N° 3160 Rapport d'information de MM. Michel Bouvard et Alain Claeys en conclusion des travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur la gouvernance des universités dans le contexte de la LOLF




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N° 3160

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 juin 2006.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

en conclusion des travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) (1)
sur la gouvernance des universités dans le contexte de la LOLF

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Michel Bouvard et Alain Claeys,

Députés.

--

MM. Augustin Bonrepaux et Yves Deniaud,

Présidents.

(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

La mission d'évaluation et de contrôle est composée de : MM. Augustin Bonrepaux, Yves Deniaud, Présidents ; M. Pierre Méhaignerie, Président de la commission des Finances, de l'économie générale et du Plan, M. Gilles Carrez, Rapporteur général ; MM. Pierre Albertini, Pierre Bourguignon, Jean-Pierre Brard, Alain Claeys, Charles de Courson, Jean-Yves Cousin, Jean-Louis Dumont, Jean-Michel Fourgous, Paul Giacobbi, Louis Giscard d'Estaing, Marc Laffineur, Didier Migaud, Mme Béatrice Pavy, MM. Nicolas Perruchot, Jean-Claude Sandrier.

INTRODUCTION 5

I.- BIEN QU'ELLES AIENT CONNU DE RÉELLES ÉVOLUTIONS CES DERNIÈRES ANNÉES, LES UNIVERSITÉS FONT DIFFICILEMENT FACE AUX ENJEUX ACTUELS 13

A.- LE SYSTÈME UNIVERSITAIRE A SURMONTÉ D'IMPORTANTS CHANGEMENTS CES DERNIÈRES ANNÉES 13

1.- Le passage à un enseignement supérieur de masse 13

2.- La modernisation de la gouvernance et le développement des contrats 14

3.- Le LMD : une réforme réussie bien qu'inachevée 15

B.- L'ÉCHEC DE CERTAINES CATÉGORIES D'ÉTUDIANTS TRAHIT LES FAIBLESSES DU PILOTAGE DE L'ÉTAT ET DES ÉTABLISSEMENTS 16

1.- L'échec aux diplômes : un gâchis humain et financier 16

2.- Les carences du pilotage par l'État 19

3.- Les faiblesses de la gouvernance des universités 20

II.- AGIR SUR QUELQUES LEVIERS PERMETTRAIT D'AMÉLIORER LA GOUVERNANCE DES UNIVERSITÉS 25

A.- RENFORCER LA CAPACITÉ DE PILOTAGE DES ÉTABLISSEMENTS 25

1.- Les structures de gouvernance doivent permettre l'émergence d'un intérêt commun 25

2.- Améliorer la gestion administrative, budgétaire, comptable et financière 30

3.- Donner aux universités davantage de leviers de gestion 36

B.- FONDER LES RELATIONS DES UNIVERSITÉS AVEC L'ÉTAT SUR UNE VISION STRATÉGIQUE 39

1.- Les contrats doivent traduire une stratégie ; l'évaluation doit en contrôler l'efficacité 39

2.- Donner la priorité à l'orientation des étudiants 44

EXAMEN EN COMMISSION 49

AUDITIONS 57

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 59

COMPTES-RENDUS DES AUDITIONS 61

LISTE DES ENTRETIENS DES RAPPORTEURS 231

ANNEXE : RAPPORT REMIS À LA COMMISSION DES FINANCES PAR LA COUR DES COMPTES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 58, ALINÉA 2, DE LA LOLF 233

INTRODUCTION

Le service public de l'enseignement supérieur doit garantir l'accès de tous les bacheliers à la formation et aux diplômes et développer la recherche sur l'ensemble du territoire national. Cependant, la question de la performance des universités ne peut pas être posée de façon uniforme, car les objectifs du système universitaire sont multiples (transmission des savoirs, recherche de haut niveau, insertion professionnelle) et les établissements très hétérogènes. La grande diversité qui caractérise le paysage universitaire français doit être prise en compte dans l'organisation du système.

Les universités ont réussi, avec peu de moyens, à assurer le passage à un enseignement supérieur de masse. Toutefois, les résultats des étudiants ne sont pas satisfaisants. Les chances de réussite des étudiants aux diplômes sont très inégales selon le type de baccalauréat qu'ils ont obtenu : ainsi, en 2003, après un parcours de 2 à 5 ans en premier cycle, 82,8 % des bacheliers généraux ont obtenu un DEUG (1), contre 40 % des bacheliers technologiques et seulement 15,4 % des bacheliers professionnels (2). Du point de vue de l'accès à l'emploi, la situation est également perfectible.

En application de l'article 58, alinéa 2, de la loi organique du 1er août2001 relative aux lois de finances (LOLF), la commission des Finances a demandé à la Cour des comptes de réaliser une enquête sur « L'efficience et l'efficacité des universités ». Dans le cadre de l'examen de la performance, on distingue l'efficience, c'est-à-dire le rapport entre les moyens et les résultats, de l'efficacité qui mesure les résultats au regard des objectifs. Le rapport remis par la Cour en décembre 2005, annexé au présent rapport, montre que la gestion des universités n'est pas suffisamment efficace et efficiente, mais que d'importants progrès sont possibles.

Vos Rapporteurs tiennent à rappeler, à l'instar de la Cour des comptes, que l'étude de la performance du système universitaire français doit toutefois tenir compte du niveau de financement consacré par notre pays à l'enseignement supérieur, qui, avec 6.965 dollars dépensés par étudiant pour un an (3), est insuffisant comparé aux universités étrangères. Par ailleurs, l'objectif de démocratisation ne pourra être atteint sans une amélioration globale des conditions de la vie étudiante, ce qui pose notamment la question de l'attribution des bourses et du développement du logement étudiant.

Les lacunes de la gouvernance du système universitaire s'observent à deux niveaux : l'État, d'une part, manque de vision stratégique et exerce une tutelle que l'on a pu qualifier à la fois de molle et de « tatillonne » ; les universités, d'autre part, n'ont souvent pas de projet commun d'établissement et réalisent une gestion comptable et financière au jour le jour pas assez rigoureuse. Cependant, le constat est évidemment très variable selon les établissements. La mise en œuvre de la LOLF constitue une chance pour les universités. En instaurant la culture de l'efficacité de la dépense publique, elle constitue l'opportunité d'une modernisation que les universités doivent saisir.

L'autonomie est une notion ambiguë. L'autonomie des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), introduite par la loi dite Edgar Faure du 12 novembre 1968, reprise par la loi dite Savary du 26 janvier 1984, et consacrée à cette occasion par le Conseil constitutionnel (4), est une autonomie pédagogique et scientifique, administrative et financière (article L. 711-1 du code de l'éducation). Comparée à celle dont bénéficient la plupart des universités étrangères, cette autonomie est toute relative. En outre, c'est une notion à géométrie variable. Définie comme la capacité d'une université à mener une politique d'établissement, l'autonomie est dotée d'une portée différente par chacune. Par ailleurs, elle s'applique différemment selon les domaines : ainsi, l'autonomie pédagogique, renforcée par la mise en œuvre de la réforme LMD, est relativement large dans le cadre de la réglementation nationale des diplômes et des programmes, tandis que l'autonomie financière et administrative est très limitée.

Le présent rapport se concentre principalement sur la gouvernance des établissements universitaires, tant dans leur organisation interne que dans leurs relations avec l'État. Il ne traite pas de la recherche, ni de la question de l'ouverture internationale des universités (accueil des étudiants et enseignants étrangers en France, situation des post-doctorants français qui étudient à l'étranger, etc.).

Il faut donner aux universités la capacité de faire face aux enjeux actuels, que ce soient la mise en place du LMD, l'internationalisation croissante de l'enseignement supérieur et de la recherche ou la nécessité de préparer les étudiants à une vie professionnelle variée dans une économie fondée sur l'innovation et la connaissance. Pour remplir leurs missions, les universités ont besoin d'autonomie, afin d'être en mesure de mener une stratégie claire et de nouer des partenariats. La relation contractuelle entre l'État et les universités n'a de sens que si ces dernières sont capables de définir une politique propre dans le cadre d'objectifs nationaux. En contrepartie, l'État doit renforcer l'évaluation a posteriori. Actuellement, les établissements n'utilisent pas toutes les marges de manœuvre que leur offre la loi. L'amélioration de la gouvernance des universités dans le sens d'une capacité de pilotage renforcée passe avant tout par la modernisation de pratiques. C'est pourquoi ce rapport, fruit de nombreuses auditions qui ont permis de recueillir les suggestions de l'ensemble de la communauté universitaire ainsi que du monde de l'enseignement supérieur et de la recherche, comporte autant de recommandations que de pistes de réformes.

Bien qu'elles aient surmonté d'importants changements ces dernières années, les universités peinent à faire face aux enjeux actuels. La mise en œuvre de certaines propositions pourrait, sans bouleversement, permettre de renforcer leur gouvernance.

PROPOSITIONS DE LA MISSION

A.- Renforcer la capacité de pilotage des établissements

1.- Les structures de gouvernance doivent permettre l'émergence d'un intérêt commun

Proposition n° 1 :

Offrir aux conseils d'administration le choix de prévoir dans les statuts le renouvellement possible du mandat du président.

Proposition n° 2 :

Aucune affectation ne peut être prononcée si le président de l'université émet un avis défavorable expressément motivé.

Proposition n° 3 :

Renforcer le conseil d'administration comme lieu du débat sur les questions stratégiques ; chaque année, le président de l'université présente un rapport d'activité qui comprend notamment les rapports d'activité de chaque composante ainsi que l'évaluation des enseignements et de la formation ; la présentation de ce rapport donne lieu à un débat.

Proposition n° 4 :

En vue de constituer des équipes cohérentes, supprimer la possibilité de panachage des listes aux élections aux conseils.

Proposition n° 5 :

Offrir une formation administrative, comptable et financière à tous les membres des conseils, au président, et aux directeurs d'UFR, dans le cadre de l'École supérieure de l'éducation nationale (ESEN).

Proposition n° 6 :

Doter la Conférence des présidents d'université (CPU) d'une autonomie juridique et budgétaire en en faisant un groupement d'intérêt public (GIP), qui reprendrait les missions de l'Agence de mutualisation des universités (AMUE).

2.- Améliorer la gestion administrative, budgétaire, comptable et financière

- Renforcer les compétences au sein des universités

Proposition n° 7 :

Valoriser davantage la fonction de secrétaire général, en prenant mieux en compte le niveau des responsabilités assumées par celui-ci dans le déroulement de sa carrière.

Proposition n° 8 :

Augmenter le nombre de cadres administratifs A et A+ dans les universités, pour exercer des fonctions de direction (finances, contrôle de gestion, ressources humaines, bibliothèques, etc.).

Proposition n° 9 :

Offrir une formation continue obligatoire à tous les cadres administratifs en renforçant l'ESEN.

- Moderniser les outils de gestion

Proposition n° 10 :

Afin de donner aux universités la capacité d'assumer leur autonomie, mobiliser les moyens nécessaires pour mettre en place des systèmes d'information permettant la comptabilité analytique et le contrôle de gestion ; ces systèmes doivent être tous compatibles entre universités et avec ceux de l'État qui doit obtenir des données consolidées pour l'application de la LOLF et pour fixer les grandes orientations stratégiques.

Proposition n° 11 :

Instaurer un service de contrôle de gestion dans toutes les universités.

- Assurer le contrôle de légalité

Proposition n° 12 :

Les recteurs remettront chaque année un rapport au ministre justifiant de leur action en matière de contrôle de légalité et de contrôle budgétaire en tant que chanceliers des universités.

3.- Donner aux universités davantage de leviers de gestion

Proposition n° 13 :

Introduire un contrat de service pluriannuel entre l'université et chaque enseignant-chercheur, prévoyant la répartition de son temps de travail entre enseignement, recherche et autres tâches (administratives, suivi des stages, diffusion de la culture scientifique et technique, recherche de partenariats, etc.).

Proposition n° 14 :

Rapprocher le régime des primes de recherche et d'encadrement doctoral de celui des autres primes, en intégrant l'ensemble des primes (IATOSS et enseignants-chercheurs) dans le budget des universités.

Proposition n° 15 :

Le patrimoine peut être dévolu aux universités, sur la base du volontariat, sous réserve d'une « dotation globale de transfert » accordée à l'université, tenant compte de l'état du patrimoine après expertise contradictoire.

Proposition n° 16 :

Inciter au regroupement des compétences dans le cadre des PRES, sous la responsabilité des conseils d'administration des universités concernées, moyennant une majoration du contrat des universités participantes.

B.- Fonder les relations des universités avec l'État sur une vision stratégique

1.- Les contrats doivent traduire une stratégie ; l'évaluation doit en contrôler l'efficacité

Proposition n° 17 :

Remettre à plat le système de calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF), en prenant en compte les contraintes et les coûts réels supportés.

Proposition n° 18 :

Augmenter la part du contrat dans le budget des établissements.

Proposition n° 19 :

Porter la durée du contrat de quatre à six ans.

Proposition n° 20 :

Un nouveau contrat ne peut être signé sans que le précédent ait été évalué par l'Agence de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur. Les contrats fixent des indicateurs de performance spécifiques pour chaque université et pour chaque discipline, ainsi que le niveau qui doit être atteint. Le contrat doit apporter la garantie que les évaluations des enseignements sont réalisées.

Proposition n° 21 :

Le découpage de l'établissement en composantes doit être justifié dans chaque contrat ; les UFR doivent être incitées à se regrouper de façon transdisciplinaire ; les arrêtés ministériels fixant d'éventuels redécoupages doivent être signés en même temps que le contrat qui les prévoit.

2.- Donner la priorité à l'orientation des étudiants

Proposition n° 22 :

Les universités doivent toutes publier des statistiques précises sur la réussite aux diplômes et l'insertion professionnelle des diplômés. Encourager la création d'observatoires de la formation et de l'insertion professionnelle dans les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES).

Proposition n° 23 :

Tout bachelier issu d'une filière technologique ou professionnelle doit être admis dans une formation supérieure courte s'il en fait la demande.

I.- BIEN QU'ELLES AIENT CONNU DE RÉELLES ÉVOLUTIONS
CES DERNIÈRES ANNÉES, LES UNIVERSITÉS FONT DIFFICILEMENT
FACE AUX ENJEUX ACTUELS

A.- LE SYSTÈME UNIVERSITAIRE A SURMONTÉ D'IMPORTANTS CHANGEMENTS CES DERNIÈRES ANNÉES

En l'espace de vingt ans, les universités ont connu trois évolutions majeures : la massification de l'enseignement supérieur, l'instauration de relations contractuelles entre chaque établissement et l'État au début des années quatre-vingt-dix, et dernièrement la mise en place du système LMD (licence-master-doctorat) dans le cadre du processus européen de Bologne.

1.- Le passage à un enseignement supérieur de masse

L'enseignement supérieur français a dû faire face à l'augmentation massive du nombre d'étudiants en deux grandes vagues : la première dans les années soixante ; la seconde de la fin des années quatre-vingt au début des années quatre-vingt-dix, les effectifs ayant augmenté de 82 % entre 1980 et 1995 (5). Depuis 1995, les effectifs des universités tournent autour de 1,4 million d'étudiants (sur environ 2,3 millions d'étudiants inscrits dans l'enseignement supérieur).

Le passage à une université de masse s'est accompagné d'une diversification des formations. L'évolution la plus marquante est le développement des filières professionnalisées. Ainsi, les instituts universitaires de technologie (IUT), créés dans les années soixante, et les diplômes d'études supérieures spécialisées (DESS), créés dans les années soixante-dix, se sont multipliés dans les années quatre-vingt. Ce processus s'est poursuivi, avec l'accroissement continu du nombre de DESS et le développement récent des licences professionnelles.

La régulation de l'offre de formation n'est pas toujours bien maîtrisée. Il n'en demeure pas moins que les universités françaises ont su faire face, avec peu de moyens, à un afflux considérable d'étudiants et qu'elles ont dû adapter les formations offertes à un public plus hétérogène.

Il en résulte un paysage universitaire très varié. La diversification de l'offre a entraîné une augmentation importante du nombre de maquettes nationales définissant les conditions minimales à remplir pour que les diplômes délivrés puissent être habilités. Dans certains cas, à l'inverse, la tutelle a choisi de réduire le nombre de maquettes en les assouplissant, permettant davantage de variations locales. La diversité croissante du contenu des diplômes rend de plus en plus difficile la garantie de leur homogénéité.

En outre, les établissements n'ont pas tous les mêmes contours. Ainsi, le premier vice-président de la conférence des présidents d'universités (CPU), évoquait la diversité des universités lors de son audition par la MEC : « toutes les universités ne sont pas les mêmes, parce qu'elles ont des fonctions diverses, certaines étant spécialisées et d'autres pluridisciplinaires, mais aussi parce que leurs capacités de recherche sont différentes ». (6)

Il est nécessaire, pour traiter de la gouvernance des universités, de tenir compte de cette diversité.

2.- La modernisation de la gouvernance et le développement des contrats

Ces quinze dernières années ont vu émerger des universités plus fortes, certaines étant capables de mettre en œuvre une stratégie d'établissement. La mise en place des contrats quadriennaux a été l'occasion - pas toujours saisie - pour chaque université d'affirmer sa propre politique.

À partir de 1989 se mettent en place des relations contractuelles entre l'État et chaque EPSCP. L'introduction des contrats quadriennaux a été progressive : ceux-ci ne portent au début que sur 5 à 10 % du budget de fonctionnement hors salaires. Elle a permis de faire évoluer les relations entre les établissements et la tutelle. La spécificité de chaque établissement a été peu à peu reconnue par le ministère.

Des résultats tangibles ont été obtenus grâce à la contractualisation : une meilleure structuration de la recherche universitaire et l'élaboration de politiques scientifiques d'établissement, le développement des formations professionnelles, l'amélioration de la situation des bibliothèques, de l'orientation, de la vie étudiante, de l'action culturelle, le développement des relations internationales, ces actions étant directement soutenues par les contrats.

En amenant les universités à décider en commun des orientations à prendre, les contrats ont aussi permis le renforcement des structures de gouvernance des universités, à des degrés divers selon les établissements. Même si les divisions facultaires sont encore fortes dans de nombreuses universités, on a pu constater une diffusion de la culture de projet d'établissement.

Les contrats ont ainsi servi au développement de l'autonomie des universités sans pour autant diminuer le rôle de l'État dans ses fonctions de régulateur entre les établissements et dans la définition des grandes orientations nationales en matière d'enseignement et de recherche.

3.- Le LMD : une réforme réussie bien qu'inachevée

L'introduction du système LMD dans l'enseignement universitaire a été rapide, et la nouvelle organisation des études va bien au-delà d'un habillage superficiel des anciennes formations en « 3-5-8 ». D'après le rapport de juin 2005 de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) sur la mise en place du LMD, « l'adhésion des établissements au LMD est d'ores et déjà un pari gagné ; elle se traduit par un grand volontarisme des établissements qui a été rendu possible grâce à la pertinence de la méthode choisie, et les premiers résultats sont prometteurs ». Les conséquences du LMD se répercutent à deux niveaux : l'offre de formation bien sûr, mais aussi les rapports de force à l'intérieur des établissements et avec la tutelle.

Beaucoup d'enseignants-chercheurs ont saisi l'occasion qui leur était offerte pour concevoir de nouvelles formations. Cela a suscité un regain d'intérêt pour l'enseignement. L'offre de formation est devenue l'expression d'une politique d'établissement, lui permettant de mettre en valeur ses spécificités. La réforme a également permis l'émergence d'offres de formation par site. Ainsi, les universités d'Aix-Marseille ont signé un volet interuniversitaire de leurs contrats quadriennaux ; l'offre de formation des trois établissements fait l'objet d'une présentation commune et les formations scientifiques sont co-habilitées. Il y a bien d'autres exemples de rapprochements.

L'obligation de classer les formations par domaine et mention a conduit les universités à faire le tri dans une offre de formation parfois redondante. Toutefois, certaines n'y sont pas parvenues. On ne dispose pas encore de statistiques précises, mais il est probable que le nombre de spécialités de master est supérieur au nombre de DEA-DESS qui préexistaient. Seules les universités qui ont imposé un domaine unique et un nombre de mentions pré-établies ont évité ces mécanismes inflationnistes. D'après la même étude, le nombre d'heures d'enseignement a augmenté. En licence, la diversification des enseignements et l'introduction de parcours plus ouverts pour les étudiants ont entraîné un alourdissement de la charge d'enseignement et des budgets d'heures complémentaires. Le constat est identique en master. En définitive, les nouvelles formations sont restées plus pilotées par l'offre que par la demande.

En effet, la contrepartie de ce dynamisme est l'inflation des projets. Les équipes présidentielles ont parfois été incapables de filtrer les projets proposés par les composantes et de leur donner une cohérence. L'autre reproche que l'on puisse adresser à la mise en place de la réforme est d'avoir négligé le niveau licence. Selon C. Musselin et S. Mignot-Gérard (7), les universitaires ont tout fait pour protéger leurs frontières disciplinaires, singulièrement en masters. Tous ou presque reconnaissent avoir passé beaucoup plus de temps à réfléchir à l'organisation des masters qu'à celle des licences.

La mise en place du LMD a mis ainsi en évidence l'absence, dans l'organisation des établissements, d'intermédiaires efficaces entre les équipes présidentielles et les enseignants-chercheurs pour conduire des projets. Cela a laissé les logiques disciplinaires conduire la réforme. Il est bien sûr souhaitable que les initiatives viennent des enseignants-chercheurs et il faut créer les conditions leur permettant d'être créatifs. Mais il faut des instances capables de hiérarchiser les projets en fonction des stratégies de développement de l'établissement, de son budget, du marché du travail, etc. Avec le développement de formations plus transversales, communes parfois à plusieurs UFR, se pose dans certains cas la question de la pertinence de la structure des composantes et de son adéquation avec l'organisation des enseignements.

B.- L'ÉCHEC DE CERTAINES CATÉGORIES D'ÉTUDIANTS TRAHIT LES FAIBLESSES DU PILOTAGE DE L'ÉTAT ET DES ÉTABLISSEMENTS

1.- L'échec aux diplômes : un gâchis humain et financier

Les chances de réussite au cours des premières années de l'enseignement supérieur universitaire sont inégales selon le baccalauréat obtenu. Les taux d'échec des bacheliers technologiques et professionnels sont élevés dans les filières universitaires générales. Pourtant, les filières courtes, avant tout conçues pour les bacheliers technologiques et professionnels, accueillent aujourd'hui davantage de bacheliers généraux. Or, l'encadrement des étudiants dans les premiers cycles universitaires est notoirement insuffisant.

· Des taux d'échec très variables selon les filières

D'après les résultats de 2003, le taux global de réussite au DEUG (8) n'est que de 76,4 % (9) après un parcours de deux à cinq ans en premier cycle. Seuls 49,6 % des inscrits l'obtiennent en deux ans. Les bacheliers généraux ont des résultats nettement supérieurs aux autres : leur taux de réussite est de 82,8 % en cinq ans, alors qu'il est seulement de 40 % pour les bacheliers technologiques et de 15,4 % pour les bacheliers professionnels. L'accès en troisième année universitaire dépend aussi fortement de la série du baccalauréat. Pour un bachelier s'inscrivant à l'université, la probabilité d'accéder en troisième année universitaire (hors santé et IUT), après un parcours qui peut atteindre cinq ans, est de 61 % à la rentrée 2004. Les bacheliers généraux y parviennent bien plus souvent (70,6 %) que les bacheliers technologiques (27,4 %). L'accès des bacheliers professionnels est de l'ordre de 10 %.

Les titulaires d'un baccalauréat technologique ou professionnel ont de meilleures chances de réussite dans les formations courtes, notamment en IUT et STS. À la session 2003, plus de quatre étudiants sur cinq ont obtenu le diplôme universitaire de technologie (DUT) après trois années d'études et deux sur trois y sont parvenus en deux ans. La réussite au DUT en deux ans reste plus importante pour les bacheliers généraux (plus de 75 %) que pour les bacheliers technologiques (55 %) ou professionnels (40 %).

Le taux de réussite au BTS est de 77,4 % pour les bacheliers généraux, 66,7 % pour les technologiques et 45,1 % pour les professionnels.

RÉUSSITE AU BTS SELON LE DIPLÔME INITIAL - SESSION 2005

France métropolitaine + DOM

Diplôme initial

Présents

% des présents

Admis

Taux de réussite

Baccalauréat général

40.500

25,7

31.342

77,4

Baccalauréat technologique

84.687

53,7

56.480

66,7

Baccalauréat professionnel

24.844

15,7

11.206

45,1

Brevet de technicien (BT) et BMA*

2.271

1,4

1.245

54,8

Autres diplômes (étrangers)

5.502

3,5

2.271

41,3

TOTAL BTS

157.804

100

102.544

65

* Brevet de métiers d'art

Source : Ministère de l'éducation nationale - OCEAN.

Les étudiants inscrits en IUT et STS représentent 15 % de l'ensemble des effectifs de l'enseignement supérieur et les trois quarts de l'enseignement supérieur court professionnalisant. Les autres formations courtes sont dispensées par les écoles paramédicales ou préparant aux fonctions sociales (122 500 étudiants). À la rentrée 2004, 334 200 étudiants étaient inscrits en IUT ou STS (les deux années de formation confondues). Parmi eux, 104 000 sont inscrits dans un institut universitaire de technologie (IUT) et 230 300 dans une section de techniciens supérieurs (STS) ou assimilé. En 2003, 48 000 DUT et 103 000 BTS et assimilés ont été délivrés.

Les bacheliers généraux constituent le principal vivier de recrutement des IUT. Ils sont 65 % parmi les entrants en IUT, contre 33,5 % de bacheliers technologiques ; les bacheliers professionnels y sont très rares (1,5 %). Les STS sont particulièrement fréquentées par les bacheliers technologiques : en première année, ils représentent 54,7 % des effectifs entrant en STS (10) en 2004. Les bacheliers généraux représentent 17,4 % des entrants et les bacheliers professionnels 11,4 % (11).

Ces proportions sont à mettre en rapport avec le poids relatif de chaque baccalauréat : les bacheliers généraux représentent 54 % des bacheliers en 2005 (272 512 élèves), les bacheliers technologiques 28 % (140 828 élèves) et les bacheliers professionnels 18 % (93 268) (12). La proportion de bacheliers généraux entrant en IUT est plus importante que la proportion d'élèves obtenant le baccalauréat général une année. Cela provoque un effet d'éviction à l'entrée, au détriment des autres baccalauréats. Ainsi, le taux d'accueil des bacheliers technologiques en IUT est seulement de 9,9 %, alors que ce type de formation devrait être prioritairement destiné à ces bacheliers.

TAUX D'ACCUEIL EN IUT ET EN STS DES BACHELIERS SELON LA SÉRIE DU BACCALAURÉAT

Formation initiale uniquement

France métropolitaine + DOM

Séries du Baccalauréat

Bacheliers 2004

entrant en IUT en 2004-05 (1)

Taux d'accueil

(%) *

Bacheliers 2004

entrant en STS en 2004-05

Taux d'accueil

(%) *

Taux d'inscription

dans le supérieur (%) (2)

Bac général

27.324

10,5

20.262

7,8

105

Bac technologique

14.127

9,9

63.030

44,0

78,2

Bac professionnel

609

0,6

14.216

15,1

22,9

Total

42.060

8,4

97.508

19,6

81,8

Source : MEN-DEP B2

* Le taux d'accueil est le rapport entre le nombre de nouveaux bacheliers accueillis en IUT et le nombre de bacheliers ayant obtenu leur baccalauréat.

(1) Y compris STS sous tutelle du ministère de l'Agriculture.

(2) Un bachelier peut s'inscrire en même temps dans plusieurs formations, par exemple en CPGE et à l'université, ce qui explique que le total pour les baccalauréats généraux soit supérieur au nombre des bacheliers 2004.

Les IUT, qui offrent une formation professionnalisante en deux ans, tendent à devenir une première étape pour des études longues. En 2001, après le DUT, près de deux diplômés sur trois ont poursuivi leurs études. En 2003, soit deux ans après l'obtention de leur DUT, quatre personnes sur dix dans cette cohorte poursuivent encore leurs études.

· Un gâchis humain et financier

Près de 90.000 jeunes par an sortent de l'enseignement supérieur sans diplôme, soit le quart des sortants de l'enseignement supérieur. Le taux de chômage de cette catégorie est de 19 % en 2004 au bout de trois ans de vie active. Le CEREQ (13) constate que les sortants sans diplôme de l'enseignement supérieur constituent la population dont la situation s'est le plus dégradée face à l'évolution de la conjoncture.

Ce phénomène de « sélection par l'échec » touche surtout les bacheliers professionnels et technologiques qui se retrouvent en formation universitaire générale par défaut, parce qu'ils n'ont pas été admis dans les filières courtes sélectives. Ainsi, la Cour des comptes relève dans le rapport annexé que « près de la moitié des bacheliers technologiques qui s'inscrivent à l'université le font par défaut, faute d'avoir été admis en filière professionnelle courte conformément à leurs souhaits, ce qui explique que la moitié d'entre eux abandonne la première année, (...) et que 60 % de ceux qui poursuivent n'obtiennent pas le DEUG ».

Cette situation est dramatique pour ces étudiants à qui l'on a promis l'accès à l'enseignement supérieur sans leur donner les moyens de réussir. En leur fermant les portes des formations courtes, on les laisse partir dans les filières générales universitaires où ils ne sont pas suffisamment encadrés.

Par ailleurs, l'échec est coûteux pour le système universitaire. Puisque le taux global de réussite à l'ancien DEUG en deux ans est de 49,6 %, cela signifie que la moitié d'une cohorte d'étudiants va passer au moins une année supplémentaire sur les bancs de l'université avant d'obtenir ce premier diplôme. Cela implique des dépenses d'encadrement supplémentaires (enseignants, personnels administratifs) ainsi que des coûts de fonctionnement. Cela suppose également que les locaux de l'université aient une capacité d'accueil suffisante.

En matière d'orientation, l'État n'a pas joué son rôle de pilote. La politique d'habilitation des formations est menée en fonction des inscriptions, au lieu d'être conduite par une stratégie. La tutelle a laissé les universités assumer seules l'accès de tous les bacheliers à l'enseignement supérieur, sans leur en donner les moyens.

2.- Les carences du pilotage par l'État

La relation contractuelle doit permettre à l'État de fixer les grandes orientations d'une politique nationale de l'enseignement supérieur, tout en respectant l'autonomie des universités. Or, les auditions menées par la Mission ont montré que bien souvent, la tutelle est perçue à la fois comme trop tatillonne et trop molle, ne sachant pas fixer de grandes orientations.

Le ministère ne suit pas de manière efficace la politique contractuelle. Les contrats quadriennaux sont souvent signés avec un an et demi de retard, car la direction de l'enseignement supérieur n'arrive pas à suivre. Par ailleurs, les contrats successifs d'un même établissement ne sont parfois pas cohérents entre eux : un projet est lancé pour quatre ans, et le contrat suivant n'apporte pas les moyens nécessaires pour que le projet perdure. Ainsi résume Mme Lise Dumasy, ancienne présidente de l'Université de Grenoble III et membre du bureau national du SNESup : « L'idée de contrat est presque toujours liée à celle d'innovation. Quand les nouveaux projets réussissent, on préfère, alors qu'il faudrait les pérenniser, en faire de nouveaux. On est ainsi conduit, soit à déguiser l'ancien projet en nouveau, ce qui est absurde, soit à mettre fin à une expérience intéressante » (14). La tutelle abandonne son rôle stratégique au profit de mesures ponctuelles et mal suivies dans le temps.

La gestion des ressources humaines, qui constitue un levier capital de la politique scientifique, est dépourvue de stratégie. Les directions du ministère appréhendent la gestion du personnel chacune isolément. La direction des affaires financières traite les informations sur la masse salariale par académie. La direction générale de l'enseignement supérieur, qui seule négocie avec les universités une à une, raisonne par nombre d'emplois. La LOLF oblige chaque établissement à intégrer sa masse salariale dans la présentation de son budget par actions. La direction générale de l'enseignement supérieur devrait mettre en œuvre une stratégie de gestion des ressources humaines par université.

Dans le domaine de la recherche, l'État n'associe pas les universités à une réflexion stratégique. Trop souvent, le ministère et la direction de la recherche dialoguent directement avec les directeurs de laboratoires, sans associer les présidents. Ces derniers devraient être les interlocuteurs du ministère, afin de faire valoir les politiques scientifiques des établissements dans les choix opérés en matière de recherche. Cela est conciliable avec des orientations nationales en matière de recherche, qui sont nécessaires. Par ailleurs, le processus de création d'une filiale de valorisation peut durer deux ans, ralenti par la complexité des procédures administratives et financières. Si la rigueur des contrôles est nécessaire s'agissant de l'investissement de fonds publics, elle peut néanmoins constituer un handicap par rapport à d'autres universités européennes plus efficaces.

L'État doit être plus réactif dans le domaine des relations internationales. Le ministère suit mal les accords que signent les laboratoires, et les universités avec leurs homologues étrangers. Il n'a pas non plus de tableau précis des étudiants français en échange à l'étranger. À l'inverse, le ministère met parfois des mois à donner son accord à la création d'un diplôme commun entre une université française et une université étrangère, ce qui pénalise les établissements français. L'État doit renforcer son rôle d'appui stratégique tout en rendant plus souple et plus efficace son contrôle a priori.

3.- Les faiblesses de la gouvernance des universités

L'autonomie qu'ont acquise les universités par la loi reste très limitée dans les faits. Les équipes présidentielles et les conseils d'administration n'utilisent pas tous dans les faits les marges de manœuvre que leur offre la législation, ce qui se traduit souvent par une gouvernance trop faible. D'autre part, la gestion budgétaire, comptable et financière connaît des carences importantes.

Avant 1968, seules les facultés comptaient. La loi du 7 novembre 1968 les a supprimées, créant des universités constituées d'unités d'enseignement et de recherche (UER). En réalité, les universités se sont davantage organisées sur des logiques politiques que sur des principes pédagogiques, aboutissant parfois à l'émergence de plusieurs universités par ville, tendant à reconstituer les anciennes facultés.

La forte identité des UFR n'est pas mauvaise en soi, à condition qu'elle ne soit pas excessive et ne freine pas l'interdisciplinarité. Quand ils existent, les clivages au sein des établissements empêchent l'émergence d'un projet commun dans l'université. Cela explique souvent la faiblesse stratégique des contrats, qui sont alors la simple traduction des objectifs fixés par la direction de l'enseignement supérieur. Ainsi, les stratégies se ressemblent trop d'une université à l'autre. Là où il pourrait y avoir une politique commune qui renforce chaque composante, par exemple en matière de relations internationales, les UFR, les laboratoires, voire les enseignants-chercheurs eux-mêmes entretiennent des contacts chacun de leur côté de façon dispersée.

Il y a bien entendu de grandes différences dans la gouvernance d'un établissement à l'autre. Quand les équipes présidentielles savent préparer les décisions et convaincre de leur projet, elles trouvent une majorité au conseil d'administration. Certains exemples montrent qu'une université qui a un projet peut faire beaucoup dans le cadre légal.

· Les carences de la gestion budgétaire, comptable et financière

Le budget de l'université ne représente qu'une petite partie de l'ensemble des moyens mis en œuvre dans l'établissement, puisqu'il ne comprend ni la masse salariale des personnels rémunérés par l'État (enseignants-chercheurs et IATOS), ni les dépenses relatives au patrimoine dont l'État est propriétaire, ni les moyens apportés par les organismes de recherche aux laboratoires.

La gouvernance des universités pâtit également d'insuffisances notables en matière de gestion budgétaire et comptable, relevées dans le rapport de la Cour des comptes annexé au présent rapport.

L'application du décret du 14 janvier 1994 relatif au budget et au régime financier des EPSCP a pris énormément de retard. Il avait quatre objectifs : définir des principes communs de gestion, rendre au budget son rôle central, simplifier la réglementation et construire un système d'information et de gestion adapté. Il était complété d'un nouvel outil informatique, Nabuco (nouvelle approche budgétaire et comptable). Ce texte instaure une double présentation du budget : le budget par nature récapitule les recettes et les dépenses conformément au plan comptable des EPSCP ; le budget de gestion présente les dépenses par destination, traduisant les orientations décidées par les conseils. L'instruction M 9-3 (15), entrée en vigueur en 2000, précise le nouveau cadre comptable. Les établissements doivent inscrire leur patrimoine à l'actif du bilan et appliquer l'amortissement de ces biens.

Encore aujourd'hui, tous les établissements ne sont pas totalement en règle avec les principes posés, ce qui va poser des problèmes pour la mise en œuvre de la LOLF (cf. encadré), d'autant que le logiciel Nabuco ne permet pas de réaliser une comptabilité analytique.

Les reports sont souvent pratiqués de façon abusive. Interdits par le décret du 10 décembre 1953, ils sont autorisés depuis le décret de 1994, mais seulement pour les crédits relatifs aux tranches annuelles non exécutées des programmes pluriannuels d'investissement et à des opérations identifiées ayant fait l'objet d'un commencement d'exécution, dans la limite de 10 % de la dotation des chapitres correspondants du budget de l'exercice précédent. La pratique courante des reports s'explique par la sous-consommation des crédits gérés de façon décentralisée dans les différentes unités. Presque toutes les universités reportent de façon automatique les crédits d'une année sur l'autre.

Les pratiques des composantes ne sont pas toujours contrôlées par les services centraux des universités. Il appartient au conseil d'administration de l'université de décider de la mise en réserve de tout ou partie du résultat du compte financier. Il n'existe donc normalement pas de réserve dans un institut ou une école interne (encore moins dans une UFR). Dans la pratique, comme le relève l'IGAENR (16) : « Les différentes entités budgétaires de l'université se reconnaissent comme propriétaires de leurs ressources. [...] Les reliquats budgétaires restent acquis aux centres de responsabilité et aux composantes et sont maintenus en réserves propres, organisant ainsi le saupoudrage des ressources de financement de l'établissement ».

La mise en œuvre de la LOLF dans les universités

La mise en œuvre de la LOLF pour le programme « Formations supérieures et recherche universitaire » a été expérimentée par quatre établissements (les universités de Rennes I, Aix-Marseille III, Orléans et l'Institut national polytechnique de Grenoble, l'INPG), dans le cadre de la loi de finances pour 2005. Du fait de son lancement tardif, l'expérimentation a chevauché la mise en œuvre de la LOLF dans tous les établissements au 1er janvier 2006.

L'audition par la MEC des quatre présidents a montré que l'expérience était une réussite, qu'il y avait eu une bonne collaboration entre les établissements et le ministère, et que, grâce à un effort de pédagogie important, elle avait été bien acceptée dans les universités. Globalement, la prise de conscience et la mobilisation ont été assez fortes. Le surcroît de travail occasionné a été vécu comme un investissement de long terme permettant de progresser dans la capacité de gestion comptable et financière - ou simplement de rattraper les retards, puisque certains présidents ont avoué que leur université n'appliquait pas encore le décret de 1994 ; l'expérimentation leur a permis de progresser sur ce plan. La certification des comptes a permis de mettre fin à certaines pratiques illégales, comme les dettes entre UFR. La mise en œuvre de la LOLF est surtout l'occasion d'organiser un budget en fonction d'une stratégie. Ainsi, M. Jacques Bourdon, ancien président de l'Université Paul Cézanne d'Aix-Marseille III a expliqué au cours de son audition du 23 février : « Alors que le budget de l'université, jusque-là, était dépourvu de stratégie et se limitait à une agrégation des budgets des treize UFR, pour [l'exercice 2005], le conseil d'administration a enfin eu une discussion de fond, non pas sur les moyens consentis par l'État mais sur les objectifs de l'université ».

La LOLF est l'occasion de moderniser les pratiques. La mesure de la performance va obliger les établissements à réaliser un vrai calcul des coûts et mettre en place une comptabilité analytique, afin d'affecter les dépenses par action et de remplir les indicateurs de performance. Le rapport de l'IGAENR sur la mise en œuvre de la LOLF constate un progrès important en matière de relation entre les activités, les coûts et les moyens et en matière de fiabilité de l'information financière.

C'est en matière de dépenses de personnel que la mise en œuvre de la LOLF est la plus délicate. Les universités sont des opérateurs au sens de la LOLF : l'État leur attribue une dotation de titre 3, libre d'affectation. Cependant, la particularité des universités en tant qu'opérateurs est qu'elles n'ont pas la maîtrise de la totalité de leurs dépenses de personnel : les fonctionnaires employés par les universités (personnels enseignants-chercheurs, chercheurs, administratifs et techniques) sont affectés par l'État et rémunérés sur le budget du ministère (dépenses de titre 2). La masse salariale relevant du budget de l'État demeure donc sous la responsabilité de l'administration centrale. En revanche, la masse salariale relevant du budget des établissements est placée sous la responsabilité des opérateurs. Elle comporte notamment les personnels non titulaires précédemment rémunérés sur le budget de l'État (chapitre 31-96 - 4.100 EPTP pour 200 millions d'euros) et une partie des régimes indemnitaires, notamment les indemnités pour charges administratives.

C'est le responsable du budget opérationnel de programme (BOP), le directeur de l'enseignement supérieur, qui peut, sur proposition de l'établissement, mettre en œuvre la fongibilité entre les différentes composantes des rémunérations des personnels d'État après avis du contrôleur financier central - ce qui signifie que la fongibilité asymétrique ne s'applique pas dans les établissements. Certaines universités regrettent de ne pas pouvoir bénéficier de la fongibilité asymétrique à l'intérieur de leur établissement. Ainsi, l'Université de Rennes I a voulu récupérer 60.000 euros qui n'avaient pas été utilisés en fin d'année, mais le ministère les lui a refusés au motif que la fongibilité asymétrique joue au niveau ministériel et non par établissement. Quant au Conservatoire national des arts et métiers, qui bénéficiait, depuis 1953, d'une dérogation pour rémunérer l'ensemble de ses personnels, fonctionnaires compris, il a perdu cette possibilité avec la mise en œuvre de la LOLF ! Le CNAM constate que sa comptabilité analytique a reculé et qu'il a perdu des éléments de connaissance de l'établissement. Quoi qu'il en soit, comme les universités n'ont pas la maîtrise de la gestion de leur personnel, la fongibilité asymétrique appliquée par établissement n'aurait pas de sens.

Pour alimenter le budget de gestion (17), les établissements doivent ventiler les charges de personnel payées par l'État et payées sur leur budget propre. Pour cela, il est nécessaire de connaître l'activité des personnels, afin de rattacher les salaires à telle ou telle destination du budget de gestion. Les universités doivent donc mener des enquêtes, soit auprès des personnels par questionnaires, soit par des fiches de postes s'appuyant sur le principe d'une répartition égale du temps de travail des enseignants-chercheurs entre enseignement et recherche (ce qui ne correspond pas en général à la réalité). Il faut connaître la répartition de l'activité entre les niveaux L, M et D pour la formation. Cette analyse a révélé à certains établissements que la répartition de l'activité de leurs personnels n'était pas optimale.

Quoi qu'il en soit, la mise en œuvre de la LOLF dans les universités demandera du temps. Les universités ne sont pas prêtes en matière de gestion comptable et budgétaire. La comptabilité analytique est encore rudimentaire. L'autre obstacle réside dans les systèmes d'information, ceux de l'État comme ceux des établissements. Les systèmes de l'État et des universités ne s'articulent pas : par exemple, le logiciel Harpège ne dialogue pas avec le logiciel de paye de l'État. L'application de la LOLF ne sera possible que lorsque les universités et le ministère auront mis en place des systèmes d'informations adaptés et compatibles entre eux.

Les carences de la gestion budgétaire, comptable et financière affaiblissent la gouvernance des universités, dans la mesure où celles-ci ne disposent pas des données et des outils de pilotage nécessaires. La mise en œuvre de la LOLF constitue l'occasion de moderniser les pratiques.

Le système universitaire, qui a donc connu des évolutions profondes ces dernières années, peut être amélioré par quelques leviers clés qui devraient permettre de renforcer la gouvernance des universités.

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II.- AGIR SUR QUELQUES LEVIERS PERMETTRAIT D'AMÉLIORER
LA GOUVERNANCE DES UNIVERSITÉS

L'État doit recentrer ses relations avec les universités sur les orientations stratégiques, tout en renforçant leur capacité à assumer l'autonomie.

A.- RENFORCER LA CAPACITÉ DE PILOTAGE DES ÉTABLISSEMENTS

1.- Les structures de gouvernance doivent permettre l'émergence d'un intérêt commun

Pour que l'université puisse se déterminer en tant qu'établissement dont les composantes participent à un même projet, il est nécessaire de renforcer son gouvernement, et en premier lieu son président et son conseil d'administration (18).

L'autonomie des établissements peut se heurter à l'autonomie reconnue aux composantes (UFR, instituts et écoles, départements, laboratoires et centres de recherche). La double légitimité du président et des conseils de l'établissement d'une part, des directeurs de composantes d'autre part, ne permet pas de définir des priorités pour l'université ou de mettre en œuvre des mesures non totalement consensuelles. Or, comme l'explique la Cour des comptes dans sa communication à la commission des Finances, « la possibilité pour chaque université de mener à bien son projet d'établissement, de rendre compte devant toutes les parties prenantes de son exécution et d'en être pleinement responsable suppose que ceux qui en ont la charge aient les moyens de l'établir et d'en conduire les développements en transcendant les intérêts particuliers des diverses unités universitaires ».

Aux termes de l'article L. 712-2 du code de l'éducation, le président est élu par l'ensemble des membres des trois conseils à la majorité absolue de ceux-ci, pour un mandat de cinq ans. Le président n'est pas rééligible pour le mandat suivant. Cette non-rééligibilité, instaurée par la loi de 1968 afin de garantir l'indépendance du président pendant son mandat, n'est toutefois pas sans inconvénients : elle prive l'université de la compétence acquise par son président dans la gestion de l'établissement, elle affaiblit celui-ci par rapport aux directeurs d'UFR et d'instituts dont le mandat est renouvelable, et, surtout, elle empêche de concevoir une politique d'établissement dans la durée. Ainsi, le président qui négocie le contrat quadriennal avec la tutelle ne suivra pas sa mise en œuvre complète et ne rendra pas compte de ses résultats. Enfin, l'instabilité des équipes dirigeantes nuit à la stabilité des relations qu'entretient l'université avec les universités étrangères.

Offrir la possibilité d'un renouvellement du mandat du président permettrait de concilier le renforcement de la gouvernance de l'université avec celui de la démocratie interne, puisque le président aurait à rendre compte de son action à la fin de son premier mandat, s'il en brigue un second. Cette possibilité de renouvellement devrait être laissée au choix du conseil d'administration, par délibération statutaire. Cela permettrait une adaptation à la situation propre de chaque établissement.

Proposition n° 1 : offrir aux conseils d'administration le choix de prévoir dans les statuts le renouvellement possible du mandat du président.

Le recrutement des enseignants-chercheurs est déterminant pour la politique scientifique de l'établissement. Il doit être en cohérence avec les priorités scientifiques de l'université.

Or, les commissions de spécialistes sont organisées par discipline. Il ressort des auditions des syndicats de personnels et d'étudiants que ces commissions sont considérées comme ayant une vision trop étroite de la politique de recrutement. D'après une enquête (19) menée dans 37 universités à partir d'un questionnaire auprès des personnels (enseignants-chercheurs, administratifs et techniques), il ressort de manière écrasante des 1.660 réponses que les commissions de spécialistes sont considérées comme l'acteur déterminant pour le choix des candidats recrutés, qu'il est reconnu une certaine influence aux UFR, mais que celle de l'université est considérée comme faible ou nulle.

Par ailleurs, les considérations locales prennent parfois trop d'importance par rapport aux choix scientifiques. Les recrutements internes dans les universités concerneraient environ 40 % des maîtres de conférence et 55 % des professeurs ; il s'agit d'une moyenne, ces proportions étant extrêmement variables selon les endroits. Parmi les indicateurs prévus dans les contrats d'objectifs conformément à la LOLF, figure le bilan des recrutements internes et externes des professeurs et maîtres de conférence. Il sera donc possible de connaître précisément l'ampleur du phénomène. Le « localisme » est une tendance naturelle : les commissions de spécialistes ayant peu de temps pour examiner les candidatures, elles tendent à choisir des personnes qu'elles connaissent et qu'elles savent fiables. Mais cette habitude ne va pas toujours dans le sens du recrutement des meilleurs dans la spécialité recherchée. Dans de nombreux pays s'applique le principe selon lequel le doctorant ne peut pas être recruté par son université. Ce principe est sain, mais il serait difficile à appliquer, notamment dans les universités les moins attractives.

Le conseil d'administration restreint use très rarement de sa faculté de rejeter la liste proposée par la commission de spécialistes (20). Afin d'affirmer la politique scientifique de l'établissement et de garantir que les recrutements soient en cohérence avec les priorités fixées par le conseil d'administration, vos Rapporteurs estiment que le président devrait pouvoir s'opposer à un recrutement lorsqu'il n'est pas dans l'intérêt de la politique scientifique de l'établissement. Cela ne ferait d'ailleurs qu'aligner les prérogatives du président avec celles des directeurs d'instituts et d'écoles (21).

Proposition n° 2 : aucune affectation ne peut être prononcée si le président de l'université émet un avis défavorable expressément motivé.

L'affirmation de l'autorité du président va de pair avec le renforcement de la démocratie dans l'université : le président doit rendre compte de son action au conseil d'administration.

Le fonctionnement des conseils d'administration a été amélioré par l'assouplissement de la condition de majorité pour les délibérations statutaires. L'article 40 de loi de programme du 18 avril 2006 pour la recherche a remplacé la majorité absolue des membres en exercice requise pour modifier les statuts par « la majorité des deux tiers des membres présents ou représentés, celle-ci représentant au moins la moitié des membres en exercice ». Il y a donc désormais deux critères cumulatifs : la majorité des deux tiers des présents, ces deux tiers devant représenter au moins la moitié des membres du conseil (22). Cela devrait empêcher le blocage des réformes par une minorité de membres.

Le conseil d'administration doit s'affirmer comme pilote de la politique de l'établissement. L'article L. 712-3 du code de l'éducation dispose que « le conseil d'administration détermine la politique de l'établissement, notamment en délibérant sur le contenu du contrat d'établissement. Il vote le budget et approuve les comptes. Il fixe, dans le respect des priorités nationales, la répartition des emplois qui lui sont alloués par les ministres compétents. Il autorise le président à engager toute action en justice. Il approuve les accords et les conventions signés par le président, et, sous réserve des conditions particulières fixées par décret, les emprunts, les prises de participation, les créations de filiales, l'acceptation de dons et legs et les acquisitions immobilières ». Or, trop souvent, les conseils d'administration délibèrent rapidement sur ces questions qui sont pourtant au cœur de leur compétence, pour s'attacher à des problèmes qui relèvent du fonctionnement quotidien de l'établissement. Le premier vice-président de la CPU résume ainsi la situation : « Certains conseils d'administration fonctionnent bien. La difficulté tient au fait qu'il s'agit à la fois de conseils d'administration et de comités d'entreprise, ce qui est particulièrement ennuyeux pour les personnalités extérieures » (23).

Les délibérations du conseil d'administration doivent être recentrées sur les questions stratégiques. À cet effet, le président de l'université devrait présenter au conseil chaque année un rapport retraçant l'activité de l'université. Ce rapport comprendrait un bilan de l'activité de chaque composante, ainsi que l'évaluation des enseignements et de la formation telle qu'elle est prévue par l'article 23 de l'arrêté du 9 avril 1997 relatif au DEUG, à la licence et à la maîtrise.

Proposition n° 3 : renforcer le conseil d'administration comme lieu du débat sur les questions stratégiques ; chaque année, le président de l'université présente un rapport d'activité qui comprend notamment les rapports d'activité de chaque composante ainsi que l'évaluation des enseignements et de la formation ; la présentation de ce rapport donne lieu à un débat.

Il est apparu à vos Rapporteurs, lors des auditions qu'ils ont menées, que le mode de scrutin prévu pour les élections aux conseils était critiqué par la plupart des représentants de la communauté universitaire comme nuisible à l'intérêt général des établissements. Ainsi, Mme Lise Dumasy, membre du bureau du SNESup, expliquait : « Du fait de notre mode d'élection, nous sommes souvent élus pour représenter notre UFR, et il arrive que les questions d'ordre général ou stratégique passent au second plan » (24). Le mode de scrutin prévu par l'article L. 719-1 pour tous les membres des conseils, en dehors des personnalités extérieures, est un scrutin de liste à un tour avec représentation proportionnelle au plus fort reste, panachage et possibilité de listes incomplètes - les représentants des étudiants sont élus selon les mêmes modalités mais sans panachage. Cette possibilité de panachage est très critiquée, car elle favorise les logiques de personnes par rapport aux logiques de projets, comme le regrette Mlle Sophie Binet, représentante de l'UNEF, lors de l'audition du syndicat : « le fait de pouvoir modifier l'ordre des candidats fait sortir d'une logique politique pour aller vers des logiques individuelle ou corporatiste ». De même, un membre du SGEN estime que le panachage « encourage à [leurs] yeux la dérive facultaire, car il suffit, dans les différents collèges, qu'un petit groupe de personnes s'entende pour bloquer toute réforme. Une proportionnelle sans panachage serait préférable » (25). Ce large consensus conduit vos Rapporteurs à la proposition suivante.

Proposition n° 4 : en vue de constituer des équipes cohérentes, supprimer la possibilité de panachage des listes aux élections aux conseils.

L'amélioration de la gouvernance des universités passe aussi par le renforcement des compétences des instances dirigeantes en la matière. Les auditions de la Mission ont révélé le manque de formation administrative, financière et comptable des personnes qui exercent des fonctions électives au sein des établissements. Ainsi, lors de son audition, M. Yannick Vallée, premier vice-président de la CPU, a avoué : « un président d'université « débarque » un peu quand il se fait élire. Pour ma part, je suis chimiste et, quand je suis arrivé, mes compétences en gestion financière étaient nulles, comme celles de nombreux collègues ». Or la formation des directeurs d'UFR, comme celle des présidents d'université, est indispensable au bon fonctionnement d'un établissement. Il est nécessaire également que les membres des conseils soient formés aux bases de la gestion administrative, comptable et financière.

Des progrès ont été accomplis ces dernières années. Ainsi, l'École supérieure de l'éducation nationale (ESEN) propose une formation aux directeurs d'UFR, en partenariat avec la CPU et l'AMUE. Même si les universités disposent de services techniques compétents, il est nécessaire que les dirigeants aient quelques notions dans ces domaines.

Proposition n° 5 : offrir une formation administrative, comptable et financière à tous les membres des conseils, au président, et aux directeurs d'UFR, dans le cadre de l'ESEN.

Enfin, il conviendrait de doter la Conférence des présidents d'universités (CPU) d'un statut. Actuellement, cette conférence qui n'a pas d'autonomie juridique est un service de l'État, présidé par le ministre chargé de l'enseignement supérieur. Son budget est géré par l'Agence de mutualisation des universités (AMUE), groupement d'intérêt public (GIP) chargé d'organiser la coopération entre les établissements membres en vue d'améliorer la qualité de leur gestion. Parallèlement, les statuts de l'AMUE prévoient sa dépendance de fait de la CPU qui détient la majorité à son conseil d'administration : outre le premier vice-président de la CPU qui est membre de droit, cinq membres sur dix sont proposés par la CPU. Cette situation juridique n'est pas cohérente.

Afin que la CPU constitue un interlocuteur indépendant vis-à-vis du ministère, des universités étrangères ou d'autres institutions, vos Rapporteurs suggèrent de créer un GIP entre les universités. À cette occasion, il faudrait intégrer (AMUE) dans le même GIP. Cela permettrait de clarifier et de simplifier le dispositif. En tant que GIP, la CPU jouirait à la fois de l'autonomie budgétaire et d'une personnalité juridique.

Proposition n° 6 : doter la Conférence des présidents d'université (CPU) d'une autonomie juridique et budgétaire en un faisant un groupement d'intérêt public (GIP), qui reprendrait les missions de l'AMUE.

