N° 3269 – Projet de loi relatif au régime d’autorisation des opérations d’intermédiation et d’achat pour revendre et modifiant le code de la défense



Document

mis en distribution

le 25 juillet 2006


N° 3269

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 juillet 2006.

PROJET DE LOI

relatif au régime d’autorisation des opérations d’intermédiation et d’achat pour revendre
et
modifiant le code de la défense,

(Renvoyé à la commission de la défense nationale et des forces armées, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

AU NOM DE M. DOMINIQUE DE VILLEPIN,

Premier ministre,

PAR Mme Michèle ALLIOT–MARIE,

ministre de la défense

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi vise à donner aux autorités françaises le moyen d’interdire des opérations d’intermédiation ou d’achat pour revendre, dans le domaine des matériels de guerre et de matériels assimilés, réalisées par des personnes établies en France, qui seraient illicites, au regard du droit international, ou inopportunes au regard de la politique générale de la France en matière de commerce d’armement.

En l’état actuel du droit, de telles opérations, particulièrement préjudiciables à la réputation de notre pays, ne peuvent faire l’objet d’aucun contrôle préventif. Le présent projet vise à les soumettre à un régime d’autorisation préalable, assorti de sanctions pénales.

En outre, le régime administratif et pénal des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés est modifié, en précisant explicitement les conditions permettant de suspendre ou d’abroger les autorisations déjà données, afin d’harmoniser ce régime avec celui mis en place pour les opérations d’intermédiation et d’achat pour revendre.

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Le titre Ier est relatif au régime d’autorisation des opérations d’intermédiation et d’achat pour revendre.

L’article 1er insère, dans le chapitre II du titre III du livre III de la deuxième partie du code de la défense une section 4, qui comprend sept articles (articles L. 2332-12 à L. 2332-18) relatifs aux opérations d’intermédiation et d’achat pour revendre et à leur contrôle.

L’article L. 2332-12 définit le champ des opérations d’intermédiation couvertes par le projet de loi et explicite les différentes formes juridiques (courtage, mandat particulier ou contrat de commission) que peuvent prendre ces opérations.

L’article L. 2332-13 pose le principe de l’autorisation préalable des opérations d’intermédiation et d’achat pour revendre pour les matériels de guerre et matériels assimilés visés par les dispositions de l’article L. 2335-3 du code de la défense ; ce régime s’applique aux personnes résidentes ou établies en France pour les opérations réalisées en France ou à l’étranger. Seule la fourniture de matériel à l’étranger est visée.

Cet article précise en outre le champ d’application du régime d’autorisation en excluant les opérations d’intermédiation réalisées au profit de personnes établies en France pour faciliter l’exportation depuis la France des matériels concernés. L’exportation étant soumise au contrôle déjà prévu par le code de la défense, c’est en effet à ce titre que ces opérations seront contrôlées. De même, les opérations d’achat pour revendre qui se traduiront par une exportation hors de France de matériels de guerre, soumise à ce contrôle des exportations déjà existant, sont exclues du nouveau régime.

Enfin, les opérations d’intermédiation qui consistent en des transferts de matériels entre des États membres de l’Union européenne sont exclues du nouveau régime.

L’article L. 2332-14 établit la distinction entre les deux formes que peut prendre l’autorisation, soit individuelle pour une ou plusieurs opérations identifiées, soit globale pour un ensemble de matériels, de provenances et de destinations. La licence globale donne une liberté d’action au bénéficiaire dans le champ couvert par la licence, sans qu’il soit nécessaire de revenir vers l’administration avant chaque opération ; elle permettra notamment aux sociétés mères ayant des filiales étrangères d’agir comme intermédiaire au profit de celles-ci dans le cadre de leurs relations habituelles. En revanche le régime d’autorisation individuelle pourra être maintenu pour certaines destinations ou certains types de matériels de guerre.

