N° 2043 - Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2004-1173 du 4 novembre 2004 portant adaptation de certaines dispositions du code de commerce au droit communautaire de la concurrence




Document

mis en distribution

le 28 janvier 2005

N° 2043

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 janvier 2005.

PROJET DE LOI

ratifiant l'ordonnance n° 2004-1173 du 4 novembre 2004

portant adaptation de certaines dispositions du code de commerce

au droit communautaire de la concurrence,

(Renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation

et de l'administration générale de la République,

à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus

par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

AU NOM DE M. JEAN-PIERRE RAFFARIN,

Premier ministre,

PAR M. HERVÉ GAYMARD,

ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

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Ministère de l'économie,

des finances et de l'industrie

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NOR : ECOX0400301L/B1


La loi n° 2004-237 du 18 mars 2004 a habilité le Gouvernement à transposer, par ordonnance, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire.

Conformément à son article 2, 2°, l'ordonnance n° 2004-1173 du 4 novembre 2004 édicte les mesures d'adaptation du livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, requises pour une application pleine et entière du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002, relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité instituant la communauté européenne.

Conformément à la loi précitée, le projet de loi qui vous est soumis a pour objet de ratifier cette ordonnance dans le respect de l'échéance prévue par la loi d'habilitation, conformément à l'article 38 de la Constitution. Les principales dispositions de l'ordonnance sont rappelées ci-après.

Le règlement n° 1/2003, publié au Journal officiel de l'Union européenne du 4 janvier 2003, est en vigueur depuis le ler mai 2004. Il remplace le règlement du Conseil n° 17 du 6 février 1962 et instaure un nouveau régime juridique qui se traduit notamment par une large décentralisation de l'application des règles de concurrence communautaires relatives aux pratiques anticoncurrentielles (prohibition des ententes et abus de position dominante), susceptibles d'affecter le commerce entre États membres. La France avait fermement soutenu le principe de cette réforme qui modifie en profondeur l'organisation du contrôle des accords entre entreprises et le rapproche des règles existant déjà en droit interne. Le nouveau système repose en effet sur le principe de l'exception légale : la notification préalable des accords entre entreprises est supprimée et le contrôle est désormais exercé a posteriori et non plus a priori. Quarante ans après avoir rejeté le principe de l'exception légale lors de l'adoption du règlement n° 17/62, la Communauté européenne a donc repris le standard français qui était quasiment le seul à demeurer fondé sur ce principe général.

Si le règlement (CE) n° 1/2003 est d'application directe, certaines de ses modalités de mise en oeuvre, qui s'imposent à toutes les autorités nationales de concurrence de l'Union européenne, nécessitent une mise en conformité des dispositions législatives et réglementaires en vigueur au plan national. Compte tenu de l'orientation de la réforme, les mesures d'adaptation requises en France sont plus limitées que dans d'autres grands États membres de l'Union. Il n'en est pas moins essentiel que la France soit également en mesure d'appliquer pleinement une réforme dont l'efficacité repose largement sur celle du réseau des autorités de concurrence nationales et communautaires créé par le règlement.

L'article ler de l'ordonnance complète l'article L. 420-7 du code de commerce relatif à la possibilité d'attribuer à certains tribunaux de grande instance ou tribunaux de commerce les litiges relatifs à l'application des règles de prohibition des pratiques anticoncurrentielles. Cette spécialisation de compétence, justifiée par la spécificité du contentieux des pratiques anticoncurrentielles qui conduit les juridictions à procéder à des analyses économiques, ne visait à l'origine que les pratiques prohibées par le droit national. L'ordonnance l'étend aux pratiques visées par les articles 81 et 82 du traité afin de permettre l'application décentralisée de ces dispositions par les juridictions nationales, désormais obligatoire en vertu du principe de convergence édicté par l'article 3 du règlement n° 1/2003. L'article L. 420-7, dont les termes initiaux omettaient de mentionner que l'attribution de cette compétence spécialisée à certaines juridictions doit faire l'objet d'un décret en Conseil d'Etat conformément aux articles L. 311-5 et L. 411-2 du code de l'organisation judiciaire, est en outre complété par cette précision.