2.- Améliorer la gestion administrative, budgétaire, comptable et financière

· Renforcer les compétences au sein des universités

Dans le rapport qu'elle a remis à la commission des Finances, la Cour des comptes recommande une amélioration significative de la compétence de gestion des universités. « Seule la réunion de compétences reconnues permettrait de remédier aux insuffisances les plus notables : faible signification des comptes, procédures budgétaires peu efficaces, maîtrise insuffisante de la gestion financière, contrôles internes défaillants, patrimoine immobilier dispersé et trop souvent en mauvais état, absence de gestion prévisionnelle des personnels enseignants et non-enseignants ».

Le secrétaire général, nommé par le ministre de l'éducation nationale sur proposition du président, est, sous l'autorité de celui-ci, chargé de la gestion de l'établissement (26). Il n'exerce de pouvoirs que par délégation du président. Il intervient dans tous les domaines de la gestion de l'université. Il participe à l'élaboration et à la mise en œuvre de la politique d'établissement et exerce une fonction de conseil auprès du président. Il est responsable de l'ensemble des services administratifs et techniques. Il anime et participe à de nombreuses instances (conseils, commissions) et entretient des relations externes à l'établissement. Il exerce ses fonctions en lien étroit avec les vice-présidents, les directeurs adjoints, les chargés de missions et autres élus.

Pourtant, les secrétaires généraux ne bénéficient pas d'un déroulement de carrière à la hauteur des responsabilités dont ils sont chargés. Le décret n° 2001-283 du 29 mars 2001 fixant les conditions de nomination et d'avancement des secrétaires généraux d'université a permis de revaloriser cette fonction, élargissant le vivier de recrutement des secrétaires généraux : l'article 4 dispose que peuvent être nommés secrétaires généraux les fonctionnaires des corps recrutés par la voie de l'École nationale d'administration. Actuellement, environ 15 à 20 % des secrétaires généraux n'appartiennent pas à l'administration de l'éducation nationale. Outre des administrateurs civils, on trouve quelques administrateurs territoriaux. Les conditions de rémunération ont également été améliorées.

Cependant, les auditions de la Mission ont montré que la situation des secrétaires généraux n'était toujours pas satisfaisante. Il s'agit surtout d'un problème culturel, la fonction n'étant pas suffisamment valorisée pour la suite de la carrière.

Proposition n° 7 : valoriser davantage la fonction de secrétaire général, en prenant mieux en compte le niveau des responsabilités assumées par celui-ci dans le déroulement de sa carrière.

La gestion de l'université ne repose pas tout entière sur le secrétaire général. Celui-ci doit pouvoir s'appuyer sur des services administratifs solides et compétents, ce qui n'est pas toujours le cas. Lors de son audition, M. François Paquis, président de l'Association des secrétaires généraux d'universités, a déploré l'insuffisance de l'encadrement administratif des universités, « notamment parce que les emplois fonctionnels autour du secrétaire général sont en nombre trop restreint voire inexistants : les universités du groupe 1 - les plus grandes - ont un poste de secrétaire général adjoint ; les plus petites ne disposent que de postes de conseillers administratifs, ce qui limite le choix. Pour structurer de façon satisfaisante l'équipe administrative centrale, il faudrait créer deux emplois de secrétaires généraux adjoints sur des postes fonctionnels, un pour les finances et un pour la gestion des ressources humaines » (27).

Faute d'un encadrement administratif suffisant, les enseignants s'investissent trop dans la gestion de l'établissement. Certains regrettent que les vice-présidents jouent trop le rôle de directeurs de service, ce qui empêche les cadres administratifs de s'épanouir dans leurs fonctions. Dans la plupart des pays développés comparables à la France, le rapport entre personnels académiques (enseignants-chercheurs et chercheurs) et personnels d'appui à la recherche et à l'administration (IATOS et ITA) est de 1 pour 2 alors qu'il est de 2 pour 1 en France, comme le faisait remarquer M. Gilbert Béréziat, ancien président de l'Université Pierre et Marie Curie, lors de son audition devant la Mission (28). En outre, parmi les personnels administratifs et techniques, il y a seulement 25 % de cadres A.

Le fait que l'agent comptable exerce souvent la fonction de chef des services financiers (29) - dans 60 à 70 % des établissements, selon M. Pierre Dumaz, président de l'Association des agents comptables d'universités - est révélateur du manque de cadres aptes à exercer des fonctions de direction. Il arrive également que le ministère affecte dans un établissement une personne qui ne correspond pas au profil demandé par l'université. C'est ainsi qu'une université qui avait demandé un directeur des ressources humaines a vu arriver un agent comptable de collège.

Proposition n° 8 : augmenter le nombre de cadres administratifs A et A+ dans les universités, pour exercer des fonctions de direction (finances, contrôle de gestion, ressources humaines, bibliothèques, etc.).

Enfin, au-delà des cadres dirigeants des universités, il est nécessaire de renforcer les compétences de l'ensemble des cadres administratifs en matière de comptabilité et de finance, en offrant une formation continue à tous.

L'École supérieure de l'éducation nationale (ESEN) a déjà beaucoup élargi le champ des formations proposées ces dernières années, proposant notamment des formations aux directeurs d'UFR, ou aux secrétaires généraux prenant leurs fonctions. Elle propose également des formations thématiques pour les cadres administratifs. Cependant, elle n'a pas les moyens d'assurer l'accès de tous les cadres administratifs à ses modules de formation.

Pour cela, il faudra augmenter les moyens de l'ESEN. Cette école n'a pas vocation à accueillir tous les cadres administratifs dans ses locaux, ce qui serait trop lourd et trop coûteux. Mais il est important que certaines formations soient données à son siège de Poitiers, afin de créer un brassage et une culture commune. Parallèlement, l'ESEN doit devenir un animateur de réseau, organisant des formations dans les universités. L'école est d'ailleurs déjà sur cette voie, puisqu'elle a créé trois masters de management de l'enseignement supérieur (à Poitiers, Lille I et Marne-la-Vallée) et qu'elle met à disposition des formations en ligne.

Proposition n° 9 : offrir une formation continue obligatoire à tous les cadres administratifs en renforçant l'ESEN.

· Moderniser les outils de gestion

L'application de la LOLF dans les universités, opérateurs, exige l'établissement d'un budget global, c'est-à-dire qui prenne en compte l'ensemble des moyens mis en œuvre pour l'établissement. La présentation de l'ensemble de ces moyens est donc un préalable impératif.

L'article L. 719-5 du code de l'éducation dispose qu'une annexe au budget doit présenter l'ensemble des emplois budgétaires et des moyens hors budget dont bénéficie l'établissement. Selon l'IGAENR, cette disposition est très rarement appliquée. Or, ce document qui permet la présentation d'un budget consolidé est indispensable à la comptabilisation des coûts complets. Pourtant, ni l'instruction comptable M 9-3, ni aucune circulaire ne précise le périmètre et la méthodologie de calcul de ces emplois hors budget. La tutelle doit indiquer aux établissements comment respecter cette obligation.

Si les établissements connaissent en général les emplois budgétaires et la masse salariale des personnels rémunérés par l'État, ils n'intègrent dans les moyens hors budget ni les opérations immobilières à maîtrise d'ouvrage autre que l'établissement, ni les moyens apportés par les grands organismes de recherche aux unités mixtes, ni les contrats de recherche des unités gérés par les organismes. C'est d'autant plus dommageable que le décret modifiant le régime financier et comptable des EPST impose symétriquement à ceux-ci de dresser un bilan des moyens apportés par leurs partenaires dans les unités mixtes.

Cette absence de budget consolidé présente de nombreux inconvénients. Elle rend difficile le calcul des coûts complets nécessaires pour les contrats européens, mais aussi au regard du droit de la concurrence ou du droit fiscal. Elle ne permet pas aisément aux universitaires locaux de percevoir le poids réel de l'université, ce qui affaiblit leur capacité de négociation vis-à-vis de leurs interlocuteurs. Aucun budget ne devrait pouvoir être adopté sans l'annexe présentant l'ensemble des emplois budgétaires et des moyens hors budget dont bénéficie l'établissement.

Tant que les universités ne disposeront pas d'un logiciel informatique adapté, elles ne pourront pas produire une comptabilité analytique fiable. Or, celle-ci est indispensable à la mise en œuvre de la LOLF. La Cour des comptes rappelle qu'en raison de la carence des comptabilités analytiques, les universités ne sont pas en état de présenter de façon fiable leurs budgets et leurs comptes au format requis par la LOLF, ni de justifier leurs demandes de crédits au premier euro.

Il n'existe aucun obstacle technique à l'élaboration ou l'acquisition d'un tel système d'information. Il ressort de nos auditions que les blocages viennent plutôt d'une mauvaise volonté partagée entre le ministère et les établissements.

L'Agence de mutualisation des EPSCP (AMUE) (30) est chargée de développer un logiciel remplaçant l'actuel logiciel comptable, Nabuco. Ce groupement d'intérêt public créé en 1992, s'est doté d'une fonction d'éditeur pour créer des logiciels « maison », comme Nabuco, Apogée et Harpège. Toutes les universités ne les ont pas adoptés. Nabuco met en place une comptabilité par destination, mais n'est pas assez performant pour produire une comptabilité analytique fiable. L'AMUE travaille à un logiciel de remplacement qui sera prêt en 2008, et dont elle ne sera pas l'éditeur. Vos Rapporteurs souhaitent que dans un cadre juridique rénové, la CPU et l'agence (cf. proposition n° 6) mobilisent rapidement les moyens nécessaires pour mettre en place des systèmes d'information permettant la comptabilité analytique et le contrôle de gestion, tous compatibles entre universités, pour permettre l'application de la LOLF.

Proposition n° 10 : mobiliser les moyens nécessaires pour mettre en place des systèmes d'information permettant la comptabilité analytique et le contrôle de gestion ; ils doivent être tous compatibles entre universités pour permettre l'application de la LOLF.

La comptabilité analytique est un outil de pilotage ; elle permet notamment de réaliser un contrôle de gestion. Certaines universités disposent d'un tel service. Toutes les universités d'une certaine taille devraient s'en doter. Il doit s'agir d'un service particulier, car le contrôle de gestion ne se résume pas aux finances mais couvre aussi les ressources humaines.

Puisque les universités ne sont pas soumises à un contrôle a priori de leurs décisions, en vertu du principe d'autonomie, il est indispensable que les établissements mettent en place des services de contrôle internes.

Proposition n° 11 : instaurer un service de contrôle de gestion dans toutes les universités.

· Assurer le contrôle de légalité

Les recteurs doivent s'assurer du respect de la légalité par les universités. La plupart des actes et décisions des universités sont exécutoires sans approbation a priori de l'autorité de tutelle. Seules les délibérations des conseils d'administration relatives aux emprunts, prises de participation et créations de filiales y sont soumises (31). Le contrôle exercé par les recteurs, chanceliers des universités, est un contrôle de légalité qui s'apparente à celui exercé par les préfets sur les collectivités territoriales : c'est un contrôle a posteriori qui ne porte pas sur l'opportunité des décisions, mais seulement sur leur légalité. Il n'a pas la faculté d'annuler les actes des organes des EPSCP, mais de les déférer au tribunal administratif.

En matière de contrôle budgétaire, la tutelle garde une capacité d'intervention importante. Les projets de budget et de budget de gestion sont communiqués au recteur au moins 15 jours avant leur présentation devant le conseil d'administration. Le recteur peut décider que le budget est soumis à son approbation dans trois hypothèses : s'il n'est pas en équilibre réel, s'il ne respecte pas l'affectation des moyens alloués ou s'il n'ouvre pas les crédits nécessaires au respect des obligations et engagements de l'établissement. En cas de refus d'approbation, le conseil d'administration est à nouveau saisi. Si les difficultés persistent, ou si le budget n'est pas exécutoire le 1er mars, celui-ci est arrêté par le recteur (32). Lorsque l'ordonnateur ne procède pas à l'engagement des dépenses obligatoires, le chancelier peut, après mise en demeure restée sans effet, se substituer à lui pour y procéder d'office.

Dans les faits, le contrôle budgétaire du recteur est peu exercé. Le rapport de l'IGAENR de juin 2001 sur le contrôle de légalité des EPSCP montre que le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire est exercé de manière très inégale et très insuffisante. Les illégalités relevées sont nombreuses, dans le fonctionnement institutionnel, dans le domaine de la scolarité, dans la gestion des personnels non enseignants, et dans la gestion budgétaire, comptable et financière.

Le principe d'autonomie a introduit un mode de relations diplomatiques entre la tutelle et les universités. Le ministère a beaucoup moins valorisé la surveillance réglementaire que le partenariat. Mais l'autonomie des établissements doit s'exercer dans le cadre du service public national de l'enseignement supérieur et de la recherche, sous le contrôle du législateur et du pouvoir réglementaire. Le contrôle de légalité doit s'exercer de façon homogène sur le territoire national.

En outre, les universités réclament davantage d'aide en matière juridique. Ainsi, les agents comptables se sont plaints de l'absence de soutien du côté des rectorats et de la direction générale de la comptabilité publique. Les recteurs ont un rôle de conseil à jouer auprès des universités. Bien souvent il suffit qu'une lettre d'observation soit envoyée à l'établissement pour mettre un terme à une illégalité.

À la suite du rapport de l'inspection générale sur le contrôle de légalité, une circulaire a été adressée le 5 mars 2002 à tous les recteurs pour leur rappeler leur rôle en tant que chanceliers des universités. La circulaire relève certains domaines sur lesquels les recteurs doivent être particulièrement vigilants (en matière budgétaire, les amortissements, provisions et réserves ; les statuts ; la régularité des délégations de signature ; la passation des marchés publics ; les contributions complémentaires aux droits d'inscription ; les concessions de logement ; le recrutement des personnels contractuels). Par ailleurs, elle insiste sur l'application du contrôle de légalité. Une nouvelle délibération du conseil d'administration doit être demandée dès que nécessaire. Les recteurs sont invités à s'inspirer du contrôle de légalité exercé par les préfets sur les collectivités locales, en adressant une lettre d'observation au président de l'établissement en cas d'illégalité relevée. Enfin, en cas d'échec du recours gracieux, les recteurs doivent déférer devant le tribunal administratif tout acte entaché d'illégalité.

Toutefois, il semble que la situation n'ait pas fondamentalement changé depuis 2002. L'exercice du contrôle de légalité est toujours insuffisant. Le ministère devrait contrôler davantage son application par les recteurs, qui pourraient en rendre compte dans un rapport annuel d'activité.

Proposition n° 12 : les recteurs remettront chaque année un rapport au ministre justifiant de leur action en matière de contrôle de légalité et de contrôle budgétaire en tant que chanceliers des universités.

3.- Donner aux universités davantage de leviers de gestion

Le renforcement de la gouvernance des universités passe par une meilleure prise en compte de la gestion des ressources humaines au sein des établissements.

Les établissements et l'État employeur ne connaissent pas la répartition du temps de travail de chaque enseignant-chercheur. La norme fixée, celle d'une répartition égale entre-temps de recherche et temps d'enseignement, ne tient pas compte des autres tâches effectuées par les enseignants-chercheurs : tâches administratives, encadrement d'une équipe, suivi des stages et des formations en alternance, diffusion de la culture scientifique et technique, valorisation de la recherche, recherche de partenariats pour les laboratoires, relations internationales, etc. En outre, tous les enseignants ne répartissent pas leur temps de travail de manière égale entre enseignement et recherche, loin s'en faut ; certains se consacrent à l'enseignement. Le rapport remis par la Cour des comptes à la commission des Finances relève qu'en moyenne un enseignant-chercheur sur quatre ne publie jamais dans une revue scientifique, d'après les enquêtes de la mission scientifique, technique et pédagogique (MSTP). À l'inverse, certains jeunes enseignants-chercheurs peuvent souhaiter donner la priorité à leurs travaux de recherche.

La diversification des formations universitaires a entraîné une diversification du métier d'enseignant-chercheur et l'apparition de tâches pédagogiques qui n'étaient pas prévues dans la définition réglementaire des heures de service (par exemple le suivi des stages). Du coup, la notion de charge d'enseignement ne correspond plus à une norme nationale et la prise en compte des nouvelles activités pédagogiques donne lieu à des traitements différents (33) : intégration dans les charges d'enseignement, ou décharges, ou encore heures complémentaires, etc.

La connaissance du partage du temps de travail permettrait une gestion plus active des ressources humaines de l'université, et une meilleure répartition des emplois entre les composantes et entre les différents niveaux de formation - les premiers cycles manquent d'encadrement pédagogique. C'est pourquoi vos Rapporteurs souhaitent voir mise en œuvre la proposition du rapport rédigé en 2001 par M. Éric Espéret sur une nouvelle définition des tâches des enseignants et enseignants-chercheurs, et reprise par la Cour des comptes : chaque enseignant passerait avec l'établissement dans lequel il est affecté un contrat pluriannuel définissant les charges de différentes natures qu'il assumerait dans son service (charges au service de la recherche, de la formation, sous ses différentes formes, de l'animation et de la gestion de l'établissement). Le total statutaire des charges à assurer, dans tous les cas, correspondrait à une référence (volume horaire), mais permettrait une compensation entre les années du contrat sur les différents types de charges, voire entre les personnes dans certaines situations choisies.

Proposition n° 13 : introduire un contrat de service pluriannuel entre l'université et chaque enseignant-chercheur, prévoyant la répartition de son temps de travail entre enseignement, recherche et autres tâches (administratives, suivi des stages, diffusion de la culture scientifique et technique, recherche de partenariats, etc.).

Les primes constituent un autre levier de la gestion des ressources humaines. Les primes pour charges administratives et les primes pédagogiques sont globalisées et, depuis 2002, inscrites aux budgets des établissements. La liste des bénéficiaires est arrêtée par le conseil d'administration. En revanche, la prime de recherche et d'encadrement doctoral est centralisée. Cela empêche la politique scientifique de l'établissement de s'exprimer dans leur allocation. Afin de rapprocher la gestion des ressources humaines de l'université, il conviendrait d'intégrer l'ensemble des primes dans le budget des universités, comme le propose l'IGAENR.

Proposition n° 14 : rapprocher le régime des primes de recherche et d'encadrement doctoral de celui des autres primes, en intégrant l'ensemble des primes (IATOSS et enseignants-chercheurs) dans le budget des universités.

La maîtrise du patrimoine constitue un autre levier important de gestion. L'instruction M 9-3 impose que le patrimoine soit inscrit à l'actif du bilan de l'université. Cela suppose qu'il soit connu, évalué et amorti. Mais la propriété du patrimoine des universités est dispersée : majoritairement détenus par l'État, les bâtiments appartiennent parfois aux collectivités territoriales, ou aux universités elles-mêmes.

Or, les présidents d'universités sont pénalement responsables de ce qui se passe dans leurs établissements, en terme d'hygiène et sécurité ; autrement dit, ils ont les obligations d'un propriétaire, sans en avoir les moyens, ni les avantages.

Avoir la propriété du patrimoine inciterait les universités à mieux le gérer, notamment en terme d'utilisation des locaux. Cela leur offrirait également la possibilité de le valoriser.

Proposition n° 15 : le patrimoine peut être dévolu aux universités, sur la base du volontariat, sous réserve d'une « dotation globale de transfert » accordée à l'université, tenant compte de l'état du patrimoine après expertise contradictoire.

L'attractivité des universités passe par une concentration de leurs forces. Le classement réalisé par l'Université de Shanghai, même s'il s'appuie sur des critères contestables, n'en a pas moins révélé que les universités françaises n'étaient pas suffisamment lisibles au plan mondial, et que le potentiel de recherche de chacune prise isolément était trop faible. Les universités multiplient les initiatives de rapprochement entre elles, au point d'évoquer ouvertement des fusions dans certains cas. Il faut soutenir le mouvement, bien amorcé, de coopération entre les établissements d'enseignement supérieur, en particulier autour de sites géographiques.

L'article 5 de la loi de programme du 18 avril 2006 pour la recherche a fixé un cadre pour ces rapprochements, à travers les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES). Les établissements de recherche et d'enseignement supérieur « peuvent décider de regrouper tout ou partie de leurs activités et de leurs moyens, notamment en matière de recherche, dans un pôle de recherche et d'enseignement supérieur afin de conduire ensemble des projets d'intérêt commun. Ces établissements ou organismes peuvent être français ou européens ».

« Les PRES sont créés par convention entre les établissements et organismes fondateurs. D'autres partenaires, en particulier des entreprises et des collectivités territoriales ou des associations, peuvent y être associés. Ces pôles peuvent être dotés de la personnalité morale, notamment sous la forme d'un groupement d'intérêt public, d'un établissement public de coopération scientifique (...) ou d'une fondation de coopération scientifique ».

La formation de ces PRES doit être encouragée. De nombreux facteurs incitent à une mutualisation des compétences. Le développement des collaborations contractuelles avec les collectivités territoriales, la préparation des exercices de programmation liés à l'aménagement du territoire (contrats de plan État-régions, pôle de compétitivité, schémas régionaux de recherche et d'enseignement supérieur) incitent les universités à définir une stratégie commune face à leurs partenaires.

Par ailleurs, la multiplication des activités de valorisation et de transfert et la participation à des programmes européens leur impose d'avoir des compétences techniques de plus en plus pointues, notamment en matière de fiscalité, de propriété industrielle ou de négociation de contrats. Compte tenu de la rareté de ces compétences, il peut être intéressant de les mutualiser, soit entre universités d'un même site, soit avec les organismes de recherche comme c'est le cas à Poitiers avec une cellule de valorisation unique sur le site. De même, les incubateurs existant en région associent souvent l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur, les organismes de recherche et les collectivités territoriales. Les services des relations internationales pourraient également être mutualisés dans les PRES. Chacune des universités du PRES bénéficierait ainsi de la notoriété collective au plan international.

Enfin, les universités gagnent à être pluridisciplinaires, pour attirer les meilleurs élèves, qui souhaitent bénéficier d'une formation générale. Les échanges intellectuels sont propres à enrichir à la fois les disciplines scientifiques et les sciences humaines. Ainsi, les PRES doivent conduire au minimum à une présentation coordonnée de l'offre de formation et de recherche des universités d'un même site. Dans le meilleur des cas, les PRES pourraient aboutir à des fusions entre universités d'un même territoire.

Toutefois, il est important que les PRES ne constituent pas une structure administrative supplémentaire, qui complexifierait le système. Les PRES doivent être gérés par les conseils d'administration des établissements membres. La mutualisation des compétences au sein des PRES doit être encouragée, notamment financièrement. Les contrats doivent prévoir des dotations supplémentaires en échange du regroupement de compétences.

Proposition n° 16 : inciter au regroupement des compétences dans le cadre des PRES, sous la responsabilité des conseils d'administration des universités concernées, moyennant une majoration du contrat des universités participantes.

B.- FONDER LES RELATIONS DES UNIVERSITÉS AVEC L'ÉTAT SUR UNE VISION STRATÉGIQUE

1.- Les contrats doivent traduire une stratégie ; l'évaluation doit en contrôler l'efficacité

L'amélioration des performances de l'enseignement supérieur universitaire passe d'abord par l'augmentation globale des moyens. Les ressources consacrées à l'université sont insuffisantes, au regard des dépenses des autres pays occidentaux.

Une fois ce préalable établi, une utilisation plus efficace des ressources est possible, moyennant une meilleure allocation des moyens. Le contrat qui lie l'État et chaque université doit être le socle du projet de l'établissement. Les dépenses doivent être liées à des objectifs, et leur exécution évaluée.

La dotation globale de fonctionnement (DGF) doit prendre en compte les contraintes auxquelles sont soumis les établissements. Trop complexe, et critiqué par tous, le système analytique de répartition des moyens entre les établissements (SAN REMO) doit être remplacé. Le rapport de la Cour des comptes annexé au présent rapport détaille les effets pervers de ce système. Elle souhaite que les modes de calcul actuels, qui reposent sur des critères forfaitaires, soient remplacés par une répartition fondée sur des coûts réels.

Les principales contraintes à prendre en compte sont le nombre d'étudiants en inscriptions pédagogiques, le nombre de boursiers, ainsi que la nature de l'offre (le type de diplômes préparés). SAN REMO prend bien entendu en compte le nombre d'étudiants, mais en fonction des inscriptions administratives de l'année précédente, et non des inscriptions pédagogiques. Ces dernières traduisent pourtant plus justement les étudiants qui suivent effectivement les formations. Cela conduit à des pratiques généralisées d'inscriptions administratives sans intention de suivre une formation (l'inscription à l'université permet de bénéficier de la sécurité sociale étudiante, de conventions de stage ou encore des diverses réductions étudiantes ; la plupart des élèves inscrits en classe préparatoire sont inscrits parallèlement à l'université afin d'obtenir une équivalence). Les universités n'ont aucun intérêt à limiter cette pratique, puisque leur dotation est fonction du nombre d'inscrits. Comme la pratique est variable selon les filières et selon les établissements, elle crée des distorsions très importantes entre universités, qu'il convient de supprimer. La notion d'inscription pédagogique ne recouvre pas forcément les mêmes réalités d'une université à l'autre, mais il serait utile de la normaliser afin de prendre en compte le nombre d'étudiants qui nécessitent un encadrement dans la DGF.

Proposition n° 17 : remettre à plat le système de calcul de la DGF, en prenant en compte les contraintes et les coûts réels supportés.

L'État, qui fixe les grandes orientations de la politique d'enseignement supérieur et de recherche, doit avoir moyen de peser à travers l'affectation des dotations. De leur côté, les universités doivent se retrouver autour d'un projet commun, fondé sur une stratégie claire, avec des priorités hiérarchisées qui structurent le contrat. La portée des contrats est aujourd'hui encore trop faible pour être le socle de la politique de l'établissement. En moyenne, ils ne dépassent pas 20 % du budget, si bien qu'ils ne peuvent être l'élément central de la stratégie de l'université. Pour que le contrat constitue un levier efficace dans la gestion de l'université, sa part devrait être augmentée.

Proposition n° 18 : augmenter la part du contrat dans le budget des établissements.

La durée des contrats, fixée à quatre ans, constitue aujourd'hui une autre faiblesse. D'une part, ils sont très souvent signés avec plus d'un an de retard, si bien qu'ils s'appliquent finalement pendant moins de trois ans. D'autre part, cette période très courte ne permet pas de voir des projets mis en œuvre et se traduire par des résultats. Dans une organisation complexe comme une université, un projet stratégique ne peut être limité à quatre ans. Ainsi, vos Rapporteurs proposent que la durée des contrats soit de six ans.

Proposition n° 19 : porter la durée du contrat de quatre à six ans.

La politique contractuelle vise à responsabiliser les équipes présidentielles. Les moyens sont accordés par l'État sur projet ; la contrepartie de l'attribution des moyens doit être l'évaluation. Or, actuellement, les contrats ne sont pas évalués avant d'être renouvelés. Non que les universités ne soient jamais contrôlées, au contraire. Mais les évaluations ne sont pas directement liées à l'exécution des contrats. Le Comité national d'évaluation (CNE) n'a pas les moyens d'évaluer tous les contrats au moment de leur renouvellement. Les indicateurs prévus dans les contrats ne sont pas reliés à des indicateurs cibles nationaux, et les résultats atteints n'exposent l'université à aucun risque. Or, s'il n'y a pas d'engagement réciproque, il ne s'agit plus d'un contrat mais d'une simple programmation budgétaire pluriannuelle. C'est pourquoi vos Rapporteurs souhaitent qu'un contrat ne puisse pas être signé sans que le précédent n'ait été évalué.

L'évaluation doit être externe, indépendante des évalués et des décideurs. Elle devra donc être réalisée par le CNE au sein de la nouvelle Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) (34), puisque l'un comme l'autre sont des autorités administratives indépendantes. On pourra ajouter cette disposition à l'article L. 711-1 issu de la loi de programme du 18 avril 2006 pour la recherche, qui dispose que l'État tient compte des évaluations de l'agence pour déterminer les engagements financiers qu'il prend dans le cadre du contrat. Par ailleurs, l'évaluation de tous les contrats suppose une augmentation des moyens du CNE, qui n'évalue actuellement que douze à quinze établissements par an.

Les contrats doivent fixer des indicateurs de performance spécifiques pour chaque université et pour chaque discipline, ainsi que le niveau qui doit être atteint. En effet, l'État ne peut pas exiger de tous les établissements les mêmes objectifs et résultats.

Enfin, le contrat doit apporter la garantie que les évaluations des enseignements sont réalisées, selon les principes fixés par l'article 23 de l'arrêté du 9 avril 1997 relatif au DEUG, à la licence et à la maîtrise, qui dispose : « Pour chaque cursus, est organisée une procédure d'évaluation des enseignements et de la formation. Cette évaluation, qui prend en compte l'appréciation des étudiants, se réfère aux objectifs de la formation et des enseignements. Cette procédure, garantie par une instruction ministérielle, a deux objectifs. Elle permet, d'une part, à chaque enseignant de prendre connaissance de l'appréciation des étudiants sur les éléments pédagogiques de son enseignement. Cette partie de l'évaluation est destinée à l'intéressé. La procédure permet, d'autre part, une évaluation de l'organisation des études dans la formation concernée, suivie pour chaque formation par une commission selon des modalités définies par le conseil d'administration de l'établissement, après avis du conseil des études et de la vie universitaire. Cette commission, composée par le président de l'université après avis du conseil des études et de la vie universitaire, comprend un nombre égal de représentants élus des étudiants et d'enseignants-chercheurs ou d'enseignants. Ces procédures d'évaluation sont organisées dans le respect des dispositions de la loi du 26 janvier 1984 et des statuts des personnels concernés ». Actuellement, l'évaluation des enseignements se fait au travers de questionnaires principalement à destination des étudiants, et qui portent sur l'organisation de la formation plus que sur les enseignements proprement dits. Ils concernent aussi, dans une moindre mesure, le fonctionnement de l'université. Cependant, la pratique en matière d'évaluation est encore très inégale bien que des progrès importants soient notés chaque année.

L'évaluation des formations fait partie de la revalorisation de la fonction enseignement. Aujourd'hui, les enseignants-chercheurs sont souvent évalués sur leurs travaux de recherche, mais très peu sur leur activité d'enseignants. Du coup, celle-ci est très mal prise en compte dans l'évolution de leur carrière. Ainsi le résumait lors de son audition le président de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), M. Jean-François Martins : « Nous avons rencontré des enseignants-chercheurs qui ont passé cinq à dix ans de leur vie à diriger une UFR, à monter des masters de qualité et des processus pédagogiques, mais qui ont du coup moins publié que leurs collègues et dont la carrière a moins progressé. Or je ne crois pas que ces enseignants soient moins utiles à l'université que ceux qui font de la recherche » (35). Une partie de l'évaluation des enseignements peut être fondée sur l'autoévaluation, comme cela se pratique dans de nombreuses universités étrangères, comme celle de Lausanne.

Proposition n° 20 : un nouveau contrat ne peut être signé sans que le précédent ait été évalué par l'Agence de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur. Les contrats fixent des indicateurs de performance spécifiques pour chaque université et pour chaque discipline, ainsi que le niveau qui doit être atteint. Le contrat doit apporter la garantie que les évaluations des enseignements sont réalisées.

Les UFR sont essentielles pour le fonctionnement de l'université, comme structure intermédiaire de gestion. Mais aujourd'hui, leurs contours ne correspondent souvent plus ni à un domaine de recherche ni à un domaine de formation. Une partie de leurs compétences en matière de recherche a déjà été transférée aux écoles doctorales. La mise en place du système LMD a transféré certaines de leurs compétences en matière d'enseignement à des responsables de formation (licences ou masters) pouvant couvrir plusieurs UFR. Par ailleurs, de moins en moins de professeurs acceptent la charge de directeur d'UFR, lourde et mal reconnue. Or, l'université a besoin de managers intermédiaires, tout en évitant les logiques féodales. Ils doivent participer à une réflexion commune avec la présidence.

La mise en place du LMD constitue l'occasion pour chaque université de réfléchir à son organisation. Le nouveau système favorise en effet les échanges entre les filières. Ainsi, la conférence des doyens et directeurs des UFR scientifiques (CDUS) appelle de ses vœux la création de facultés aux contours plus larges, se prononçant « pour que la structure des établissements laisse une large place à l'expression des disciplines au sein de composantes de taille suffisante pour être en mesure d'assumer valablement leurs missions de formation et de recherche, et dont les compétences sont clairement définies. Osons appeler ces grands secteurs « Facultés », qui en sciences et technologies, regrouperaient l'ensemble des disciplines scientifiques » (36). Les représentants de l'UNEF que vos Rapporteurs ont entendus estiment qu'« il serait intéressant, à l'occasion de la réforme LMD, de créer des sous-structures pluridisciplinaires qui permettraient de rompre avec le corporatisme » (37).

Une réflexion sur les composantes, leurs fonctions et leur périmètre doit être conduite d'abord au sein des universités. La discussion du contrat et des orientations stratégiques de l'université doit être l'occasion d'une remise en cause constructive de l'organisation de l'établissement. Les UFR sont créées par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur (38). La tutelle devra tirer les conséquences d'éventuelles réorganisations prévues dans le contrat en prenant rapidement les arrêtés nécessaires.

Proposition n° 21 : le découpage de l'établissement en composantes doit être justifié dans chaque contrat ; les UFR doivent être incitées à se regrouper de façon transdisciplinaire ; les arrêtés ministériels fixant d'éventuels redécoupages doivent être signés en même temps que le contrat qui les prévoit.

2.- Donner la priorité à l'orientation des étudiants

Le principe de l'accès de tous les bacheliers à l'enseignement supérieur est louable, mais si on n'offre pas une chance à chacun de réussir une formation supérieure, c'est une hypocrisie. Avant tout, il est nécessaire de s'en donner les moyens : la France ne dépense pas assez pour l'enseignement supérieur, et les conditions d'encadrement des premiers cycles sont très insuffisantes à l'université.

Parallèlement, il est nécessaire de mieux orienter les bacheliers vers les différentes filières. Alors que les disciplines scientifiques, qui offrent les meilleures perspectives d'emploi, ont vu leurs effectifs diminuer très rapidement, certaines filières sont encombrées, dans des proportions sans rapport avec les débouchés directs offerts. Le système LMD devrait faciliter les réorientations, en permettant à des étudiants de se réorienter dès la fin du premier semestre. D'autre part, l'information sur le contenu des enseignements et sur les débouchés professionnels doit être renforcée à destination des lycéens. L'IGAENR, dans son rapport de juin 2005 sur la mise en œuvre du LMD, préconise « une véritable carte académique des formations supérieures, incluant les formations non universitaires, mise à jour chaque année et servant de cadre aux actions d'information et d'orientation des bacheliers, coordonnées par le recteur et associant tous les établissements de formation. Elle doit être élaborée partout ».

À cet égard, le suivi des diplômés et la diffusion des statistiques de l'insertion professionnelle sont indispensables. En vertu du décret n° 86-195 du 6 février 1986, les universités peuvent constituer des services communs universitaires et interuniversitaires d'accueil, d'orientation et d'insertion professionnelle des étudiants (SCUIO), ces services pouvant être communs à plusieurs universités. Les SCUIO doivent notamment élaborer chaque année un rapport sur l'insertion professionnelle des anciens étudiants, rapport qui est adressé au CNE. Or, le CNE ne reçoit jamais aucun rapport de ce type !

Les statistiques de l'insertion professionnelle sont très inégales selon les établissements. Certaines universités ont des SCIUO efficaces. L'Université de Marne-la-Vallée est exemplaire en la matière ; son observatoire des formations et des insertions professionnelles étudie de façon précise la réussite des étudiants aux diplômes dans les différentes filières et suit leur parcours professionnel plusieurs années après, recueillant des données sur les types d'emplois, la poursuite des études, le taux de chômage, le salaire moyen, etc. Les statistiques sont fondées sur des enquêtes auprès des diplômés (80 % d'entre eux sont suivis). L'UTC de Compiègne constitue un autre exemple pour le suivi des diplômés, qui font l'objet de trois enquêtes, à la fin du stage de fin d'études, deux ans et cinq ans après.

Certaines universités ont créé des observatoires communs. Il existe également des observatoires régionaux. Vos Rapporteurs souhaitent que la création de tels observatoires soit encouragée dans le cadre des PRES, au moyen d'une incitation financière prévue dans le contrat.

Proposition n° 22 : les universités doivent toutes publier des statistiques précises sur la réussite aux diplômes et l'insertion professionnelle des diplômés. Encourager la création d'observatoires de la formation et de l'insertion professionnelle dans les PRES.

Par ailleurs, trop d'étudiants se retrouvent par défaut à l'université dans des formations générales auxquelles ils ne sont pas préparés, et dans lesquelles ils sont très peu encadrés. Les IUT ont été créés pour accueillir les élèves venant de baccalauréats technologiques, et on les a dotés de moyens importants pour qu'ils puissent leur assurer un encadrement renforcé et les amener à la réussite par une pédagogie fondée sur la technologie. Or, ces filières sélectives ont attiré de plus en plus d'élèves des filières générales, si bien qu'un certain nombre de bacheliers technologiques se retrouvent par défaut dans des cursus généralistes, dépourvus de moyens adaptés pour les former.

Tous les bacheliers issus des filières technologique et professionnelle devraient pouvoir trouver une place dans une formation supérieure courte professionnalisante.

Cela implique tout d'abord que les recteurs s'assurent que les classes de STS soient bien remplies. En effet, il semble que les effectifs des STS ne soient souvent pas complets. Ces sections sont financées par classe et non en fonction du nombre d'élèves. Les listes complémentaires sont parfois trop courtes, si bien qu'à la rentrée, les places disponibles ne sont pas toutes attribuées.

Néanmoins, l'accès de tous les bacheliers technologiques et professionnels à des formations courtes n'est pas possible sans une augmentation significative du nombre de places offertes dans les IUT, les STS. Cela implique des moyens supplémentaires. Cependant, cet investissement sera source d'économies, étant rappelé que l'échec dans les filières générales de l'université coûte extrêmement cher à la Nation, puisqu'il faut assurer l'accueil et l'encadrement des étudiants qui redoublent - ceux qui obtiennent leur licence en trois ans sont minoritaires.

Enfin, il faudra que les recteurs s'assurent de l'admission et de la répartition des élèves issus des bacs technologiques dans les STS et IUT de leur académie ou dans d'autres académies, en cohérence avec schémas régionaux de formation, et en concertation avec les autres recteurs.

Proposition n° 23 : tout bachelier issu d'une filière technologique ou professionnelle doit être admis dans une formation supérieure courte s'il en fait la demande.

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* *

En définitive, ce rapport présente quelques leviers simples qui doivent permettre aux universités de mieux assumer leur autonomie. Les auditions ont montré que de nombreuses dispositions législatives et réglementaires ne sont pas appliquées, notamment celles relatives au contrôle de légalité exercé par les recteurs, à la consolidation des moyens hors budget (article L. 719-5 du code de l'éducation), au suivi de l'insertion professionnelle des diplômés par les universités (décret n° 86-195 du 6 février 1986), etc.

L'amélioration de la gouvernance des universités passe d'abord, avant une éventuelle réforme qui ne fait pas partie des propositions de vos Rapporteurs, par une meilleure utilisation du cadre juridique existant, ainsi que par quelques modifications législatives qui permettront de renforcer la gouvernance des universités tout en fondant leurs relations avec l'État sur les orientations stratégiques de la politique nationale de l'enseignement supérieur. Ces propositions peuvent paraître techniques, mais si elles étaient toutes appliquées, le système fonctionnerait beaucoup mieux. Toutefois, elles ne préjugent pas de la question des moyens accordés aux universités françaises, dont une augmentation est nécessaire.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 14 juin 2006, votre Commission a procédé à l'examen des propositions de la Mission d'évaluation et de contrôle sur la gouvernance des universités dans le contexte de la LOLF.

M. Michel Bouvard, Rapporteur de la MEC, a rappelé que la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) a adopté ce rapport à l'unanimité. Il s'est félicité de la collaboration fructueuse avec M. Alain Claeys. Ce dernier avait déjà remis un rapport sur ce sujet en 2000 dans le cadre de la MEC. La MEC a bénéficié du travail de la Cour des comptes, laquelle a remis un rapport sur « L'efficience et l'efficacité des universités » en décembre 2005, à la demande de la commission des Finances, en application de l'article 58, alinéa 2, de la LOLF.

Les Rapporteurs partagent trois constats. Tout d'abord, en l'espace de vingt ans, les universités ont su faire face à trois défis majeurs : la massification de l'enseignement supérieur, l'instauration de relations contractuelles entre chaque établissement et l'État au début des années quatre-vingt-dix, et dernièrement la mise en place du système LMD. Le deuxième constat est que les universités ont dû assumer ces changements avec peu de moyens. Le niveau de financement consacré par notre pays à l'enseignement supérieur est insuffisant, comparé à celui des universités étrangères. Le troisième constat a trait aux résultats des étudiants à l'université, qui ne sont pas satisfaisants. Les chances de réussite des étudiants aux diplômes sont très inégales selon le type de baccalauréat qu'ils ont obtenu. Les bacheliers technologiques, avec un taux de réussite à l'ancien DEUG de seulement 40 %, et les bacs pro, avec seulement 15 %, sont les grands perdants du système universitaire français, qui prétend assurer un accès égal de tous à l'enseignement supérieur.

Les lacunes de la gouvernance du système universitaire s'observent à deux niveaux :

- l'État manque d'une vision stratégique et exerce une tutelle que l'on a pu qualifier à la fois de molle et de « tatillonne » ;

- les universités n'ont souvent pas de projet commun d'établissement et opèrent une gestion comptable et financière qui pourrait être plus rigoureuse. La mise en œuvre de la LOLF constitue l'opportunité d'une modernisation qu'elles doivent saisir.

Actuellement, les établissements n'utilisent pas toutes les marges de manœuvre que leur offre la loi. L'amélioration de la gouvernance des universités, dans le sens d'une capacité de pilotage renforcée, passe avant tout par la modernisation de pratiques. Le rapport comporte des propositions concrètes, qui ne constituent pas un bouleversement du système, mais visent à utiliser toutes les marges de manœuvre existant dans le cadre législatif actuel, et à agir sur quelques leviers qui permettront de renforcer la gouvernance des universités.

Six propositions tendent à renforcer les structures de gouvernance, afin de permettre l'émergence d'un intérêt commun, tout en approfondissant la démocratie dans l'université :

- offrir aux conseils d'administration le choix de prévoir dans les statuts le renouvellement possible du mandat du président ; cette solution a été préférée à celle qui consisterait à allonger la durée du mandat ;

- aucune affectation ne pourrait être prononcée si le président émet un avis défavorable expressément motivé ; il aurait ainsi, en matière de ressources humaines, un pouvoir comparable à celui des directeurs d'instituts et de laboratoires ; cela lui permettrait d'assurer la cohérence des recrutements avec la politique scientifique de l'établissement ;

- renforcer le conseil d'administration comme lieu du débat sur les questions stratégiques ; chaque année, le président de l'université présenterait un rapport d'activités qui comprend notamment les rapports d'activités de chaque composante ainsi que l'évaluation des enseignements et de la formation ; la présentation de ce rapport donnerait lieu à un débat ;

- en vue de constituer des équipes cohérentes, supprimer la possibilité de panachage des listes aux élections aux conseils ;

- offrir une formation administrative, comptable et financière à tous les membres des conseils, au président et aux directeurs d'unités de formation et de recherche (UFR), dans le cadre de l'École supérieure de l'éducation nationale (ESEN) ;

- doter la Conférence des présidents d'université (CPU) d'une autonomie juridique et budgétaire en en faisant un groupement d'intérêt public (GIP), qui reprendrait les missions de l'Agence de mutualisation des universités (AMUE) ; aujourd'hui, la CPU est un service ministériel sans réelle autonomie qui entretient des rapports croisés avec l'AMUE ; il faut instaurer un vrai dialogue entre elle et le ministère.

Ensuite, il convient de renforcer les compétences au sein des universités en matière de gestion administrative, comptable et financière. Cela passe par la valorisation de la fonction de secrétaire général, moins en termes de rémunération que de prise en compte du niveau des responsabilités assumées. En deuxième lieu, il faudrait augmenter le nombre de cadres administratifs A et A+ dans les universités, pour exercer des fonctions de direction. Enfin, il faudra offrir une formation continue obligatoire à tous les cadres administratifs en renforçant l'ESEN.

Moderniser les outils de gestion est indispensable, afin de donner aux universités la capacité d'assumer leur autonomie. À cet effet, les moyens nécessaires pour mettre en place des systèmes d'information permettant une comptabilité analytique et un contrôle de gestion devront être mobilisés ; ces systèmes doivent être compatibles entre universités et avec ceux de l'État, lequel doit obtenir des données consolidées pour l'application de la LOLF et pour fixer les grandes orientations stratégiques. Les universités, autonomes, n'étant pas soumises à un contrôle a priori, il est indispensable que chacune instaure un service interne de contrôle de gestion. Enfin, le contrôle de légalité doit être assuré : actuellement, le contrôle exercé par les recteurs est lacunaire ; les recteurs devront remettre chaque année un rapport au ministre justifiant de leur action en matière de contrôle de légalité et de contrôle budgétaire en tant que chanceliers des universités.

Tout en renforçant la gouvernance et la gestion comptable et financière des universités, il importe d'accorder à celles-ci davantage de leviers de gestion. La Mission en propose quatre :

-  introduire un contrat de service pluriannuel entre l'université et chaque enseignant-chercheur, prévoyant la répartition de son temps de travail entre enseignement, recherche et autres tâches. Cela permettra de moduler le travail des enseignants-chercheurs selon les moments de leur carrière - par exemple, un jeune enseignant peut légitimement souhaiter s'investir davantage dans ses travaux de recherche ;

- rapprocher le régime des primes de recherche et d'encadrement doctoral de celui des autres primes, en intégrant l'ensemble des primes (IATOSS et enseignants-chercheurs) dans le budget des universités ;

- prévoir la possibilité de transférer la propriété du patrimoine aux universités, sur la base du volontariat, et sous réserve d'une « dotation globale de transfert » accordée à l'université, tenant compte de l'état du patrimoine après expertise contradictoire ;

- inciter au regroupement des compétences dans le cadre des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES), sous la responsabilité des conseils d'administration des universités concernées, moyennant une majoration du contrat des universités participantes.

M. Alain Claeys, Rapporteur de la MEC, a tenu à rappeler que la Mission avait essayé de rencontrer l'ensemble des acteurs de l'université, qu'ils en soient membre ou qu'ils interviennent plus largement dans l'encadrement de la politique universitaire, soit dans le cadre des auditions publiques de la MEC, soit lors d'entretiens avec les Rapporteurs. Il a souligné que l'université française manque de moyens, et qu'il n'est pas souhaitable de lui donner pour seule perspective de gérer la pénurie.

L'autonomie des universités est prévue par la loi, mais son application est très inégale. Il y a en fait deux sujets à traiter dans la gestion du système universitaire :

- la gouvernance des établissements eux-mêmes ; les universités sont récentes en France, et elles fonctionnent encore largement sur des logiques facultaires ;

- les relations des universités avec l'État, qui devraient être fondées sur les contrats et l'évaluation ; ce second point fait l'objet de cinq propositions.

Les dotations financières de l'État aux universités, en ce qui concerne l'enseignement se répartissent entre la partie contractuelle et la dotation globale de fonctionnement (DGF). Le calcul de la DGF repose sur un système complexe qu'il convient de rénover pour qu'il corresponde mieux aux contraintes auxquelles les établissements sont soumis. Les critères pertinents à prendre en compte sont : les inscriptions pédagogiques, le nombre de boursiers et la structure de l'offre de formation.

Parallèlement, les objectifs de l'université font l'objet du contrat. La portée des contrats est aujourd'hui encore trop faible pour être le socle de la politique de l'établissement. En moyenne, ils ne dépassent pas 20 % du budget, si bien qu'ils ne peuvent être l'élément central de la stratégie de l'université. Ces propositions ne préjugent pas du périmètre global du budget.

La durée des contrats, fixée à quatre ans, constitue aujourd'hui une autre faiblesse : ils sont très souvent signés avec plus d'un an de retard, et la période d'exécution, très courte, ne permet pas d'apprécier leur mise en œuvre. Il faudrait donc porter la durée du contrat de quatre à six ans.

L'État stratège doit remplir son rôle d'évaluateur. Tel n'est pas le cas aujourd'hui. L'évaluation devra être réalisée par le Comité national d'évaluation (CNE) au sein de la nouvelle Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), créée par la loi de programme du 18 avril 2006 pour la recherche. Un nouveau contrat ne pourra être signé sans que le précédent ait été évalué par l'AERES.

Enfin, la mise en place de la réforme LMD constitue l'occasion pour chaque université de réfléchir à son organisation propre. Le nouveau système favorise en effet les échanges entre les filières. Une réflexion sur les composantes, notamment les unités de formation et de recherche (UFR), et leur adéquation avec les objectifs de l'établissement, doit être menée dans chaque université. La Mission recommande donc que le découpage de l'établissement en composantes soit justifié dans chaque contrat ; les UFR doivent être incitées à se regrouper de façon transdisciplinaire ; les arrêtés ministériels fixant d'éventuels redécoupages doivent être signés en même temps que le contrat qui les prévoit.

Le dernier sujet traité par le rapport, mais pas le moindre, est l'orientation des étudiants. Le principe est l'accès libre à l'enseignement supérieur de tous les bacheliers. Il ne correspond pas à la réalité : beaucoup de bacheliers issus des filières technologiques et professionnelles restent au bord de la route et n'obtiennent jamais de diplôme universitaire. De surcroît, ce sont eux qui connaissent les taux de chômage les plus élevés.

L'orientation passe d'abord par l'information. Comme un décret de 1986 leur en fait, en principe, obligation, les universités doivent toutes publier des statistiques précises sur la réussite aux diplômes et l'insertion professionnelle des diplômés, et créer des observatoires de la formation et de l'insertion professionnelle dans le cadre des PRES.

Alors que les bacheliers technologiques et professionnels ont des taux d'échec importants dans les filières générales de l'université, les filières courtes, dotées d'un encadrement renforcé, qui ont été créées pour eux, recrutent paradoxalement une majorité de bacheliers généraux. La dernière proposition du rapport est donc que tout bachelier issu d'une filière technologique ou professionnelle doit être admis dans une formation supérieure courte s'il en fait la demande. Cela implique que les recteurs s'assurent de l'admission et de la répartition des élèves issus des bacs technologiques dans les STS et IUT de leur académie ou dans d'autres académies, en cohérence avec les schémas régionaux de formation. Il faudra augmenter les places ouvertes dans ces filières, ce qui implique des moyens supplémentaires. Cependant, cet investissement sera en partie compensé, car l'échec dans les filières générales de l'université est extrêmement coûteux pour la Nation, puisqu'il faut assurer l'accueil et l'encadrement des étudiants qui redoublent.

En définitive, l'université a assumé seule le passage à un enseignement supérieur de masse, l'État n'ayant pas toujours été à la hauteur de l'enjeu. Ses carences ont été en partie compensées par les collectivités territoriales. Aujourd'hui, l'État doit prendre ses responsabilités en consacrant des moyens supplémentaires aux universités. L'augmentation des moyens ne doit pour autant pas être accordée sans une amélioration de la gouvernance des universités, l'instauration de relations contractuelles plus stratégiques et le renforcement de l'évaluation.

M. Jean-Pierre Gorges s'est étonné de l'absence de propositions permettant d'obtenir des résultats tangibles face aux problèmes d'organisation de l'université et aux difficultés liées à l'orientation des jeunes. Nos universités deviennent en quelque sorte des classes préparatoires pour le plus grand « entrepreneur » de France, qui serait l'État. Or, l'acquisition de véritables compétences pratiques ne commence, souvent, qu'une fois un concours administratif réussi et non pas au cours des études universitaires. Certes, la qualité croissante des candidats aux concours administratifs est un facteur positif. Mais n'est-il pas paradoxal de constater qu'il est aujourd'hui, statistiquement, plus difficile de devenir professeur d'éducation physique et sportive que polytechnicien ? On ne peut que déplorer la situation des étudiants qui se sont engagés dans des formations diplômantes qui ne leur offriront aucun travail. L'annonce d'une diminution du nombre de fonctionnaires l'an prochain est une bonne chose, mais elle pose d'autant plus la question de l'employabilité des étudiants inscrits à l'université, lesquels ne peuvent souvent s'orienter que vers le secteur public. Les recommandations des Rapporteurs ne proposent aucune orientation structurante pour limiter les inscriptions dans des filières sans issue. Il est regrettable que le système universitaire oriente si mal des dizaines de milliers de jeunes ayant pourtant un excellent niveau intellectuel.

M. Yves Deniaud a tenu à nuancer ces propos. L'université est une palette de filières où coexistent des voies de sorties tant publiques que privées. Le droit, la médecine, la pharmacie sont des filières d'excellence et n'ont pas d'équivalent dans les grandes écoles. Par exemple, si l'engorgement des sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) constitue une préoccupation véritable, il semble qu'émergent de nouveaux métiers, notamment en matière de gestion d'équipements privés, qui peuvent correspondre aux compétences des étudiants en STAPS. L'élévation du niveau des candidats aux concours de la fonction publique est un constat banal que l'on observe dans tous les métiers. Elle peut d'ailleurs constituer une source d'enrichissement des métiers du secteur public, créatrice de gains de productivité. Il est crucial de bien informer les jeunes s'engageant dans des filières universitaires sur les métiers qu'ils pourront véritablement être en mesure d'exercer.

M. Michel Bouvard, Rapporteur de la MEC, a estimé exagéré de dire que l'université était seulement une sorte de classe préparatoire pour la fonction publique. Il est essentiel de s'attaquer en premier lieu à la question des bacheliers des filières technologiques et professionnelles qui ont du mal à être accueillis au sein de l'université, alors que les filières supérieures étaient initialement conçues pour leur offrir des débouchés. Partageant l'opinion de M. Yves Deniaud constatant une dérive des formations technologiques vers l'hyper sélectivité, M. Michel Bouvard, Rapporteur de la MEC a souligné l'utilité de la diffusion des statistiques relatives au taux d'insertion professionnelle de ces jeunes. Au sein de l'université, beaucoup de filières sont tournées vers le privé et, même si les effectifs du public sont amenés à diminuer dans les prochaines années, il sera toujours nécessaire de disposer de filières universitaires formant aux métiers de la fonction publique.

M. Alain Claeys, Rapporteur de la MEC, a fait observer que la place des classes préparatoires dans le système de formation de notre pays sera amenée à évoluer, probablement vers une forme d'intégration de ces filières au sein du système universitaire. Le discours de M. Jean-Pierre Gorges est exagérément simplificateur. Il n'y a pas de relation mécanique entre la formation universitaire et les métiers de demain : le raisonnement n'est malheureusement pas aussi simple ! La vocation de l'université doit demeurer la recherche et il est important de ne pas en négliger l'importance. La difficulté vient justement du fait qu'il y a trop peu de docteurs dans le secteur marchand.

M. Jean-Pierre Brard, Président, a fait observer que l'annonce de la suppression de 15.000 postes de fonctionnaires en 2007 - représentant 1/400 ème de l'effectif - s'assimile davantage à de la propagande qu'à une mesure de réforme de l'État.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a félicité les Rapporteurs pour la qualité de leurs propositions précises et concrètes. Il a cependant regretté que ne soit pas prévu d'ouvrir davantage les conseils des universités à des personnalités extérieures.

M. Michel Bouvard, Rapporteur de la MEC, a expliqué que la MEC a considéré que le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire accomplissent en général leurs missions de façon satisfaisante. Le conseil d'administration consacre une grande partie de ses réunions à des questions d'importance relative internes à l'université, qui relèveraient, dans le secteur privé, du comité d'entreprise. Les rapporteurs ont préféré, en imposant un rapport obligatoire du président au conseil d'administration, créer l'obligation d'aborder chaque année les enjeux stratégiques auxquels doit répondre l'université, ainsi que l'évaluation des formations et des enseignants. Plutôt que d'espérer une grande réforme de l'université se heurtant à de multiples oppositions et pesanteurs, les rapporteurs ont voulu proposer une solution consensuelle, qui permet d'ouvrir les conseils aux questions stratégiques qu'ils ne peuvent plus éluder.

