N° 600 - Proposition de résolution de M. Daniel Garrigue tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions d'application de la directive"oiseaux"du 2 avril 1979 dans les différents Etats de l'Union européenne"




No 600

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 février 2003.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions d'application de la directive « oiseaux » du 2 avril 1979 dans les différents Etats de l'Union européenne.

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Daniel GARRIGUE, Jean AUCLAIR, Jérôme BIGNON, Jacques BRIAT, Antoine CARRÉ, Luc-Marie CHATEL, Jean-Pierre DECOOL, Bernard DEPIERRE, Jean-Pierre DOOR, Philippe DUBOURG, Mme Marie-Hélène des ESGAULX, MM. André FLAJOLET, Louis GISCARD d'ESTAING, Jean-Pierre GRAND, Marc LAFFINEUR, Marc LE FUR, Jean-Claude LEMOINE, Jean-Louis LÉONARD, Mme Geneviève LEVY, MM. Patrice MARTIN-LALANDE, Alain MERLY, Daniel POULOU, Didier QUENTIN, Jean-François RÉGÈRE et Francis SAINT-LÉGER,

Additions de signatures :
M. Pierre Lang et Mme Josette Pons

Députés.

Chasse et pêche.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'arrêt rendu le 18 décembre dernier par le Conseil d'Etat sur les arrêtés du 18 juillet 2002 relatifs aux dates de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs, pris par le ministre de l'Ecologie et du Développement durable, confirme une nouvelle fois les profondes difficultés d'application de la directive « oiseaux » du 2 avril 1979.

En effet, alors que cette directive ne visait que la protection des espèces, et plus particulièrement des espèces migratrices - son article 7 prévoyant que les Etats membres veillent à ce que celles-ci ne soit pas chassées « pendant leur période de reproduction et pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification » -, les arrêts successifs de la Cour de justice de l'Union européenne et du Conseil d'Etat ont introduit trois éléments nouveaux particulièrement extensifs :

- la notion de protection complète qui, à la différence de la directive, ne prend plus en considération les espèces, mais les individus eux-mêmes. De ce fait, alors que les études retenues précédemment tenaient compte de l'arrivée d'un nombre significatif d'oiseaux, la jurisprudence exige aujourd'hui dans notre pays l'arrêt de la chasse dès que sont repérés les premiers individus ;

- la notion de risque de confusion, non pas entre espèces chassables mais avec des oiseaux appartenant à des espèces protégées. La définition retenue dans ses conclusions par le Commissaire du Gouvernement, M. Lamy, est particulièrement extensive puisque ce dernier considère que « lorsqu'un oiseau chassable (par exemple, la caille des blés) peut être confondu avec un autre oiseau appartenant à une espèce protégée (le râle des genêts), le premier ne peut être chassé que s'il n'est pas lui-même en période de dépendance, et que si le second n'est pas lui aussi en période de vulnérabilité » ;

- le risque de dérangement, jusqu'ici seulement esquissé, mais qui, toujours selon le Commissaire du Gouvernement, devrait être pris en compte dans la mesure où il est susceptible de nuire à la protection complète. Ce concept est à l'évidence extrêmement flou, ce qui n'empêche pas M. Lamy de déclarer qu'il faudra « le prendre en considération, même si les études en ce qui le concerne ne donnent guère de certitudes ».

Un important élément d'arbitrage pourrait sans doute résulter de la prise en compte systématique des études scientifiques auxquelles la Cour de justice de l'Union européenne demande de se référer. Malheureusement, là encore, les conclusions du Commissaire du Gouvernement sont extrêmement pénalisantes puisqu'il ne veut prendre en considération que les seuls rapports du comité ORNIS et du groupe de travail présidé par le professeur Lefeuvre. En revanche, le rapport présenté par M. Dutruc-Rosset, à la demande du Premier ministre, est considéré comme un rapport purement « administratif », malgré la valeur évidente du travail accompli par son auteur et malgré l'introduction par ce dernier de conceptions novatrices et susceptibles d'apporter un minimum de prudence scientifique dans la prise en compte des décades d'observation du passage des oiseaux migrateurs. On doit souhaiter que les travaux que mènera le nouvel Observatoire de la faune sauvage ne connaissent pas, à l'avenir, un sort comparable.

Notre pays se trouve ainsi confronté à une superposition de dispositions et d'interprétations toujours plus restrictives : la directive « oiseaux » proprement dite, les décisions de la Cour de justice, les arrêts rendus par le Conseil d'Etat français, au-delà des décisions de la Cour elle-même.

Cette situation est très différente de celle que connaissent les autres Etats européens, soit que leur juridiction nationale ait une interprétation beaucoup moins restrictive, soit que la très grande décentralisation de leurs juridictions conduise à des interprétations très différentes d'une région à l'autre. L'égalité des citoyens des différents Etats de l'Union européenne par rapport à la directive « oiseaux » risque ainsi d'être gravement rompue. L'élargissement à dix nouveaux Etats en 2004 est une raison supplémentaire de s'inquiéter de cette situation.

Cette même question de l'égalité ente les Etats se trouve au demeurant également posée en ce qui concerne le recours aux dérogations et leurs conditions de mise en œuvre.

C'est la raison pour laquelle vous voudrez bien décider la constitution d'une commission d'enquête parlementaire qui sera chargée, d'une part, de faire l'état complet de l'interprétation et de la jurisprudence à laquelle donne lieu cette directive dans les différents Etats de l'Union et des problèmes qu'elle peut poser avec les nouveaux Etats adhérents, d'autre part, de rechercher à partir de cette étude les éléments d'une démarche cohérente et raisonnable applicable par tous les Etats de l'Union pour la mise en œuvre de cette même directive, selon des modalités juridiques qu'il conviendrait de déterminer (le cas échéant, par des dispositions interprétatives de la directive « oiseaux » au niveau de l'Union, notamment le guide d'interprétation en cours de discussion).

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

Il est institué une commission d'enquête parlementaire de trente membres chargée de faire l'état complet de l'interprétation et de la jurisprudence à laquelle donne lieu la directive « oiseaux » du 2 avril 1979 dans les différents Etats de l'Union européenne, d'évaluer les problèmes que peut soulever sa mise en œuvre dans les dix Etats qui doivent adhérer à l'Union en 2004, et de proposer les éléments d'une démarche cohérente et raisonnable applicable à l'ensemble des Etats de l'Union pour la mise en œuvre de cette directive.

 

N° 0600 - Proposition de résolution tendant à la  création d'une commission d'enquête sur les conditions d'application de la directive « oiseaux » du 2 avril 1979 dans les différents Etats de l'Union européenne.(M. Daniel Garrigue)


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