parce que, à l'occasion de ces deux naufrages, des populations entières ont été confrontées à des injustices choquantes, qu'il importe, comme le propose la Commission, de réfléchir à de nouvelles avancées. Il serait de mauvaise politique de se satisfaire de la situation actuelle - fût-elle marquée par l'absence de marée noire importante - au motif précisément que la législation internationale souffre de lacunes persistantes, sur lesquelles il n'est pas inutile de revenir, si l'on veut examiner ce dossier de façon circonstanciée.

Le système international présente, en effet, deux défauts majeurs : il repose sur le leurre de la canalisation de la responsabilité sur le propriétaire du navire. En second lieu, à la différence d'autres dispositifs existants, il ne vise pas réellement à appliquer le principe pollueur-payeur.

¬ Le leurre de la canalisation de la responsabilité sur le propriétaire du navire

Le terme de canalisation signifie que le propriétaire du navire qui est à l'origine d'une pollution en est le responsable exclusif.

A l'origine, le choix de la responsabilité objective - c'est-à-dire sans faute - du propriétaire de navire offrait l'avantage aux victimes de la facilité de mise en œuvre et la limitation de la responsabilité en apparaissait comme la contrepartie. Car, d'un côté, la victime n'avait pas à prouver la faute du propriétaire du navire. De l'autre, ce dernier bénéficiait de la limitation de responsabilité, dès lors qu'il avait constitué et mis à la disposition des victimes un fonds d'un montant égal au plafond de sa responsabilité.

Or, l'application de ces principes sur lesquels repose la Convention CLC de 1969 sur la limitation de la responsabilité civile a débouché sur une véritable irresponsabilité organisée des propriétaires de navires, tant ils ont été contournés. Le montage de l'affrètement au voyage de l'Erika montre à quel point il peut être difficile d'identifier le propriétaire réel d'un navire caché derrière des sociétés écrans(35). Dans l'affaire du Prestige, le propriétaire a su organiser son insolvabilité avant qu'il ne fût identifié(36).

De fait, l'histoire de tous les contentieux intervenus depuis 1969 ne fait que souligner qu'à quel point la réglementation est contournable et ne remplit pas l'objectif qui lui est assigné :

« La nécessité de garantir une indemnisation équitable des personnes qui subissent des dommages du fait de pollution résultant de fuites ou de rejets d'hydrocarbures provenant des navires »(37).

Ce décalage entre la règle et la réalité s'est aggravé à la suite de la réforme du 27 novembre 1992 de l'article III de la Convention CLC, laquelle précisait qu'aucune demande d'indemnisation du chef de pollution, ne pourrait être introduite contre « tout affréteur, armateur ou armateur gérant du navire ».

Dans ce contexte, il était apparu clairement que trois leçons majeures n'avaient pas été délibérément tirées :

- l'augmentation des plafonds d'indemnisation ne pouvait apparaître que comme un rafistolage, aussi longtemps que les bases du système resteraient inchangées. Ceci signifie entre autres que, malgré l'alignement en mai 2003 du plafond d'indemnisation du FIPOL sur celui de la législation américaine, des différences substantielles continueront de séparer les deux systèmes, en particulier, celle tenant à leur esprit : alors que le FIPOL se limite à l'indemnisation des dommages, les mécanismes de l'Oil Pollution Act américain visent, en revanche, à prévenir les accidents(38) et à punir leurs auteurs ;

- l'invocation de la spécificité des activités maritimes a pour objet de justifier le refus de certains acteurs de toute évolution vers un régime de responsabilité illimitée, lequel mettrait ainsi fin à l'archaïsme caractérisant la situation actuelle en alignant le régime de responsabilité du transport maritime sur celui des autres modes de transport, qu'il s'agisse du transport ferroviaire(39) ou du transport aérien(40;

- la législation américaine de l'Oil Pollution Act souligne la nécessité d'aller au-delà de la seule responsabilité du propriétaire du navire et d'organiser désormais le système de responsabilité autour des activités génératrices de profits et de pollution. Ce qui a débouché sur la consécration d'une notion extrêmement large de la « partie responsable ». Aux termes de la section 1001 (32) (A) de l'Oil Pollution Act inclut dans cette notion les propriétaires mais aussi les opérateurs et les affréteurs coque nue.

L'Oil Pollution Act fait également peser sur toute personne, société ou groupement désigné et défini comme partie responsable une responsabilité conjointe et solidaire. Se trouvent en particulier visés les créanciers hypothécaires du navire, c'est-à-dire le plus souvent des personnes étrangères à la gestion du navire qui en ont seulement financé la construction ou l'acquisition. Le principe de solidarité peut ainsi les contraindre à indemniser les dommages de pollution.

Il n'est pas indifférent de relever que le projet de loi initial de l'Oil Pollution Act contenait aussi des dispositions impliquant la responsabilité du propriétaire de la cargaison d'hydrocarbures. Mais seule la pression politique d'un secteur économique majeur - les compagnies pétrolières - a empêché de maintenir cette disposition. Cela n'avait donc rien à voir avec la prise en compte du « risque lié à l'aventure maritime ».

Si l'Oil Pollution Act ne pose pas le principe de la responsabilité illimitée, il réduit toutefois les cas de limitation de responsabilité et, dans certains cas, permet que celle-ci devienne illimitée. Non seulement, le législateur américain a abrogé l'ancien principe de limitation globale de responsabilité de l'armateur consacré par une loi de 1851, mais il a précisé les cas dans lesquels les limites de responsabilité ne s'appliquaient pas : faute lourde de la partie responsable qui sous-entend une négligence flagrante dans son comportement ; faute inexcusable de cette même partie, qui, dans le cadre de la gestion d'un navire, peut être assimilée à une mauvaise gestion volontaire ; violation par la partie responsable, son mandataire ou son salarié d'un règlement fédéral relatif à la sécurité, à la construction ou à l'exploitation du navire ou du terminal pétrolier.

L'extension de la possibilité de reconnaissance d'une responsabilité illimitée découle également d'une disposition de l'Oil Pollution Act ayant mis fin à la primauté de la loi fédérale sur la loi des Etats, si bien que la quasi-totalité d'entre eux a institué un régime de responsabilité illimitée des auteurs de pollution.

Moins citée que la législation américaine, la loi canadienne de 1985 sur la prévention de la pollution des eaux arctiques a pourtant également étendu la notion de « partie responsable » et institué un mécanisme permettant d'écarter la limitation de responsabilité.

L'extension de la notion de « partie responsable » apparaît d'abord à travers l'article 2 qui assimile au propriétaire de navire :

« quiconque a, à un moment donné, en vertu d'une disposition législative ou contractuelle, les mêmes droits que le propriétaire du navire en ce qui a trait à sa possession ou son usage ».

Ensuite, l'article 6 [1] dispose que sont respectivement responsables le propriétaire du navire qui navigue dans les eaux arctiques et le propriétaire de la cargaison, étant précisé que :

« dans le cas du propriétaire d'un navire et des propriétaires de sa cargaison, cette responsabilité est solidaire ».

S'il existe bien une limite de responsabilité, rien toutefois n'interdit au « gouverneur en conseil » de mettre en place un système de responsabilité illimitée(41).

¬ Le champ d'application limité de la réparation

L'une des principales autres critiques adressées à la législation internationale réside dans le fait qu'elle n'autorise pas une application satisfaisante du principe pollueur-payeur, à la différence des législations américaine et canadienne.

Certes, à l'heure actuelle, ouvrent droit à indemnisation les coûts des mesures de remise en état de l'environnement et le manque à gagner dû à ces dommages.

Mais les frais liés à la remise en état de l'environnement font l'objet d'une interprétation restrictive. En effet, seuls sont indemnisables les frais de remise en état du milieu marin endommagé, non les dommages proprement dits causés aux ressources naturelles. Une telle rigueur est illustrée par le rejet de la demande déposée par le gouvernement espagnol au titre des dépenses encourues par ce dernier en 2004 pour l'extraction des hydrocarbures de l'épave du Prestige(42).

En revanche, l'Oil Pollution Act, comme le rappelle l'encadré ci-dessous, prévoit de façon détaillée la responsabilité pour les atteintes aux ressources naturelles.

La partie responsable est tenue de réparer tout préjudice apporté à la ressource naturelle appartenant ou gérée par les autorités, qu'il s'agisse des autorités fédérales, des Etats, de la tribu indienne ou encore d'un gouvernement étranger. Le dommage aux ressources naturelles est classé en deux types : l'un résulte « du préjudice à, de la destruction de, ou de la perte d'utilité des ressources naturelles, y compris le coût raisonnable d'évaluation du préjudice », pour lequel seules les autorités publiques ont un droit d'action ; l'autre est « la perte d'utilité de subsistance des ressources naturelles », qui peut être demandée par toute personne qui utilise ces ressources naturelles sans tenir compte du titre de la propriété ou de l'administration sur ces ressources. La mesure des dommages-intérêts pour l'atteinte aux ressources est : le coût de la restauration ou du remplacement des ressources naturelles endommagées ; la diminution de la valeur des ressources naturelles pendant la période de la restauration, et le coût raisonnable de l'évaluation du préjudice. La loi interdit catégoriquement, dans le cadre de l'Oil Pollution Act une double indemnisation pour la même atteinte aux ressources naturelles.

Celles-ci sont définies dans l'Oil Pollution Act comme étant : « la terre ; le milieu piscicole ; la vie sauvage ; le biotope ; l'air ; l'eau ; les eaux souterraines ; les réserves d'eau potable » et toute autre ressource (y compris celle de la zone économique exclusive) contrôlée par le gouvernement des Etats-Unis, les Etats, les autorités locales, les autorités indiennes et les gouvernements étrangers.

La loi canadienne définit le dommage écologique de façon moins précise que l'Oil Pollution Act, mais son champ d'application est plus large que celui de la législation internationale. Aux termes de l'article 6 (2), la responsabilité couvre les dépenses, pertes et dommages résultant de tout dépôt de déchets et attribuable à l'activité, à l'opération, ou au navire en cause.

La prise en charge de l'intégralité des pertes ou dommages subis par les tiers est également prévue. Ce dernier point constitue une différence majeure avec le FIPOL, dont l'une des règles repose sur la limitation de la réparation du manque à gagner aux seules personnes dont les revenus dépendent directement des activités liées à la côte ou à la mer.

b) Des mesures aux effets dommageables

Les dispositions préconisées par la Commission pourraient avoir pour effet d'entraîner non seulement des difficultés accrues pour les assureurs mais aussi de nuire au dynamisme économique des professionnels des Etats.

(1) Des difficultés accrues pour les assureurs

Le groupe international des clubs de P&I rappelle que la couverture des dommages dus aux pollutions par les hydrocarbures est limitée à 1 milliard de dollars, tandis que celle des dommages résultant d'autres pollutions dépasse 5 millions de dollars.

Pour faire face à ces niveaux de couverture, les clubs participent à un programme de réassurance. Comportant plusieurs niveaux et renouvelé tous les ans, ce programme protège les clubs du groupe contre l'exposition à des créances comprises entre 50 millions de dollars et 2 milliards de dollars (1 milliard de dollars pour les cas de pollution).

Or, pour les assureurs participant à ce programme, l'existence de droits de limitation est un facteur important pour la réassurance des souscripteurs et notamment pour l'évaluation du risque et du niveau de couverture qu'ils pourront offrir. Toute réduction ou élimination des droits de limitation aurait un impact négatif sur l'évaluation des risques par les souscripteurs et les sociétés qui prennent part au programme de réassurance. La capacité du marché pourrait s'en trouver considérablement réduite. Corrélativement, un nombre moins important de couvertures d'assurance serait disponible pour répondre aux responsabilités des armateurs et protéger les victimes.

Ces analyses rappellent à certains égards les réactions alarmistes qui ont pu exister avant la promulgation de l'Oil pollution Act(43).

On peut toutefois s'interroger sur leur réelle pertinence, compte tenu du fait que l'application de cette législation depuis plus d'une quinzaine d'années n'a entraîné ni faillite des groupes d'assurances européens ou américains, ni celle des entreprises pétrolières(44), ni encore moins l'interruption des importations de pétrole par les Etats-Unis, celles-ci ayant même doublé depuis lors(45).

(2) La crainte d'un affaiblissement du dynamisme économique des professionnels des Etats membres

Un argument a été très souvent opposé aux rapporteurs, selon lequel les mesures préconisées par la Commission - du fait de leur sévérité accrue par rapport à celles prévues par la législation internationale - ne manqueraient pas de pénaliser les opérateurs des Etats membres.

Ces craintes ne sont que partiellement fondées. Il est certes vrai que, pour échapper à la mise en place d'un régime de responsabilité illimitée, les armateurs pourraient être tentés de s'immatriculer auprès de registres étrangers.

D'autre part, l'extension de la convention d'Athènes à la navigation intérieure pourrait entraîner d'importantes difficultés pour certaines entreprises de transport, comme c'est le cas au Portugal de petites compagnies de ferries locales(46).