L'article 2 précise les modalités de coopération entre autorités membres du réseau européen de concurrence, au stade de l'enquête. L'article 22-1 du règlement n° 1/2003 prévoit que les autorités nationales de concurrence peuvent se prêter mutuellement assistance en effectuant des investigations dans le cadre de leurs procédures nationales. Pour que de telles investigations soient efficaces, il est nécessaire de compléter l'article L. 450-1 du code de commerce en permettant à des agents de l'autorité demandant une assistance d'accompagner les enquêteurs français, dans la mesure où ils pourront faciliter et orienter les recherches d'éléments de preuves. Ce pourrait être par exemple le cas lorsque l'entreprise visée est une filiale d'un groupe étranger mieux connu de l'autorité demanderesse et que les documents recherchés sont rédigés dans sa langue d'origine. I1 va de soi qu'une telle possibilité ne pourra être accordée qu'au cas par cas, devra réserver l'initiative des investigations aux fonctionnaires nationaux, pourra être assortie d'une réserve de réciprocité et devra être soumise à l'accord du ministre chargé de l'économie.

L'article 3 est relatif aux pouvoirs d'investigations des enquêteurs nationaux, notamment lorsque ceux-ci participent aux inspections ordonnées de la Commission européenne. Le droit communautaire impose un véritable devoir d'assistance dans le chef des États membres. Le règlement n° 1/2003 précise que ce devoir est assorti d'une obligation de moyens (assistance active de la part des enquêteurs mis à disposition) et de résultats (usage de pouvoirs coercitifs comportant le recours à la force publique en tant que de besoin, en cas d'opposition de la part de l'entreprise). I1 confère en outre directement aux agents des autorités de concurrence nationale qui prêtent l'assistance requise par la Commission les mêmes pouvoirs que ceux dont disposent les agents de la Commission. Les dispositions antérieures de la procédure de visite et saisie prévue à l'article L. 450-4 du code de commerce, qui régit à la fois les interventions ordonnées par les autorités françaises et l'assistance aux inspections de la Commission en cas d'opposition, s'avèrent insuffisantes pour respecter ces nouvelles modalités du devoir d'assistance.


C'est pourquoi cet article subit trois aménagements. Le premier prévoit l'apposition de scellés provisoires afin d'éviter la déperdition de preuves au cours de l'inspection. Il va de soi que ce pouvoir d'enquête doit être prévu dans tous les cas où le juge autorise la mise en œuvre de l'article L. 450-4, à défaut de quoi l'équilibre des pouvoirs d'intervention de l'autorité nationale serait rompu lorsqu'elle intervient pour ses propres enquêtes. Le deuxième aménagement vise à permettre de surmonter immédiatement une éventuelle opposition de la part d'une entreprise en précisant que l'officier de police judiciaire chargé d'assister aux opérations de visite et saisie peut apporter un concours actif au déroulement des opérations. En dernier lieu, l'ordonnance modifie le même article L. 450-4 en étendant, le cas échéant, aux agents de la Commission, la possibilité de prendre connaissance des documents saisis par les enquêteurs nationaux.

L'article 4 complète les dispositions du code de commerce relatives à la consultation du Conseil de la concurrence par les juridictions, afin d'adapter le droit interne aux nouvelles règles de coopération entre les autorités de concurrence et les juridictions françaises, lorsque ces dernières appliquent les articles 81 et 82 du traité. L'article 15 du règlement n° 1/2003 instaure une procédure dite d'amicus curiae, permettant l'intervention de la Commission et des autorités nationales de concurrence devant les tribunaux, ainsi qu'une procédure symétrique de consultation de la Commission par les tribunaux. Si l'application directe des dispositions de l'article 15 du règlement dispense d'un aménagement substantiel de la législation française en vigueur, les modalités de leur mise en œuvre entraînent cependant la nécessité de compléter le dispositif parallèle de consultation du Conseil de la concurrence, prévu à l'article L. 462-3 du code de commerce. Son objet, limité jusqu'alors à l'application des articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce qui représentent le pendant en droit interne des articles 81 et 82 du traité, est donc élargi à tout litige susceptible d'être porté devant les tribunaux sur le fondement de ces articles du traité.

