N° 2999 - Proposition de loi de M. Claude Goasguen relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives




 

N° 2999

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 mars 2006.

PROPOSITION DE LOI

relative à la prévention des violences
lors des
manifestations sportives,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration
générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Claude GOASGUEN, Dominique TIAN,
Jean-Marie GEVEAUX, Jean-Jacques GAULTIER,
Dominique JUILLOT et Bernard DEPIERRE

Addition de signature :
M. Hugues Martin

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Apparu en Grande-Bretagne puis en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique et en Italie dans les années 1970, le hooliganisme s'est véritablement manifesté en France voici une vingtaine d'années.

L'importance des troubles, agressions et dégradations constatés de manière répétée à l'occasion de rencontres de football et l'ampleur des dispositifs de sécurité publique qu'il convient de déployer fréquemment montrent l'acuité des risques.

Certes, le législateur a déjà eu l'occasion de se pencher sur cette question et a inséré dans la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives un ensemble de dispositions visant à prévenir et réprimer les violences commises à l'occasion des manifestations sportives. Codifiées dans le titre X de cette loi, elles visent à renforcer la sécurité des équipements et des manifestations sportives.

Les dispositions préventives sont relatives à l'organisation d'une culture de la prévention et de la sécurité dont le respect est vérifié dans l'arrêté préfectoral d'homologation de toute enceinte sportive.

Le dispositif législatif prévoit aussi, sans préjudice des infractions de droit commun prévues par le code pénal, la répression de comportements violents ou inadmissibles à travers les articles 42-4 à 42-12. Il s'agit par exemple des violences commises sous l'emprise de l'alcool (articles 42-4 et 42-5), des appels à la haine, au racisme ou à l'antisémitisme, directement ou à travers le port d'insignes ou de symboles (articles 42-7-1), de l'usage d'objet dangereux ou le jet de projectiles (articles 42-8 et 42-9).

Si ces dispositions sont utiles et sont régulièrement appliquées, il convient aujourd'hui, face à la persistance du phénomène, de se donner de nouveaux moyens d'action et de passer à la vitesse supérieure. Nos voisins ont mieux réussi que la France à maîtriser et endiguer le phénomène. Il convient d'en tirer les leçons.

Il est insupportable de constater chaque week-end ou presque que des spectateurs ou des riverains des stades ont été victimes de violences et que des dégradations supportées par la collectivité ont été commises.

Il est également inadmissible de devoir détourner pour la sécurisation des rencontres sportives des effectifs disproportionnés des forces de sécurité intérieure. Ils seraient plus utilement employés à patrouiller sur la voie publique, à mettre en œuvre des actions de prévention, de la délinquance, à appliquer les règles du plan vigipirate ou à rechercher les auteurs des crimes et délits constatés. Certains matchs nécessitent jusqu'à l'engagement de 1 500 policiers et gendarmes.

Il convenait d'être plus réactif face à la répétition de ces violences.

C'est pourquoi la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers a instauré une procédure d'interdiction administrative de stade doublée, le cas échéant, d'une obligation de pointage. Son caractère préventif et sa mise en œuvre diligente complètent utilement l'arsenal judiciaire.

En revanche, notre droit ignore encore à ce jour la dimension collective et organisée des violences constatées. Car au-delà des dérives individuelles, la violence et la haine s'inscrivent dans des dynamiques de groupe. Certaines empruntent des motivations idéologiques détestables, parmi lesquelles le racisme et l'antisémitisme.

Ce sont ces noyaux collectifs, relativement restreints, qui expliquent l'enracinement de la violence des hooligans et le maintien d'un nombre élevé d'agression, de dégradations et d'incidents. 342 faits de violence ont ainsi été dénombrés au cours de la saison 2004-2005 de football. Ces groupes sont plus ou moins organisés, certains en associations de supporters, d'autres constituant des mouvances ou groupements de faits.

L'objet de la présente proposition de loi est de prendre en compte, en complément du dispositif législatif existant, la dynamique collective des violences dans et autour des stades, et de renforcer les mesures préventives de sécurité.

À cette fin, l'article 1er instaure une procédure de dissolution des associations et groupements de faits de supporters ou prétendus tels commettant des violences, avec des sanctions renforcées pour les meneurs et les instigateurs.

La création de cette nouvelle procédure est rendue nécessaire par l'inadaptation du dispositif de dissolution administrative des associations et groupements de fait prévu par la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées, pour répondre aux phénomènes de violence observés à l'occasion des manifestations sportives. Aucun motif de cette loi ne peut, en effet, être invoqué avec pertinence pour mettre fin à une situation d'affrontements entre deux groupes de supporters due au soutien apporté par chacun d'entre eux à une équipe rivale.

