N° 1693 - Proposition de loi de M. François-Xavier Villain visant à améliorer les droits des cotisants vis-à-vis des Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales




 

N° 1693

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 23 juin 2004.

PROPOSITION DE LOI

visant à améliorer les droits des cotisants
vis-à-vis des Unions de recouvrement

des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. François-Xavier VILLAIN

Député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Chaque année, les URSSAF diligentent 150 000 contrôles sur place contre 40 000 par l'Administration fiscale. Dans le même temps, on s'aperçoit que ce contrôle devient dynamique et orienté vers la recherche d'une efficacité accrue (v. Rapport d'information du député Bapt. 11° législature, n° 3667. A titre d'information, le parlementaire indique, qu'entre 1996 et 2000, le montant des redressements a augmenté de 52 %). On constate, également, que le législateur donne, sans cesse, de nouveaux moyens aux URSSAF pour améliorer leurs missions de contrôle (v. ainsi la dernière loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 qui a augmenté les délais de reprise des organismes : loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003, art. 70).

Vis-à-vis des cotisants, on s'aperçoit que les contrôles, diligentés par les organismes de recouvrement, ne sont pas toujours bien ressentis, certains journalistes parlant même des URSSAF comme « hantise » ou « bêtes noires » des chefs d'entreprise (v. expressions utilisées par La Tribune. 19 novembre 1998 ou l'Entreprise, n° 15. 2 mai 1998, p. 66). Il est donc nécessaire, en la matière, d'accroître le dialogue et la transparence.

Certes, des avancées ont été faites (v. essentiellement le décret n° 99-434 du 28 mai 1999 modifiant l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale). D'autres avancées sont promises dans la convention d'objectifs signée le 5 avril 2002 entre l'Etat et l'ACOSS pour la période 2002-2005.

Cependant, ces perspectives ne résolvent pas tous les problèmes (v. d'ailleurs, sur ce point, l'article de F. Taquet. Semaine Juridique Entreprises « Le contrôle URSSAF et ses conséquences... évolutions et propositions », p. 71 s.).

La présente proposition de loi a pour objet de contribuer à renforcer la garantie juridique des cotisants.

L'article 1 prévoit l'opposabilité aux URSSAF des préconisations des circulaires ministérielles et de l'ACOSS.

En effet, les services ministériels, ainsi que les organismes nationaux (essentiellement Caisses nationales et ACOSS) diffusent de multiples circulaires et instructions précisant, aux organismes régionaux et locaux, les règles à suivre.

Toutefois, par opposition au droit fiscal (art. 80 A du livre des procédures fiscales), les instructions ministérielles ou les circulaires des organismes nationaux sont dépourvues de force obligatoire tant à l'égard des organismes que des usagers ou des tribunaux. Lesdits textes n'ont pour but que de faciliter la tâche des organismes locaux en précisant la position de l'administration (Rep. Massot, Ass. nat. 21 mars 1988, p. 3354, n° 2074).

De même, la jurisprudence a statué que les instructions ne pouvaient restreindre le droit des organismes, ces dernières ne s'imposent pas aux Caisses locales (Cass. soc. 19 mars 1999, Bull. civ. V, n° 245, 11 mai 1988, Bull. civ. V, n° 287).

L'absence de réglementation en la matière est évidemment défavorable aux usagers. En cas de litige, ces derniers auront, certes, la possibilité d'invoquer pour leur défense l'existence d'une circulaire ou d'une instruction, mais sans avoir la certitude que leur position sera retenue.

Il convient donc, dans un souci de sécurité juridique et d'amélioration des relations entre les Caisses de sécurité sociale et les usagers, d'envisager, au sein du code de la sécurité sociale, la portée des circulaires et des directives émanant des services ministériels ou des organismes nationaux.

Certes, on notera que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 (art. 72) a prévu un rôle d'harmonisation de l'ACOSS pour les entreprises confrontées à des interprétations contradictoires concernant plusieurs de ses établissements. Toutefois, comme l'a souligné un auteur, cette disposition est cantonnée aux groupes de sociétés ; elle est compliquée à mettre en œuvre, peu pratique et d'un intérêt moindre pour la sécurité des cotisants (Gaz. Pal. 18/20 janvier 2004, p. 3).

L'article 2 traite du problème d'harmonisation des positions des URSSAF vis-à-vis d'un même cotisant.

En effet, les organismes de sécurité sociale constituant des personnes morales distinctes, la Chambre sociale de la Cour de cassation a décidé, par un arrêt du 29 juin 1995 (JCP ed. E 1995, 719), que la décision, prise par l'une d'elles, n'engage pas les autres. Ainsi que l'écrivait un auteur : « Vérité à l'URSSAF de Lille, erreur à l'URSSAF de Tourcoing, pourtant distantes de moins de 10 km » (JCP 1995. ed. E, 719). Cette situation est tout à fait préjudiciable, par exemple, pour les entreprises qui modifient le siège social et qui ne pourront opposer à leur nouvelle URSSAF les pratiques de l'organisme antérieur. Là encore, cette situation est source d'insécurité.

