N° 2591 - Proposition de loi de M. Yves Bur relative à la protection contre les dangers du tabagisme passif




 

N° 2591

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2005.

PROPOSITION DE LOI

relative à la protection contre les dangers du tabagisme passif,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Yves BUR, Lionnel LUCA, Manuel AESCHLIMANN, Mmes Martine AURILLAC, Brigitte BARÈGES, MM. Patrick BEAUDOUIN, Joël BEAUGENDRE, Jacques-Alain BÉNISTI, Marc BERNIER, André BERTHOL, Jean-Michel BERTRAND, Jean-Yves BESSELAT, Claude BIRRAUX, Émile BLESSIG, Roland BLUM, Jacques BOBE, Loïc BOUVARD, Mmes Josiane BOYCE, Françoise BRANGET, MM. Ghislain BRAY, Bernard BROCHAND, François CALVET, Pierre CARDO, Louis COSYNS, Alain COUSIN, Charles COVA, Marc-Philippe DAUBRESSE, Lucien DEGAUCHY, Francis DELATTRE, Jean DIONIS DU SÉJOUR, Jacques DOMERGUE, Jean-Pierre DOOR, Gérard DUBRAC, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Francis FALALA, René GALY-DEJEAN, Guy GEOFFROY, Charles-Ange GINESY, Claude GOASGUEN, Mme Claude GREFF, MM. François GUILLAUME, Joël HART, Jean-Yves HUGON, Olivier JARDÉ, Mme Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET,
MM. Patrick LABAUNE, Pierre LASBORDES, Mmes Geneviève LEVY, Gabrielle LOUIS-CARABIN, M. Jean MARSAUDON, Mme Henriette MARTINEZ, MM. Pierre MÉHAIGNERIE, Jean-Claude MIGNON, Mmes Marie-Anne MONTCHAMP, Nadine MORANO, MM. Pierre MOREL-A-L'HUISSIER, Jean-Marie MORISSET, Georges MOTHRON, Jean-Marc NESME, Jean-Pierre NICOLAS, Yves NICOLIN, Mme Béatrice PAVY, MM. Philippe PEMEZEC, Christian PHILIP, Étienne PINTE, Mme Bérengère POLETTI, MM. Bernard POUSSET, Daniel PRÉVOST, Éric RAOULT, Jean-François RÉGÈRE, Frédéric REISS, Mme Juliana RIMANE, MM. Jérôme RIVIÈRE, Jean ROATTA, François ROCHEBLOINE, Jean-Marie ROLLAND, Philippe ROUAULT, Jean-Pierre SOISSON, Mmes Hélène TANGUY, Liliane VAGINAY, Béatrice VERNAUDON et M. Michel ZUMKELLER

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En préalable à toute réflexion sur le tabagisme, il convient de partir du constat que le tabac tue 60 000 fumeurs par an en France et près de 3 000 non fumeurs. Réalité qui, pour être complète, doit intégrer le nombre des personnes qui survivent affaiblies par une maladie liée au tabagisme sans compter la somme des souffrances subies par les malades au cours de leurs traitements ainsi que les drames que vivent les familles.

Consciente de ces dangers, au début des années 90, la France s'est dotée d'une loi courageuse de lutte contre le tabagisme par un contrôle de la communication et de la promotion du tabac d'une part et par la volonté de permettre aux non fumeurs de ne pas être en contact avec la fumée en organisant des zones fumeurs d'autre part. Cependant, près de 15 ans après la promulgation de cette loi, force est de constater que ce dispositif précurseur n'a été qu'insuffisamment appliqué. A l'inverse, tout a été fait pour compliquer sa mise en œuvre et le rendre ainsi de facto inapplicable. Ceci est inacceptable.

Aujourd'hui de nombreux éléments relatifs à la sécurité des personnes et à la sécurité juridique convergent pour affirmer la protection absolue de toute personne des dangers des produits du tabac en garantissant à chacun, fumeur comme non fumeur, qu'il n'a pas à être exposé au tabagisme des autres.

Tout d'abord, les dangers du tabagisme ont été scientifiquement établis. Sur 4 000 substances de la fumée de tabac, 40 sont aujourd'hui répertoriées comme cancérigènes. De plus, il a été démontré ces dernières années que si la fumée de tabac directement inhalée ou de manière passive présentent la même composition chimique, il y a cependant une différence essentielle entre fumée primaire (directement aspirée) et la fumée passive. On trouve davantage de substances cancérigènes et autres substances toxiques dans la fumée passive. Cela s'explique par le fait que la fumée directement inhalée est d'une température plus élevée et contient une teneur en acides différente. En outre, la fumée passive se dégage sur un laps de temps beaucoup plus élevé que la fumée primaire : 20 à 30 secondes de bouffées actives pour 10 minutes de fumée passive par cigarette consumée. Ces faits que l'industrie du tabac a cherché à cacher en développant une politique de déni pseudo-scientifique, n'hésitant pas à infiltrer les Universités et à corrompre des professeurs notamment à Genève dans le cadre de l'Affaire Rylander, ne peuvent plus être niés. Dès lors qu'il est établi que la fumée constitue un grave danger il convient de permettre à chacun de pouvoir évoluer dans les lieux publics fermés et couverts sans craindre d'y être exposé et sans avoir, sans cesse, à veiller à ne pas être en contact avec elle. Dans cet esprit, tous les lieux qui accueillent du public sont concernés par la présente proposition. C'est-à-dire les lieux où plusieurs personnes étrangères les unes aux autres, ne peuvent revendiquer l'exclusivité. A titre d'exemple un transport collectif est bien un lieu accueillant du public. En revanche une chambre d'hôtel ne rentre pas dans cette définition jusqu'à ce qu'elle devienne le lieu de travail du personnel de ménage.

