N° 1972 - Proposition de loi organique de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx tendant à modifier l'article L.O. 128 du code électoral




 

N° 1972

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 décembre 2004.

PROPOSITION DE LOI
ORGANIQUE

tendant à modifier l'article L.O. 128 du code électoral,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration
générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par Mme Marie-Hélène des ESGAULX, MM. Jean-Claude ABRIOUX, Manuel AESCHLIMANN, René ANDRÉ, Mme Martine AURILLAC, MM. Patrick BALKANY, Patrick BEAUDOUIN, Jacques-Alain BÉNISTI, Jérôme BIGNON, Etienne BLANC, Emile BLESSIG, Jacques BOBE, Bruno BOURG-BROC, Michel BOUVARD,
Mme Françoise BRANGET, M. Jacques BRIAT, Mme Maryvonne BRIOT,
MM. Bernard BROCHAND, Bernard CARAYON, Antoine CARRÉ, Jean-Yves CHAMARD, Philippe COCHET, François CORNUT-GENTILLE, Alain CORTADE, Louis COSYNS, Edouard COURTIAL, Alain COUSIN, Yves COUSSAIN, Jean-Michel COUVE, Olivier DASSAULT, Jean-Pierre DECOOL, Léonce DEPREZ, Jean-Jacques DESCAMPS, Michel DIEFENBACHER, Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, Philippe DUBOURG, Gérard DUBRAC, Christian ESTROSI, Pierre-Louis FAGNIEZ, Marc FRANCINA, Mme Arlette FRANCO, MM. Guy GEOFFROY, Bruno GILLES, Jean-Pierre GORGES, Jean-Pierre GRAND, François GROSDIDIER, Louis GUÉDON, Jean-Jacques GUILLET, Christophe GUILLOTEAU, Gérard HAMEL, Philippe HOUILLON, Christian JEANJEAN, Mme Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, MM. Patrick LABAUNE, Marc LAFFINEUR, Robert LAMY, Edouard LANDRAIN, Marc LE FUR, Michel LEJEUNE, Jean-Pierre LE RIDANT, Lionnel LUCA, Daniel MACH, Richard MALLIÉ, Thierry MARIANI, Alain MARSAUD, Mme Henriette MARTINEZ,
MM. Patrice MARTIN-LALANDE, Jean-Claude MATHIS, Christian MÉNARD, Georges MOTHRON, Alain MOYNE-BRESSAND, Jean-Marc NESME,
Mme Bernadette PAÏX, M. Robert PANDRAUD, Mme Valérie PECRESSE,
MM. Christian PHILIP, Michel PIRON, Mme Josette PONS, MM. Daniel POULOU, Daniel PRÉVOST, Christophe PRIOU, Didier QUENTIN, Michel RAISON, Eric RAOULT, Jean-François RÉGÈRE, Jean-Luc REITZER, Jacques REMILLER, Mme Juliana RIMANE, MM. Michel ROUMEGOUX, Martial SADDIER, André SCHNEIDER, Bernard SCHREINER, Jean-Marie SERMIER, Daniel SPAGNOU, Guy TEISSIER, Dominique TIAN, Jean UEBERSCHLAG, Christian VANNESTE, Alain VENOT, Mme Béatrice VERNAUDON, MM. Jean-Sébastien VIALATTE, Michel VOISIN et Gérard WEBER

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'article L. 52-8 du code électoral dispose que « Les personnes morales, à l'exception des partis et groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages, directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ».

Cette interdiction, issue de la loi no 95-65 du 19 janvier 1995, est l'aboutissement d'un durcissement progressif des dispositions relatives au financement des campagnes électorales, qui a conduit le législateur à plafonner, dans un premier temps en valeur absolue (1) puis en pourcentage (2), la participation des personnes morales au financement des campagnes électorales, avant d'en arriver à l'interdiction désormais visée à l'article L. 52-8.

Pour assurer le respect de ces dispositions et ainsi atteindre l'honorable dessein que s'était alors assigné le législateur - la limitation des dépenses électorales et l'indépendance des candidats à l'égard des donateurs (3) - la violation desdites dispositions a naturellement été assortie de diverses sanctions.

Outre le rejet du compte de campagne qui, en application de l'article L. 52-11-1, 2e alinéa du code électoral, prive le candidat du bénéfice du remboursement forfaitaire par l'Etat des dépenses qu'il a engagées, la principale sanction pouvant être prononcée par le juge est celle de l'inéligibilité du candidat et donc l'annulation de son élection ou sa démission d'office, si l'élection n'a pas été contestée.

En effet, en application de l'article L. 118-3 du code électoral, le juge de l'élection peut déclarer inéligible pendant un an le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales.