L’article L. 2332-15 prévoit les conditions qui peuvent conduire à l’abrogation ou à la suspension d’une autorisation. L’autorisation peut être suspendue ou abrogée soit pour mettre en oeuvre des mesures prises en application d’un accord international ou dans le cadre de l’Union européenne ou du Conseil de sécurité des Nations unies, soit lorsque l’opération peut porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation.

L’article L. 2332-16 prévoit la possibilité pour le Gouvernement de communiquer à des gouvernements étrangers les informations relatives aux intermédiaires et aux négociants de façon à permettre des poursuites pénales ou à assurer un meilleur contrôle de ces activités au niveau international.

L’article L. 2332-17 instaure un contrôle des activités d’intermédiation et d’achat pour revendre selon les principes définis par les articles L. 2332-4 et L. 2332-16 du code de la défense.

L’article L. 2332-18 renvoie à un décret en Conseil d’État pour les mesures d’application de la loi.

L’article 2 insère, au chapitre IX du titre III du livre III de la deuxième partie du code de la défense, une section 8 comprenant l’article L. 2339-14 qui définit le régime pénal applicable en cas de réalisation, sans l’autorisation prévue à l’article L. 2332-13 ou en méconnaissance des dispositions de l’article L. 2332-15, d’une opération d’intermédiation ou d’achat pour revendre. Cette infraction est punie d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende.

Une peine complémentaire d’interdiction d’exercice, soit à titre définitif, soit pour une durée de cinq ans ou plus, de l’activité professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise est prévue.

Des peines applicables aux personnes morales déclarées responsables pénalement de l’infraction sont également prévues. Le taux de l’amende encourue, conformément aux dispositions de l’article 131-38 du code pénal, peut être égal au quintuple de celui applicable aux personnes physiques.

L’article 3 modifie l’article L. 2339-1 du code de la défense relatif à la constatation des infractions en prévoyant que ses dispositions ne sont pas applicables aux infractions établies par le présent projet de loi.

L’article 4 insère, après l’article L. 2339-1 du code de la défense, un article L. 2339-1-1 qui donne compétence, pour constater les infractions prévues, aux agents du ministère de la défense habilités dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Il donne compétence aux agents des douanes pour rechercher et constater ces mêmes infractions, en vertu des pouvoirs d’investigations qui leurs sont accordés par le code des douanes.

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Le titre II précise certains aspects des régimes d’importation et d’exportation des matériels de guerre et des matériels assimilés.

Les articles 5, 6 et 7 du projet de loi ont pour objet d’introduire, respectivement aux articles L. 2335-1, L. 2335-2 et L. 2335-3 du code de la défense, des dispositions formalisant explicitement la possibilité pour l’administration de procéder à la suspension ou à l’abrogation des autorisations d’importation ou d’exportation de matériels de guerre et des agréments préalables à l’exportation dans les mêmes conditions que celles prévues, concernant les opérations d’intermédiation et d’achat pour revendre, à l’article L. 2332-15 du projet de loi.

L’article 8 complète le régime pénal, défini à l’article L. 2339-2 du code de la défense, applicable aux personnes physiques qui ont méconnu ces dispositions notamment en exerçant, sans y être régulièrement autorisées, l’activité de fabrication ou de commerce des matériels de guerre. Il ajoute un nouvel alinéa au I de l’article L. 2339-2 du code de la défense afin d’y introduire des dispositions relatives à la peine complémentaire applicable aux personnes physiques d’interdiction d’exercer la profession dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport de la ministre de la défense

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi relatif au régime d’autorisation des opérations d’intermédiation et d’achat pour revendre et modifiant le code de la défense, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par la ministre de la défense qui est chargée d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

TITRE IER

CONTRÔLE PRÉVENTIF DES OPÉRATIONS D’INTERMÉDIATION ET D’ACHAT POUR REVENDRE PORTANT SUR DES MATÉRIELS DE GUERRE
ET MATÉRIELS ASSIMILÉS

Article 1er

Le chapitre II du titre III du livre III de la deuxième partie du code de la défense est complété par une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Obligations des titulaires d’autorisation d’intermédiation
et d’achat pour revendre