M. Alain Claeys, Rapporteur de la MEC, a souligné qu'il n'avait pas d'idée arrêtée sur la composition des conseils. Cependant, la solution choisie permet déjà de responsabiliser le conseil d'administration, ce à quoi contribue l'abandon du panachage, afin qu'il se sente engagé par les choix qu'il fera, de même que l'État s'engage à travers le contrat pluriannuel.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a demandé si, pour les propositions appelant des mesures législatives, l'on pouvait escompter le dépôt d'un projet de loi.

M. Michel Bouvard, Rapporteur de la MEC, a précisé que les Rapporteurs n'ont volontairement pas consulté le ministère, afin de réserver la primeur de leurs propositions à la Commission. Cependant, il serait envisageable de regrouper les mesures législatives dans une proposition de loi, surtout dans la mesure où ces propositions reflètent un consensus.

M. Alain Claeys, Rapporteur de la MEC, a souligné que l'on ne peut faire progresser la gouvernance dans une situation de pénurie financière, la France étant en retard sur ses partenaires européens en ce qui concerne les moyens accordés à l'université. Un rattrapage doit être programmé, accompagné de la mise en place d'une plus grande transparence pour contrôler l'utilisation des crédits. L'évaluation doit se mettre en place de façon systématique, afin qu'il n'y ait plus, comme c'est le cas aujourd'hui, de contrats qui peuvent se dérouler sans qu'aucune évaluation ne soit effectuée.

M. Michel Bouvard, Rapporteur de la MEC, a confirmé que, partant d'une situation de sous-financement et de sous-évaluation, tout doit évoluer de pair ; il n'est plus concevable de se contenter d'une évaluation globale effectuée tous les neuf ans.

Le Président Pierre Méhaignerie a interrogé les Rapporteurs sur les mesures leur paraissant essentielles au sein de leurs propositions.

M. Alain Claeys, Rapporteur de la MEC, a estimé que plusieurs éléments vont de pair : ainsi l'accroissement des capacités de gouvernance et la progression de l'évaluation vont de pair avec l'accroissement des moyens. Les derniers sans les premières ne seraient que de la démagogie.

M. Michel Bouvard, Rapporteur de la MEC, a précisé que le renforcement de la gouvernance répond à un problème majeur qui est le manque d'autonomie des universités, alors que des capacités existent et ne sont pas mises en œuvre. En outre, le rôle de l'État stratège doit s'accroître : la mission de contrôler et d'évaluer lui incombe et il doit la remplir, dans l'esprit de la LOLF.

La Commission a adopté les propositions de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) et a autorisé, en application de l'article 145 du Règlement, la publication du rapport.

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AUDITIONS

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Pages

9 février 2006 :

a) 9 h 30 : M. Jean-Loup Jolivet, délégué général du Comité national d'évaluation des établissements à caractère scientifique, culturel et professionnel. 53

b) 10 h 30 : M. Yannick Vallée, premier vice-président, et M. Éric Esperet, délégué général, Bureau de la Conférence des présidents d'universités

63

23 février 2006 :

a) 9 h 30 : M. Bertrand Fortin, président de l'université de Rennes I, Mme Annie Julien, secrétaire générale de l'université de Rennes I, MM. Paul Jacquet, président de l'Institut national polytechnique de Grenoble, l'INPG, Philippe Tchamitchian, président de l'université Paul Cézanne d'Aix-Marseille III, et Jacques Bourdon, ancien président de l'université d'Aix-Marseille III, représentants des universités expérimentatrices de la LOLF. 77

b) 11 heures : MM. François Paquis, secrétaire général de l'université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand, et Damien Verhaegue, secrétaire général de l'université d'Aix-Marseille II, respectivement président et secrétaire de l'Association des secrétaires généraux d'université 91

9 mars 2006

a) 9 heures : M. Jean Fabbri, secrétaire général du syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESUP), accompagné de Mme Lise Dumasy et M. Michel Fortuné. 99

b) 9 h 45 : M. Roger Pietrini, secrétaire général du Syndicat national du personnel technique de l'enseignement supérieur et de la recherche (SNPTES), accompagné de MM. Jacques Drouet, Alain Halère et Alain Favennec 107

c) 10 h 15 : Mme  Mylène Jacquot, secrétaire fédérale du SGEN-CFDT et MM. Patrick Fridenson, Grégory Colcanap et Gilbert Heitz 113

d) 11 heures : M. Benjamin Vételé, vice-président de l'Union nationale des étudiants de France (UNEF), accompagné de Mme Sophie Binet et de M. Jean-Baptiste Prevost 121

e) 11 h 30 : M. Jean-François Martins, président de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) 129

f) 12 heures : M. Olivier Vial, Délégué national de l'Union nationale inter-universitaire (UNI) 135

30 mars 2006

a) 9 h 30 : M. Gilles Raby, directeur de l'UFR de sciences fondamentales et appliquées de l'Université de Poitiers et président de la Conférence des doyens et directeurs des UFR scientifiques (CDUS), accompagné de MM. Jean-Claude Roynette, vice-président de la CDUS et doyen honoraire de la Faculté des sciences de Paris XI-Orsay et Pascal Olivard, secrétaire de la CDUS et directeur de l'UFR de sciences de l'Université de Bretagne occidentale-Brest, et MM. Philippe Cocatre-Zilgien, directeur de l'UFR de deuxième cycle de droit et de science politique de l'Université Paris-II Panthéon Assas et Philippe Masson, directeur de l'UFR de sciences de l'Université Paris-XI Orsay 139

b) 11 heures : Auditions de présidents d'universités : Mmes Simone Bonnafous, Université Paris XII Val-de-Marne, Nicole Le Querler, Université de Caen - Basse-Normandie, MM. Pierre-Yves Henin, Université Paris I - Panthéon Sorbonne, et Bernard de Montmorillon, Université Paris Dauphine 155

6 avril 2006

a) 9 heures : M. Pierre Dumaz, Président de l'Association des agents comptables d'université 169

b) 10 heures : M. Gilbert Béréziat, ancien Président de l'Université Pierre et Marie Curie - Paris VI 177

c) 11 heures : M. Jacques Singer, Président de l'Union nationale des présidents d'IUT et Président de l'IUT de Poitiers et M. Philippe Pierrot, Directeur de l'IUT de Longwy 185

13 avril 2006

a) 9 h 30 : M. François Goulard, Ministre délégué à l'Enseignement supérieur et à la Recherche 193

b) 11 heures : Mme Elisabeth Giacobino, Directrice de la Recherche et M. Jean-Marc Monteil, Directeur général de l'enseignement supérieur au ministère délégué à l'Enseignement supérieur et à la Recherche 209

COMPTES-RENDUS DES AUDITIONS

Auditions du 9 février 2006

a) 9 h 30 : M. Jean-Loup Jolivet, délégué général du Comité national d'évaluation des établissements à caractère scientifique, culturel et professionnel.

Présidence de M. Augustin Bonrepaux

M. Augustin Bonrepaux, Président : Je remercie les membres de la Cour des comptes qui nous assistent dans nos travaux et je souhaite la bienvenue à M. Jean-Loup Jolivet, délégué général du Comité national d'évaluation. Je laisse sans plus tarder la parole à nos deux Rapporteurs sur ce sujet : M. Michel Bouvard et M. Alain Claeys.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : M. Alain Claeys a déjà travaillé sur le thème de la gestion des universités en 2000 dans le cadre de la MEC, dont il était déjà Rapporteur. Nous avons le souci d'aboutir à un constat qui puisse être partagé par l'ensemble des membres de notre mission et qui permette si possible d'évaluer les solutions qui pourraient être apportées aux problèmes récurrents de la gouvernance des universités. Je vous rappelle que, dans le cadre de l'application de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, la Cour des comptes nous a remis un rapport à ce propos en décembre dernier.

C'est un problème constant, qui n'a pas encore trouvé de solution et qui devient d'actualité compte tenu de l'importance que l'on attache en ce moment à la formation et à la recherche et la mise en œuvre de la loi organique, laquelle a pour but de responsabiliser les acteurs locaux, les responsables des programmes et les responsables des opérateurs publics.

Les travaux du Comité national d'évaluation portent sur des sujets divers. Avez-vous le sentiment qu'un président d'université dispose des moyens de piloter son établissement, aussi bien dans la définition des programmes de recherche et de formation que dans la gestion quotidienne ?

Pensez-vous que la diversité des situations entre les établissements - qui sont évalués au moins tous les huit ou neuf ans, à l'exception de l'université de Corte, qui n'a pas été inspectée depuis très, très longtemps - peut permettre d'aboutir à un mode de gouvernance qui s'applique à tous ?

M. Jean-Loup Jolivet : Le président a-t-il les moyens de gouverner ? Non. A-t-il des moyens importants ? Oui.

Si l'on compare avec ce qui se fait à l'étranger, on voit que les universités françaises ont moins que d'autres - en Grande-Bretagne, aux États-Unis, en Allemagne, en Italie, en Espagne - les moyens de ce que la loi appelle autonomie, notion sur laquelle il y aurait beaucoup à dire.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Précisément, quelles possibilités d'autonomie la loi donne-t-elle exactement aujourd'hui aux universités ?

M. Jean-Loup Jolivet : Je répondrai à la fois au titre des fonctions que j'exerce actuellement et en tant qu'ancien président d'université et ancien président de la commission des moyens et des personnels de la Conférence des présidents d'université, les choses n'ayant pas beaucoup changé depuis quinze ans.

Je précise à cette occasion que je ne suis pas président du CNE, mais délégué général. En effet, depuis juin 2004, date à laquelle le président et d'autres membres ont achevé leur mandat, aucune nomination n'est intervenue. Le cabinet du ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche a annoncé en décembre qu'elles allaient intervenir, car il fallait quand même que le travail se fasse en attendant l'installation de la nouvelle Agence prévue par le projet de loi sur la recherche. Mais nous attendons toujours et le rythme de notre travail en pâtit.

Je reviens à l'autonomie, tout d'abord intellectuelle et pédagogique. De ce point de vue, les programmes nationaux ne sont pas totalement contraignants et le président et les conseils ont la liberté assez large d'infléchir les directions de recherche. C'est fondamental dans la mesure où l'université est d'abord destinée à la production et la diffusion de savoirs.

Mais l'autonomie concerne également les modes d'organisation interne d'un établissement. Là aussi, les présidents disposent d'une assez large marge de manœuvre pour créer, supprimer ou regrouper des services.

Néanmoins, les trois universitaires étrangers qui siègent au sein du comité sont très étonnés que tout passe par le ministère et que, par exemple, quand un poste de professeur de chimie se libère dans un établissement, le conseil d'administration n'ait pas la liberté de décider qu'il a plutôt besoin d'un technicien en physique et d'une secrétaire pour le département d'allemand. Ils ne comprennent pas davantage qu'on pilote au niveau national le recrutement d'un maître de conférences. Bien sûr, une coordination nationale est nécessaire, mais nos collègues étrangers s'étonnent qu'une université ne puisse pas décider toute seule de ce qui concerne ses ressources humaines.

Enfin, en matière financière, il y a eu des améliorations depuis quelques années, mais je mets au premier rang de l'autonomie le pilotage des ressources humaines et la détermination des programmes de recherche.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Si 80 % de la recherche se déroule dans les universités, ce n'est pas en leur sein que sont déterminés les programmes de recherche : ce sont les organismes de recherche, via les laboratoires associés, qui imposent leurs priorités. Nous verrons ce qui changera avec la loi, mais pour l'instant, bien souvent, les universités ne savent pas ce qui se passe dans les laboratoires associés.

Nous souhaitons, pour reprendre une expression d'un récent rapport de la Cour des Comptes, rendre nos universités plus performantes, c'est-à-dire plus efficientes et plus efficaces. En supposant qu'on parvienne à démocratiser le recrutement, ce qui pose la question des bourses, et que les moyens soient à la hauteur des besoins, on sait qu'on dispose d'un certain nombre de leviers - gouvernance, encadrement administratif, budget, relations entre l'État et les universités -, sur lesquels pensez-vous qu'on puisse agir ?

M. Jean-Loup Jolivet : La question du contrat est centrale. Il s'agit indéniablement d'un grand progrès, mais on pourrait aller plus loin en y faisant entrer des choses qui n'y sont pas explicitement. En particulier, on peut regretter que la règle de l'annualité budgétaire empêche d'y intégrer une vision à moyen terme des moyens et des ressources humaines. Il faut donc chercher à donner plus de visibilité aux présidents d'université. D'ailleurs, les budgets consolidés, conséquence de la LOLF, vont bien montrer qu'en fait le contrat ne porte que sur une toute petite partie.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Pour que les choses fonctionnent mieux, que faut-il mettre dans le contrat et quelle doit en être la durée ?

M. Jean-Loup Jolivet : Quatre ans, cela paraît un peu court. En 2002, dans son rapport au Président de la République, le CNE montrait qu'une durée de six ans serait plus en phase avec le rythme des universités, qui ont par exemple besoin de périodes plus longues pour se faire une idée de la performance d'une nouvelle filière de recherche et d'enseignement.

Il conviendrait par ailleurs d'aller plus loin dans la réflexion sur la stratégie en ressources humaines et en recrutement.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Pourquoi ce rapport n'a-t-il pas été suivi d'effet ?

M. Jean-Loup Jolivet : Parce que les avis sont partagés au sein du ministère.

Une durée de six ans permettrait peut-être aussi aux services du ministère de mieux respecter les délais de signature des contrats, alors qu'ils ont actuellement six mois de retard. Pourtant, il y a beaucoup de bonne volonté et de compétences à la direction de l'enseignement supérieur, qui a fait ces dernières années d'énormes progrès en la matière.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Les contrats sont signés souvent avec retard, mais ensuite sont-ils exécutés tels qu'ils avaient été prévus ? Sont-ils respectés par les universités en termes de résultats et par l'État en termes de moyens ?

M. Jean-Loup Jolivet : C'est variable. Quand nous évaluons les universités, les IUFM, les écoles d'ingénieurs, nous constatons que globalement l'établissement a avancé dans la direction du contrat, mais souvent pas aussi loin qu'il le dit. Nous trouvons aussi, mais plus rarement, des choses « bizarres », par exemple des crédits demandés pour un objectif précis qui a été ensuite abandonné.

M. Pierre Méhaignerie : Peut-on, à propos de l'autonomie, parler d'une bulle artificielle ? A-t-on tiré les leçons de l'expérience qui avait été lancée par le président Georges Pompidou à Compiègne, Troyes et Belfort ?

Par ailleurs, j'observe que les élus et les personnalités extérieures, très minoritaires au sein de conseils d'administration largement composés de représentants des syndicats, se fatiguent au bout d'un moment. Est-il possible de faire changer les choses ?

Pourrait-on aussi progresser dans le recrutement des contractuels car on sait que l'apport des enseignants extérieur fait la richesse des grandes écoles ?

Il conviendrait également de parler de la gestion des promotions et des primes : on a bien besoin d'incitations pour insuffler un dynamisme à l'université.

Vous l'aurez compris, je souhaite qu'on aille au bout de la question d'Alain Claeys pour savoir s'il faut renoncer à l'idée d'autonomie ou si elle peut être féconde, quitte à donner une liberté totale à ceux qui le souhaiteraient. Or, certains disent qu'au contraire on a essayé de rogner les ailes de l'autonomie. S'agissant par exemple de Compiègne, savez-vous qui a freiné l'expérience d'autonomie telle qu'elle avait été prévue dans le plan des universités technologiques ?

M. Jean-Loup Jolivet : L'ouverture des conseils à des personnalités extérieures permet d'éviter de rester entre universitaires du même microcosme. Le problème est qu'on y débat de sujets touchant à la pédagogie mais assez techniques, de mesures financières mais pas les plus importantes, et que les personnalités extérieures se lassent. Même dans le cadre actuel, il y a des recettes assez simples pour améliorer les choses, par exemple en disjoignant dans les ordres du jour d'une part les mesures stratégiques et d'ensemble, d'autre part ce qui intéresse moins les personnes extérieures et qui relève de la gestion courante, du contrôle des connaissances, des diplômes. Si on organise bien les réunions, on évite de leur infliger cinq heures de discussions techniques. À défaut, l'expérience montre que ces personnes ne viennent plus.

Vous avez souligné à juste titre la diversité des universités. J'étais auparavant président de l'université du Mans et je suis maintenant professeur à Paris V, ce sont des établissements bons chacun dans son domaine, mais pas à la même échelle, pas avec la même dimension scientifique et il n'est pas dit que des règles uniformes doivent s'appliquer de la même manière partout en France. Ce sujet devrait être au centre du débat. Ne pourrait-on imaginer, pour respecter cette diversité, qu'une palette de possibilités soit proposée aux établissements ?

M. Alain Claeys, Rapporteur : L'accroissement de l'autonomie des universités ne peut se concevoir qu'au sein d'une politique nationale, et personne ici ne pense que l'on doive régionaliser ou départementaliser l'enseignement supérieur et la recherche. La Cour des Comptes a fait des remarques pertinentes à ce sujet : quand on voit déjà l'aspect « localier » de la nomination d'un certain nombre de maîtres de conférences, on se dit qu'il ne faut pas aggraver le problème.

Mais restons sur le contrat, car je crois que cela va nous ramener à l'autonomie. Vous dites qu'il faut en augmenter la durée et nous partageons cette idée. Actuellement, il y a trois types de contrats : les contrats quadriennaux, dans lesquels les universités sont directement impliquées ; les contrats de plan État-région, dans lesquels les universités sont impliquées de façon variable, en fonction du bon vouloir de l'État et du président de la région ; les contrats de recherche. Il faut donc non seulement allonger la durée mais aussi permettre à l'université d'avoir son mot à dire sur les trois.

Un conseil d'administration sera intéressant si ses membres ont le sentiment le pouvoir peser sur quelque chose. Cette densification du contrat vous paraît-elle possible ? Peut-on mener des expérimentations ? Quelles conséquences faut-il en tirer au niveau institutionnel ? Faut-il allonger le mandat du président ? Comment l'harmoniser avec celui des membres du conseil d'administration ? Peut-on proposer d'autoriser le renouvellement du mandat du président, afin qu'il puisse se présenter sur un projet et qu'il y ait une vraie évaluation ?

M. Jean-Loup Jolivet : Quelle que soit sa durée, l'actuel contrat quadriennal est l'acte central. Signé entre le ministre de l'enseignement supérieur et le président de l'université, après débat du conseil d'administration sur ses grandes orientations, il est à l'origine de toutes les autres démarches au sein de l'établissement. Par exemple, si le contrat quadriennal prévoit le développement de telles filières et de tels axes de recherche, c'est cela que le président d'université mettra en avant dans le dialogue avec le préfet et le président de région en vue de l'établissement du contrat de plan, même s'il y a un problème d'alignement de la durée des deux documents, les contrats quadriennaux étant renouvelés par quart tous les ans. Mais ce qui pilote un établissement, c'est bien son projet et le contrat qu'il passe tous les quatre ans avec sa tutelle. C'est aussi dans ce cadre que s'inscrivent les contrats particuliers de recherche.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Jusqu'où pensez-vous que les universités soient prêtes à aller, entre la sécurité de la dotation globale, d'une part, et la part contractuelle liée à l'évaluation et la performance, d'autre part ?

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Sachant que, pour l'instant, le contrat est moins important que la dotation globale...

M. Jean-Loup Jolivet : Il faut les pousser à avancer vers le contrat, même si les étudiants d'une université où la gouvernance est faible et où le pilotage cafouille ont quand même le droit d'avoir une bibliothèque qui fonctionne et un certain nombre de moyens. On ne peut donc pas lier 80 % des moyens attribués à la réalisation du contrat. Mais on est encore loin de cela et il est donc possible d'inciter les établissements à progresser.

M. Alain Claeys, Rapporteur : S'agissant de la dotation de fonctionnement, êtes-vous un admirateur du modèle SAN REMO ou le jugez-vous dépassé ?

M. Jean-Loup Jolivet : Je n'en suis pas un « admirateur », mais je pense qu'il est facile de le critiquer alors qu'il s'agit d'un sujet extrêmement compliqué.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Pensez-vous qu'on puisse le réformer ? La direction des enseignements supérieurs a-t-elle raison d'essayer de le faire ? Ou faut-il construire autre chose pour une dotation globale réévaluée en fonction de la part qu'on souhaite donner au contrat à l'avenir ?

M. Jean-Loup Jolivet : Ce n'est pas parfait, mais si on demande à des présidents d'université de travailler à un nouveau modèle, il en sortira quelque chose qui ne sera plus SAN REMO, mais qui partira de l'idée qu'un étudiant en chimie expérimentale coûte plus cher qu'en anglais ou que le matériel de TP est plus simple en premier cycle qu'en troisième. On fera donc des cases avec des spécificités, et on appliquera un coefficient en fonction du coût des formations. Si on veut prévoir une dotation à l'étudiant et à l'activité globale de l'université, on retombe toujours sur une affectation des moyens en fonction du cycle d'études et de la spécialité. C'est aussi à peu près comme cela qu'on fonctionne à l'étranger.

À partir de là, toutes les modulations sont possibles et SAN REMO peut être réformé, il en a d'ailleurs besoin et il doit s'adapter en permanence à la vie des établissements. Mais il est vrai aussi qu'on y a ajouté, au fil des années, un certain nombre de choses destinées à répondre à des besoins particuliers, voire à des lobbies, et qu'on arrive à un modèle bien compliqué.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Ou met-on un peu de performance et d'intéressement pour qu'une université qui progresse, qui remplit ses objectifs, ait le sentiment qu'on l'accompagne et se sente confortée dans sa démarche ? Peut-on intégrer cela dans SAN REMO ? Car, si on allonge la durée du contrat, le retour va être un peu long.

M. Jean-Loup Jolivet : Le contrat lui-même assigne des objectifs de performance, qui, avec la mise en œuvre de la LOLF, sont au centre des débats dans les universités. Le fait que la durée du contrat soit de quatre ans ne signifie pas que l'université n'a de comptes à rendre que tous les quatre ans. Si la direction de l'enseignement supérieur poursuit la mise en œuvre de procédures de suivi de la réalisation des contrats, il est logique que chaque université indique quels sont ses indicateurs, qu'elle montre chaque année comment elle suit son contrat et que, en cas de dérive, il y ait un dialogue de gestion avec le responsable du programme et ses services. On pourrait imaginer que le contrat ne fixe pas des sommes, mais une direction, et qu'un quart ou un tiers de la dotation de fonctionnement soit attribué année après année, sur la base du compte rendu fait par l'université de l'évolution des indicateurs.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Comment voyez-vous la question de la recherche dans le cadre des contrats, surtout avec le nouveau dispositif qui va être mis en place par l'État ? Actuellement, la recherche passe par les universités, mais elles ont peu de poids et peu de moyens pour contrôler ce qui se fait dans leurs unités.

Le Pôle de recherche et d'enseignement supérieur, ou PRES, envisagé dans le projet de loi sur la recherche, disposition que je soutiens à titre personnel, vous paraît-il pouvoir être un outil pour mettre en cohérence les organismes de recherche et l'université ?

M. Jean-Loup Jolivet : Si elle aboutit, la démarche des PRES, qui consiste en particulier à développer les synergies sur un même site, devrait amener à cela et avoir un impact sur les activités d'un établissement et au premier chef sur la recherche. Mais c'est une mécanique assez lourde et nous allons voir dans les deux années qui viennent comment elle se met en place.

Il est vrai qu'il est difficile pour les universités de piloter la recherche, mais n'oublions pas que ce qui fait d'abord la recherche, c'est la matière grise. Ce sont les universités qui recrutent les enseignants-chercheurs, en fonction de profils bien définis et cela a un impact direct sur la recherche pour plusieurs années. Si les universités se saisissent du volet recrutement et ressources humaines, elles disposent bien du plus important en matière de recherche.

Prenons un laboratoire universitaire qui a l'agrément du CNRS ou de l'INSERM, si un poste de professeur de physique se libère, l'université peut décider de recruter un acousticien ou quelqu'un qui travaille sur les lasers ou sur la physique des cristaux. C'est elle seule qui décide, et c'est bien plus important que de recevoir du matériel car l'enseignant va recruter des thésards et développer un laboratoire et c'est bien cela qui compte pour la recherche. L'université est donc bien à même de prendre une décision de politique scientifique au sens fort, même s'il est vrai que nos présidents d'université ont moins de moyens que leurs homologues étrangers.

M. Pierre Méhaignerie : Je reviens à la gouvernance. En dehors des conseils d'administration, un autre problème tient aux hommes. Nous connaissons l'importance de l'indépendance dans le statut de l'enseignant-chercheur. Mais la motivation et la récompense en fonction des efforts et du travail sont aussi des éléments clés. Or, aujourd'hui, à la différence d'un président d'IUT, un président d'université n'a pas la possibilité de refuser telle ou telle nomination. On peut aussi s'interroger sur la composition des commissions qui assurent la promotion des enseignants-chercheurs. Certains sont partis en raison, ont-ils dit, de l'étouffement lié au monopole exercé par certaines commissions nationales.

M. Jean-Loup Jolivet : C'est une question difficile mais intéressante.

Je reviens auparavant un instant sur le mandat des présidents, car il y a vraiment quelque chose à faire en ce domaine. Sur cinq ans de mandat, il leur faut souvent deux ans pour prendre connaissance des dossiers et ils ne sont donc opérationnels que trois ans. Ouvrir la possibilité de renouveler leur mandat marquerait un progrès.

Vous m'avez aussi interrogé sur le localisme du recrutement. Autoriser le recrutement des maîtres de conférences là où ils ont été formés, biberonnés, où ils ont fait leurs recherches, est une véritable plaie. S'il fallait prendre une seule mesure pour améliorer l'enseignement supérieur, ce serait d'interdire que l'on soit recruté dans l'université où l'on a fait sa thèse. C'est ainsi que cela se passe presque partout à l'étranger. Les choses sont différentes quand on passe de maître de conférences à professeur : on est plus âgé et on a une implantation locale, comme sa famille. Certains de mes collègues trouveraient sans doute quelques inconvénients à ma proposition, mais les avantages l'emporteraient largement et ce serait un grand progrès.

Sur les primes et les promotions, on a fait des progrès par rapport à ce qui se faisait il y a vingt ans. Dans les corps de maître de conférences et de professeurs, les avancements de classes sont examinés pour moitié localement. Mais les établissements utilisent cette possibilité de façon variable. Certains, y compris parmi les plus petits, pour bien montrer qu'ils sont au standard national, voire international en matière de recherche, vont tenir compte, comme les commissions nationales, uniquement de ce qui est fait en matière de recherche et donc promouvoir les bons chercheurs. D'autres, plus sages, s'intéressent à l'ensemble de l'implication de la personne concernée, en matière de direction, d'administration, de recherche de stage, de contacts avec l'industrie, de pédagogie, ainsi que de recherche.

Parmi les missions de la future Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, il est prévu une harmonisation des modes d'évaluation des personnes et une réflexion sur la déontologie de l'évaluation dans les grands organismes comme dans les universités. Un travail pourrait être fait sur la façon dont les promotions locales sont données dans les établissements et sur les critères qui les fondent. L'Agence pourrait faire des recommandations, diffuser les bonnes pratiques, ce serait très intéressant. Personnellement, je vois désormais bien la différence entre la marge de manœuvre dont dispose une autorité indépendante sur la question des primes et la situation des présidents d'université, qui sont pieds et poings liés, face aux syndicats et aux traditions, notamment en matière d'ancienneté. Dans ces conditions, la gestion des ressources humaines est vraiment difficile.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Le schéma d'évaluation que prévoit la loi ne vous paraît-il pas trop complexe ?

M. Jean-Loup Jolivet : Disposer d'une instance d'évaluation me semble une bonne idée, mais la mise en œuvre concrète sera sans doute difficile. La rédaction du décret en Conseil d'État est un vrai défi pour ceux qui vont y travailler. Il est prévu un conseil d'administration de 24 membres, avec un président, qui sera l'instance de validation de l'ensemble des décisions des sections qui constitueront l'Agence. C'est là que sera mené le travail politique et décisionnel. Une des sections s'occupera de tout ce qui est fait actuellement par le Comité national d'évaluation, c'est-à-dire de toutes les universités, tous les IUFM, toutes les écoles d'ingénieurs ; mais aussi de tout ce que fait le Comité national d'évaluation de la recherche, c'est-à-dire les grands programmes des organismes de recherche, les organismes eux-mêmes en tant qu'institutions, la nouvelle Agence d'évaluation de la recherche, les PRES, etc. L'autre section s'intéressera à l'évaluation de la qualité de la recherche et du travail des 3 500 à 4 000 équipes de recherche. Enfin, il s'agira de tout ce qui concerne l'évaluation des personnes, c'est-à-dire non pas de mener directement les évaluations, mais de donner un avis sur les procédures et de les valider, pour l'ensemble des corps de l'enseignement supérieur et de la recherche : personnels, enseignants, chercheurs. Je mesure déjà quelle est la tâche du CNE et j'ai un peu de mal à imaginer comment ces 24 personnes, qui ne seront pas des permanents, parviendront à faire tout cela.

M. Didier Migaud : Que pensez-vous des classements des universités qui sont faits en Europe et dans le monde ? À quel rang se situe la première université française et comment expliquez-vous ce mauvais classement ?

M. Jean-Loup Jolivet : Le classement le plus connu est celui de l'université de Shanghai, mais il y en a d'autres. Nous nous sommes pour notre part demandé s'il ne vaudrait pas mieux qu'une instance publique, avec une déontologie et des méthodes de travail claires, fasse elle-même ce travail.

Mais autant il paraît possible de dire, par exemple pour la formation des étudiants en mathématiques, que telle université est dans les trois ou quatre meilleures, autant classer globalement une université numéro un, une autre numéro deux, etc. est bien plus difficile. Par exemple le classement de Shanghai prend en compte le nombre d'anciens étudiants qui ont obtenu le prix Nobel, le nombre de prix Nobel qui enseignent dans l'établissement. Cela peut être pertinent pour le troisième cycle, mais pour les étudiants en première année, entassés à 400 dans un amphithéâtre, savoir qu'il y a trois prix Nobel qui travaillent dans un laboratoire à cinquante mètres de là n'a guère d'importance. Il y aurait beaucoup à dire sur la méthodologie des classements et sur l'importance donnée au sensationnel.

Je pense qu'on pourrait établir un classement multicritères, avec une douzaine de rubriques, comme la vie culturelle dans l'établissement, le sport pour les étudiants, la qualité des bibliothèques. Là on verrait des universités bonnes dans certains domaines et moins bonnes dans d'autres.

Cela étant, il y a des universités étrangères bien meilleures que les nôtres, qui ne sont pas dans les vingt premières mondiales, quel que soit le mode de classement. Mais nous revenons de loin : quand on parle de Cambridge ou de Bologne, on parle en siècles ; les universités françaises ont été reconstituées après 1968, à partir d'anciennes facultés ou de morceaux d'anciennes facultés. Or, il faut de nombreuses années pour que naisse une culture d'établissement.

M. Didier Migaud : Vous pensez qu'on est maintenant dans un mouvement ascendant ?

M. Jean-Loup Jolivet : Oui, pour un certain nombre de choses, mais la pente est faible ( !).

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Vous semble-t-il que le mode de recrutement, la formation, les capacités des secrétaires généraux leur permettent d'assurer pleinement les fonctions de pilotage administratif des universités ?

Par ailleurs, quelle appréciation portez-vous sur les progrès qui ont été faits ou non en matière de comptabilité analytique ?

M. Jean-Loup Jolivet : Les situations des secrétaires généraux sont très diverses et il y a encore des progrès à faire, mais d'énormes progrès ont déjà été accomplis depuis le début de ma carrière : il y a désormais un réel professionnalisme, des gens qui prennent vraiment leur métier à cœur et qui ont des compétences.

Mais les choses pourraient encore beaucoup évoluer en matière de comptabilité. Lorsque j'ai reçu, il y a longtemps en tant que président d'université, un magistrat de la Cour des comptes, il m'a dit qu'il faudrait quand même que j'essaie d'avoir au moins une idée de l'amortissement du matériel, en particulier pour un excellent laboratoire, avec des chercheurs éminents, qui recevait d'importantes dotations. Je lui ai répondu que la comptabilité de ce laboratoire était effectuée par un TUC, qui avait au mieux un BTS. Comment demander, dans ces conditions, qu'on mette en place une comptabilité analytique performante ?

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Mais est-ce désormais le cas, dans les dernières universités que vous avez évaluées ?

M. Jean-Loup Jolivet : Non. Il y a des choses qui se font bien ; une réelle volonté des responsables d'aller dans cette direction ; mais les universités ne disposent toujours pas des moyens humains pour profiter pleinement de la LOLF.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Nous n'avons pas encore abordé l'important sujet du patrimoine. Si on veut responsabiliser une organisation, quelle qu'elle soit, il faut sans doute lui confier la responsabilité de son patrimoine. Mais cela paraît bien compliqué. Quel est votre sentiment à ce propos ?

M. Jean-Loup Jolivet : Il faut aller dans ce sens, mais toutes les universités ne sont pas prêtes et n'ont pas les moyens humains d'assumer complètement la charge du suivi du patrimoine. Il me semble donc que cela pourrait être proposé à titre expérimental à des universités volontaires et éventuellement étendu après évaluation.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Le préalable est de mettre les compteurs financiers à zéro.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : La dévolution du patrimoine n'irait-elle pas à l'encontre de la logique de site qu'on veut développer par ailleurs ?

M. Jean-Loup Jolivet : Si on rêve un peu et qu'on imagine, une fois que les mentalités auront évolué, que la logique de site aille à terme jusqu'à des regroupements institutionnels et aboutisse à ce qu'il y ait une grande université de Bordeaux comme il y a une grande université de Bologne, on peut se dire que c'est ensuite, dans ce cadre, qu'il faudrait penser à une dévolution du patrimoine.

À l'inverse, on peut peut-être s'en servir comme d'une carotte pour inciter plusieurs établissements d'une même ville à se regrouper.

M. Pierre Méhaignerie : S'il fallait hiérarchiser les améliorations nécessaires, lesquelles mettriez-vous en tête ?

M. Jean-Loup Jolivet : Il faudrait absolument aller à l'encontre du localisme, ce qui ne coûte rien. Il conviendrait aussi d'ouvrir la possibilité de renouveler le mandat des présidents, d'allonger un peu la durée du contrat et d'y intégrer une vision à plus long terme des ressources humaines.

M. Pierre Méhaignerie : Et la possibilité d'un veto du président sur un recrutement ?

M. Jean-Loup Jolivet : Il est en effet choquant qu'un président ne puisse pas demander qu'on réexamine un recrutement. Il est certes possible qu'un conseil restreint d'université, emmené par le président, refuse de pourvoir un poste, mais c'est un processus lourd et, surtout, le réexamen n'a lieu que l'année suivante ce qui pénalise l'université et un président hésite donc beaucoup à faire cela. Mais il me semble qu'il est le garant de la bonne marche de l'établissement et que s'il considère qu'un recrutement proposé par une commission spécialisée n'est pas bon pour l'enseignement, il a le devoir de le faire savoir. Or, un directeur d'IUT peut s'opposer à une nomination, pas un président d'université. Ce n'est d'ailleurs pas bon non plus en termes de hiérarchie au sein de l'université.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Cette réforme marquerait une petite révolution dans la gestion du personnel de l'enseignement supérieur.

M. Pierre Méhaignerie : Vous-même la souhaitez-vous, mon cher collègue ?

M. Alain Claeys, Rapporteur : Il est difficile de dire qu'on refuse le localisme et en fait d'y inciter pour le personnel.

M. Jean-Loup Jolivet : Il ne s'agit pas de cela ! Je dis simplement que, quand une procédure de nomination par une commission de spécialistes de la discipline aboutit à nommer par exemple un mathématicien, parce qu'il est très bon dans un domaine, et que cela ne colle pas du tout avec la politique générale de l'université, on peut se demander s'il ne serait pas bon que le président puisse intervenir, non pas en tant que défenseur des intérêts locaux, mais en tant que responsable d'une politique cohérente des ressources humaines dans son université.

M. Augustin Bonrepaux, Président : Alain Claeys a déjà fait un rapport sur la gestion des universités. A-t-il servi à quelque chose ? En a-t-on tenu compte ? La gestion des universités s'est-elle améliorée ?

M. Jean-Loup Jolivet : Je dirai de ce rapport comme de ceux de la Cour des Comptes et, plus modestement, du CNE, qu'ils participent à l'évolution des mentalités, mais qu'il est très difficile de dire que c'est cela qui a fait bouger les choses.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Mais, au-delà des mentalités, les choses se sont-elles améliorées ?

M. Jean-Loup Jolivet : Les actes suivent l'évolution des mentalités. Ne nous montrons pas trop pessimistes : bien des choses peuvent maintenant se dire au sein d'un conseil d'université et de la Conférence des présidents d'université : des sujets comme les relations avec le secteur industriel ou les brevets sont désormais abordés avec une franchise et un vocabulaire qui auraient été impossibles il y a quinze ans.

M. Pierre Méhaignerie : Où est le pouvoir ?

M. Jean-Loup Jolivet : Comme pour toute organisation, cela varie en fonction de l'histoire et de la culture de l'établissement. En général, le pouvoir est exercé par le président et l'équipe qui l'entoure, mais il y a encore des universités où deux ou trois grosses UFR ont une grande partie du pouvoir concret.

M. Augustin Bonrepaux, Président : Merci beaucoup.

b) 10 h 30 : M. Yannick Vallée, premier vice-président, et M. Éric Esperet, délégué général, Bureau de la Conférence des présidents d'universités.

Présidence de M. Augustin Bonrepaux

M. Augustin Bonrepaux, Président : Je suis heureux d'accueillir les représentants du bureau de la Conférence des présidents d'université. Après le rapport précédent de notre collègue Alain Claeys et celui de la Cour des comptes, nous recommençons aujourd'hui notre travail afin de faire évoluer les choses.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation. La MEC a souhaité aborder à nouveau les sujets de la modernisation, de l'autonomie et de la meilleure performance de nos universités. Beaucoup a été fait à ce propos, vous-même avez organisé un colloque et la Cour des Comptes y a consacré un rapport.

Je pense que nous pouvons chercher aujourd'hui à voir ensemble, de façon pragmatique, ce qui a évolué ces dernières années, ainsi que les sujets qui vous paraissent devoir être prioritairement traités, soit par expérimentation, soit dans le cadre d'une éventuelle démarche législative.

Nous connaissons la toile de fond : une grande diversité de nos universités, la recherche d'une plus grande démocratisation, ainsi, même s'il ne s'agit pas de notre sujet ce matin, que de moyens financiers.

Quand on parle de modernisation et d'autonomie, on sait qu'il faut travailler sur la gouvernance, sur les budgets, sur l'encadrement du management, sur la notion de contrat, sur la notion de site, sur l'évaluation. Vous-même avez à gérer à la fois cette diversité et à avancer un certain nombre de propositions. Pouvez-vous nous indiquer les pistes qui vous paraissent essentielles et sur lesquelles le législateur pourrait vous aider à avancer ?

M. Yannick Vallée : Tout ce que vous venez de dire reflète une situation relativement nouvelle pour l'université par rapport à 2000. On en était alors à la fin de l'augmentation brutale du nombre des étudiants, de 30 % en quelques années, qu'avait entraînée la démocratisation de l'enseignement supérieur. Désormais, les universités sont stabilisées et l'accueil des nouveaux étudiants n'est plus aujourd'hui la principale question. C'est important car cela nous donne des marges de manœuvre, politiques et budgétaires.

Jusqu'en 2000, il n'était pas facile de prononcer le mot « diversité » devant des présidents d'université. Même si le mythe des universités toutes équivalentes existe encore un peu, il est indéniablement en train de s'estomper : la diversité est maintenant acceptée par la communauté, qui est prête à dire que toutes les universités ne sont pas les mêmes, parce qu'elles ont des fonctions diverses, certaines étant spécialisées et d'autres pluridisciplinaires, mais aussi parce que leurs capacités de recherche sont différentes.

Ces évolutions nous mettent en bonne position pour revoir un certain nombre de concepts et pour faire évoluer le système.

Dès qu'on parle de changement, on parle d'autonomie. Ce mot n'est pas facile à manier : si les présidents d'université le font, la communauté universitaire, en particulier une partie de la communauté étudiante, ne l'accepte que difficilement, en particulier parce qu'elle vit encore sur un principe extrêmement centralisateur et jacobin, et parce qu'elle craint que l'officialisation, à travers l'autonomie, des différences entre les universités ne conduise à une inégalité entre les étudiants. Nous devrons donc leur prouver qu'au contraire, plus les universités disposeront de marges de manœuvre dans leur gouvernance, plus elles amélioreront leur formation et leur mode de fonctionnement, plus les étudiants y auront, globalement, un bon service. Plus on acceptera l'idée que certaines sont meilleures que d'autres, plus les universités dans leur ensemble seront tirées vers le haut.

L'autonomie, ce n'est pas l'indépendance : nous sommes des éléments du service public de l'enseignement en France ; nous faisons partie de l'école française ; contrairement à ce que l'on a pu entendre, nous ne demandons pas notre privatisation. Mais nous souhaitons continuer à faire partie du service public avec le plus de liberté possible, en particulier pour définir nos parcours de formation et nos programmes de recherche. Nous sommes prêts à le faire dans un cadre où le contrôle de l'État ne doit pas disparaître : il y aura toujours un ministre en charge de l'enseignement supérieur. Je pense qu'aucun universitaire n'est prêt à renoncer à sa tutelle.

Ce qui est pesant, c'est que ce ministre ou son administration s'implique trop dans les décisions de terrain et ne les laisse donc pas assez aux acteurs locaux. Pour notre part, nous souhaitons une déconcentration de la prise de décision, qui mettrait en valeur toute la réalité territoriale de l'université. Car l'université est dans une ville et dans une région, et elle souhaite pouvoir utiliser ce qu'elle a de mieux au service de la population.

Cette autonomie doit s'accompagner d'une amélioration de l'évaluation. Je plaide pour ma part pour un État stratège, mais aussi pour une évaluation qui demeure au niveau central. Car si je demande un budget global et la possibilité de faire moi-même des choix sur son utilisation, il est normal que la Nation puisse juger de ce que j'en fais. Or le système actuel ne le permet pas : sans réforme de l'évaluation on ne pourra pas aller vers davantage d'autonomie.

La loi sur la recherche nous en donne l'occasion car elle va modifier le paysage de l'évaluation, avec la création de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur. En matière d'autonomie, la loi prévoit aussi la globalisation du budget recherche.

Derrière la question de l'autonomie, on en vient très vite à celle du pouvoir personnel du président. Pour ma part, je ne suis pas persuadé que l'autonomie signifie la prise de pouvoir par le président. Renforcer le management, comme c'est souhaitable, n'interdit pas une forme de démocratie participative. Les universitaires sont d'ailleurs très attachés à un système assez proche de l'autogestion, avec ses avantages démocratiques et ses inconvénients « surdémocratiques ».

Je crois par ailleurs que parce que les universités ont accepté leur diversité, elles sont désormais prêtes à accepter l'expérimentation, même si pour ma part, je continue à réclamer une belle loi sur l'université.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : S'agissant de la gouvernance, quelles évolutions vous paraissent souhaitables, d'une part pour remédier à la faiblesse des moyens en logistique humaine dont dispose le président, en particulier en ce qui concerne le secrétaire général et la comptabilité analytique, d'autre part pour lui permettre de s'affirmer face à la tradition facultaire et aux véritables féodalités que constituent certaines UFR ? Car souvent, l'université n'est pas une île mais un archipel, et il faut savoir qui commande.

M. Yannick Vallée : Certaines universités sont critiquées pour leur gestion, notamment financière. Une des conditions de l'autonomie est le renforcement de l'encadrement. En dehors des professeurs, la seule personne de haut niveau dans une université est très souvent le secrétaire général. C'est une grande différence avec les organismes de recherche, qui explique sans doute qu'ils gèrent mieux la recherche que nous. Il faut aujourd'hui modifier la pyramide des emplois. Dans une université comme la mienne, qui n'est pas la plus défavorisée, nous avons 50 % de personnels de catégorie C, 30 % de catégorie B et 20 % de catégorie A, alors que nous avons un fort besoin en A+, qui nous sont indispensables pour la gestion de nos finances et de nos ressources humaines.

Un président d'université « débarque » un peu quand il se fait élire. Pour ma part, je suis chimiste et, quand je suis arrivé, mes compétences en gestion financière étaient nulles, comme celles de nombreux collègues. Si le président ne peut pas appuyer sa politique sur un staff gestionnaire de bon niveau, cela pose vraiment problème, car c'est le conseil d'administration, qui n'a pas plus de compétences que lui, qui devient de fait gestionnaire. C'est ainsi qu'on voit des conseils qui votent des budgets importants, délégués par la Nation à l'université, sans véritable réflexion sur ses priorités.

Savoir de combien d'emplois A+ nous devons être dotés amènera peut-être indirectement à s'interroger sur le nombre des universités en France et à se demander si des regroupements ne faciliteraient pas la gestion des universités.

En ce qui concerne l'archipel facultaire, les choses sont très différentes d'une université à l'autre. Les facultés sont plus vieilles que les universités. Le premier texte de recréation des universités date de 1896 et on a dit alors qu'elles étaient constituées de la somme des facultés. Et cela a duré jusqu'en 1968. Les universités qui ont laissé perdurer le système facultaire ont commis une erreur car, avec le renouvellement des générations, il ne devrait plus y avoir, trente ans plus tard, grand monde qui ait connu le système des facultés indépendantes. Il est donc important que les choses changent désormais rapidement.

Cela ne signifie pas que tous les échelons intermédiaires doivent disparaître : des logiques de discipline et de projets doivent pouvoir perdurer. Pour autant, nos facultés et nos UFR sont sans doute trop petites, et nous devons réfléchir à ce propos.

Pour ma part, je suis président d'une université de sciences « dures », et nous n'avons pas de système facultaire. En dehors de la médecine, les facultés les plus indépendantes sont souvent celles de droit. Ce sont d'ailleurs celles qui ont le plus de mal à passer au LMD. Là où les traditions sont les plus fortes, je crains que le changement de génération n'ait pas été utilisé pour en finir avec ce système.

M. Pierre Méhaignerie : Nous sommes ici de sensibilités politiques différentes, mais je crois que nous partageons le souhait d'une évolution prudente car nous connaissons le pouvoir magique des mots dans l'université et nous voulons avancer sans être caricaturés, surtout par les étudiants.

Vous avez évoqué, à propos de la gouvernance, la nécessité de renforcer le staff de gestion. Nous nous demandons aussi si la composition des conseils d'administration ne fait pas obstacle à l'intégration de l'université dans son environnement, les personnalités extérieures se décourageant quand elles doivent subir à chaque fois pendant deux heures le même discours des mêmes organisations.

Il est par ailleurs difficile de trouver un équilibre entre l'indépendance nécessaire des enseignants-chercheurs d'une part, et la récompense et la motivation des hommes d'autre part. Parmi les pistes qui ont été tracées tout à l'heure figuraient notamment le renouvellement du mandat du président pour lui donner une certaine autorité, la possibilité d'un veto sur la nomination d'un enseignant chercheur, le refus du localisme. Comment éviter que certains bons éléments ne partent parce qu'ils ont le sentiment d'être dans un moule syndicalo-corporatiste ?

Enfin, si on allait avec prudence vers l'expérimentation, en cherchant le soutien du monde universitaire et des présidents d'université, faudrait-il que le Parlement fixe un cadre, en laissant chacun libre de s'y inscrire, afin de ne pas donner le sentiment de l'imposer de l'extérieur ?

M. Yannick Vallée : Certains conseils d'administration fonctionnent bien. La difficulté tient au fait qu'il s'agit à la fois de conseils d'administration et de comités d'entreprise, ce qui est particulièrement ennuyeux pour les personnalités extérieures. Et c'est bien pour cela que, sur la douzaine de personnalités extérieures que comptent nos conseils d'administration sur une soixantaine de membres, une ou deux seulement participent aux réunions. Il faut donc aller vers des conseils d'administration stratégiques, peut-être moins fréquents mais définissant la politique de l'établissement, et ouverts : je pense que nous avons intérêt à avoir plus de personnalités extérieures, qui pèsent davantage dans les votes. Cela doit amener à s'interroger sur ce qu'il convient de déléguer aux autres conseils. Pour l'instant, ceux qui fonctionnent le mieux sont les conseils scientifiques. On aurait sans doute intérêt à faire du conseil des études et de la vie universitaire le comité d'entreprise apte à traiter toutes les questions de la vie quotidienne. Ainsi, ne seraient abordés dans les conseils d'administration que les points importants : budget, emplois, stratégie de recherche. Et cela devrait être fait dans un conseil ou les personnalités extérieures seraient plus nombreuses. Car cette politique doit être menée avec notre environnement, en particulier avec les collectivités territoriales, qui devraient être représentées au plus haut niveau, afin que le vote du représentant du maire implique un certain pouvoir de décision.

La Conférence des présidents d'université est favorable au renouvellement du mandat des présidents d'université, même si nous y avions renoncé dans le projet de loi Ferry. Je ne comprends pas bien pourquoi les universitaires y sont opposés : il y aura une élection entre les deux mandats, et s'ils ne veulent plus d'un président, il leur suffira de ne pas voter pour lui. Au moins auront-ils ainsi l'occasion de juger son action. Car à l'heure actuelle, trop peu de présidents quittent leurs fonctions en faisant un bilan.

S'agissant du recrutement du personnel, il y a des choses un peu étonnantes : alors que le directeur d'un IUT ou d'une école d'ingénieurs peut opposer son veto au recrutement d'un maître de conférences, un président d'université n'en a pas la capacité.

C'est pour ce genre de choses que l'expérimentation paraît souhaitable, la plus importante devant être menée sur le budget car c'est là que les choix que fera le Parlement pour nos universités auront le plus d'implications.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les présidents d'universités étaient partagés sur le renouvellement du mandat, ils semblent avoir évolué. Offrir cette possibilité sera sans doute la meilleure solution.

Vous dites que le budget est le domaine par excellence où il faut expérimenter. Mais cela amène à poser la question du périmètre de cette expérimentation et à parler du patrimoine, de l'application annuelle des contrats et des problèmes de personnels. Où en est votre réflexion à ce propos ?

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Pouvez-vous aussi donner votre sentiment sur la répartition entre dotation annuelle automatique et contrat annualisé ?

M. Yannick Vallée : La question la plus difficile est celle du personnel : je ne vous conseille pas de permettre une expérimentation totale, en particulier sur les salaires, car elle risque de s'arrêter rapidement. Les syndicats ne pourraient pas l'accepter dans le contexte actuel et nous ne demandons pas pour demain un budget global qui inclurait l'ensemble des salaires de nos personnels fonctionnaires, sachant que nos budgets couvrent déjà les salaires des contractuels, dont le poids n'est pas négligeable dans les universités.

Certaines universités, comme celle de Strasbourg, ont déjà accepté la dévolution du patrimoine, mais les choses ne sont pas allées bien vite. Je crois que c'est une expérimentation qui peut être lancée, avec toutefois, dans les villes où il y a plusieurs universités, la question de la dévolution université par université ou au PRES.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous pensez que le PRES peut favoriser la politique de site, y compris en ce qui concerne le patrimoine ?

M. Yannick Vallée : A titre personnel, car la Conférence n'a pas pris position, je pense que là où il y a plusieurs universités le patrimoine doit être dévolu au PRES, c'est-à-dire à l'union des universités d'un même site. À défaut, cela ne peut pas fonctionner, ne serait-ce que parce que les universités ont des budgets d'importance variable et qu'une mutualisation est indispensable.

Sur la part qui doit être liée aux contrats, nous avons des discussions avec les directions de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le budget recherche est déjà très largement contractualisé, presque de façon progressive, laboratoire par laboratoire. Une part importante, en général plus de la moitié, du budget de l'enseignement supérieur est normée.

La logique de l'autonomie est une logique de projet, qui suppose donc que la part du financement sur projet soit plus importante. Cela ne signifie pas qu'il faut abandonner tous les crédits par étudiant, les universités de taille moyenne ayant peur d'une répartition qui ne se ferait que sur les projets, qui aboutirait à ce que les grosses universités scientifiques récupèrent le pactole. Mais on peut aussi voir dans cette évolution une incitation à s'engager dans la logique de projet, pour avoir non seulement plus d'argent mais aussi plus d'autonomie. On peut imaginer une part du financement par projet entre 60 et 70 %, avec des variations d'une université à l'autre.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Où en est le débat parmi les présidents d'université ?

M. Yannick Vallée : Il vient d'être lancé, la commission des moyens y travaille et il fera l'objet d'une prochaine réunion de la Conférence. Mais il semble que l'idée que la part liée au projet soit plus importante soit assez bien acceptée.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Le contrat quadriennal ne recouvre qu'une faible partie de vos moyens. Comment le faire évoluer ? Sa durée est-elle suffisante ? Quel doit être son périmètre ?

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Comment l'harmoniser avec les autres contrats, qu'ils portent sur la recherche ou sur l'immobilier ?

M. Didier Migaud : Vous avez dit qu'il serait souhaitable d'aller vers 60 ou 70 %, mais quelle est, pour l'instant, la part du contrat ?

M. Yannick Vallée : En moyenne 40 %, mais dans certaines universités, comme la mienne, le contrat est déjà dominant.

Quatre ans, c'est trop court, mais il n'est pas facile de modifier cette durée, qui est aussi celle du contrat du CNRS, dont il paraît difficile de se dissocier. Il conviendrait donc de revoir simultanément la durée des contrats des universités, des écoles et des organismes de recherche. Sans doute serait-il souhaitable d'aller vers une durée de six années, qui permettrait de mener une véritable politique, en prévoyant peut-être une évaluation à mi-parcours. Cela nous ramène d'ailleurs à la question de la durée du mandat du président : comment serait-il responsable d'un projet s'il ne le portait pas jusqu'au bout ?

M. Éric Esperet : Dans toute organisation humaine, l'autonomie suppose qu'on gère soi-même son capital, son personnel et son budget. Sur le personnel, sans aller jusqu'à une gestion de la masse salariale, on peut rester dans le statut de la fonction publique tout en autorisant un fonctionnement différent. Il n'est plus possible que les présidents d'université soient privés de la possibilité de recruter eux-mêmes les personnels IATOSS, c'est-à-dire les personnels ingénieurs, administratifs, techniques, ouvriers, sociaux, de santé, des bibliothèques et des musées de catégorie A. Comment une université peut-elle fonctionner quand elle se voit affecter le 2 septembre par le rectorat des attachés principaux d'administration dont elle ignore s'ils correspondent aux profils des postes ? Il faut donc que le président ait au moins la possibilité de participer à la désignation, et même qu'il puisse recruter lui-même : il n'existe pas d'organisation autonome qui ne recrute pas son personnel d'encadrement. Il faut rompre avec le mythe qui voudrait que le travail soit le même de la maternelle à l'université. Il y a désormais des spécificités professionnelles telles qu'il faut des personnels d'encadrement spécialisés et de haut niveau. Nous essayons depuis quelques années de développer des formations pour les personnels qui se situent juste en dessous du secrétaire général, mais il faut aller plus loin sur le recrutement et l'affectation.

S'agissant des enseignants, il va bien falloir s'attaquer à la question de la définition des services. Comment un président mènerait-il une véritable politique s'il n'a pas la possibilité de moduler les services des enseignants ?

M. Pierre Méhaignerie : C'est vital !

Vous avez dit qu'on ne pouvait pas toucher à la masse salariale, mais ce raisonnement vaut-il aussi pour les primes ?

M. Yannick Vallée : Le recrutement selon les modalités strictes de la fonction publique ne correspond pas bien à ce qui est fait dans nos universités. Le concours national ne nous permet pas de répondre à notre besoin d'un ingénieur de recherche spécialisé dans un domaine particulier. Les concours d'enseignants-chercheurs dérogent déjà largement aux règles de la fonction publique, sans doute pourrait-on étendre ces modalités en y ajoutant un droit de veto du président.

