N° 3135 - Proposition de résolution de M. Philippe Cochet tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'appauvrissement de la France en raison de l'expatriation des patrimoines et des contribuables




 

N° 3135

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 juin 2006.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête
sur l'appauvrissement de la France
en raison de l'
expatriation des patrimoines
et des
contribuables,

(Renvoyée à la commission des finances, de l'économie et du plan,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Philippe COCHET, Pierre-Christophe BAGUET, André BERTHOL, Gabriel BIANCHERI, Étienne BLANC, Ghislain BRAY, Bernard BROCHAND, Roland CHASSAIN, Jean-François CHOSSY, François CORNUT-GENTILLE, Édouard COURTIAL, Paul-Henri CUGNENC, Olivier DASSAULT, Bernard DEBRÉ, Christian DECOCQ, Jean-Pierre DECOOL, Lucien DEGAUCHY, Patrick DELNATTE, Michel DIEFENBACHER, Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, Jean-Michel DUBERNARD, Philippe DUBOURG, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Georges FENECH, Daniel FIDELIN, André FLAJOLET, Marc FRANCINA, Daniel GARD, Georges GINESTA, Charles-Ange GINESY, François GROSDIDIER, Louis GUÉDON, Jean-Claude GUIBAL, Lucien GUICHON, François GUILLAUME, Christophe GUILLOTEAU, Emmanuel HAMELIN, Michel HERBILLON, Pierre HÉRIAUD, Francis HILLMEYER, Henri HOUDOUIN, Jacques KOSSOWSKI, Patrick LABAUNE, Robert LAMY, Marc LE FUR, Lionnel LUCA, Richard MALLIÉ, Hervé MARITON, Mme Henriette MARTINEZ, MM. Jacques MASDEU-ARUS, Pascal MÉNAGE, Alain MERLY, Pierre MOREL-A-L'HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Hervé NOVELLI, Mme Valérie PECRESSE, MM. Bernard PERRUT, Didier QUENTIN, Jean-Luc REITZER, Jacques REMILLER, Marc REYMANN, Dominique RICHARD, Serge ROQUES, Michel ROUMEGOUX, Xavier de ROUX, Francis SAINT-LÉGER, Michel SORDI, Alain SUGUENOT, Michel TERROT, Christian VANNESTE, Philippe VITEL, Gérard VOISIN et Gérard WEBER

Additions de signatures :
Mmes et MM. Manuel Aeschlimann, Patrick Beaudouin, Jean-Michel Bertrand, Jean-Marie Binetruy, Bernard Bosson, Françoise Branget, Philippe Briand, François Calvet, Dino Cinieri, Xavier de Roux, Bernard Deflesselles, Charles-Ange Ginesy, Jean-Michel Ferrand, Philippe Folliot, Alain Gest, Jean-Jacques Guillet, Edouard Jacque, Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean Lassalle, Thierry Mariani, Denis Merville, Philippe Pemezec, Christian Philip, Bérengère Poletti, Daniel Prévost, Christophe Priou, Marcelle Ramonet, Eric Raoult, Jean-François Régère, François Rochebloine, Jean-Claude Thomas
M. Jean-Pierre Gorges
MM. Yannick Favennec, Franck Gilard et Jacques Myard

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Près de 150 000 Français vivent aujourd'hui en Belgique, le double en Angleterre. Le TGV a tout changé. En une heure vingt, on est à Bruxelles. On peut presque faire l'aller-retour chaque jour, à condition de respecter l'obligation de vivre cent quatre-vingt-trois jours par an dans le pays où l'on est résident. « C'est la plus grosse émigration française depuis la Révolution, chaque jour, un patron quitte la France ! ».

Dans les dix ans qui viennent, compte tenu de la pyramide des âges, 600 000 entreprises seront vendues par leurs fondateurs. Et les futurs vendeurs ne songent qu'à partir à l'étranger pour échapper à l'ISF, aux taxes sur les plus-values, aux droits de succession afin de protéger leurs héritiers. Voilà qui représente un transfert de patrimoine de plusieurs milliards d'euros par an.

Après les chefs d'entreprise, ce sont les cadres, les jeunes diplômés qui font leurs bagages mais aussi les retraités qui partent vers le soleil du Maroc ou de la Tunisie où leurs pensions ne sont taxées qu'à un taux dérisoire.