Pour autant, comme on l'a déjà relevé précédemment, armateurs et affréteurs font depuis plusieurs années déjà un pari sur la sécurité, laquelle a été considérée comme une composante essentielle du transport maritime, et, partant, un atout de la compétitivité d'une flotte(47). D'ailleurs, les caractéristiques techniques des nouveaux bâtiments en service et la valeur potentielle de la cargaison transportée ne peuvent que pousser dans ce sens : ainsi les plus gros porte-conteneurs - d'une longueur de 400 mètres - peuvent transporter 13 000 EVP et contiennent 13 000 tonnes de fuel lourd dans leurs soutes. Quant aux plus gros pétroliers - les Ultra Large Crude Carriers - ils peuvent transporter jusqu'à 550 000 tonnes de pétrole brut. Les observations formulées ci-dessous par un grand groupe d'assurances permettent de prendre la mesure des problèmes posés en matière de sécurité et d'assurances par le développement de la conteneurisation.

« Si nous prenons un navire de 10.000 EVP (équivalent vingt pieds) avec une moyenne de 100.000 euros par conteneur, nous nous trouvons face à une exposition de 1.000.000.000 euros. Avec une avarie commune de 60 %, c'est une contribution de 600.000.000 euros qui sera demandée aux intérêts cargaisons sauvés, c'est-à-dire aux propriétaires des marchandises ou à leurs assureurs. A titre d'information, il est important de rappeler que 600.000.000 euros, c'est approximativement la totalité de l'encaissement des compagnies du marché français pratiquant l'assurance facultés. »

Source
 : Groupama, Transports, Newsletter, mai 2006.

2) Des mesures pouvant comporter des effets pervers

Les propositions de la Commission suscitent deux séries de doutes, qui avaient déjà été exprimés aux Etats-Unis lors de la discussion du Oil Pollution Act, touchant au caractère réellement dissuasif du renforcement de la responsabilité des armateurs et à la protection accrue des victimes qui pourrait en découler.

a) Le débat sur l'efficacité du renforcement du régime de responsabilité des armateurs

Le pari du législateur américain a reposé incontestablement sur la confiance dans les vertus dissuasives qui s'attacheraient au relèvement brutal des limites de la responsabilité(48) et à l'instauration d'un régime de responsabilité potentiellement illimitée. Force est de constater que, bien que le contentieux issu du naufrage de l'« Exxon Valdez » ne soit toujours pas réglé dans sa totalité(49), le dispositif mis en place par l'Oil Pollution Act n'est pas dépourvu de toute efficacité, puisque, visiblement, il a préservé les Etats-Unis, depuis une quinzaine d'années, d'une nouvelle catastrophe majeure.

Pour autant, la législation américaine s'est vu reprocher d'être contre-productive, au motif qu'elle a donné naissance à des mécanismes de contournement. En effet, la responsabilité illimitée ne reposant que sur le propriétaire du navire, les affréteurs américains n'ont recours qu'à des navires immatriculés à l'étranger et appartenant à des sociétés peu solvables ; la responsabilité en cas d'accident n'est limitée de fait qu'à hauteur de la valeur de la société, parfois à la valeur du navire seulement. En outre, les pétroliers déchargent souvent leur cargaison hors des eaux territoriales américaines sur des navires plus petits et donc de moindre valeur. Au total, ces pratiques ne conduiraient pas à une réduction du risque d'accident, bien au contraire.

Un exemple d'effet pervers pouvant découler du régime de responsabilité illimitée est illustré par la législation de l'Etat de Floride. Ce dernier a promulgué en 1970 une loi instituant une responsabilité absolue et illimitée pour les dommages de pollution et les coûts de nettoyage. Or, les propriétaires de navires ne sont pas parvenus à bénéficier d'une assurance qui couvrirait cette responsabilité, ce qui a contraint les chargeurs à procéder à une auto-assurance en donnant en garantie tous les biens de leur entreprise. Toutefois, peu de temps après, les chargeurs ont refusé d'entrer dans les eaux de l'Etat de Floride ou ont demandé à leurs contractants de cet Etat de les couvrir de toutes les réclamations des dommages par pollution. Pour ces raisons, l'Etat de Floride a décidé de renoncer au régime de responsabilité illimitée et de lui substituer un dispositif comportant des limites raisonnablement élevées.

Cet exemple confirme la nécessité d'éviter de faire peser un régime de responsabilité illimitée sur les seuls propriétaires de navires sans qu'un régime de responsabilité ne soit appliqué aux chargeurs. Car, comme l'ont fait valoir plusieurs de nos interlocuteurs, les assureurs peuvent refuser d'accorder leur couverture, d'autant que la possibilité d'une faillite de l'armateur en cas d'accident n'est pas à écarter(50).

Enfin, selon le club de P&I, il y aurait lieu de craindre que l'objectif poursuivi par la Commission n'incite les « destinataires des livraisons d'hydrocarbures » - c'est-à-dire principalement les compagnies pétrolières - à cesser de verser leur contribution au FIPOL. En d'autres termes, cette contribution - dont l'objet est de compléter l'indemnisation versée en application de la convention CLC - serait dépourvue de raison d'être, puisque la responsabilité du propriétaire du navire serait illimitée. Or, là encore, la référence à la législation américaine permet de constater qu'un tel argument n'est pas totalement pertinent. En effet, le législateur américain avait certes été conscient du caractère exceptionnel du naufrage de l'Exxon-Valdez, en ce que la mise en cause de la responsabilité illimitée d'une entreprise telle qu'Exxon Mobil pouvait avoir d'importantes conséquences financières. Mais, il n'a toutefois pas omis de voir également que la responsabilité illimitée pouvait être tenue en échec dans le cas où une société ne disposerait pas de moyens financiers suffisants. C'est à ce souci qu'a répondu l'institution par le Congrès d'un fonds d'indemnisation - l'Oil Spill Liability Trust Fund - qui a pour objet de prendre le relais, lorsque la responsabilité du premier degré est niée ou insuffisante pour satisfaire toutes les demandes d'indemnisation.

Toutes proportions gardées on relèvera que c'est le même esprit qui a inspiré le projet de création du Fonds COPE initié par la Commission dans le cadre du paquet Erika II.

b) Les doutes quant à une protection accrue des victimes

Qu'il s'agisse de la modification des conditions d'application de la convention LLMC ou du projet de la Commission visant à l'institution d'un régime de responsabilité illimitée, les assureurs rencontrés par les rapporteurs ont considéré que de telles mesures ne concourraient pas nécessairement à une meilleure indemnisation des victimes.

¬ Les amendements apportés par la Commission à la convention LLMC suscitent deux séries de critiques. Les premières, déjà évoquées précédemment portent sur les difficultés que ne pourraient manquer de rencontrer les assureurs à faire face au doublement du plafond de la limitation de responsabilité.

La deuxième catégorie de critiques a trait aux effets négatifs qui s'attacheraient à l'introduction de la notion de « négligence grave ». Le club des P&I soutient que cette dernière ira à l'encontre des principes fondamentaux de la convention, ceux de garantie et de rapidité du paiement des indemnités aux victimes. En effet, en constituant une source d'incertitude juridique, cette nouvelle notion donnera lieu à des contentieux, ce qui aura corrélativement pour effet d'accroître les délais de traitement des litiges.

On peut se demander si la crainte d'une incertitude juridique ne serait pas quelque peu excessive. Un tel risque est inhérent à toute nouvelle disposition juridique, dont, nécessairement, il est difficile de préjuger les effets.

En réalité, ne pourrait-on plutôt suggérer que cette notion - qui correspondrait à celle de « gross negligence »(51) de l'Oil Pollution Act - suscite précisément la crainte, parce qu'elle serait le premier jalon vers un régime de responsabilité illimitée ?

¬ Ce dernier n'apporterait pas automatiquement de protection accrue aux victimes des marées noires, pour les raisons exposées précédemment : refus des assureurs de couvrir un risque qu'ils jugent incertain et nécessairement coûteux et risque d'insolvabilité des armateurs.

S'agissant des Etats-Unis, l'application de l'Oil Pollution Act à Exxon au titre des dommages causés par le naufrage de l'Exxon-Valdez fait apparaître des résultats mitigés. D'un côté, un régime de responsabilité illimitée peut exercer un effet dissuasif. On ne peut ainsi manquer d'être frappé par le montant élevé des sommes en jeu au regard des plafonds d'indemnisation qui étaient alors en vigueur dans le cadre du FIPOL. En effet, depuis 1989, Exxon a déjà dépensé deux milliards de dollars pour nettoyer les plages polluées. En outre, en janvier 2004, un juge fédéral a fixé le montant des dommages punitifs à 4,5 milliards de dollars - alors qu'en 1994, un jury d'Alaska avait fixé ce même montant à 5,2 milliards de dollars - auxquels s'ajoutent deux milliards au titre des intérêts dont Exxon est redevable depuis 1994. Enfin, le 23 décembre 2006, la Cour d'appel de San Francisco a réduit le montant des dommages punitifs à 2,5 milliards de dollars.

Toutefois, on notera que les indemnités versées volontairement aux pêcheurs n'ont que fort peu compensé leur manque à gagner(52). Mais surtout, Exxon n'a cessé de multiplier les procédures dilatoires, qui non seulement privent d'effet les condamnations prononcées à son encontre, mais surtout retardent l'indemnisation des parties plaignantes.

Enfin, le fait que des études aient mis en évidence que la pollution causée par le pétrole de l'Exxon-Valdez(53) n'aurait toujours pas été totalement résorbée, montre bien les limites auxquelles peut être confronté un régime de responsabilité illimitée, en particulier en ce qui concerne la réparation du dommage écologique.

Cette critique a été formulée par l'avis du Comité économique et social et européen, qui

« déplore l'insuffisante attention accordée au niveau communautaire au facteur humain dans ce troisième « paquet » sécurité maritime. »

De même, le contre-amiral Edouard Guillaud a vu dans cette lacune l'esprit qu'il a qualifié de « technocratique » qui a présidé, selon lui, à l'élaboration des mesures préconisées par la Commission.

Il serait toutefois excessif de reprocher à la Commission d'avoir omis totalement la dimension humaine. C'est ainsi qu'elle a proposé un texte qui permettrait aux Etats membres de ratifier la convention du travail maritime consolidée de 2006 de l'OIT. En outre, plusieurs dispositions du paquet y sont consacrées. Mais, parce qu'elles ne sont pas clairement mises en évidence, leur place, dans ce paquet, semble limitée, ce qui apparaît incontestablement comme un paradoxe devant l'importance des enjeux.

1) Une place trop limitée dans les propositions de la Commission

Il n'existe pas à proprement parler de volet qui soit consacré au facteur humain dans le troisième paquet. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'avis du Comité économique et social souhaite qu'un autre « paquet » l'évoque de façon spécifique.

Les dispositions qui s'y rapportent sont, en effet, éparpillées à travers les différents textes du paquet, même si elles portent sur des questions d'importance. Il en est ainsi des mesures visées à l'article 6 de la proposition de la directive concernant le respect des obligations des Etats du pavillon, qui touchent à l'inspection de la conformité de l'équipage aux certificats qui lui ont été délivrés ou à l'inspection de l'accomplissement de leurs tâches par les gens de mer affectés au navire.

On relèvera également la nouvelle disposition insérée à l'article 12 de la proposition de directive relative au contrôle par l'Etat du port, qui ouvre à l'Etat du port la faculté de connaître des plaintes concernant les conditions de travail à bord.

2) Une lacune paradoxale devant l'importance des enjeux

Pour souligner la place du facteur humain dans le transport maritime, il est fait généralement référence au rôle qu'il joue dans les accidents, dont 80 % lui sont imputés.

Sans perdre de vue cette donnée, les rapporteurs ont toutefois tenu à évoquer d'autres aspects, avec leurs interlocuteurs, parce qu'il leur est apparu que le succès ou l'échec des objectifs que s'est fixés la Commission dépendra aussi des solutions qui seront apportées aux difficultés auxquelles les flottes des Etats membres sont confrontées. Or, ces difficultés sont multiples et touchent au déficit réel de recrutement, à la formation des équipages et à la taille de ces derniers.

a) Un déficit réel de recrutement

Un rapport de l'OCDE(54) permet de prendre la mesure de l'ampleur de ce déficit.

Selon ce rapport, les officiers supérieurs originaires des pays de l'OCDE représentent 57 % du total des officiers supérieurs de toutes nationalités employés à bord des navires par des propriétaires et des gestionnaires de navires des pays de l'OCDE, étant précisé qu'aux grades les plus élevés ces officiers représentent une population active vieillissante. Ce pourcentage concerne 43 % pour les officiers subalternes et 25 % seulement pour le personnel d'exécution.

