N° 2704 - Proposition de loi de M. Georges Hage visant à créer une journée nationale de la mine et des mineurs




 

N° 2704

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 23 novembre 2005.

PROPOSITION DE LOI

visant à créer une journée nationale de la mine et des mineurs,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Georges HAGE, François ASENSI, Gilbert BIESSY, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Jacques BRUNHES, Mme Marie-George BUFFET, MM. André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Frédéric DUTOIT, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOLDBERG, Maxime GREMETZ, Mmes Muguette JACQUAINT, Janine JAMBU, MM. Jean-Claude LEFORT, François LIBERTI, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS (1)

Députés.

(1) Constituant le groupe des député-e-s communistes et républicains.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le samedi 10 mars 1906 - voilà bientôt cent ans - 1 099 mineurs trouvaient la mort à Courrières dans les 250 kilomètres de galeries forées dans le sous-sol houiller de ce chef lieu de canton du Pas-de-Calais près de Lens.

A cinq heures du matin, 1 800 gueules noires plongeaient dans les entrailles de la terre qui avaient pour noms : Joséphine, Adélaïde ou Eugénie.

Quelques hommes manquaient à l'appel. Ils avaient constaté des signes d'inquiétude chez les chevaux et avaient refusé de descendre. Le délégué mineur avait alerté plusieurs fois sur la présence de poussière de charbon dans les galeries. Plusieurs jours auparavant, un incendie couvait à la cote - 280 et pouvait dégager du gaz hautement inflammable.

Mais, pour la direction de la compagnie, il n'était pas question de stopper, ne serait-ce qu'une journée, l'exploitation de ces filons, qui rapportaient six à sept millions de francs-or aux actionnaires.

A 6 heures 30, les rares hommes, qui se trouvaient sur le carreau de la mine, entendirent une première détonation, assez faible. Elle fut tout de suite suivie d'une série de bruits sourds et la cage du puit 4 jaillit et tua l'ouvrier chaudronnier qui réparait le toit du chevalet.

Un instant plus tard, une poignée d'hommes hagards surgissaient du puit 2, persuadés qu'ils étaient les seuls survivants, tant ils avaient l'impression de revenir de l'enfer.

En un éclair, le feu et les gaz toxiques avaient parcouru une centaine de kilomètres de galeries et tué tous ceux qui s'étaient trouvés sur le passage de ce souffle ardent.

Dans les heures et les jours qui suivirent, les sauveteurs retrouvèrent plus de 600 rescapés. Quatorze autres survivront, dont deux enfants de treize ans, au terme de vingt-et-un jours d'une atroce remontée vers la sortie du puit.

L'effroyable bilan était de 1 099 morts, 562 veuves, 1 133 orphelins et plusieurs centaines d'invalides.

Les mineurs du bassin lensois entraient alors dans une grève de sept semaines, tandis que les gendarmes et la troupe gardaient les installations. Ils arrachèrent quelques concessions sans commune mesure avec l'ampleur du drame.

Le 10 mars 2006, cent ans après, qui se souviendra de ces hommes, de ces familles éplorées, de cette épouvantable tragédie ?

Hasard de l'histoire ? Cette année 2006 ne sera pas seulement le centenaire de Courrières. Elle marquera la fin d'une aventure : celle de la mine et des mineurs.

Le pacte charbonnier signé en 1994 prévoyait l'arrêt définitif de l'activité minière en 2005 et la dissolution de Charbonnages de France en 2007.

Le calendrier se sera d'ailleurs accéléré. La dernière mine de fer a disparu en 1997 ; la dernière mine de potasse en Alsace en 2002 ; pour l'exploitation du charbon, Merlebach et Gardanne ont fermé en 2003 ; La Houve à Creutzwald aura clos le cycle en 2004.

Ainsi s'achèvent près de deux siècles d'une activité économique majeure pour la France.

Elle aura été l'élément essentiel de la reconstruction nationale après la seconde guerre mondiale.

Le 17 mai 1946, la loi de nationalisation des exploitations de combustibles minéraux ouvra la voie à la création des Etablissements publics Charbonnages de France (CdF) et des neuf Houillères de Bassin, dont le personnel sera doté d'un statut et d'une protection sociale spécifiques.

Le charbon est alors la grande source énergétique dont le pays a besoin pour effacer les séquelles de la guerre. Il est extrait dans les bassins du Nord - Pas-de-Calais, de Lorraine, des Cévennes, de Blanzy, d'Aquitaine, de Provence, d'Auvergne et du Dauphiné.

Le 2 mars 1945, devant l'assemblée consultative, le Général de Gaulle déclare : « Oui, désormais, c'est le rôle de l'Etat d'assurer lui-même la mise en valeur des grandes sources d'énergie ».

