N° 122 - Proposition de loi de Mme Martine Billard




No 122
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 juillet 2002.
PROPOSITION DE LOI

visant à l'instauration d'une discrimination positive en faveur des handicapés lors de la cession des exploitations agricoles.

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉE
par Mme Martine BILLARD, MM. Yves COCHET
et NoËl MAMÈRE,
Députés.

Handicapés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Loin de régresser, le nombre des personnes en situation de handicap, c'est-à-dire des personnes «dans l'incapacité d'assurer par elles-mêmes tout ou partie des nécessités d'une vie individuelle et sociale normale» ne cesse de s'accroître : plus de 3,5 millions de personnes seraient actuellement concernées selon l'INSEE. De problème individuel, le problème des personnes handicapées est aujourd'hui un problème sociétal.
L'article 1er de la loi d'orientation n° 75-534 du 30 juin 1975 dispose : «la prévention et le dépistage du handicap, les soins, l'éducation, la formation et l'orientation professionnelle, l'emploi, la garantie d'un minimum de ressources, l'intégration sociale et l'accès aux sports et loisirs du mineur et de l'adulte handicapé physique, sensoriel ou mental constituent une obligation nationale».
Or, l'intégration sociale et l'emploi sont justement les domaines dans lesquels, comme le constate le Conseil économique et social dans son rapport «situations de handicap et cadre de vie», présenté par M. Vincent Assante en septembre 2000, les avancées dues aux lois du 30 juin 1975 (nos 75-534 et 75-535) se révèlent particulièrement insuffisantes.
D'une part, l'organisation du monde du travail, restée basée sur la productivité, intègre difficilement ces personnes, confondant le plus souvent handicaps avec inaptitudes. D'autre part, la France ne s'est engagée que très tardivement dans une politique active d'intégration des personnes en situation de handicap, la politique française ayant longtemps privilégié l'orientation de ces personnes vers des établissements d'accueil spécialisés.
L'intégration professionnelle est le vecteur idéal d'intégration sociale à la fois par les revenus issus d'une activité professionnelle mais aussi par le facteur identitaire qui en découle. Aussi, il convient d'optimiser la politique engagée en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés, c'est-à-dire une politique favorisant l'accès et le maintien dans l'emploi des candidats.
Au cours de l'année 2000, le ministère de l'Agriculture a ainsi affiché la volonté d'intégrer les handicapés au sein de la vie professionnelle. Cependant, ceux-ci seraient considérés plus aptes à travailler dans les bureaux qu'ailleurs. Le problème reste irrésolu car, si on tient compte du handicap, on ignore les compétences de ces gens. En effet, nombreux sont ceux qui ont été victimes d'accidents du travail comme bon nombre d'agriculteurs, et même amoindris dans leurs capacités, ils continuent de travailler.
Les machines utilisées pour l'exploitation agricole sont très dangereuses car elles ne sont pas équipées de réel dispositif de sécurité : ce qui provoque de nombreux accidents et, par la suite, d'importantes situations de handicap. Mais beaucoup se battent et continuent d'exploiter et d'avoir même la possibilité d'agrandir leurs parcelles. Pourtant, ce bénéfice leur est refusé.
Les nouvelles dispositions du code rural relatives au contrôle des structures des exploitations agricoles (art. L. 331-1 et suivants) vont soumettre à autorisation préfectorale certaines opérations d'installation ou d'agrandissement de parcelles, ce qui permettra, en cas de concurrence, de privilégier l'installation d'un jeune agriculteur ou l'expansion d'une exploitation de taille modeste afin de garder, par la discrimination positive, la diversité des acteurs de l'agriculture française.
Cette disposition ne prévoit pas actuellement la possibilité de favoriser les exploitants handicapés qui souhaiteraient bénéficier de ces avantages.
Cette discrimination positive permettrait la reconnaissance du courage de ces agriculteurs qui, faisant fi de leur handicap, travaillent toujours en vue de la survie ou d'une meilleure rentabilité de leur exploitation; mais aussi s'insérerait naturellement dans la politique d'intégration des travailleurs handicapés de l'article 1er de la loi d'orientation n° 75-534 du 30 juin 1975 précitée.
Aussi, le présent texte propose de modifier les dispositions de l'article L. 331-3 du code rural afin que toute personne souffrant d'une insuffisance ou d'une diminution de ses capacités physiques ou mentales ait la possibilité réelle d'acquérir ou de conserver un emploi dans le monde rural.
Au bénéfice de ces observations, nous vous proposons, Mesdames, Messieurs, d'adopter cette proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Avant le dernier alinéa de l'article L. 331-3 du code rural, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
«9° Favoriser l'installation ou le maintien d'agriculteurs handicapés remplissant les conditions de formation et d'expérience professionnelle fixées par décret sans compromettre la viabilité de l'exploitation agricole.»

Article 2

Les charges éventuelles qui découleraient, pour les collectivités locales, de l'application de la présente proposition de loi sont compensées, à due concurrence, par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement et la dotation générale de décentralisation.
Les dépenses et les pertes de recettes qui incomberaient à l'Etat sont compensées, à due concurrence, par une augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

N° 0122 - Proposition de loi sur l'instauration discrimination positive en faveur des handicapés lors de la  cession exploitations agricoles (Mme Martine Billard)


© Assemblée nationale