Ce danger, existe également sur le lieu de travail. Cette situation se trouve parfois aggravée par le fait de ne pouvoir s'y soustraire du fait de l'impossibilité de quitter son poste. Jusqu'à très récemment, les entreprises n'ont considéré et appliqué la législation anti-tabac que comme un texte concernant les espaces collectifs. Dans cette conception, entre salariés, le lieu de travail n'était plus concerné par la règle d'interdiction de fumer si son accès était restreint et ne se trouvait impliqué que si la circulation y était libre : le couloir est non fumeur mais le bureau individuel peut être fumeur. La fumée, comme chacun sait, ne franchissant jamais le seuil d'une porte sans y avoir été invitée. La seule possibilité offerte est de réclamer de l'employeur un aménagement de l'espace et d'espérer de ses collègues le respect de la règle. Dans l'hypothèse d'une entreprise accueillant une clientèle comment répondre à la protection du salarié de ne pas être exposé au risque du tabagisme passif des clients ? Engager des salariés fumeurs ? Non : même un fumeur est victime du tabagisme passif des fumeurs qui l'environnent. Par ailleurs, que faire si le salarié fumeur décide d'arrêter de fumer ? Faut-il lui interdire cette possibilité ? Le licencier ? On voit bien que la situation juridique devient vite inextricable, voire absurde. Dans le cas d'un risque provenant des collègues de travail, la Cour de cassation, dans un arrêt du 29 juin 2005, a tranché en faveur de l'obligation de résultat de l'employeur quant à la protection du salarié contre les effets nocifs du tabac. Si l'entreprise n'est pas en mesure de garantir réellement l'absence de tabagisme passif, le salarié qui donne sa démission peut considérer qu'il a été licencié sans cause réelle et sérieuse par son employeur. Nul doute que cette règle trouvera à s'appliquer dans le cas d'une entreprise incapable de garantir à son salarié un travail au contact d'une clientèle non fumeur. A plus long terme, quelle sera l'issue d'un procès d'un salarié contre son employeur en cas de maladie liée à un tabagisme passif dont il est établi qu'elle a été contractée dans le cadre professionnel ? Des raisons de santé publique justifieraient, à elles seules, l'interdiction de fumer sur le lieu de travail, sans distinction du type d'activité. Des motivations liées à la préservation de la sécurité juridique viennent s'y ajouter et en souligner la nécessité.

Enfin, une autre catégorie de lieu réclame une attention plus particulière et une interdiction encore plus absolue. Ce sont les lieux d'enseignement et d'éducation ; en effet, plus jeune est consommée la première cigarette et l'habitude de fumer installée, plus difficiles seront les tentatives d'arrêt et le sevrage. Par ailleurs, il est essentiel que les membres du corps enseignant, qui transmettent la connaissance et sont supposés constituer un modèle pour les jeunes, puissent être des exemples. En conséquence, dans tous ces établissements l'interdiction ne doit pas se limiter aux seuls lieux fermés et couverts mais être étendue à l'ensemble de l'enceinte de l'établissement.

Par ailleurs, pour répondre aux préoccupations quant à l'application effective de la loi, il ne faut pas sous-estimer le civisme de nos concitoyens à condition d'accroître la communication sur les méfaits de la consommation des produits du tabac afin que chacun puisse comprendre la nécessité de ne pas exposer les autres et être exposé au danger du tabagisme. Il s'agira également de poursuivre les aménagements législatifs rendus nécessaires pour contrer les pratiques des cigarettiers. Il sera aussi utile d'amplifier les campagnes de prévention et d'aide à l'arrêt de fumer. En dernier ressort, les actuelles peines pénales prévues par la législation paraissent de nature à répondre efficacement aux nécessités de la sanction en cas de violation de la nouvelle règle proposée par le nouveau texte : une amende de 3e classe pourra sanctionner le fait de fumer dans les lieux définis par le nouvel article, une amende de 5e classe pourra sanctionner le fait de ne pas faire respecter l'interdiction de fumer.

Pour ces raisons il vous est proposé d'adopter la présente proposition.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

L'article L. 3511-7 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Il est interdit de fumer dans tous les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent un lieu de travail, ainsi que dans l'enceinte des établissements d'enseignement et d'éducation. »

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-119437-9
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 2591 - Proposition de loi relative à la protection contre les dangers du tabagisme passif (M. Yves Bur)


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