N° 1305 - Proposition de loi de M. Jérôme Rivière visant à interdire le port de vêtements religieux à toute personne investie de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public dans l'exercice de ses fonctions




N° 1305

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 décembre 2003.

PROPOSITION DE LOI

 

visant à interdire le port de vêtements religieux à toute
personne investie de l'autorité publique, chargée d'une mission
de service public ou investie d'un mandat électif public
dans l'exercice de ses fonctions.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles de la législation et de l'administration
générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Jérôme RIVIÈRE

Député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans leur avis du 27 novembre 1989, les conseillers d'Etat ont placé le port du foulard sur le terrain de la liberté individuelle.

Il faut pourtant constater que le voile est moins un signe ostentatoire d'appartenance à la religion musulmane que celui de la soumission de la femme. Faut-il rappeler, à cet égard, qu'une personnalité musulmane aussi éminente que le cheikh Mohammad Sayed Tantaoui, imam d'Al Azhar, répondant du Caire, en avril 1998, à une question du Ministre de l'Intérieur français, affirmait : « Si l'Etat français juge que le port du voile dans les lycées est contraire à ses traditions, c'est son droit, et les musulmans, qui ont le devoir de se conformer aux lois du pays où ils vivent, ont le choix de s'y plier ou bien de quitter ce pays. » Le cheikh ajoutait que « le plus important pour notre religion est qu'une musulmane porte une tenue décente ». De son côté, le roi du Maroc observait que « la plupart des femmes marocaines ne portent pas le voile. Nous n'avons pas l'impression qu'en cela elles contreviennent aux commandements de l'islam qui sont définis dans le temps et dans l'espace ».

Il ne s'agit donc pas d'une question de conscience, et c'est bien la raison pour laquelle une proposition de loi devait être déposée.

Si la religion a joué un rôle d'importance dans l'histoire de la France et explique la place importante qu'occupe aujourd'hui la culture judéo-chrétienne dans les valeurs de la société, l'Etat s'est toujours construit autour d'une recherche de légitimité d'un pouvoir indépendant de la religion.

La liberté de conscience a été reconnue comme l'une des principales libertés individuelles, consacrée par l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, aux termes duquel « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ».

La loi du 9 décembre 1905, tout en procédant à la séparation des Eglises et de l'Etat, a confirmé que « la République assure la liberté de conscience ».

Notre constitution en son article premier affirme que la République est laïque.

Ce principe de laïcité suppose que pour garantir à tous une parfaite liberté de conscience, de pensée et d'expression, l'Etat doit non seulement toujours rester neutre, mais doit également assurer que, dans le champ de ses activités, cette neutralité soit respectée.

Ainsi, les agents publics, fonctionnaires ou non, les personnes dépositaires de l'autorité publique, chargées d'une mission de service public ou investies d'un mandat électif public doivent se garder d'arborer des signes d'appartenance religieuse ostentatoires ou revendicatifs.

De même, dans les établissements scolaires, les élèves qui sont libres de leurs croyances et leur appartenance religieuse ne peuvent exercer cette liberté de manière ostentatoire ou revendicative et comme telle, susceptible de menacer tant la liberté de conscience des autres élèves que le principe de neutralité de cette activité de service public.

Si le caractère ostentatoire, revendicatif ou prosélyte des signes d'appartenance religieuse doit pouvoir s'apprécier selon les circonstances de temps et de lieu où ils sont portés, il ne semble pas possible de comparer et de considérer équivalents des signes et des symboles discrets avec certains vêtements religieux tant leur importance matérielle que leur dimension psychologique sont très différentes.

Le texte devait ainsi éviter de mettre le foulard sur un pied d'égalité avec les médailles - croix catholique ou huguenote, croissant, main de fatma ou étoile de David -, que peuvent porter des enfants à l'école, sans remettre en cause le principe de laïcité.

Ainsi la liberté de conscience qui permet le port d'un insigne ne peut pas permettre le port d'un vêtement dont la fonction n'est plus de vêtir le corps mais de revendiquer ostensiblement une appartenance religieuse et de marquer une différence entre ceux qui le portent et les autres. Les écoles, les administrations, les entreprises si elles le décident, les fonctions électives ne doivent pas être utilisées pour des actions de prosélytisme religieux, et l'esprit de la laïcité ne doit pas être trahi en établissant un parallèle en trompe-l'œil entre les différentes religions.

Enfin, le port d'un vêtement religieux peut encore nuire à la santé ou à la sécurité des personnes qui le portent selon les activités qu'elles doivent accomplir, notamment dans l'entreprise ou dans le cadre des activités sportives dans les établissements d'enseignement.

S'agissant des élèves, notons qu'une exclusion est légalement possible. Le Conseil d'Etat a déjà considéré que l'exclusion d'une école, d'un collège ou d'un lycée est possible, malgré le caractère obligatoire de l'instruction, dès lors que l'instruction de l'enfant peut être donnée, conformément à l'article 3 de l'ordonnance du 6 janvier 1959 portant prolongation de la scolarité obligatoire jusqu'à l'âge de seize ans « soit dans les établissements ou écoles publics ou libres, soit dans les familles par les parents, ou l'un d'entre eux, ou toute personne de leur choix », et que notamment l'élève peut être inscrit au centre public d'enseignement par correspondance, comme le prévoit d'ailleurs expressément le décret du 18 décembre 1985 relatif aux procédures disciplinaires dans les collèges, les lycées ou les établissements d'éducation spéciale.

Le foulard était ainsi devenu un instrument au service d'une ambition politique, un moyen de tester les capacités de résistance de l'Etat français, il était essentiel de répondre.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

« Le port d'un vêtement religieux ayant pour objet de dissimuler tout ou partie de la tête est interdit à toute personne investie de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public dans l'exercice de ses fonctions. »

Article 2

« Le port d'un vêtement religieux ayant pour objet de dissimuler tout ou partie de la tête est interdit dans l'enceinte des établissements d'enseignement public. »

Article 3

Toute infraction aux articles 1 et 2 est punie de l'amende prévue à l'article 131-13 du code pénal pour les contraventions de 5e classe.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118150-1
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

N° 1305 - Proposition de loi de M. Jérôme Rivière interdisant le port de vêtements religieux à toute personne investie de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou d'un mandat électif public dans l'exercice de ses fonctions


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