Nous avons un certain droit de regard sur les personnels administratifs de recherche et de formation, mais certains personnels viennent directement du rectorat, sans que nous ayons notre mot à dire. Par exemple, si je mets au concours un poste de chef de service adjoint au secrétaire général, si le rectorat décide de faire venir un spécialiste des bibliothèques, il faudra que je me débrouille.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Il faut absolument sortir de tels archaïsmes !

M. Yannick Vallée : J'en viens aux primes. Elles existent déjà et peuvent représenter une part non négligeable du salaire des enseignants-chercheurs, en particulier au titre de l'encadrement doctoral. Mais le pouvoir du président en la matière est extrêmement faible, dans la mesure où ces primes sont allouées directement par le ministère, à travers ses commissions spécialisées, alors qu'on voit bien que ce ne sont pas elles qui sont les mieux à même de le faire. L'évaluation des enseignants-chercheurs doit être nationale, mais le choix d'attribuer les primes doit être décentralisé : il faut distinguer clairement ceux qui évaluent de ceux qui prennent les décisions.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Peut-on dire qu'il y a des primes à vie ? Arrive-t-il que des primes ne soient plus données ?

M. Yannick Vallée : Il y a peut-être des enseignants-chercheurs exceptionnels à vie... Plus sérieusement, les primes d'encadrement doctoral sont versées pendant quatre ans.

Je plaide pour que le président ait plus de possibilités en ce qui concerne les primes des personnels administratifs. Cette question avait été discutée au moment de la mise en place des universités et l'on avait alors décidé d'un mode de répartition assez égalitaire. Je le sais pour m'y être essayé, dès que le président essaie de toucher à cela, les syndicats exigent qu'on ne change rien. On a un mal fou à récompenser les personnels qui s'impliquent plus que d'autres, certains ayant ainsi travaillé 50 ou 60 heures par semaine pour la mise en place du LMD.

M. Alain Claeys, Rapporteur : On parle souvent de localisme à propos du recrutement.

M. Yannick Vallée : Ce n'est pas si vrai que cela. Selon les statistiques du ministère, deux tiers des maîtres de conférences et la moitié des professeurs sont recrutés à l'extérieur de l'université. Nous faisons donc beaucoup mieux pour le passage entre les deux que le CNRS, 90 % des chargés de recherche étant nommés directeurs dans le laboratoire où ils travaillaient déjà.

Mais le problème existe. Si le recrutement est effectué, in fine, par le président, il passe par des commissions de spécialistes, qui ne sont pas forcément les plus experts dans le domaine concerné. Il existe encore des universités où un directeur de laboratoire n'a pas son mot à dire sur le choix d'un maître de conférences qui va venir travailler dans son laboratoire. Le conseil d'administration peut refuser un recrutement, mais il hésite souvent à le faire. Peut-être un usage plus fréquent du droit de veto du président montrerait-il aux commissions qu'il convient qu'elles travaillent dans d'autres conditions. Mais je crois qu'il va bien falloir, à un moment ou à un autre, se pencher sur la question de la composition de ces commissions, avec sans doute une plus grande part pour les évaluations extérieures.

M. Didier Migaud : Vous avez qualifié de très mauvais le système d'évaluation, quelles propositions feriez-vous pour l'améliorer ?

Par ailleurs, comment situez-vous les universités françaises par rapport aux autres universités en Europe et dans le monde ?

Enfin, pouvez-vous dire un mot de la LOLF et de son application sur le terrain ?

M. Yannick Vallée : À l'évidence, nos universités ne se situent pas au premier rang dans les classements parus dans la presse. Le degré d'autonomie des universités européennes est assez variable, or les universités qui disposent du plus d'autonomie, en particulier les universités britanniques, sont aussi les mieux placées dans le classement de Shanghai. Cela doit nous faire réfléchir, même s'il s'agit aussi d'établissements qui, comme Cambridge ou Oxford, datent du Moyen Âge et ont ainsi une plus grande légitimité à être autonomes. Mais je crois que nous avons intérêt à faire du benchmarking en Europe, à voir et à copier ce qui fonctionne mieux ailleurs, sans renoncer bien sûr à nos spécificités.

Les enseignants-chercheurs ne sont pas suffisamment évalués : il faut qu'ils demandent une promotion pour qu'ils le soient. Celui qui décide de finir sa carrière comme maître de conférences ne sera donc évalué qu'à l'occasion de son passage à la hors classe. L'évaluation des enseignants-chercheurs doit être mise au même niveau que celle des chercheurs, même si cette dernière n'est pas parfaite. La difficulté tient au fait que les enseignants-chercheurs ont deux métiers. Pour l'évaluation de la recherche, le CNE doit se mettre au niveau du CONRS, le comité national de la recherche scientifique.

L'évaluation de l'enseignement est plus difficile. Elle n'était même pas envisageable il y a une dizaine d'années. Quand on postule pour un poste en Belgique, on nous demande nos notes d'enseignement. Les étudiants y donnent des notes aux enseignants. Cela peut paraître démagogique, mais on a bien besoin d'évaluer les enseignants. Une réflexion doit être menée à ce propos ; je crois que l'idée est en train de passer, ne serait-ce que parce que les enseignants-chercheurs veulent être promus à la fois sur la qualité de leur recherche et de leur enseignement.

Je l'ai dit, la recherche doit être évaluée au niveau national, mais la qualité des enseignements ne peut l'être qu'au niveau local et il faut mettre rapidement en place un système d'auto-évaluation par les universités.

Quatre universités ont expérimenté la LOLF, mais nous y venons tous, ainsi mon projet d'établissement a été rédigé dans ce cadre. C'est indiscutablement l'occasion d'une nouvelle réflexion : on ne peut pas parler de LOLF si on ne parle pas de projet. Il devient impératif de dire si ce qui est prioritaire dans une université, ce sont les licences ou les masters, la chimie ou la biologie. Si on n'a pas fait ces choix, on est incapable d'écrire un projet annuel de performance. Tout ceci relève pour une bonne part des discussions en conseil scientifique et en conseil d'administration. Et on revient sur le problème précédemment évoqué : disposons-nous de conseils d'administration, aptes à faire ces choix, de présidents auxquels leur formation en donne la capacité ? Je n'en suis pas entièrement persuadé. La LOLF amène à s'interroger à ce propos, comme sur notre potentiel en cadres A+, sur la responsabilisation du président et des membres du conseil d'administration. Le membre du conseil qui vote pour ou contre un budget doit comprendre qu'il va en sentir les conséquences dans sa vie quotidienne à l'université. Or, ce n'est pas le cas actuellement. Souvent, il vote pour ou contre le budget en fonction du Gouvernement ou de son entente avec le président de l'Université. La LOLF est donc une grande chance pour nos universités et elle arrive au bon moment pour d'éventuelles expérimentations.

M. Alain Claeys, Rapporteur : La mise en place du LMD a-t-elle favorisé cette réflexion au sein des universités ?

M. Yannick Vallée : Oui et non. Oui, parce que c'est une bonne réforme, parce qu'elle a remis en cause nos parcours de formation, parce qu'elle a créé une vraie licence en tant qu'échelon terminal. Non, parce qu'il y a encore du travail, parce que trop d'universités ont plaqué le LMD sur ce qui se faisait avant. Il va falloir deux ou trois contrats quadriennaux pour que le LMD fasse vraiment partie de notre fonctionnement.

M. Éric Esperet : Je voudrais apporter une note plus optimiste sur la question des présidents. Si l'on part de l'idée qu'ils ne sont pas capables de faire des choix, alors il ne faut pas réformer l'université. Or c'est indispensable car, en matière de fonctionnement, nous sommes en train de prendre du retard sur tous les pays d'Europe.

Le problème politique du président est le même que celui de tous les élus : celui qui arrive à la présidence d'un conseil général n'est pas forcément un financier extraordinaire, mais ce n'est pas à ce titre qu'il a été élu : c'est sur un projet politique, pour lequel on lui fait confiance pour s'entourer des gens qui lui permettront de le mener à bien. Pour les présidents d'université, s'il ne faut pas élire celui qui n'a pas de projet, en revanche il faut faire aussi ce pari de la confiance, et accompagner celui qui est porteur d'un véritable projet. C'est ce que nous essayons de faire en développant des formations, afin que les présidents soient capables de discuter de tous les dossiers avec les secrétaires généraux.

M. Yannick Vallée : Je suis tout à fait d'accord. Cela doit amener à s'interroger sur la façon dont on choisit le président.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Mais, pour faire un peu de jacobinisme, comment harmoniser les projets des universités avec les obligations d'un cadre national ?

M. Yannick Vallée : J'ai parlé tout à l'heure de l'État stratège et on pourrait parler aussi de l'Europe. L'État doit jouer pleinement son rôle. Il y a vingt-cinq ans que l'on dit qu'il faut faire des biotechnologies, et l'on continue à ne pas en faire. De ce point de vue l'État, qui doit définir les grands axes et qui a su en son temps imposer le nucléaire, est aujourd'hui défaillant. La vision stratégique de la politique de recherche est aujourd'hui trop faible. Elle devrait s'appuyer davantage sur l'expertise, par exemple grâce au futur Haut Conseil de la recherche, qui pourrait aider à faire des choix. S'il est capable de définir les grands axes, il doit laisser le détail de leur mise en œuvre au niveau local ou aux opérateurs comme le CNRS. Or, aujourd'hui, l'État est peu stratège et laisse peu de marges de manœuvre.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous demandez en fait à l'État de déterminer une stratégie et de renforcer l'évaluation. En contrepartie, vous souhaitez qu'il soit moins tatillon sur le terrain. On ne peut que souscrire à ces idées, mais il y a un risque. Vous avez parlé tout à l'heure de déconcentration, il faut qu'on se comprenne bien : autonomie ne veut pas dire décentralisation, sauf à faire courir un risque important à l'enseignement supérieur et à la recherche. On sait que, dans certains territoires, comme en ce qui concerne les hôpitaux de proximité, les élus veulent pouvoir peser sur un certain nombre de choix. Avez-vous réfléchi aux risques de la régionalisation ?

M. Pierre Méhaignerie : Compte tenu des moyens qu'exige la recherche sur les biotechnologies, ne faut-il pas nécessairement passer par des grandes alliances entre privé et public ? Cela parait-il possible dans le climat idéologique actuel vis-à-vis des OGM ?

M. Yannick Vallée : Eh bien, on continuera à acheter du maïs OGM breveté aux États-Unis et qui ne rapporte de l'argent qu'aux Américains. Je reconnais que le choix est difficile, mais sans riz OGM, des millions de gens mourraient de faim. C'est une question proprement politique.

Pour revenir à la question de M. Claeys, il y a peut-être en effet un risque d'explosion du système. Mais nous faisons partie de la fonction publique : je suis un serviteur de l'État et je considère que le rôle de l'État stratège est particulièrement important et qu'il doit le rester. L'université a d'autres partenaires, le privé, les collectivités territoriales, l'Europe, dont le rôle n'est pas d'être des tutelles : la région Rhône-Alpes n'est pas ma tutelle, elle est mon partenaire. Elle me donne de l'argent et il est donc légitime que je lui explique ce que j'en fais. Mais mon vrai supérieur hiérarchique est le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Je suis d'accord, mais dans les faits, pouvez-vous affirmer que dans toutes les négociations sur les contrats de plan, les collectivités territoriales n'ont pas parfois joué le rôle d'une tutelle ?

M. Yannick Vallée : La question des contrats de plan, dans lesquels il y a beaucoup d'argent, est très compliquée.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Comment les rendre cohérents avec le projet élaboré par l'université dans le cadre du contrat quadriennal et avec les contrats de recherche ? Comment harmoniser ces trois contrats, dont les signataires et les objectifs sont différents ? Tout ceci fonctionne-t-il de manière satisfaisante aujourd'hui ou faut-il faire évoluer les choses ?

M. Yannick Vallée : Le rôle des collectivités territoriales se renforce. Les pôles de compétitivité vont être une nouvelle occasion de nous interroger à ce propos. Un président qui ne tiendrait pas compte de cette logique territoriale serait un mauvais président. Un de ses rôles est de rendre cohérentes la stratégie nationale et les déclinaisons locales. Il n'y a là aucune incompatibilité.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Il y en a quand même eu pas mal dans le passé : les implantations locales et les antennes, ce qu'on appelle la diversité, en sont l'illustration.

M. Yannick Vallée : Tout le monde sait qu'il y a trop d'antennes en France, mais qu'on n'en fermera aucune.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Ce qui n'empêche pas de proposer d'en créer de nouvelles...

M. Yannick Vallée : Et même une nouvelle université... Il faut arrêter ! L'État s'est laissé faire jusqu'ici, il doit jouer son rôle et le président d'université doit pouvoir exercer vraiment la possibilité, que lui offrent les textes, de refuser la création d'un IUT et même de proposer des fermetures. Mais il faut pour cela qu'il soit reconnu comme une personnalité incontournable, c'est-à-dire qu'il soit perçu comme le représentant unique et relativement pérenne de son université. S'il y a eu des créations, c'est parce que les collectivités les ont demandées, parce que l'État les a acceptées et parce que cela arrangeait certains collègues.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Comment une université peut-elle résister à la pression des élus locaux si la création n'est pas cohérente avec le projet d'établissement ?

M. Yannick Vallée : Si elle dispose d'un projet LOLF clair, elle peut démontrer que la création peut coûter cinq fois plus cher par étudiant qu'une formation dans la ville-mère. Il peut parfois être légitime de dépenser plus, mais c'est souvent ubuesque.

M. Didier Migaud : D'autant que cela ne va pas toujours dans l'intérêt des étudiants !

M. Yannick Vallée : En effet, bien que ce soit présenté comme tel. Plus le président sera reconnu comme incontournable, moins nous aurons ce genre de problèmes.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Le recteur est-il un interlocuteur fréquent d'un président d'université ? Le service des universités est le plus petit au rectorat. Conviendrait-il de renforcer le pouvoir du recteur dans le cadre de la déconcentration ?

M. Yannick Vallée : C'est le rôle de chancelier des universités du recteur qui m'intéresse. Son rôle n'est pas honorifique. Il est le représentant de l'État, pour lequel nous travaillons.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Mais négociez-vous le contrat de plan avec le recteur ou avec le préfet ?

M. Yannick Vallée : Le recteur n'a actuellement aucun poids dans les décisions des universités. Il peut en théorie valider ou invalider le budget mais je doute qu'on ait beaucoup d'exemples de refus. Mais le seul moment où il influence la politique des universités, où on sent le poids de la tutelle, c'est sur les choix des contrats de plan lorsqu'il y a plusieurs universités, car c'est lui qui propose le classement. Certains pensent que le recteur ne devrait plus être chancelier des universités. Moi, cela ne me choque pas qu'il le demeure, mais je ne suis pas favorable à ce qu'on sente plus ce poids, car ce ne serait pas cohérent avec ma volonté d'une plus grande autonomie. Il est le représentant local de l'État, mais nos partenaires locaux sont les collectivités territoriales. Dans de nombreux pays, c'est le président d'université qui porte le titre de recteur.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Dans la maquette de la LOLF, l'enseignement supérieur et la recherche sont confondus. En êtes-vous satisfait ?

M. Yannick Vallée : Je suis satisfait qu'ils soient ensemble car c'est la logique de l'université. Il faut qu'il y ait une vision globale, quitte à ce qu'elle soit ensuite déclinée en programmes plus ou moins séparés. Couper les universités en deux aurait été une grave erreur.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les PRES, pôles de recherche et d'enseignement supérieur, peuvent-ils être une incitation financière à des politiques de site ou de regroupement ?

M. Yannick Vallée : Oui. Un PRES, c'est d'abord la volonté de travailler ensemble, qui doit se matérialiser par une mutualisation, en particulier budgétaire. Nous espérons que si nous travaillons bien ensemble, l'État en tiendra compte en termes budgétaires.

Les PRES sont donc des outils pour cela, pour aller vers des universités « fédérales » car le paysage universitaire français est actuellement trop éclaté. Dans certaines grandes villes, aller vers des structures fédératives uniques est incontestablement un objectif. À l'inverse, si le PRES n'est qu'une structure de plus au lieu de servir à la simplification, il ne sera d'aucune utilité.

Un des problèmes de la loi sur la recherche est précisément que pour faire évoluer les choses, on est obligé de créer de nouvelles structures sans jamais en supprimer. Or il est indispensable de parvenir à en supprimer quelques-unes d'ici cinq ou dix ans, sinon le coût pour la Nation sera excessif.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Excellent !

On a parlé de l'Europe. Pensez-vous, en tant que responsables universitaires, avoir les moyens de passer les alliances qui conviennent, en dehors des tutelles trop pesantes de l'État, pour construire des réseaux de recherche et d'échanges universitaires ? Des évolutions paraissent-elles nécessaires pour cela ?

Considérez-vous par ailleurs que les universités françaises bénéficient d'un ensemble des moyens mis en œuvre dans le cadre des PCRD et qu'elles les utilisent pleinement ?

M. Yannick Vallée : Nos universités s'en sortent mieux que ce que l'on dit parfois, et elles sont assez efficaces. Le problème est que leur visibilité à l'étranger est faible, notamment parce que notre système est complexe et parce que nous avons d'autres structures, comme le CNRS, le CEA ou l'INSERM, qui comptent au niveau européen et qui préemptent une partie des programmes. Cette difficulté risque d'être de plus en plus forte car on va vers des gros programmes, qu'une université seule aura du mal à porter. Il conviendrait donc qu'elles se mettent à plusieurs, et on en revient au PRES. Peut-être aurait-on besoin d'un porte-parole de l'ensemble de nos universités, ce que la Conférence des présidents ne peut pas être, car elle n'a pas de statut et ne peut donc recueillir de l'argent. Or on refuse d'accéder à notre demande qu'un statut de la CPU soit inscrit dans la loi sur la recherche au motif que ce serait inutile. Ce n'est pas vrai. Si l'on n'est pas capable, au niveau européen, de porter la voix de l'ensemble des universités françaises, de gérer ensemble certains gros programmes, nous allons tout simplement disparaître du paysage. Peut-être cela se fera-t-il au bénéfice des organismes et la France ne sera pas totalement perdante, mais je crois qu'on peut quand même avoir pour ambition que les universités françaises soient plus visibles à l'extérieur, ce qui passe bien par la reconnaissance de la CPU.

M. Alain Claeys, Rapporteur : On a beaucoup parlé de gestion et de gouvernance, mais arrêtons-nous aussi quelques instants sur la réussite et l'échec aux diplômes, en particulier en premier cycle, pour lequel le constat n'est pas très positif. Vous avez rappelé que l'université a eu jusqu'en 2000 cette lourde tâche d'absorber la massification des effectifs. Mais quel regard portez-vous sur la situation en premier cycle et quelles mesures préconisez-vous ? Quelle est par ailleurs votre réflexion sur l'articulation entre le premier cycle et les classes préparatoires ?

M. Yannick Vallée : Le rapport Attali de 1998 marque la naissance du LMD, qu'on appelait alors « 3-5-8 ». Mais il comportait aussi d'autres propositions : rapprocher l'université des grandes écoles - un peu ce qu'on veut faire avec les PRES -, investir dans les premiers cycles universitaires autant que dans les classes préparatoires. Cette dernière idée est la seule que l'on n'a pas prise en compte. On peut le comprendre car cela coûterait cher, mais c'est totalement indispensable.

Il ne faut pas surestimer l'échec, même s'il y en a toujours trop. On ne parviendra pas à y remédier si l'on n'a pas les moyens de le faire en termes d'orientation, d'encadrement, de tutorat, d'enseignants-chercheurs et d'enseignants. Le LMD, qui a été mis en place rapidement et qui doit encore évoluer, doit inciter l'État à réfléchir aux moyens qu'il convient de mettre dans les licences et à la façon de les valider, de les mettre en valeur, de les rendre aussi dignes que les classes préparatoires.

On propose de faire entrer les classes préparatoires dans le système des LMD, c'est-à-dire d'accorder à tous les jeunes qui auront fait une classe préparatoire 120 ECTS, soit autant qu'à ceux qui auront fait les deux premières années de licence, L1 et L2. Méfions-nous, car le LMD avait commencé à donner un certain intérêt à l'université, qu'on va perdre très vite si on étend ses avantages au système des grandes écoles.

Je reste convaincu que l'échec en premier cycle est inacceptable, que c'est un véritable gâchis pour la Nation et que, si l'on a quelques euros à dépenser, c'est là qu'il faut les mettre, d'autant que cet échec a un coût, notamment en termes de chômage. N'oublions pas qu'on dépense deux fois plus pour un étudiant en classe préparatoire, qui a le plus souvent obtenu une mention très bien au bac, que pour un étudiant en première année d'université, qui l'a obtenu avec 10,1 de moyenne. Je ne comprends pas cette logique : à l'évidence, c'est le second qui a le plus besoin d'être encadré.

M. Augustin Bonrepaux, Président : Je vous remercie pour toutes ces réponses précises, qui aideront nos rapporteurs dans leur travail.

Auditions du 23 février 2006

a) 9 heures 30 : M. Bertrand Fortin, président de président de l'université de Rennes I, Mme Annie Julien, secrétaire générale de l'université de Rennes I, MM. Paul Jacquet, président de l'Institut national polytechnique de Grenoble, l'INPG, Philippe Tchamitchian, président de l'université Paul Cézanne d'Aix-Marseille III, et Jacques Bourdon, ancien président de l'université d'Aix-Marseille III, représentants des universités expérimentatrices de la LOLF.

Présidence de M. Augustin Bonrepaux

M. Augustin Bonrepaux, Président : M. Jean-Louis Dumont souhaite faire une remarque liminaire.

M. Jean-Louis Dumont : Je m'étonne que le rapport de la Cour des comptes, qui nous a été présenté hier après-midi par son premier président, ne soit pas disponible à la distribution. Je relève par ailleurs que nos recommandations de l'an dernier sur les indicateurs de performance n'ont manifestement pas été jugées convenables par les hauts magistrats de la Cour...

M. Augustin Bonrepaux, Président : C'est moi qui ai pris le dernier exemplaire du petit contingent qui avait été déposé à la distribution !

M. Pierre Méhaignerie, Président de la Commission des finances, de l'économie générale et du Plan : Chaque parlementaire recevra le rapport par la poste et trente exemplaires ont été remis à la Commission.

M. Augustin Bonrepaux, Président : Je salue d'ailleurs la présence de la Cour des comptes, qui nous assiste depuis plusieurs années et dont le concours est précieux.

Je souhaite la bienvenue aux représentants des universités expérimentatrices de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF : M. Bertrand Fortin, président de l'université de Rennes I, Mme Annie Julien, secrétaire générale de l'université de Rennes I, MM. Paul Jacquet, président de l'Institut national polytechnique de Grenoble, l'INPG, Philippe Tchamitchian, président de l'université d'Aix-Marseille III, et Jacques Bourdon, ancien président de l'université d'Aix-Marseille III.

M. Alain Claeys, Rapporteur : La Mission d'évaluation et de contrôle a bien choisi le moment pour s'intéresser à la gestion des universités et à leur autonomie, pour plusieurs raisons : l'Assemblée nationale débattra du projet de loi de programme pour la recherche à partir de la semaine prochaine ; la communauté universitaire, notamment la conférence des présidents d'universités, réfléchit actuellement à la modernisation de la gestion des établissements ; la Cour des comptes a effectué un état des lieux très complet, qui tient parfaitement compte de la diversité des situations ; des expérimentations ont été menées, dont vous pourrez témoigner.

Pouvez-vous définir la notion d'autonomie ? Dans quel cadre, sur quels thèmes et avec quels résultats vos expérimentations ont-elles été conduites ? La LOLF vous paraît-elle constituer un levier utile ? Quel est votre sentiment sur l'architecture de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ? Que pensez-vous des indicateurs ? Où en sont les relations entre les universités et leurs unités de formation et de recherche, leurs UFR ? Comment la LOLF est-elle susceptible d'impliquer les UFR dans la modernisation des universités ?

M. Bertrand Fortin : Lorsqu'une expérimentation est menée, il est toujours intéressant de mesurer les avancées obtenues et de faire le point.

L'expérience dans laquelle nous nous sommes lancés n'était guère cadrée, ce qui a pu constituer un handicap mais aussi un avantage car la coopération avec les services du ministère a été très riche.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Quand cela s'est-il passé ? Comment votre université a-t-elle dialogué avec la direction de l'enseignement supérieur, la DES ?

M. Bertrand Fortin : Nous étions volontaires car nous étions déjà engagés dans une démarche de création d'un service d'activité industrielle et commerciale, un SAIC, et nous avions besoin de nouveaux outils de gestion en coûts complets pour la partie recherche de notre activité. Je précise que les SAIC, qui ont une comptabilité particulière, permettent aux universités, par le biais de leurs conseils scientifiques, de mieux piloter les actes de valorisation de la recherche que les filiales, tout en se mettant en conformité parfaite avec les règles fiscales relatives aux opérations lucratives.

Les activités de recherche et d'enseignement forment un tout, notamment à travers le travail des enseignants-chercheurs ; c'est pourquoi les présidents d'université ont milité pour l'intégration de l'enseignement supérieur et de la recherche au sein d'une seule et même mission de la LOLF.

Avant de nous porter volontaires, nous avons sensibilisé tous les directeurs de composante et tous les responsables de service à la démarche, et nous avons démarré en mars 2004. Une première mission de l'inspection générale des finances nous a permis de vérifier que nous étions à peu près en mesure de fournir les documents financiers et comptables requis et nous avons commencé à préparer le budget 2005 en mai. Ce premier budget, intermédiaire, a été « semi-lolfé » ; nous avons basculé complètement pour l'exercice 2006.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Quelles avancées avaient déjà été enregistrées sur le budget 2005 ?

M. Bertrand Fortin : Nous avons surtout travaillé sur la rémunération du personnel en prenant notamment en compte le coût salarial dans l'ensemble des activités universitaires, qu'il s'agisse de recherche ou d'enseignement.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les UFR ont-elles joué le jeu ?

M. Bertrand Fortin : Les universités sont très diverses et la mienne présente la particularité de chapeauter quatre instituts universitaires technologiques, IUT, plus des UFR médicales. Les UFR ont très bien joué le jeu. Mais il faut faire montre de beaucoup de pédagogie, le passage à la LOLF et l'idée d'autonomie suscitant parfois de grandes peurs quant au maintien du statut d'opérateur d'État dont jouissent les universités.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Pour 2005, votre effort a donc principalement porté sur l'agrégation des coûts de personnel.

M. Bertrand Fortin. Nous avons essayé de montrer que ces coûts pouvaient être ventilés sur les différentes missions de l'université.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Tenez-vous une comptabilité analytique ?

M. Bertrand Fortin : Non. Il s'agit plutôt d'un système de coûts complets. Nous ne disposons pas des outils nécessaires, nos systèmes d'information n'étant pas suffisamment performants et fiables pour que nous puissions nous en servir pour gérer l'établissement et rendre compte au ministère.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Au cours de cette première phase, le ministère vous a-t-il apporté une assistance administrative et technique ? Quelles difficultés avez-vous rencontré, Madame la secrétaire générale ?

Mme Annie Julien : Oui, le ministère nous a aidés. Étant collectivement volontaires, nous avons immédiatement mis en œuvre une démarche projet et créé un comité de pilotage, composé du président, du secrétaire général et de ses chefs de projet, du directeur des ressources humaines, de l'agent comptable chef du service financier, sans oublier les responsables des composantes qui posaient au départ des problèmes particuliers, comme les IUT ; cette équipe projet s'est réunie toutes les semaines.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Le statut particulier des IUT pose parfois des problèmes aux présidents d'université.

Mme Annie Julien : En l'occurrence, cela s'est finalement bien passé, grâce au dialogue permanent. Les IUT bénéficient d'une dotation budgétaire et de moyens en personnel distincts.

M. Bertrand Fortin : Je précise que je suis ancien directeur d'IUT !

M. Alain Claeys, Rapporteur : Quelles difficultés administratives avez-vous rencontré ?

Mme Annie Julien : Au début, l'expérimentation n'a pas été aisée ; le ministère nous a apporté une aide technique déterminante mais le projet n'était pas finalisé et nous avons accompli des pas en avant et en arrière. Par exemple, on nous a attribué la dotation de l'ancien chapitre 31-96, qui correspond aux personnels contractuels, et on nous a demandé en décembre de les payer en janvier ! Cela impliquait le paramétrage d'un outil informatique pour les 250 contractuels de notre université. Nous avons réussi, avec l'aide de l'agence de mutualisation des universités (AMUE), à mettre en place cet outil très rapidement. Avec les sites expérimentateurs, nous avons dû construire notre budget de gestion 2005 par action LOLF et répartir la masse salariale de nos 2 435 équivalents temps plein travaillé, ETPT, tant pour le personnel sur ressources propres que pour le personnel sur ressources d'État. Il a fallu définir le périmètre de chaque action.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Ce travail a-t-il abouti à des découvertes étonnantes ?

Mme Annie Julien : Nous avons beaucoup appris, notamment au sujet des activités très fines des enseignants-chercheurs et des personnels de bibliothèque, ingénieurs, administratifs, techniques, ouvriers, de service et de santé, BIATOSS. Et, au final, nous avons tout fait valider par les directeurs de composantes.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Ceux-ci vous ont-ils accompagné de manière positive ?

Mme Annie Julien : Absolument.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Et le conseil d'administration ?

M. Bertrand Fortin : Il nous a suivis sans difficulté, grâce au dialogue préalable.

La répartition entre types d'activités a provoqué quelques débats, la recherche apparaissant plus noble que l'enseignement aux yeux des enseignants-chercheurs. La recherche est un domaine très évalué, alors que l'enseignement ne l'est pas. Le problème s'est également posé pour les formations médicales, qui ne sont pas soumises au régime licence-master-doctorat, LMD.

M. Paul Jacquet : L'autonomie des établissements d'enseignement supérieur passe par deux préalables : ils doivent d'une part être maîtres de leur stratégie - fixée évidemment dans le cadre du paysage national - et d'autre part, être maîtres de leurs moyens car ils interviennent de plus en plus en tant que partenaires socio-économiques, surtout depuis le développement des pôles de compétitivité. Dans l'état actuel de la situation, nous ne sommes pas suffisamment crédibles parce que ces deux préalables ne sont pas réunis.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Pour quelles raisons ? Où se situent les blocages ?

M. Paul Jacquet : La maîtrise de la stratégie implique une évolution de la gouvernance des établissements ; la maîtrise des moyens passe par une globalisation du budget et des outils adaptés. J'ai demandé dès 2003 que le budget consolidé de l'établissement fasse apparaître les parts affectées aux trois missions qui nous sont conférées par la loi de 1984 : la formation, la recherche et la valorisation. Avec les outils de comptabilité classiques dont nous disposions, nous n'étions pas en mesure de le savoir.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Vous avez donc créé vos propres outils ?

M. Paul Jacquet : Nous avons modifié les outils existants. Le logiciel NABUCO, par exemple, ne permet pas de dresser une comptabilité analytique, mais simplement d'affecter chaque opération comptable d'une destination, sans aucune validation. Nous avons donc naturellement demandé à expérimenter la LOLF car il nous a semblé que l'initiative s'inscrivait dans le sens de la globalisation budgétaire.

Notre budget 2004 était déjà « pré-lolfé » et le rapport annuel de performance de l'exercice 2004 nous a bien servi pour préparer le budget 2006. Nous disposons maintenant de ratios d'évolution sur deux ans. Ce qui nous permet de constater que le taux de croissance de l'INP Grenoble est de 2,3 % par an, l'Etat étant responsable de 1,1 % de cette évolution.

En outre, dorénavant, avant de lancer un nouveau projet, nous effectuons systématiquement une analyse d'opportunité stratégique et une analyse financière en coûts consolidés.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Après cette phase initiale, que vous manque-t-il pour aller plus loin ? Une évolution des dispositifs juridiques ? Des moyens humains d'expertise ? Des moyens informatiques ?

M. Paul Jacquet : Nous ne disposons pas de systèmes d'information adaptés et fiables pour l'aide à la décision. Nous manquons également de fonctions comme le contrôle de gestion. Nous ne maîtrisons pas complètement nos moyens dans la mesure où nous ne gérons pas nous-mêmes les salaires des fonctionnaires - seule la masse salariale des contractuels de l'État, gérée selon le principe de la fongibilité asymétrique, nous a été confiée.

M. Alain Claeys, Rapporteur : La DES est-elle préparée à cette expérimentation ?

M. Paul Jacquet : Nous avons expérimenté de concert avec elle : le groupe de pilotage, à la tête duquel j'avais nommé un des directeurs d'école de l'INPG, a associé la responsable de l'expérimentation LOLF de la DES à ses travaux.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : L'expérimentation vous a-t-elle offert des marges de manœuvre supplémentaires dans la gestion des personnels contractuels ? Par ailleurs, pour les postes continuant à être gérés par l'État, avez-vous ressenti un assouplissement ?

M. Didier Migaud : J'ai cru ressentir une certaine déception dans vos propos. Regrettez-vous d'avoir conduit cette expérimentation ?

M. Paul Jacquet : Je n'ai aucun regret car cette expérimentation a constitué un formidable outil pour changer les méthodes de pilotage de l'établissement et je me suis beaucoup appuyé dessus pour faire passer des idées nouvelles de management. Cependant, nous avons senti que, du côté de l'État, la marche vers le budget global n'allait pas de soi. Pendant un temps, nous avons envisagé une expérimentation sur la totalité de la masse salariale, mais nous nous sommes finalement concentrés sur les salaires des contractuels de l'État.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Pour le reste de la masse salariale, comment avez-vous procédé ?

M. Bertrand Fortin : Les deux catégories ont fait l'objet de comptabilités séparées, sans aucune fongibilité.

Mme Annie Julien : La fongibilité asymétrique ne concerne pas les personnels d'État : lorsque, en fin d'année, nous avons demandé à récupérer 60 000 euros qui n'avaient pas été utilisés, il nous a été répondu que la fongibilité asymétrique jouait au niveau ministériel et non établissement par établissement ...

M. Michel Bouvard, Rapporteur : La gestion globalisée des crédits et des personnels au niveau local est-elle compatible avec la gestion des carrières au niveau national ?

Mme Annie Julien : Tout dépend de la qualité du dialogue de gestion avec le ministère, qui doit avoir connaissance de nos demandes suffisamment tôt.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Faut-il s'appuyer sur la contractualisation ?

M. Bertrand Fortin : Exactement. Mais la part prise par la politique contractuelle doit se développer.

M. Pierre Méhaignerie, Président de la Commission des finances. Quelles critiques avez-vous reçu de la part de vos conseils ?

M. Paul Jacquet : De tels changements sont générateurs d'anxiété. Cependant, je n'ai pas rencontré de problèmes particuliers dans cette expérimentation, que nous avons accompagnée par de la pédagogie adaptée. Nous avons organisé des journées de formation LOLF pour les cadres A, avec travaux pratiques, ainsi que des actions au profit des personnels qui engagent les dépenses. Nous avons également demandé à nos enseignants-chercheurs et à nos personnels IATOS de répartir leur action par destination, entre enseignement, recherche et pilotage, avec double validation par le directeur d'école et par le directeur de laboratoire.

M. Philippe Tchamitchian : Pour tout ce qui concerne l'expérimentation à l'université Paul-Cézanne, je vous suggérerai de laisser la parole à mon prédécesseur, M. Jacques Bourdon, car je suis entré en fonction il y a moins de six mois.

Je partage les propos qui viennent d'être tenus mais j'ajouterai que l'autonomie, pour une université, se mesure aussi à l'aune de sa capacité à nouer des collaborations avec les autres universités, les écoles, les organismes de recherche, les collectivités territoriales et les acteurs socio-économiques - cette problématique rejoint celle des pôles de compétitivité. Elle doit être en mesure de se positionner comme interlocutrice et de s'engager sur des projets, ce qui suppose effectivement une maîtrise de sa stratégie et de ses moyens.

La recherche se prête bien à une démarche par projets mais plus difficilement à une démarche par objectifs car cette activité est marquée par une imprévisibilité de contenu, les bonnes surprises, comme les moins bonnes, pouvant survenir dans toutes les disciplines. Autrement dit, à l'intérieur d'un même projet, il est essentiel de pouvoir moduler les objectifs avec une grande souplesse. Le caractère toujours incomplètement prévisible de l'activité de recherche est l'une des justifications de la nécessité d'une évaluation par les pairs, qui sont les seuls à pouvoir juger de la pertinence des réorientations éventuelles.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Comment l'expérimentation s'est-elle passée à l'université Aix-Marseille III ? Plus généralement, quelles nouveautés majeures la LOLF apporte-t-elle pour les universités ?

M. Jacques Bourdon : L'université Aix-Marseille III, au départ, ne s'était pas portée volontaire car l'équipe de direction était consciente de ne pas avoir les moyens d'accomplir ce pas en avant. Mais, quoique volontaires forcés, nous avons répondu à la sollicitation de la DES et nous avons pleinement joué le jeu, ce dont je me suis par la suite félicité.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Pourquoi l'expérimentation vous paraissait-elle impossible ?

M. Jacques Bourdon : Notre université vient de loin. D'abord, elle est très facultaire et s'appuie sur deux piliers, spécialisés en sciences et en droit, éloignés de cinquante kilomètres l'un de l'autre, avec une très forte autonomie des UFR. Ensuite, elle est très décentralisée et la structure transversale de services centraux était insuffisante. Enfin, nous venions juste de nous doter d'un nouveau logiciel de gestion financière et comptable.

L'université n'était pas « dans les clous » du point de vue du respect des règles comptables et budgétaires puisqu'elle n'appliquait pas encore le décret de 1994 ; l'expérimentation, de ce point de vue, nous a permis de progresser.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Le recteur, chancelier des universités, ne vous avait-il jamais fait de remarque ?

M. Jacques Bourdon : Avant de répondre, permettez-moi d'attirer votre attention sur un point particulier de la LOLF. Le rapport annuel de performance est présenté par le directeur de l'enseignement supérieur, lequel ne maîtrise pas du tout les opérateurs que sont les établissements universitaires.

La réponse est non, aucune intervention du recteur chancelier n'a eu lieu depuis 1994 en ce domaine.

Toujours d'un point de vue technique, à l'occasion de la certification des comptes, nous avons pu mettre fin à une pratique que nous avons découverte : les UFR traînaient des dettes entre elles ou vis-à-vis des services de l'université.

Surtout, sur un plan plus politique, alors que l'université est très éclatée et composée de facultés très puissantes, j'ai pu rassembler tous les dirigeants de composante pour des journées de brainstorming afin de les associer étroitement à la démarche LOLF et de les faire réfléchir ensemble à la définition d'objectifs. Alors que le budget de l'université, jusque-là, était dépourvu de stratégie et se limitait à une agrégation des budgets des treize UFR, pour mon cinquième et dernier exercice, celui de 2005, le conseil d'administration a enfin eu une discussion de fond, non pas sur les moyens consentis par l'État mais sur les objectifs de l'université. J'ai donc pu à la fois améliorer le management, reconstruire l'unité de l'établissement et organiser des débats sérieux sur sa stratégie.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les directeurs d'UFR ont-ils joué le jeu ?

M. Jacques Bourdon : Oui. Il faut dire que notre université était engagée depuis plusieurs années dans une réforme structurelle et que, durant mon mandat, avec l'appui de la secrétaire générale, j'ai fait implanter des systèmes d'information.

M. Philippe Tchamitchian : Et ce n'était pas un feu de paille : le phénomène s'est amplifié à l'occasion de la préparation du budget 2006.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Êtes-vous prêts à gérer vous-mêmes votre patrimoine ?

M. Philippe Tchamitchian : L'évaluation vient de s'achever et nous commençons à le connaître assez précisément. Nous sommes prêts à le gérer directement mais une grande difficulté demeure que l'exemple suivant permettra de saisir : les opérations de maintenance et de sécurité à accomplir en 2006 ont été chiffrées à 12 millions d'euros alors que je ne dispose que de 4 millions à cet effet.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Au regard des objectifs de la LOLF, quels outils d'évaluation des universités vous paraissent inadaptés ?

M. Jacques Bourdon : Si le système de la fonction publique n'est pas modifié profondément, la LOLF ne produira jamais ses effets car nous ne pourrons aller jusqu'au bout. Comment un établissement pourrait-il maîtriser ses moyens alors que, par exemple, les personnels IATOS de la filière administration scolaire et universitaire sont affectés par la direction des personnels, de la modernisation et de l'administration, la DPMA ? L'université d'Aix-Marseille III étant située dans le Sud, le phénomène d'héliotropisme se combine avec celui du barème de la fonction publique : les personnels - enseignants-chercheurs ou BIATOSS - qui arrivent sont en fin de carrière et viennent parfois pour préparer leur retraite, ce qui nous pose des problèmes de gestion et « plombe » notre masse salariale.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Lors de précédentes auditions, certains de vos collègues ont préconisé que les présidents d'université disposent d'un droit de veto. Êtes-vous favorables à cette proposition ?

M. Jacques Bourdon : Très favorable ! Il est anormal que les directeurs d'école d'ingénieurs et d'IUT disposent de ce droit et pas le président de l'université. Pour la campagne 2005, j'ai écrit à tous les présidents de commission de spécialistes en attirant leur attention sur les conséquences des recrutements par mutation mais je n'avais aucun pouvoir sur leurs décisions et certains ont estimé que j'outrepassais mes droits.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Sur quel pourcentage du budget cela joue-t-il ?

M. Jacques Bourdon : Je l'ignore mais l'effet des niveaux indiciaires des personnels en fin de carrière est évident.

Par ailleurs, sur le plan des moyens financiers, le budget global suscite un espoir : il conviendrait de mettre au point un système d'évaluation des besoins, qui seraient négociés entre l'établissement et l'administration centrale dans un cadre contractuel ; les établissements deviendraient alors pleinement autonomes.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Il existe une contrepartie.

M. Jacques Bourdon : Deux contreparties : la responsabilité et l'évaluation.

M. Alain Claeys, Rapporteur : L'État a-t-il les moyens de procéder à cette évaluation ?

M. Jacques Bourdon : Si la loi sur la recherche voit le jour et si l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, l'AERES, est mise sur pied, l'évaluation sera réelle. Elle doit intervenir à deux niveaux. Il faut d'abord faire passer une culture d'auto-évaluation et mentionner cet aspect dans les contrats quadriennaux signés avec l'État.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Les universités en ont-elles les moyens ?

M. Jacques Bourdon : Si elles le veulent, oui.

Il faut aussi créer un système d'évaluation national car les évaluations locales sont parfois sujettes à caution.

M. Bertrand Fortin : La transparence est indispensable : nous devons périodiquement rendre compte de l'ensemble de nos activités, les faire évaluer et nous engager par contrat ; nous y sommes prêts.

M. Paul Jacquet : Cela va de soi : si nous devenons autonomes, il faudra rendre compte. Du reste, la LOLF prévoit ce principe puisque la représentation nationale votera les crédits sur la base des rapports qui lui seront remis ; cette logique doit descendre en pluie fine dans toute la structure.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les indicateurs sont-ils pertinents ?

M. Jacques Bourdon : Ils ne sont pas parfaits mais le ministère cherche à les affiner. Il y en a 77 dans le programme « Formation supérieure et recherche universitaire » alors que la direction de l'évaluation et de la prospective, la DEP, en prévoit 137 dans le cadre des contrats.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Se recoupent-ils ?

M. Jacques Bourdon : Partiellement.

M. Paul Jacquet : La notion d'indicateurs est extrêmement complexe. Les écoles d'ingénieurs de l'INP Grenoble sont évaluées par la Commission des titres d'ingénieurs, qui a ses propres indicateurs. Il est compréhensible que nous traversions une phase de foisonnement ; cela se décantera dans un deuxième temps et nous reviendrons à un nombre réaliste d'indicateurs pertinents.

M. Jacques Bourdon : Les indicateurs sont de diverses natures : indicateurs d'efficacité, de résultat et d'efficience ; indicateurs quantitatifs, qui ne parlent qu'en évolution, et qualitatifs, très difficiles à déterminer. Dans le cadre des contrats quadriennaux en cours de préparation, les indicateurs seront choisis de concert par l'administration centrale et l'établissement.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Lors d'un colloque organisé par la conférence des présidents d'université, la CPU, sur la LOLF, vous avez déclaré que la justification au premier euro imposera un réexamen des modèles d'allocation de ressources et qu'il sera sans doute nécessaire de réadapter le dispositif SAN REMO, système analytique de répartition des moyens. Pourquoi ?

M. Jacques Bourdon : SAN REMO présente l'avantage d'être normé : les établissements, et mêmes leurs composantes, peuvent calculer approximativement leur dotation. Ce système repose néanmoins sur des critères curieux, comme le nombre de mètres carrés, et il est purement déclaratif, ce qui explique les variations enregistrées d'une année sur l'autre - mais cela va changer car la plupart des universités se dotent d'un logiciel calculant la surface de leurs établissements au centimètre carré près.

SAN REMO est fondé sur des classifications heures/étudiant qui ne correspondent plus à l'organisation LMD. Un groupe de travail commun à la CPU et à la DES a émis l'idée que la part des crédits d'État provenant des contrats quadriennaux augmente et que celle provenant de la dotation normée diminue d'autant.

M. Alain Claeys, Rapporteur : La communauté des présidents d'université est-elle acquise à cette idée ?

M. Jacques Bourdon : Oui, si l'on considère que l'avis de la majorité est celui de la communauté !

M. Alain Claeys, Rapporteur : En moyenne, quelles sont actuellement les parts respectives des ressources provenant de la dotation et du contrat ?

M. Jacques Bourdon : Les contrats représentent 15 % et les dotations 85 %.

M. Alain Claeys, Rapporteur : À l'horizon de cinq ans, quel serait le bon objectif à atteindre ?

M. Jacques Bourdon : Un partage cinquante-cinquante.

M. Bertrand Fortin : Les activités de recherche contractualisées, par le biais des appels d'offres et maintenant de l'Agence nationale de la recherche, occupent une part de plus en plus importante, avec des crédits que nous ne maîtrisons pas puisqu'ils sont ciblés sur des actions. Quand un gros projet européen, national ou régional démarre, nous touchons de l'argent mais les collègues me demandent du personnel, des locaux et du chauffage, qui ne sont pas fléchés et sur lesquels nous n'avons pas de préciput. L'importance du phénomène varie énormément d'une université à l'autre. Mais le mode contractuel présente l'avantage d'être fondé sur la typologie de chaque établissement.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : SAN REMO est-il réformable ?

Comment harmoniser les contrats de plan, les contrats quadriennaux et les contrats de recherche, pour lesquels les calendriers et les interlocuteurs diffèrent ?

M. Bertrand Fortin : Là est la difficulté de l'exercice : le président maîtrise bien peu de choses dans ce schéma de contractualisations décalées.

Dans la phase d'évolution actuelle, la subsistance d'une part normée est rassurante, même si le poids de SAN REMO tend à diminuer un peu.

M. Paul Jacquet : Je tiens à souligner un problème de cohérence globale : il est aberrant de demander aux établissements d'enseignement supérieur et de recherche « d'entrer » dans le cadre de la LOLF alors que leurs financements extérieurs obéissent à une logique différente. L'ANR est une source de financement importante, mais qui ne tient pas compte de cette réalité. La recherche est majoritairement hébergée dans les établissements d'enseignement supérieur, par le biais des unités mixtes de recherche, qui n'ont pas adopté le système de la LOLF du fait des partenariats avec les organismes de recherche qui n'ont pas, pour le moment, opté pour ce système. Il est nécessaire de faire entrer très rapidement dans la même logique tous les opérateurs qui dépendent de l'État, y compris les agences.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Tous les opérateurs publics ont vocation à entrer dans le périmètre de la LOLF.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les crédits récurrents sont indispensables pour rendre opérationnels les appels d'offres sur projets retenus par l'ANR car ceux-ci n'incorporent pas tous les coûts.

M. Paul Jacquet : Quand un de nos laboratoires négocie un contrat avec un industriel, nous parlons en coûts consolidés, nous lui faisons payer une partie des frais d'infrastructures, de salaires, de fonctionnement, et l'industriel nous comprend. Au contraire, les financements des agences ne prévoient pas la partie logistique, ce qui est regrettable car les coûts d'environnement sont liés à l'activité.

M. Philippe Tchamitchian : Il est positif que les dotations sur projets se développent mais la qualité du dialogue avec le ministère est importante : tous les établissements doivent être traités selon les mêmes critères et de façon transparente.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Estimez-vous qu'il existe des rentes de situation ?

M. Philippe Tchamitchian : En tout cas des points obscurs ; les dotations sur projets seront d'autant mieux acceptées que les critères seront connus.

M. Bertrand Fortin : Il ne faudrait pas revenir à la politique de guichet qui avait cours à une certaine époque. Si les financements récurrents servaient exclusivement aux charges de structure, nous deviendrions des agences de moyens, de locaux et de personnel.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous avez raison.

M. Bertrand Fortin : Les charges de structure devraient être financées sur l'ensemble de l'activité et non pas morcelées.

M. Philippe Tchamitchian : Le budget de mon université dégage une marge excédentaire dans la partie fonctionnement mais est « plombé » par le volet investissement. Cela renvoie à la problématique du manque d'investissement de la nation dans les universités mais aussi à celle des modalités de gestion : il n'est pas raisonnable de demander aux universités de supporter dans des exercices annualisés des dépenses d'investissement représentant le quart de leur budget ; il faudrait nous donner les moyens de lisser ces dépenses, notamment par l'emprunt.

M. Pierre Méhaignerie, Président de la Commission des finances : Quelles mesures relatives à la gouvernance permettraient de franchir une deuxième étape dans l'amélioration de la gestion de l'argent public ? Le temps est-il venu de se pencher sur la composition du conseil d'administration ? Le rôle du président ? La motivation des personnes ?

M. Jacques Bourdon : La question est importante et dépasse la loi organique. La gouvernance d'une université dépend d'abord de ses structures ; pour ma part, dans le cadre de l'application de la LOLF, j'aurais préféré une affectation globale des moyens à des dotations fléchées pour les IUT. D'autre part, les universités ne sont pas dotées de véritables conseils d'administration, en ce sens que les administrateurs sont en fait des représentants d'intérêts catégoriels. Une proposition de loi de M. Christian Blanc tendait à réduire les effectifs des conseils d'administration à douze membres.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : L'existence d'un vrai conseil d'administration réglerait-elle les conflits entre l'université et les UFR, voire les entités comme les IUT ?

M. Jacques Bourdon : Comment fonctionnerait une entreprise où les directeurs de service seraient élus par leur service ? L'université française, depuis 1968, est une stratification de couches de légitimité : celles des enseignants-chercheurs, des conseils d'UFR, des directeurs d'UFR - certains d'entre eux se faisant appeler « doyens » -, des trois conseils et du président, lequel ne dispose d'aucun pouvoir sur les autres couches. Il faudrait commencer par tirer son chapeau aux universités, qui supportent tout cela et assurent leurs missions.

M. Paul Jacquet : Les modes de fonctionnement sont extrêmement divers mais cela tient à la tradition locale.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Il arrive même que le droit coutumier s'impose à la loi !

M. Paul Jacquet : Les instituts nationaux polytechniques ont les mêmes statuts que les universités : le directeur d'une école d'ingénieur de mon établissement peut s'opposer à la nomination d'un enseignant-chercheur alors que je n'ai pas ce pouvoir. Le conseil d'administration ressemble effectivement plus à un comité d'entreprise. Ce système ne peut pas fonctionner correctement. À l'INP Grenoble, cela se passe relativement bien, mais un directeur d'école quelque peu caractériel peut tout mettre par terre. Je souhaiterai un conseil d'administration plus restreint, qui se réunirait deux fois par an et auquel nous présenterions un projet annuel de performance, puis un rapport annuel de performance ; nous aurions alors un vrai dialogue sur la stratégie des projets et l'évaluation.

M. Bertrand Fortin : Pour garantir la transparence, il faut que le conseil d'administration se réunisse souvent mais alors, les personnalités extérieures ne se déplacent pas. Il faut dire que nous y examinons des questions stratégiques mais aussi d'autres de moindre importance, concernant par exemple les conventions de coopération.

Les projets ne peuvent pas être imposés par l'équipe de direction. En matière de recherche, on ne peut pas tout gouverner ; les grandes découvertes ont été faites par hasard et il faut accepter cette zone non normée. Cela dit, une fois les décisions prises, il faut les faire accepter dans toute la capillarité de l'université. Or c'est la même entité qui propose les projets et qui les fait appliquer. Aux universités qui sont prêtes, il faudra proposer des expériences sur la gouvernance.

La notion d'UFR tend à éclater car la partie recherche échappe aux unités de formation. Ce qui se passe dans les conseils d'UFR est parfois surréaliste ; une évolution est nécessaire mais pas une révolution.

M. Pierre Méhaignerie, Président de la Commission des finances : Si le législateur proposait un cadre expérimental sur la gouvernance, les conseils d'administration, tels qu'ils sont composés, prendraient-ils l'initiative de l'appliquer ?

M. Paul Jacquet : Certains d'entre eux l'accepteraient. L'autoriser à tous les établissements serait de mon point de vue une erreur. Mieux vaut le baliser et procéder sur une base contractuelle d'échanges avec la tutelle.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : L'expérimentation doit être progressive, ouverte aux établissements qui ont déjà un peu travaillé sur la question.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Une réforme de la composition du conseil d'administration ne réglerait pas forcément le problème mais je suis de plus en plus persuadé que l'enjeu consiste à organiser une vraie réflexion à propos des entités constitutives d'une université, c'est-à-dire des UFR. Nous aurons beau créer l'organisation la plus opérationnelle en haut de la pyramide, si elle n'irrigue pas le corps tout entier, ce sera un coup d'épée dans l'eau.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Il faut tuer les féodalités facultaires, qui s'opposent avec d'autant plus d'efficacité aux logiques globales et à la LOLF qu'elles sont anciennes.

M. Jacques Bourdon : Il faudrait commencer par mettre le texte en accord avec les faits en supprimant le « R » des UFR, dont le rôle doit être cantonné à la formation et à la pédagogie. Lorsque j'étais président de l'université, j'avais institué une unité budgétaire recherche qui couvrait toute l'échelle de l'université.

M. Bertrand Fortin : Pour optimiser le fonctionnement de nos établissements publics, il convient de les décloisonner. Les outils de gestion de la LOLF peuvent être employés en interne, dans une vision coopérative, au plus près des territoires ; c'est d'ailleurs pourquoi nous créons nos propres indicateurs : je ne vais pas demander à l'antenne de droit de Saint-Brieuc, qui recrute exclusivement dans les Côtes-d'Armor, de grignoter des parts de marché sur l'Ille-et-Vilaine, ce qui porterait préjudice à la maison mère de Rennes.

M. Paul Jacquet : Le problème ne tient pas uniquement à la structure des universités mais également à l'absence de hiérarchie verticale : à tous les niveaux, il faut des responsables ; ces responsables doivent rendre compte non seulement devant le conseil qui les a investis, mais également devant la hiérarchie de l'université, et il faudrait ainsi un patron à tous les niveaux. La loi crée des îlots d'autonomie dans une entité réputée elle-même autonome mais qui, en réalité, ne l'est pas.

M. Philippe Tchamitchian : J'insiste sur la nécessité de revoir les procédures de recrutement, concernant notamment les enseignants-chercheurs : il importe que le conseil scientifique et le président aient un droit de regard substantiel.

M. Pierre Méhaignerie, Président de la Commission des finances : Que proposez-vous en matière d'évaluation de la fonction d'enseignement ?

M. Bertrand Fortin : Il faut avancer à petits pas car le terrain est difficile. Tous les enseignants intervenant en formation continue se soumettent automatiquement à un régime d'évaluation mais celui-ci est parfois relativement « soft ». Chaque enseignant devrait accepter que ses documents pédagogiques soient publiés. Dans notre université, nous favorisons cette médiatisation des enseignements : certains acceptent de travailler en équipe, ils se voient reconnus comme des auteurs et leurs écrits sont référencés, au même titre que des documents scientifiques ; d'autres sont réfractaires. Il en va de même pour les mémoires des étudiants - je rappelle que nous avons pour mission de créer et de diffuser les savoirs. Il s'agit de valoriser notre richesse en entrant dans un système un peu compétitif.