Les principaux facteurs qui font obstacle au recrutement de personnel maritime originaire des pays de l'OCDE sont le niveau des coûts et la pénurie de l'offre. Le coût de la main-d'œuvre maritime des pays de l'OCDE est supérieur à celui des autres pays dont est originaire une forte proportion des effectifs d'équipage. C'est ainsi qu'en 2002 le salaire mensuel moyen d'un capitaine originaire de Croatie, d'Inde, des Philippines et de Russie variait entre 4 200 dollars et 6 300 dollars contre pas moins de 8 500 dollars - et jusqu'à 11 000 dollars - pour leurs homologues originaires du Danemark, de France, d'Allemagne, du Japon, de Norvège et du Royaume-Uni.

Quant à la pénurie de l'offre, elle tient aux causes évoquées par l'OIT(55) et sur lesquelles plusieurs des interlocuteurs des rapporteurs ont également mis l'accent :

« ... le caractère pénible du travail à bord(56), les longues absences du foyer, l'isolement et les courtes périodes passées dans les ports étrangers peuvent aussi décourager les éventuels candidats et amener les marins en activité à abandonner leur profession ».

Cette situation est très préoccupante, au point que, d'après le rapport précité de l'OCDE, « si l'offre de marins des pays de l'OCDE vient à se tarir, il faudra alors recruter du personnel provenant d'autres pays, c'est le message clair qui se dégage de cette situation ».(57)

b) La question cruciale de la formation des équipages

Le rapport précité de l'OCDE émet, à cet égard, un jugement très critique :

« La formation aux nouveaux équipements et aux nouvelles technologies est insuffisante. Les navires d'aujourd'hui sont de plus en plus complexes, alors que les marins n'ont que des connaissances techniques limitées ».

Ce constat est corroboré par le résultat d'un sondage joint en annexe à ce même rapport :

« 60 % des officiers (et 77 % des matelots) jugent que la formation des marins dans leur pays est insuffisante. Les réponses montrent qu'il faudrait renforcer les qualifications dispensées en gestion et en ingéniérie».(58)

Pour sa part, l'Association française des capitaines de navires souligne le fait que beaucoup d'incidents et d'accidents sont dus au manque de connaissance de l'installation technique. Car, en effet, pour des raisons économiques, les équipages ont rarement l'occasion de se familiariser avec le navire, lorsqu'ils effectuent la relève de l'équipage.

En second lieu, cette même association déplore que la Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (Convention STCW), telle qu'elle a été amendée en 1995, n'ait pas eu réellement pour objet ni pour effet d'améliorer le niveau des compétences des marins du Tiers-monde, qui est devenu un réservoir pour le recrutement des équipages. Par exemple, la Convention STCW 95 exige un anglais adapté pour les marins certifiés, mais pour l'Association française des capitaines de navires cela s'est avéré être une utopie.

Certaines personnalités rencontrées par les rapporteurs à Londres ont toutefois apporté des nuances à ce tableau pessimiste, faisant observer notamment que les officiers indiens étaient d'un bon niveau et même supérieur à celui des officiers britanniques. Le problème concernerait plus particulièrement les Philippines(59), en raison du fait que, pour des raisons politiques, le Gouvernement de ce pays n'a pas fermé les écoles qui ne dispensaient pas de bonne formation.

c) La taille des équipages : un problème de plus en plus délicat

En principe, les effectifs d'un navire doivent être conformes aux indications d'un document spécifiant les effectifs de sécurité ou d'un document délivré par l'Etat du pavillon. Les inspecteurs de l'Etat du port sont chargés de s'assurer de cette conformité et de demander l'avis de l'Etat du pavillon pour déterminer si le navire est autorisé à appareiller, dans le cas où la non-conformité serait constatée(60).

Or, indépendamment du fait que tous les navires ne sont pas contrôlés par l'Etat du port, l'application effective de ces règles se heurte à deux difficultés. D'une part, la concurrence accrue que se livrent les armateurs et la propension qu'ont ces derniers à réduire les coûts de main-d'œuvre ont pour effet de favoriser la diminution de la taille des équipages, ce qui ne peut manquer d'accroître le risque de fatigue.

D'autre part, la technologie dont les navires neufs sont équipés peut également contribuer à réduire la taille des effectifs. Or cette technologie est de plus en plus sophistiquée. Il n'est toutefois pas sûr, comme on l'a vu précédemment, que tous les équipages aient reçu la formation requise pour la maîtriser.

Comme ils l'ont déjà déclaré dans leur propos liminaires, les rapporteurs sont favorables aux initiatives de la Commission et demanderont à la Délégation d'approuver la proposition de résolution qu'ils présenteront in fine.

Toutefois, les propositions de la Commission nécessitent d'être amendées sur certains points. Tel est l'objet de cette dernière partie, dans laquelle après avoir insisté sur l'importance du maintien de la logique du paquet, nous évoquerons quelques orientations souhaitables.

Deux raisons plaident en faveur du maintien de cette logique :

- l'idée de paquet repose sur une vision cohérente de la sécurité maritime ;

- cette logique s'inscrit dans la poursuite de l'objectif d'un espace maritime communautaire.

1) L'idée de paquet repose sur une vision cohérente de la sécurité maritime

La nouveauté de ce troisième paquet réside dans le double fait qu'il concerne l'ensemble des acteurs publics et privés et qu'il combine prévention et réparation.

Dès lors, accepter le principe d'une discussion et d'une adoption séparées des textes procède d'un choix qui n'est pas neutre, celui du refus des deux textes les plus novateurs - et les plus sensibles - de ce paquet, à savoir les propositions de directive relatives au respect des obligations de l'Etat du pavillon et à la responsabilité civile et aux garanties financières des propriétaires de navires.

Or, il est évident que si une majorité du Conseil parvenait à bloquer la discussion de ces deux textes, ce serait la cohérence du paquet qu'elle mettrait à mal.

2) La logique du paquet s'inscrit dans l'objectif d'un espace maritime communautaire

La notion d'espace maritime communautaire est encore à ce jour une idée neuve, puisque dans les faits chaque Etat membre exerce sa souveraineté sur ses eaux territoriales.

Il est d'ailleurs significatif que, lors d'un Conseil « Transports » du mois d'octobre 2006, ce soit la Grande-Bretagne - traditionnellement opposée à la communautarisation accrue de la sécurité maritime - qui s'est opposée à la mention d'une telle notion dans la communication sur la révision à mi-parcours du Livre blanc sur la politique européenne des transports.

En effet, la Commission souhaite, à travers le troisième paquet, renforcer davantage l'acquis communautaire en matière de sécurité maritime, afin que les Etats membres conçoivent celle-ci comme devant faire l'objet d'une véritable politique commune dans tous ses aspects. Ce qui signifie que cette dernière doit favoriser la constitution d'une flotte de référence et d'un espace maritime commun « sanctuarisé », ce dernier objectif imposant précisément le renforcement continu des contrôles.

Un tel renforcement passe par l'accomplissement indispensable de leurs obligations par les Etats du pavillon, mais aussi par l'extension du contrôle par l'Etat du port et celui exercé sur les organismes agréés, d'une part, puis, d'autre part, par le réajustement des procédures de refuge pour les navires ayant besoin d'assistance.

1) Une condition indispensable : l'accomplissement de leurs obligations par les Etats du pavillon

Le principe de l'audit obligatoire introduit par la proposition de directive constitue incontestablement la clé d'une véritable politique commune de sécurité maritime. Seul ce mécanisme permettra de s'assurer que les diverses obligations auxquelles les Etats du pavillon doivent satisfaire sont réellement remplies.

En la matière, l'invocation du principe de subsidiarité n'est guère pertinent, puisque, comme nous l'avons rappelé, les Etats membres ont adopté le règlement 2320/2002 du 16 décembre 2002, lequel prévoit que la Commission inspecte les conditions dans lesquelles les aéroports des Etats membres mettent en œuvre les mesures de sûreté édictées par le règlement. Des mesures d'inspection analogues ont également été prévues pour les ports, en application du règlement 885/2005 du 26 octobre 2005. Or, les mesures de sûreté touchent à l'évidence aux fonctions régaliennes.

De même, l'argument selon lequel cette proposition de directive serait dépourvue de valeur ajoutée n'est guère plus convaincant. Il y a lieu de craindre qu'il ne s'agisse là que d'un argument d'autorité, qui évite de devoir apporter la preuve contraire que l'absence de proposition de directive serait porteuse d'une réelle valeur ajoutée.

Dès lors, les rapporteurs déplorent que le Conseil n'ait pas, à ce stade, entamé l'examen de la proposition de directive, à la différence du Parlement européen.

Or, les amendements déposés à ce jour(61) témoignent bien de la volonté de la commission des transports du Parlement européen de préciser le contenu et l'étendue des obligations des Etats du pavillon.

Ces amendements rappellent de façon très opportune que ces derniers sont chargés de contrôler le respect des normes de l'OMI non seulement par leurs propres pavillons mais aussi par ceux des Etats tiers(62). En second lieu, les Etats membres se doivent également de contrôler l'application des obligations édictées par l'Organisation internationale du travail.

Tout aussi utiles sont les précisions concernant les modalités de l'immatriculation des navires ou les rapports entre les Etats du pavillon et les organismes agréés.

2) L'extension nécessaire des autres contrôles

a) Le contrôle par l'Etat du port

Deux points au moins touchant à la mutualisation des contrôles et à l'articulation entre la discussion au plan communautaire et les travaux du comité du MOU au mois de mai 2007 ne manqueront pas de continuer à dominer les débats à venir.

¬ La mutualisation des contrôles

L'objectif d'un contrôle de 100 % des navires est nécessaire, compte tenu du fait que toutes les flottes ne sont pas encore parvenues au même niveau de qualité.

Parce qu'il sera mieux ciblé - comme on l'a vu - et mutualisé entre tous les Etats membres, le nouveau dispositif devrait permettre à des Etats comme la France, par exemple, de redéployer les ressources en inspecteurs vers les zones à plus forte densité de navires à haut risque, ainsi que M. Dominique Perben, ministre des transports, nous l'a précisé.

Mais, à cet égard, on voit bien que le succès d'une telle réforme dépendra d'abord de la volonté et de la capacité des Etats membres à consacrer les moyens en personnels suffisants, ce qu'ont souligné certains amendements proposés par le projet de rapport de Mme Dominique Vlasto. Cette question deviendra d'autant plus cruciale qu'il incombera également aux inspecteurs de procéder au contrôle des conditions de vie et de travail des marins à bord et de leurs qualifications.

Plusieurs de nos interlocuteurs ont mis l'accent sur la nécessité d'améliorer la qualité des contrôles, qui constituerait, selon eux, une autre condition indispensable du bon fonctionnement du nouveau régime d'inspection.

Il est vrai que l'exemple de l'Erika, qui a pourtant fait l'objet de sept contrôles par l'Etat du port, inciterait plutôt à la prudence quant aux avantages qui s'attacheraient à l'accroissement quantitatif des contrôles(63), d'autant que ceux-ci ont fait l'objet d'appréciations très négatives. Pour certains de nos interlocuteurs, les contrôles « papier » - c'est-à-dire ceux portant sur divers rapports concernant l'état du navire(64) - seraient parfaitement insuffisants ou malhonnêtes, parce qu'ils dissimulent l'état réel du navire, que des contrôles rapides(65) ne permettent pas de cerner à l'œil nu.

Or, si malheureusement le contrôle par l'Etat du port revêt aujourd'hui encore un caractère le plus souvent virtuel, c'est parce que les inspecteurs ne sont pas - ou ne peuvent être - en possession d'éléments essentiels, surtout en cas d'inspection renforcée. Non seulement les inspecteurs ne disposent pas - à la différence des centres de sécurité de navires - d'historique des navires. Mais en outre, il n'est pas sûr qu'ils disposent non plus des résultats de ce qu'on appelle l'analyse en fatigue des navires, c'est-à-dire de la résistance de leurs structures lorsqu'ils naviguent dans des conditions nautiques données(66). La communication de ces résultats exigerait une bonne coopération entre les inspecteurs, les capitaines de navires et les sociétés de classification. Ces dernières détiennent, en effet, des éléments extrêmement précieux, dans ce qui est appelé les special surveys (rapports spéciaux), dans lesquels leurs inspecteurs consignent les résultats des visites approfondies des structures des navires auxquelles ils procèdent tous les 60 mois pour la plupart de navires et tous les 30 mois pour les pétroliers.

Pour M. Georges Tourret, ancien chef du Bureau enquêtes accidents-mer du ministère de l'équipement, une solution consisterait également à faire pression sur les inspecteurs du vetting, afin qu'ils communiquent les données sur le contrôle des structures au contrôle de l'Etat du port, ce à quoi s'opposent toutefois les armateurs.

Au total, on voit bien que l'objectif d'une amélioration de la qualité du contrôle par l'Etat du port répond à une nécessité(67). Mais il renvoie aussi à la question cruciale de ses rapports avec le contrôle de l'Etat du pavillon et à celle du contrôle exercé par ce dernier sur les sociétés de classification. Il est clair que le contrôle par l'Etat du port ne pourra que se heurter à des difficultés accrues si l'Etat du pavillon ne se plie pas pleinement à l'obligation rappelée à l'article 6 de la proposition de directive relative au respect des obligations du pavillon, d'inspecter régulièrement les navires pour vérifier que leur état réel et leurs équipages sont conformes aux certificats qui lui ont été délivrés.

