N° 1494 - Proposition de loi de M. Philippe Cochet rendant obligatoire la destruction des stocks et interdisant l'utilisation d'insecticides responsables de la mort d'abeilles comme le Régent ou composés de Fipronil




 

N° 1494

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 mars 2004.

PROPOSITION DE LOI

rendant obligatoire la destruction des stocks
et
interdisant l'utilisation d'insecticides responsables
de la mort d'abeilles comme le
Régent ou composés de Fipronil,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Yves COCHET, Noël MAMÈRE
et Mme Martine BILLARD

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le ministère de l'Agriculture a suspendu, lundi 23 février, l'autorisation de commercialisation du Régent TS. Cette décision fait suite à la décision d'un juge de Saint-Gaudens (Haute-Garonne) d'interrompre la commercialisation du produit, assortie des mises en examen de BASF Agro, producteur de l'insecticide, et de son PDG.

La décision de justice d'arrêter la commercialisation de l'insecticide « Régent », est une victoire pour les écologistes et une victoire pour les apiculteurs. Après une prise de conscience des risques alimentaires, cet acte judiciaire marque peut-être la reconnaissance du risque chimique.

Plusieurs enquêtes ont révélé un principe de précaution quelque peu malmené et, surtout, un risque sanitaire et chimique de grande ampleur pour un produit en vente depuis 1995 avec son alter ego, le Gaucho, ce dernier étant suspendu depuis quatre ans pour les cultures de tournesol mais autorisé pour les cultures du maïs et de la betterave à sucre.

La mise sur le marché du Fipronil, molécule active de l'insecticide Régent TS qui enrobe les semences, soupçonné d'être la cause de la surmortalité des abeilles dans le Sud-Ouest, a été l'objet d'une expertise réalisée par le professeur Jean-François Narbonne, expert en sécurité alimentaire, qui a conclu que les risques pour l'homme et l'animal liés à l'utilisation du Régent avaient été sous-estimés de 1996 à 2003. Il y a déjà quelques années, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), alertée par l'hécatombe d'abeilles, soupçonnait le Fipronil.

Or le ministre a autorisé les agriculteurs à utiliser, pour les semis de printemps, les semences traitées au Régent. Il a publié, vendredi 27 février, au Journal officiel un décret précisant dans quelles conditions pourront être écoulés les stocks de semences traitées au régent, conformément à l'annonce faite, le 23 février, par Hervé Gaymard, le ministre de l'agriculture. Semenciers et agriculteurs ont jusqu'au 31 mai pour écouler leurs stocks.

Le retrait des semences traitées au régent aurait coûté 300 millions d'euros au gouvernement.

L'Union nationale de l'apiculture française (UNAF) s'est inquiétée que le Fipronil puisse encore être utilisé cette année. Dans plusieurs départements, les apiculteurs ont déposé des plaintes contre des distributeurs de semences ou des coopératives qui commercialisent des préparations avec cette molécule. C'est le cas en Vendée et en Haute-Garonne. Le Gers, le Tarn, l'Ariège, le Loiret s'apprêtent à faire de même.

Jean-Marie Sirvins, président de l'UNAF, a demandé aux agriculteurs de ne pas utiliser de semences traitées au Régent, faisant valoir l'incertitude juridique qui pèse sur leurs utilisateurs. Les apiculteurs rappellent l'instruction judiciaire actuellement en cours à Saint-Gaudens (Haute-Garonne) et la mise en examen qui pèse sur le propriétaire du régent, BASF. Ce produit « ne justifie aujourd'hui d'aucune autorisation administrative lui permettant d'être utilisé de quelque manière que ce soit sur le territoire national », a insisté Me Bernard Fau, l'avocat de l'UNAF.

Auditionné par les commissions des affaires économiques, de l'environnement et du territoire et des lois, sur le projet de loi constitutionnelle relative à la charte de l'environnement, Dominique Perben, garde des Sceaux et ministre de la justice, a indiqué au nom du principe de précaution qu'une des applications de cette charte pourrait être une interdiction d'utilisation de produits comme les insecticides ayant fait l'objet d'études environnementales aux résultats contradictoires.

C'est pourquoi il est nécessaire d'interdire l'utilisation des stocks dès aujourd'hui afin de rendre réellement efficaces les mesures prises par le Ministère de l'agriculture sur la non-utilisation de ces insecticides.

Telles sont les raisons pour lesquelles, Mesdames, Messieurs, nous vous demandons de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L'insecticide dénommé Régent ainsi que les insecticides composés de Fipronil sont interdits à l'utilisation et à la vente à compter du 2 mars 2004.

Article 2

Les stocks de semences traitées au Régent ou composées de Fipronil, sont interdits à l'utilisation, à la vente sur l'ensemble du territoire français à compter du 2 mars 2004.

Un décret d'application fixe les conditions d'application de la présente loi.

Article 3

Les charges éventuelles qui résulteraient pour les collectivités locales de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation générale de décentralisation.

Les charges éventuelles qui résulteraient pour l'Etat de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118271-0
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 1494 - Proposition de loi : Interdiction d'utilisation d'insecticides responsables de la mort d'abeilles (M. Yves Cochet)


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