N° 3415 - Proposition de loi de M. Jean-Pierre Blazy relative au renforcement des moyens de la justice en cas de catastrophe humaine liée aux transports



Document

mis en distribution

le 20 novembre 2006


N° 3415

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 novembre 2006.

PROPOSITION DE LOI

relative au renforcement des moyens de la justice
en cas de
catastrophe humaine liée aux transports,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR M. Jean-Pierre BLAZY, Mme Odile SAUGUES, MM. Armand JUNG, Jean-Marc AYRAULT, Mmes Patricia ADAM, Sylvie ANDRIEUX, MM. Jean-Marie AUBRON, Jean-Paul BACQUET, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jacques BASCOU, Christian BATAILLE, Jean-Claude BATEUX, Jean-Claude BEAUCHAUD, Jean-Louis BIANCO, Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Jean-Claude BOIS, Daniel BOISSERIE, Pierre BOURGUIGNON, François BROTTES, Michel CHARZAT, Alain CLAEYS, Pierre COHEN, Mme Martine DAVID, MM. Marcel DEHOUX, Jean DELOBEL, Bernard DEROSIER, Michel DESTOT, François DOSÉ, Julien DRAY, Tony DREYFUS, Pierre DUCOUT, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Jean-Louis DUMONT, Jean-Paul DUPRÉ, Claude EVIN, Albert FACON, Jacques FLOCH, Mme Geneviève GAILLARD, M. Jean GAUBERT, Mme Catherine GÉNISSON, MM. Joël GIRAUD, Alain GOURIOU, Mme Paulette GUINCHARD, M. David HABIB, Mmes Danièle HOFFMAN-RISPAL, Françoise IMBERT, MM. Serge JANQUIN, Jean-Pierre KUCHEIDA, Mme Conchita LACUEY, M. Jean LAUNAY, Mme Marylise LEBRANCHU, MM. Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Jean-Yves LE DÉAUT, Jean LE GARREC, Bruno LE ROUX, Michel LEFAIT, Patrick LEMASLE, Guy LENGAGNE, Mme Annick LEPETIT, M. Jean-Claude LEROY, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, MM. François LONCLE, Victorin LUREL, Bernard MADRELLE, Louis-Joseph MANSCOUR, Christophe MASSE, Didier MIGAUD, Mme Hélène MIGNON, M. Alain NÉRI, Mme Marie-Renée OGET, M. Jean-Claude PEREZ, Mmes Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, Chantal ROBIN-RODRIGO, MM. Alain RODET, René ROUQUET, Patrick ROY, Henri SICRE, Daniel VAILLANT, André VALLINI, Manuel VALLS, Michel VERGNIER, Alain VIDALIES, Lilian ZANCHI et les membres du groupe socialiste (1) et apparentés (2),

députés.

_________________________________

(1) Ce groupe est composé de : Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Eric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Mme Geneviève Gaillard, M. Jean Gaubert, Mme Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard, M. David Habib , Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Éric Jalton, Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit, MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin (Gers), Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Michel Pajon, Christian Paul, Christophe Payet, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque, Lilian Zanchi.

(2) MM. Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Joël Giraud, François Huwart, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, Mme Christiane Taubira.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 25 juillet 2000, l’accident du Concorde faisait 113 victimes. Six ans plus tard, l’instruction est toujours en cours. Le 20 janvier 1992, un avion s’écrasait sur le Mont Sainte-Odile et provoquait la disparition de 87 personnes. Le procès n’a débuté que 14 ans après les faits. Plus près de nous, le 16 août 2005, 152 passagers martiniquais et 8 membres d’équipage périssaient dans le crash d’un avion au Nord du Venezuela. Un an après les faits, nous constatons que les délais de l’enquête s’annoncent excessifs.

Ces trois catastrophes humaines rappellent à la fois le caractère dramatique des accidents qui interviennent dans les transports et les difficultés de la Justice à établir la vérité dans des délais raisonnables.

La tenue d’un procès est un élément décisif pour les victimes et leurs proches, attendue avec espoir et émotion. Elle leur permet bien souvent d’aider à surmonter le traumatisme de l’accident ou de la perte d’une personne aimée.

Or, la complexité technique, le nombre d’acteurs impliqués, l’importance des intérêts en jeu ou parfois l’extraterritorialité de l’accident rendent le travail de la justice long et délicat.

Il est donc juste que, lorsque survient une catastrophe d’ampleur exceptionnelle en raison de l’importance des pertes humaines qu’elle provoque, la justice consacre des moyens permettant l’instruction et le jugement de ces affaires dans les meilleurs délais, c’est-à-dire dans des délais raisonnables et compatibles avec la souffrance du grand nombre de personnes impliquées. En tout état de cause, ces délais doivent être aujourd’hui raccourcis.

L’exigence d’un jugement rendu dans des délais plus courts répond à celle de l’amélioration de la sécurité dans les transports. Les conclusions relatives aux causes des accidents doivent permettre des avancées techniques et une meilleure compréhension des erreurs humaines afin d’éviter la reproduction du même événement.