Les articles 5 et 6 visent à harmoniser les règles nationales et communautaires relatives à la prescription des infractions afin de permettre une pleine application des mécanismes de coopération entre la Commission européenne et le Conseil de la concurrence. Les délais de prescription des infractions aux règles communautaires de concurrence, autres que celles relatives à l'exercice des pouvoirs d'enquête de la Commission européenne, sont de cinq ans. L'article L. 462-7 du code de commerce ne fixe pour sa part qu'un seul délai de prescription de trois ans pour les faits susceptibles d'être portés devant le Conseil de la concurrence. Si cette différence n'a pas posé de difficultés jusqu'à présent, elle est susceptible de faire obstacle à une ré-allocation souhaitable d'affaires entre le Conseil de la concurrence et la Commission européenne lorsqu'il sera fait application des règles de suspension ou de clôture de la procédure prévues par le règlement. En conséquence, l'ordonnance aligne les causes d'interruption de la prescription et les délais prévus par les articles L. 462-6 et L. 462-7 du code de commerce sur les règles communautaires.



L'article 7
transpose en droit interne le pouvoir de suspension et de clôture de la procédure, directement conféré au Conseil de la concurrence par le règlement n° 1/2003. Aux termes du règlement, une autorité nationale peut en effet suspendre une procédure ou rejeter une saisine dès lors qu'une autre autorité de concurrence nationale ou la Commission européenne est saisie du cas ou l'a déjà traité. L'article L. 462-8 du code de commerce énumère pour sa part de manière limitative les cas dans lesquels le Conseil de la concurrence peut déclarer une saisine irrecevable. L'ordonnance y ajoute donc les nouvelles possibilités de suspension ou de clôture prévues par le règlement. Par ailleurs, l'article 11-6 du règlement communautaire confère à la Commission le pouvoir d'évoquer une affaire pendante devant les autorités nationales de concurrence. L'usage de ce pouvoir dessaisit ces dernières de leur compétence. L'ordonnance formalise la procédure de clôture d'une affaire pendante devant le Conseil de la concurrence, dans ces cas d'évocation par la Commission.

L'article 8 permet de satisfaire aux nouvelles obligations d'information de la Commission européenne et du réseau européen de concurrence, qui pèsent sur les autorités de concurrence nationales. Le règlement n° 1/2003 impose d'informer la Commission des premières mesures d'investigation exercées dans un cas d'application du droit communautaire ainsi que des décisions envisagées par l'autorité de concurrence nationale. Il permet en outre la transmission de ces informations aux autorités nationales de concurrence des autres États membres et ouvre une large faculté d'échanges d'informations au sein du réseau de concurrence. Ces dispositions sont directement applicables.

La rédaction antérieure de l'article L. 462-9 du code de commerce, qui reconnaît déjà la possibilité de transmission d'informations par le Conseil de la concurrence à d'autres autorités de concurrence, ne prévoyait pas expressément d'obligation à l'égard de la Commission. L'ordonnance le complète sur ce point. Par ailleurs, elle assortit les échanges d'informations de conditions de réciprocité et de réserves incompatibles avec les nouvelles dispositions du règlement n° 1/2003. En effet, la Cour de justice de l'Union européenne a eu l'occasion de rappeler à plusieurs reprises que la mise en œuvre du droit communautaire ne peut être soumise à une condition de réciprocité. L'ordonnance complète dès lors l'article L. 462-9 en distinguant clairement entre les principes généraux de coopération initiaux, qui peuvent être maintenus dans le cas d'échanges d'informations avec des autorités de pays tiers ou lorsque les échanges sont relatifs à l'application d'autres volets du droit communautaire de la concurrence, et les nouvelles règles issues des dispositions du règlement n° 1/2003. En pratique, les autorités de concurrence pourront néanmoins s'abstenir au cas par cas de communiquer certaines informations, dans la mesure où cette communication demeure facultative et où la prise en compte d'intérêts nationaux supérieurs pourrait justifier une telle abstention sans contrevenir aux obligations du traité.

L'article 9, relatif à la procédure d'instruction par le Conseil de la concurrence, permet d'harmoniser le système français de protection du secret des affaires avec les règles communautaires, tout en respectant les exigences du contradictoire. En droit communautaire, les plaignants n'ont pas accès au dossier dans les mêmes proportions que les entreprises poursuivies, ce qui se justifie par le fait que toutes les parties ne sont pas dans une situation identiques. Seules les dernières bénéficient des garanties étendues, liées au respect des droits de la défense, alors que les plaignants peuvent se voir refuser la communication d'informations contenant des secrets d'affaires. En revanche, le code de commerce, confondant sur le modèle de la procédure judiciaire toutes les parties à la procédure, ne permettait pas d'opérer cette distinction. Or, comme en droit communautaire, les règles de concurrence nationales visent à la protection de droits objectifs, à la différence de la procédure judiciaire qui a pour objet la résolution de contentieux subjectifs.