M. Pierre Méhaignerie, Président de la Commission des finances : L'étudiant deviendra-t-il un jour évaluateur ?

M. Bertrand Fortin : Il n'y est pas préparé car il est souvent dans une posture consumériste, au moins dans ses premières années d'étude. Il faudrait le sensibiliser à la question dès le lycée.

M. Jacques Bourdon : Lorsque j'étais enseignant dans un institut d'études politiques, j'étais évalué chaque année par mes étudiants et, lorsque j'ai dirigé un institut d'études politiques, je me suis appuyé sur des évaluations pour écarter des enseignants ou des enseignants-chercheurs.

Un indicateur pourra servir infailliblement à évaluer les formations : les résultats en matière d'insertion professionnelle des étudiants.

M. Pierre Méhaignerie, Président de la Commission des finances : Ces résultats dépendent aussi de la localisation de l'établissement.

M. Jacques Bourdon : L'insertion professionnelle ne se limite pas à l'environnement géographique immédiat !

M. Alain Claeys, Rapporteur : Pourquoi les universités n'ont-elles pas utilisé au maximum la mise sur pied du système LMD pour améliorer la lisibilité des enseignements ?

M. Jacques Bourdon : Certaines universités ont joué le jeu et ont réduit le nombre de diplômes. Au niveau master, elles ont agi sur les spécialités à l'intérieur des mentions. Nous entrons de nouveau en phase A de contrats quadriennaux et il sera demandé aux universités de poursuivre dans ce sens.

M. Paul Jacquet : Bien que les écoles d'ingénieurs ne soient pas directement concernées par la réforme LMD, celle-ci nous a fourni un levier pour remettre à plat nos dix formations d'ingénieur - neuf écoles et un département et proposer une refondation de l'ensemble de l'établissement.

M. Bertrand Fortin : Dans certains secteurs, les équipes enseignantes performantes ont voulu être reconnues à travers une spécialité. La lisibilité est importante mais nous œuvrons tous pour favoriser ces regroupements.

M. Philippe Tchamitchian : Dans un deuxième temps, un mouvement de concentration se produira. L'organisation LMD sert aussi à définir des politiques de site.

M. Michel Bouvard : Selon les informations dont je dispose, quoique la Cour des comptes n'ait pas eu le temps d'examiner les comptes des universités expérimentatrices, elle est sensible à la question de l'identification des coûts. Le système est largement déclaratif et cela fait toute la différence entre une comptabilité analytique véritable et le système de coûts complets auquel vous vous référez ; il faudrait tendre vers une imputation des dépenses au réel et à l'instant de la dépense.

Par ailleurs, dès lors qu'ils emploient des méthodes différentes, se pose le problème de la comparabilité des coûts entre établissements d'enseignement supérieur. Sans doute la DES aura-t-elle un rôle à jouer pour rendre l'ensemble plus homogène.

M. Augustin Bonrepaux, Président : Je vous remercie pour ces contributions, qui seront très utiles aux rapporteurs.

b) 11 heures : MM. François Paquis, secrétaire général de l'université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand, et Damien Verhaeghe, secrétaire général de l'université de la Méditerranée (Aix-Marseille II), respectivement président et secrétaire de l'Association des secrétaires généraux d'université

Présidence de M. Augustin Bonrepaux

M. Augustin Bonrepaux, Président : J'accueille maintenant MM. François Paquis, secrétaire général de l'université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand, et Damien Verhaeghe, secrétaire général de l'université d'Aix-Marseille II, respectivement président et secrétaire de l'Association des secrétaires généraux d'université.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Est-il souhaitable de renforcer l'autonomie des universités ?

À la lumière de votre expérience, avez-vous le sentiment que les secrétaires généraux d'université ont été bien formés et bien préparés pour pouvoir exercer leur mission ? Sont-ils entourés des collaborateurs nécessaires pour assurer le pilotage administratif de leur établissement ?

M. François Paquis : Les universités se donnent généralement les moyens d'assumer la marge d'autonomie dont elles bénéficient. Ainsi, lorsque les universités ont reçu la responsabilité de la maintenance et de la sécurité des bâtiments et qu'elles ont eu la possibilité de se lancer dans des opérations immobilières en maîtrise d'ouvrage, elles n'y étaient pas forcément préparées mais elles se sont dotées des services techniques - humains et matériels - nécessaires : l'accroissement des opérations a été notable et les progrès très nets. Mais la situation n'est pas identique dans tous les établissements.

La préparation des secrétaires généraux s'est longtemps limitée à deux ou trois jours de formation, sur des sujets assez généraux, ce qui n'était guère performant. Mais elle s'est notablement améliorée depuis deux ans : l'École supérieure de l'éducation nationale propose un cycle de formation plus intéressant, avec un accueil très professionnel des nouveaux secrétaires généraux et agents comptables par des intervenants de bon niveau. Des stages sont également organisés sur des thèmes comme la LOLF ou le contrôle de gestion.

Quant à l'encadrement supérieur des universités, il est notoirement insuffisant, notamment parce que les emplois fonctionnels autour du secrétaire général sont en nombre trop restreint voire inexistants : les universités du groupe 1 - les plus grandes - ont un poste de secrétaire général adjoint ; les plus petites ne disposent que de postes de conseillers administratifs, ce qui limite le choix. Pour structurer de façon satisfaisante l'équipe administrative centrale, il faudrait créer deux emplois de secrétaires généraux adjoints sur des postes fonctionnels, un pour les finances et un pour la gestion des ressources humaines.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : En matière de GRH, quelle est la part d'autonomie du secrétaire général ? Comment travaillez-vous avec le président et les responsables des différentes entités de l'université, notamment les unités de formation et de recherche et les instituts universitaires technologiques ?

Quel jugement portez-vous sur les systèmes d'information et logiciels que vous avez à votre disposition ? Les universités sont-elles conduites à développer leurs propres outils ou entreprennent-elles des démarches communes pour définir leurs besoins ?

M. François Paquis : En matière de personnel, le rôle du secrétaire général porte essentiellement sur les personnels de bibliothèque, ingénieurs, administratifs, techniques, ouvriers, de service et de santé, les BIATOSS. En ce qui concerne les autres catégories, nous sommes en seconde ligne : nous veillons à la régularité des actes de recrutement mais aussi à la rationalité de la GRH, en fournissant notamment des éléments d'information sur le degré d'encadrement des disciplines, dans une perspective d'aide à la décision.

Le mode de gouvernance étant plus ou moins centralisé selon les établissements, les relations avec les directeurs de composante dépendent beaucoup de la situation locale.

M. Alain Claeys, Rapporteur : À Clermont-Ferrand, quelles relations entretenez-vous avec les responsables d'UFR ? Avez-vous des réunions régulières ? Comment l'information remonte-t-elle ?

M. François Paquis : Nous tenons des réunions régulières avec l'ensemble des responsables administratifs des services centraux et des UFR.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Toutes les universités en font-elles autant ?

M. François Paquis : Je crois que c'est assez courant.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Parvenez-vous facilement à obtenir une vision consolidée des comptes ? Quelles difficultés rencontrez-vous ?

M. François Paquis : Les difficultés sont liées à la mise en place du système d'information. Nous n'avons pas toujours une vision en temps réel des crédits nous parvenant des grands organismes de recherche et des autres voies, qui sont diverses et variées.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Est-ce que beaucoup d'universités dressent une comptabilité analytique ?

M. François Paquis : Très peu.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Sans comptabilité analytique, comment pouvez-vous prétendre connaître la réalité des coûts ?

M. François Paquis : Nous ne dressons pas une comptabilité analytique
- nos outils de gestion financière et comptable, de GFC, ne possèdent au demeurant pas de module de comptabilité analytique - mais nous disposons de clés pour répartir les salaires de fonctionnaires dans les différentes sections.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Développez-vous des outils de comptabilité analytique ?

M. François Paquis : Pour l'instant, non.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Des universités ont-elles une vision complète de leur budget ? À Clermont-Ferrand, par exemple, suivez-vous l'ensemble des flux financiers gérés par l'université, quelle que soit leur origine ? Et cette consolidation est-elle présentée au conseil d'administration à un moment ou l'autre de l'année ?

M. François Paquis : Notre connaissance est imparfaite. S'agissant de la recherche, notre logiciel de GFC ne nous permet de suivre que les flux financiers arrivant du ministère ; l'information sur les financements des grands organismes n'intervient qu'au moment de la contractualisation et fait l'objet d'une mise à jour manuelle. Nous travaillons sur le sujet puisque nous avons mutualisé nos forces avec deux autres établissements - Strasbourg I et Grenoble I - afin de bâtir une base recherche intégrant des modules d'échanges de données automatisés avec les grands organismes.

M. Damien Verhaeghe : Aujourd'hui, seul le directeur de laboratoire détient cette information. En collaboration avec la délégation régionale de l'INSERM, nous avons établi une fiche synthétique qui décrit l'ensemble des apports financiers respectifs.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Lorsque des contrats sont passés avec des partenaires privés, entreprises ou autres, en êtes-vous informés en amont ou a posteriori ? Dans quels délais les découvrez-vous ? Quand sont-ils intégrés dans une vision consolidée ?

M. François Paquis : À Clermont-Ferrand II, un service d'activité industrielle et commerciale, un SAIC, a été créé il y a quatre ans et la plupart des chercheurs ont pris l'habitude de venir le consulter, préalablement à la négociation de leurs contrats, pour faire réaliser une étude sur les coûts complets et pour prendre des conseils en matière de propriété intellectuelle. Le système est désormais bien rodé.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Est-ce le cas partout ou cela concerne-t-il une minorité d'universités ?

M. François Paquis : Une vingtaine d'universités ont mis en place un SAIC.

M. Damien Verhaeghe : Pour notre part, en 2002, nous avons opté non pas pour un SAIC mais pour une filiale. L'objectif était surtout de pouvoir être sous régime de gestion privée, même si le champ juridique autour des filiales reste opaque et incomplet.

Les contrats quadriennaux contiennent désormais une annexe recherche et des conventions-cadres spécifiques sont signées avec les établissements publics scientifiques et techniques. Auparavant, c'était la jungle : le directeur de laboratoire « faisait ses courses » ; il choisissait l'organisme gestionnaire le plus avantageux pour lui. Nous avons mis fin à ces pratiques, qui avantageaient surtout les EPST. Avec le CNRS, nous nous partageons la gestion des unités mixtes de recherche de manière équitable.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Selon quels critères ?

M. Damien Verhaeghe : Nous nous répartissons les UMR en fonction du volume financier des contrats des exercices précédents et un comité se réunit quatre fois par an pour faire le point. En ce qui concerne le volet infrastructure, la partie qui héberge se voit évidemment retourner les frais de gestion.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Signalons que si la Cour des comptes n'aborde pas ce sujet dans son rapport, il est abondamment développé dans le rapport public particulier sur la recherche universitaire publié il y a six mois environ. La Cour y soulignait le caractère inextricable des gestions croisées et invitait à une réflexion sur le thème du mandat unique : il convient à tout le moins de décider qui doit gérer l'UMR même s'il arrive qu'une gestion simultanée soit incontournable.

M. Damien Verhaeghe : Avec l'INSERM, nous ne sommes pas tombés d'accord sur la répartition de frais de gestion ; les directeurs de laboratoire continuent par conséquent à choisir leur gestionnaire.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : La filiale se soumet-elle à un compte rendu en fin d'année ?

M. Damien Verhaeghe : Oui : elle vient présenter son bilan une fois par an devant l'équipe de direction puis devant le conseil scientifique et le conseil d'administration.

M. François Paquis : À Clermont-Ferrand II, nous avons souscrit l'accord suivant avec le CNRS : les contrats sont répartis au prorata des apports de chacun.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : La méthode vous satisfait-elle ?

M. François Paquis : Une répartition arbitraire n'aboutit pas toujours à la gestion la plus performante.

M. Damien Verhaeghe : Je suis pour ma part très favorable à l'idée de mandat de gestion unique, à condition que les règles du jeu soient les mêmes pour tout le monde. Aujourd'hui, en matière de gestion, les EPST bénéficient de nombreux avantages par rapport à nous.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Quelles difficultés rencontrez-vous pour évaluer votre patrimoine et vos crédits de maintenance ?

M. François Paquis : Les difficultés que nous rencontrons en matière de maintenance et de sécurité sont imputables à l'insuffisance du financement, qui empêche une remise à niveau satisfaisante et donne le sentiment d'une course perpétuelle.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les contrats de plan n'ont-ils pas apporté d'amélioration ?

M. François Paquis : En Auvergne, ils ont essentiellement porté sur des constructions nouvelles, la remise à niveau de l'ancien reposant sur les contrats quadriennaux et les crédits de sécurité. Le résultat est que nous n'arrivons pas à résorber le passif.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Avez-vous le sentiment que les contrats de plan ont privilégié au-delà du nécessaire des constructions neuves qui n'étaient pas toujours justifiées au regard de l'organisation interne de l'université ? N'aurait-il pas mieux valu, dans certains cas, donner la priorité aux remises à niveau ?

M. François Paquis : Dans mon université, des constructions neuves ont été lancées dans le domaine scientifique alors que les effectifs d'étudiants ont baissé ; il aurait mieux valu mettre l'accent sur la rénovation de bâtiments anciens, mais cela aurait été beaucoup plus difficile à négocier.

M. Damien Verhaeghe : Beaucoup de bâtiments ont été construits pour la recherche ; moins pour la pédagogie.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les secrétaires généraux sont-ils mobiles ? Ont-ils l'occasion de rejoindre d'autres corps ?

Quelles compétences humaines et quels moyens matériels vous manquent pour élaborer une stratégie et exercer pleinement votre rôle ?

M. François Paquis : La mobilité, non négligeable, est néanmoins essentiellement tournée vers les autres fonctions de l'éducation nationale, même si quelques rares collègues ont réussi à trouver un poste dans une collectivité territoriale ou éventuellement une direction régionale des affaires culturelles. Avec le nouveau statut, qui fixe une limite de deux mandats de cinq ans, la mobilité va forcément s'accroître.

Il nous manque des emplois fonctionnels dans les domaines des finances et de la GRH, sans oublier la direction des systèmes d'information, les logiciels divers n'ayant pas toujours la propriété de dialoguer entre eux.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Le ministère réfléchit-il à ce problème ?

M. François Paquis : Une réflexion est menée par un comité de pilotage des systèmes d'information, instance informelle qui existe depuis deux ans et regroupe des directions ministérielles et notre association, sous la responsabilité de la Conférence des présidents d'universités. L'objectif est de créer un cadre de cohérence entre les différents systèmes d'information car il est impossible d'imposer aux établissements tel ou tel logiciel.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Comment cela s'accorde-t-il avec le système d'application coordonnée de comptabilisation, d'ordonnancement et de règlement de la dépense de l'État, dit ACCORD LOLF ?

M. Alain Claeys, Rapporteur : Au sein d'une même université, le système central est-il compatible avec ceux des UFR ?

M. François Paquis : Les logiciels de gestion nationaux sont homogènes et il existe des outils pour faire travailler ensemble des logiciels de GFC, de GRH et de scolarité, même s'ils ne fonctionnent pas encore idéalement. Nous préconisons l'acquisition ou le développement de nouvelles applications permettant la compatibilité de standards simples.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Un calendrier est-il fixé ?

M. François Paquis : Nous n'avons formulé que des préconisations.

Parallèlement, le renouvellement du logiciel NABUCO est en chantier. La commission d'appel d'offres s'est réunie il y a une quinzaine de jours mais n'a pu trancher, faute d'alternative valable.

M. Alain Claeys, Rapporteur : La MEC, il y a cinq ans, avait déjà obtenu ces réponses. Où se situent les blocages ?

M. François Paquis : Pour la GFC, le gouvernement autrichien a imposé à tous les établissements d'enseignement supérieur du pays un progiciel de gestion intégrée, avec une centralisation du serveur au niveau national, qui semble bien fonctionner. En France, chacun souhaitant garder le choix de son logiciel, c'est plus compliqué, d'autant que cela supposerait une mutualisation de postes au niveau national, impossible sans décision politique.

M. Alain Claeys, Rapporteur : C'est très préoccupant, y compris pour l'évaluation. L'administration centrale devrait tout de même favoriser l'harmonisation, sans laquelle le dispositif est inopérant.

M. François Paquis : Les différentes directions ministérielles travaillent très bien avec le comité de pilotage, ce qui a en particulier permis de produire un cadre de cohérence partiel sur la scolarité.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Dans quel délai cela aura-t-il des effets opérationnels ? Un échéancier est-il prévu ?

M. François Paquis : Cela devrait déboucher dans un an. De même, la direction de la recherche s'intéresse de près au travail mené conjointement par les universités de Clermont-Ferrand II, Strasbourg I et Grenoble I. Le ministère ne se désintéresse donc pas du problème.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Sur quoi le système analytique de répartition de moyens, le SAN REMO, a-t-il buté ? En matière de systèmes d'information, les progrès sont assez minces.

M. François Paquis : Ils sont réels puisque le croisement d'informations extraites de logiciels de scolarité, de finances et de ressources humaines permet de créer des bases de données.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Mais il faut recroiser les données.

M. François Paquis : Avec n'importe quel système d'information, pour obtenir un résultat, il est nécessaire de formuler des requêtes.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Les outils de pilotage suffisent-ils ?

M. François Paquis : Ils sont déjà très intéressants.

M. Damien Verhaeghe : Des établissements comme l'Université Louis-Pasteur de Strasbourg ont pris de l'avance, mais nos logiciels ont toujours une réforme de retard, ils ne sont pas forcément adaptés à la LOLF. Celle-ci a néanmoins le mérite de pousser les établissements qui n'avaient pas créé de cellule de pilotage à en mettre en place ; c'est essentiel pour la gouvernance.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Comment raccrochez-vous ces outils au logiciel ACCORD ?

M. Damien Verhaeghe : Pour l'aspect strictement financier et comptable, il n'y a pas de souci. C'est plus compliqué, par exemple, quand il s'agit de présenter au conseil d'administration l'éclatement de la masse salariale par action ; tous les établissements n'y parviennent pas facilement.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Les secrétaires généraux ont-ils une appréciation sur le degré d'exécution des contrats de plan État-région et préconisent-ils une réorientation pour la future génération ?

M. Augustin Bonrepaux, Président : Faut-il inclure les universités dans les futurs contrats ?

M. François Paquis : Il me semblerait utile de prévoir des crédits pour réhabiliter et rendre fonctionnels des bâtiments anciens qui ne sont plus aux normes.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Quels arguments développe un secrétaire général quand il veut expliquer à un conseil ou à un responsable d'UFR que les locaux supplémentaires qu'il réclame sont peut-être superflus ?

M. François Paquis : Nous lui présentons des ratios.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Avez-vous le sentiment que les universités auraient pu se dispenser de procéder à certaines constructions et auraient mieux fait de consacrer ces moyens à l'entretien de surfaces existantes ?

M. François Paquis : Bien sûr !

M. Damien Verhaegue : Les élus préfèrent inaugurer de nouveaux locaux mais les gestionnaires, demain, auront des difficultés à les faire fonctionner et à les maintenir en état.

M. Augustin Bonrepaux, Président : Messieurs, je vous remercie.

Auditions du 9 mars 2006

a) 9 heures : M. Jean Fabbri, secrétaire général du syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESUP) accompagné de Mme Lise Dumasy, ancienne présidente de l'Université de Grenoble III et membre du bureau national du SNESUP et M. Michel Fortuné.

Présidence de M. Augustin Bonrepaux

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Nous avons déjà procédé à un certain nombre d'auditions, et nous souhaitons aujourd'hui écouter la vision que les personnels des universités et que les enseignants peuvent avoir des problématiques de l'évolution des universités françaises dans leur mode organisationnel.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Merci d'avoir répondu à notre invitation. La Cour des comptes a rendu un rapport à la commission des Finances sur la gestion des universités en décembre dernier. On connaît la situation des universités, marquée par une grande diversité, ainsi qu'une multitude de problèmes, tenant notamment à leur gouvernance.

L'autonomie des universités est inscrite dans la loi Edgar Faure du 12 novembre 1968. Aujourd'hui, quels sont, en termes de fonctionnement, dans les universités et les UFR, les principaux problèmes que vous rencontrez ?

Nous approfondirons dans un second temps quelques points, qu'il s'agisse des personnels, des contrats, ou d'autres problèmes de fond comme la sélection par l'échec dans le premier cycle et les inégalités qui subsistent dans l'accès aux universités.

M. Jean Fabbri : Pour nous, les questions principales ne sont pas des questions de financement, mais des questions d'objectifs, tel celui des 50 % d'une classe d'âge diplômée de l'enseignement supérieur : on en est très loin. L'atteindre supposerait des moyens financiers accrus pour les établissements d'enseignement supérieur, mais aussi des postes d'enseignants-chercheurs, d'administratifs, d'ingénieurs... Aujourd'hui, la dépense moyenne par étudiant est très inférieure, en France, aux standards européens.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : En supposant réglé ce problème de moyens, que faudrait-il améliorer en matière d'organisation et de fonctionnement ? Quels problèmes se posent aujourd'hui, notamment sur le rôle des conseils dans l'élaboration de la stratégie des universités, par rapport aux problèmes de contractualisation, au fonctionnement de l'université et de ses différentes composantes, à la capacité de nomination des enseignants par la présidence de l'université ? Quels sont les blocages ? Que peut-on améliorer ?

Mme Lise Dumasy : Engager des réformes quand les moyens ne sont pas là n'a pas du tout la même portée que lorsque les moyens sont là ! On n'améliorera pas les choses uniquement par des réformes organisationnelles.

S'agissant des inégalités ou des échecs en premier cycle, on a de beaux projets - notamment dans le cadre de la réflexion liée au LMD, par exemple avec l'encadrement personnalisé des étudiants - mais si l'on manque de moyens, ils ne se concrétisent pas !

M. Alain Claeys, Rapporteur : La réforme du LMD est-elle aboutie ?

Mme Lise Dumasy : Certainement pas. Nous sommes d'accord sur les objectifs, mais encore faudrait-il que les moyens suivent.

À propos de l'échec en premier cycle, certes, il y a une différence de niveau entre ce que l'on exige d'un étudiant et ce qu'il a acquis en fin de formation secondaire, mais le problème est aussi ailleurs. Les IUT ont été créés pour accueillir les élèves venant de baccalauréats technologiques, et on les a dotés de moyens importants pour qu'ils puissent leur assurer un encadrement renforcé. Or, les IUT ont fait une sorte de sélection, si bien qu'un certain nombre de titulaires de bac technologique se retrouvent par défaut dans des cursus généralistes, dépourvus de moyens adaptés pour les former ! Il aurait sans doute fallu créer davantage de sections de BTS et d'IUT, et surtout que ceux-ci restent fidèles à leur mission.

Concernant la gouvernance interne et le fonctionnement, il y a naturellement des améliorations à apporter, notamment en ce qui concerne l'élection des conseils. Il faut respecter l'équilibre entre la représentation des UFR et les préoccupations d'ordre général. Or, du fait de notre mode d'élection, nous sommes souvent élus pour représenter notre UFR, et il arrive que les questions d'ordre général ou stratégique passent au second plan.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Ce point revient souvent depuis le début de nos auditions. Il faut sans doute mener une réflexion sur les relations entre les UFR et l'université. Aujourd'hui, un conseil d'administration d'université pèse-t-il suffisamment sur les UFR pour mener une réflexion stratégique ?

M. Jean Fabbri : Vous posez deux questions, et d'abord celle de la démocratie, qui est pour nous constitutive de ce que sont les universités - on le voit d'ailleurs avec l'actualité de ces derniers jours... Les universités doivent être un lieu ouvert de débats et de confrontations : c'est une tradition historique forte, que nous devons préserver et enrichir avec tous les moyens de communication moderne. De ce point de vue, les modes d'élection ne sont pas simples. Les conseils sont nombreux - les conseils d'UFR, les trois conseils centraux avec des compétences diverses, un conseil d'administration - et sont élus suivant des logiques plus ou moins facultaires. Il y a un déficit de fonctionnement démocratique, que l'on traite par des propositions visant au renouvellement des présidents d'université, par exemple, alors que la question n'est pas d'accroître les pouvoirs du président d'université, mais de permettre une véritable réflexion stratégique à l'intérieur du monde universitaire, élargi à l'ensemble des partenaires des établissements d'enseignement supérieur - les étudiants, les partenaires sociaux, les collectivités locales - de façon à ce qu'il y ait des échanges entre les différents niveaux d'information. On le voit bien aujourd'hui sur la question du périmètre des PRES.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Cette absence de vision stratégique est un constat partagé. Le contrat qui lie les universités avec le ministère peut-il être, à l'avenir, un élément stratégique pour les universités s'il est reconsidéré, approfondi et développé ?

Mme Lise Dumasy : Je crois que le contrat a été, par certains aspects, une bonne chose. À condition que les universités s'en saisissent, il peut être l'occasion d'une discussion stratégique des objectifs de l'université, mais il présente au moins deux inconvénients. Le premier est que sa durée est trop courte - quatre ans - car à peine a-t-on fini de l'élaborer et de le mettre en œuvre, qu'il faut passer au suivant.

En second lieu, l'idée de contrat est presque toujours liée à celle d'innovation. Quand les nouveaux projets réussissent, on préfère, alors qu'il faudrait les pérenniser, en faire de nouveaux. On est ainsi conduit, soit à déguiser l'ancien projet en nouveau, ce qui est absurde, soit à mettre fin à une expérience intéressante. Prenons les délocalisations : nous créons une antenne universitaire, on nous donne les moyens de le faire, et au bout de quatre ans, alors que tout marche bien, on nous dit de nous débrouiller avec nos propres crédits pour assurer son fonctionnement.

Il faut allonger la durée du contrat, et assurer un lien entre les projets réalisés dans le contrat et leur éventuelle pérennisation par des éléments de DGF, dotation générale de fonctionnement, ou dans les contrats suivants.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Faudrait-il augmenter la part du contrat par rapport aux moyens de la DGF ? Un rééquilibrage serait-il souhaitable ?

Par ailleurs, vous dites qu'il faut allonger le contrat, ce qui me semble, à titre personnel, intéressant. Que pensez-vous des mécaniques d'évaluation des résultats ? Une fois le contrat terminé, est-il évalué ? Existe-t-il une auto-évaluation, au sein de l'université, pendant l'exécution du contrat ?

M. Jean Fabbri : On touche là à un problème du fonctionnement des universités. Les universitaires sont en permanence soumis à l'évaluation, que ce soit dans leur activité de recherche, quand ils publient, quand ils demandent une promotion, quand ils enseignent... En revanche, quand il s'agit d'évaluer des projets, les membres des instances, comme le conseil d'administration, sont démunis par rapport à l'équipe présidentielle et aux services centraux de l'université. On n'a pas le temps de procéder à un véritable examen et il se creuse donc un déséquilibre, malgré la bonne volonté, en général, des équipes présidentielles, entre ceux qui ont du temps à consacrer à ces activités et les autres.

De ce point de vue, donner aux conseils plus de responsabilité et des moyens effectifs de travail renforcerait l'efficacité de l'évaluation.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous dites que le conseil d'administration est trop démuni pour avoir une vision stratégique, et que les UFR pèsent lourd au sein des conseils d'administration. Quelles seraient les pistes de travail ?

Mme Lise Dumasy : Il faudrait un autre mode d'élection. Je serais assez favorable à des listes transversales, c'est-à-dire trans-UFR, pour contourner la tentation de rendre des comptes en priorité à l'UFR qui a vous a élu.

Par ailleurs, les présidents devraient soumettre à leurs conseils de véritables questions de stratégie, surtout dans le domaine de l'interuniversitaire.

M. Jean Fabbri : L'Université de Tours renouvelle en ce moment ses trois conseils centraux. Il y a sept secteurs électoraux rien que pour le conseil d'administration, sans parler des autres conseils ! Par ailleurs, le mode de scrutin et le panachage cassent toute cohérence.

M. Michel Fortuné : Je voudrais revenir sur ce système de sectorisation des élections, les secteurs n'étant pas forcément les mêmes selon les catégories de personnel, ce qui rend les résultats illisibles. Une des perversions de la sectorisation par UFR est la tendance vers la liste unique. Les listes qui surgissent chez les enseignants sont des listes d'UFR qui se considèrent suffisamment légitimes pour représenter tout le monde, et il faut vraiment se bagarrer, ne serait-ce que pour imposer l'idée d'une liste concurrentielle, du moins dans certains secteurs. Le panachage n'arrange rien.

M. Pierre Méhaignerie : Les personnalités extérieures sont utiles dans une université, mais on s'aperçoit qu'elles ne viennent plus au conseil d'administration, qui devient pratiquement un comité d'établissement. Y a-t-il un effort à faire en matière de recherche d'une coopération, comme dans tous les pays du monde, et d'une véritable stratégie définie par le conseil d'administration en relation avec toutes les forces qui composent la vie économique et sociale d'un pays ?

Mme Lise Dumasy : Les problèmes sont liés. Si les membres extérieurs viennent peu, c'est que les conseils d'administration sont souvent encombrés de questions ponctuelles, liées à la gestion de l'université, et ne jouent pas suffisamment leur rôle de réflexion politique et prospective au sens large. S'ils le jouaient, les personnalités extérieures seraient plus intéressées.

Deux solutions sont envisageables : rétablir un rôle plus politique du conseil d'administration, en faisant en sorte, par exemple, qu'au moins deux fois par an, il y ait une vraie discussion des orientations stratégiques de l'université, ou imaginer un conseil d'orientation stratégique, consultatif, qui se réunisse une fois par an, avec un panel assez large de membres extérieurs, et où l'on discuterait des orientations de l'université.

M. Pierre Méhaignerie : Un cadre de gouvernance nouveau vous paraît-il être une option à laisser à la liberté des conseils d'administration ?

M. Jean Fabbri : Nous sommes favorables à un cadre national.

M. Pierre Méhaignerie : Identique et uniforme ?

M. Jean Fabbri : La loi prévoit tout de même des adaptations en fonction de la taille de l'établissement. Mais que les établissements aillent vers des modes de renouvellement des mandats ou de prise de décision différents d'un endroit à l'autre, c'est grave pour l'équité de traitement des personnels et des étudiants.

Par ailleurs, nous ne sommes pas du tout favorables au renouvellement du mandat des présidents.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Seriez-vous en revanche favorables à son allongement ?

M. Jean Fabbri : Non plus.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Donc, vous voulez un cadre national, mais vous souhaitez que dans le cadre du conseil d'administration, on parle davantage de stratégie, quitte à ce qu'à côté, il y ait un conseil stratégique. C'est cela ?

M. Jean Fabbri : Un conseil qui serait consultatif.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous souhaitez dans le même temps que le contrat soit rallongé. Ne serait-ce pas compatible avec l'allongement du mandat du président ? Pourquoi cette opposition au renouvellement ou à l'allongement de son mandat ?

M. Jean Fabbri : Enseignant-chercheur, c'est une mission, et une conception du métier où l'on est auprès des étudiants. Parallèlement, les universités s'auto-organisent, aussi une part de notre temps doit-elle y être consacrée. C'est un moment de notre activité mais spécialiser certains de nos collègues serait dangereux et nuisible pour ce lieu de transmission des connaissances.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Cela ne vous pose-t-il pas de problème que le président n'ait pas à rendre compte du résultat de ses décisions ou de sa gestion ? Le renouvellement du mandat pourrait être une manière de l'obliger à rendre des comptes....

M. Jean Fabbri : Nous ne sommes pas dans cette logique de rendre des comptes, mais dans une logique d'efficacité.

Mme Lise Dumasy : Vous semblez penser qu'aujourd'hui, les mandats des présidents coïncident avec les contrats, mais ce n'est pas du tout le cas.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Non, en effet...

Mme Lise Dumasy : Et ce ne sera pas davantage le cas si vous allongez le mandat du président et la durée du contrat. Le président arrive souvent au milieu d'un contrat, un autre se prépare, et il n'en voit pas la suite.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : C'est pour cela qu'il aurait pu être intéressant qu'un président puisse suivre la totalité d'un contrat.

Mme Lise Dumasy : Cela arrive, puisque les présidents sont élus pour cinq ans, alors que le contrat dure quatre ans. Ou alors il faut changer les dates d'élections...

Cela étant, un président rend des comptes presque tout le temps. Il est élu, et le conseil d'administration a pratiquement les mêmes droits que lui, s'il veut les exercer. Par ailleurs, il peut être sanctionné, même s'il ne peut se représenter, au travers de la nouvelle équipe, selon qu'elle sera de sa mouvance, ou pas.

Je comprends la logique d'un renouvellement de mandat, ou d'une prolongation, car il y a une expérience qui s'acquiert et peut servir, mais d'un autre côté, je pense que c'est dangereux, car la fonction présidentielle pourrait devenir une fonction essentiellement gestionnaire, beaucoup plus que politique et stratégique.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Revenons au conseil d'administration. Les universités n'ont pas été suffisamment associées dans les contrats de plan État-régions. Il faut vraiment mener une réflexion sur la cohérence et la durée des contrats, et leurs conséquences sur le fonctionnement des universités. Quand on voit la bataille au sein des universités sur la maîtrise d'ouvrage, on se pose la question de l'affectation du patrimoine universitaire.

M. Jean Fabbri : Pour nous, cette question du patrimoine universitaire n'est pas centrale. La question essentielle reste celle des moyens.

M. Pierre Méhaignerie : Pas uniquement des moyens ! Quand on regarde le fonctionnement, il faut aussi faire son examen de conscience !

M. Jean Fabbri : M. Claeys vient de nous parler de l'évolution des établissements, il s'agit donc bien d'une question de moyens !

M. Alain Claeys, Rapporteur : Je suis bien d'accord qu'il faudra des moyens. Mais si l'on regarde bien, on a fait du neuf aujourd'hui. Souvent les collectivités territoriales ont revendiqué les maîtrises d'ouvrage pour le neuf, et laissé à l'État le reste. Aujourd'hui on est confronté au problème de la réhabilitation de l'ancien, et il faut vraiment mener une réflexion sur le problème du patrimoine. Comment doit-on faire ? Les collectivités locales accepteront-elles aussi facilement demain de contractualiser avec l'État sur la réhabilitation, comme elles ont pu le faire pour la création d'une école d'ingénieurs ?

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Tous les problèmes de patrimoine sont-ils liés aux moyens, ou d'autres facteurs entrent-ils en jeu, comme les modes de responsabilité, les arbitrages qui doivent être rendus sur les investissements, etc. ?

M. Jean Fabbri : L'essentiel est de fournir aux établissements la possibilité d'être conformes aux règles de sécurité. On sait qu'aujourd'hui, ce n'est même pas le cas, sans parler de Jussieu ou de Censier ....

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Sachant que les normes de sécurité évoluent sans cesse, c'est une course permanente !

M. Jean Fabbri : Certes, mais c'est dans l'intérêt des usagers de l'établissement. On constate bien qu'un certain nombre de bâtiments construits au cours des vingt dernières années nécessitent plus d'investissement maintenant que ceux construits il y a cent ou 150 ans.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les PRES ont été une revendication des universitaires, reprise par les États généraux de la recherche de Grenoble. Les PRES peuvent-ils être un outil de politique cohérente de site, ou de collaboration entre sites universitaires ?

M. Jean Fabbri : Les PRES, dans leur conception portée par les États généraux de Grenoble, auxquels le SNESUP, avec bien d'autres, a contribué, sont des lieux de coopération librement choisis, mutuellement avantageux, entre établissements d'enseignement supérieur, et d'autres organismes, comme le CEA ou l'INRA, et disposant de la possibilité de mettre en cohérence et en synergie l'offre de formation et les capacités de recherche, ainsi que d'offrir de bonnes conditions de recherche à l'ensemble des personnels. Il y a une dimension importante que l'on n'a pas assez soulignée, ce sont les difficultés actuelles des universités liées au manque de personnel enseignant qui font qu'un grand nombre d'enseignants-chercheurs, débordés par des tâches d'enseignement et des tâches administratives, sont de fait exclus d'une activité de recherche de pointe.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Sous réserve des moyens, êtes-vous favorables à la modulation des activités des enseignants-chercheurs entre enseignement, recherche et tâches administratives ?

M. Michel Fortuné : Nous sommes défavorables à l'introduction de cette clause dans le statut des enseignants-chercheurs.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous n'êtes donc pas favorables à ce qu'un enseignant-chercheur, en début de carrière, puisse disposer d'un temps de recherche plus important ?

M. Michel Fortuné : Bien sûr que si. Nous sommes favorables à un certain nombre de mesures statutaires de décharge, aussi larges que possibles, mais pour tous les enseignants-chercheurs.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Il serait trop rigide d'inscrire cette mesure dans les statuts. Certaines personnes, en début de carrière, peuvent vouloir passer beaucoup de temps sur la recherche, mais peut-être ensuite voudront-elles évoluer vers plus de temps d'enseignement. Comment gérer cette nécessaire souplesse par rapport au statut ? L'inscription dans le statut pourrait empêcher de tenir compte des aspirations des enseignants-chercheurs en fonction du moment de leur carrière et des opportunités qui leur sont offertes.

M. Jean Fabbri : Nous sommes très attentifs au début de la carrière de l'enseignant-chercheur, car on ignore trop souvent le parcours du combattant qu'il a dû suivre, entre les études « bac plus 8 » pour obtenir sa thèse et les stages post-doctoraux, souvent avec un statut précaire, tout en poursuivant une activité de recherche de haut niveau, la seule à même de lui ouvrir les portes d'un recrutement en université. Nos jeunes collègues arrivent ainsi dans un établissement nouveau, où ils découvrent une nouvelle charge d'enseignement et un environnement de recherche différent. Comment faire de la recherche quand on croule sous une charge de travail immense ? De ce point de vue, nous réclamons, et nous l'avons demandé au ministre la semaine dernière, une décharge systématique pour tous les enseignants-chercheurs qui débutent. C'est une mesure qui ne coûte rien et qui présente d'immenses d'avantages.

Mme Lise Dumasy : Quant au dispositif des PRES, il doit rester souple, et surtout il ne doit pas y avoir de délégation de pouvoir, c'est-à-dire que le contrôle doit toujours être possible par les conseils d'administration des différentes universités. À Grenoble, les choses fonctionnent d'autant mieux qu'elles concernent des services communs des universités. Mais dès qu'il s'agit de l'enseignement, il y a plus de difficultés, car les différentes universités n'ont pas forcément les mêmes moyens pour les mêmes formations.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Aujourd'hui, les directeurs d'UFR peuvent refuser une nomination. Le président d'université ne le peut pas, qu'en pensez-vous ?

M. Jean Fabbri : Pour nous, ce droit de veto est une mesure archaïque. Nous y sommes hostiles là où il existe, et ne souhaitons pas son instauration pour les présidents. En revanche, nous sommes favorables à l'instauration de mécanismes de dialogue.

Mme Lise Dumasy : Il est tout à fait possible pour un président de faire refuser un recrutement de façon motivée par le conseil d'administration, je l'ai vu et pratiqué.

M. Augustin Bonrepaux, Président : Nous vous remercions.

b) 9 heures 45 : M. Roger Pietrini, secrétaire général du syndicat national du personnel technique de l'enseignement supérieur et de la recherche ( SNPTES), accompagné de MM. Jacques Drouet, Alain Halere et Alain Favennec.

Présidence de M. Augustin Bonrepaux

M. Alain Claeys, Rapporteur : Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation, et de bien vouloir nous expliquer les problèmes de gestion de carrière des personnels technique auxquels vous êtes confrontés aujourd'hui.

M. Roger Pietrini : S'agissant de la gestion des universités, nous avons l'impression, malheureusement, que les personnels que nous représentons sont les parents pauvres de l'université. Leur représentativité au niveau des conseils est des plus modestes, et ils ne sont sans doute pas considérés comme ils le devraient.

Nous avons des personnels de catégorie C comme de catégorie A, et parmi eux il est des docteurs, qui ne sont pas considérés comme ils le devraient, ce que nous déplorons.

Nous regrettons d'être aussi peu représentés dans les conseils d'administration, lesquels sont d'ailleurs devenus des chambres d'enregistrement et ne jouent pas leur rôle.

Avant de parler d'amélioration, encore faudrait-il déjà s'attacher à faire fonctionner ce qui existe.

Par ailleurs, nous avons demandé des revalorisations de carrière, mais nous attendons toujours, alors que d'autres ministères les ont obtenues. Il règne un certain malaise chez les personnels que nous représentons, et sans qui la recherche, ne l'oublions pas, ne serait pas ce qu'elle est.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Vous dites qu'il faudrait déjà faire fonctionner ce qui existe. Comment ?

D'autre part, s'agissant de la gestion des personnels, vous dites que les personnels IATOSS ne sont pas assez entendus, et vous soulevez le problème des moyens. Une gestion globalisée des ressources humaines, plus près de l'université, permettrait-elle de rééquilibrer les affectations entre les moyens d'enseignement, et les moyens de fonctionnement ? Le conseil d'administration et le président, doivent-ils avoir plus de responsabilité dans la gestion des ressources humaines, et si oui, comment est-ce compatible avec le déroulement national des carrières ?

M. Roger Pietrini : Là est le vaste problème auquel nous sommes confrontés. La LOLF va permettre aux établissements d'avoir un budget global, et du fait de la fongibilité, beaucoup de mes collègues craignent que nous ne devenions la variable d'ajustement du budget de l'université.

Ainsi, en une vingtaine d'années, la catégorie C a pratiquement disparu au sein du CNRS, qui a un budget global. La recherche et l'enseignement supérieur ont évidemment besoin de cerveaux, de cadres, mais tout un savoir-faire est parallèlement en train de disparaître, et il est regrettable que ceux qui n'ont pas eu un cursus scolaire ou universitaire prolongé ne puissent plus faire carrière au CNRS ou dans la recherche française.

Nous défendons des statuts nationaux pour les personnels que nous représentons. On nous a dit que les commissions administratives judiciaires, CAP, n'entraient peut-être pas tout à fait dans le périmètre de la LOLF...

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Comment cela ?

M.  Roger Pietrini : C'est écrit dans le compte rendu du comité technique paritaire ministériel enseignement supérieur et recherche du 13 juillet 2005. Les universités peuvent vouloir gérer leur personnel, mais nous craignons que la LOLF ait des conséquences sur la gestion des ressources humaines. Certains nous disent que la LOLF est un premier pas vers la décentralisation.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Mais cela n'a rien à voir, la LOLF est un outil ! En revanche, elle a à voir avec la responsabilisation des acteurs.

M. Pierre Méhaignerie : Et avec les résultats.

M. Roger Pietrini : Absolument.... Lorsque la LOLF aura pris son régime de croisière, sans doute d'ici 2012, les universités auront plus d'autonomie, et nous craignons qu'il n'y ait des établissements à plusieurs vitesses.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Qu'est-ce qui serait souhaitable ? Vous avez conscience, sans doute, qu'il serait intéressant pour les universités de pouvoir gérer elles-mêmes leurs ressources humaines. Cela étant, je comprends que le déroulement national des carrières vous préoccupe. Comment éviter les inconvénients que vous dénoncez ?

M. Roger Pietrini : La commission paritaire d'établissement, CPE, organisme de discussion au sein de l'université, pourrait être saisie des problèmes de gestion de ressources humaines. C'est à ce niveau que doit se déterminer la politique de ressources humaines de l'établissement.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Ces commissions jouent-elles leur rôle aujourd'hui ?

M. Roger Pietrini : Elles le jouent assez bien, en général, dans leur mission de pré-CAP.

M. Jacques Drouet : La CPE a deux missions : un rôle de pré-CAP -commission administrative paritaire -, et un rôle de CTP - comité technique paritaire. C'est vrai que le volet CTP pose problème. On nous rétorque qu'il pourrait être traité au niveau du conseil d'administration. Honnêtement, aujourd'hui, quand on voit comment fonctionnent les conseils d'administration, on a le droit de se poser des questions ! Il faut vraiment un véritable CTP, qui soit l'émanation la plus exhaustive possible des personnels techniques et enseignants.

M. Roger Pietrini : Nous souhaitons que les personnels que nous représentons, qui siègent dans les CPE et les conseils d'administration, soient protégés par un statut d'élu. Alors qu'il y aura toujours quelqu'un pour remplacer un enseignant qui se rend au conseil d'administration, ce n'est pas le cas dans nos services, ce qui pose des problèmes de fonctionnement.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Quel jugement portez-vous sur le fonctionnement du conseil d'administration ?

M. Roger Pietrini : Je vais laisser la parole à Alain Favennec qui est vice-président du syndicat des IATOSS de Poitiers.

M. Alain Favennec : La gouvernance ne nous fait pas peur. Il est clair qu'aujourd'hui les conseils d'administration fonctionnent de manière particulière. Au XIXe siècle, il y avait le vote censitaire. Il a beau avoir heureusement disparu aujourd'hui en France, la représentativité des personnels IATOSS n'est pas la même que celle des enseignants-chercheurs. J'évoque le vote censitaire parce que je n'ai pas voulu parler de « sous-homme » et de « sur-homme », mais la question centrale est là, et j'en profite pour souligner le taux de représentation ridicule des étudiants, qui sont des gens particulièrement sensibles, comme on le voit ces jours-ci ... Dans une université de 25 000 étudiants, ils sont peut-être 20 au conseil d'administration ! Comparé au poids des enseignants-chercheurs, c'est un peu surprenant.

Sans aller jusqu'à la parité parfaite - car je ne vous cache pas qu'on aura des difficultés à trouver des élus formés et efficaces -, améliorons tout de même la représentativité, et aussi celle des étudiants. C'est tout de même une extraordinaire école de démocratie ! Le fait, pour ces étudiants, d'être élus va peut-être les impliquer dans la vie syndicale ou politique, et leur donner l'amour de la gestion de la cité.

On parle beaucoup de la condition féminine, mais le fait qu'il n'y ait pas de statut de l'élu IATOSS est un obstacle à la représentativité des femmes. Les femmes sont les premières exposées. Elles ont une vie familiale parfois assez particulière - on a beaucoup de familles monoparentales. Aujourd'hui une femme peut difficilement s'impliquer dans la vie de l'université. Un statut de l'élu nous protégerait, et le fait qu'il y ait plus de représentativité serait peut-être un tremplin pour nos camarades femmes, particulièrement sous-représentées dans les conseils d'administration.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Le conseil d'administration a-t-il vraiment un rôle stratégique pour déterminer la politique universitaire, notamment par rapport aux UFR ?

M. Alain Favennec : Comme en politique, celui qui a la maîtrise de l'ordre du jour maîtrise le processus décisionnel.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Le fait que le mode d'élection privilégie les logiques d'UFR, ou que les directeurs d'UFR puissent se faire réélire, sont-ils des obstacles à une vision stratégique d'ensemble de l'université ? Par exemple les besoins en personnels IATOSS doivent souvent être appréciés sur l'ensemble de l'université, car il y a beaucoup de services transversaux. Que pensez-vous du mode de fonctionnement et d'élection actuel par rapport aux besoins des personnels techniques ?

M. Jacques Drouet : Il est clair que le conseil d'administration ne remplit pas totalement ses missions.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Quelles seraient ses missions ?

M. Jacques Drouet : La gouvernance de l'établissement, les choix politiques. Il est évident que des strates sont venues se superposer et ont affaibli le conseil d'administration. Je pense à certaines commissions qui sont créées, à un cabinet présidentiel qui peut être extrêmement fort, le tout au détriment du conseil d'administration.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Vous avez quelques exemples ?

M. Jacques Drouet : Je me souviens d'un conseil d'administration qui était pire qu'une chambre d'enregistrement, et bâclé en deux heures quasiment. Je trouve cela très court pour aborder les problèmes de gestion et de gouvernance d'une université ! Et les problèmes des personnels techniques étaient toujours abordés le dernier quart d'heure, lorsque l'appétit commençait à se faire sentir. La plupart des représentants étaient partis, il ne restait quasiment que des élus IATOSS.

À ce propos, on parlait de la reconnaissance des personnels IATOSS, mais ne serait-ce que pour mon établissement, il est clair que les IATOSS participent très largement aux élections, ce qui n'est pas le cas des autres partenaires au sein des universités. Les IATOSS veulent se reconnaître véritablement dans la communauté universitaire, mais malheureusement cette reconnaissance n'existe pas encore.

Concernant ces problèmes IATOSS, c'est le CTP qui doit les résoudre. Le conseil d'administration me semble une entité moins adaptée.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les présidents nous disent qu'ils n'ont pas suffisamment de moyens humains pour exercer leurs fonctions. Est-ce vrai ? Vous dites que les présidents ont tous les pouvoirs, que les conseils d'administration ne sont qu'une chambre d'enregistrement, mais manque-t-il vraiment d'outils et de moyens humains pour gérer ces établissements de plus en plus complexes ?

M. Jacques Drouet : Dans la mesure où le système est de plus en plus complexe, il est évident qu'il manque les personnels, mais aussi les formations. On a un vrai souci en termes de formation des personnels et il serait bon qu'on donne beaucoup plus de possibilités aux collègues de se former, d'actualiser leurs connaissances. La LOLF est un système assez complexe à mettre en place ! Mais au-delà, il y a un réel manque de personnel dans tous les secteurs de l'université.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Avez-vous le sentiment que les secrétaires généraux remplissent leurs fonctions, notamment par rapport à la gestion des ressources humaines, à l'affectation des moyens, ou faut-il renforcer leur rôle ?

M. Jacques Drouet : Nous sommes souvent confrontés à des désaccords entre le cabinet présidentiel et le secrétariat général, et il y a parfois quelques confusions. S'agissant de la mission de gestion des ressources humaines, il y a un vrai problème, notamment au niveau de la formation des secrétaires généraux. Nous avons en face de nous des interlocuteurs de bonne foi, qui font correctement leur travail, mais à qui manque la culture universitaire.

M. Roger Pietrini : Certains secrétaires généraux ont vraiment une façon de pensée « administration scolaire et universitaire » - ASU -, alors que d'autres accomplissent un vrai travail de secrétaire général tel que nous le concevons dans les universités. Ce problème risque de s'aggraver encore si dans votre expérimentation, vous faites en sorte que tous les personnels de l'enseignement supérieur soient des personnels ITRF. Cela étant, cela ne nous pose pas de problème, car nous sommes favorables à un statut unique de l'enseignement supérieur.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les conseils d'administrations sont-ils associés aux négociations ?

M. Alain Favennec : Il y a là aussi, pas forcément pour Poitiers, mais dans les autres universités, une confiscation du pouvoir, quand les sous-groupes de travail ne sont pas des émanations du conseil d'administration, mais de groupes informels. Là encore, le conseil d'administration va se transformer en véritable chambre d'enregistrement, et c'est particulièrement redoutable car les « extérieurs » finissent par partir....

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Quand ils viennent encore....

M. Roger Pietrini : Il serait peut-être intéressant que la CPE soit saisie....

M. Alain Claeys, Rapporteur : Quelle est l'articulation, au niveau des personnels techniques, entre ceux qui relèvent des organismes de recherche et ceux qui relèvent des universités ?

M. Roger Pietrini : En 2002, des modifications statutaires ont conduit à uniformiser les statuts des ingénieurs, techniciens et administratifs, ITA, de recherche, et des ITA de l'enseignement supérieur. Si à terme, il y avait un seul statut dans l'enseignement supérieur et la recherche, cela ne nous choquerait pas. Il faudra faire bouger le milieu, mais cela paraît possible.

M. Pierre Méhaignerie : Avez-vous regardé comment fonctionnent les autres universités en Europe ?

M. Alain Favennec : On a tendance à se tourner vers ce qui nous inquiète le plus, c'est-à-dire les universités anglo-saxonnes, où il y a beaucoup de contractuels, et où la notion de statut est absente. Il est vrai que certains systèmes fonctionnent mieux que le nôtre, mais il faudrait que nous fassions déjà fonctionner la machine comme elle le devrait, et que l'on nous écoute un peu plus, car nous avons des spécificités intéressantes qui pourraient faire école. Par exemple, en matière d'évolution de carrière, on n'avance pas à l'ancienneté, mais à l'évaluation. Chez les IATOSS, l'évaluation et la culture des résultats ne sont pas des gros mots.

M. Roger Pietrini : Nous sommes favorables à l'évaluation des structures, mais aussi à l'évaluation des personnels que nous représentons. Chaque fois que nous changeons de corps ou de grade, nous sommes évalués, et nous n'en avons pas peur. Nous y tenons, au contraire.

M. Jacques Drouet : Nous entretenons des rapports assez étroits avec nos collègues canadiens, et je peux vous assurer que si le modèle canadien nous fait peur, eux sont au contraire très intéressés par ce que nous faisons en France. Nous ne sommes donc pas si ringards que cela, et notre statut est tout de même relativement moderne par rapport à l'ensemble de la fonction publique. C'est vrai qu'il mérite d'être amélioré, mais prenons garde à ne pas casser quelque chose qui fonctionne tout de même assez bien.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : On a plutôt le sentiment que l'idée de renforcement de la gouvernance, et je ne parle pas là forcément du pouvoir personnel du président, va de pair avec un confortement de la place des IATOSS au sein de l'université. À la limite, vous auriez peut-être plus à gagner d'une affirmation de cette gouvernance au niveau central.

Par ailleurs, les recrutements de personnels contractuels que vous avez dit craindre, nous les avons surtout détectés au sein de certaines unités de recherche, où les patrons cherchent à maîtriser leurs propres recrutements au détriment peut-être de recrutements statutaires. Quelle est votre réaction par rapport à ces éléments ?

M. Jacques Drouet : Nous avons des craintes par rapport à ces propositions, d'autant plus que nous sortons progressivement d'un système où ces dualités statutaires posaient problème sur le terrain. Pour les mêmes fonctions, deux agents pouvaient avoir des statuts différents, et des rémunérations différentes aussi.

Nous craignons en effet que, dès lors que l'on entre dans un dispositif de recrutement de contractuels, sans doute très bien rémunérés, cela mène à l'éclatement de la cohésion de la collectivité universitaire. Les collègues sont très sensibles aux rémunérations et au régime indemnitaire. Dans le même temps, notre système est tout de même relativement moderne, et il permet de recruter sur profil. Au Canada, par exemple, on recrute des contractuels pour trois ou six mois, pour une mission précise, et dès que la mission est accomplie, l'agent s'en va. Nous ne voulons pas de ce système. Nous avons un gros souci avec les établissements, notamment récents, qui ont recruté beaucoup de contractuels, et nous avons des difficultés à les stabiliser. Et je ne parle pas du climat assez délétère qui peut régner au sein de ces établissements.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Nous vous remercions de votre contribution à nos travaux.

c) 10 h 15 : Mme  Mylène Jacquot, secrétaire fédérale du SGEN-CFDT et MM. Patrick Fridenson, professeur à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), Grégory Colcanap, conservateur des bibliothèques, et Gilbert Heitz, technicien de recherche et de formation.

Présidence de M. Augustin Bonrepaux

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Nous sommes chargés de l'élaboration d'un rapport sur l'évolution de la gouvernance des universités au regard de la mise en œuvre de la LOLF. Chacun constate, au-delà de la diversité des universités, un certain nombre de blocages. Certains estiment qu'il faudrait aller vers plus d'autonomie. Qu'en pensez-vous ? Comment fonctionnent les conseils ? Comment les universités gèrent-elles leurs ressources humaines ? Comment affectent-elles les moyens ? Quelles sont leurs capacités de pilotage propre au-delà du déroulement national des carrières ?

M. Patrick Fridenson : S'agissant du problème de l'autonomie, nous défendons historiquement une autonomie forte, avec des pouvoirs de contrôle forts, dans un cadre national et dans un cadre européen. De ce point de vue, il n'est pas nécessaire de légiférer de nouveau sur le sujet. La loi de 1984 reconnaît toute une série de possibilités d'autonomie, les universités s'en servent ou non, et elles s'en servent inégalement.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Jusqu'où peut-on aller, et que faut-il faire pour améliorer le dispositif ?