A cet égard, on peut voir dans la base de données dont la constitution est préconisée par l'article 11 de la même proposition de directive, un instrument destiné à renforcer les liens entre contrôle de l'Etat du pavillon et contrôle par l'Etat du port. Cette base de données qui serait gérée par la Commission contiendrait les données extraites des bases des Etats membres, portant notamment sur l'identité des organismes agréés ayant participé à la certification et à la classification du navire ou encore l'identité de l'organisme qui a inspecté le navire en vertu des dispositions relatives au contrôle par l'Etat du port et les dates d'inspection.

¬ L'articulation entre les discussions communautaires sur la proposition de directive relative au contrôle par l'Etat du port et les travaux du comité du MOU

Il convient d'être très attentif à cette question qui a été l'une de celles qui a dominé les discussions au sein du groupe du travail du Conseil avant et après la réunion du Comité du MOU à Nantes au mois de mai 2006, puisqu'est en jeu le dispositif relatif au nouveau régime d'inspection.

En effet, alors que plusieurs Etats membres ont souhaité qu'une telle articulation apparaisse dans la proposition de directive, la Commission - soutenue par la France, qui apparaît isolée sur ce point - a défendu l'idée d'édicter une réglementation communautaire du contrôle par l'Etat du port qui soit autonome et détachée du Mémorandum de Paris. Or, au mois d'octobre 2006, lors de la tenue du sommet entre la Russie et l'Union européenne, les autorités russes avaient tenu à demander à M. Jacques Barrot si le MOU était toujours un forum pertinent de discussion.

Pour sa part, le projet de rapport de Mme Dominique Vlasto est attaché à cette idée d'articulation entre la proposition de directive et le MOU, à la différence du texte accepté par le Conseil « Transports » des 11-12 décembre 2006, lequel repose plutôt sur l'objectif d'une réglementation communautaire autonome.

Les rapporteurs jugent souhaitable que, comme c'était le cas jusqu'à présent, le MOU et l'Union soient régis par les mêmes règles de contrôle par l'Etat du port. A cet égard, l'objectif idéal serait que les normes acceptées par le Conseil « Transports » des 11-12 décembre 2006 constituent le socle de cette réglementation commune et soient adoptées par le Comité du MOU au mois de mai 2007.

Quoi qu'il en soit, il importe de prévenir tout nouvel échec, dont les conséquences seraient difficilement prévisibles, certains estimant qu'un accord bilatéral entre l'Union européenne et la Russie permettrait de surmonter un tel échec. D'autres, en revanche, considèrent qu'un nouvel échec pourrait bloquer la discussion de la proposition de directive.

b) La nécessité d'encadrer étroitement les activités des organismes agréés

Le document de travail établi par la Commission confirme la nécessité d'un contrôle accru :

« ...la principale amélioration devrait concerner l'environnement de contrôle de ces organismes dans son ensemble, qui n'est pas encore à la hauteur des risques réels engendrés par leurs activités. »(68)

A cet égard, l'argument opposé aux rapporteurs selon lequel l'institution du nouveau système d'amendes serait déresponsabilisant est totalement irrecevable. Car il est clair que c'est notamment l'absence d'un tel système jusqu'à présent, qui a pu conforter la conviction de l'opinion publique, que les négligences et les défaillances des sociétés de classification restaient impunies. Dans les affaires de l'Erika et du Prestige, on peut ainsi s'étonner que ni les Etats, ni la Commission(69), ni le FIPOL(70) n'aient estimé nécessaire de prendre des mesures significatives à l'encontre des sociétés de classification défaillantes.

Dans ce contexte, il est extrêmement choquant de la part des professionnels concernés, tant du point de vue du droit que de la morale, d'invoquer le risque de faillites que, selon eux, l'application du nouveau système d'amendes ne manquerait pas d'entraîner. Au demeurant, il n'est pas inutile de rappeler que, dans le domaine du droit de la concurrence, dont s'inspire ce nouveau système d'amendes, la Commission n'a jamais encore prononcé d'amendes aussi élevées qu'aux Etats-Unis(71).

S'agissant, en second lieu, de la création d'une structure indépendante d'évaluation et de certification de la qualité, elle apparaît à la fois nécessaire mais non suffisante.

Elle est nécessaire, car elle démontre bien que, malgré les qualités que peuvent lui prêter les professionnels, l'organe de contrôle interne aux sociétés de classification regroupés dans l'IACS, ne pourra jamais apparaître comme offrant totalement les garanties requises d'impartialité analogues à celles dont bénéficierait a priori une entité extérieure aux sociétés de classification. En tout cas, si une telle entité avait déjà existé antérieurement au naufrage de l'Erika, peut-être aurait-elle mis en lumière les malversations révélées par l'expertise réclamée par le Tribunal de commerce de Dunkerque(72).

Il y a toutefois lieu de se demander si la solution proposée par la Commission est suffisante pour répondre au besoin de contrôle accru qu'elle constate elle-même et, en particulier, pour prévenir les conflits d'intérêts. Or, sur ce point, les rapporteurs jugent indispensable que, comme dans d'autres secteurs d'activités
- telle que l'assurance - une séparation des fonctions soit instituée au sein des organismes agréés
, afin que les fonctions de certification et de classification soient confiées à des inspecteurs différents du même organisme agréé ou à deux organismes différents.

c) L'opportunité de réajuster le dispositif relatif aux procédures de refuge

Il conviendra que, dans la suite de la discussion, trois dispositions au moins soient revues, concernant respectivement le statut de l'autorité appelée à statuer sur la décision d'accueillir un navire ayant besoin d'assistance, la question de l'obligation de justifier de garanties financières et, enfin, la prise en charge des frais résultant de la mise en œuvre de la procédure d'accueil.

¬ Pour ce qui est du statut de l'autorité responsable, le compromis auquel est parvenu l'orientation générale dégagée lors du Conseil « Transports » du mois de juin 2006 nous semble beaucoup plus satisfaisant que la proposition de directive initiale. Tout d'abord, à la différence de cette dernière, le compromis respecte le principe de subsidiarité en laissant le soin aux autorités nationales de désigner « l'autorité compétente » et non plus l'autorité indépendante, pour décider de la mise en œuvre d'une procédure de refuge. Cette notion d'autorité indépendante s'inscrit parfaitement dans la logique de la Commission qui a indiqué au groupe de travail que l'autorité responsable devait être seule à prendre la décision - ce qui excluait toute intervention des autorités politiques.

Or, comme le souligne la position française - notamment - le dispositif de la proposition de directive ne tient pas compte du fait que l'autorité responsable devra prendre des décisions assorties d'impacts environnementaux, économiques et sécuritaires majeurs, dont la nature et les effets politiques sont évidents parce qu'elles touchent à l'intérêt général, dont les Etats membres sont garants.

En outre, la notion d'autorité indépendante s'avère incompatible avec notre organisation constitutionnelle et administrative, dans laquelle les décisions à prendre en matière de sécurité maritime relèvent de l'exercice du pouvoir de police générale en mer dont le titulaire reste subordonné à l'autorité gouvernementale. L'institution d'une autorité indépendante n'est donc pas pertinente dans ce domaine.

De façon plus générale, les autorités françaises ont raison de souligner que la détermination institutionnelle de la chaîne décisionnelle ainsi que celles des modalités et des critères de la décision à prendre touchent à l'organisation souveraine des compétences des Etats membres et relèvent du principe de subsidiarité. Une directive communautaire fixe des objectifs, mais, en revanche, les moyens pour y parvenir restent de la compétence exclusive de chaque gouvernement.

Un autre élément du statut de l'autorité responsable qui devra être réglé a trait à la nécessité de consacrer son pouvoir discrétionnaire d'accorder ou de refuser l'accueil d'un navire dans un lieu de refuge. Une telle clarification est d'autant plus nécessaire que l'article 20 de la proposition de directive(73) impose une obligation d'accueil aux Etats, laquelle n'est pas prévue par la législation internationale. En effet, cette disposition fait mention de l'accueil des « navires en détresse ». La Commission reprend ce terme dans sa proposition d'amendement (qu'elle a déposé en vue de la discussion au Parlement européen), alors que la résolution A-949 de l'OMI, qui est postérieure à la directive 2002/59 réserve l'application de la procédure d'accueil dans des lieux de refuge aux « navires ayant besoin d'assistance ».

Or, comme le relèvent les autorités françaises, il découle de l'emploi du terme « navire en détresse » une obligation plus forte pour les Etats membres de prendre les mesures d'accueil requises que l'obligation de porter assistance à un navire.

En tout état de cause, la procédure d'accueil d'un navire doit relever, pour les Etats, d'un choix et non d'une obligation prise sous un régime juridique de compétence liée, au même titre que l'obligation qui s'impose en matière de sauvetage.

Pour ces raisons, le Conseil « Transports » du mois de juin 2006 a substitué la notion de navires ayant besoin d'assistance à celle de navire en détresse.

¬ S'agissant des dispositions relatives aux garanties financières demandées aux opérateurs, il convient de les maintenir et non de les supprimer, à la différence du texte accepté par le Conseil. Car sinon la législation communautaire risquerait d'être en retrait par rapport à la résolution A-949 (23) de l'OMI, qui inclut parmi les éléments faisant l'objet d'une analyse, l'identification de l'assureur et les limites disponibles de la responsabilité dans le cas où le navire serait assuré.

¬ Il importe enfin de prévoir une disposition destinée à régler la question de l'indemnisation des frais et dommages imputables à des navires accueillis dans un lieu de refuge, afin de tenir compte des préjudices que, de ce fait, peuvent subir les autorités portuaires et la population riveraine. Une telle disposition pourrait utilement compléter celle qui, dans la proposition de directive, inclut les procédures de garanties financières et de responsabilité mises en place à l'égard des navires accueillis dans un lieu de refuge, dans la liste des éléments que doivent comporter les plans pour l'accueil des navires ayant besoin d'assistance. En effet, il se peut que ces garanties financières ne soient pas suffisantes.

Pour le reste, les autres dispositions figurant dans l'orientation générale méritent d'être approuvées.

1) Prévoir des mécanismes transparents et complets d'enquêtes sur les accidents

Si les rapporteurs sont bien conscients que, comme le leur a fait observer le Directeur de l'Agence européenne pour la sécurité maritime, le cadre proposé par la Commission ne constitue que les prémices d'un régime harmonisé d'enquêtes sur les accidents, il n'est toutefois pas inutile de réfléchir à certaines améliorations possibles.

Les unes pourraient consister à s'inspirer de certaines dispositions régissant les enquêtes conjointes dans le transport aérien, lesquelles prévoient, par exemple, l'envoi du projet de rapport final à certains des Etats membres(74) pour observations.

En second lieu, l'analyse des conséquences - y compris écologiques - de l'accident devrait figurer dans les conclusions du rapport d'enquête. En effet, dans la perspective de la consécration du dommage écologique que les rapporteurs envisagent de proposer, cet élément pourra servir à établir les prétentions des parties qui ont subi un tel préjudice.

2) Revoir le cadre applicable à la responsabilité des entreprises de transport maritime et fluvial de passagers

L'objectif de la Commission d'uniformiser le régime de responsabilité des transporteurs de passagers, en rapprochant celui régissant la responsabilité du transporteur maritime de ceux qui existent dans les autres modes de transport mérite d'être soutenu.

De même, on peut partager la volonté de la Commission d'instaurer dans le secteur fluvial un régime de responsabilité spécifique du transporteur qui permette de garantir un haut niveau d'indemnisation des passagers en cas d'accident.

Toutefois, les rapporteurs s'interrogent - comme les autorités françaises et d'autres Etats membres - sur la pertinence de l'extension du champ d'application de la convention d'Athènes au transport fluvial, alors que cet instrument a été conçu par et pour le secteur maritime tant au point de vue économique, qu'institutionnel et juridique. En outre, les caractéristiques du secteur fluvial, en termes d'accidentologie, ainsi que de surface économique des opérateurs et des marchés d'assurances peuvent justifier d'envisager un dispositif spécifique.

S'agissant de l'extension du champ d'application de la convention d'Athènes au cabotage national, une telle mesure pourrait être acceptée pour les grandes lignes nationales - par exemple, les liaisons avec la Corse, en ce qui concerne la France. En revanche, il est plus difficile de se prononcer dans le cas des autres lignes, faute d'une évaluation des coûts de la mesure pour les petites lignes de cabotage maritime. C'est d'ailleurs pourquoi, de nombreuses délégations ont demandé, lors du Conseil « Transports » des 11-12 décembre 2006, que la Commission procède à de nouvelles études en la matière. Pour sa part, elle a annoncé qu'elle pourrait envisager un dispositif spécifique pour les petites lignes de cabotage national. Les rapporteurs jugent nécessaire que le Conseil soit, au préalable, saisi d'une étude d'impact faisant ressortir les coûts de cette mesure, avant qu'un tel dispositif ne soit soumis à son examen.

