N° 2050 - Proposition de résolution de M. Maxime Gremetz sur les conséquences sanitaires, sociales et économiques de l'exposition professionnelle aux esthers de glycol




 

N° 2050

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 février 2005.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête
sur
les conséquences sanitaires, sociales et économiques
de l'
exposition professionnelle aux éthers de glycol,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Maxime GREMETZ, François ASENSI, Gilbert BIESSY, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Jacques BRUNHES, Mme Marie-George BUFFET,
MM. André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Frédéric DUTOIT, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOLDBERG, Georges HAGE, Mmes Muguette JACQUAINT, Janine JAMBU, MM. Jean-Claude LEFORT, François LIBERTI, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS (1)

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les éthers de glycol constituent une famille de plus de 80 dérivés. Ils sont d'excellents solvants. Trente d'entre eux sont utilisés en milieu industriel, notamment pour la fabrication de peintures. Ils font partie des solvants organiques, dont ils constituent une famille. On peut classer globalement cette famille en deux grandes lignées : les dérivés de l'éthylène glycol et les dérivés du propylène glycol. Seules quelques substances ont donné lieu à une exploitation industrielle, en particulier les dérivés de l'éthylène glycol et les dérivés du propylène glycol.

C'est à leur propriété de solubilité à la fois dans l'eau et dans les solvants organiques que les éthers de glycol doivent leur essor industriel depuis les années 1970. C'est pourquoi, on les retrouve ainsi dans de nombreuses préparations, en remplacement des solvants aromatiques couramment utilisés avant cette époque.

Les éthers de glycol sont présents en particulier dans tous les produits dits « à l'eau ». On les trouve aussi comme principaux composants dans quatre classes de produits :

- peinture, sérigraphie : encres, peintures, vernis, colles, diluants,

- cosmétiques : teintures, produits pour cheveux,

- mécanique : dégraissants, fluides de coupe,

- produit d'entretien : lave vitres.

Parmi les différentes études menées par l'INRS sur ces produits, l'une d'entre elles a conduit à élaborer une grille d'estimation des expositions des salariés aux éthers de glycol dans divers secteurs industriels.

Il apparaît que l'exposition des salariés utilisant des cosmétiques et des fluides de coupe peut être considérée comme faible. Parmi les secteurs utilisant des peintures, encres ou vernis, ceux où l'on identifie les expositions les plus fortes sont la peinture aéronautique, la sérigraphie, la fabrication de circuits imprimés, le vernissage métallique et la fabrication de peintures. L'utilisation intensive de produits d'entretien peut conduire à une exposition notable aux éthers de glycol, par passage percutané.

L'INRS a dressé la liste des activités économiques concernées : nettoyage de surfaces, mise en peinture de véhicules neufs, réparation automobile (carrossiers et peintres), peinture d'avion, sérigraphie (papier, carton, plastiques), tampographie (horlogerie, accessoires pour automobiles), offset, impression et vernissage de feuilles de fer blanc (coil-coating), vernissage de boîtes métalliques à usage alimentaire ou autre, fabrication de peintures et vernis, peintures de charpentes métalliques lors de leur fabrication, peinture en bâtiment, fabrication de circuits imprimés, teinture et vernissage de meubles, peinture sur matières plastiques (enjoliveurs de roues), salons de coiffure, ménage et entretien, lavage de voitures, usinage mécanique.

C'est par le biais des rares études conduites dans le domaine professionnel que l'on découvre d'abord les effets neurologiques, via des intoxications aiguës dans le secteur de la fabrication des cols de chemise, puis progressivement des effets hématologiques, testiculaires, suite à des expositions à des concentrations fortes en général observées par des médecins du travail qui alertent les scientifiques.

Si les études expérimentales sont essentielles, elles ne suffisent pas, car elles concernent toujours une substance bien identifiée, or la réalité industrielle est toute autre. En situation de travail, on ne sait pas toujours à quelle substance on a affaire et donc à quel éther de glycol. De plus les préparations ou produits utilisés contiennent d'autres substances et là se pose le problème de l'interaction avec ces substances. Enfin, le salarié est souvent exposé à d'autres produits ou d'autres risques et se pose alors le problème de la co-exposition. Comme tout produit, les éthers de glycol se transforment dans l'organisme.