Le nouveau régime de dissolution administrative proposé prévoit de prendre en compte deux types d'actes - et c'est le premier critère - correspondant aux débordements fréquemment constatés lors des rencontres sportives :

- d'une part, les actes de violence contre des personnes ou des biens ;

- d'autre part, des actes d'incitation à la haine ou à la discrimination contre des personnes à raison de leur origine, de leur sexe ou de leur appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

Trois autres critères devront être réunis pour que la dissolution d'une association ou d'un groupement dé supporters puisse être décidée.

Celui, d'abord, d'agissements collectifs : un organisation ne peut être tenue pour responsable des agissements purement individuels de ses membres. Les actes reprochés devront être accomplis par plusieurs membres, non séparément mais collectivement dans le cadre des activités de l'association ou du groupement de fait (animations dans les tribunes, déplacements en car ou en train, rassemblements avant ou après les matches).

Celui, ensuite, d'agissements répétés : les actes de violence ou d'incitation à la haine impliquant des membres de la même association ou du même groupement de fait ne devront pas être isolés mais constatés à plusieurs reprises.

Celui, enfin, d'agissements en relation avec une manifestation sportive. Ne seront pris en compte que les actes accomplis à l'occasion d'une telle manifestation. Ces actes ne se limiteront pas au déroulement même de l'événement sportif, mais également à la période qui le précède et à celle qui lui fait suite.

Ce dispositif de dissolution administrative contribuera à responsabiliser davantage les dirigeants des associations ou groupements de supporters en les incitant à pacifier leurs relations mutuelles et à faire adopter à leurs membres un comportement conforme à l'esprit festif qui doit caractériser le déroulement des rencontres sportives.

En cas de persistance des agissements troublant l'ordre public, il est proposé que la dissolution soit prononcée par le ministre de l'intérieur après avis d'une commission ad hoc intitulée « commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives ». Cette commission, dont il appartiendra au pouvoir réglementaire de déterminer la composition, devra présenter des garanties d'indépendance et avoir une composition pluraliste. Elle pourra entendre, à leur demande, les responsables de l'association ou du groupement de fait concerné par la mesure de dissolution.

L'ensemble de la procédure s'exercera naturellement sous le contrôle du juge administratif, en référé comme au fond.

Les articles 2 à 5 mettent en place un dispositif de sanctions à l'encontre des responsables et des participants au maintien ou à la reconstitution d'une association ou d'un groupement de fait dissous.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après l'article 42-13 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, il est inséré un article 42-14 ainsi rédigé :

« Art. 42-14. - Peut être dissous par arrêté du ministre de l'intérieur, après avis de la commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives, toute association ou groupement de fait ayant pour objet le soutien à une association sportive mentionnée à l'article 11, dont des membres ont commis en réunion, en relation ou à l'occasion d'une manifestation sportive, des actes répétés constitutifs de violence contre des personnes ou des biens, ou d'incitation à la haine ou à la discrimination contre des personnes à raison de leur origine, de leur sexe ou de leur appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

« La commission se réunit sans délai. Elle entend les représentants des associations ou des groupements de fait, à leur demande, sauf si la mise en œuvre de la procédure d'audition est de nature à compromettre gravement l'ordre public.

« Sa composition, et ses conditions de fonctionnement sont fixées par un décret en Conseil d'État. »

Article 2

Le chapitre Ier du titre III du livre IV du code pénal est complété par une section 5 intitulée : « Des violences commises par des associations ou groupements de fait de supporters ».

Article 3

Dans la section 5 du chapitre Ier du titre III du livre IV du code pénal, il est inséré un article 431-22 ainsi rédigé :

« Art. 431-22. - Le fait de participer au maintien ou à la reconstitution, ouverte ou déguisée, d'un association ou d'un groupement dissous en application de l'article 42-14 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation à la promotion des activités physiques et sportives est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. »

Article 4

Dans la même section, il est inséré un article 431-23 ainsi rédigé :

« Art. 431-23. - Le fait d'organiser le maintien ou la reconstitution, ouverte ou déguisée, d'un association ou d'un groupement dissous en application de l'article 42-14 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation à la promotion des activités physiques et sportives est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende. »

Article 5

Dans la même section, il est inséré un article 431-24 ainsi rédigé :

« Art. 431-24. - Les personnes physiques coupables de l'une des infractions prévues par la présente section encourent également la peine complémentaire suivante : l'interdiction de pénétrer ou de se rendre aux abords d'une enceinte où se déroule une manifestation sportive, suivant les modalités prévues par l'article 42-11 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives. »

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-121072-2
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 2999 - Proposition de loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives (M. Claude Goasguen)


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