Dans les autres cas, toujours en application de l'article L. 118-3 du code électoral, le juge peut ne pas prononcer l'inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie, ou relever le candidat de cette inéligibilité.

Cette disposition, issue de la proposition de loi de Monsieur Pierre Mazeaud adoptée le 10 avril 1996 (4), supprimait alors l'automaticité de l'inéligibilité des candidats dont la bonne foi était relevée par le juge de l'élection en cas d'infraction aux dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral.

Le législateur consacrait ainsi le pouvoir d'appréciation que le juge de l'élection s'était lui-même reconnu (5), parallèlement à celui qu'il détenait depuis 1990 pour les contentieux relatifs au dépassement des plafonds de dépenses (6).

Le juge de l'élection se trouvait désormais libre d'apprécier, en toute hypothèse, s'il devait ou non rejeter le compte de campagne et prononcer l'inéligibilité du candidat.

Cette solution paraissait cohérente avec la décision aux termes de laquelle le juge de l'élection n'est en aucun cas lié par la décision de la Commission nationale des Comptes de Campagnes et des Financements politiques (7).

Le Conseil d'Etat a en effet pu rappeler qu'il appartient à la Commission nationale des Comptes de Campagnes et des Financements politiques, « sous le contrôle du juge de l'élection, d'apprécier si, compte tenu des circonstances dans lesquelles le don a été consenti et de son montant, sa perception doit entraîner le rejet du compte » (8), solution au demeurant confirmée par le Conseil Constitutionnel dans une formulation identique (9).

Il est donc acquis, comme l'a rappelé le Conseil d'Etat (10), qu'« aucune disposition du code électoral n'a pour effet d'entraîner nécessairement le rejet du compte ni, par suite, et par application de l'article L. 197 du code, l'inéligibilité du candidat dont il s'agit ».

Le juge de l'élection, dont la fonction est « seulement de garantir l'authenticité des résultats » « n'est pas plus censeur de moralité qu'il n'est en principe juge des simples méconnaissance des lois et règlements divers concernant l'élection » (11) peut et doit donc apprécier in concreto avant de prononcer le rejet du compte du candidat et, le cas échéant, son inéligibilité.

Le bénéfice de la bonne foi a parfois ainsi été accordé lorsque l'irrégularité résultait de l'imprécision du droit applicable (12) ou d'indications erronées données par la préfecture (13) mais aussi, et surtout, pour le recueil d'un don (14) ou l'acceptation d'un avantage en nature (15) de faible montant de la part d'une personne morale.

Et lorsqu'il a refusé le bénéfice de la bonne foi, le juge soulignait - parfois - que c'est en raison de la valeur significative de l'avantage en nature accepté par le candidat (16) même si on observe bien des cas où la bonne foi a été refusée à des candidats auxquels on ne pouvait pourtant pas reprocher une violation délibérée du code électoral.

De fait, la simple constatation d'une irrégularité, fût-elle constitutive d'une illégalité substantielle, n'entraînait pas automatiquement l'inéligibilité du candidat, ce dont témoignent les diverses jurisprudences visées ci-dessus.

Toutefois, la loi adoptée le 10 avril 1996 n'est venue modifier, à l'époque, que les seules dispositions de l'article L. 118-3 du code électoral de sorte que la suppression de l'automaticité de l'inéligibilité des candidats dont la bonne foi était relevée par le juge de l'élection ne s'appliquait qu'aux seules élections locales.

Or, l'article 41-1 de la Constitution, tel qu'issu de la loi organique no 90-383 du 10 mai 1990, dispose que « Le Conseil, si l'instruction fait apparaître qu'un candidat se trouve dans l'un des cas mentionnés au deuxième alinéa de l'article L.O. 128 du code électoral, prononce son inéligibilité conformément à cet article et, s'il s'agit du candidat proclamé élu, annule son élection ».

Le deuxième alinéa de l'article L.O. 128, pour sa part, prévoit qu'est inéligible celui qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et délais prescrits par l'article L. 52-12 et celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit.

Ainsi, s'agissant des élections législatives et faute de dispositions analogues à celles de l'article L. 118-3 du code électoral, le Conseil constitutionnel est tenu de prononcer l'inéligibilité du candidat dont le compte a été rejeté de bon droit, sans pouvoir examiner l'éventuelle bonne foi du candidat.

De fait, appliquant la lettre des textes, et depuis une décision de principe (Cons. const., 14 déc. 1993, AN, Vaucluse, 4e circ.), le Conseil écarte le bénéfice de la bonne foi du candidat dès lors que les dispositions des articles L. 52-4 et suivants du code électoral ont été méconnues.