Les signes précurseurs d'intoxication susceptibles d'alerter l'utilisateur (odeur) sont nuls ou n'apparaissent qu'à de très fortes concentrations. Parmi les caractéristiques toxicologiques communes aux éthers de glycol, il faut signaler des atteintes neurologiques, maux de tête, vertiges pouvant aller jusqu'au coma, uniquement en cas d'exposition aiguë à forte dose.

Du fait de leur moindre volatilité, l'exposition respiratoire à la majorité de ces dérivés est souvent plus faible qu'avec d'autres solvants, cependant, leur rétention au niveau du système respiratoire est élevée et on estime que 50 à 80 % de la proportion inhalée se retrouve au niveau des poumons. Le contact avec le produit sous forme liquide peut entraîner une absorption cutanée importante. Une absorption sous forme de vapeur par la peau et les muqueuses peut parfois survenir. L'exposition au poste de travail résulte d'une combinaison d'expositions par voies pulmonaire et cutanée.

Outre l'intoxication, des effets sur la reproduction ont été rapportés. Un ensemble de résultats concordants est en faveur de l'existence d'un lien entre infertilité masculine et féminine et exposition professionnelle à certains éthers de glycol. Une étude regroupant 14 entreprises de l'industrie des semi-conducteurs aux Etats-Unis a rapporté des anomalies de la durée ou de la régularité des cycles menstruels, ainsi qu'une augmentation des avortements spontanés et une diminution de la fertilité chez les femmes travaillant dans les secteurs les plus exposés aux éthers de glycol. On note aussi chez les enfants la présence de malformations physiques, comportant des anomalies faciales, des réductions des membres et des retards mentaux.

Aucune étude à grande échelle sur les conséquences de l'exposition aux éthers de glycol n'a été dressée en France. La presse française d'information générale a bien fait état, suite à un appel à témoignage, d'un taux anormalement élevé de cancers des testicules et de leucémies chez des salariés d'IBM exposés à des éthers de glycol de 1974 à 1994. Le 3 janvier 2005, pour la première fois, une ouvrière qui a donné naissance en 1992 à une fillette gravement handicapée a assigné son ancien employeur et les fabricants de solvants devant le tribunal de grande instance de Paris.

Prouvant par l'absurde qu'il est bien au courant des risques de ces substances pour la santé, le gouvernement a interdit en 1997 l'utilisation de cette substance dans la grande consommation de produits ménagers et médicaments. Dernièrement encore un décret du 17 octobre 2003 interdit la fabrication, la mise sur le marché et l'utilisation de produits cosmétiques contenant certains éthers de glycol, en raison de l'importance du « risque de toxicité de ces substances pour l'homme ». La toxicité de ces produits démontrée et reconnue par les gouvernements successifs n'entraîne pas pour autant une interdiction définitive et immédiate. Par son absence de décision sur l'interdiction des éthers de glycol en milieu de travail, l'Etat se rend une nouvelle fois complice d'une catastrophe sanitaire à venir, de même ampleur que l'amiante.

Ils sont des millions de salariés de la métallurgie, de la chimie, du nettoyage, à être quotidiennement exposés à cette substance toxique.

Aucune enquête n'ayant donc été réalisée à grande échelle auprès du salariat, l'ensemble des problèmes soulevés ici mérite une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires, sociales et économiques de cette exposition pour les salariés.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 140 et suivants du Règlement, est créée une commission d'enquête de trente membres chargée d'investiguer sur les conséquences sanitaires, sociales et économiques de l'exposition professionnelle aux éthers de glycol.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118956-1
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 2050 - Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires, sociales et économiques de l'exposition professionnelle aux éthers de glycol ( M. Maxime Gremetz)

1 () Constituant le groupe des député-e-s communistes et républicains.


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