N° 1452 - Proposition de résolution de M. Alain Bocquet tendant à la création d'une commission d'enquête sur les causes de la fermeture de l'entreprise chimique Coventry à Haubourdin, dans le Nord ; sur les responsabilités des groupes Lever, Bilore et Coventry, propriétaires successifs ; sur les liens financiers et commerciaux tissés entre eux ; ainsi que sur leur indispensable implication, qu'il convient de définir et de chiffrer, dans la gestion des conséquences économiques, sociales, urbaines et environnementales de cette fermeture"




 

N° 1452

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 février 2004.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête
sur les
causes de la fermeture de l'entreprise chimique
Coventry
à Haubourdin, dans le Nord ;
sur les
responsabilités des groupes Lever, Bilore et Coventry,
propriétaires successifs ; sur les liens financiers
et commerciaux tissés entre eux ; ainsi que
sur leur indispensable implication, qu'il convient de définir
et de chiffrer, dans la gestion des
conséquences économiques,
sociales, urbaines et environnementales
de cette fermeture,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Alain BOCQUET, François ASENSI, Gilbert BIESSY, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Jacques BRUNHES, Mme Marie-George BUFFET, MM. André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Frédéric DUTOIT, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOLDBERG, Maxime GREMETZ, Georges HAGE, Mmes Muguette JACQUAINT, Janine JAMBU, MM. Jean-Claude LEFORT, François LIBERTI, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS (1)

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les circonstances ayant abouti en à peine trois ans, à la fermeture de l'entreprise Coventry, ex Bilore, ex Lever sont d'autant plus préoccupantes qu'elles ont conduit par étapes successives, à la liquidation de plus de 450 emplois, et laissent en charge aux collectivités locales un site industriel urbain complètement pollué.

Au vu des informations et constats établis et recensés par les salariés et leurs représentants syndicaux élus, il apparaît en outre que ce drame social, terme d'une véritable et scandaleuse partie de Monopoly, met en cause les agissements des directions et propriétaires successifs de l'entreprise.

Cela concerne d'abord le groupe Uni-Lever (Anglo-Néerlandais), lequel au début des années 1990 génère d'importants bénéfices : quinze milliards de francs (2,29 milliards d'euros) en 1998. Cela n'empêche pas ce groupe de jouer dans ces années sur des menaces de licenciements ; et la direction de l'unité de production d'Haubourdin de présenter un plan social. Celui-ci aboutit à la signature d'un accord découlant de la loi de Robien, et permet à l'entreprise de bénéficier de la réduction de ses cotisations sociales en plus des aides publiques préalablement obtenues.

En moins de dix ans le nombre d'emplois est divisé par trois, passant de 1 800 à 600 salariés. Pour toute réponse à cette situation, l'accord d'aménagement-réduction du temps de travail signé en 1997 par Lever pour une durée de deux années, fera peser les cotisations sociales patronales sur les Assedic, jusqu'à la décision d'abandonner l'exploitation du site d'Haubourdin en 2000. Il ne subsiste alors plus que 455 salariés.

La seconde phase de liquidation intervient en avril 2000, lorsque le groupe espagnol Bilore reprend la gestion tout en procédant au licenciement de plus de 200 salariés. Cette succession bien qu'estimée peu fiable par le bureau d'études Sécafi sera approuvée par le Tribunal de Commerce de Lille. Jusqu'en novembre 2002 le groupe Bilore consacre 80 % de sa production au groupe Lever, et procède à des transferts de fonds vers sa filière espagnole (près de 3,5 millions d'euros), provoquant des faiblesses de trésorerie dans le site nordiste, et des ruptures de paiement auprès de ses fournisseurs locaux ; lesquels devront eux-mêmes procéder à des plans de redressement économique.

Bilore ne pouvant plus assumer ses créances, le groupe Coventry, son actionnaire britannique, décide de recapitaliser la société d'Haubourdin en devenant majoritaire à 88 % des parts. Cinquante nouveaux salariés sont licenciés, et pendant trois mois, un stock de produits de lessive de plus de 3 millions d'euros est écoulé en Grande-Bretagne. Enfin le 3 mars 2003, la société Coventry annonce le dépôt de bilan, laissant 195 salariés sans emploi, sur le carreau.