« Art. L. 2332-12. – Constitue une activité d’intermédiation, lorsqu’elle est menée au profit de toute personne, quel que soit le lieu de son établissement, sous la forme d’opérations de courtage ou bien celle d’opérations faisant l’objet d’un mandat particulier ou d’un contrat de commission, toute activité à caractère commercial ou à but lucratif dont l’objet est, soit de rapprocher des personnes souhaitant conclure un contrat d’achat ou de vente de matériels de guerre ou de matériels assimilés, soit de conclure un tel contrat pour le compte d’une des parties.

« Art. L. 2332-13. – Sont soumises à autorisation préalable les opérations d’intermédiation et les opérations d’achat pour revendre, réalisées en France ou à l’étranger, par toute personne résidant ou établie en France, lorsque ces opérations ont pour objet de permettre la fourniture, en territoire étranger, de matériels de guerre ou de matériels assimilés visés par les dispositions de l’article L. 2335-3.

« Ne sont toutefois pas soumises à l’autorisation prévue à l’alinéa précédent :

« 1° Les opérations d’intermédiation réalisées pour l’exportation de matériels soumis au régime d’autorisation prévu par les articles L. 2335-2 et L. 2335-3 au profit de donneurs d’ordres, de mandants ou de commettants établis en France ;

« 2° Les opérations d’achat pour revendre lorsque les matériels sont soumis aux dispositions des articles L. 2335-2 et L. 2335-3 ;

3° Les opérations d’intermédiation pour des matériels de guerre ou assimilés en provenance et à destination d’États membres de l’Union européenne.

« Art. L. 2332-14. – L’autorisation prévue à l’article L. 2332-13 revêt une forme individuelle, lorsqu’elle est accordée pour une ou plusieurs opérations identifiées. Elle peut également prendre la forme d’une licence globale. La licence globale a pour objet d’autoriser un ensemble d’opérations concernant notamment les types de matériels et les pays d’origine et de destination souhaités par le demandeur.

« Art. L. 2332-15. – Les autorisations délivrées en application des articles L. 2332-13 et L. 2332-14 peuvent être suspendues ou abrogées, soit pour la mise en œuvre des mesures prises en application d’un accord international ratifié ou approuvé ou adopté dans le cadre de l’Union européenne ou du Conseil de sécurité des Nations unies, soit lorsque l’opération ou l’ensemble d’opérations peuvent porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation.

« Art. L. 2332-16. – Les informations relatives aux personnes autorisées à exercer une activité de commerce ou d’intermédiation en application des dispositions de l’article L. 2332-1 et celles qui sont obtenues en application des articles L. 2332-13 à L. 2332-15 peuvent être communiquées à des gouvernements étrangers si le Gouvernement français l’estime nécessaire.

« Art. L. 2332-17. – Les titulaires de l’autorisation délivrée en application des dispositions des articles L. 2332-13 et L. 2332-14 sont soumis, pour le contrôle de leurs activités, aux dispositions des articles L. 2332-4 et L. 2332-9.

« Art. L. 2332-18. – Les conditions d’application des articles L. 2332-13 à L. 2332-16 sont fixées par décret en Conseil d’État. »

Article 2

Le chapitre IX du titre III du livre III de la deuxième partie du code de la défense est complété par une section 8 ainsi rédigée :

« Section 8

« Sanctions pénales de l’intermédiation
et de l’achat pour revendre

« Art. L. 2339-14. – I. – Le fait de réaliser une opération d’intermédiation ou d’achat pour revendre, sans l’autorisation exigée par l’article L. 2332-13, en méconnaissance des prescriptions de l’autorisation ou d’une décision de suspension ou d’abrogation intervenue sur le fondement de l’article L. 2332-15 est puni d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende.

