N° 1897 - Proposition de loi de M. François-Xavier Villain visant à modifier le régime des prescriptions en droit du travail




N° 1897

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 novembre 2004.

PROPOSITION DE LOI

visant à modifier le régime des prescriptions en droit du travail,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. François-Xavier VILLAIN

Député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Actuellement, en droit du travail, le régime des prescriptions, applicable aux salaires et aux sommes n'ayant pas le caractère de salaire (dommages-intérêts, frais professionnels, sommes dues au titre de l'intéressement, participation...), est le suivant :

- l'action en paiement des salaires se prescrit par 5 ans (art. 2277 du code civil, art. L. 143-14 du code du travail) ;

- les dommages-intérêts se prescrivent par 30 ans et ce, conformément à l'article 2262 du code civil (ainsi en est-il de l'indemnité de licenciement : Cass. soc. 9 mars 1957, Dr. soc. 1957.278, des frais professionnels : Cass. soc. 29 mai 1991, D. 1991. IR. 180, de la participation : Cass. soc. 14 avril 1988, Bull. civ. V, n° 228).

Cette division entre salaire et dommages-intérêts paraît simple, si ce n'est, qu'en pratique, la jurisprudence biaise souvent la prescription de 5 ans pour appliquer la prescription trentenaire. Ainsi, s'agissant de sommes représentant des repos compensateurs non pris, et ayant, apparemment, le caractère de salaire, la Cour de cassation a fait application de la prescription de 30 ans en soutenant que, dès lors que l'employeur n'avait informé le salarié de ses droits de repos, ce dernier avait subi un préjudice qu'il convenait donc de réparer par des dommages- intérêts soumis à la prescription de 30 ans (Cass. soc. 5 février 2003, pourvoi n° 01-44819).

Enfin, il est une dernière prescription qu'il convient d'envisager : c'est l'action en contestation des sommes dues en contrepartie de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail. Aujourd'hui, et faute de disposition particulière, un salarié peut attaquer son licenciement pendant 30 ans. La jurisprudence ne prévoit des prescriptions plus courtes que dans des cas particuliers (ex. : contestation d'un plan de sauvegarde de l'emploi (5 ans) : Cass. soc. 28 mars 2000, Jeumont Schneider Transformateurs, ou en cas de contestation d'une transaction ou d'une rupture conventionnelle (5 ans) : Cass. soc. 28 janvier 2004, pourvoi n° 01-47335).

Ce système doit être revu, surtout après la réforme introduite par la loi de modernisation sociale n° 2002-73 du 17 janvier 2003, aboutissant de fait à la suppression du reçu pour solde de tout compte. En effet, il ne paraît pas concevable qu'un salarié puisse intenter une action en dommages-intérêts pendant 30 ans, ou encore, qu'il puisse contester son licenciement pendant le même délai. Cette situation paraît d'autant plus grave à une époque où la Cour de cassation change souvent d'orientation, créant ainsi une insécurité juridique inacceptable et permanente pour l'employeur (V. sur ce point : F. Taquet. La sécurité juridique de l'employeur en droit social : réalités et propositions. Revue française de comptabilité. Avril 2003. p. 30 et s.). Qui plus est, on notera que les salariés protégés (délégués du personnel, membres du comité d'entreprise, délégués syndicaux...) ne peuvent contester leur licenciement que dans les deux mois qui suivent l'autorisation de l'inspecteur du travail, situation paradoxalement moins favorable que pour les salariés de droit commun. On remarquera, enfin, que les pays européens ont enfermé les délais de contestation suite à la rupture du contrat de travail dans des délais beaucoup plus courts (20 jours en Espagne, 30 jours en Belgique, 3 mois au Royaume Uni, 6 mois aux Pays-Bas).

Dans son rapport intitulé « Pour un code du travail plus efficace », rédigé en janvier 2004, M. de Virville a proposé une modification du système de prescription en paiement des salaires et dommages-intérêts tout en ajoutant, s'agissant de l'action en contestation des sommes dues après la rupture du contrat de travail, que l'action soit menée « dans un délai raisonnable à compter de la fin de cette relation ». Sans attendre le rapport précité, certains parlementaires, à l'occasion de la discussion de projets de loi récents, avaient attiré l'attention du gouvernement sur la nécessité de modifications législatives en la matière. (V. Amendement n° 190 sur le projet de loi sur l'initiative économique. JO. Débats Sénat du 27 mars 2003 - V. Amendement n° 20 sur le projet de loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit. JO. Débats Sénat du 7 mai 2003).

La section III du titre IV du livre Premier du code du travail est donc intitulée de manière plus large « Prescriptions ».

L'article L. 143-14 prévoit, comme pour le passé, que l'action en paiement des salaires se prescrit par 5 ans. En outre, comme le propose le rapport de M. de Virville, elle étend la prescription de 5 ans aux actions en paiement des sommes dues en contrepartie de l'exécution de la prestation de travail (ce qui inclut donc les sommes dues au titre de l'intéressement, de la participation, des frais professionnels, actuellement soumis à la prescription de 30 ans).

Quant aux dommages-intérêts liés à l'exécution ou la rupture du contrat de travail, ils sont enfermés dans la prescription de 10 ans, délai également retenu par la commission de Virville.

L'article L. 143-15 fixe le délai « raisonnable » de l'action en contestation des sommes dues en contrepartie de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail à 3 ans suite au terme de la relation de travail. On notera que ce délai est encore beaucoup plus important que celui qui se pratique dans les pays européens voisins. Il permettra, toutefois, de limiter l'insécurité juridique de l'employeur dans le cadre des changements d'orientation de la Cour de cassation.

Telles sont les dispositions de la présente proposition de loi que nous vous demandons d'adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L'intitulé de la section 3 du chapitre 3 du titre 4 du livre 1er du code du travail est ainsi rédigé : « Prescriptions ».

Article 2

L'article L. 143-14 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 143-14. - L'action en paiement de salaires, rémunérations, et plus généralement, de toutes sommes dues en contrepartie de l'exécution de la prestation de travail se prescrit par cinq ans.

« L'action en paiement des dommages-intérêts, liés à l'exécution ou la rupture du contrat de travail, se prescrit par dix ans ».

Article 3

Après l'article L. 143-14 du code du travail, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 143-15. - L'action en contestation de toutes les sommes dues en contrepartie de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail doit être intentée, devant la juridiction compétente, au cours de la relation de travail ou dans les trois ans suivant la fin de la relation de travail ».

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE

11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118802-6
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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