M. Pierre Méhaignerie : Avez-vous de bons exemples en tête ?

M. Patrick Fridenson : Je peux vous citer l'Université Louis Pasteur à Strasbourg, ou l'Université Joseph-Fourier à Grenoble. Il y a des améliorations possibles de la propre liberté des universités, par exemple la réalité du fonctionnement du conseil d'administration. Ce conseil a toute une série de tâches stratégiques, liées à l'autonomie, le vote du budget, les délibérations sur des demandes de postes, la négociation du contrat avec la tutelle, les contrats de plan État-régions, etc. On ne peut pas dire que les universités n'aient pas l'occasion de faire de la stratégie, d'avoir une vision à long terme ; certaines ont même développé une politique internationale forte.

De ce point de vue, certaines choses relèvent de la responsabilité interne de l'université. Dans le cadre du conseil d'administration, rejeter toute une série de questions subsidiaires sous forme de brèves délibérations, et concentrer le débat sur des questions centrales relève ainsi de la responsabilité de l'université ; cela favoriserait la participation de membres extérieurs.

La loi sur la recherche a par ailleurs facilité les conditions de révision des statuts.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous dites que la loi de 1984 suffit, mais on se rend compte quand même, rapport de la Cour des comptes à l'appui, qu'il y a une très grande diversité d'utilisation des espaces de liberté, liée aussi à la diversité des universités. Nous essayons d'améliorer les choses. Vous avez parlé des contrats. Aujourd'hui, véritablement, quand une université négocie avec l'État, y a-t-il préalablement une réflexion stratégique ? La durée du contrat est-elle suffisante ? Sa place par rapport à la dotation globale est-elle suffisante ?

Vous parlez du rôle du conseil d'administration et du président. Y a-t-il aujourd'hui, autour du président et de ce conseil, les compétences nécessaires pour dégager une vision du budget global, une vision stratégique, etc. ? Quels sont les rapports entre les UFR et les universités ?

M. Patrick Fridenson : Ces questions sont si nombreuses et importantes, que nous ne pourrons vous répondre en 45 minutes...

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Nous en sommes conscients, mais vous pourrez nous déposer aussi des documents écrits.

M. Patrick Fridenson : On pourrait porter la durée du contrat à six ans.

Concernant les modèles, faut-il garder le modèle SAN REMO ? Il a été amélioré plusieurs fois, on peut encore l'améliorer. On peut considérer qu'il y a toute une série de critères de la répartition budgétaire. Cela étant, certains ne peuvent pas être abandonnés, comme celui du nombre d'étudiants, ou celui des espaces.

Dans une politique contractuelle souple, un barème est nécessaire, à condition de ne pas être un instrument d'uniformisation et de réduction.

Ce ne serait pas une mauvaise chose, par ailleurs, que d'accroître la place du contrat. N'oublions pas qu'il y a deux parties au contrat, l'État et l'université, et qu'on ne peut reprocher à l'université sa mauvaise gouvernance si, de son côté, l'État ne respecte pas ses obligations. Quand on voit le retard, ou l'amputation des contrats de plan État-régions, quand on voit les difficultés que vous avez eues pour obtenir de M. François Goulard, ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche, des engagements en euros constants dans la loi sur la recherche, nous ne pouvons qu'être sceptiques.

Quant à la capacité de réflexion stratégique, elle ne peut pas être concentrée sur le seul président et les vice-présidents, et le débat sur le contrat dans une université ne se limite pas au jour où chaque conseil, pour ce qui le concerne, examine le contrat.

En d'autres termes, il doit y avoir une responsabilité au sommet des universités, avec le président et le vice-président, les équipes d'enseignants, et d'autre part les conseils doivent prendre le temps de faire de la stratégie.

Vous avez évoqué les rapports entre les universités et leurs composantes. Il y a les UFR médicales, dotées par la loi de prérogatives et de budgets énormes par rapport aux autres, les IUT, etc. Nous défendons pour notre part une logique d'établissement. La stratégie doit être conduite par l'établissement et donc par la présidence et le contre pouvoir que sont les conseils.

Pour ce qui est du panachage dans le mode de scrutin, prévu par la loi de 1984, il encourage à nos yeux la dérive facultaire, car il suffit, dans les différents collèges, qu'un petit groupe de personnes s'entende pour bloquer toute réforme. Une proportionnelle sans panachage serait préférable.

M. Grégory Colcanap : Sur l'élaboration du contrat, il est vrai que les cas de figure sont assez différents d'une université à l'autre, et un projet d'établissement peut émaner de la réflexion de tous les services, voire de tous les individus. Pour qu'un contrat soit véritablement porté par une université et son personnel, qu'il s'agisse des enseignants ou des personnels IATOSS, il est important qu'il y ait un débat sur le contrat et ses objectifs.

Les outils de pilotage sont très différents selon les universités. Certaines ont un bilan social, pour connaître la répartition des personnels, leur niveau de compétence. D'autres ont un outil d'analyse des coûts, qui peut s'avérer très important en matière de choix stratégiques.

Un autre outil de pilotage consiste à associer davantage les instances existantes, notamment la commission paritaire d'établissement, la CPE. Certaines universités répartissent ainsi les primes des régimes indemnitaires dans l'opacité la plus totale, alors que d'autres, au sein de la commission paritaire, ont décidé de mettre carte sur table et de discuter véritablement des critères d'attribution.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Vous avez quelques exemples ?

M. Grégory Colcanap : L'université Paris XII, dans laquelle j'exerce, a une CPE qui véritablement travaille et est saisie de la majorité des dossiers, qu'il s'agisse d'élaborer des critères objectifs de répartition des primes, de discuter des conditions de travail, ou de la répartition des emplois.

Enfin, vous ne menez pas la même politique dans une université où la dotation réelle en personnels est la moitié de celle de sa voisine, que ce soit des personnels enseignants ou des personnels IATOSS. Une université qui manque de personnel utilisera une partie de ses crédits pour embaucher du personnel avec un statut précaire. C'est le rôle de l'État de remettre à niveau. Malheureusement, des universités sous-dotées depuis dix ou quinze ans le sont encore aujourd'hui, faute de politique de rattrapage.

Mme Mylène Jacquot : La LOLF a été expérimentée l'année dernière dans quatre établissements, et le comité technique paritaire ministériel a eu bien du mal à avoir quelques informations dignes de ce nom, car on s'est rendu compte que l'essentiel du travail fut d'aider les universités à construire leur budget. Quand on lit les comptes rendus des auditions que vous avez précédemment menées, on apprend qu'un ancien président d'université est content qu'une expérimentation ait été menée dans son établissement parce que cela lui a permis d'appliquer le décret de 1994 !

Nous, nous demandons un vrai bilan de cette expérimentation.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Et vous avez le sentiment de ne pas l'avoir eu.

Mme Mylène Jacquot : Nous ne l'avons pas eu, en effet, bien que nous l'ayons demandé en CTP ministériel. On peut difficilement dépasser le stade de l'expérimentation sans éléments supplémentaires.

Sur le budget global, l'exemple des régimes indemnitaires est intéressant. Tout d'abord, l'idée d'un budget global ne date pas de la LOLF, et les universités devraient peut-être faire la preuve de leurs capacités à gérer démocratiquement et dans la transparence.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : C'est une préoccupation partagée.

Mme Mylène Jacquot : Concernant les régimes indemnitaires, l'enveloppe est globalisée depuis plusieurs années. Dans la majorité des universités, c'est la plus totale opacité.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : C'est pourquoi j'ai demandé quelles universités étaient transparentes sur la question.

Mme Mylène Jacquot : Et encore, la transparence a du mal à aller jusqu'au bout quand elle existe. Malgré les demandes répétées des représentants des personnels dans les CPE, l'administration refuse.

M. Pierre Méhaignerie : Pourquoi ?

Mme Mylène Jacquot : Il y a des raisons....

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Lesquelles ?

M. Pierre Méhaignerie : Sont-elles valables ?

Mme Mylène Jacquot : Les critères de répartition et d'attribution ne relèvent pas forcément de la plus grande objectivité.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Donc, dans la plupart des cas, ils ne s'appuient pas sur une évaluation et sur des éléments objectifs ?

M. Pierre Méhaignerie : L'autre risque, c'est l'uniformisation pour tout le monde.

Mme Mylène Jacquot : Mais non ! La transparence ne veut pas dire la même chose pour tout le monde. De surcroît, nous défendons, pour notre part, une vraie évaluation des personnels. Qui a freiné la mise en œuvre du décret du 11 décembre 2001 sur l'évaluation des personnels ? Pas forcément les personnels. S'il n'y a pas assez de transparence, c'est qu'il n'y a pas de critères objectifs, alors qu'une véritable évaluation permettrait justement d'aller vers l'équité.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Les universités ont-elles les moyens aujourd'hui de faire des évaluations ?

Mme Mylène Jacquot : Sur l'évaluation des établissements et de leur politique, je pense qu'il y a un certain nombre d'outils, mais il y a un problème d'ordre culturel, car l'évaluation est trop souvent perçue comme un jugement, alors que c'est un outil de pilotage.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Que peut-on faire pour que l'évaluation devienne la règle ? Quel doit être le rôle du secrétaire général ?

M. Patrick Fridenson : Un des moyens de renforcer l'évaluation serait que les universités se dotent d'instances d'évaluation, qui comprennent des collègues extérieurs à l'établissement, et si possible européens.

Il est bon de s'auto-évaluer, mais il est bon aussi que d'autres jettent un regard sur vous. De ce point de vue-là, je ne peux pas dire que nous ayons accueilli la composition de l'AERES - Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur - telle qu'elle est dans la loi sur la recherche, avec un enthousiasme débordant. Nous considérons que le comité national d'évaluation fonctionne bien aujourd'hui.....

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Nettement mieux qu'il y a quelques années.

M. Patrick Fridenson : ...et que cet énorme magma qui est dans la loi sur la recherche n'est pas favorable à l'évaluation externe.

M. Alain Claeys, Rapporteur : C'est une usine à gaz. Le problème était de trouver un système d'homogénéisation de l'évaluation.

M. Patrick Fridenson : Nous sommes favorables à l'accueil, dans le dispositif d'auto-évaluation, de membres de l'enseignement supérieur et de la recherche d'autres pays de l'Union européenne.

Par ailleurs, il y a ce qu'on appelle la généralisation des bonnes conduites. Je ne suis pas convaincu qu'elle doive se faire sur ordre de l'État. Ce n'est pas notre conception de l'autonomie. De ce point de vue, on pourrait imaginer que, par exemple, l'agence pour la mutualisation des universités diffuse les pratiques de bonne évaluation.

Si le contrat stipule que nous devons renforcer notre dispositif d'évaluation, la tutelle publique a tous les moyens de demander à l'université que, pour le contrat qu'elle signe, elle ait un dispositif d'évaluation efficace.

La puissance publique dispose de leviers pour nous aider à avancer, et l'université dispose de moyens, comme l'agence de modernisation.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les PRES peuvent-ils être des outils efficaces pour mieux organiser les sites universitaires, et à quelles conditions ?

M. Patrick Fridenson : Notre organisation est favorable depuis longtemps aux politiques de site, que ce soit sur des problèmes comme l'information, la documentation, les bibliothèques... Cela étant, les pôles de recherche et d'enseignement supérieur, tels qu'ils sortent du débat parlementaire, ne sont pas bons, comparés aux autres pays. Quel est le pays qui a une telle structure d'usine à gaz, avec les réseaux thématiques, les PRES, etc. ? Franchement, les universités ont toutes sortes de moyens pour passer des conventions avec des partenaires, avec les organismes publics de recherche, et plus on superpose des organismes sur les établissements, plus on rend l'autonomie difficile.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Je vous entends bien, mais il faut reconnaître aujourd'hui que les politiques de site ne bougent pas beaucoup. Les élus ne veulent pas trop bouger, et les universitaires non plus. Il faut bien trouver un moyen de faire avancer les choses. Je le dis d'autant plus facilement que j'étais moi-même assez critique sur cette usine à gaz.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Il y a même des endroits où il a fallu ajouter des universités à celles qui existaient déjà, par exemple à Bordeaux.

M. Patrick Fridenson : La question de l'ajout des universités est assez vaste, et l'on pourrait s'interroger sur les conditions dans lesquelles on nous annonce la création d'un établissement d'enseignement supérieur, comme à Nîmes...

M. Alain Claeys, Rapporteur : Êtes-vous d'accord pour qu'on puisse, dans le cadre d'un PRES, intégrer cette dimension dans la négociation d'un plan quadriennal ?

M. Patrick Fridenson : Un mot sur les réseaux thématiques. S'agissant de l'École d'économie de Paris, il y a un problème quand c'est le Premier ministre qui annonce ce que les établissements d'enseignement supérieur doivent faire.

M. Alain Claeys, Rapporteur, et M. Pierre Méhaignerie : Nous sommes d'accord.

M. Patrick Fridenson : Par ailleurs, prenons un deuxième aspect de l'autonomie que sont les établissements autres que les universités. Il est de notoriété publique que le Premier ministre, ou le Président de la République, depuis maintenant un an et demi, substitue des nominations à celles qui résultent des procédures normales. S'agissant de l'École d'économie de Paris, on voit ainsi une directrice de l'École normale supérieure qui maintenant se prononce contre l'École d'économie de Paris, alors qu'elle est nommée par le Président de la République contre l'avis de la commission compétente.

En ce qui concerne les PRES, vous dites en gros  « il faut faire avec ». Tout d'abord, sur le fond, nous reconnaissons qu'il est nécessaire d'accroître les synergies de compétences, par des politiques de sites. Nous pensons également que les PRES peuvent entrer dans la négociation contractuelle.

Cela étant, on ne peut pas prétendre négocier sur cette base, et en même temps développer l'Agence nationale pour la recherche, car même avec les modifications que vous avez apportées et qui m'ont valu de connaître le délicieux terme de préciput, cette agence est contraire à l'autonomie, en ce qu'elle passe par-dessus la tête des présidents et du conseil scientifique.

Que pensez-vous du projet d'établissement public de sécurité universitaire et de construction universitaire ? Est-ce que ce sera une aide à l'autonomie ou un retour à la centralisation ?

M. Alain Claeys, Rapporteur : On ne va pas refaire le débat, mais je crois que l'argument sur l'Agence nationale pour la recherche est pertinent.

M. Patrick Fridenson : Il reste la question des constructions universitaires et de la sécurité universitaire, liée à celle de la gouvernance.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Il eût été souhaitable qu'on détermine qui devait avoir des responsabilités en matière de patrimoine avant de décider de la création d'une nouvelle structure. S'agissant du patrimoine, il faut se remettre dans le cadre des logiques de site. On sait très bien qu'on a beaucoup construit pour répondre à l'accroissement des effectifs, mais aussi à la demande d'un certain nombre d'élus locaux, qui voulaient des bâtiments à inaugurer, et d'universitaires qui voulaient des locaux plus spacieux, en laissant de côté la réhabilitation et la remise à niveau qui étaient des points importants. Il aurait fallu arbitrer sur ces points avant de créer une nouvelle structure, davantage liée à une analyse parisienne des problèmes universitaires qu'à une analyse nationale.

M. Patrick Fridenson : Les questions de sécurité et de maintenance dans l'enseignement supérieur sont des questions vitales, et c'est un enjeu de gouvernance. Cela ferait partie des points sur lesquels on pourrait évaluer les établissements.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : En mettant de côté les questions financières, qu'il faudra étudier établissement par établissement, êtes-vous favorable au transfert du patrimoine aux universités ?

M. Patrick Fridenson : Nous devrons avoir cette discussion.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Mais vous n'y êtes pas hostile ?

M. Patrick Fridenson : Il faut poser le problème. J'ajouterai un dernier élément en ce qui concerne les constructions : il faut construire. Les activités de recherche, de documentation, d'information et de communication sont, dans beaucoup d'établissements, à l'étroit, et il ne faut pas croire que le problème des constructions est derrière nous sous prétexte que le flux étudiant s'est ralenti.

M. Augustin Bonrepaux, Président : Nous vous remercions de votre contribution à nos travaux.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Si vous avez d'autres choses à nous faire savoir, vous pouvez nous écrire, notamment sur le rôle des secrétaires généraux, que nous n'avons pas eu le temps d'aborder.

M. Pierre Méhaignerie : ... et sur la valorisation des acquis de l'expérience.

M. Patrick Fridenson : La CFDT a soutenu cette initiative, et il y a eu des progrès, mais pas suffisamment.

d) 11 heures : M. Benjamin Vételé, Vice-président de l'Union Nationale des Étudiants de France (UNEF), accompagné de Mme Sophie Binet et de M. Jean-Baptiste Prevost

Présidence de M. Augustin Bonrepaux

M. Augustin Bonrepaux, Président : Nous poursuivons nos auditions et je laisse sans plus tarder la parole à nos deux rapporteurs sur ce sujet : MM. Michel Bouvard et Alain Claeys.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Nous sommes, je vous le rappelle, dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle, qui travaille sur l'amélioration de la gestion publique. Nous cherchons cette fois comment améliorer la gouvernance des universités, c'est-à-dire que nous ne nous intéressons pas aux moyens budgétaires engagés par l'État, mais aux problèmes de fonctionnement interne. Qu'est-ce qui ne fonctionne pas bien ? Faut-il aller vers plus d'autonomie ? Conviendrait-il de modifier la loi ? D'où viennent les blocages et comment les lever ? Des cloisonnements excessifs empêchent-ils d'avoir une vision stratégique d'ensemble pour améliorer la recherche et la formation et pour mener des politiques de sites efficaces ? L'évaluation de la qualité de la formation et de la recherche est-elle bien menée ? Telles sont les questions sur lesquelles nous aimerions savoir comment votre organisation étudiante voit les choses et quelles sont les attentes des étudiants.

M. Benjamin Vételé : Je dirai d'emblée qu'il y a beaucoup de choses qui fonctionnent bien dans le service public de l'enseignement supérieur : la manière dont il est défini, l'organisation qu'il s'est donnée ces vingt dernières années pour répondre à la massification montrent que l'université française est capable d'occuper une place majeure dans la formation des jeunes, dans l'acquisition et la transmission des savoirs, dans la préparation à l'entrée sur le marché du travail. Il y a donc pour nous des principes forts, qu'il convient de défendre afin que l'architecture globale de l'enseignement supérieur se construise autour des universités.

En effet, depuis une quinzaine d'années, on a vu se développer une offre de formation intéressante et diversifiée, mais souvent à côté des universités et parfois même en concurrence avec elles. Il nous semble donc qu'il faut aujourd'hui poser la question de l'unification de l'enseignement supérieur autour de l'université, dont l'organisation, qui articule enseignement, recherche et préparation, un projet professionnel, fonctionne très bien. Nous souhaitons en particulier qu'on cherche comment faire entrer les grandes écoles et les écoles d'ingénieurs dans le giron de l'université.

M. Pierre Méhaignerie : Oh la la !

Si je comprends bien, tout va bien aujourd'hui dans l'université !

M. Benjamin Vételé : En tout cas, elle ne se porte pas aussi mal qu'on veut le faire croire.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Votre idée est-elle que l'université doit être au cœur du dispositif pour lui donner plus de visibilité, à l'extérieur comme à l'intérieur, ce qui doit conduire à mener une réflexion sur les classes préparatoires et à voir comment le dispositif s'articule avec les organismes de recherche ?

M. Pierre Méhaignerie : Cette uniformité que vous semblez prôner est-elle compatible avec le respect de la diversité ?

M. Benjamin Vételé : Nous mettons en avant un modèle, cela ne signifie pas que toutes les formations doivent être identiques, mais simplement que la façon dont l'enseignement supérieur est organisé autour de l'université, avec le triptyque de la loi de 1984 - participation, pluridisciplinarité, autonomie - est satisfaisante. Or certaines formations dispensées à côté des universités ne bénéficient pas aujourd'hui de cette organisation : elles ne profitent pas assez de la participation des étudiants, ne sont pas pluridisciplinaires et parfois ne s'adossent même pas à un projet de recherche. Cela nous semble dommageable.

Nous ne pensons pas que l'autonomie soit un remède miracle à tous les maux de l'université.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : L'université concentre 90 % des étudiants et des moyens. L'autonomie existe déjà en partie, la jugez-vous satisfaisante ? Que doit-elle exactement recouvrir de votre point de vue ? Et si elle n'est pas un remède, quels sont alors selon vous les vrais remèdes ?

M. Alain Claeys, Rapporteur : L'université est au cœur du débat que nous avons eu sur la recherche, beaucoup d'entre nous souhaitant que l'on traite simultanément des deux. L'autonomie est inscrite dans la loi de 1984. Ce que nous vous demandons, c'est de nous dire, dans l'espace qu'ouvre la loi, ce qui va bien et ce qui mérite d'être amélioré. Faudrait-il selon vous ouvrir de nouveaux espaces ?

Il est vrai que l'université a réussi sa massification, mais la Cour des comptes a relevé le problème majeur de la situation de beaucoup d'étudiants à la fin du premier cycle, problème que nous, responsables publics, ne pouvons évacuer.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : C'est un gâchis humain et financier.

Mme Sophie Binet : La loi de 1984 n'a pas tout à fait atteint ses trois objectifs d'autonomie, de participation et de pluridisciplinarité. Aujourd'hui les universités sont structurées sur les anciennes facultés de 1968, qui ont été reconduites sous la forme des UFR. Il serait intéressant, à l'occasion de la réforme LMD, de créer des sous-structures pluridisciplinaires qui permettraient de rompre avec le corporatisme.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous considérez que les responsables n'ont pas assez utilisé le levier du passage au LMD pour aller vers plus de transversalité et pour remettre en cause la logique facultaire ?

Mme Sophie Binet : Les universités ne disposent pas aujourd'hui des structures pluridisciplinaires nécessaires à la mise en place du LMD.

M. Benjamin Vételé : Avec le LMD, les UFR ont aussi perdu la gestion de la pédagogie de la formation. Ils se sont arc-boutés sur leurs compétences administratives et il y a en fait beaucoup de petites chapelles au sein de grands ensembles. Même si certains départements ont été regroupés, dans de nombreuses universités, une UFR ne correspond pas à un champ disciplinaire mais à un département, ce qui n'est pas conforme à l'idée du LMD.

M. Jean-Baptiste Prevost : Le LMD a mis en évidence des dysfonctionnements importants dans les modes de décision et dans la gouvernance de nos universités. La loi Faure de 1968 et la loi de 1984, au lieu de substituer les nouvelles structures à celles qui existaient déjà, les ont empilées sur les facultés, ce qui fait qu'il n'existe pas vraiment aujourd'hui de pouvoir central au sein des universités.

La majorité qui élit le président d'université est très hétéroclite, ce qui empêche ce dernier de mener une politique d'établissement cohérente. Souvent, l'université n'existe pas en tant que telle : elle n'est que le regroupement d'UFR. L'absence d'un pouvoir central pose la question très importante de la participation de la communauté universitaire à la gestion des établissements.

Cela me conduit à évoquer la démocratie universitaire et la place des étudiants : les outils aujourd'hui à disposition des présidents d'université pour mener des politiques d'établissements ne permettent pas d'associer suffisamment les élus, notamment étudiants. C'est pour cela que la démocratie universitaire est davantage subie que revendiquée. Elle est vécue comme un moyen de prévenir les conflits d'intérêts plutôt que de gouverner les universités.

Mme Sophie Binet : On trouve une illustration des incohérences de la loi de 1984 dans le panachage des listes aux élections des représentants des personnels et des enseignants aux conseils : le fait de pouvoir modifier l'ordre des candidats fait sortir d'une logique politique pour aller vers des logiques individuelle ou corporatiste. Les collèges électoraux posent aussi problème dans la mesure où, quand on vote pour les conseils centraux des universités, on vote par discipline, ce qui empêche de voir émerger l'intérêt de l'ensemble de l'établissement. Cela rend les conseils impossibles à diriger, les corporatismes empêchant le président de procéder à des redéploiements. Le fonctionnement des collèges électoraux fait aussi que certaines disciplines sont surreprésentées par rapport à leurs effectifs étudiants et enseignants.

Pour nous, l'autonomie des universités doit s'inscrire dans un cadre fixé par l'État. La crise actuelle illustre peut-être le fait que les compétences et les responsabilités ne sont pas clairement définies. Ainsi, s'agissant de la carte des formations, les universités doivent faire remonter tous les quatre ans des milliers de pages au ministère pour permettre une analyse détaillée, mais l'État ne joue pas son rôle et laisse subsister des incohérences avec, par exemple, Lyon II et Lyon III qui délivrent la même formation à une rue de distance. L'application du LMD a aussi posé des problèmes nouveaux en termes de gouvernance, en faisant tomber un certain nombre de règles pédagogiques préalablement posées de façon nationale, par exemple pour les modalités du contrôle des connaissances. Alors que ces règles devaient être fixées par les universités, cela a été fait par les UFR ou même par les départements et on se retrouve avec des logiques très disciplinaires, totalement illisibles par les étudiants, qui ne passent pas les examens de la même façon dans la même université selon qu'ils sont en droit ou en lettres modernes. Il paraît éminemment souhaitable de poser des règles identiques pour tous au sein d'un même territoire et de la même université.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : À partir de ce constat, que faut-il modifier ? Le fonctionnement et l'architecture des conseils sont-ils satisfaisants ? Les problèmes tiennent-ils aux modes opérationnels ou à l'incapacité de pilotage ?

Par ailleurs, vous avez semblé regretter que le contrat quadriennal oblige à envoyer des milliers de pages, j'imagine toutefois que vous n'êtes pas opposés à l'évaluation. Comment les étudiants peuvent-ils participer à cette dernière ? Actuellement, elle est assez développée pour la recherche mais pas pour la formation : si un maître de conférences ne demande pas à passer professeur, il peut ne jamais être évalué au cours de sa carrière.

M. Benjamin Vételé : S'agissant des conseils, il est vrai que les universités ont beaucoup de mal à promouvoir un projet politique qui ne soit pas une somme d'intérêts corporatistes. Nous, syndicats étudiants, n'avons pas à être la voix d'un corporatisme de plus. Nous pensons qu'un équilibre doit être trouvé entre le conseil d'administration et le conseil des études et de la vie universitaire, le conseil scientifique ayant une place assez spécifique. À l'heure actuelle, le rôle politique des conseils est très faible. Nous souhaitons qu'il soit renforcé en accordant une place plus importante aux étudiants : même s'il y a déjà eu une montée en puissance de la démographie universitaire depuis une vingtaine d'années, l'investissement plus grand des étudiants ne s'est pas forcément traduit par un rôle plus important au sein des conseils.

Les conseils pourraient participer à des procédures d'autoévaluation, en particulier dans le cadre du contrat quadriennal. Nous avons vocation à prendre part à l'évaluation de la politique de l'université, le problème étant que souvent l'étudiant qui siégeait au moment de l'adoption du contrat n'est plus présent au sein du conseil lors de son échéance.

La question de l'évaluation est centrale. Nous sommes favorables à la généralisation de l'évaluation des enseignements. Malheureusement, alors le LMD devait la permettre, nous l'attendons toujours, comme bien d'autres évaluations prévues dans ce cadre, en particulier celle de la carte scolaire. Là aussi, il faudrait fixer des règles, car on ne saurait se satisfaire que l'évaluation soit soumise à la seule bonne volonté de l'équipe présidentielle.

Certaines universités, en particulier celles de Nantes, de Lyon-II, de Montpellier-III, sont exemplaires dans l'association des étudiants à la vie de l'établissement, mais il y a aussi des « moutons noirs » comme Lyon-III, Aix-Marseille-II ou Valenciennes.

Un pilotage national fait également défaut car, en même temps que l'autonomie, il faut que le service public continue à donner les mêmes chances à tous partout.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Pensez-vous que l'État, à travers la direction de l'enseignement supérieur, ne joue pas totalement son rôle de contrepoids à l'autonomie ?

M. Jean-Baptiste Prevost : Oui. Qu'il s'agisse des procédures d'habilitation, des procédures budgétaires ou de l'ensemble des règles qui régissent le fonctionnement de l'enseignement supérieur, on assiste à un affaiblissement progressif du rôle de l'État. Loin de nous l'idée que ce dernier devrait administrer l'ensemble de l'enseignement supérieur : cette tâche doit être confiée à la communauté universitaire, mais à la condition que la démocratie et la participation de tous soient garanties. Cela étant, l'enseignement supérieur n'est pas au service de ses seuls acteurs et l'État est le garant de l'égalité de traitement entre les usagers et entre les établissements.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : ... Comme de la cohérence des projets par rapport aux besoins de la collectivité nationale.

M. Jean-Baptiste Prevost : Exactement. La procédure d'habilitation des diplômes est assez révélatrice puisqu'on est passé d'une habilitation a priori par l'État, dans le cadre de l'autonomie garantie par la loi de 1984, à un visa a posteriori du ministère et du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, le CNESER, délivrés dans la plus totale opacité, la procédure d'habilitation étant devenue une négociation entre la DES et les établissements, sans que quiconque y soit associé au niveau local ou national. Une inégalité et un enseignement à deux vitesses se développent de la sorte.

Cette concurrence entre l'autonomie et le rôle de l'État n'est pas nouvelle : à la création du CNESER, en 1971, a répondu celle de la Conférence des présidents d'universités, avec d'un côté la communauté universitaire élue, qui représente l'intérêt général des universités, et de l'autre l'intérêt des présidents, vus non pas comme des décideurs politiques mais comme des gestionnaires. L'État doit définir des objectifs, garantir l'égalité entre tous. L'autonomie et l'innovation ont leur place et les outils qui leur sont nécessaires existent déjà, en particulier sous la forme des contrats. Mais ils sont destinés à la prospective, pas à exacerber la concurrence. Ils doivent permettre à l'État d'avancer et de tirer l'ensemble de la communauté universitaire vers le haut.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Si je comprends bien, vous êtes favorables à l'expérimentation, sous réserve qu'elle serve à valider ce qui sera généralisé ensuite.

M. Jean-Baptiste Prevost : Nous considérons qu'il existe des outils permettant de mener une politique d'établissement et d'innover. Nous nous opposons à certaines expérimentations comme les dévolutions de compétences à des universités proposées par la CPU, qui nous paraissent extrêmement dangereuses. C'est notamment le cas de la dévolution de la gestion du patrimoine immobilier, en particulier au vu de la situation budgétaire catastrophique des universités. Je ne suis pas persuadé que l'université de Jussieu aurait intérêt à gérer elle-même le désamiantage. Quand on voit la dégradation du patrimoine immobilier et le non-respect par l'État des contrats de plan État-régions, cette dévolution mettrait les universités dans une situation financière dramatique.

En faisant du cas par cas la règle, l'expérimentation serait un moyen de contourner un débat démocratique nécessaire sur le fonctionnement de l'université. En matière d'autonomie, l'expérimentation n'est pas une bonne façon de procéder. Et on peut penser que si des propositions en ce sens étaient faites au cours de l'année universitaire, cela mettrait probablement le feu aux poudres sur les campus. La mobilisation actuelle contre le CPE n'aurait finalement été qu'un tour de chauffe...

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Il y a quand même des choses qui ne fonctionnent pas et un certain nombre d'universités sont figées : comment tester les moyens d'améliorer la gouvernance sans expérimentation ? Car il faut bien à un moment passer de la philosophie aux travaux pratiques...

M. Benjamin Vételé : Que souhaiteriez-vous expérimenter aujourd'hui ?

M. Pierre Méhaignerie : Les présidents d'université et même le SGEN-CFDT ne sont pas opposés à ce que le Parlement adopte un cadre nouveau de gouvernance, en allant vers plus d'autonomie et en laissant les universités choisir, sans rien leur imposer, simplement afin de donner des marges à ceux qui estiment qu'il n'y en a pas assez actuellement.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Le constat que vous faites est juste. Ce qui me préoccupe, c'est la diversité des universités, qui les empêche d'avancer au même rythme. Je pense comme vous qu'il y a des espaces de libertés qui ne sont pas utilisés, et ce n'est pas nouveau. Mais comment faire en sorte qu'ils le soient ? Sur la superposition des structures, sur l'absence de pilotage stratégique et d'évaluation, comment fait-on bouger les choses sans expérimentation ?

M. Benjamin Vételé : Il y a dans ce que vous évoquez des choses qui relèvent de l'État et non pas de l'autonomie des universités. Pour la carte des formations, comme vous venez justement de le dire, les universités n'avancent pas toutes au même rythme. Le risque d'un accroissement de l'autonomie est donc de creuser cet écart entre les établissements, surtout si l'État ne peut plus intervenir, réguler, garantir l'intérêt général. Cela vaut aussi pour les habilitations.

Nous sommes ouverts à des innovations dans la gestion des conseils, mais à tout pouvoir nouveau il faut un contre-pouvoir : nous ne sommes pas hostiles à une discussion sur la gouvernance si on ouvre aussi le débat sur la place des étudiants et sur leur représentation. Là aussi, plutôt que de laisser les universités décider les choses comme elles l'entendent, il faut que cela se fasse dans le cadre d'une concertation avec l'ensemble des acteurs.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Prenons un exemple : j'ai été assez critique sur la loi sur la recherche, mais je ne suis pas hostile aux PRES, qui offrent une marge de liberté aux universités pour essayer d'aller vers des politiques de sites. Êtes-vous favorables à une telle démarche ?

Mme Sophie Binet : Nous étions favorables à la définition initiale des PRES, car nous nous étions impliqués dans la démarche des états généraux de Grenoble. Cette idée rejoint d'ailleurs notre volonté d'une unification de l'enseignement supérieur et d'une mutualisation des forces de l'ensemble des acteurs.

Le problème est qu'il n'y a pas de règles, alors que l'autonomie en exige. Si la crise monte aujourd'hui dans les universités, c'est aussi parce que les rôles et les compétences ne sont pas clairement définis. Nous avons en particulier un problème pour les petites universités avec la définition géographique des PRES : aujourd'hui un PRES se constitue entre Lille-I, Lille-II et Lille-III, mais sans les universités du Littoral Côte d'Opale et d'Artois. Un autre concerne Rennes-I, Rennes-II, peut-être l'université de Bretagne occidentale, mais pas celle de Bretagne sud, qui a dix ans et qui compte 7 000 étudiants.

Par ailleurs, puisqu'on parle beaucoup de la démocratie au sein des universités, si l'on crée un nouvel échelon, il faut bien prévoir comment il sera gouverné. Aujourd'hui, nous n'avons aucune garantie que tous les acteurs seront bien associés à la gouvernance des PRES, qui pourraient même être un moyen de contourner la participation prévue par la loi de 1984.

Enfin, nous souhaitons savoir quelles compétences leur seront dévolues et comment elles s'articuleront avec celle des universités.

Pour tout cela, il faut un cadre, en particulier si le PRES est amené à gérer du personnel et un budget et à prendre un certain nombre de décisions. À défaut, on va à nouveau superposer les structures et créer un maquis. C'est bien parce que, sur tous ces sujets, on a besoin de cadres clairs, que l'expérimentation n'est pas une réponse à la demande d'autonomie.

Déjà, alors que les contrats représentent la moitié du budget des universités, il n'y a aucune transparence, ni sur les négociations, ni sur les montants, le CNESER ne voyant qu'à peine passer les DGF, à tel point qu'il a cette année refusé de délibérer faute d'avoir reçu les documents. Qui plus est, les DGF étant de plus en plus insuffisantes, les contrats servent aussi à financer le fonctionnement des universités.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Est-ce un tort ?

Mme Sophie Binet : Oui, car le fonctionnement et l'investissement sur projet sont complémentaires mais distincts.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Je veux dire que faire passer du fonctionnement dans le contrat peut être un moyen pour l'université de rationaliser ce fonctionnement afin de dégager des marges pour ses propres priorités.

M. Jean-Baptiste Prevost : C'est un vrai problème : la part de plus en plus importante que les contrats occupent dans le budget de l'université par rapport aux dotations globales fait que les dépenses de fonctionnement ne s'insèrent plus dans un vrai projet politique et qu'on est amené à aller chercher dans le contrat ce qui ne vient plus de l'État.

M. Augustin Bonrepaux, Président : Merci beaucoup.

e) 11 heures 30 : Audition de M. Jean-François Martins, président de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous connaissez l'objet de notre mission : la Cour des comptes a déjà travaillé sur l'efficacité et l'efficience des universités, mais nous souhaitons connaître l'opinion des étudiants. Considérez-vous que les résultats de notre système d'enseignement supérieur sont satisfaisants ? Quelles sont selon vous ses forces et ses faiblesses ? Pensez-vous que toutes les marges de liberté sont utilisées dans le fonctionnement des universités, en particulier dans celui de leurs conseils d'administration ? Faut-il, selon vous, que le législateur ouvre aujourd'hui de nouveaux champs ?

M. Jean-François Martins : Pour que je puisse commenter les résultats de notre système d'enseignement supérieur, encore faudrait-il que j'en dispose. Car un des problèmes majeurs est bien la faiblesse de la démarche d'évaluation et le manque de données.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Peu d'universités ont développé leurs propres outils d'évaluation. Aucune n'est aujourd'hui capable de donner des coûts par formation. Nous disposons d'un certain nombre de données nationales, mais le champ de l'évaluation des universités reste largement en jachère.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Y a-t-il à ce propos des débats au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, le CNESER ?

M. Jean-François Martins : Peu, car il ne s'agit pas vraiment d'une question nationale. Même si l'on dispose de quelques chiffres globaux grâce à la direction de l'évaluation et de la prospective du ministère, il est difficile d'obtenir des informations établissement par établissement ; ce débat devrait donc davantage se tenir au sein des conseils d'administration des universités.

Alors que depuis le décret du 6 février 1986 on oblige les universités à publier leurs résultats en termes d'insertion professionnelle, aucune ne le fait.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Encore un texte non appliqué...

M. Jean-François Martins : Faute des moyens et des outils nécessaires, les universités seront incapables de fournir certains des indicateurs de performance prévus par la LOLF, en particulier en ce qui concerne le coût des formations et l'insertion professionnelle.

Il est néanmoins possible, pour répondre à votre question, de distinguer les forces et les faiblesses de notre enseignement supérieur. Pour tout ce qui concerne les aspects sociaux, l'égalité des chances et l'accompagnement des étudiants, on voit bien que le système est particulièrement injuste, qu'il ne répartit pas réellement les richesses. La réflexion doit porter sur la demi-part fiscale, sur les aides au logement, dont de nombreux rapports ont montré le caractère anti-redistributif.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Une partie de la gestion de ces aspects sociaux relève de l'université et une autre des CROUS. La cohérence entre les deux vous paraît-elle suffisante ?

M. Jean-François Martins : Pas plus qu'on ne demande aux CROUS de monter les maquettes des diplômes, on ne demande aux universités de faire du social : à chacun son métier ! L'université peut jouer un rôle de détection des situations sociales difficiles, mais pas de traitement. La gestion du logement étudiant et des aides sociales doit donc bien relever des CROUS. Bien évidemment, les universités qui abondent les fonds d'aide aux étudiants doivent disposer d'un droit de regard sur les sommes investies, mais il faut une séparation claire entre la gestion de la pédagogie et celle de la vie extra étudiante.

Sur la question sociale, en particulier sur les aides directes aux étudiants, nous attendons avec impatience le rapport de votre collègue Laurent Wauquiez, qui devrait paraître dans les prochains jours ou dans les prochaines semaines, tout dépendra du climat...

On manque cruellement de chiffres sur l'insertion professionnelle : on ne connaît ni les investissements ni les résultats. Mais on sait qu'il y a un problème d'insertion des jeunes diplômés. Je ne reviendrai pas aujourd'hui sur la réponse que certains lui apportent en termes de contrat de travail, mais le traitement passe aussi par la formation initiale et par la qualification. Notre enseignement supérieur n'est pas mauvais mais il est hétérogène : certaines formations post-baccalauréat fonctionnent très bien, en particulier les IUT et les STS ; le droit, la médecine et la recherche savent former de grands professionnels. Mais dans d'autres domaines, la séparation entre grandes écoles et universités concourt à cette hétérogénéité néfaste.

Cela se traduit aussi par de vraies injustices budgétaires : les établissements à l'issue desquels l'insertion professionnelle est beaucoup plus certaine sont aussi les mieux dotés. Qui plus est, ce sont souvent aussi ceux qui savent le mieux récolter la taxe d'apprentissage. Au total, on ne donne pas à ceux qui en ont le plus besoin. Pourtant, dans la mesure où les étudiants issus des deux types de formations vont se retrouver sur le même terrain de l'insertion professionnelle, il conviendrait que les règles d'évaluation et de dotation soient les mêmes.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Pour qu'il y ait des débouchés satisfaisants et une bonne insertion professionnelle, il faut que l'université ait une vision stratégique et soit capable d'évaluer la qualité de ses formations. Quel jugement portez-vous sur le rôle et l'organisation des conseils ? Faut-il simplifier l'architecture des trois conseils ? Y a-t-il lieu de modifier le mode d'élection au conseil d'administration ? Que pensez-vous du fait que la logique d'entité l'emporte parfois sur la vision globale de l'université ?

M. Jean-François Martins : En matière de fonctionnement interne aussi, on a le sentiment d'une grande hétérogénéité. En fait, cela dépend beaucoup des hommes qui composent l'équipe de direction : dans certaines universités, les conseils ont un véritable rôle à jouer, dans d'autres ils ne sont que des chambres d'enregistrement.

Quand un conseil d'administration doit valider toutes les offres de formation, voter le budget d'établissement, faire des choix stratégiques, le vrai travail est effectué en amont, au sein des commissions. Le conseil scientifique est le seul qui parvienne à mener une vraie réflexion stratégique, en y associant le plus de monde possible, mais cela a un côté « clan fermé ». Sans doute cela tient-il au fait que sa mission est clairement définie, alors que celle du conseil des études et de la vie universitaire est beaucoup plus large et que le conseil d'administration doit tout valider : les 60 membres du conseil d'administration ont à traiter en quelques heures un très grand nombre de questions, de la gestion quotidienne aux orientations stratégiques. Il conviendrait donc que les conseils soient davantage spécialisés.

Si les équipes de direction ont aujourd'hui une capacité d'impulsion, on peut regretter que ni le conseil d'administration ni le congrès d'université ne puissent remettre en cause une direction ou un président d'université qui ne respecterait pas le programme sur lequel il a été élu.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous ne seriez pas forcément hostiles au renouvellement du mandat du président, sous réserve de contreparties ?

M. Jean-François Martins : En effet, il faudrait qu'il soit possible de faire jouer un dispositif de motion de censure.

Vous l'avez dit, les conseils d'administration fonctionnent trop souvent selon une logique de chapelle et de mandarinat. Un jeune élu étudiant ne peut pas comprendre que cela amène parfois à bloquer certaines offres de formation de qualité répondant à un besoin et à une attente des étudiants, simplement parce qu'il aurait fallu modifier légèrement l'architecture d'une UFR ou changer de laboratoire un enseignant-chercheur...

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Si l'évaluation des chercheurs est régulière, en ce qui concerne l'enseignement, on sait que la carrière d'un maître de conférences qui ne souhaite passer professeur peut se dérouler sans qu'il soit jamais évalué. Considérez-vous que l'évaluation soit insuffisante au regard la qualité de la formation que les étudiants reçoivent ? Quelle mode d'évaluation interne faudrait-il promouvoir ?

M. Jean-François Martins : La question de l'évaluation des enseignants et, au moins, des enseignements, aurait pu être traitée dans le cadre du projet de loi sur la recherche. On avait encore la chance de faire en sorte que les enseignants-chercheurs ne soient pas des chercheurs qui éventuellement enseignent. Certes, la modulation de service permet de faire un choix, mais rien n'incite à faire celui de la fonction enseignante, puisqu'elle n'est pas valorisante et n'offre aucune progression de carrière.

Nous avons rencontré des enseignants-chercheurs qui ont passé cinq à dix ans de leur vie à diriger une UFR, à monter des masters de qualité et des processus pédagogiques, mais qui ont du coup moins publié que leurs collègues et dont la carrière a moins progressé. Or je ne crois pas que ces enseignants soient moins utiles à l'université que ceux qui font de la recherche. Avant même d'évaluer les enseignants, il faut savoir comment on valorise, en termes de carrière et de rémunération, ceux qui s'investissent dans la pédagogie.

M. Alain Claeys, Rapporteur : À l'inverse, peut-être faudrait-il qu'en début de carrière les enseignants-chercheurs puissent consacrer un temps plus important à la recherche.

M. Jean-François Martins : Nous ne demandons pas que la recherche devienne accessoire, nous observons simplement qu'aujourd'hui l'un est mis en valeur, l'autre pas du tout. Or les enseignants-chercheurs ont trois fonctions : la recherche, l'enseignement et l'administration, la gestion des laboratoires étant de plus en plus lourde. Dans les filières médicales, ils sont aussi praticiens hospitaliers.

Dans le modèle anglo-saxon, chaque fin de semestre les enseignants sont notés par les étudiants.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Y êtes-vous favorable ?

M. Jean-François Martins : Pourquoi pas ? Mais la question est beaucoup plus complexe et il faut d'abord s'intéresser à l'enseignement lui-même et évaluer les contenus : les pré requis sont-ils suffisants ? La proportion entre théorie et pratique, cours magistraux et travaux dirigés est-elle bonne ?

Peut-être arrivera-t-on ensuite un jour à l'évaluation des enseignants, mais commençons par appliquer ce qui existe, en particulier le processus de Bologne, qui pose une exigence de qualité en vue d'une véritable évaluation des enseignements. Cela permettrait aux établissements de savoir où il faut réinvestir d'un point de vue pédagogique parce qu'on a des taux d'échec trop importants ; parce qu'on se rend compte que les contenus de la première année ne donnent pas accès à ceux de la deuxième ; parce qu'il n'y a pas assez d'applications pratiques dans certaines filières. Ainsi saurait-on ce qu'il convient de faire UFR par UFR, formation par formation.

Là aussi, il faudrait des procédures harmonisées par établissement car ceux qui ont fait cette démarche laissent à chaque formation le choix de mener sa propre évaluation. Or, si on veut arriver à un pilotage stratégique des établissements, il faut au moins que les normes d'évaluation soient les mêmes.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Avez-vous des propositions sur le mode d'élection des membres des conseils d'administration, dont on dit qu'il renforce le morcellement des universités ?

M. Jean-François Martins : Il n'y a pas de règle : certaines universités ont choisi le collège unique, d'autres des collèges électoraux par discipline. Mais les secondes ne sont pas beaucoup plus facultaires que les premières. Le collège unique n'empêche pas la surreprésentation d'une discipline. Avec l'élection par collèges, la logique facultaire est présente dans les conseils, mais on évite que ces derniers ne soient monopolisés par une seule UFR. Qui plus est, une université pluridisciplinaire comme Nantes ou Dijon n'a rien à voir avec Lille-II, qui est moitié droit, moitié santé. Les logiques ne sont pas les mêmes.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Beaucoup d'élus ont justifié leurs demandes de délocalisation par la volonté de rapprocher les formations des étudiants. Avec le recul, n'était-ce pas une fausse bonne idée que de multiplier les IUT et les antennes ?

M. Jean-François Martins : L'université des Antilles et de la Guyane a créé il y a quatre ans une première année de médecine en Martinique afin de ne plus envoyer les étudiants faire deux années de préparation à Bordeaux et revenir en cas d'échec. Dans ce cadre, la nouvelle formation peut avoir une utilité. La question est donc surtout de savoir quelles antennes il fallait développer. Les pôles universitaires de Blois, de Troyes, de Lorient-Vannes ont prouvé leur légitimité. En revanche, les IUT « électoraux » installés juste avant les élections sont inutiles.

Cela étant, remettre en cause les antennes signifie qu'on est capable, dans les pôles universitaires existants, d'assurer le logement et les moyens de vie des étudiants. Tant qu'on n'aura pas 10 à 15 % de logements étudiants en plus, les sites délocalisés auront une raison d'être.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : On peut considérer aujourd'hui qu'on n'a plus besoin d'en créer de nouveaux.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les PRES peuvent-ils être un outil pour donner plus de cohérence aux sites ?

M. Jean-François Martins : Oui. Mais les statuts des PRES vont être divers, et rien n'indique les fonctions que les universités peuvent leur déléguer. On peut ainsi imaginer que la fonction enseignante soit déléguée à une structure de droit privé, ce qui inquiète beaucoup les étudiants. La délégation de certaines missions essentielles doit donc être précisée car le risque est de transférer aux PRES la formation doctorale et les masters, qui fonctionnent bien, et de laisser aux universités la propédeutique, l'enseignement de masse et les licences.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Cela semble plus vrai pour les réseaux thématiques que pour les PRES.

M. Jean-François Martins : Pour les PRES aussi : il faut lire entre les lignes !

Si l'enseignement doit être délégué en coopération interuniversitaire, on doit être dans la logique du tout ou rien : on ne doit pas casser en deux les offres de formation car les masters et les doctorats sont les locomotives des établissements.

L'autonomie existe en vertu de la loi Faure de 1968 et de la loi de 1984, si ce n'est pour la gestion des personnels...

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Et de l'immobilier.

M. Jean-François Martins : Encore qu'hormis la construction, elles ont des marges de manœuvre de plus en plus importantes.

Les universités et leurs rapports avec les collectivités territoriales étaient le thème de notre dernier congrès : nous considérons qu'il faut préciser les fonctions des régions, qui pourraient apparaître dans les contrats quadriennaux, afin d'aller vers de véritables conventions multipartites, éventuellement plus longues, pour avoir de vraies stratégies et une réelle vision à long terme.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Cela ouvrirait une brèche importante. Il serait intéressant de savoir quelles compétences vous souhaitez voir attribuer aux régions. C'est l'État qui a contractualisé, mais sans argent, et les régions, les départements et les grandes villes sont venues d'elles-mêmes dans ce domaine, mais faut-il le graver dans le marbre ?

M. Jean-François Martins : Aux termes de la loi, les régions ne feraient rien en la matière. Or ce n'est pas la réalité. Bien sûr, ce n'est pas parce qu'elles font déjà beaucoup qu'il faut tout leur confier et favoriser le désengagement de l'État, mais nous pensons qu'il faut les reconnaître en tant que partenaires, en particulier dans la dimension contractuelle.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Considérez-vous qu'elles auraient leur mot à dire dans un plan quadriennal négocié entre l'université et l'État ? Si les acteurs du monde universitaire souhaitent plus d'espace pour les universités, je n'ai pas compris qu'ils demandent que les collectivités se substituent à l'État dans son rôle stratégique.

M. Jean-François Martins : Le but n'est pas qu'elles se substituent à lui, mais qu'elles viennent en plus, en matière non pas de décision stratégique mais de financement : certaines abondent déjà le budget des universités, il s'agit simplement d'en prendre acte.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Je vous remercie.

f) 12 heures : Audition de M. Olivier Vial, délégué national de l'Union nationale inter-universitaire (UNI).

Présidence de M. Augustin Bonrepaux

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Nous souhaitons connaître l'appréciation que porte votre organisation étudiante sur le fonctionnement et le pilotage des universités ; sur les visions stratégiques qu'elles peuvent avoir par rapport à leur propre développement ; sur la cohérence de ces visions avec les politiques nationales en matière de formation et de recherche, notamment en ce qui concerne les débouchés des étudiants ; sur la place de ces derniers dans l'université, en particulier dans l'évaluation de la qualité des formations.

M. Olivier Vial : Notre organisation fait depuis une dizaine d'années le constat de l'échec du système de gestion stratégique de l'université. On a en effet l'impression que les universités sont des entités qui vont au fil de l'eau, au gré des réformes, sans véritable vision stratégique ni implication dans le contexte local et international, avec de grandes différences selon les présidents et les établissements.

Le cadre juridique existant offre déjà des possibilités importantes, mais elles sont sous-utilisées par les présidents. Pour autant, l'autonomie n'est pas que juridique, elle devrait être aussi financière, mais il est impossible de parler d'autonomie quand les établissements sont financés à plus de 90 % par l'État. Il conviendrait d'utiliser toutes les possibilités de diversification du financement, mais cela ne fait pas partie de la culture des universités. Or il faut, pour évoluer, en avoir la volonté politique.

L'évaluation est la grande absente à l'université. Je veux parler d'une véritable évaluation, qui permette de récompenser les bonnes initiatives et de sanctionner les dérives. Or il ne saurait y avoir de bonne gestion ni de responsabilité, corollaire de l'autonomie, sans évaluation correcte. Bien sûr, les institutions existent, elles font des rapports, mais leur valeur opérationnelle est très faible : les rapports sur un certain nombre d'établissements sont tout à fait négatifs, mais personne ne le sait et rien ne change. Nous sommes donc très attachés non seulement à l'évaluation mais aussi à la transparence des résultats.

Nous constatons en particulier que l'insertion professionnelle des jeunes diplômés est tout à fait sous-évaluée par l'université, à la différence des autres établissements d'enseignement supérieur, alors qu'il s'agit pourtant de la première demande des étudiants et que cela concourrait à une meilleure orientation. Bien que le décret du 6 février 1986 oblige les universités à publier les chiffres de l'insertion professionnelle filière par filière, aucune ne l'a fait. Pour cela aussi, c'est la volonté politique qui fait défaut.

Par ailleurs, la gestion politique des universités est aujourd'hui confiée à des conseils d'administration composés à 95 % de personnes élues sur des listes syndicales. Est-ce vraiment le meilleur moyen de parvenir à une bonne adéquation avec le tissu économique local ?

M. Alain Claeys, rapporteur : Que proposez-vous ?

M. Olivier Vial : En premier lieu une ouverture beaucoup plus large des conseils d'administration, notamment aux financeurs et en particulier aux collectivités territoriales.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Mais elles sont déjà représentées au sein des conseils.

M. Olivier Vial : Oui, mais une seule personne par collectivité, perdue au milieu des autres personnalités qualifiées, c'est peu.

Surtout, nous proposons que, comme dans les grandes écoles, il y ait, à côté du président élu, un directeur nommé en conseil des ministres sur la base de ses compétences.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Outre que je vois mal comment cette fonction s'articulerait avec celle de secrétaire général, l'idée d'un directeur qui tiendrait son pouvoir de l'échelon central ne me paraît guère compatible avec l'autonomie.

M. Olivier Vial : Les secrétaires généraux ne sont pas tous très compétents. Par ailleurs ce mode de fonctionnement est déjà celui des grandes écoles : on connaît le rôle du directeur de Sciences Po. C'est le président de l'université qui a la vision stratégique, mais il y a place à ses côtés pour un technicien, pour un homme de métier, qui viendrait en plus du secrétaire général. Cela éviterait en particulier tous les problèmes financiers liés au fait que les présidents ne sont pas des gestionnaires, ce qui n'a rien de surprenant pour un enseignant ou un chercheur.

M. Alain Claeys, rapporteur : La situation de Sciences Po et des grandes écoles est très différente de celle des universités.

M. Olivier Vial : Pourquoi ?

M. Alain Claeys, rapporteur : Surtout, quelle serait la légitimité du directeur nommé par rapport à un président élu ? Il paraît plus logique que le président qui arrive choisisse son secrétaire général - ou son directeur si vous préférez l'appeler ainsi - ainsi que toute son équipe de management.

M. Olivier Vial : Nous sommes vraiment attachés à ce modèle qui a déjà fait ses preuves ailleurs. Si aucune réforme ne remet à plat le fonctionnement des conseils d'administration, il va bien falloir se demander si on est prêt à donner plus de pouvoir à des présidents qui sont des irresponsables.

M. Alain Claeys, rapporteur : Vous souhaitez que cela figure au procès-verbal ?

M. Olivier Vial : Cela ne me pose aucun problème. Certains présidents sont des irresponsables, en ce sens qu'ils n'ont aucun compte à rendre à qui que ce soit. Ils sont élus sur des listes syndicales et ils appliquent des consignes syndicales : je ne vois pas où est l'autonomie si la tutelle des syndicats se substitue à celle de l'État !

M. Michel Bouvard, Rapporteur : S'ils n'ont pas de comptes à rendre, n'est-ce pas parce que leur mandat est trop court ? Pensez-vous qu'il faille autoriser son renouvellement ? Plus généralement, avez-vous des propositions à faire sur le mode d'élection des conseils ?

M. Olivier Vial : Renouveler le mandat du président serait dangereux, car il lui serait encore plus difficile ensuite de revenir à sa fonction d'enseignant. Il n'y a pas beaucoup de transparence au cours du mandat de cinq ans, mais au moins le non-renouvellement évite-t-il le clientélisme.