Enfin, pour ce qui est de l'obligation impartie au transporteur de souscrire une assurance, les autorités françaises font observer que la proposition de règlement reprend bien le régime de la responsabilité prévue par l'article 3 de la convention, mais ne prévoit pas de la même façon l'obligation d'assurance qui figure dans la convention. A l'appui de leurs observations, les autorités françaises invoquent l'exemple du transport aérien, où le règlement 889/2002 précise la responsabilité des transporteurs aériens en cas d'accident tandis que le règlement 785/2004 prévoit les exigences en matière d'assurance applicables aux transporteurs aériens et aux exploitants d'aéronefs.

Dans un souci de clarté, il conviendrait de s'inspirer d'une distinction analogue et de l'introduire dans la proposition de règlement.

3) Moderniser le régime de responsabilité des opérateurs

Si les initiatives de la Commission contribuent incontestablement à la poursuite de cet objectif de modernisation, il s'avère toutefois nécessaire d'y apporter des compléments, afin que l'Europe puisse être dotée d'une politique de sécurité maritime réellement efficace.

a) Les propositions de la Commission vont dans le bon sens

Le dispositif préconisé par la Commission améliore les conditions de réparation des dommages causés aux victimes d'incidents ou d'accidents maritimes et d'un meilleur traitement des marins.

Ces mesures méritent d'autant plus d'être approuvées qu'elles présentent deux séries d'avantages.

La première est de procéder à une harmonisation qui, jusqu'à présent, faisait défaut, puisque tous les Etats membres ne sont pas encore parties à la Convention LLMC de 1996. L'incorporation de cette dernière en droit communautaire permettra ainsi, grâce à la jurisprudence de la Cour de justice, de parvenir à une interprétation uniforme.

En second lieu, outre que la proposition de directive apporte des compléments à la Convention - à travers l'institution d'un certificat de garantie obligatoire et celle de l'action directe de la victime - elle emprunte l'esprit de deux des mécanismes de l'Oil Pollution Act, en vue de rendre le régime de responsabilité plus dissuasif. Il s'agit d'abord du relèvement des limites de responsabilité. Or, à cet égard, il importe de noter que cette hausse
- un doublement - est modérée par rapport à la législation américaine, puisque l'Oil Pollution Act a multiplié par huit les limites antérieurement en vigueur. Ceci conduit les rapporteurs à considérer que cette comparaison permet à elle seule de relativiser, et même d'écarter, les craintes émises par les assureurs et les armateurs quant aux incidences qu'une telle réforme entraînerait sur le fonctionnement du marché des assurances.

Le deuxième mécanisme que les auteurs de la proposition de directive ont fort judicieusement emprunté à la législation américaine concerne la notion de négligence grave (gross negligence), qui est l'un des cas de suppression de la limitation de responsabilité. Pour certains spécialistes, la gross negligence correspondrait à la faute lourde du droit français(75). Celle-ci permettrait plus facilement que la « faute inexcusable » visée à l'article 4 de la Convention LLMC d'engager la pleine responsabilité de l'armateur(76).

b) La nécessité d'introduire des dispositions complémentaires

Ces dispositions sont de deux sortes :

- les unes concernent des modifications susceptibles d'être apportées dans l'immédiat à la proposition de directive ;

- les autres touchent à des chantiers qu'il est urgent d'ouvrir.

(1) Les modifications susceptibles d'être apportées dans l'immédiat à la proposition de directive

M. Gilles Savary, rapporteur de la commission des transports du Parlement, a préconisé un certain nombre d'amendements dans son projet de rapport, qui méritent d'être soutenus, parce qu'ils contribuent à améliorer le dispositif de la proposition de directive et, au-delà, les conditions de réparation des dommages dus à la pollution marine.

l  M. Gilles Savary suggère d'abord de limiter le champ d'application de la proposition aux cas de responsabilité envers les tiers à l'opération de transport. En effet, il importe que les dispositions visant à durcir le régime de limitation de la responsabilité ne s'appliquent qu'aux préjudices subis par les personnes et par les biens qui ne sont pas directement parties prenantes au transport maritime. En outre, ces dernières sont déjà couvertes par des règles internationales.

l  Une deuxième proposition concerne l'intégration de la Convention HNS relative aux substances chimiques et dangereuses en droit communautaire. Cette convention n'est toujours pas entrée en vigueur, alors qu'elle a été adoptée par l'OMI il y a dix ans, si bien qu'en cas de pollution maritime majeure par des substances chimiques dans les eaux communautaires, les tiers ne seraient pas correctement indemnisés, car ils se verraient opposer le plafond de limitation de la Convention LLMC.

Pour prévenir un tel risque, il est proposé de demander aux Etats membres de ratifier la Convention HNS dans le délai de transposition de la directive et de permettre son intégration en droit communautaire. Dès lors, les dommages causés par les substances chimiques pourraient être mieux réparés, tandis que le plafond de responsabilité de la Convention HNS serait complété par un fonds que cette convention instaure.

La solution ainsi préconisée rejoint une proposition que la commission d'enquête de l'Assemblée nationale(77) a également formulée.

l  En ce qui concerne la notion de faute inexcusable, qui empêche d'invoquer la limitation de responsabilité, il est proposé d'en préciser le contenu, afin d'en permettre une interprétation uniforme par les tribunaux de l'Union. En effet, leur jurisprudence révèle des divergences sensibles, puisque les tribunaux britanniques - notamment - exigent que le demandeur apporte la preuve que la personne responsable avait effectivement conscience des conséquences dommageables de son comportement(78). En revanche, les tribunaux français estiment que la gravité de l'acte ou de l'omission doit conduire à présumer que l'auteur avait nécessairement conscience des conséquences dommageables qui pouvaient en résulter(79).

Or, il est clair que de telles divergences ne sont pas de nature à favoriser la pleine application du principe « pollueur-payeur », ni non plus à permettre un traitement juste des victimes tierces qui peuvent se voir lésées par une limitation de leur droit à réparation, alors même que la personne responsable aurait agi dangereusement et sans se préoccuper des conséquences de son action.

C'est pourquoi il apparaît nécessaire de préciser, dans la proposition de directive, qu'en vue de l'établissement de la faute inexcusable visée à l'article 4 de la Convention LLMC, la conscience de causer probablement un dommage qu'a la personne responsable peut être déduite du fait que - de façon téméraire - elle a agi ou omis d'agir.

l  S'agissant du champ d'application du régime de limitation de responsabilité, il conviendrait d'en écarter les navires battant pavillon d'un Etat qui n'a pas ratifié la Convention LLMC. C'est dans le cas où une négligence grave peut être retenue à l'encontre du propriétaire d'un tel navire que, conformément à l'article 4, paragraphe 3, de la proposition de directive, le bénéfice de la limitation de responsabilité est retiré.

Or on peut craindre que les tribunaux ne soient confrontés à des situations complexes, dans lesquelles il leur faudra distinguer la négligence grave de la faute inexcusable.

En vue de prévenir cette difficulté, une solution pourrait consister, conformément à l'article 15, deuxième phrase, de la Convention LLMC, à exclure les personnes responsables de dommages causés par un navire ne battant pas pavillon d'un Etat partie à la Convention LLMC du bénéfice de la limitation de responsabilité.

(2) L'urgence à ouvrir certains autres chantiers

Ces chantiers concerneraient la réforme du régime de responsabilité en cas de pollution par les hydrocarbures, d'une part et, d'autre part, la consécration de la notion de dommage écologique.

(a) La réforme du régime de responsabilité en cas de pollution par les hydrocarbures

La Commission indique, dans l'exposé des motifs de la proposition de directive relative à la responsabilité civile du propriétaire de navire, qu'elle soulèvera à l'OMI la question de l'instauration d'un régime de responsabilité illimitée de ce dernier.

Le système actuel de responsabilité et d'indemnisation défini par les conventions CLC et FIPOL fonctionne mal. La raison majeure en est le droit de l'armateur à limiter sa responsabilité, hors cas de faute intentionnelle.

Dès lors, la réforme envisagée par la Commission apparaîtra, à l'évidence, nécessaire afin de rendre le système de responsabilité plus dissuasif et de faciliter la mise en œuvre du principe pollueur-payeur.

Néanmoins, cette réforme ne suffirait pas à elle seule à garantir la réalisation de ces différents objectifs. En effet, comme on l'a vu précédemment, la possibilité de faillite de l'armateur en cas d'accident risque d'affaiblir la dimension incitative qui est censée s'attacher au système de responsabilité illimitée. C'est pourquoi, pour faire face à ce problème de l'insolvabilité de l'armateur, il importe de mettre en cause la responsabilité directe d'autres acteurs de la chaîne de transport - les chargeurs notamment.

Il est clair que si les discussions sur l'instauration de la responsabilité illimitée du propriétaire de navire venaient à échouer au sein de l'OMI, il serait nécessaire, comme d'ailleurs la Commission l'a elle-même déclaré (1), qu'un texte soit présenté dans ce sens au plan communautaire.

Il serait alors également judicieux de reprendre la discussion de la proposition de règlement qui visait à instituer le fonds COPE, fonds communautaire d'indemnisation des victimes de marées noires.

(b) La consécration du dommage écologique

Cette proposition doit être regardée à la fois comme un corollaire de l'application pleine et entière du principe pollueur-payeur et de la rupture - nécessaire - avec la conception prévalant jusqu'à maintenant selon laquelle les questions de pollution marine relèvent non pas du droit de l'environnement, mais de problèmes classiques de droit maritime, régis par certaines règles, dont celle de la limitation de responsabilité de l'armateur.

Certes, les rapporteurs n'ignorent pas la difficulté de la tâche, puisque non seulement, il importe de définir un champ d'application du dommage écologique, mais, en outre, il faut énoncer la méthode de calcul du dommage. Par exemple, dans l'Oil Pollution Act, la mesure des dommages-intérêts pour l'atteinte aux ressources est :

- le coût de la restauration ou du remplacement des ressources naturelles endommagées ;

- la diminution de la valeur des ressources naturelles pendant la période de restauration ;

- le coût raisonnable de l'évaluation du préjudice.

Pour autant, doivent être écartées les objections selon lesquelles la gravité des atteintes à l'environnement ne devrait pas être exagérée, puisque la nature reprendrait ses droits en moins d'une dizaine d'années, ce qui, finalement, réduirait l'intérêt de consacrer la notion de dommage écologique. L'exemple de l'Exxon Valdez apporte un démenti à des affirmations aussi rassurantes, puisque, comme on l'a rappelé, certaines études ont révélé que, plus de quinze ans après le naufrage de ce navire, la pollution qu'il a causée n'était toujours pas entièrement résorbée. De même, dans le cas de l'affaire du Prestige, seule l'intervention rapide des autorités aurait empêché que le naufrage ne porte atteinte à l'environnement pour une période très longue, voire durant tout le reste du siècle(80) !

Ces deux exemples confirment parfaitement la nécessité de consacrer la notion de dommage écologique en l'absence de laquelle la réparation risquerait d'être incomplète et de ne pas parvenir à ce que les juristes appellent la « restitutio in integrum », c'est-à-dire la remise des choses en l'état.

L'intérêt qu'ont les Etats membres à disposer de marins bien formés a été souligné par plusieurs de nos interlocuteurs.

Mais compte tenu du double fait que tous les Etats sont confrontés à un déficit de recrutement et à la nécessité, pour y faire face, de recourir à de la main-d'œuvre des pays du Sud essentiellement, il pourrait s'avérer utile d'explorer les possibilités offertes par le mécanisme des coopérations renforcées prévu aux articles 43 à 45 du traité sur l'Union européenne. Celui-ci permettrait à plusieurs Etats membres de mettre en place des actions de formation, en coopération notamment avec les Etats du Sud pourvoyeurs de main-d'œuvre.

De telles actions constitueraient ainsi des compléments à celles que peuvent déjà entreprendre les Etats membres à titre individuel, ou l'Agence européenne pour la sécurité maritime qui procède au contrôle de la qualité de la formation des marins des Etats tiers.

*

* *

L'Europe est-elle en passe de devenir une figure de proue de la sécurité maritime et - au-delà - de la protection de l'environnement marin(81) ? C'est la question que l'on ne peut s'empêcher de poser au terme de ce rapport, tant sont nombreux les axes de réforme contenus dans ce troisième paquet de sécurité maritime.

La réponse à une telle question dépendra beaucoup de la volonté qu'auront les Etats membres non seulement de soutenir les propositions de la Commission mais aussi de mettre en œuvre les moyens budgétaires qui soient à la hauteur des enjeux. Compte tenu de l'importance du rôle joué par le transport maritime dans la vie économique des Etats membres, la sécurité maritime ne saurait continuer à relever ni de la gestion des risques - c'est-à-dire de mesures prises sous la pression de catastrophes - ni de l'incantation.