Statuant sur les recours relatifs aux élections législatives du mois de juin 2002, le Conseil constitutionnel n'a pu que confirmer cette position et donc l'absence de prise en considération de la bonne foi des candidats (Cons. const. 7 nov. 2002, AN, Pas-de-Calais, 6e circ., no 2002-2811 ; 7 nov. 2002, AN, Hauts-de-Seine, 8e circ., no 2002-2827 ; Cons. const., 30 janv. 2003, AN, Eure-et-Loir, 3e circ., no 2002-2981).

Il est juridiquement et factuellement inconcevable que les candidats fassent l'objet d'une différence de traitement aussi significative, à raison de la seule nature de l'élection à laquelle ils se présentent, d'autant plus que, comme l'a relevé le Conseil constitutionnel dans ses observations sur les élections législatives de 2002, les sages du Palais royal ont ainsi été conduits à prononcer l'inéligibilité de candidats « ayant commis des erreurs banales dans la tenue de leur compte et dont la bonne foi était patente ».

Par ailleurs, et comme l'a encore souligné le Conseil constitutionnel, il semble opportun de « mettre fin au déséquilibre entre la sanction frappant l'irrégularité du compte (fin des fonctions et inéligibilité) et la seule annulation de l'élection qui, dans le contentieux électoral non financier, sanctionne des fautes du candidat qui peuvent être autrement plus graves ».

En conséquence, il est proposé de modifier l'article L.O. 128 du code électoral.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Article unique

L'article L.O. 128 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L.O. 128. - Est inéligible pendant un an celui qui n'a pas déposé l'une des déclarations prévues à l'article L.O. 135-1.

« Est également inéligible pendant un an à compter de l'élection celui qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits par l'article L. 52-12.

« Peut également être déclaré inéligible, pour la même durée, celui qui a dépassé le plafond de dépenses électorales tel qu'il résulte de l'article L. 52-11 ou celui dont le compte de campagne a été rejeté par la commission instituée par l'article L. 52-14.

« Toutefois, le juge de l'élection peut ne pas prononcer l'inéligibilité du candidat dont la bonne foi est manifeste.

« Dans ce cas, le juge de l'élection fixe le montant du remboursement prévu à l'article L. 52-11-1, dans la limite du plafond de cet article. »

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118886-7
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 1972 - Proposition de loi tendant à modifier l'article L.O. 128 du code électoral (Mme Marie-Hélène des Esgaulx)

1 () Loi no 88-226 du 11 mars 1988.

2 () Loi no 90-55 du 15 janvier 1990.

3 () Emmanuel Vital-Durand, Les conséquences du soutien d'une collectivité locale à un candidat, Les Petites Affiches, 17 janvier 2000, no 11, p. 15.

4 () Loi no 96-300, JO 11 avril 1996.

5 () CE Sect., 29 déc. 1995, El. cant. de la Côte Radieuse.

6 () CE, 7 janv. 1994, Hoarau ; CE, 15 déc. 1995, El. cant. de Briançon Sud (inéligibilité non prononcée). A contrario CE, 18 déc. 1996, El. mun. de Beauvais, req. no 176.981 ; CE, 18 déc. 1996, El. mun. de Vitrolles (inéligibilité prononcée).

7 () Cons. const., 11 janv. 1990, DC no 89-271.

8 () CE, 2 oct. 1996, M. Borrel, El. mun. d'Annemasse, RFDA. 1997, p. 57.

9 () Cons. const., 14 oct. 1997, AN Val-de-Marne, 1re circ., Rec. CC, p. 180.

10 () CE, 8 nov. 1999, El. cant. de Bruz, req. no 201-966.

11 () Concl. Chaid-Nouraï sur CE, 22 déc. 1989, El. mun. de Cannes, Rec. Leb, p. 269.

12 () CE Ass., 30 oct. 1996, El. mun. de Fos-sur-Mer, Rec. CE 394, Petites Affiches, 7 mars 1997, no 29, p. 14, note J.-P. Camby.

13 () CE, 18 oct. 1996, El. mun. de Cavaillon, req. no 177313.

14 () CE, 26 juin 1996, El. mun. de Sainte-Marie ; CE, 5 mars 1997, El. mun. de Villejuif.

15 () CE Sect., 29 déc. 1995, El. cant. de la Côte Radieuse, prec. ; CE, 18 déc. 1996, El. mun. de Beauvais, req. no 177-179 ; Cons. const., 14 oct. 1997, AN Val-de-Marne, préc.

16 () CE, 2 oct. 1996, M. Borrel, El. mun. d'Annemasse, préc. ; El. cant. de Perpignan III.


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