« Les personnes physiques coupables de l’infraction prévue à l’alinéa précédent encourent également l’interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer l’activité professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. »

« II. – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2 du code pénal, de l’infraction prévue à l’article 26-1 encourent les peines suivantes :

« 1° L’amende, selon les modalités prévues par l’article 131-38 du code pénal ;

« 2° Les peines mentionnées à l’article 131-39 du code pénal.

« L’interdiction mentionnée au 2° de l’article 131-39 porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ».

Article 3

L’article L. 2339-1 du code de la défense est ainsi modifié :

1° Au début du premier alinéa sont insérés les mots suivants : « Sous réserve des dispositions de l’article L. 2339-1-1, » ;

2° Entre le premier et le deuxième alinéa, l’alinéa suivant est inséré :

« Pour la recherche et la constatation de l’infraction prévue à l’article L. 2339-2, en ce qui concerne les intermédiaires ou les agents de publicité, les agents des douanes disposent des pouvoirs d’investigation qui leur sont accordés par le code des douanes. »

Article 4

Après l’article L. 2339-1 du code de la défense est inséré un article L. 2339-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2339-1-1. – Les agents du ministère de la défense habilités dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État peuvent constater les infractions aux dispositions des articles L. 2332-13 à L. 2332-15 ainsi qu’aux dispositions réglementaires prises pour leur application.

« Outre les officiers et agents de police judiciaire agissant conformément aux dispositions du code de procédure pénale, les agents des douanes peuvent rechercher et constater les infractions aux dispositions des articles L. 2332-13 à L. 2332-15 ainsi qu’aux dispositions réglementaires prises pour leur application. Ils disposent, à cet effet, des pouvoirs d’investigation qui leur sont accordés par le code des douanes.

« Les agents visés aux alinéas précédents adressent, sans délai, au procureur de la République les procès-verbaux de leurs constatations. »

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AU CONTRÔLE
DES EXPORTATIONS ET DES IMPORTATIONS
DE MATÉRIELS DE GUERRE
ET DE MATÉRIELS ASSIMILÉS

Article 5

L’article L. 2335-1 du code de la défense est ainsi modifié :

I. – Au premier alinéa, les mots : « délivrée dans des conditions définies par l’autorité administrative » sont supprimés.

II. – Après le premier alinéa, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :

« Cette autorisation peut être suspendue ou abrogée, soit pour la mise en œuvre des mesures prises en application d’un accord international ratifié ou approuvé ou adopté dans le cadre de l’Union européenne ou du Conseil de sécurité des Nations unies, soit lorsque l’opération peut porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation.

« Les modalités de délivrance, de suspension ou d’abrogation de l’autorisation d’importation sont définies par arrêté interministériel. »

Article 6

L’article L. 2335-2 du code de la défense est ainsi modifié :

I. – Dans la première phrase les mots : « donné dans des conditions fixées par l’autorité administrative » sont supprimés.

II. – Dans la deuxième phrase les mots : « ladite autorité » sont remplacés par les mots : « l’autorité administrative ».

III. – Il est ajouté les mots suivants : 

« L’agrément prévu au présent article peut être suspendu ou abrogé dans les cas prévus au troisième alinéa de l’article L. 2335-1. Les modalités de délivrance, de suspension et d’abrogation de cet agrément sont définies par arrêté interministériel ».

Article 7

L’article L. 2335-3 du code de la défense est ainsi modifié :

I. – À la suite du premier alinéa, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L’autorisation prévue au présent article peut être suspendue ou abrogée dans les cas prévus au troisième alinéa de l’article L. 2335-1. »

II. – Au 3°, après le mot : « délivrance », sont insérés les mots : « de suspension et d’abrogation ».

Article 8

Au I de l’article L. 2339-2 du code de la défense il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes physiques coupables de l’infraction prévue au premier alinéa encourent également l’interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer l’activité professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. »

Fait à Paris, le 19 juillet 2006.

Signé : Dominique de VILLEPIN

Par le Premier ministre :

La ministre de la défense

Signé : Michèle ALLIOT-MARIE

Imprimé pour l’Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-121413-2
ISSN : 1240 – 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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