Au sein des conseils d'administration, pour limiter le poids des listes syndicales, on pourrait augmenter celui des personnalités qualifiées. Surtout, passer au scrutin uninominal serait une véritable avancée démocratique. Cela devrait d'ailleurs s'appliquer au Conseil national des universités (CNU), car il est quand même surprenant qu'on confie l'évaluation des carrières des enseignants à un organisme qui n'est pas scientifique mais syndical.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Le principal problème du conseil d'administration est-il le poids des syndicats, ou la balkanisation liée à la logique facultaire, qui fait obstacle à une vision stratégique de l'ensemble de l'université ?

M. Olivier Vial : Malheureusement, les deux phénomènes jouent. Si le président a une forte personnalité, le fait que le conseil d'administration soit inaudible ne le gêne guère, et il mène la barque tout seul. C'est ce qui se produit dans un certain nombre d'universités. À défaut, il est prisonnier de son conseil d'administration et n'a aucune marge de manœuvre. Il faut quand même savoir qu'il n'y a pas de véritable débat stratégique au sein des conseils, qui sont surtout des tribunes pour les revendications syndicales. Il suffit pour s'en convaincre de voir le nombre de motions politiques nationales adoptées par les conseils d'administration.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : La présence de plus de personnalités extérieures est souhaitable, mais suffirait-elle selon vous à donner aux conseils d'administration la vision stratégique qui leur fait défaut ? Il me semble quant à moi que cette vision ne peut pas être bâtie en dehors de ceux qui font l'université au quotidien, enseignants, chercheurs et administratifs.

Comment faire en sorte que les conseils jouent leur rôle dans l'orientation stratégique comme dans toutes les procédures contractuelles ? À ce propos considérez-vous qu'il conviendrait d'harmoniser les différents contrats - contrats quadriennaux, contrats de plan État région, contrats de recherche ?

M. Olivier Vial : Si l'augmentation du nombre des personnalités qualifiées dans les conseils d'administration n'est pas la solution à tous les maux, elle permettrait quand même un certain rééquilibrage et l'apport d'un peu de sang neuf. Mais cela ne suffirait pas à faire en sorte que les professeurs cessent d'obéir à un mandat impératif et s'intéressent d'abord au bien commun. C'est pour cela qu'il faut ouvrir un chantier sur le mode de désignation des membres des conseils d'administration.

M. Alain Claeys, rapporteur : On pourrait selon vous procéder par nominations ?

M. Olivier Vial : Il pourrait en effet y avoir, dans le cadre d'une véritable ouverture aux partenaires de l'université, des personnes nommées par certaines instances et des représentants des scientifiques. Car le conseil scientifique des universités est aussi composé de représentants syndicaux.

Nous pensons qu'on pourrait aller beaucoup plus loin dans la contractualisation, fixer des calendriers précis, se projeter davantage vers l'avenir. Aujourd'hui l'implication des conseils d'administration dans la contractualisation est très faible. Cette dernière est souvent le fait de la seule équipe dirigeante. Des progrès peuvent donc être faits. Il conviendrait aussi, avant de passer à la génération suivante de contrats, d'évaluer ceux qui s'achèvent, grâce à un vrai bilan d'étape réalisé par l'université et par un organisme indépendant. L'ensemble de la communauté de l'université devrait bien sûr avoir accès à ces documents. Même s'ils pourraient encore être précisés, notamment en ce qui concerne l'insertion professionnelle, les critères d'évaluation de la LOLF nous paraissent d'excellents outils. De manière générale, il faut remédier à l'opacité actuelle.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Nous vous remercions.

Auditions du 30 mars 2006

a) 9 h 30 : Audition de directeurs d'UFR : M. Gilles Raby, directeur de l'UFR de sciences fondamentales et appliquées de l'Université de Poitiers et président de la Conférence des doyens et directeurs des UFR scientifiques (CDUS), accompagné de MM. Jean-Claude Roynette, vice-président de la CDUS et doyen honoraire de la Faculté des sciences de Paris XI-Orsay et Pascal Olivard, secrétaire de la CDUS et directeur de l'UFR de sciences de l'Université de Bretagne occidentale-Brest, et MM. Philippe Cocatre-Zilgien, directeur de l'UFR de deuxième cycle de droit et de science politique de l'Université Paris-II Panthéon Assas et Philippe Masson, directeur de l'UFR de sciences de l'Université Paris-XI Orsay.

Présidence de M. Yves Deniaud

M. Yves Deniaud, Président : Je souhaite la bienvenue aux directeurs d'Unités de formation et de recherche.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : La commission des Finances, dans le cadre des travaux de la MEC, nous a chargés d'un rapport sur la gouvernance des universités, dans un souci de bonne gestion de l'argent public et d'efficacité de notre système de formation. Il s'agit également d'apprécier l'application de la LOLF, dont le but est de favoriser la responsabilisation des acteurs locaux.

Les précédentes auditions nous ont permis de constater qu'au-delà de la présidence, du secrétaire général et des différents conseils, qui sont les instances fédératives de pilotage, les UFR avaient une forte identité.

Dans les conclusions adoptées par la CDUS lors de son colloque à Marseille, il est bien indiqué que « le projet d'établissement est la clé de l'action de l'université. Il doit être partagé en interne par une adhésion de tous les acteurs... » Il nous a donc semblé que les directeurs d'UFR s'intégraient à une démarche d'ensemble.

Nous savons aussi que, dans certains endroits, il y a des tendances « irrédentistes ». Nous aimerions savoir comment les responsables d'UFR que vous êtes voient la gouvernance des universités. Que signifie pour vous l'autonomie des universités ? Doit-on adapter les textes pour leur donner de nouvelles marges de manœuvre ? Avez-vous des projets dans vos départements respectifs ? Sont-ils pris en compte et comment peuvent-ils se fédérer avec ceux des autres composantes des universités auxquelles vous appartenez ?

M. Gilles Raby : Pour nous, le projet d'établissement est un élément clé et il doit être partagé. Or l'actuel mode de fonctionnement des universités ne permet pas de proposer un projet d'établissement partagé entre l'exécutif, à savoir la présidence et l'équipe présidentielle, et les différents conseils.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les différents conseils représenteraient donc le « législatif » ?

M. Gilles Raby : Le « législatif » devrait être exclusivement le conseil d'administration de l'université. Mais il y a des conseils, comme le conseil scientifique, qui prennent des décisions sans que le conseil d'administration ait à les valider. Il y a aussi les conseils d'UFR, dont la situation est très différente d'une université à l'autre. Il est parfois difficile à une présidence de prendre des décisions en concertation avec tout le monde, parce que c'est trop morcelé et trop disciplinaire.

Pour nous, l'esprit « faculté des sciences » est plutôt un esprit de transversalité au niveau des sciences. Nous prêchons, auprès de nos collègues, pour que ce travail de réflexion au sein des universités soit fait, pour que des regroupements aient lieu, de façon que ces grandes composantes puissent dialoguer avec les équipes présidentielles.

Entre nous, nous qualifions les conseils d'administration de chambres d'enregistrement. Car leur composition n'est pas adaptée à former un « pouvoir législatif » correct. Leur mode d'élection non plus : on verrait mal des élections politiques avec un scrutin de liste avec panachage au plus fort reste !

M. Alain Claeys, Rapporteur : Cette remarque nous a été faite par plusieurs de nos interlocuteurs. Quel serait, pour vous, le bon système ?

M. Gilles Raby : Il faut d'abord revoir la composition du conseil d'administration, et ensuite son mode d'élection. Actuellement, il y a une multiplication des listes, il n'y a pas de projet global d'établissement. Il faudrait élargir un peu le conseil d'administration aux représentants extérieurs...

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Il y a déjà beaucoup de monde !

M. Gilles Raby : « Élargir » ne veut pas dire « plus de monde ».

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Vous me rassurez...

M. Gilles Raby : Mais vous parlez du nombre théorique de membres. Entre les membres élus et les membres présents, il y a une marge assez importante. La règle du quota des deux tiers empêche toute modification des statuts. Il faudrait sans doute une représentation un peu plus large des différents acteurs extérieurs, responsables du fonctionnement. Nous ne sommes pas forcément tous d'accord sur la façon dont les composantes seraient intégrées, soit à l'exécutif, soit au « législatif ». Il faudrait également que l'expression syndicale soit représentée. Cela doit en tout cas être clairement défini.

M. Jean-Claude Roynette : Le rôle du conseil d'administration est mal défini. Le conseil d'administration s'occupe de sujets mineurs qui pourraient pratiquement être de la responsabilité unique du conseil des études et de la vie universitaire, le CEVU, ou du conseil scientifique. Il devrait être plus resserré que maintenant, de façon à être plus responsable de ses décisions.

Actuellement, les conseils d'administration sont irresponsables et composés de personnes qui n'ont pas une vision suffisamment précise des problèmes de l'université pour pouvoir prendre des décisions argumentées. En quelque sorte, elles sont « manipulées » par le président. Ce dernier arrive avec des dossiers bien ficelés, bien réfléchis et arrive à faire adopter par le conseil d'administration à peu près ce qu'il veut. La plupart du temps, d'ailleurs, les décisions sont prises, sinon à l'unanimité, du moins à une très grande majorité.

Les conseils d'administration ne fonctionnent pas. Leur rôle est de donner les directions politiques de l'université, mais ils n'ont aucune capacité à le faire. Ce sont ces conseils qui auront à élire le président.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Considérez-vous que le président a trop de pouvoir ?

M. Pascal Olivard : Pour moi, un président n'a jamais trop de pouvoir. Il faut qu'il en ait suffisamment pour atteindre l'objectif sur lequel il a été élu, sans pour autant que le lien avec les composantes qu'il dirige soit rompu. Toute la difficulté est là, d'autant que si le président est élu, les directeurs d'UFR le sont aussi. Chacun a sa légitimité.

Quelle devrait être la composition du conseil d'administration ? Nous y avons beaucoup réfléchi. À titre personnel, je pense qu'un scrutin de liste interdisant le panachage permettrait à des courants de pensée dans l'université d'avoir une véritable représentativité. Quoi qu'il en soit, le scrutin avec panachage aboutit à ce qu'on vote uniquement sur des intérêts personnels. Je peux vous donner l'exemple de mon université, où l'on renouvelle dans une semaine le conseil scientifique. Il y a 5 sièges de rang A à pourvoir, 5 listes complètes, soit 25 personnes, et 60 électeurs ! Imaginez le résultat. Comment peut-on définir une politique scientifique dans ces conditions ? Le conseil scientifique ne permettra que de représenter des intérêts individuels. Et quand on connaît les stratégies de certaines disciplines pour se positionner sur chacune des listes pour tout rafler, ou presque, on se rend compte qu'on est loin d'une démocratie universitaire.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Ce que vous nous dites ce matin, nous l'avons entendu à plusieurs reprises.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Jusqu'à ce jour, on n'a trouvé personne pour défendre le panachage.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Revenons sur le projet d'établissement. Celui-ci peut se cristalliser à plusieurs moments, comme les élections ou la négociation du plan quadriennal avec l'État. Comment cela se passe-t-il ? Menez-vous une réflexion pour savoir sur quel projet vous allez négocier avec l'État ?

Par ailleurs, l'État négocie depuis quelques semaines avec les régions les contrats de Plan. Il demande que les universités affichent deux ou trois objectifs centraux. Comment vous préparez-vous, concrètement ?

Expliquez-nous ce qui ne va pas. C'est à partir de ces rendez-vous qu'on pourra y voir plus clair et comprendre mieux votre logique de projet d'établissement.

M. Gilles Raby : Il n'est pas pensable, à mon sens, que les directeurs d'UFR ne soient pas associés à un projet d'établissement, que celui-ci soit décidé dans le cadre du contrat quadriennal, ou qu'il soit décliné dans les priorités à mettre en œuvre dans le cadre du contrat de plan État-régions. À Poitiers, et un peu partout ailleurs, se tiennent des réunions informelles, mais incontournables, qu'on appelle les réunions des directeurs d'UFR.

Cela dit, les situations peuvent varier. Je suis responsable d'une UFR de sciences, où toutes les sciences sont représentées. Mais je vois mal un président d'université lancer ces discussions approfondies avec un directeur d'UFR de mathématiques, un directeur d'UFR de botanique, etc. La structure même de l'établissement est à prendre en compte.

À Poitiers, nous avons des réunions à marche forcée s'agissant du contrat de plan État-régions. Cela ne me semble d'ailleurs pas raisonnable, dans la mesure où il faut pouvoir dégager un ou deux axes, et donc mener des discussions internes approfondies. Personnellement, je pense qu'on va un peu trop vite.

M. Philippe Masson : Dans mon université, Paris-Sud, les directeurs des différentes composantes, et notamment celui de l'UFR Sciences, n'ont pratiquement pas été associés aux préparatifs du contrat d'établissement. Les efforts pour faire parvenir un message clair à la présidence ont été vains. Je ne veux pas généraliser, mais telle fut notre expérience.

Aujourd'hui, la négociation est en cours et un effort est fait pour y associer les composantes et leurs directeurs - mais pas tous. Cela ne relève pas forcément de la volonté de la présidence de l'université. Nous nous heurtons aussi à un refus de la part de nos interlocuteurs du ministère de l'Éducation nationale et de la direction de l'enseignement supérieur, qui ne souhaitent pas se trouver face à un trop grand nombre de personnes lors des négociations.

S'agissant des négociations sur les activités « recherche » de notre projet d'établissement, la présidence a été accompagnée par les responsables « recherche » des différentes composantes qui négocient.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous voulez parler des organismes de recherche ?

M. Philippe Masson : Non, je parle des directeurs et responsables de recherche des différentes composantes : si je prends le cas de la faculté des sciences d'Orsay, ce sera le vice-doyen en charge de la recherche qui participera à la négociation.

Un petit pas a donc été fait en direction des composantes, mais il est à mon avis insuffisant pour prendre en compte d'une manière suffisamment constructive les projets des différentes composantes.

M. Jean-Claude Roynette : J'ai eu l'occasion de gérer trois contrats, ayant été près de neuf ans directeur d'UFR. J'ai également eu l'occasion de rencontrer plusieurs équipes présidentielles.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Il est vrai que les directeurs d'UFR sont renouvelables, à la différence des présidents.

M. Jean-Claude Roynette : Ils sont renouvelables une fois. Cela dit, je considère que dix ans, c'est trop et je plaiderais pour des mandats de quatre ans, renouvelables une fois.

Le président ne peut pas être omniscient. Il doit donc s'entourer de conseils lorsqu'il veut négocier sur des questions de recherche. En tant que directeur d'UFR, j'ai été associé par un président à toutes les négociations avec la Mission scientifique universitaire et le CNRS. En revanche, le président suivant m'a mis sur la touche. Or il est très inconfortable de ne pas pouvoir suivre les négociations.

Pour nous, la recherche est un problème dominant. Les UFR des sciences sont appuyées sur la recherche davantage que toutes les autres et il est impensable que les directeurs ne soient pas associés aux négociations.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Quel est le rôle du secrétaire général dans ces négociations ? Ou quel rôle devrait-il avoir ? Doit-il se limiter à la gestion quotidienne ? Doit-il contribuer à la préparation de ce travail stratégique ?

M. Jean-Claude Roynette : Si je m'en tiens à mon expérience, il n'a pas de rôle dans les négociations du contrat, qui sont essentiellement politiques.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Est-il souhaitable, ou non, qu'il en ait un ?

M. Jean-Claude Roynette : Je ne le pense pas.

M. Pascal Olivard : Personnellement, je serais favorable à un mandat de directeur d'UFR de trois ans, renouvelable autant de fois qu'on veut. La brièveté d'un mandat permet de se remettre en cause régulièrement face à ses électeurs et de rester dans une certaine dynamique. Mais pourquoi un seul renouvellement ? Si on est bien et qu'on fait l'affaire...

Localement, j'ai de très bonnes relations avec mon président. Cela dit, je n'adhère pas à la méthode. Nous avons des réunions de comité de direction et de pilotage qui ne pilotent rien. Quant au dernier contrat quadriennal, on s'était donné bonne conscience en organisant des grand-messes, rassemblant tous les acteurs intéressés de l'université. Cela permettait de réunir quelques éléments. Mais qui a rédigé le contrat ? Le président et son équipe. Pour le prochain contrat quadriennal, on est bien partis pour renouveler la procédure. Et encore, nous ne sommes même pas sûrs d'avoir des grand-messes... Sur le dernier contrat, toujours, la faculté des sciences a travaillé en interne et monté un dossier d'une centaine de pages. Je n'en ai pas retrouvé une ligne ni même un mot dans ce contrat. Cette constatation est partagée par de nombreux directeurs d'UFR, surtout pluridisciplinaires.

Quant à ce que disait Gilles Raby sur le contrat de plan, les délais sont hallucinants. On ne peut pas en vouloir au président de ne pas consulter ni associer les gens.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Ce qui ressort de vos propos, c'est un manque de réflexion collective au moment de l'élaboration de ces contrats.

M. Pascal Olivard : Absolument.

M. Yves Deniaud, Président : Et le fait que le président s'entoure de collaborateurs qui, finalement, court-circuitent la collaboration et le dialogue qui devraient exister entre le président et les directeurs d'UFR.

M. Philippe Cocatre-Zilgien : J'ai un avis un peu différent. Je ne sais pas s'il est très autorisé, dans la mesure où je ne suis pas membre du conseil d'administration et où je n'ai pas participé aux négociations du contrat quadriennal. Mais j'ai été témoin de la préparation des deux derniers contrats, et il me semble que toutes les composantes de l'université ont été associées assez étroitement à leur négociation et à l'élaboration de leur contenu. Quant à la présidente et à son prédécesseur, nous n'avons jamais eu l'impression qu'ils étaient fermés. Mais cela vient peut-être du fait que l'université de Paris II est monodisciplinaire.

M. Alain Claeys, Rapporteur : On comprend bien que le mode de fonctionnement n'est pas forcément très propice à ce qu'il y ait, en amont, élaboration d'un projet collectif s'agissant des contrats.

Dans le cadre d'une plus grande autonomie, il faudrait que la place du contrat soit plus grande. Aujourd'hui, elle représente 20 % des ressources universitaires. Y seriez-vous favorables et à quelles conditions ?

M. Gilles Raby : Nous avons travaillé sur ce sujet en 2002 et fait un rapport interne intitulé « Financement de l'enseignement supérieur (formation et recherche) », qu'a rédigé Jean Bornarel.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Le ministère et la direction de l'enseignement supérieur lui ont-il donné suite ?

M. Gilles Raby : Il n'y a pas eu de dialogue avec nos tutelles.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : En clair, ils n'y ont pas porté intérêt ?

M. Gilles Raby : Je ne sais pas. Nous exprimions que nous étions très favorables à la partie contractuelle. Reste que, au sein du financement de l'université, un volet doit être « critérisé ». Ce « smic » devrait être calculé non pas en fonction du nombre de filières, mais par grand secteur. Arrêtons avec le système San Remo et cette dichotomie entre formations.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : San Remo n'est plus réformable ? On le tue, ou on le garde ? Il ne semble pas qu'il y ait de défenseur de San Remo parmi vous...

M. Pascal Olivard : Je reprends et j'insiste sur ce qu'a dit Gilles Raby : parlons de grands secteurs. Il faut avoir conscience que le coût d'un étudiant n'est pas le même partout.

M. Gilles Raby : Donc, une partie « critérisée », qui serait la même pour toutes les universités, et une partie contractuelle, avec un volet spécifique - le problème des infrastructures à Orsay n'est pas le même qu'à Poitiers - et un volet politique, comprenant essentiellement les projets de recherche, et correspondant à la dynamique de l'université.

Voilà comment nous verrions le mode de financement des universités.

M. Alain Claeys, Rapporteur : L'application des plans quadriennaux est-elle satisfaisante ? L'État respecte-t-il ses engagements ?

M. Philippe Masson : Il y a beaucoup de promesses non tenues.

Je voudrais revenir sur le principe de la contractualisation. Je suis d'accord avec Gilles Raby mais je m'interroge sur l'efficacité du contrat quadriennal, car je ne pense pas que la durée de quatre ans soit raisonnable. J'ai une double expérience, pour avoir été à l'université et au ministère de la recherche, ce qui explique que j'ai expertisé des contrats quadriennaux.

Quand on est au ministère, on voit arriver ces contrats par vagues successives. C'est un cauchemar ! L'intendance ne suit pas.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous voulez dire que le ministère n'avait pas les capacités de faire face et d'évaluer ces contrats ?

M. Philippe Masson : Non, et il ne les a toujours pas.

Par ailleurs, si vous vous placez du côté de l'université et que vous regardez le temps consacré à la préparation et à la négociation de ces contrats, vous vous rendez compte que, sur quatre ans, vous y avez passé à peu près la moitié du temps.

À l'université Paris-XI, nous venons d'être contractualisés. Nous sommes fin mars, le nouveau contrat a démarré théoriquement le 1er janvier, la négociation aura lieu au mois d'avril et la signature aura lieu, dans le meilleur des cas, au mois de mai, juin ou plutôt juillet.

Il ne me semble pas raisonnable de démarrer un contrat quadriennal alors que rien n'a encore été scellé, discuté et qu'on sait que, dans trois ans, il faudra recommencer. Il faut se poser la question de l'efficacité de l'exercice par rapport à ce qu'il apporte à l'établissement et par rapport au temps passé. Je me demande s'il ne faudrait pas envisager de faire passer la durée du contrat à cinq ou six ans.

M. Yves Deniaud, Président : Les contrats de plan État-région sont aujourd'hui de sept ans.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : De nombreux interlocuteurs ont évoqué la question de la durée des contrats. Mais il y a d'autres questions, à commencer par l'harmonisation entre les différents contrats - le contrat quadriennal, le contrat de plan qui va devenir le contrat de projet, et le contrat de recherche. Vos universités ont-elles mis en place des stratégies par rapport à ces différentes contractualisations ? Pensez-vous qu'il faille aller vers une contractualisation unique ?

Autre question : celle de l'évaluation. Avez-vous le sentiment que l'on ait tiré les conclusions d'un contrat lorsqu'on passe au contrat suivant ? Vous nous avez dit que l'État n'avait pas les moyens suffisants en matière d'évaluation. Est-ce que vous-mêmes, au sein des universités et des composantes universitaires, vous disposez d'éléments d'évaluation internes vous permettant de savoir si les objectifs ont été atteints ?

M. Jean-Claude Roynette : C'est un exercice un peu académique. On affirme des grands principes et on fait des déclarations un peu vides de sens. Par ailleurs, ces contrats rentrent beaucoup trop dans le détail. L'autonomie des universités justifierait qu'on regarde les choses de plus haut. Je ne suis pas sûr que l'habilitation des diplômes relève du contrat d'établissement.

En quatre ans, la situation ne bouge pas de manière considérable et l'on est amené à se répéter. Et comme l'a fait remarquer un collègue, alors que l'on a passé beaucoup de temps à réfléchir et à rédiger, au niveau des composantes, on ne retrouve pratiquement rien dans le contrat de l'université. C'est frustrant.

Il arrive aussi qu'on vous demande un bilan alors que le contrat est entré en application depuis six mois seulement. Il semble toutefois que le ministère fasse des progrès dans ce domaine.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Avez-vous des exemples de bilans demandés au bout de six mois ?

M. Jean-Claude Roynette : C'est ce qui s'est passé pour le contrat précédent.

Il faudrait revoir le contrat, de façon qu'il soit mieux ciblé et qu'il fasse mieux ressortir la politique de l'établissement, sans se perdre dans des détails qui relèvent de l'autonomie de l'établissement.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Vous n'avez pas répondu sur la coordination des différents contrats et sur votre propre capacité d'évaluation.

M. Gilles Raby : On commence à mettre en œuvre une évaluation interne dans les établissements. Par ailleurs, je pense qu'il faudrait allonger la durée des contrats, en assouplir les conditions et renforcer l'évaluation. Je ne vise pas seulement l'évaluation interne. Je vise aussi une évaluation externe, mais qui ne viendrait pas forcément du ministère ou du Gouvernement, et qui serait bien cadencée de façon que lorsque l'on présente le prochain contrat, on ait une vue objective de l'exécution du contrat d'avant. Actuellement, les calendriers ne le permettent pas.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Est-ce que la coordination entre les différentes procédures contractuelles pose un problème ? Université 2000 ou U3M, c'est la même séquence pour tout le monde, dans tout le pays. Cela ne correspondra pas forcément pour ceux qui préparent les contrats quadriennaux. Quant aux contrats de recherche, ils arrivent encore à un autre moment.

M. Jean-Claude Roynette : Je peux me fonder sur mon expérience du deuxième contrat de plan face aux contrats quadriennaux. Le contrat de plan est dominant. Dans notre université tout au moins, il s'est concentré sur la recherche et il a rapporté des sommes considérables sur de grands projets déterminant la politique de l'établissement.

M. Pascal Olivard : À l'Université de Brest, nous travaillons sur l'évaluation et sur la mise en place des indicateurs. Mais il est difficile de faire une auto-évaluation, dans la mesure où l'on n'a pas été associé à l'écriture des objectifs.

Je sais qu'il y a de l'argent sur le contrat et sur des objectifs précis, mais je n'ai jamais vu de grilles financières. On peut me donner une manne financière, mais sur des objectifs qui ne sont pas forcément liés à ceux de l'université. Et même si l'on est capable de mettre en place des évaluations, qu'évalue-t-on ? Et je ne suis pas le seul dans ce cas-là.

M. Philippe Masson : Nous avons commencé à mettre en place une évaluation en interne, notamment s'agissant des projets de recherche. À la faculté des sciences, l'équipe de mon prédécesseur Jean-Claude Roynette a mis en place un système qui nous donne toute satisfaction. Mais bien évidemment, ce n'est pas de l'auto-évaluation. Nous faisons évaluer, expertiser des projets à l'extérieur. On ne peut être à la fois juge et partie.

Cela m'amène à un commentaire : l'évaluation se fait à tous les niveaux. Le problème, c'est que nous sommes en France ; que, dans nos disciplines respectives, nous ne sommes pas très nombreux et que chacun évalue tout le monde.

Si on veut faire appel à des expertises vraiment extérieures, il faut s'adresser à l'étranger. Il faudra alors trouver des collègues disponibles, de préférence francophones. On a beaucoup de mal à les convaincre et quand ils ont fait l'exercice une fois ou deux, ils n'ont pas envie de revenir.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Pourquoi ?

M. Philippe Masson : Pour des raisons matérielles, sur lesquelles je n'insisterai pas. Et surtout parce qu'ils n'ont pas tellement envie de se trouver mêlés aux querelles intestines ou aux rivalités de clocher. Donc évaluer, oui. Mais comment ? C'est une autre question. Il conviendrait d'améliorer le système.

M. Alain Claeys, Rapporteur : En tant que directeurs d'UFR de sciences, que pesez-vous par rapport aux organismes de recherche ? Avez-vous une marge de manœuvre ? Ne vous met-on pas devant le fait accompli ?

Que peut vous apporter la mise en place des PRES, les pôles de recherche et d'enseignement supérieur, qui ont été demandés par les présidents d'université, puis repris par la communauté scientifique et par le Gouvernement ? Car on n'a pas véritablement de politique de sites, ce qui pose certains problèmes aux universités.

M. Jean-Claude Roynette : Ce fut le sujet de notre dernier colloque, dont je vous ai apporté quelques comptes rendus.

La question que vous posez dépend des conditions dans lesquelles va travailler l'UFR. S'agissant des UFR de sciences, nous sommes tous les quatre dans la même situation : ce sont des UFR pluridisciplinaires, qui couvrent l'ensemble de la discipline sciences, des mathématiques aux sciences de la terre. Nous avons une vue assez générale de nos capacités et de nos compétences, et nous sommes capables d'avoir un vrai dialogue avec le CNRS. Nous l'avons fait plier sur un certain nombre de choses. Il en va différemment des UFR monodisciplinaires, couvrant un petit domaine et qui n'ont pas suffisamment de poids pour influencer un organisme comme le CNRS.

Pour autant, le tableau n'est pas idyllique. Car le rapport entre universités et CNRS n'est pas encore équilibré. Actuellement, par exemple, c'est le CNRS qui a la maîtrise des comités d'évaluation des UMR, c'est-à-dire des Unités Mixte de Recherche. Parfois nous sommes invités, parfois nous ne le sommes pas. Cela dépend aussi du directeur scientifique adjoint. Un rééquilibrage est donc souhaitable. Mais je pense que c'est possible.

M. Yves Deniaud, Président : L'évaluation est un problème fondamental, et votre constat est très pessimiste.

Je connais un chercheur à Poitiers qui travaille sur l'aéro-acoustique. Je lui ai demandé combien de personnes connaissaient ce domaine en France : il m'a répondu qu'il y en avait vingt qui le prétendaient, et dix qui le connaissaient réellement ! Dans un tel cas, il est évidemment compliqué d'organiser une évaluation des uns par les autres...

Comment pourrait-on améliorer la situation ? Auriez-vous quelques pistes ?

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Il y a l'évaluation de la recherche, l'évaluation de l'enseignement et l'évaluation de la qualité professionnalisante de la formation et du débouché que cette dernière peut permettre.

M. Gilles Raby : Je pense en effet que l'évaluation par les pairs risque d'aboutir à des dérives lorsque le domaine concerné est restreint. Mais il me semble que l'évaluation d'un établissement doit être globale. La recherche est bien sûr une composante importante, mais il y en a d'autres : la formation, l'administration et la gestion de l'établissement, etc. Toutes ces composantes doivent être évaluées globalement.

On ne peut pas dire d'un côté que le moteur de l'université, c'est la recherche, du moins en sciences, et de l'autre affirmer, comme l'ont fait des présidents à l'occasion de certaines auditions, que dans « UFR », il faut faire disparaître le « R ». Pour nous, il ne faut absolument pas dissocier formation et recherche, même au niveau des champs intermédiaires. Ce serait préjudiciable au bon fonctionnement de l'établissement.

Il peut donc se produire quelques dérives, de façon ponctuelle, dues au fait que les spécificités sont fortes. Mais je pense qu'elles peuvent être atténuées, dans le cadre d'une évaluation bien plus globale de l'établissement. Nous avons tenu l'année dernière un colloque à Brest sur les questions d'évaluation et nous partagions l'idée qu'il fallait une évaluation plus globale.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Pensez-vous que l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur qui va être créée apportera de la cohérence ?

M. Gilles Raby : On verra à l'usage.

M. Philippe Masson : Il est un peu trop tôt pour se prononcer.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Ce colloque a-t-il abouti à des propositions de méthodes d'évaluation ?

M. Gilles Raby : En effet, une dizaine de propositions ont été faites, qui ont été adressées au ministère, et dont nous pourrons vous envoyer un exemplaire.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Est-ce qu'aujourd'hui le périmètre des UFR peut poser des problèmes ? Y a-t-il des UFR trop petites ? Est-ce que, au moment de la mise en place du LMD, le problème de la répartition des formations dans les différentes UFR a été évoqué ? Au moment de la préparation des projets d'établissements, on pourrait s'interroger sur d'éventuels regroupements d'UFR.

M. Gilles Raby : On parle tout aussi bien du périmètre des universités, que de celui des UFR.

M. Alain Claeys, Rapporteur : On pourrait évoquer aussi la question des sites et celle des PRES.

M. Gilles Raby : Vous pourrez vous rapporter aux actes du colloque, au cours duquel nous nous sommes interrogés sur les périmètres des UFR et des universités.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Que suggérez-vous ?

M. Gilles Raby : Je crois que les UFR disciplinaires n'ont plus de sens. Nous nous étions battus pour la restructuration de l'enseignement supérieur et nous avions pensé que la notion de domaine mise en place était une préfiguration du découpage de l'université.

Les domaines sont assez peu nombreux, et il faudrait peut-être s'interroger pour savoir s'ils ne seraient pas une préfiguration de l'organisation interne des universités. Par exemple, dans le domaine « science et technologie », il y a l'UFR que je pilote (article 25 de la loi du 26 janvier 1984 dite « Savary »), un IUT (article 33 « dur »), une école d'ingénieurs interne (article 33 « mou ») et une école externe (article 42).

M. Michel Bouvard, Rapporteur : 33 « dur » et 33 « mou » ? Qu'entendez-vous par là ?

M. Gilles Raby : Les instituts et écoles type art. 33 « dur » ont des crédits fléchés, un recrutement avec droit de veto du responsable de la structure, alors que le président de l'université ne l'a pas. Quand on dit « dur », c'est dur par rapport à l'établissement.

Voilà ce qui est rassemblé dans le domaine « science et technologie ». Je ne suis pas sûr qu'actuellement ces structures-là soient propices à un regroupement, et ce malgré la volonté de chacun.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Mais le regroupement est-il souhaitable ?

M. Gilles Raby : Souhaitable et souhaité.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Et il ne se fait pas ?

M. Gilles Raby : Ce n'est pas possible, pour des problèmes de cadre juridique.

M. Pascal Olivard : Je rejoins tout à fait Gilles Raby. : il est exact que, juridiquement, nous sommes coincés.

Je voudrais revenir sur la qualité professionnelle de la formation. On sait très bien évaluer la recherche, mis à part les cas critiques que vous évoquiez. Mais ces cas restent anecdotiques.

Cela fonctionne de façon satisfaisante parce que la carrière des enseignants-chercheurs n'est évaluée que sur ces critères-là. Je suis assez minoritaire à la CDUS. C'est un de mes chevaux de bataille, parce que je suis jeune et que j'ai fait un choix de carrière différent de celui de mes collègues.

Les directeurs d'UFR se trouvent confrontés à un réel problème : on nous a demandé - et personnellement j'y crois - de professionnaliser nos formations. Il a fallu encaisser la poussée démographique de 1990-1995. Nous ne sommes plus des enseignants-chercheurs de base, qui vont faire de la recherche en labo et qui vont former les étudiants tant bien que mal sans trop se soucier de ce qu'ils feront après.

Nous sommes sensibilisés à cette question des débouchés. Pour développer une filière professionnelle, il faut s'y investir énormément et cela prend du temps. Mais comme le seul critère d'évaluation des carrières, c'est la recherche, plus personne ne veut se mobiliser pour la professionnalisation de l'université.

Personnellement, je milite pour qu'il y ait deux voies de carrière, qui soient équitables. On peut avoir une carrière orientée vers la recherche et une qui le soit moins, où l'on s'investisse autrement. Je pense que toutes les missions devraient être prises en compte dans l'évolution des carrières. Ainsi, les énergies de chacun pourraient être également mises au service de la professionnalisation, et pas uniquement de la recherche. Ou alors, décidons de laisser la professionnalisation aux autres, et pourquoi pas aux écoles d'ingénieurs, puisqu'on ne parle que d'elles ?

M. Philippe Cocatre-Zilgien : Sur le périmètre des UFR, j'émettrai un avis personnel. Dans notre université, les UFR n'ont organiquement aucune importance et pas d'autonomie financière. Elles se concentrent sur des questions d'organisation des enseignements, de formation, et pas tellement de recherche puisque les centres de recherche sont relativement autonomes par rapport aux UFR. Si repérimétrage il devait y avoir, il consisterait à adapter les futures UFR à la réforme LMD.

M. Jean-Claude Roynette : Je pense qu'on peut être à la fois un bon chercheur et un bon enseignant investi dans les missions de professionnalisation qui nous sont maintenant imparties. Je regrette que, dans le cadre des mouvements actuels, la professionnalisation des universités ne soit pas reconnue, dans la mesure où elle est réelle et où de nombreux collègues s'y investissent.

Cela dit, je considère que l'ensemble de nos missions n'est pas suffisamment reconnu. On ne peut plus rester sur un statut des enseignants qui ne reconnaît que 192 heures de présence devant les étudiants. Les enseignants-chercheurs sont présents, la moitié du temps, dans le laboratoire et ils accompagnent les stages, etc.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Seriez-vous favorables à une modulation des emplois du temps des enseignants chercheurs en fonction du déroulement de carrière ?

M. Jean-Claude Roynette : C'est une solution qui peut être effectivement envisagée. Il n'est pas sûr que la carrière d'un enseignant-chercheur doive être linéaire. À certains moments, il pourrait s'investir davantage dans la recherche, dans l'enseignement, ou dans l'administration de son établissement. Le diagnostic de mon collègue sur l'investissement des enseignants s'explique par le fait qu'ils sont souvent bien trop chargés de tâches qui ne sont pas reconnues.

Je remarque par ailleurs que le métier d'enseignant-chercheur en sciences et dans une autre discipline n'est pas forcément toujours le même. Un enseignant-chercheur en sciences reste parfois 60 ou 70 heures sur le campus, soit dans son laboratoire, soit devant les étudiants. Et comme les laboratoires sont des unités mixtes avec le CNRS, pour être un bon chercheur, il faut suivre le rythme.

Aujourd'hui, le rôle de l'enseignant-chercheur est très difficile, surtout en sciences. J'aimerais que cet aspect soit pris en considération. L'habitude franco-française qui consiste à dire que tout le monde est pareil et doit avoir le même statut mériterait d'être revue : ce n'est pas vrai.

M. Philippe Masson : En effet, le statut de l'enseignant-chercheur doit être reconsidéré. Ce n'est peut-être pas politiquement correct de le dire, mais je suis depuis fort longtemps partisan d'une modulation de l'horaire statutaire des enseignants-chercheurs.

Il n'est pas raisonnable, quand on vient de recruter un jeune maître de conférences, de lui imposer le même horaire qu'à des gens blanchis sous le harnois. Il a à développer une carrière scientifique et à mener une recherche. Lui asséner un volume horaire trop lourd revient à le pénaliser fortement.

Bien avant que cette question soit évoquée, lorsque je présidais un département scientifique dans mon université, j'ai instauré une réduction d'horaires pour les jeunes maîtres de conférences, ce qui me mettait d'ailleurs dans l'illégalité la plus complète.

Les enseignants-chercheurs qui ont déjà de la bouteille et une certaine expérience, qui n'ont plus à démontrer leur savoir-faire, peuvent donner davantage de leur temps, soit pour des tâches d'enseignement, soit pour des tâches administratives.

Entre disciplines, les obligations et les charges ne sont pas forcément les mêmes. Et entre classes d'âge, la question mériterait d'être revisitée.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Est-ce qu'une fongibilité des moyens, qui vous laisserait une certaine capacité de pilotage, un peu dans l'esprit de la loi organique, vous paraîtrait souhaitable ?

M. Gilles Raby : Cela me semble indépendant de la question posée initialement.

Je voudrais compléter ce que vient de dire mon collègue en donnant un exemple concret : de temps en temps, nous sommes obligés de faire des entorses à la législation. Un collègue est venu au mois de septembre, avec un gros caillou venant du Tchad, en disant : c'est quelque chose d'important, je dois travailler dessus mais je veux que cela reste secret avant que je puisse publier. Comment faire ? Après discussion, il m'a convaincu et je l'ai déchargé de service pendant un an. Ce caillou, c'était « Toumaï ». Il fallait aller vite. Si je n'avais pas agi ainsi, j'aurais dû m'adresser à l'administration, au CNRS, et cela aurait pris six mois ou un an. C'eût été trop tard.

Nous avons donc un problème de réactivité. Et nous avons besoin de reconnaître les collègues qui s'investissent dans la recherche comme dans la formation professionnelle. Je ne pense pas que le point de vue de mon collègue Pascal Olivard soit vraiment minoritaire et je considère pour ma part que nos activités peuvent évoluer dans le temps. Certes, c'est la recherche qui tire les universités. Mais il faut prévoir des ponts vers la formation, qui doivent être reconnus au niveau statutaire.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Il y a un vrai problème s'agissant de la politique de sites. Êtes-vous prêts à l'affronter ? Je ne pense pas que la mise en place du LMD ait permis d'aller jusqu'au bout. Où sont les blocages et quels sont-ils ?

M. Jean-Claude Roynette : Les PRES nous ont beaucoup préoccupés et ont fait l'objet d'une partie de notre colloque. Nous sommes convaincus que le périmètre des universités n'est pas le bon. Avec le classement de l'université de Shanghai, les universités françaises se sont trouvées dans une situation humiliante. Cela a suscité de nombreuses réactions. Personne ne comprend le découpage actuel. Nous sommes convaincus que les universités doivent avoir un périmètre un peu plus grand.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Est-ce que cela signifie que vous acceptez la mise en cause de votre périmètre ?

M. Jean-Claude Roynette : Bien sûr. Nous nous sommes demandés si nous avions besoin d'une structure intermédiaire ou non. Laquelle ? Des UFR, des facultés, autre chose ? Aujourd'hui, il faut poser ces questions sans a priori car les universités ne fonctionnent pas bien...

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Vous considérez que le système a fait son temps ?

M. Jean-Claude Roynette : En effet. La loi de 1984 doit être complètement remise à plat, même si cela doit provoquer des débats. Il faut également revoir la question de l'orientation des étudiants, celle des droits universitaires et du sous-financement des universités, qui se trouvent « clochardisées ». Le mouvement actuel en est la conséquence.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous semblez tous d'accord sur le fait que le système est à bout de souffle.

M. Jean-Claude Roynette : Un PRES réussi sera une fusion d'universités. Dans des villes telles que Marseille, Bordeaux, Lyon, on ne comprend pas qu'il y ait plusieurs universités. Elles ont été construites sur des logiques qui sont davantage politiques ou personnelles. Paris est un cas particulier sur lequel je n'insisterai pas. Reste que le problème s'y posera également.

M. Pascal Olivard : Les directeurs d'UFR scientifiques ont la caractéristique de ne pas être attachés à une chapelle. Nous sommes ouverts à l'évolution de l'université, comme cela ressort de tous nos colloques et de toutes nos réunions. Aujourd'hui, nos UFR sont mortes ou en voie de disparition en tant que telles.

La politique des sites est quelque chose de compliqué. Sur un même site, on aura des écoles qui ne dépendent pas forcément du même ministère. C'est encore une particularité du système français sur laquelle il faudrait réfléchir.

J'insiste sur la question des moyens. Il n'est pas possible, en France, de supporter plus longtemps un tel sous-financement du système universitaire. Le financement des écoles est tout de même très différent, alors que leurs objectifs sont similaires.

On nous a assigné comme objectif de professionnaliser, c'est-à-dire - en tout cas pour le secteur scientifique - d'amener au moins au grade de master nos étudiants, c'est-à-dire les cadres de l'entreprise de demain. Pourquoi est-ce qu'on les prendrait avec un ratio heures/étudiant de plus de 50 dans certains endroits, alors que le ratio H/E actuel est d'environ 20 dans les universités, même en sciences ? Ce n'est pas acceptable. Ou alors, on admet une professionnalisation à deux vitesses.

Gilles Raby a évoqué tout à l'heure la décharge totale accordée à un collègue parce qu'il ne pouvait pas faire autrement. Le problème est que c'est illégal. Ne pourrait-on pas modifier la loi pour être un peu plus libres dans les missions que l'on confie à nos collègues ?

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Avez-vous des renseignements, avez-vous mis en place un suivi concernant le taux d'insertion professionnelle des jeunes diplômés ?

M. Philippe Cocatre-Zilgien : Nous manquons d'éléments pour évaluer cette insertion professionnelle, quatre ans ou cinq ans après la fin des études.

M. Pascal Olivard : On en revient à la question des moyens. Pourquoi les écoles sont-elles en mesure de vous le dire du jour au lendemain ? Parce qu'elles ont de vrais observatoires, et des gens qu'elles peuvent payer. Je lisais dans le Monde que l'université de Paris-Dauphine le faisait. Mais on ne joue pas dans la même cour.

Qu'on nous donne les moyens de le faire, et nous le ferons. Je dispose bien de statistiques, mais elles n'ont qu'un caractère anecdotique. Certains collègues me disent qu'ils accepteraient d'envoyer des courriers aux diplômés des trois dernières années. Mais qui analyserait les réponses ? Et pendant ce temps-là, ils ne seraient pas au labo.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Mais il y a des moyens transversaux comme le secrétariat général.

M. Gilles Raby : Peut-être l'autonomie des universités passe-t-elle aussi par des personnels de haut niveau capables de piloter ce genre de choses. Or nous sommes un peu faibles.

Revenons-en aux PRES. Nous sommes favorables à ce genre de regroupements, même si certaines situations peuvent être difficiles. J'ai passé trois jours avec Domitien Debouzie, l'ancien président de Lyon-I. Là-bas, cela pourrait aller très vite. Mais parfois c'est plus compliqué, lorsqu'il s'agit de regrouper des établissements assez lointains, et même si les acteurs de terrain sont capables de s'engager fortement. C'est le cas à Poitiers, Tours, Orléans, Limoges et la Rochelle.

Nous voudrions éviter que l'on rajoute encore une couche supplémentaire. Si tel était le cas, on n'avancerait pas beaucoup.

M. Philippe Masson : Le PRES doit être un outil permettant de redistribuer les cartes et de reconsidérer la carte universitaire par des regroupements, mais il ne doit pas être utilisé de manière systématique. Qu'il y ait des regroupements d'universités sur des sites géographiques, ce serait logique et cela donnerait une meilleure lisibilité. Quant à procéder à des regroupements d'établissements géographiquement dispersés, je suis beaucoup plus réservé. On risque d'ajouter une couche supplémentaire et de compliquer la situation au lieu de la simplifier.

Je ne suis pas persuadé que le système actuel, où le président ou la présidente sont entourés par une kyrielle de vice-présidents et de chargés de missions constituant des interfaces en amont des directions des UFR, facilite le dialogue et le fonctionnement de l'université. J'ai eu l'occasion de m'exprimer à ce sujet devant le conseil d'administration de mon université. Je persiste à penser que les directeurs d'UFR doivent être davantage associés à la gouvernance des universités et qu'il ne faut pas qu'il y ait trente-six intermédiaires.

M. Yves Deniaud, Président : Le président et le vice-président constitueraient donc une couche d'argile impénétrable...

M. Jean-Claude Roynette : Les PRES peuvent être l'occasion de regrouper des universités sur un même site, mais aussi de restructurer le paysage de l'enseignement supérieur et de remettre en cause cette dualité entre grandes écoles et universités, qui nous fait tant de mal. Car il y a ceux qui sont considérés, financés, et les autres, qui doivent traiter le tout-venant et faire des cadres à partir d'étudiants qui sont venus à l'université par défaut. Cela dit, à force de travail et de pédagogie, on y arrive.

M. Yves Deniaud, Président : Une instance n'a pas été évoquée : l'école doctorale. Peut-être serait-il bon que les responsables d'UFR que vous êtes précisent leur position par rapport à celle-ci.

M. Gilles Raby : Les écoles doctorales doivent se préoccuper de la formation transversale des doctorants et de leur insertion professionnelle. Elles ne doivent pas se contenter de distribuer des allocations de recherche.

Tout dépend de la configuration de l'UFR. Avec une UFR disciplinaire, ce peut être très difficile. Avec une UFR de sciences, c'est beaucoup plus facile. À Poitiers, par exemple, il y a quatre écoles doctorales, dont deux dans le secteur scientifique ; on a créé un comité inter-écoles doctorales de sciences, où on discute avec les UFR concernées. Nous avons des réunions régulières, pour voir comment on peut avancer ensemble sur l'encadrement, la professionnalisation et la pré-professionnalisation des jeunes. Cela se passe remarquablement bien. Mais je sais aussi qu'ailleurs, des situations peuvent être très différentes, voire explosives.

M. Jean-Claude Roynette : Il s'agit là encore de structures qui ont été créées hors des structures existantes de la loi de 1984. Les écoles doctorales sont souvent transversales. Nous avons l'exemple d'Orsay, qui en compte dix. Elles se sont extraites de la faculté des sciences alors qu'elles sont exclusivement scientifiques, et elles ont leur propre politique. C'est assez gênant dans la mesure où elles déterminent, par leur recrutement, l'orientation des laboratoires. D'où une certaine ambiguïté qui met les directeurs d'UFR dans une situation un peu difficile.

M. Pascal Olivard : J'en ai une, qui est complètement détachée des UFR. Or les missions des écoles doctorales sont essentielles : se préoccuper de la formation, du devenir et de l'insertion de nos doctorants. Avoir tout déconnecté des circuits de décision habituels est à mon avis une bêtise supplémentaire.

M. Philippe Masson : J'abonde dans le même sens. Les écoles doctorales ont été mises en place dans des conditions assez acrobatiques. N'oubliez pas qu'il y a eu un flou artistique dans la définition même du périmètre des écoles doctorales : d'abord de sites, elles sont devenues multi-sites, etc. Maintenant, comme l'ont dit mes collègues, ces écoles doctorales ont un peu trop tendance à avoir leur politique à elles, qui interfère avec celle des UFR. Certaines universités sont tentées de substituer à la politique définie par les UFR celle des écoles doctorales et celle des instituts fédératifs de recherche. Cela me semble très dangereux, car cela peut aboutir à découpler totalement la formation de la recherche. Il faut absolument être vigilant.

M. Yves Deniaud, Président : Je vous remercie de la liberté de vos propos.

b) 11 heures : Audition de Présidents d'université : Mme Simone Bonnafous, Présidente de l'Université Paris-XII Val-de-Marne ; M. Pierre-Yves Hénin, Président de l'Université de Paris-I Panthéon-Sorbonne ; Mme Nicole Le Querler, Présidente de l'Université de Caen-Basse-Normandie ; M. Bernard de Montmorillon, Président de l'Université Paris-Dauphine.

Présidence de M. Yves Deniaud

M. Yves Deniaud, Président : Nous venons d'entendre certains directeurs d'UFR, dont certains nous ont donné une vision de l'exercice solitaire du pouvoir des présidents d'université, entourés de leur équipe présidentielle.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Nous avons trois volets à aborder. Le premier vous concerne très directement : quel état des lieux faites-vous de la gouvernance des universités ? Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ? Quelles sont vos relations avec les UFR ? Quelles sont les marges de manœuvre qui vous manqueraient pour assurer pleinement votre autonomie dans le cadre d'une politique nationale des universités ?

Le deuxième volet concerne les relations entre l'Université et l'État, qui définit les grandes orientations universitaires et les diplômes. Les contrats doivent-ils prendre une place plus importante dans le financement des universités ? Ces contrats sont-ils en cohérence entre eux ? Par ailleurs, que pensez-vous de l'évaluation ?

Troisième volet : nous sommes membres de la commission des Finances et très attachés à la LOLF. Comment vivez-vous cette réforme ? Est-ce pour vous un bon outil d'évaluation et de pilotage, ou introduit-elle un risque supplémentaire de bureaucratie ?

Mme Nicole Le Querler : Il me semble que les directeurs d'UFR doivent être intégrés dans la gouvernance et qu'un moyen simple est de les réunir très régulièrement pour leur demander leur avis, même s'ils n'ont pas de pouvoir décisionnaire, contrairement à nos conseils d'administration.

Habituellement, je les réunis une fois par mois, comme les responsables administratifs, et je réunis trois ou quatre fois par an les directeurs d'équipes de recherche. Actuellement, nous sommes en période de crise - d'ailleurs, tout le monde s'en moque - et je les réunis une fois par semaine. Lors de la réunion exceptionnelle qui avait lieu hier, les directeurs d'UFR ont voté, à l'unanimité moins un refus de vote, une motion exigeant l'évacuation immédiate des bâtiments universitaires occupés. Vendredi dernier, le conseil d'administration avait voté la même chose. Et que croyez-vous qu'il se passe ? Rien ! Car nous n'avons aucun pouvoir.

Il me semble que les universités, notamment par le biais de la Conférence des présidents d'université, avaient demandé très fermement une réforme de la gouvernance des universités. Tout le monde sait ce qui ne va pas en la matière.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Dites-le nous tout de même.

Mme Nicole Le Querler : Par exemple, le fait que dans certaines universités, il est parfaitement impossible pour le président de faire élire des vice-présidents de son choix. Comment travailler avec des vice-présidents qui n'ont pas la même vision que vous de certains éléments importants de la politique universitaire ? Il se trouve que, dans mon université, cela s'est toujours bien passé depuis cinq ans et qu'ont été élus les vice-présidents auxquels j'ai demandé de bien vouloir être candidats. Mais si j'avais en face de moi six vice-présidents opposés à la politique que je veux mener ?

Vous ne pouvez rien décider dans une université si votre conseil d'administration ne vous suit pas. La composition du CA, soit un tiers d'enseignants-chercheurs, un tiers d'administratifs et un tiers d'étudiants, fait qu'il peut être difficile de travailler avec un conseil d'administration élu la plupart du temps sur des positions syndicales dures. Je peux vous donner l'exemple de mon université : il se trouvait que la majorité du conseil était d'accord avec ce que j'avais proposé pour les grandes lignes du budget 2006. Ceux qui n'étaient pas d'accord ont tout simplement empêché, en envahissant la salle, que le conseil d'administration se tienne. Il a fallu convoquer plusieurs fois le conseil d'administration pour présenter le budget, lequel est finalement passé à plus des deux tiers des voix, quand le conseil d'administration a pu se tenir. Mais nous étions bloqués parce que nous n'avons aucun pouvoir effectif.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Considérez-vous que le mode d'organisation des conseils a fait son temps ?

Mme Nicole Le Querler : Oui, trente ans, cela suffit.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Je ne porte pas de jugement sur le choix politique de l'époque. Ce mode d'organisation est-il inadapté aujourd'hui ?

Mme Nicole Le Querler : Absolument. La Conférence des présidents d'université le dit de manière très ferme. Mais cette proposition de réforme n'est jamais acceptée, jamais mise sur le tapis et jamais présentée au Parlement, tout simplement parce qu'on a peur du « bazar » dans les universités. Et là, on a le « bazar » sans avoir la réforme. C'est un peu dommage.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Le premier vice-président de la CPU ne le présente pas de façon aussi radicale.

M. Pierre-Yves Hénin : Non, mais cela revient au même.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Si vous en êtes d'accord, passons au volet suivant, c'est-à-dire aux contrats.

Mme Simone Bonnafous : Je ne suis pas sûr que notre point de vue soit unanime. Je suis par ailleurs un peu gênée de m'exprimer après un mois de mandat.

Je dois dire d'abord que beaucoup de présidents ont été directeurs d'UFR. Les rapports entre les différents niveaux de gouvernance ont donc été vécus par les présidents à d'autres niveaux. Je ne suis certainement pas la seule à avoir été directrice d'équipe et directrice d'UFR.

Le fait qu'il y ait une certaine multiplicité des instances de pouvoir et de gouvernement à l'intérieur même de l'université ne m'apparaît pas forcément comme une difficulté. Qu'il y ait trois conseils et à l'intérieur de ceux-ci des types de population assez différents, qu'il y ait un ensemble de directeurs d'UFR, qu'il y ait plusieurs composantes permet, quand on les réunit, que des équilibres se fassent, ce qui ne serait peut-être pas le cas avec des instances trop réduites et trop concentrées.

Pour l'instant, je souffre plus d'un manque d'outils d'aide à la décision interne. Quand on a peu de moyens, notamment en personnel, on doit se reposer sur la force de conviction, sur la capacité à exprimer une stratégie, etc.

Quoi qu'il en soit, en début de mandat, le fait d'avoir cette diversité de conseils, de directeurs et de composantes, constitue plus une aide stratégique qu'un frein. Ce n'est pas forcément contradictoire avec ce qui vient d'être dit.

Mme Nicole Le Querler : Je suis entièrement d'accord.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Dans cette situation, que peut vous apporter le secrétariat général de l'université ?

Mme Simone Bonnafous : J'ai pris mes fonctions sans secrétaire général, lequel reste à recruter. Or, celui-ci apporte une aide concrète au président, en réflexion sur l'organisation des services, en animation des cadres ou en gestion des ressources humaines.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous êtes donc en période de recrutement. Avez-vous le sentiment d'avoir un véritable choix ?

Mme Simone Bonnafous : Pas suffisamment (mais nous sommes en cours d'année). Et les procédures sont très contraintes.

M. Pierre-Yves Hénin : Je suis très largement d'accord avec ce qui a été dit. Pour revenir sur la relation aux UFR, il faut être conscient que nous avons le choix entre deux modes de décentralisation dans les établissements.