TRAVAUX DE LA DELEGATION

La Délégation s'est réunie le mercredi 17 janvier 2007, sous la présidence du Président Pierre Lequiller, pour examiner le présent rapport d'information.

L'exposé des rapporteurs a été suivi d'un débat.

Le Président Pierre Lequiller a salué l'excellent travail des rapporteurs, dans la continuité de leurs rapports précédents sur la sécurité maritime. Il a notamment cité la question de la formation, dont l'importance avait déjà été évoquée par les précédents rapports. Il a considéré que les rapporteurs avaient raison de soutenir la Commission sur les mesures proposées, ce qui est dans la ligne des positions adoptées auparavant par la Délégation. Sur un sujet qui tient fortement à cœur à nos concitoyens, la Délégation a été politiquement en avance, dans un esprit européen. Il est fallacieux d'affirmer que l'Europe ne devrait pas continuer d'avancer en matière de sécurité maritime du simple fait des compétences de l'OMI dans ce domaine. A cet égard, il a partagé la position prudente de M. Guy Lengagne sur le risque éventuel d'un affaiblissement qui pourrait résulter de la représentation des Etats membres par l'Union européenne en évoquant le problème analogue qui pourrait apparaître au sein du Conseil de sécurité des Nations unies.

M. Bernard Deflesselles a souligné que l'Europe était à présent en pointe sur le sujet de la sécurité maritime, un travail considérable ayant été accompli - auquel la France a pris toute sa part - depuis les catastrophes de l'Erika en 1999 et du Prestige en 2002. Il existe encore des freins importants et notre pays doit être moteur car il est un grand pays maritime, avec 5 500 kilomètres de côtes. Notre situation géographique nous rend vulnérable aux conséquences des naufrages et déballastages, dont les pollutions représentent huit à neuf fois celles causées par les naufrages. La France a fait des efforts importants, notamment en termes de répression, en créant trois parquets spécialisés : à Marseille, à Brest et au Havre.

Evoquant le rôle de l'OMI, M. Bernard Deflesselles a estimé que cette dernière n'avait pas réellement évolué depuis la commission d'enquête sur le Prestige, à laquelle il a participé il y a quatre ans, tout d'abord à cause du caractère non contraignant de ses conventions et ensuite, parce qu'en son sein, des pays comme le Libéria exercent une forte influence. Il faut changer les règles de gouvernance de l'OMI. Enfin, l'OMI est dépourvue de pouvoirs contraignants, ce qui affaiblit encore l'effet réel des conventions.

Il faut donc que l'Union européenne poursuive son propre chemin, comme l'ont fait les Etats-Unis et le Canada et qu'elle protège ses côtes. Les effets de nouvelles catastrophes pourraient être considérables, notamment en Méditerranée, dont les eaux ne se renouvellent que très lentement. Il faut soutenir le « paquet » proposé par la Commission, alors que le Conseil tend à freiner. Où en est précisément le Parlement européen ? Peut-on espérer qu'il joue effectivement un rôle moteur ? Les rapporteurs du Parlement européen conservent-ils la proposition d'un « paquet » ?

Le Président Pierre Lequiller a soutenu l'idée d'un élargissement des responsabilités en cas de pollution, au-delà du seul propriétaire du navire et a souhaité savoir si cette extension de responsabilité était proposée par la Commission. Il a également souhaité connaître les raisons des réticences de l'Allemagne vis-à-vis des mesures proposées par la Commission.

Mme Arlette Franco a constaté qu'une catastrophe d'une ampleur comparable à celle de l'Erika en Méditerranée causerait un préjudice incalculable à l'environnement et détruirait l'économie des régions maritimes françaises touchées.

M. André Schneider a félicité les rapporteurs pour la qualité de leur travail et a indiqué qu'il souhaitait manifester, par sa présence, la solidarité de l'Est de la France avec les régions maritimes. La protection de l'environnement est une préoccupation pour toutes les régions : de son côté, la région de Strasbourg est obligée de s'inquiéter du développement de la pollution fluviale, malgré l'existence de la gendarmerie fluviale.

En réponse aux intervenants, M. Guy Lengagne a apporté les précisions suivantes :

- la sécurité maritime est incontestablement un domaine pour lequel l'Europe est en avance et les Etats en retard ;

- l'un des grands inconvénients affectant la procédure d'élaboration des conventions de l'OMI tient au fait qu'elles sont adoptées sur la base du consensus, ce qui ne contribue pas à la prise rapide de décisions, le recours au vote étant rare ;

- les deux rapporteurs ont rencontré certains des rapporteurs du Parlement européen : M. Gilles Savary, Mme Dominique Vlasto, Mme Marta Vincenzi, M. Luis de Grandes Pasquale. Ils défendent tous la position de la Commission et l'idée d'un « paquet ». M. Gilles Savary, en particulier, est également favorable à une extension de la responsabilité en cas de dommages. Le Parlement européen ne commencera à examiner effectivement les textes qu'en avril ;

- la Commission va étudier l'application de la Convention d'Athènes au transport fluvial ;

- l'Allemagne, comme de nombreux autres Etats, dont le Royaume-Uni, la Grèce et Malte, est opposée aux dispositions les plus novatrices du paquet, parce qu'elle estime injustifiée l'extension continue de l'acquis communautaire ;

- la Commission est favorable à la suppression de la règle de la limitation de responsabilité des propriétaires de navires, sans avoir évoqué, pour le moment, son extension à d'autres opérateurs.

M. Guy Lengagne a conclu en soulignant la valeur ajoutée qu'il y a à confier des rapports sur un tel sujet à un membre de la majorité et à un membre de l'opposition.

A l'issue de ce débat, la Délégation a adopté la proposition de résolution dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE RESOLUTION

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2002/59/CE relative à la mise en place d'un système communautaire de suivi du trafic des navires et d'information (COM [2005] 589 final/n° E 3067),

Vu la proposition de directive .../... du Parlement européen et du Conseil du ... relative au contrôle par l'Etat du port (COM [2005] 588 final/n° E 3074),

Vu la proposition de directive .../.../CE du Parlement européen et du Conseil du ... établissant des règles et normes communes concernant les organismes habilités à effectuer l'inspection et la visite des navires et les activités pertinentes des administrations maritimes (COM [2005] 587 final/n° E 3080),

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la responsabilité civile et aux garanties financières des propriétaires de navires (COM [2005] 593 final/n° E 3081),

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents dans le secteur des transports maritimes et modifiant les directives 1999/35/CE et 2002/59/CE (COM [2005] 590 final/n° E 3086),


Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le respect des obligations des Etats du pavillon (SEC [2005] 1497 final) (COM [2005] 586 final/n° E 3091),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la responsabilité des entreprises assurant le transport de personnes par mer ou par voie de navigation intérieure en cas d'accident (SEC [2005] 1516 final) (COM [2005] 592 final/n° E 3092),

1. Juge indispensable que les propositions de directive et de règlement susvisées fassent l'objet d'une discussion et d'une adoption conjointes, afin de conserver la vision cohérente de la sécurité maritime sur laquelle elles reposent et de faciliter la poursuite de l'objectif d'un espace maritime communautaire ;
2. Souhaite que le Conseil procède, sans délai, à l'examen de la proposition de directive relative au respect des obligations des Etats du pavillon ;

3. Estime nécessaire de prévoir un renforcement des contrôles :

a) S'agissant du contrôle par l'Etat du port :


- approuve l'objectif d'un contrôle de 100 % des navires ;

- considère qu'un tel objectif ne pourra être poursuivi efficacement que si les Etats membres y consacrent les moyens en personnels suffisants ;

- estime que l'amélioration de la qualité des contrôles - en particulier celui des structures des navires - passe par une coopération loyale et accrue entre les inspecteurs, les capitaines de navires et les organismes agréés ;


- souligne la nécessité de parvenir à une harmonisation des règles de contrôle par l'Etat du port adoptées par l'Union européenne et celles qui seront retenues par le Comité du Mémorandum d'Entente de Paris lors de la réunion de ce dernier au mois de mai 2007 ;

b) En ce qui concerne l'encadrement des activités des organismes agréés :


- juge indispensable que les fonctions de certification et de classification soient confiées à des inspecteurs différents du même organisme agréé ou à deux organismes différents ;

c) Pour ce qui est du dispositif relatif aux procédures de refuge :

- approuve les grandes lignes du compromis auquel est parvenu le Conseil des ministres des transports des
8-9 juin 2006 ;

- insiste, pour que dans la suite de la procédure de codécision, la mise en œuvre de la procédure de refuge soit confiée à l'autorité compétente désignée par les autorités nationales et non pas à une autorité indépendante ;

- demande le maintien des dispositions relatives aux garanties financières exigées des opérateurs ;

- souhaite que, dans la liste des éléments que doivent comporter les plans pour l'accueil des navires ayant besoin d'assistance, soit insérée une disposition destinée à prévoir l'indemnisation des frais et dommages imputables à ces mêmes navires accueillis dans un lieu de refuge.

4. Souhaite l'instauration d'un régime de réparation des dommages efficace et équitable :


a) Estime nécessaire de prévoir des mécanismes transparents et complets d'enquêtes sur les accidents et, à cet effet :


- de s'inspirer des dispositions régissant les enquêtes conjointes dans le transport aérien ;

- d'inclure notamment l'analyse des conséquences écologiques dans les conclusions du rapport d'enquête ;

b) Juge opportun de revoir le cadre applicable à la responsabilité des entreprises de transport maritime et fluvial de passagers, en ce qui concerne :


- la pertinence de l'extension du champ d'application de la convention d'Athènes au transport fluvial ;

- l'extension du champ d'application de la Convention d'Athènes aux petites lignes de cabotage national : il serait souhaitable que le dispositif envisagé par la Commission sur ce point soit précédé d'une étude d'impact et que celle-ci soit soumise au Conseil ;

- la définition des modalités selon lesquelles le transporteur est assujetti à l'obligation de souscrire une assurance.

c) Juge indispensable de moderniser le régime de responsabilité des opérateurs, et d'introduire des dispositions complémentaires dans la proposition de directive relative à la responsabilité civile et aux garanties financières de propriétaires de navires, en vue de :


- limiter le champ d'application de la proposition de directive aux préjudices subis par les personnes et par les biens qui ne sont pas directement parties prenantes au transport maritime ;
- demander aux Etats membres de ratifier la Convention HNS relative aux substances chimiques et dangereuses et de procéder à son intégration en droit communautaire ;

- préciser que, pour l'établissement de la notion de faute inexcusable, qui retire le bénéfice de la limitation de responsabilité, la conscience qu'a la personne de causer probablement un dommage peut être déduite du fait que - de façon téméraire - elle a agi, ou omis d'agir ;

- exclure les personnes responsables de dommages causés par un navire ne battant pas pavillon d'un Etat partie à la Convention LLMC sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes du bénéfice de la limitation de responsabilité ;

- promouvoir une réforme du régime de responsabilité en cas de pollution par les hydrocarbures :

- il serait souhaitable que, conformément à une proposition de la Commission, l'Organisation maritime internationale consacre le principe de la responsabilité illimitée du propriétaire de navire et que celle-ci soit accompagnée d'une responsabilité élargie à d'autres acteurs du transport maritime, les chargeurs, notamment ;

- en cas d'échec des négociations au plan international, il conviendrait que la Commission présente une proposition ;

- consacrer le dommage écologique.

5. Souhaite que les Etats membres recourent au mécanisme de la coopération renforcée visé aux articles 43 à 45 du Traité sur l'Union européenne, afin de mettre en place des actions de formation de gens de mer ressortissants d'Etats tiers.

ANNEXE :
Annexe-1
Liste des personnes entendues par les rapporteurs

Les rapporteurs tiennent tout d'abord à exprimer leurs remerciements à M. Dominique PERBEN, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, ainsi qu'à Maître Maurice BRIAND, avocat et ancien député des Côtes-du-Nord, pour la contribution écrite qu'ils ont bien voulu accepter de leur communiquer.

Ils renouvellent également leurs remerciements à toutes les personnalités qu'ils ont pu rencontrer pour les observations dont elles leur ont fait part, ainsi qu'à la Direction générale du Trésor et de la politique économique pour les notes qu'elle leur a fait parvenir et aux missions économiques pour leur contribution très précieuse au bon déroulement de leurs déplacements.

I. A PARIS

¬ Secrétariat général pour les affaires européennes

- M. Alain Correia, chef du secteur transports et politique régionale ;

- M. Laurent Probst, adjoint du chef du secteur transports et politique régionale.

¬ Secrétariat général de la mer

- M. Michel Babkine, chargé de mission auprès du secrétaire général.

¬ Départements ministériels

 Ministère de la défense

- Contre-amiral Edouard Guillaud, préfet maritime de la Manche et de la Mer du Nord ;

- M. Jean-Paul Guenole, adjoint du Contre-amiral Edouard Guillaud.