En 2001, dans un rapport d'information du Sénat sur l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises, le Sénateur André Ferrand faisait état des données suivantes :

- en 1997 et 1998, respectivement 25 000 et 24 000 contribuables ont été recensés comme ayant transféré leur domicile fiscal à l'étranger, soit un taux de départ d'environ 0,08 %. La perte fiscale en résultant est évaluée à un peu moins de 550 millions de francs pour chacune des deux années.

- Depuis, plus aucune étude ne vient confirmer ou infirmer ce phénomène.

À ces questions, la mission a apporté une réponse simple :

- les données officielles ne représentent que la partie émergée de l'iceberg et ne donnent aucune information sur l'ampleur réelle du phénomène ;

- les témoignages recueillis évoquent l'exode massif des patrimoines dans certains milieux ;

- les sociétés qui ont pour cœur de métier la défiscalisation fleurissent depuis une dizaine d'années ce qui constitue un indice très inquiétant.

Une question se pose donc de manière urgente, combien de milliards d'euros, de richesses se sont déjà évadés à l'étranger et combien d'autres vont suivre le même chemin dans les années à venir ?

Quel est le montant total des patrimoines nationaux qui ont quitté la France, depuis 1988, date de création de l'Impôt de Solidarité sur la Fortune ? Combien de contribuables, personnes physiques, sont effectivement partis ? Combien seraient revenus ? Quelle est, à ce jour, la perte de capital enregistrée par la France ? Quelle est la perte d'impôt cumulée consécutive à l'expatriation des patrimoines recensée ? Quelles ont été les conséquences économiques et sociales du phénomène d'expatriation qu'il est possible d'établir ?

Une autre question tout aussi importante doit être posée : Combien de contribuables français sont effectivement susceptibles de partir dans les années à venir ? Quel peut être l'impact prévisible de la cession programmée de 600 000 PME françaises dans les dix ans qui viennent ? Quelle serait l'incidence, à court et moyen termes, sur les finances publiques du mouvement « naturel » d'expatriation des patrimoines si aucune action d'envergure n'était engagée ?

Quelles mesures ont été prises par nos partenaires européens pour empêcher une telle hémorragie ? Quel est l'effet des mesures prises par nos voisins pour susciter un rapatriement des patrimoines ?

Telles sont les principales questions auxquelles devra répondre la commission d'enquête.

De récents sondages nous indiquent que près de deux tiers de nos concitoyens éprouvent un besoin urgent de réformes.

Un audit de l'évasion fiscale et du capital qui prive nos entreprises de l'investissement dont elles ont cruellement besoin me semble une bonne base de départ. Cela nous permettra certainement de savoir pourquoi autant de nos compatriotes ressentent le besoin de quitter la France.

Aussi, nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la proposition de résolution suivante.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 140 et suivants du Règlement de l'Assemblée nationale, est créée une commission d'enquête de trente membres chargée :

- d'établir précisément la réalité de l'expatriation des patrimoines et des contribuables depuis 1988, en mettant en évidence la perte de capital et d'impôt induite par le phénomène ainsi que les blocages administratifs qui n'ont pas permis à la représentation nationale et à l'opinion d'en connaître la juste mesure plus tôt.

- d'apprécier le nombre de contribuables français susceptibles de quitter le territoire dans les années à venir et, plus particulièrement, l'impact qu'aura, en la matière, la cession programmée de 600 000 PME françaises dans les dix ans qui viennent ainsi que son incidence, à court et moyen termes, sur les finances publiques si aucune action correctrice n'était engagée.

- d'énumérer et de recenser les facteurs déclenchants de l'expatriation de nos concitoyens.

- d'évaluer, à la lumière des politiques conduites par nos principaux partenaires européens, les grands axes de réflexion permettant à notre pays de mettre en œuvre de futurs outils pour, d'une part, faire cesser l'expatriation des patrimoines et des contribuables et, d'autre part, faciliter le retour des exilés fiscaux.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-121285-7
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 3135 - Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'appauvrissement de la France en raison de l'expatriation des patrimoines et des contribuables (M. Philippe Cochet)


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