L'ordonnance aménage en conséquence les dispositions de l'article L. 463-4 en créant notamment une annexe confidentielle au dossier d'instruction, accessible aux seules entreprises concernées ainsi qu'au commissaire du Gouvernement dans le cadre de ses prérogatives. De cette manière, la divulgation des secrets d'affaires recueillis auprès des entreprises poursuivies à d'autres parties au procès peut être évitée, sachant que ces dernières sont souvent des concurrents susceptibles d'en faire un usage détourné sur le marché. De plus, le Conseil de la concurrence pourra à l'avenir utiliser certaines informations communiquées par la Commission sans risquer de porter à la connaissance de plaignants des informations nécessaires à la procédure mais couvertes par le secret professionnel. Les articles L. 463-l et L. 463-2 sont en outre complétés par un amendement de coordination.

Les articles 10 à 12 complètent les pouvoirs décisionnels du Conseil de la concurrence afin de lui permettre d'appliquer pleinement le règlement n° 1/2003. Le règlement confère en effet directement au Conseil de la concurrence la possibilité d'accepter des engagements de la part des entreprises et d'infliger des astreintes, si le droit interne le permet.

L'article 10 permet d'harmoniser les dispositions des articles L. 464-2 et L. 464-3 du code de commerce avec ces nouvelles compétences, dont dispose également la Commission, tout en tenant compte du droit existant. Ainsi, la Commission peut user de son pouvoir d'astreinte dans deux cas de figure : soit pour contraindre les entreprises à se soumettre à ses vérifications, soit pour les contraindre à mettre fin à une infraction ou à respecter ses injonctions. Une transposition de ce pouvoir dans le premier cas de figure n'apparaît pas nécessaire étant donné les dispositions pénales déjà prévues en la matière par l'article L. 450-8 du code de commerce. En revanche, une possibilité d'imposer des astreintes, dont le taux est identique à celui prévu par le règlement (5 % du CA journalier) est introduite dans le chapitre du code de commerce consacré aux pouvoirs décisionnels du Conseil. L'article 11 amende l'article L. 464-3 par coordination avec la nouvelle disposition de l'article L. 464-2 relative aux engagements et l'article 12 amende l'article L. 464-4 afin de permettre le recouvrement d'astreintes dans les mêmes conditions que celui des amendes.

L'article 13 tire les conséquences de l'harmonisation des règles de protection du secret des affaires établie par l'article 9 supra, lors de la publication des décisions du Conseil de la concurrence prévue à l'article L. 464-8 du code de commerce.

L'article 14 précise enfin les règles d'habilitation des autorités françaises de concurrence et de leurs agents, pour l'application des articles 81 et 82 du traité. Le règlement n° 1/2003 confère directement aux autorités nationales de concurrence et à leurs agents des pouvoirs qui lui sont propres, notamment en matière d'enquête. Le règlement laisse toutefois aux États membres le soin de désigner ces autorités et les agents qu'elles souhaitent habiliter. Or, si une compétence générale d'application des articles 81 et 82 est déjà attribuée par l'article L. 470-6 du code de commerce au Conseil de la concurrence ainsi qu'au ministre chargé de l'économie et aux fonctionnaires qu'il a habilités, les dispositions antérieures de cet article ne visent que les pouvoirs reconnus par le livre IV du code de commerce. II convient donc de les compléter par une référence au règlement n° 1/2003, afin de fonder l'application parallèle des nouveaux pouvoirs prévus par le droit communautaire sur une base juridique claire en droit interne.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2004-1173 du 4 novembre 2004 portant adaptation de certaines dispositions du code de commerce au droit communautaire de la concurrence, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté à l'Assemblée nationale par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui est chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article unique

L'ordonnance n° 2004-1173 du 4 novembre 2004 portant adaptation de certaines dispositions du code de commerce au droit communautaire de la concurrence est ratifiée.

Fait à Paris, le 26 janvier 2005.

Signé : JEAN-PIERRE RAFFARIN

Par le Premier ministre :

Le ministre de l'économie, des finances

et de l'industrie,

Signé : HERVÉ GAYMARD

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N° 2043 - Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2004-1173 du 4 novembre 2004 portant adaptation de certaines dispositions du code de commerce au droit communautaire de la concurrence


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