N° 1551 - Proposition de loi constitutionnelle de M. Michel Hunault visant à introduire la Charte pénitentiaire européenne dans la Constitution de la Vème République du 4 octobre 1958




 

N° 1551

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 avril 2004.

PROPOSITION DE LOI
CONSTITUTIONNELLE

visant à introduire la Charte pénitentiaire européenne
dans la
Constitution de la Ve République du 4 octobre 1958,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration
générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Michel HUNAULT

Député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les conditions de vie dans de nombreuses prisons et maisons d'arrêts sont aujourd'hui incompatibles avec le respect de la dignité de la personne humaine. Manque de moyens humains, surpopulation carcérale, enfermement de personnes relevant plus d'unités de soins psychiatriques que du simple emprisonnement, nécessité d'un suivi accru des peines, persistance de mauvais traitements, difficulté d'application des lois relatives à la protection des détenus malades... Les défauts des systèmes carcéraux européens sont hélas trop criants.

En 1995, l'Assemblée du Conseil de l'Europe avait proposé l'ajout à la convention européenne des droits de l'Homme d'un protocole relatif à la situation et aux droits des détenus en Europe. Huit ans après, la situation s'est dégradée et il est apparu nécessaire de compléter les diverses règles pénitentiaires européennes et la convention de Rome de 1950 par un instrument général plus contraignant à travers l'élaboration d'une charte pénitentiaire européenne. L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe l'a adoptée dans sa séance plénière du 28 avril 2004.

La commission juridique du Conseil de l'Europe, a adopté les conclusions et le rapport d'initiative parlementaire visant à instaurer une convention pénitentiaire fixant les conditions de détention.

L'élaboration de ces règles de détention vise à assurer la dignité de toute personne privée de liberté dès le moment de son arrestation, l'accès et la garantie à un jugement équitable et des conditions de détention compatibles avec le respect des droits fondamentaux de tout être humain.

Encore faut-il pour que cette convention, fixant des normes et des critères communs aux quarante-cinq pays du Conseil de l'Europe, prenne force juridique, qu'elle soit ratifiée et reconnue par les Etats membres. Les Etats pionniers dans cette démarche ouvriront la voie et feront faire un pas décisif à l'Etat de droit dans l'Europe élargie.

La situation dans les prisons françaises a donné lieu sous la précédente législature à la création d'une commission d'enquête parlementaire à l'Assemblée Nationale et au Sénat. Le garde des Sceaux, ministre de la justice, avait confié à une commission présidée par M. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation, une mission d'évaluation et de proposition pour définir les mesures à prendre afin de répondre aux exigences les plus élémentaires du respect de la dignité humaine. Le projet de loi pénitentiaire n'a pas vu le jour. L'insertion de la charte pénitentiaire européenne dans notre hiérarchie des normes permettrait, à n'en pas douter, de combler cette lacune de l'Etat de Droit.

La commission nationale consultative des droits de l'Homme, vient de rendre au Premier Ministre un rapport des plus instructifs sur la condition carcérale, qui renforce la nécessité d'élaborer un cadre fixant les conditions de détention.

La France, patrie des droits de l'Homme, de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, doit être en pointe dans ce domaine pour le respect de la dignité humaine dans le milieu carcéral et assurer le respect de la dignité humaine dans l'univers carcéral.

C'est pourquoi, en autorisant l'inscription de la Charte pénitentiaire européenne dans le texte fondateur de la Ve République, la France réaffirmera solennellement son attachement à l'application des droits fondamentaux reconnus par le Conseil de l'Europe. Notre République complétera ainsi la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, dont l'article 8 dispose « la loi ne doit établir que peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée ».

Les mesures préconisées nécessiteront des moyens budgétaires. Elles permettront aussi d'améliorer le travail du personnel de l'administration pénitentiaire, les rapports avec les familles des détenus, de tendre à la réhabilitation du détenu en vue de sa libération. Si la priorité reste la défense des droits des victimes et la nécessité de protéger la société, l'élaboration et l'application de règles de détention compatibles avec le respect des droits les plus élémentaires de l'homme contribueront à la réhabilitation de l'individu en vue de sa libération.

Le contrôle permanent et indépendant des lieux privatifs de liberté : de la garde à vue à la détention, l'accès à l'avocat, les visites facilitées des familles, l'accès aux soins, ont pour vocation à reconstruire et à réhabiliter un individu coupable qui a une dette envers les victimes et la société toute entière.

L'adoption de cette charte devrait aussi s'accompagner d'une véritable politique alternative à l'emprisonnement pour les petits délits en favorisant le placement contrôlé, les peines et travaux d'intérêt général.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

L'article 66 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En vertu de son attachement aux Droits de l'Homme et du Citoyen définis par la Déclaration de 1789, la République garantit aux personnes privées de liberté le respect des principes et droits fondamentaux établis par la Charte pénitentiaire européenne. »

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118336-9
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 1551 - Proposition de loi constitutionnelle introduisant la Charte pénitentiaire européenne dans la Constitution (M. Michel Hunault)


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