Suivront l'appels aux mineurs du Général de Gaulle à Béthune et de Maurice Thorez à Waziers.

De 1946 à 1950, Charbonnages de France connaîtra un formidable essor avec un effectif de 360 000 salariés. Sa production passera de 47,5 millions de tonnes à 51,2 millions de tonnes de charbon. Le mineur sera élevé au rang de premier ouvrier de France.

La courbe s'inversera à partir de 1960 avec un plan gouvernemental d'adaptation, une baisse de la production et des mesures sociales. Entre 1960 et 1973, la production diminuera de moitié, passant de 57 millions de tonnes à 27 millions. Les effectifs fonderont de 60 %, soit environ 138 000 personnes.

En 1974, après le premier choc pétrolier, la chute de la production de charbon marquera un arrêt mais les effectifs continueront à diminuer.

Le premier gouvernement de la gauche en 1981 tentera d'inverser la tendance. Avec plus de 20 millions de tonnes, la production augmentera pour la première fois depuis 1964. Près de 10 000 embauches interviendront entre 1981 et 1983.

Puis en 1990, la dernière exploitation du Nord - Pas-de-Calais sera liquidée pour aboutir au pacte charbonnier de 1994, qui enclenchera le processus d'une cessation à terme de toute l'activité minière.

Aujourd'hui ne demeure que la filiale électrique de Charbonnages de France, la SNET, qui exploite 5 centrales à charbon, qui produisent 26 % de la production d'électricité thermique en France, mais qui est promis à être cédée à un exploitant espagnol privé, Endesa.

Paradoxe ou ironie de l'histoire ? Cette page de l'histoire industrielle et économique se tourne au moment où la flambée des prix du pétrole ravive le débat sur la nécessaire diversité des ressources énergétiques et où des pays misent sur l'exploitation charbonnière.

Mais il ne s'agit pas seulement d'une page d'histoire, quand bien même elle fut glorieuse et mérite d'être connue des générations actuelles et futures.

Elle comporte bien des enseignements.

Elle nous donne à voir ces mineurs, alors fers de lance de la classe ouvrière, conscients de leur rôle et de leurs responsabilités, qui « retroussent leurs manches » et contribuent à relever une France en ruine.

En retour, la société leur reconnaît des droits en proportion des devoirs accomplis et des sacrifices consentis.

Ainsi naîtront le statut du mineur et la protection sociale spécifique à la profession.

Autre leçon : le choix de l'Etat d'être le garant et le moteur de la reconstruction de la France avec la nationalisation des secteurs essentiels de l'activité économique et industrielle nationale. L'intérêt général prime alors sur l'égoïsme du profit privé et la satisfaction des actionnaires.

Quelle meilleure preuve attestant que l'économie va de pair avec le progrès social et que la garantie des deux relèvent de la volonté politique de l'Etat et de son devoir.

Nous le voyons : à partir du drame de Courrières, il se profile non seulement une page majeure de notre histoire, mais aussi une matière à méditation sur notre présent et notre avenir.

La mine est toujours vivante, bien sûr dans tous les anciens bassins, mais au-delà.

Nous comptons 170 000 retraités de la mine et leurs descendants, dont la personnalité, l'expérience, la conscience se sont forgées à cette aune-là.

Lorsqu'en 1984 s'est ouvert au public le Centre historique minier de Lewarde dans le Douaisis, l'objectif était d'atteindre 50 000 visiteurs par an. Nous en comptons 135 000 aujourd'hui. La mine et les mineurs suscitent l'intérêt.

Pour toutes ces raisons, il vous est proposé de créer une journée annuelle nationale de la mine et des mineurs. Elle se déroulera le 10 mars de chaque année, date anniversaire de la tragédie de Courrières.

Elle sera l'occasion, sous de multiples formes, d'évoquer l'histoire de ces hommes et de leurs familles, fières, valeureuses, au grand esprit de sacrifice et de patriotisme et d'inviter à la réflexion sur leur expérience et sur leur activité, qui aura permis le développement et le rayonnement de la France.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi qu'il vous est demandé d'adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

La République française institue une journée nationale de la mine et des mineurs.

Article 2

La journée nationale de la mine et des mineurs est fixée le 10 mars.

Elle donne lieu à des manifestations, sous de multiples formes, à travers tout le pays, afin de faire connaître l'apport de l'activité minière et des mineurs à l'économie nationale.

Un décret déterminera les conditions dans lesquelles les élèves et les enseignants de l'enseignement scolaire participeront aux manifestations organisées à l'occasion de cette journée nationale.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-119577-4
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 2704 - Proposition de loi de M. Georges Hage visant à créer une journée nationale de la mine et des mineurs


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