L'article 3 rappelle que, lors du contrôle, le cotisant peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. Cette possibilité existe déjà en matière fiscale. Elle a été inscrite par la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 en cas de demande de sommes indûment perçues par un assuré. Dans un souci de transparence, cette mention doit être indiquée dans l'avis de passage.

L'article 4 a pour objet d'inciter les pouvoirs publics à prévoir le contenu de la mise en demeure.

Certes, l'arrêt Deperne (Cass. soc. 19 mars 1992, Bull. civ. V, n° 204) a précisé, qu'à peine de nullité, le document devait indiquer la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve du préjudice. Toutefois, cette jurisprudence a marqué, depuis lors, un net assouplissement. On constate, en outre, que le contentieux en la matière est important. Une précision s'impose donc, le cotisant étant en droit de savoir ce qu'on lui réclame avec précision et pourquoi on le lui réclame.

L'article 5 a pour objet de mettre fin à un imbroglio juridique en matière de recouvrement des cotisations.

En effet, une URSSAF est-elle en droit de décerner une contrainte (contentieux du recouvrement) en cas de saisine préalable de la Commission de recours amiable par le débiteur (contentieux général) ? La réponse paraissait négative. En effet, il semble logique que la contestation du débiteur devant la Commission (première étape du contentieux général) paralyse la procédure de recouvrement. Toutefois, faute de texte, la Cour de cassation a décidé l'inverse (Cass. soc. 31 mai 2001, arrêt n° 2504 FS-D), obligeant ainsi le débiteur à mener deux actions de front. Il convient donc de mettre fin à cette absurdité en affirmant que l'action devant le contentieux général suspend toute procédure de recouvrement.

L'article 6 harmonise les délais de prescription entre l'action de prescription de la dette (3 ans), l'action en répétition de l'indu (3 ans) et l'action en recouvrement (actuellement de 5 ans).

On signalera, d'ailleurs, que la prescription de l'action en recouvrement est déjà de 3 ans pour les cotisations d'assurance chômage (C. trav., art. L. 351-6-1).

L'article 7 a pour objet de créer plus de transparence au niveau des Commissions de recours amiable.

En effet, on sait, qu'aujourd'hui, s'agissant des URSSAF, ces Commissions ne font, bien souvent, qu'entériner les positions des organismes puisque les membres ne sont pas indépendants (v. Pigalio. Les recours amiables devant l'URSSAF. Dr. soc. 1997, p. 560). Il est donc indispensable d'ouvrir ces Commissions en permettant aux cotisants, s'ils le désirent, de défendre leur dossier. Cette position n'est guère choquante. Elle est prévue en matière fiscale (v. liv. proc. fisc., art. R. 60-1 pour la Commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires - liv. proc. fisc., art. R. 59 B-1 pour la Commission départementale de conciliation). Une telle solution permettrait de revaloriser le rôle de ces Commissions et de renforcer la procédure contradictoire. Gageons, en outre, que le dossier étant bien expliqué et bien débattu, il aboutirait ainsi à une solution rapide permettant, aux URSSAF, des procédures longues et inutiles.

Telles sont les dispositions de la proposition de loi que nous vous demandons d'adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, sont insérés deux articles L. 243-7-1 et L. 243-7-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 243-7-1. - Si le cotisant a appliqué un texte selon l'interprétation expresse que l'administration ou les organismes de sécurité sociale ont fait connaître, notamment, par leurs instructions ou circulaires et qu'ils n'ont pas rapporté à la date du fait générateur du litige, aucune poursuite ne peut être engagée par lesdits organismes en soutenant une interprétation différente. »

« Toute décision explicite ou implicite d'un organisme de sécurité sociale, relative à la situation d'un cotisant, est opposable aux autres organismes de sécurité sociale, nonobstant le fait qu'ils constituent des personnes morales distinctes. »

Article 3

Après la première phrase de l'article L. 243-11 du même code, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Ils peuvent se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de leur choix ».

Article 4

L'article L. 244-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le contenu de la mise en demeure qui comporte, notamment, la cause, la nature, le montant précis des cotisations réclamées et la période à laquelle elles se rapportent, est fixé par décret. »

Article 5

L'article L. 244-9 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La contestation de la mise en demeure, prévue à l'article L. 244-2 dans le cadre du contentieux général de la sécurité sociale, suspend toute procédure en recouvrement des cotisations. »

Article 6

Dans l'article L. 244-11 du même code, les mots « cinq ans » sont remplacés par « trois ans ».

Article 7

L'article L. 142-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de litige portant sur des cotisations de sécurité sociale, des majorations de retard, ou encore sur la contribution sociale généralisée, le cotisant est invité à se faire entendre devant la Commission de recours amiable, suivant des modalités fixées par décret. »

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118423-3
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 1693 - Proposition de loi visant à améliorer les droits des cotisants vis-à-vis des Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (M. François-Xavier Villain)


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