 Ministère des transports

- M. Yann Becouarn, direction des transports maritimes, routiers et fluviaux ;

- M. Eric Berder, sous-directeur de la sécurité maritime, direction générale de la mer et des transports ;

- M. Fabien Joret, direction des transports maritimes, routiers et fluviaux ;

- Mme Denise Juin-Sevin, direction des transports maritimes, routiers et fluviaux ;

- M. Jean-Marc Schindler, directeur BEA Mer ;

- M. Marc Strauss, chef de mission à la direction des affaires économiques et internationales ;

- M. Daniel Sylvestre, chef de la mission internationale.

 Ministère des affaires étrangères

- Mme Natacha Rimbon, sous-direction des affaires communautaires internes, direction de la coopération européenne.

 Ministère de la justice

- Mme Béatrice Baudiment, magistrate, bureau santé publique, direction criminelle et des grâces ;

- M. Jean-Marie Huet, directeur des affaires criminelles et des grâces.

 Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

- M. Johann Morri, chef du bureau du droit international ;

- M. Guillaume Vanderheyden, consultant au bureau du droit international.

¬ Personnalités qualifiées

- M. Philippe Delbecque, professeur à l'université de Paris I ;

- Mme Françoise Odier, présidente de l'Institut français du droit maritime ;

- Mme Martine Remond-Gouilloud, Professeure à la faculté de droit de Marne-la-Vallée ;

- M. Jean-Serge Rohart, avocat ;

- M. Xavier Tarabeux, procureur de la République, TGI de Brest ;

- M. Georges Tourret, ancien chef du BEA-Mer du ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ;

- M. Francis Vallat, vice-président du Conseil de l'Agence européenne pour la sécurité maritime et président de l'Institut français de la mer.

¬ Organisations professionnelles

Association française des capitaines de navires

- M. Thierry Rossignol, président, vice-président de l'Association européenne des capitaines de navires ;

- M. Fred Van Wijnen, commandant en retraite, président de l'Association européenne des capitaines de navires.

Association des utilisateurs de fret

- M. Pierre Karsenti, président ;

- M. Philippe Bonnevie, délégué général.

Fédération française des sociétés d'assurance

- M. Xavier Conti, directeur des assurances transports;

- M. Jean-Paul Laborde, conseiller parlementaire.

Fédération française des pilotes maritimes

- M. Jacques Sauban, président ;

- M. Georges Strullu, secrétaire général.

Chambre syndicale des constructeurs de navires

- M. Fabrice Theobald, délégué général.

Comité central des armateurs de France

- Mme Anne Barthe, déléguée générale ;

- M. Pierre Aldebert, directeur du département sécurité-sûreté et marchandises dangereuses de la CMA-CGM ;

- Mme Blandine Huchet, chargée des affaires européennes ;

- M. Hervé Pellecuer, responsable juridique auprès de la Compagnie méridionale de navigation ;

- Mme Geneviève Thomas-Ciora, responsable juridique ;

- M. Christian Vechot, responsable sécurité-sûreté.

¬ Organisations syndicales

- M. Charles Marelli, secrétaire général des officiers de marine marchande ;

- M. Daniel Retureau, rapporteur au nom du Comité économique et social européen.

¬ Bureau VERITAS

- M. Bernard Anne, directeur de la division marine ;

- M. Philippe Boisson, directeur de la communication de la division marine.

II. A CHYPRE

- M. Hadelin de la Tour du Pin, ambassadeur de France ;

- M. François Vuillemin, chef de la mission économique ;

- M. Makis Constantinides, secrétaire général du ministère des communications et travaux publics ;

- M. Hermann Eden, directeur général de Marlow Company ;

- M. Thomas Kazakos, secrétaire général de la marine marchande ;

- M. Antony Madella, directeur général des affaires juridiques et européennes à la direction de la marine marchande ;

- M. Mantos Mavromatis, président de la CCI ;

- M. Nikos Pittokopitis, président de la commission des transports de la Chambre des représentants ;

- M. Christakis Papavassiliou, consul honoraire de France à Limassol, membre du Cyprus Shipping Council ;

- M. Serghiou, directeur de la marine marchande ;

- M. Harris Trassou, ministre des communications et travaux publics.

III. A MALTE

- M. Jean-Marc Rives, ambassadeur de France ;

- M. François Dubois, chef de la mission économique ;

- M. Michael Frendo, ministre des affaires étrangères et des affaires européennes ;

- M. Censu Galea, ministre des transports et de la compétitivité ;

- M. Silvio Camilleri, procureur général ;

- Pr David Attard, président de l'International Maritime Law Institute ;

- M. Jason Azzopardi, député, président de la commission des affaires étrangères et européennes, président du groupe d'amitié parlementaire franco-maltais ;

- Dr Marc Bonello, président de la Malta Maritime Authority ;

- M. Joseph Curmi, secrétaire général de l'association des armateurs maltais ;

- Mme Ann Fenech, avocat du cabinet Fenech & Fenech ;

- M. Censu Galeo, ministre de la compétitivité et des communications ;

- M. Mario Mifsud, directeur recherche et développement, direction de la marine marchande ;

- M. Charles V. Schembri, directeur des ports ;

- M. Michael Sillato, conseiller technique, cabinet d'avocats J.M. Ganado ;

- Capitaine Tcheng, coopérant français sécurité maritime ;

- M. Lino C Vassalo, directeur de la marine marchande à la Malta Maritime Authority ;

- M. Alexander Zenon, directeur des affaires européennes au ministère des affaires étrangères.

IV. A BRUXELLES

Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne

- M. Thierry Buttin, conseiller au service des transports ;

- M. Cyrille Michel, conseiller au service des transports ;

- Mme Virginie Dumoulin, conseillère au service des transports.

Représentation permanente de la Finlande

- Mme Jaana Keikkinen, conseiller transports.

Parlement européen (rapporteurs de la commission des transports)

- M. Luis de grandes Pascual ;

- M. Gilles Savary, vice-président de la commission des transports ;

- Mme Marta Vincenzi ;

- Mme Dominique Vlasto.

Commission européenne

- M. Jacques Barrot, vice-président, commissaire chargé des transports ;

- M. Benoit Le Bret, directeur du cabinet de M. Jacques Barrot ;

- Mme Kerstin Jorna, directeur-adjoint du cabinet de M. Jacques Barrot ;

- M. Fokis Karamitos, directeur du transport maritime ;

- M. Philippe Burghelle-Vernet, chef d'unité de la sécurité maritime.

V. A ATHENES

- M. Bruno Delaye, ambassadeur de France ;

- M. Frédéric Bereyziat, deuxième conseiller de l'ambassade de France ;

- Mme Agnès Bankual, attachée sectorielle ;

- Capitaine de vaisseau Dimitrios Bantias, directeur du département de la politique maritime et du développement ;

- Capitaine de corvette Aghisilaos Anastasakos, adjoint de M. Bantias, responsable de la section UE et organismes internationaux ;

- M. Didier Bouttier, directeur de la filiale locale du Bureau VERITAS ;

- Mme Anna Bredima-Savopoulou, co-rapporteur du Comité économique et social ;

- M. Nikos Efthymiou, président de l'Union des armateurs de Grèce ;

- Contre-amiral Giorgos Giannimaras, directeur des services de la politique maritime ;

- M. Nikos Pappadakis, président de l'Union hellénique de protection de l'environnement marin ;

- Capitaine de vaisseau Ilias Sabatakakis, directeur du centre hellénique de protection de l'environnement maritime ;

- M. Franc Secula, conseiller économique et commercial ;

- Vice-amiral d'escadre Ilias Sionidis, chef du corps portuaire ;

- M. Ioannis Tzoannos, secrétaire général du ministère.

VI. A LONDRES

- M. Gérard Errera, ambassadeur de France ;

- M. Gérard Gasc, représentant de la France auprès de l'OMI.

∙ Department for Transport

- M. Kevin Deadman, chef section 2 politique du transport maritime.

- M. David Milroy, chef adjoint transport maritime ;

- M. Brian Wadsworth, directeur transport maritime et logistique.

∙ International Chamber of Shipping

- M. Simon Bennett, secrétaire ;

- M. Kiran Khosla, directeur juridique.

∙ British Chamber of Shipping

- M. Mark Brownrigg, directeur général ;

- M. Edmund Brookes ;

- M. Donald Chard.

Société AEGIS

- M. David Croom-Johnson, directeur ;

- Melle Eniola Lambo.

International Group of Protection and Indemnity Clubs

- M. Andrew Bardot, secrétaire et dirigeant exécutif ;

- M. Jonathan Hare, président du sous-comité IG Compulsory Insurance.

Organisation maritime internationale

- M. Efthimios Mitropoulos, secrétaire général ;

- M. Jo Espinoza Ferrey, chef de l'unité de politique et d'organisation ;

- M. Brice Martin-Castex, chef de section à la division de la sécurité maritime ;

- M. Jean-Claude Sainlos, directeur de la division de l'environnement marin.

VII. A LISBONNE

- M. Patrick Gautrat, ambassadeur de France ;

- M. Yves Cadilhon, chef de la mission économique ;

- Mme Olivia Barbadillo, attachée sectorielle, ambassade de France ;

- M. Vitalino Canas, député, président de la commission des affaires européennes ;

- Mme Irene Veloso, députée, vice-présidente de la commission travaux publics, transports et communication de l'Assemblée de la République ;

- M. Willem de Ruiter, directeur de l'Agence européenne pour la sécurité maritime ;

- M. Louis Baumard, directeur de la communication de l'Agence européenne pour la sécurité maritime ;

- M. Eduardo Martins, président de l'Institut portuaire et des transports maritimes ;

- M. João do Nascimento Pereira da Mota, membre du Conseil d'administration de l'Institut portuaire et des transports maritimes ;

- M. de Carvalho, président de l'Association des armateurs de la marine de commerce et président de Transinsular ;

- M. Joaquim F. Coelho, secrétaire général de l'Association des armateurs de la marine de commerce ;

- Mme Inēs de Mena e Mendonça, IMM Communicações ;

- M. Joaquim Reis, président du métro de Lisbonne.

1 () MM. Guy Lengagne et Didier Quentin, De l'Erika au Prestige : la politique européenne de la sécurité maritime contrariée, rapport n ° 644.

2 () L'expression a été employée par Mme Martine Rémond-Gouilloud, professeure de droit, lors de son audition.

3 () Pour les détails, les rapporteurs renvoient à leurs précédents rapports.

4 () « Le vetting est devenu un véritable label de qualité pour les armateurs qui doivent satisfaire aux standards imposés par les compagnies pétrolières. Ce sont les armateurs qui initient les inspections et en supportent la charge financière », Gaël Seyer, Le vetting, un instrument de sécurité maritime, note de synthèse n° 78 de l'Institut supérieur d'économie maritime, octobre 2005.

5 () Cette unité de mesure correspond à un conteneur de vingt pieds, soit 6,2 m x 2,50 m x 2,50 m.

6 () Le Mémorandum d'entente de Paris (en anglais, MOU - Memorandum of Understanding) est un accord qui a été signé le 26 janvier 1982. Regroupant les Etats européens, le Canada, la Croatie, la Norvège et la Russie, il a prévu le principe en vertu duquel les parties contractantes s'engagent à inspecter, chaque année au moins 25 % des navires étrangers faisant escale dans leurs ports.

Les listes qu'il établit fournissent une indication de la qualité des flottes : noire et grise pour les flottes dont le taux de détention des navires est supérieur à une certaine moyenne, blanche pour les flottes dont ce même taux est inférieur à la moyenne.

7 () Loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité en matière de pollutions marines et politique d'action publique. Cette loi a porté à un million d'euros l'amende pour le responsable d'un tel délit de rejet illicite.

8 () Le nombre d'affaires jugées est passé de 15 en 2004 à 7 en 2005.

9 () Ce qui n'était que partiellement exact, puisque, à l'origine, le plafond de l'indemnisation envisagé devait être fixé à 300 millions de dollars et non à un milliard de dollars, comme dans le projet de fonds COPE.

10 () En l'espèce, la Malta Maritime Authority.

11 () D'après le rapport pour 2005 du Mémorandum, figurent sur la liste noire, la Slovaquie et sur la liste grise : l'Irlande, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Bulgarie et la Roumanie.

12 () La Commission indique que Chypre, la France et le Royaume-Uni se sont déjà portés volontaires pour que leur pavillon fasse l'objet d'un audit.

13 () Royaume-Uni, Danemark, Luxembourg.

14 () Royaume-Uni, Grèce, Malte, Chypre, Pays-Bas.

15 () Projet de rapport de Mme Marta Vicenzi.

16 () D'après une étude du MOU, en vertu du NIR les navires seraient plus nombreux à être inspectés individuellement (100 % au lieu d'un taux de 72 %actuellement), mais les inspections seraient moins fréquentes.

17 () En ce qui concerne la France, ce taux serait d'environ 9 %.

18 () Ce qui constitue un des moyens de vérifier que l'on n'est pas en présence d'un pavillon de complaisance, lequel est caractérisé précisément par le non-respect de cette exigence de proportionnalité.