Par ailleurs cette exigence répond aux obligations internationales de la France. En effet notre pays a ratifié la Convention européenne des droits de l’homme qui proclame en son article 6-1 le droit à la tenue d’un procès dans un « délai raisonnable ». Ce même droit est en outre reconnu dans l’article préliminaire de notre code de procédure pénale.

Les catastrophes humaines n’étant malheureusement pas rares dans le domaine des transports, cette proposition de loi a pour objectif de renforcer les moyens de la Justice pour accélérer l’instruction et le jugement des accidents, dans ce secteur, dont le caractère exceptionnel dû au nombre important de victimes nécessite la mise à disposition de moyens exceptionnels de la justice.

Cette proposition de loi tend à établir, sur le modèle des pôles économiques et financiers, une procédure particulière applicable en cas de catastrophe humaine liée aux transports.

L’article premier vise à créer au sein du tribunal de grande instance (TGI) de Paris une section spécialisée et compétente pour les affaires répondant aux trois critères suivants :

– l’accident est intervenu dans le domaine des transports ;

– il a provoqué la mort d’un grand nombre de personnes ;

– l’instruction et le jugement en sont d’une grande complexité.

Le procureur de la République près un TGI est compétent pour requérir le juge d’instruction de se dessaisir au profit du TGI de Paris s’il estime que ces trois conditions sont remplies. Sont également définis les fonctionnaires qui peuvent être affectés à cette section spécialisée.

L’article 2 ouvre une voie de recours contre l’ordonnance du juge d’instruction par laquelle il se dessaisit.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après le titre XXVI du livre IV du code de procédure pénale, il est inséré un titre XXVII ainsi rédigé :

« TITRE XXVII

« DE LA PROCÉDURE APPLICABLE
EN CAS DE CATASTROPHE HUMAINE
LIÉE AUX TRANSPORTS

« Art. 706-111-1. – Les dispositions du présent titre sont applicables aux accidents survenus dans les transports aérien, ferroviaire, routier, maritime ou fluvial lorsqu’ils ont entraîné la mort d’un grand nombre de personnes.

« Art. 706-111-2. – Le tribunal de grande instance de Paris est compétent dans les conditions prévues par le présent titre pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des infractions prévues à l’article 221-6 du code pénal dans les affaires visées à l’article 706-111-1 qui sont ou qui paraîtraient d’une grande complexité en raison notamment des difficultés d’expertise technique.

« La compétence du tribunal de grande instance de Paris s’étend aux infractions connexes.

« Un décret en Conseil d’État définit au sein de cette juridiction une section du parquet et des formations d’instruction spécialisées pour connaître de ces infractions.

« Art. 706-111-3. – Pour la poursuite, l’instruction et le jugement des actes incriminés par l’article 706-111-2, le procureur de la République de Paris, le juge d’instruction et le tribunal correctionnel de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43, 52, 382 et de l’article 706-42.

« Lorsqu’ils sont compétents pour la poursuite et l’instruction des infractions prévues à l’article 706-111-2, le procureur de la République et le juge d’instruction de Paris exercent leurs attributions sur toute l’étendue du territoire national.

« La juridiction saisie reste compétente quelles que soient les incriminations retenues lors du règlement ou du jugement de l’affaire sous réserve de l’application des dispositions des articles 181 et 469.

« Art. 706-111-4. – Le procureur de la République près un tribunal de grande instance autre que le tribunal de grande instance de Paris peut, pour les infractions énumérées dans l’article 706-111-2 et dans les conditions prévues à l’article 705-2, requérir le juge d’instruction de se dessaisir au profit du tribunal de grande instance de Paris en application de cet article. Les parties sont préalablement avisées et invitées à faire connaître leurs observations par le juge d’instruction ; l’ordonnance est rendue huit jours au plus tôt et un mois au plus tard à compter de cet avis.

« Lorsque le juge d’instruction décide de se dessaisir, son ordonnance ne prend effet qu’à compter du délai de cinq jours prévu par l’article 705-2 ; lorsqu’un recours est exercé en application de cet article, le juge d’instruction demeure saisi jusqu’à ce que soit porté à sa connaissance l’arrêt de la chambre de l’instruction, passé en force de chose jugée ou celui de la chambre criminelle de la Cour de cassation.

« Dès que l’ordonnance est passée en force de chose jugée, le procureur de la République adresse le dossier de la procédure au procureur de la République du tribunal de grande instance désormais compétent.

« Art. 706-111-5. – Peuvent exercer des fonctions d’assistant spécialisé auprès du tribunal de grande instance de Paris les fonctionnaires de catégorie A ou B ainsi que les personnes titulaires, dans des matières définies par décret, d’un diplôme national sanctionnant une formation d’une durée au moins égale à quatre années d’études supérieures après le baccalauréat qui remplissent les conditions d’accès à la fonction publique et justifient d’une expérience professionnelle minimale de quatre années.

« Les assistants spécialisés suivent une formation obligatoire préalable à leur entrée en fonction. »

Article 2

L’article 705-2 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, les mots : « de l’article 705-1 » sont remplacés par deux fois par les mots : « des articles 705-1 ou 706-111-4 » ;

2° Dans le dernier alinéa, après les mots : « de l’article 705-1 », sont insérés les mots : « ou de l’article 706-111-4 ».


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