N° 3390 - Proposition de résolution de Mme Marie-George Buffet tendant à la création d'une commission d'enquête sur les pratiques de certaines sociétés installées sur le territoire français qui, en toute connaissance de cause, embauchent et exploitent, sous la menace d'un licenciement expéditif, des salariés étrangers en situation irrégulière, et sur l'attitude des services de l'Etat face à des agissements assimilables à du trafic de main d'oeuvre



Document

mis en distribution

le 25 janvier 2007


N° 3390

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 octobre 2006.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête sur les pratiques de certaines sociétés installées sur le territoire français qui, en toute connaissance de cause, embauchent et exploitent, sous la menace d’un licenciement expéditif, des salariés étrangers en situation irrégulière, et sur l’attitude des services de l’État face à des agissements assimilables à du trafic de main-d’œuvre,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration
générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR Mme Marie-George BUFFET, MM. François ASENSI, Gilbert BIESSY, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Jacques BRUNHES, MM. André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Frédéric DUTOIT, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOLDBERG, Maxime GREMETZ, Georges HAGE, Mmes Muguette JACQUAINT, Janine JAMBU, MM. Jean-Claude LEFORT, François LIBERTI, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS (,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis plusieurs années, il apparaît qu’une entreprise installée dans la région Île-de-France, spécialisée dans la blanchisserie, bénéficie du travail de salariés étrangers en situation irrégulière.

De nombreux témoignages indiquent que la direction a engagé des personnels sans papiers en connaissance de cause, pour promouvoir ses propres intérêts. Elle s’est servie de la main-d’œuvre irrégulière comme variable d’ajustement : l’emploi de salariés sans papiers dans une entreprise est un moyen de chantage permanent sur les salaires et les conditions de travail. Ces salariés étaient postés sur des machines quasiment 8 heures d’affilée, en horaires décalés, rémunérés au SMIC, sans possibilité d’évolution puisqu’il n’existe pas d’ancienneté.

Recensés fin 2004, à l’occasion d’un contrôle de police, ces salariés ont déposé des demandes de régularisation à la préfecture de l’Essonne et ont continué à travailler dans la société avec l’aval des services de l’État : la préfecture a fourni le 21 avril 2005 une liste de 42 ouvriers sans papiers.

L’employeur savait, le préfet connaissait leur situation et leur exploitation a continué dans le silence des autorités.

Comment notre République peut-elle tolérer pareille hypocrisie du patronat ?

Ces travailleurs, par leur labeur et par les impôts qu’ils ont versés, ont créé de la richesse pour l’entreprise et la collectivité. Il n’est que justice que leur soient délivrés des papiers. En fait, ces salariés sans papiers sont les victimes de trafiquants de main-d’œuvre. C’est un droit pour eux d’être régularisés.

Dans l’édition locale du 3 octobre 2006 du Parisien, même le secrétaire général de la préfecture de l’Essonne s’interroge : « Aujourd’hui on ne sait toujours pas si la fraude vient d’une filière malienne d’immigration clandestine ou si l’entreprise a profité de cette main-d’œuvre clandestine ».

Il est donc indispensable de faire la lumière sur cette situation opaque et de mettre à jour d’éventuels réseaux et complicités.

Malheureusement, ce scandale ne semble pas être un cas isolé : la presse rapporte que de nombreuses entreprises dans le bâtiment ou la manutention emploieraient des centaines d’ouvriers en situation irrégulière.

Pour être embauchés, ils présenteraient de fausses cartes de séjour et les entreprises tireraient ainsi profit d’une force de travail beaucoup moins rémunérée et contrainte à la docilité sous la menace d’un licenciement brutal et sans recours. Il existerait même des agences d’intérim « fournissant » des sans-papiers pour la journée.

Par conséquent, nous demandons à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les pratiques de certaines sociétés installées sur le territoire français qui, en toute connaissance de cause, embauchent et exploitent, sous la menace d’un licenciement expéditif, des salariés étrangers en situation irrégulière, et sur l’attitude des services de l’État face à des agissements assimilables à du trafic de main-d’œuvre.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 140 et suivants du Règlement, est créée une commission d'enquête de trente membres chargée d’investiguer sur les pratiques de certaines sociétés installées sur le territoire français qui, en toute connaissance de cause, embauchent et exploitent, sous la menace d’un licenciement expéditif, des salariés étrangers en situation irrégulière, et sur l’attitude des services de l’État face à des agissements assimilables à du trafic de main-d’œuvre.

( constituant le groupe des député-e-s communistes et républicains.


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