19 ()De l'Erika au Prestige : la mer de tous les vices, rapport de la commission d'enquête n° 1018, tome I, pp. 25 à 32. Les intitulés du paragraphe consacré aux analyses divergentes de l'accident sont éloquents : A - L'autodisculpation de l'Etat du pavillon ; B - La position très « mesurée » des sociétés de classification (ABS et IACS) ;
C - L'analyse du BEA-Mer : un navire ayant subi trop de réparations, peu adapté ;
D - Le rapport de l'Administration espagnole : tout a été fait.

20 ()Not in my back yard : pas dans mon jardin.

21 () L'installation d'un AIS pourrait coûter jusqu'à 10 000 euros, d'après les informations communiquées aux rapporteurs.

22 () Cette question de la taille est cruciale pour certaines flottes, en particulier celle de la Grèce, qui compte : 173 navires de 15 à 18 mètres ; 284 de 18 à 24 mètres et 234 de plus de 24 mètres.

23 () Ce sont les termes employés par le rapporteur de la commission des transports du Parlement européen.

24 () « Notre indépendance est sacro-sainte, pas seulement dégagée des risques de poursuite en justice, mais aussi d'interférence par des intérêts impliqués. Nous maintenons même une distance à bout de bras du Gouvernement lui-même », M. Simon Harwood, adjoint au chef inspecteur du Marine Accident Investigation Branch, Sécurité et sûreté, quels enjeux économiques pour les industries maritimes ?, colloque de l'Institut supérieur d'économie maritime, 4 mars 2004.

25 () Il s'agit des conventions CLC, HNS et « Bunker » évoquées précédemment.

26 () Document de travail de la Commission sur le contrôle par la Commission des organismes agréés et sur l'impact du régime de responsabilité civile conformément à la directive 94/57/CE, 11 octobre 2006.

27 () Document de travail de la Commission précité, p. 5.

28 () Le consensus international est la norme habituelle. Ce consensus est constaté quand le Président de la réunion se sent assuré d'un accord des deux-tiers des présents mais ceci est très indicatif, car il peut se contenter de l'accord majoritaire des délégations « prenant la parole ». D'où l'importance d'une participation active aux débats, la France n'en étant jamais absente. Le vote formel est très peu utilisé. Il serait plutôt la marque d'un échec des négociations.

29 () C. Philip, La politique commune des transports au service du développement et de la mobilité durables.

30 () « ... les conventions (il s'agit des conventions de l'OMI) ne seraient acceptées par les Etats-Unis que si elles sont exactement conformes aux valeurs des Etats-Unis. Autrement dit, le droit international doit ressembler fondamentalement à leur système pour être acceptable », Mme Chao Wu, La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures, Pedone, p. 293.

31 () J. Barrot : « Erika, Prestige, Baltic carrier - Un partenariat européen pour la sécurité maritime », conférence au Comité des régions, 16 mars 2005.

32 () - paragraphe 1-5 : « Alors que les Etats côtiers peuvent être réticents à accepter des navires endommagés ou déséquilibrés dans leurs eaux territoriales » ;

- paragraphe 3-12 : « Lorsque l'autorisation d'accéder à un lieu de refuge est demandée, l'Etat côtier n'est pas tenu d'y faire droit, mais il lui appartient de peser tous les facteurs et les risques de façon équilibrée et d'accorder un refuge chaque fois que cela est raisonnablement possible ».

33 () C'est le terme figurant dans la version anglaise de la proposition de directive.

34 () Mme Chao Wu, La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures, Pédone, p. 307.

35 () Voir le rapport des rapporteurs : « De l'Erika au Prestige : la politique européenne de la sécurité maritime controversée », rapport n° 644, p. 45-46.

36 () Voir le rapport des rapporteurs : « De l'Erika au Prestige : la politique européenne de la sécurité maritime controversée », rapport n° 644, p. 45-46.

37 () Préambule à la Convention CLC.

38 () Il est significatif que pour le groupe P&I, cette fonction de prévention n'incombe pas à un régime de réparation, mais aux fonctions incombant à l'Etat du pavillon ou à l'Etat du port.

39 () L'article 7 du décret du 7 mars 2003 impose la couverture, par une assurance des compagnies françaises et étrangères, qui veulent emprunter les voies de Réseau ferré de France, cela sans que soit mentionnée une quelconque limitation.

40 () La Convention de Montréal de 1999 relative au transport aérien a adopté le principe de responsabilité civile illimitée du transporteur aérien en cas de dommages corporels.

41 () L'article 9 se borne à disposer que « le gouverneur en conseil peut, par règlement ... fixer le mode de détermination (des personnes responsables] ».

42 () Le motif en est que, lors du débat à la session du mois de février 2006 du comité exécutif du FIPOL, la plupart des délégations qui sont intervenues avaient estimé qu'il fallait appliquer les critères de recevabilité actuels du FIPOL de manière uniforme, d'où l'impossibilité de déclarer recevable la demande du gouvernement espagnol.

43 () Pour éviter de courir le risque de responsabilité illimitée, certains grands groupes pétroliers comme Elf, avaient alors annoncé que leurs navires ne fréquenteraient plus les ports américains.

44 () Pour se limiter à Exxon Mobil, qui a été à l'origine du naufrage de l'Exxon-Valdez, son bénéfice net a été multiplié par plus de 3, passant de 11,5 milliards de dollars en 2002 à 36,1 milliards de dollars en 2005.

45 () De 6,626 millions de barils par jour en 1991, ces importations américaines sont passées à 12,549 millions en 2005, d'après les statistiques du Département fédéral de l'énergie.

46 () Par exemple, celle qui relie les deux rives du Tage à Lisbonne.

47 () On a pu constater une hausse des taux de fret pétrolier, à la fin de 1999 et qui a fait suite à leur baisse de 1997 à 1999 du fait de la crise asiatique. Cette remontée est due à l'« effet Erika », qui a poussé les armateurs à affréter des navires de qualité supérieure, Mme Anne-Claire Fortin, L'industrie maritime mondiale 1970-2000 : Panorama des mutations, Synthèse n° 48, octobre 2002, Institut supérieur d'économie maritime.

48 () Ces limites sont passées de 150 dollars par tonneau de jauge brute du navire sous la législation antérieure à l'Oil Pollution Act à 1 200 dollars par tonneau dans le cadre de l'Oil Pollution Act.

49 ()Exxon conteste le montant des dommages. Un énième appel d'Exxon lui a permis d'obtenir, de la Cour d'appel de San Francisco, le 23 décembre 2006, une réduction de moitié du montant des dommages punitifs, qui a été ramené de 4,5 milliards de dollars à 2,5 milliards de dollars.

50 () Les sociétés d'armement sont souvent de petites sociétés ne disposant parfois que d'un seul navire. Leur surface financière est donc limitée. C'est pourquoi un régime de responsabilité illimitée pourrait provoquer la faillite du propriétaire du navire en cas d'accident.

51 () La « gross negligence » est l'un des cas dans lesquels le propriétaire de navire se voit privé du droit d'invoquer une responsabilité limitée.

52 ()Exxon a versé 300 millions de dollars à 32 000 pêcheurs soit, 9 500 dollars par personne en moyenne, alors que le revenu tiré de la pêche atteint 100 000 dollars par saison.

53 () Cécile Dumas, L'Exxon Valdez pollue toujours, Le Nouvel Observateur, 17 mai 2006.

54 () OCDE, Offre et formation de personnel maritime, janvier 2003.

55 ()Rapport du directeur général sur l'évolution du secteur maritime, conférence internationale du travail, 94ème session (maritime) 2006, p. 39.

56 () « Pendant toute la durée de l'embarquement (3 mois environ, il n'y a aucun jour de repos (pas de dimanches, ni de jours fériés) », M. Pierre-Henri Le Goff, chef d'armement à « The green Tankers AS », site internet du ministère de l'équipement.

57 () OCDE, Offre et formation de personnel maritime, rapport précité, p. 9.

58 ()OCDE, Offre et formation de personnel maritime, rapport précité, p. 72. Le rapport précise avoir reçu des réponses à ce sondage des groupes suivants : Britanniques, Danois, Irlandais, Italiens, Polonais et Suédois.

59 () Les marins ressortissants des Philippines représentent 46,5 % des gens de mer originaires de pays tiers employés sur les navires de l'Union, Rapport de l'Agence européenne pour la sécurité maritime, 2006, p. 7.

60 () Section 6 : Normes minimales en matière d'effectifs et de brevets requis, Mémorandum d'entente de Paris.

61 () Ils devraient être examinés par la commission des transports dans la troisième semaine du mois de janvier 2007.

62 () Un amendement prévoit ainsi que le non-respect par l'Etat du pavillon du système d'audit volontaire de l'OMI pour les navires qui entrent dans un port de l'Union européenne doit être pris en compte par l'Etat membre du port de façon que ces navires soient inspectés en priorité.

63 () Les armateurs portugais ont déclaré aux rapporteurs qu'il était préférable de contrôler, de façon approfondie, 10 % des navires que 100 % d'entre eux de façon superficielle.

64 () La liste de ces rapports est mentionnée à l'annexe VIII de la directive 2001/106.

65 () Les contrôles sont d'autant plus rapides et difficiles que la longueur des navires peut dépasser 200 mètres et même atteindre le double dans le cas des plus gros navires.

66 () Il a été rappelé aux rapporteurs que si une telle analyse avait été effectuée sur l'Erika, le naufrage aurait pu être empêché.

67 () M. Georges Tourret a déclaré aux rapporteurs qu'aucun navire n'était jamais surexaminé.

68 () Document de travail de la Conseil, sur le contrôle par la Commission des organismes agréés et sur l'impact du régime de responsabilité civile conformément à la directive 94/57/CE.

69 () Dans un communiqué à la presse, publié sur son site Internet, présentant le troisième paquet de sécurité maritime, la Commission soutient n'avoir pas « eu possession d'éléments justifiant le retrait de la licence communautaire des sociétés en question ».

70 () Quant au FIPOL, il n'a pas estimé nécessaire, à l'exemple du gouvernement espagnol, d'intenter un recours contre la société de classification américaine ABS, mise en cause dans l'affaire du Prestige.

71 () Marc Laffineur, La réparation des dommages causés par les pratiques anticoncurrentielles : un débat en devenir, rapport n° 3200.

72 () Les malversations résident dans le fait que la société de classification RINA n'a opposé aucun refus au document établi par l'armateur de l'Erika, en complicité avec la société Panship, gestionnaire technique du navire et dont il ressort que seules 34 tonnes de tôle auraient été remplacées au lieu des 209 tonnes nécessaires, si les contrôles du navire avaient été effectués normalement, Mer et Marine, 19 décembre 2005.

73 () Cet article relatif à l'accueil des navires en détresse dans des lieux de refuge dispose, dans son premier paragraphe : « Les Etats membres s'assurent que, sous réserve des résultats de l'évaluation de la situation effectuée sur la base du plan visé à l'article 20 bis, les navires en détresse se voient admettre dans un lieu de refuge permettant de limiter le risque généré par leur situation. »

74 () Les Etats intéressés susceptibles de participer à une enquête sont : l'Etat d'immatriculation, de l'exploitation, de conception, ceux dont les ressortissants sont au nombre des morts ou des blessés graves et tout autre Etat.

75 () « La faute lourde s'oppose au dol parce qu'elle est non intentionnelle (...) elle est une erreur, une négligence énorme, impardonnable, mais son auteur n'avait ni l'intention de nuire, ni même la connaissance du tort qui en résulterait pour le créancier », MM. François Terré, Philippe Simler et Yves Lequette, Droit civil - les obligations, Dalloz, 6ème édition, p. 448.

76 () « La faute inexcusable se distingue de la faute lourde par sa gravité exceptionnelle et parce que, sans qu'il y ait un élément intentionnel, elle suppose une volonté consciente du danger que l'action peut entraîner, conscience que son auteur devrait avoir », MM. François Terré, Philippe Simler et Yves Lequette, Droit civil - les obligations, Dalloz, 6ème édition, p. 448.

77 ()De l'Erika au Prestige, la mer de tous les vices.

78 ()Schiffahrts Gesellschaft MS « Mercurey Sky » m.bh & Co K.G. v. MS Leerort Nth Schiffharts G.m.b.H & Co K.G., - The « Leerort » (C.A. [2001] 2 Lloyd's Rep. 291).

79 () Dans un arrêt de la Cour de cassation de 1941, regardé par la doctrine comme un arrêt de principe, elle a considéré que la faute inexcusable « doit s'entendre d'une faute d'une gravité exceptionnelle, dérivant d'un acte ou d'une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur, de l'absence de toute cause justificative et se distinguant par le défaut d'intention de la faute intentionnelle ».

(1) Document de travail des services de la commission, Annexe à la proposition de directive à la responsabilité civile et aux garanties financières des propriétaires de navires, p. 23.

80 ()El Pais, Le Prestige coule toujours, 15 octobre 2005.

81 () Une directive sur la stratégie pour la protection du milieu marin est actuellement en cours de discussion.