Au terme de cette troisième phase se situe la date officielle de liquidation de l'entreprise : 17 juin 2003. Jusqu'à celle-ci, assortie d'un préavis de deux mois, les salariés se sont présentés tous les jours à leur entreprise. Et depuis, ces mêmes salariés qui restent mobilisés pour la défense de leurs revendications et de leurs droits, ont interpellé le 20 novembre 2003 le Préfet du Nord sur les risques de pollution qu'engendre la décision du liquidateur de couper l'électricité. Car cela occasionne des rejets de produits toxiques dans la Deûle, les pompes servant à évacuer ces produits n'étant plus alimentées en énergie. Faut-il rappeler que le site d'Haubourdin est classé Seveso ? C'est pourquoi il est urgent que des dispositions soient prises pour écarter le risque d'une pollution industrielle. Pourquoi les groupes précités, ne sont-ils pas à ce jour mis en demeure de payer la remise en état de ce site, au lieu d'envisager d'en faire supporter la charge aux contribuables par l'impôt ?

Jusqu'au 17 juin 2004, les 195 salariés seront accompagnés par un congé de reconversion financé par l'Etat, le Fonds Social Européen et la Région, sans qu'aucun d'entre eux dispose pour autant de la moindre garantie d'un avenir professionnel assuré. Et ce d'autant plus que la Région Nord-Pas-de-Calais est aujourd'hui de celles les plus durement frappées par le chômage et la pauvreté, par la quasi-récession économique à laquelle conduisent les politiques gouvernementales mises en œuvre.

L'ensemble de ces éléments pose des questions d'autant plus graves que les représentants syndicaux se voient aujourd'hui traînés en justice pour avoir défendu leurs collègues de travail à qui on a volé l'emploi, l'avenir et celui de leur famille.

Ces questions sont d'abord liées aux conditions actuelles de gestion des entreprises que l'on achète, rétrocède, vend, délocalise ou ferme dans le secret de conseils d'administration, sans respect pour les droits et la dignité des salariés, et sans prise en compte des responsabilités sociales qui sont celles des entreprises, y compris vis-à-vis des collectivités territoriales et de l'Etat dont les investissements publics leur bénéficient.

Celles ensuite liées au respect de la vie, de la santé et de la sécurité des salariés ou des populations riveraines ; ou celles qu'implique la protection de l'environnement naturel et urbain des sites d'activité.

Enfin la succession des groupes financiers venus au secours de la société Lever, le jeu trouble des accords passés entre eux, la méconnaissance des fonds et aides publiques dont ils ont pu bénéficier et qui devraient être restitués, confirme la nocivité de la décision récente du Gouvernement, rejetant la loi de modernisation sociale adoptée sous la précédente législature, en faveur du droit d'intervention des personnels et de leurs élus dans la gestion des entreprises.

Il est indispensable aujourd'hui de mobiliser tous les moyens permettant de faire le point de la situation laissée par le groupe Lever et ses successeurs solvables, d'établir les responsabilités de chacun au moment de gérer les conséquences économiques, sociales, urbaines et environnementales de cette affaire.

Pour contribuer à l'aboutissement de ces objectifs, nous soumettons à l'Assemblée nationale la proposition de résolution suivante :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 140 et suivants du Règlement, est créée une commission d'enquête de 30 membres chargée d'établir l'ensemble des éléments et décisions ayant entraîné la fermeture du site Coventry à Haubourdin dans le Nord ; de faire le point sur les responsabilités des groupes Lever, Bilore et Coventry, propriétaires successifs ; sur les liens financiers et commerciaux tissés entre eux ; ainsi que sur leur indispensable implication, qu'il convient de définir et de chiffrer, dans la gestion des conséquences économiques, sociales, urbaines et environnementales de cette fermeture.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118259-1
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

-------------

N° 1452 - Proposition de résolution : commission d'enquête : Fermeture de l'entreprise chimique Coventry (M. Alain Bocquet)

1 () Constituant le groupe des député-e-s communistes et républicains.


© Assemblée nationale