Le mode qui tend à se développer et à se substituer au mode traditionnel, est une décentralisation par composante spécialisée, des UFR plus réduites à des structures type collège licence, des écoles doctorales devenant des composantes de plein exercice, des laboratoires très indépendants. C'est une décentralisation plutôt fonctionnelle, dans laquelle le niveau politique, le niveau des arbitrages est porté au niveau de la présidence.

L'autre mode est une décentralisation par composantes assez généralistes. Ce qui peut plaider en sa faveur, c'est la nécessité de disposer de structures d'implication de proximité. Nous avons un réel problème d'implication d'un niveau dans lequel l'enseignant-chercheur se reconnaisse comme participant à la mission de l'université. Et il est vrai qu'une relation simplement à la présidence risque d'être vécue comme lointaine.

Vous avez parlé de marges de manœuvre. Il y a des marges de manœuvre de type politique, de compétences gestionnaires et de type institutionnel.

En matière politique, il est largement reconnu que la loi de 1984 a donné trop de poids, dans le conseil d'administration, à des représentations d'intérêts internes, qui peuvent se trouver en difficulté pour accompagner les présidences dans des arbitrages.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Considérez-vous que le poids des UFR est trop important ? La loi de 1984 ne sacralise-t-elle pas la logique facultaire ?

M. Pierre-Yves Hénin : Actuellement, nous avons, selon les universités, des pratiques très différentes. Je crois qu'avec la loi de 1984, on peut développer des modèles d'intégration. À l'occasion d'une réforme de la loi, il faut peut-être mieux marquer la responsabilité et les capacités d'arbitrage au niveau de l'équipe présidentielle.

Vous avez compris, de ma première réponse, que je pense qu'il faut laisser une marge à des lieux vivants d'implication et de participation à l'institution universitaire. Limité à l'élection du président, on risquerait que ce lien soit trop ténu, et trop centré sur le seul objet du projet de recherche par lequel on se sent concerné.

Sur le second point, qui est celui de l'expertise, il est vrai que nous manquons de capacités de suivi. On peut évoquer des capacités en termes de ressources humaines, en termes de maîtrise des outils. On sait que, malgré les efforts récents de remobilisation et de recentrage des missions de l'Agence de mutualisation des universités pour mieux répondre aux besoins de l'université, nous avons de réelles difficultés à trouver dans nos systèmes d'information des éléments de réponse.

En matière institutionnelle, on rejoint la dimension des ressources humaines. On pourrait évoquer les ressources humaines administratives où, compte tenu des statuts de la fonction publique, apparaissent de réelles difficultés à s'assurer de recrutements correspondant aux besoins, notamment dans certaines fonctions spécialisées, par exemple la mise en œuvre de la LOLF. Les recrutements pour ces fonctions révèlent - quels que soient les efforts de formation menés dans l'établissement - une certaine insuffisance, d'une part de personnels d'encadrement formés, d'autre part de procédures de recrutement de ces personnels, compte tenu des statuts de la fonction publique.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Sur ce point particulier, souhaiteriez-vous une globalisation des moyens permettant d'aller jusqu'au bout de la logique de fongibilité ? Après se posera la question de savoir comment assurer le déroulement national des carrières et la question de l'articulation de la globalisation des moyens et de la fongibilité accrue qui seraient données aux présidents d'université. Quel est votre souhait en la matière ? Quel serait l'idéal ?

M. Pierre-Yves Hénin : Vous parlez d'idéal. Compte tenu des événements actuels, qui montrent les précautions qu'il faut prendre dans une stratégie de réforme du secteur public, l'identification de marges permettant une avancée réelle me paraît importante. En tant que président d'université, je ne suis pas sûr d'être qualifié pour donner un jugement sur la réforme de la fonction publique dans son ensemble.

Nous pensons qu'il faut avoir les moyens d'une meilleure spécialisation dans les fonctions, et donc d'une meilleure gestion de la mobilité entre les fonctions universitaires et les fonctions ailleurs dans l'éducation nationale.

M. Bernard de Montmorillon : En ce qui concerne la gouvernance, l'université Paris-Dauphine a un profil un peu particulier. Elle ne compte que 9.000 étudiants et se caractérise par un très fort projet collectif : professionnalisation et positionnement en sciences de l'organisation et de la décision.

Dans ce contexte, les relations avec les composantes - qui ne sont plus des UFR, mais des départements, puisque nous avons changé de statut il y a deux ans - sont très bonnes. Les directeurs de composantes se réunissent tous les quinze jours avec moi pour gérer politiquement l'évolution de l'université. Nous sommes en train de mener une réorganisation assez profonde de nos structures, en divisant par deux le nombre de nos départements qui passent de six à trois.

Il y a un fort projet collectif, partagé par les enseignants, les étudiants et les partenaires, qui fait que l'université traverse la période actuelle dans une assez grande sérénité, ce qui n'empêche pas les uns et les autres de débattre ou de manifester s'ils le souhaitent. Mais les cours sont maintenus.

Nous venons de changer de statut, et il est intéressant de se demander si cela nous assure davantage, ou non, de marges de manœuvre.

Lors du colloque de la CPU, à Lille, en 2001, Monsieur le député Claeys disait que l'autonomie des universités allait se faire petit à petit, par un ensemble de petites mesures qui, dans les mois et les années à venir, allaient concrétiser le projet. Le moins que l'on puisse dire aujourd'hui, c'est que le projet a reculé par rapport à la situation de 2001.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Je pense que les présidents d'universités ont beaucoup évolué.

M. Bernard de Montmorillon : Ce qui me navre, c'est que lorsque je reçois des collègues de Stanford ou de Chicago, ils ne comprennent pas la situation française.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Je ne pense pas que Stanford ou Chicago soient des modèles utiles pour la France. C'est une autre dimension.

M. Bernard de Montmorillon : S'agissant de la gouvernance, nous avons tenu à garder un système très universitaire avec un président élu et trois conseils. Je rejoins le diagnostic de mes collègues sur l'urgence de simplifier le mode de fonctionnement du conseil d'administration. L'énergie qu'il faut pour obtenir les deux tiers des voix pour un changement statutaire est absolument considérable.

S'agissant du recrutement des étudiants, qui est un point clé de la gouvernance, vous savez que la situation est bloquée. Nous sommes nombreux à militer pour l'orientation sélective. Refuser d'ouvrir le débat en France nous met dans une situation très difficile - pas à Dauphine, puisque nous avons changé de statut. Quand on voit ce qui se passe en Allemagne, au Royaume-Uni, en Espagne, en Italie, on peut être très inquiet du retard que nous prenons.

S'agissant de la gestion des personnels, administratifs et enseignants, nous sommes dans la même situation que nos collègues. Il y avait eu un excellent rapport, le rapport Belloc, qui fut immédiatement enterré. Or il est urgent que les présidents d'université retrouvent une marge de manœuvre dans la gestion du service et de la rémunération de leurs collègues. Faute de quoi, les meilleurs d'entre nous s'en iront : dans le système consulaire ou dans le système privé français, ou à l'étranger. Et ce n'est plus une crainte, c'est un constat.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Vous avez des exemples de départs ?

M. Bernard de Montmorillon : Oui. C'est ainsi qu'un jeune et brillant maître de conférences de Dauphine n'a pas eu l'agrégation parce qu'il n'était pas encore tout à fait mûr. Trois mois plus tard, il était recruté par l'Université de Genève.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Vous n'aviez pas la possibilité de le garder ?

M. Bernard de Montmorillon : Il est parti, et ce qui me navre, c'est que c'est un docteur « Dauphine », un docteur français, un maître de conférences qui s'était impliqué dans le système public français, et qui est perdu pour le système français. On le récupérera à condition que l'université française ait le droit de recruter un professeur français ayant fait carrière à Genève dans les cadres de la fonction publique. Or c'est très difficile.

L'autonomie des universités, c'est bien. Mais sans moyens, cela se sert à rien. Je rappellerai que le budget moyen par étudiant en France est de 6.500 euros.

M. Yves Deniaud, Président : C'est un des plus faibles des pays développés.

M. Bernard de Montmorillon : 6.500 euros, c'est exactement le cas de Dauphine. Mais il n'y en a que 4.400 qui viennent de l'État. Le reste provient des ressources propres. Tant que nous n'aurons pas résolu cette question, nous n'avancerons pas.

J'ajoute, mesdames et messieurs les députés, que nous sommes confrontés à un certain nombre de blocages que vous pourriez faire disparaître. Dans le domaine de la formation continue, par exemple, vous n'avez pas idée des trésors d'imagination dont il nous faut faire preuve pour nous conformer à la loi : comment facturer des diplômes nationaux en formation continue, comment rémunérer des collègues au prix du marché, comment déclarer des heures conformes aux exigences de la Cour des comptes, etc.

Les contrats de recherche trouvés par mon université, petite université en sciences humaines et sociales, représentent 3,5 fois les dotations publiques en matière de recherche. On aimerait intéresser les collègues aux recherches. Des ouvertures sont faites, mais c'est tellement compliqué que c'en devient ingérable.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Dauphine a un statut spécifique, mais qui ne règle pas tout. L'autonomie est inscrite dans la loi. Aujourd'hui, au-delà du problème des moyens, qui est évident, quels sont, tant au niveau administratif qu'au niveau du conseil d'administration, les marges de manœuvre que vous revendiquez et que vous n'avez pas ?

M. Pierre Méhaignerie, Président de la commission des Finances : Il y a une convergence sur le diagnostic, mais ne pensez-vous pas que si les présidents d'université parlaient clair et fort, ils pourraient être entendus par l'opinion publique ?

Par ailleurs, nous avions eu l'idée d'ouvrir, courant juin, un cadre de gouvernance aux seules universités qui le souhaitent. Cela vous paraît-il crédible de le faire dans le contexte actuel ? Je précise qu'il s'agit de ne rien imposer, mais de proposer un nouveau cadre de gouvernance, que prendra qui veut.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Il n'y a pas que le problème statutaire, il faut aller au-delà.

M. Pierre Méhaignerie : Bien sûr, mais comme on préfère toujours, dans notre pays, les débats idéologiques à l'épreuve des faits, je voudrais savoir si même une telle expérimentation « passerait la rampe ».

Mme Nicole Le Querler : La conférence des présidents d'université parle souvent haut et fort.

M. Pierre Méhaignerie : Dès qu'il y a une manifestation, on n'entend plus personne.

Mme Nicole Le Querler : Ce n'est pas vrai : quand la commission permanente a été reçue par le Premier ministre, pendant deux heures, il y a dix jours, nous avons parlé haut et fort, pour dire qu'il fallait suspendre l'application du CPE et ouvrir des négociations.

M. Pierre Méhaignerie : C'est vrai, mais il faut aussi être clair sur l'autonomie, l'indépendance, les capacités de gestion, le rôle des syndicats.

Mme Nicole Le Querler : Tout cela est prêt ! La conférence des présidents d'universités a passé des heures, il y a deux ans, à préparer un document qu'elle a envoyé à tout le monde, y compris aux députés, sur la réforme qu'elle souhaite de la gouvernance des universités. On peut améliorer notre marge de manœuvre sur des points très simples, par exemple le quorum nécessaire pour voter le budget. Il suffirait de prévoir qu'on peut passer outre s'il n'est pas réuni au bout de trois fois, pour mettre fin aux situations de blocage. Idem pour changer les statuts.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Et le droit de veto que les présidents n'ont pas ?

Mme Nicole Le Querler : Bien sûr. Et un rôle accru des présidents, des directeurs d'UFR, sur la notation, l'évolution des carrières, les services des enseignants-chercheurs. Nous devons signer leurs fiches de service, mais notre marge de manœuvre est très faible. La CPU l'a écrit plusieurs fois, mais nous ne sommes jamais suivis, car les différents gouvernements ont peur de provoquer des troubles dans les universités.

Mme Simone Bonnafous : Nous rencontrons souvent des problèmes très techniques, en particulier sur les rémunérations, la possibilité par exemple d'allouer des primes. Il est beaucoup plus intéressant de multiplier les heures supplémentaires que de se décarcasser à décrocher de l'apprentissage, ou des contrats de formation continue, car nos possibilités d'indemniser les collègues, enseignants ou administratifs, qui s'investissent dans ce type de tâches, sont très limitées. Les freins viennent aussi de certains syndicats et d'une partie des collègues opposés à l'évolution des statuts et à leur différenciation. Nous nous heurtons sans cesse à des contraintes quant au mode de rémunération, au montant des primes que nous pouvons accorder. Nous sommes parfois obligés de ruser pour mener une politique de primes cohérente, alors que certaines réformes ne mettraient pas tout le monde dans la rue - je pense notamment à la question du quorum pour certaines décisions au sein du conseil d'administration, ou aux possibilités de panachage lors des élections.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Tout le monde est d'accord sur cette question.

Mme Simone Bonnafous : On peut, en revanche, faire que les vice-présidents soient présentés par le président et élus avec lui.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Nous avons entendu les deux thèses : celle selon laquelle le président est élu avec son équipe, et celle - défendue notamment par les représentants des UFR - qui met en doute l'utilité de placer des intermédiaires entre le président et les UFR, sans parler de la complexité du système.

M. Yves Deniaud, Président : Les représentants des UFR estiment que cela empêcherait la communication.

Mme Simone Bonnafous : Je ne suis pas d'accord. Dans une université pluridisciplinaire - avec santé - de 28.000 étudiants, je ne pourrais pas me passer d'une équipe présidentielle. Que l'équipe présidentielle s'entende ou non avec les équipes d'UFR, c'est une autre question. Mais on peut s'y efforcer.

Mme Nicole Le Querler : Je suis dans la même situation : 25.000 étudiants dans une université pluridisciplinaire, avec santé, et six vice-présidents qui justement font le lien entre la présidence et l'ensemble de la communauté universitaire.

Pour ce qui est des heures complémentaires, la Cour des comptes a recommandé que nos enseignants-chercheurs, qui assurent 192 heures d'enseignement, n'assurent pas plus de 300 heures complémentaires, ce que je trouve déjà énorme. Un des enseignants de mon université, un seul heureusement, en fait 1.100 ! Comment peut-il, dans ces conditions, faire de la recherche ? Et je ne peux pas agir, parce que son directeur d'UFR le soutient.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Dans certaines universités, des dispositifs ont été mis en place pour régler cette question.

M. Pierre Méhaignerie : Cet enseignant est peut-être exceptionnel...

Mme Nicole Le Querler : Il a surtout besoin d'argent !

M. Michel Bouvard, Rapporteur : J'en viens aux contrats. Une part de vos moyens provient de l'État, et une autre est contractualisée - plans quadriennaux, contrats de plan État-région, contrats de recherche. Pensez-vous qu'une plus grande autonomie passe par une remontée de la part des contrats dans votre budget ? Serait-il nécessaire d'harmoniser ces contrats ? Si l'on augmente la part des contrats, comment envisagez-vous l'évolution de SAN REMO ?

M. Yves Deniaud, Président : Et si l'on harmonise, quelle serait la durée optimale du contrat ?

M. Pierre-Yves Hénin : S'agissant de l'harmonisation, les conditions dans lesquelles se profile la mise en place des futurs contrats de projets État-régions, avec des règles du jeu tardives, est une difficulté supplémentaire.

La montée de la démarche contractuelle pour accompagner des objectifs stratégiques est pertinente. Recourir à la démarche contractuelle pour assurer les moyens d'un fonctionnement minimal, en revanche, n'est pas une bonne chose.

Il faut que se mette en place une stratégie de couverture des besoins minimaux de fonctionnement des universités. Bien sûr, même ce volet doit être suivi et contrôlé, et vous devrez nous demander des comptes.

Pour que le contrat prenne toute sa dimension, il doit porter sur des financements permettant le déploiement d'actions stratégiques identifiables.

M. Bernard de Montmorillon : Sur la question des contrats, il est important de faire la part des choses. Dans une université comme la mienne, qui est petite, mais représentative de la structure financière des universités scientifiques, la part contractuelle du financement du budget global de l'université, y compris des salaires des fonctionnaires, est inférieure à 6 %. Passer des heures et des heures pour négocier tous les quatre ans, avec souvent un bilan intermédiaire à deux ans, n'en vaut pas vraiment la peine.

Pour nous, le budget contractuel représente la moitié de la DGF, sachant que le contrat et la DGF représentent 12 % du budget global, salaires des fonctionnaires compris ou encore 28 % du seul budget de fonctionnement.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Mais ce n'est pas le cas de la majeure partie des universités.

M. Bernard de Montmorillon : C'est le cas des universités scientifiques.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Aujourd'hui, la part du contrat représente en moyenne un peu moins de 20 %. Voulez-vous que l'on augmente cette part ou non ?

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Voulez-vous plus de contrat ou plus d'automaticité ? Et si vous voulez plus d'automaticité, c'est-à-dire plus de DGF, le mode de dotation de SAN REMO est-il satisfaisant ?

Mme Nicole Le Querler : Je vais dire quelques mots en tant que présidente de la commission des moyens et personnels de la CPU. Nous sommes en train de travailler sur ce sujet avec le ministère. Nous pensons que la part du contrat dans le financement des universités peut augmenter, et que cela pourrait aider à motiver, à évaluer, à prévoir davantage. En revanche, il faut que parallèlement le financement global augmente de manière importante. Les universités ont besoin de financements récurrents, notamment pour assurer le fonctionnement pédagogique, administratif, de recherche, et pour entretenir leurs locaux. Il n'est pas question d'accepter que ce montant baisse alors que l'ensemble reste au même niveau. En revanche, si les moyens des universités augmentent globalement, ce qui est plus que souhaitable, que cette augmentation porte uniquement sur le contrat pourrait être une bonne chose.

SAN REMO a fait son temps, et nous devons aujourd'hui passer à autre chose. Nous proposons un financement par étudiant supérieur au financement minimum actuel, et que tout le reste relève du contrat.

M. Yves Deniaud, Président : Quel contrat ? Quelle durée ?

Mme Simone Bonnafous : Plus long, en tout cas. Quatre ans, c'est trop court, on passe son temps à négocier des contrats.

Il ne faut pas oublier non plus que, dans les universités de médecine et de sciences notamment, toute la partie « recherche » du contrat est négociée équipe par équipe, UMR par UMR. Ce qui reste pour les politiques d'université est faible, surtout quand l'université est globalement sous-dotée.

M. Alain Claeys, Rapporteur : On sait que l'université manque de moyens, mais si l'on suppose ce problème résolu, faut-il augmenter la part du contrat ?

Par ailleurs, quelle appréciation portez-vous aujourd'hui sur l'évaluation ?

M. Pierre-Yves Hénin : Je voudrais dire quelques mots sur SAN REMO, dont nous constatons l'inadéquation. Il faut qu'à cette démarche sans doute trop technique succède une véritable démarche d'évaluation du coût global de l'étudiant, de toute la dimension des services et des moyens qu'il requiert dans l'université. Nous devons entamer cette démarche de type observatoire, sous la responsabilité des universités, en relation avec la direction des enseignements supérieurs et les organismes parlementaires. Nous avons besoin de points de repère.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Aujourd'hui, vous n'avez pas les moyens d'évaluer le coût global d'un étudiant ?

M. Pierre-Yves Hénin : Nous pourrions progresser assez vite.

M. Bernard de Montmorillon : Quatre ans, c'est trop court, le contrat devrait durer cinq ou six ans.

M. Yves Deniaud, Président : Les CPER durent sept ans.

M. Bernard de Montmorillon : C'est peut-être un peu long. J'ai eu la chance de conduire deux contrats. Concrètement, la négociation a lieu dans le bureau du directeur de l'enseignement supérieur, et on passe une heure à discuter du taux d'augmentation par rapport au précédent budget. Si on gagne 25 %, on est content, on l'est moins si l'on ne gagne que 12 %, et pas du tout si on ne gagne que 5 %. De surcroît, l'objectif du contrat n'est pas de financer de manière récurrente l'université, mais de financer des projets ponctuels et des projets novateurs.

Que ce soit 30 % ou 70 % n'est finalement pas le fond du problème : ce qui compte, c'est de savoir comment passer d'une dotation misérable par étudiant, à une dotation raisonnable.

Quant à l'évaluation, franchement, j'ai eu l'impression qu'elle ne servait à rien.

M. Alain Claeys, Rapporteur : C'est l'évaluation actuelle qui ne sert à rien ?

M. Bernard de Montmorillon : Mon propos a été excessif. Sur le principe nous sommes d'accord avec l'évaluation. C'est le processus de l'évaluation qui est trop lourd et trop récurrent.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Si l'évaluation réalisée par les services de l'État ne sert à rien, vous êtes-vous dotés de moyens internes d'évaluation ?

M. Yves Deniaud, Président : Et quel système serait souhaitable ?

Mme Nicole Le Querler : L'évaluation en fin de contrat ne suffit pas, mais le principe d'évaluation, qui nous conduit à nouveau à la LOLF, est absolument essentiel - évaluation des enseignants-chercheurs, mais aussi évaluation de la politique de gestion, de la politique de ressources humaines, de la politique scientifique, etc. Si l'évaluation dans les universités est bien menée, et nous permet de recevoir plus d'argent, nos universités progresseront.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Avez-vous été associés au projet de l'Agence nationale d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur ?

M. Pierre-Yves Hénin : Je ne participais pas directement à ces réunions, mais je sais que le bureau de la CPU a suivi ces points, et a insisté pour que cette instance d'évaluation soit élargie à l'enseignement supérieur. Un certain nombre de pistes, que nous partageons, sont envisagées.

Une question importante est celle du retour de l'évaluation, en termes d'image, de moyens, d'attractivité de l'établissement, de communication des établissements.

M. Yves Deniaud, Président : Tout le monde s'accorde sur la nécessité d'augmenter les moyens des universités, surtout lorsque l'on se compare à certains pays voisins. En revanche, si nous sommes les champions dans le secteur de l'enseignement secondaire, la Cour des comptes a relevé que la hausse conséquente des moyens consacrés à chaque lycéen ne s'était pas traduite par une amélioration proportionnelle des résultats.

Comment pouvez-vous nous assurer qu'un effort comparable pour l'enseignement supérieur portera ses fruits ?

Mme Simone Bonnafous : Pour les résultats, la LOLF peut être un outil intéressant et utile qui permettra de décrire nos établissements, d'argumenter sur leurs forces.

M. Alain Claeys, Rapporteur : La direction de l'enseignement supérieur ne vous noie-t-elle pas sous les indicateurs ?

Mme Simone Bonnafous : C'est une question que je ne mesure pas encore bien mais je ne comprends pas pourquoi on aurait besoin d'indicateurs différents pour le contrat et pour la LOLF. Personnellement, je me contenterais bien de renseigner précisément les indicateurs LOLF, avec quelques pages complémentaires, denses et politiques, sur les caractéristiques de mon université, les objectifs, les moyens de mesurer les résultats, et quelques explications sur le contexte de mon établissement.

Actuellement, je pense qu'il y a une « routinisation » des contrats que l'on rédige en fonction de ce qu'attendent le ministère et la direction - mais c'est ma vision de présidente débutante...

M. Pierre-Yves Hénin : La LOLF est théoriquement un moyen d'accompagnement de l'autonomie, mais elle est dans la pratique vécue comme un dispositif de recentralisation. Nous avons dû répondre dans l'urgence à des circulaires de mise en place qui arrivaient parfois la veille de la présentation de notre budget.

Nous sommes par ailleurs invités à avoir une démarche stratégique, alors que finalement notre démarche, au travers des questionnaires, est très administrative. Il est possible que ce soit le point incontournable de la mise en place du système d'information.

Je voudrais également mettre en garde les destinataires des projets annuels de performance contre le caractère conventionnel de toute une partie du dispositif. Nous devons procéder à des affectations de dépenses ou de ressources entre des missions, et nous savons par exemple qu'en matière de coût d'enseignant-chercheur ou d'enseignement doctoral, nous sommes en contradiction avec les textes statutaires. Cela a-t-il un sens de construire un indicateur comme si le rapport Belloc régissait aujourd'hui la répartition des tâches dans les universités, comme s'il définissait les obligations des personnels ? L'ambiguïté est totale, d'où le caractère conventionnel d'un certain nombre de remontées. Le poids de l'effort de recherche national par rapport à l'effort national de formation est très largement dicté par l'idée que l'on se fait du temps recherche ou du temps pédagogique, et de la manière dont on va remplir les questionnaires.

Objectivement, cela est très difficile, et nos marges de progression sur ce point sont très contraintes par des problèmes politiques, statutaires et syndicaux.

Enfin, la LOLF est un point d'appui fort en termes de modernisation et de prise de conscience. C'est le rôle des indicateurs, et de la LOLF en tant que moyen d'amélioration de la qualité des comptes.

Par exemple, la notion de budget limitatif peut amener un juge d'instruction à ne pas pouvoir diligenter toutes les enquêtes qu'il aurait souhaitées. Dans notre culture, faire reconnaître cette notion de budget limitatif relève d'une démarche pédagogique. En matière d'hygiène et de sécurité, une jurisprudence veut que la responsabilité du chef d'établissement ne soit pas exonérée par l'absence du budget qui lui aurait permis de procéder aux modifications requises par une commission de sécurité. Nous avons bien là un vrai paradoxe.

J'en profite pour rebondir sur les contrats : quel dispositif allons-nous avoir pour continuer à accompagner les problèmes et les besoins en matière de sécurité ?

M. Pierre Méhaignerie : Nous partageons votre avis sur la LOLF : l'excès d'indicateurs risque selon nous de conduire à la bureaucratisation du système et tuer l'esprit de responsabilité et de flexibilité sur le terrain, ce qui serait le résultat inverse de ce que l'on en attendait. C'est pourquoi la commission des Finances, à l'unanimité, a demandé au Gouvernement de rectifier le tir avant la fin de l'année.

Si vous aviez un espoir à formuler en venant ici, quel serait-il ?

M. Bernard de Montmorillon : Que les députés et le personnel politique prennent conscience de l'urgence d'une réforme de notre système d'enseignement supérieur et de recherche, car c'est le vecteur de l'introduction de notre pays dans l'économie tertiaire qui s'impose partout. Il n'y a pas d'autre vecteur que des universités autonomes et puissantes au service de la Nation.

M. Pierre Méhaignerie : Je vous demande de faire un autre pas. Le Premier ministre luxembourgeois, présidant le Conseil européen, a dit : « Ne me dites pas ce que je dois faire, je le sais. Dites-moi comment le faire ».

M. Pierre-Yves Hénin : La question du « comment » est aujourd'hui dramatique. J'espère que l'on saura porter la réforme des universités, et qu'elle ne se transformera pas en conflit de type CPE, parce que la classe politique n'aura pas su la mener.

Nous savons que les réticences sont fortes, qu'elles se sont mobilisées autour du conflit actuel, et qu'il faudra faire un gros travail de cicatrisation avant de pouvoir avancer. Je crains fort que nous n'ayons du coup perdu un certain nombre d'années.

Mme Simone Bonnafous : Plus de moyens et plus de souplesse, sans forcément faire des révolutions.

Au bout d'un mois, je n'en suis pas encore à parler d'autonomie avec un grand A, mais à demander plus de moyens et de souplesse. Je crois qu'on peut lever un certain nombre de verrous techniques, sans obligatoirement faire une loi supplémentaire.

Je reviens à la LOLF. On peut nous aider à lancer des stratégies, et à ne pas nous ridiculiser quand, par exemple, nous demandons à nos collègues de progresser dans les techniques d'information appliquées à l'enseignement, alors que nous ne pouvons payer que des cours en face-à-face. Certains enseignants préfèrent partir dans le privé où les modes d'indemnisation sont plus souples.

Cela étant, je crois à l'outil stratégique que peut être la LOLF si elle n'est pas bureaucratisée.

Mme Nicole Le Querler : La LOLF est un fantastique outil d'amélioration de la gestion des universités. Nous avons commencé à l'appliquer dès le budget 2005. En 2006, nous avons consolidé ce que nous avions fait, ce qui nous a permis de vraiment progresser.

Sur le « comment », j'aurais une proposition. La création du comité d'initiative et de propositions a été une réussite pour la recherche, et a abouti aux États généraux de la recherche qui ont largement inspiré la loi que vous avez votée, et qui est une bonne loi. Je souhaite que, de même, une réflexion soit menée sur les universités, l'enseignement supérieur et la recherche, en association avec tous les partenaires - étudiants, enseignants-chercheurs, présidents d'universités, etc. - afin d'aboutir à une loi.

M. Pierre Méhaignerie : Et si l'on vous dit que la loi sur la recherche est une usine à gaz du fait du trop grand nombre de structures ?

Mme Nicole Le Querler : Il faut enlever des structures, mais il faut aussi une réforme des universités. Il y a de bonnes choses dans cette loi.

M. Pierre Méhaignerie : On n'est pas allé jusqu'au bout de la logique, c'est tout.

Mme Nicole Le Querler : Mais c'est mieux que de n'avoir rien fait.

M. Bernard de Montmorillon : La loi sur la recherche a été porteuse de beaucoup d'évolutions qui vont dans le bon sens, mais l'empilement des instances peut être dangereux et la tendance à créer de nouvelles écoles en dépeçant les établissements originaires des laboratoires regroupés est risquée.

M. Yves Deniaud, Président : Je vous remercie de la qualité de vos réponses et de la franchise de vos interventions.

Auditions du 6 avril 2006

a) 9 heures : M. Pierre Dumaz, Président de l'Association des agents comptables d'université, et agent comptable au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM).

Présidence de M. Yves Deniaud

M. Alain Claeys, Rapporteur : Dans les universités, les fonctions d'ordonnateur et de comptable sont-elles distinctes ou mêlées ?

M. Pierre Dumaz : La question est assez classique. L'université, établissement public, est soumise au décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique qui prévoit la séparation de l'ordonnateur et du comptable. La pratique est conforme à la théorie, même s'il arrive que l'agent comptable assure des tâches pour le compte de l'ordonnateur lorsqu'il est chargé de la gestion des services financiers de l'université. Le décret du 14 janvier 1994 et l'instruction budgétaire et comptable M 9-3, qui régissent les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, les EPSCP, prévoient explicitement que l'agent comptable puisse être nommé chef des services financiers ; il exerce alors certaines missions pour le compte de l'ordonnateur, uniquement dans le cadre de la préparation budgétaire, sans que cela mette fin à la séparation de l'ordonnateur et du comptable.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Beaucoup d'établissements sont-ils organisés de la sorte ?

M. Pierre Dumaz : Dans 60 à 70 % des établissements, l'agent comptable est chef des services financiers.

Les fonctions de l'agent comptable chef des services financiers sont assez difficiles à cadrer. Le plus aisé est de les définir en négatif : il ne peut signer ni un bon de commande, ni un marché public, ni un mandat. Mais que fait-il ? Il liquide les factures et émet les mandats. Moins fréquemment, il apporte à l'ordonnateur une aide technique à la décision dans le cadre de la préparation du budget annuel. Il arrive enfin que le service des achats et marchés publics lui soit rattaché.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Les universités optent-elles pour cette formule en fonction de l'importance de leur budget ?

M. Pierre Dumaz : Pas forcément. Ces dernières années, de très grosses universités ont fait ce choix, mais d'autres maintiennent la dualité entre chef du service financier et agent comptable.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : La Cour des comptes n'a pas pris position en faveur ou en défaveur du cumul. Celui-ci peut parfois poser problème mais c'est aussi le cas de l'absence de cumul. Tout est affaire de personnes et d'organisation : la Cour insiste très régulièrement sur la nécessité du professionnalisme de la fonction financière, par exemple sur la capacité de prévision à long terme des états emplois-ressources, assez rarement assurée dans les universités, quoique absolument vitale. Il faut réagir avec pragmatisme.

Les agents comptables des universités sont-ils préparés à la gestion prévisionnelle ?

La comptabilité analytique progresse-t-elle dans les universités ? Votre association s'en soucie-t-elle ? Procédez-vous à des échanges d'expériences ? Développez-vous des logiciels ? Recevez-vous une aide de la direction de l'enseignement supérieur ?

M. Pierre Dumaz : L'enseignement supérieur et plus largement l'Éducation nationale souffrent d'un problème de manque de compétences financières et comptables. C'est d'ailleurs pourquoi des universités sont tentées par la formule de l'agent comptable chef des services financiers. Les agents comptables d'université sont pour le moment - une réforme est en cours - recrutés selon deux voies : 20 à 25 % d'entre eux appartiennent au corps des conseillers d'administration scolaires et universitaires, les CASU, ou des attachés principaux de l'éducation nationale ; 75 à 80 % sont originaires de la direction générale de la comptabilité publique. Hormis celle de conseiller d'administration, il n'existe pas de formation financière et comptable des cadres de l'Éducation nationale, pas plus dans le supérieur que dans le secondaire.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Le ministère n'y réfléchit-t-il pas ?

M. Pierre Dumaz : Si, mais davantage dans le cadre de la formation continue que dans celui de la formation initiale, surtout pour le personnel d'encadrement, notamment à l'École supérieure de l'éducation nationale, l'ESEN, et à l'Agence de mutualisation des universités et établissements de l'enseignement supérieur, l'AMUE.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Ces stages sont-ils suivis ?

M. Pierre Dumaz : Oui : à un stage récent sur la M 9-3 et la qualité comptable, vingt-cinq à trente universités étaient représentées, y compris des ordonnateurs.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Les agents comptables ont-ils l'obligation de suivre des stages de ce type ?

M. Pierre Dumaz : Non.

M. Yves Deniaud, Président : Quelle est l'origine des directeurs financiers ? Pouvez-vous estimer leur niveau de compétence ou d'incompétence ?

M. Pierre Dumaz : Certains sont détachés de la comptabilité publique ou d'autres ministères mais la plupart des recrues sont des CASU. En dépit de la faiblesse de la formation initiale du ministère de l'éducation, ils développent leurs compétences sur le terrain et grâce à la formation continue.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Que proposeriez-vous ?

M. Pierre Dumaz : Il conviendrait de réfléchir à une formation financière et comptable initiale, en particulier dans les instituts régionaux d'administration, les IRA, dont proviennent maintenant presque tous les nouveaux attachés.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Votre association évoque l'isolement des agents comptables dans l'université. Pouvez-vous nous en dire plus ?

M. Pierre Dumaz : Je ne crois pas que nous soyons isolés mais il est certain que nous ne recevons aucune aide extérieure.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Quelles sont vos relations avec les secrétaires généraux ?

M. Pierre Dumaz : Tout dépend des hommes : sans une bonne entente avec le secrétaire général et le président, la notion d'agent comptable chef des services financiers est inconcevable.

M. Alain Claeys, Rapporteur : À la première page de votre site Internet, vous employez le terme « isolement ».

M. Pierre Dumaz : Je plaide coupable : notre site Internet n'a pas été remis à jour depuis longtemps ! Je n'adhère pas à cette expression, mais il est vrai que nous sommes isolés de l'extérieur, le soutien de la comptabilité publique et des rectorats étant extrêmement faible.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Faible ou nul ?

M. Pierre Dumaz : Pour rester mesuré, je dirai « faible », mais cela va parfois au-delà... Les rectorats n'ont pas les compétences nécessaires pour effectuer un contrôle de légalité, notamment lors de la transmission des budgets.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Le recteur, chancelier des universités, s'intéresse-t-il à leur gestion ?

M. Pierre Dumaz : Cela dépend des rectorats. La plupart se préoccupent des questions financières et budgétaires mais, sur les trois rectorats de la région parisienne dans le ressort desquels j'ai exercé, deux s'en désintéressaient totalement.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Où en est la mise en place de la comptabilité analytique dans les universités ? Quelle appréciation portez-vous sur les outils informatiques ?

M. Pierre Dumaz : Les deux questions sont liées. La comptabilité analytique commence à être mise en place dans quelques établissements. C'est le cas du mien, le Conservatoire national des Arts et métiers, qui y a été poussé non par la direction de l'enseignement supérieur mais par des organismes extérieurs, notamment la Fédération de la formation professionnelle. Le monde universitaire en est aux balbutiements mais des avancées sont enregistrées : l'AMUE a mis sur pied un groupe de travail qui éditera fin juin un guide de la comptabilité analytique destiné à être suivi dans trois établissements expérimentateurs.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Ce guide est-il accompagné d'outils informatiques et, si oui, qui les développe ? Vous débrouillez-vous seuls ou recevez-vous un kit adaptable ?

M. Pierre Dumaz : Il n'existe pas de système d'information budgétaire et comptable unifié mais une myriade de petits systèmes particuliers et deux progiciels principaux.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Ces engins sont-ils compatibles, afin de permettre une consolidation ?

M. Pierre Dumaz : Bien sûr que non ; j'y reviendrai.

Le premier progiciel, JEFYCO, a été développé par un consortium d'une soixantaine d'universités. Le second, NABUCO - Nouvelle approche budgétaire et comptable -, utilisé par une trentaine d'universités, conçu en 1995, ne donne plus satisfaction, notamment sur le plan de l'ergonomie. Le processus ouvert il y a un ou deux ans pour trouver le remplaçant de NABUCO a été stoppé puisque les quatre solutions retenues par l'AMUE ont été écartées par la commission d'appel d'offres.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : L'AMUE, sur cette affaire, travaille-t-elle avec l'Agence de l'informatique de l'État, pour assurer l'interaction avec les autres systèmes d'information nationaux ?

M. Pierre Dumaz : Je ne crois pas. Un des progiciels qui avaient été sélectionnés était du reste compatible avec l'Application coordonnée de comptabilisation, d'ordonnancement et de règlement de la dépense de l'État - ou ACCORD LOLF. L'incompatibilité est double : entre les progiciels et avec nos tutelles.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Le processus a-t-il été relancé ?

M. Pierre Dumaz : L'AMUE a écrit à l'ensemble des établissements pour connaître leurs souhaits.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Pourquoi l'appel d'offres a-t-il été arrêté ?

M. Pierre Dumaz : Une première solution, un progiciel intégré à spectre large, tout à fait compatible avec ACCORD LOLF, nécessitait qu'un nombre élevé d'établissements choisisse ce produit et que le ministère accepte de financer son développement.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Et ces deux conditions préalables n'étaient pas remplies ?

M. Pierre Dumaz : Le ministère a fait subtilement comprendre que le financement serait prélevé sur les crédits des établissements et la commission d'appel d'offres n'a pas voulu courir le risque de ne voir qu'une quinzaine d'établissements choisir cette solution.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Je suppose qu'une concertation avait eu lieu avec les universités.

M. Pierre Dumaz : Le directeur de l'AMUE a reconnu qu'il n'aurait pas été inutile de sonder les universités en amont.

M. Alain Claeys, Rapporteur : D'où proviennent les blocages ? Les universités ont-elles la volonté de se doter d'un outil commun ?

M. Pierre Dumaz : Un outil performant, oui ; un outil commun, non.

M. Alain Claeys, Rapporteur : La direction de l'enseignement supérieur pousse-t-elle à une solution commune ?

M. Pierre Dumaz : La question est délicate, car les établissements sont autonomes.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Certes, mais ce sont des opérateurs publics au sens de la LOLF ; ils ont par conséquent obligation de justifier leurs dépenses au premier euro et de remplir les cases des indicateurs. La direction de l'enseignement supérieur doit s'assurer qu'ils possèdent tous les outils nécessaires pour remplir ces cases et procéder aux consolidations indispensables pour mesurer l'efficacité globale du système universitaire. Est-ce le cas ?

M. Pierre Dumaz : Je ne suis pas convaincu qu'il faille entrer dans ces considérations.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Nous le sommes !

M. Pierre Dumaz : Il faut tenir compte du fait que les universités n'ont pratiquement pas participé à la préparation des projets annuels de performance, les PAP.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Pour quelle raison ?

M. Pierre Dumaz : Sans doute parce que c'était la première année. Sur le programme 231, « Vie étudiante », le ministère a omis de consulter les établissements et, en décembre, la direction de l'enseignement supérieur nous a donné pour consigne, contre toute logique, de n'y imputer que les frais de personnel correspondant aux infirmières et aux assistantes sociales, à l'exclusion des agents de restauration ou d'animation.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Comment sortir de ce problème d'informatisation ?

M. Pierre Dumaz : Les universités, par rapport à d'autres catégories d'établissements publics, étaient en avance. NABUCO permettait un suivi par destination et, lorsque l'arrêté de décembre 2005 a imposé que les destinations des établissements correspondent aux actions du ministère, nous nous sommes adaptés. En ce qui concerne les dépenses directes des établissements, NABUCO et les autres logiciels existants permettent de satisfaire aux remontées. Je n'en dirai pas de même de la gestion prévisionnelle des ressources humaines, à cause des systèmes d'information mais également de l'organisation du système : les établissements ne rémunèrent pas eux-mêmes leurs personnels et ces derniers ne peuvent être affectés qu'à une seule action alors qu'un enseignant-chercheur, par exemple, fait de l'enseignement, de la recherche, de la gestion voire du pilotage.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Avec une comptabilité analytique, sauriez-vous ventiler ces activités ?

M. Pierre Dumaz : Au CNAM, nous le faisions. Depuis 1953, le CNAM bénéficiait d'une dérogation pour rémunérer l'ensemble de ses personnels, fonctionnaires compris, et, à partir de 1994, il a fallu répartir le temps de travail entre les actions. Malheureusement, depuis le 1er janvier 2006, à cause de la LOLF, le paiement des personnels ne nous est plus dévolu ; notre comptabilité analytique a reculé et nous avons perdu des éléments de connaissance de l'établissement !

M. Michel Bouvard, Rapporteur : La loi organique n'a créé aucune obligation à cet égard : vous aviez la possibilité de passer une convention de gestion. Je le précise car la LOLF est chargée de tous les maux. Nous veillons à ce que notre enfant grandisse sans être trop perturbé.

M. Pierre Dumaz : Pour revenir au remplacement de NABUCO, nous attendons de connaître la solution que choisira l'Agence. NABUCO permet un embryon de comptabilité analytique mais ce n'est pas un vrai outil de comptabilité analytique.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Le comptable est-il isolé par rapport aux unités de formation et de recherche, les UFR, de son université ?

M. Pierre Dumaz : La séparation de l'ordonnateur et du comptable est positive, mais il faudrait adapter certains textes réglementaires à l'enseignement supérieur, notamment ceux concernant les frais de mission et les marchés publics.

La loi de 1984 laisse au président de l'université la possibilité de nommer ordonnateurs secondaires les responsables d'UFR. Quand cette formule est retenue, nous avons avec eux les mêmes relations qu'avec le président.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : L'agent comptable appréhende-t-il la totalité du budget de son université, sachant que les établissements, pour gagner en souplesse de gestion, ont tendance à créer des associations et à prendre des participations dans diverses structures ?

Les universités ont-elles tiré les conclusions des gros investissements immobiliers des contrats de plan État-régions, qui ont généré des charges de fonctionnement et de réparation ?

Quel intérêt le président de l'université accorde-t-il au travail de l'agent comptable ?

M. Pierre Dumaz : Les effets des investissements immobiliers n'ont pas toujours été pris en compte : des mètres carrés de locaux étaient construits sans prévision des coûts de fonctionnement ni des effectifs d'étudiants susceptibles de les occuper. Le phénomène n'a pas totalement disparu mais la prise de conscience est nette car de plus en plus d'établissements rencontrent des difficultés pour boucler leur budget. Au demeurant, tous les établissements ne possèdent pas un progiciel - gestion de maintenance assistée par ordinateur - et peu d'entre eux connaissent parfaitement l'étendue et la qualité de leur patrimoine.

Le terme « isolement » est inadapté mais, dans certains établissements, c'est une réalité.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Des agents comptables sont au placard ?

M. Pierre Dumaz : Oui, mais de moins en moins. Même lorsqu'il n'est pas chef des services financiers, l'agent comptable doit assurer sa fonction de conseil.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Ce conseil est-il recherché de la part du président ou celui-ci s'en moque-t-il ?

M. Yves Deniaud, Président : Dans les universités, la gestion financière est-elle au mieux un mal nécessaire, au pire une fonction ignorée ?

M. Pierre Dumaz : Oh non !

M. Alain Claeys, Rapporteur : Beaucoup d'universités possèdent-elles un contrôleur de gestion ? Comment ces derniers cohabitent-ils avec l'agent comptable ?

M. Pierre Dumaz : Un tiers des universités ont un contrôleur de gestion. Mon association, par le passé, en a beaucoup débattu, mais c'est maintenant un combat d'arrière-garde. Le contrôleur de gestion ne doit pas être rattaché à l'agent comptable et encore moins à l'agent comptable chef des services financiers. Le contrôle de gestion ne se résume pas aux finances mais couvre aussi les ressources humaines. Le comptable public est un fournisseur de données pour le contrôleur de gestion et peut le faire profiter de sa connaissance du fonctionnement financier de l'établissement.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous semblez être dubitatif sur l'avenir de la fonction d'agent comptable.

M. Pierre Dumaz : Absolument pas : cette fonction est utile pour les établissements et mérite d'être maintenue. En matière de gestion et de gouvernance, les universités partent de très loin mais la plupart d'entre elles s'efforcent désormais de professionnaliser les fonctions.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Avez-vous une vision de la totalité des flux financiers passant par les structures détachées comme les associations et les filiales, et les UFR ?

M. Pierre Dumaz : Nous avons une vision à peu près correcte de ce qui se passe dans les UFR, mais il n'y a aucun contrôle des satellites.

M. Yves Deniaud, Président : Estimez-vous que cette tendance à créer des associations revient à démembrer le service public ?

M. Pierre Dumaz : Absolument. Mais la loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche a donné naissance aux services d'activité industrielle et commerciale, les SAIC, et il en existe dans 20 à 30 % des établissements. Cela a permis à plusieurs très grosses universités de faire disparaître leurs associations et de rapatrier leurs activités dans les SAIC mais ce mouvement reste marginal. Cette loi a en outre incité les établissements à progresser dans le domaine de la comptabilité analytique, pour des motifs fiscaux.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Les outils de la loi de 1999 permettent-ils à une université de piloter l'ensemble de ses activités sans se doter de structures associatives ?

M. Pierre Dumaz : Deux obstacles réglementaires de taille subsistent, concernant les frais de mission et les marchés publics. Le problème du recrutement des personnels, en revanche, est réglé.

M. Alain Claeys, Rapporteur : La gestion des crédits européens pose-t-elle problème ?

M. Pierre Dumaz : Faute de moyens humains et de compétences pour participer correctement aux appels d'offres, les universités françaises n'en décrochent pas suffisamment.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Elles manquent d'ingénierie.

M. Pierre Dumaz : Tout à fait. Les programmes européens, comme les SAIC et la LOLF, imposent l'établissement d'une comptabilité analytique.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les comptes de l'université, en l'état, ne sont pas certifiables ; or certaines d'entre elles vont devoir les faire certifier, essentiellement pour ce qui concerne la consolidation des filiales. Votre association a-t-elle réfléchi à la question ?

M. Pierre Dumaz : LOLF et qualité comptable sont étroitement liées. Très peu d'EPCSCP seront en mesure de faire certifier leurs comptes. La qualité comptable dépend du travail de l'ordonnateur, de la pertinence des amortissements et des provisions ainsi que du rattachement des charges et produits à l'exercice, qui est très rare. Nous nous soucions de la certification même si tout le monde essaie d'échapper à la loi du 1er août 2003 de sécurité financière, souvent avec succès !

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Elle a pourtant été promulguée !

M. Pierre Dumaz : Seules trois solutions sont possibles pour la certification : celle des trésoriers payeurs généraux, qui requerrait un développement des moyens mis à leur disposition ; celle de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes ; celle des commissaires aux comptes privés. Ce sera en tout cas une opération de longue haleine.

La certification peut être utile pour la remontée des informations des opérateurs vers les ministères mais aussi pour la « circularisation ». Les créances des universités et des autres établissements publics nationaux ne sont pas toutes répertoriées parmi les dettes dans le budget de l'État. Le futur département comptable ministériel, le DCM, pourra se pencher sur la question.

M. Yves Deniaud, Président : Je vous remercie pour ces informations éclairantes mais peu rassurantes, le tableau de la gestion financière des universités n'étant guère lumineux.

b) 10 heures : M. Gilbert Béréziat, ancien Président de l'université Paris VI - Pierre-et-Marie-Curie

Présidence de M. Yves Deniaud

M. Alain Claeys, Rapporteur : Nous souhaitons vous interroger à propos des contrats et de l'évaluation, d'une part, et de la gouvernance, d'autre part. S'agissant du premier point, vous avez estimé qu'il n'y a pas d'évaluation mais de la surveillance et que vous avez eu la chance de travailler dans un établissement où la dotation ne représentait que 9 % du budget. La place des contrats est-elle suffisante partout ? Quelle appréciation portez-vous sur l'évaluation dans l'université ?

M. Gilbert Béréziat : Vous connaissez le jugement sévère que je porte sur le monde politique français qui méprise l'université, mais je constate que le Premier ministre et le ministre de l'Éducation nationale actuels sont de purs produits de l'université !

Le budget annuel de l'Université Paris VI est de 100 millions d'euros, mais si l'on inclut les salaires, il est de près de 400 millions, voire 600 millions si l'on inclut ceux des personnels des organismes de recherche. Par rapport à Berkeley, le rapport des financements est par conséquent de un à trois ou quatre plutôt que de un à sept ou dix. La dotation globale de fonctionnement n'est que de 8 millions d'euros par an (soit moins de 10 % du budget annuel) et le contrat avec l'État de 28 millions d'euros par an (soit le quart du budget annuel). Plus de la moitié du budget est donc constituée de ressources propres. Nous disposons de 40 millions d'euros de trésorerie, son volume nous est d'ailleurs reproché par la Cour des comptes ! C'est le fruit de l'histoire. Depuis une quinzaine d'années, les universités peuvent maîtriser leur trésorerie si elles le veulent, l'UPMC l'a fait.

Mais les marges de pilotage financier du président ne sont pas très claires et le problème est renforcé par la LOLF : des instruments de contrôle sont créés alors que nous attendons les instruments de pilotage.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Ce n'est pas l'esprit de la LOLF.

M. Gilbert Béréziat : Vous connaissez la différence entre les textes et la façon dont ils sont interprétés. La Cour des comptes, dans son rapport relatif à l'université Paris-VI, reproche à la gouvernance de l'université d'être avant tout politique ! Avec un nouveau président tous les cinq ans, quand une réforme est mise en route, il n'est pas sûr qu'elle aille à son terme.

L'université Paris-VI se caractérise par un pouvoir central fort car, depuis les années soixante-dix, elle s'est assise sur une tradition assez jacobine : c'est le fruit d'un compromis historique initial entre une tradition soviétique et une tradition gaulliste, la partie plus rêveuse de l'ancienne faculté des sciences ayant donné naissance à Paris-VII. Évidemment, ce schéma a beaucoup évolué depuis lors. Le Comité national d'évaluation, le CNE, a beau regretter que les conseils soient des chambres d'enregistrement, c'est indispensable pour que la présidence puisse fonctionner correctement. Les conseils de Paris-VI n'ont jamais autant voté que durant ma présidence et mes propositions ont toujours obtenu 70 % des suffrages : j'arrivais avec quinze procurations et je n'ai été mis en minorité que quand j'ai tenté d'augmenter les tarifs de la restauration universitaire. Résultat : certains élus se sentent frustrés car ils croient que la parole est reine.

L'atout considérable des présidents est qu'ils sont élus par la communauté universitaire, étudiants compris, et que leur mandat n'est pas renouvelable, ce qui les met à l'abri des états d'âme. Je suis d'ailleurs défavorable à la concomitance entre l'élection des présidents et celle des conseils. En outre, j'interdisais au conseil d'administration d'aller à l'encontre des décisions du conseil scientifique et du conseil des études.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Êtes-vous favorable au renouvellement du mandat de président ?

M. Gilbert Béréziat : La première mesure à prendre devrait être de supprimer la limite d'âge de soixante-cinq ans, pure stupidité. À l'étranger, les meilleurs présidents d'universités sont ceux qui ont de la bouteille. Un mandat de cinq ans est court pour mener une politique de réformes. À l'université Pierre-et-Marie-Curie, nous y sommes allés à marche forcée : il faut se faire élire avec des idées, les mettre sur les rails presque immédiatement et les appliquer en deux ans ; ensuite, c'est trop tard. Plutôt que d'autoriser son renouvellement, la solution serait d'allonger le mandat du président d'un ou deux ans. D'autant que le décalage avec l'État pour la mise en œuvre du contrat de développement est hallucinant : le nôtre était prêt en novembre 2003 mais nous n'avons commencé à négocier qu'un an et demi après.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous opposez-vous résolument à la concomitance de l'élection du président et des conseils ?

M. Gilbert Béréziat : Absolument. Leurs rôles ne sont pas identiques. Si un président fait une bonne politique, même si elle bouscule un peu l'institution, il conservera la majorité aux conseils dans des élections intermédiaires. C'est ce qui s'est passé à l'UPMC en 2002, un après mon élection, et en 2006, juste après mon départ alors qu'une frange de l'université avait déclenché une violente campagne pour obtenir un retour en arrière.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Que faut-il pour que les conseils ne soient plus des chambres d'enregistrement ?

M. Yves Deniaud, Président : Vous avez d'ailleurs laissé entendre que ce n'était pas plus mal ainsi...

M. Gilbert Béréziat : J'ai une conception gaullienne : le gouvernement gouverne et les chambres discutent. Les propositions des conseils sont toujours affadies ; il est préférable que la direction ait l'initiative et que la majorité prenne ses responsabilités. Un gouvernement fort peut très bien coexister avec des élus. Mon équipe présidentielle était composée aux trois quarts par des élus, à tel point que des responsables locaux du SNESup (mon syndicat) ont demandé aux candidats de prendre l'engagement de ne pas participer à la future direction, pour assurer la séparation des pouvoirs. Ils ont été battus au sein du syndicat. L'articulation entre la présidence et les conseils est naturelle si le président prend la précaution de faire monter aux affaires une partie des élus.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Quelles ont été vos relations avec les UFR ?

M. Gilbert Béréziat : L'organisation de l'université française est incompréhensible. Dès mon élection, je me suis attelé à créer Paris Universitas car, à l'étranger, je n'étais pas perçu comme un président d'université, mais comme une sorte de doyen. Nous n'avons aucune visibilité internationale ! Pourtant, si le président d'université fait l'effort de se saisir de ses responsabilités, il peut faire avancer les projets.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Ce n'est pas vrai dans toutes les universités.

M. Gilbert Béréziat : Parce que certains présidents s'en gardent bien et que la communauté universitaire l'accepte, mais pour quels résultats !

M. Alain Claeys, Rapporteur : Le président d'université a-t-il des marges de manœuvre suffisantes ?

M. Gilbert Béréziat : Dans les grandes universités de recherche, oui en interne, mais pas par rapport à l'État pour les problèmes macro-économiques.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Y compris par rapport aux doyens de faculté ou aux présidents d'UFR, dont le mandat est renouvelable et qui ont parfois constitué de vraies féodalités ?

M. Gilbert Béréziat : Le débat que j'ai eu avec le CNE a porté sur ce point. Notre université, en matière de recherche, est deux fois plus importante que la deuxième de France. Les doyens et les directeurs d'UFR comptent moins que les directeurs des grands laboratoires. Les UFR ont de surcroît été mises à mal par la réforme LMD. Nous avons appliqué une logique de projet, avec 10 porteurs de projet en licence et 10 en master, qui ont constitué des équipes pédagogiques. Aujourd'hui, nous avons des départements qui collent à chacune des formations de licence et de master.

À Paris VI, il se trouve que le mouvement social actuel a été déclenché trois jours avant les élections générales : celles-ci n'auront pas lieu avant mai, ce qui signifie que les conseils ne se réuniront vraisemblablement pas jusqu'à septembre. L'université ne tourne pas grâce aux directeurs d'UFR - certains portent des pancartes aux côtés des jeunes - mais grâce aux départements de formation, plus proches des préoccupations des étudiants.

Je suis furieux contre la loi sur la recherche, qui, par quête d'un consensus mou, crée des strates supplémentaires au lieu de simplifier le système. Si les pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES, n'entraînent pas à marche forcée des regroupements d'universités dotés de la taille critique et d'un gouvernement économique et politique, ils n'ont aucun sens.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Je peux comprendre que les PRES ne constituent pas la priorité de Paris-VI mais, pour des universités moyennes, ils peuvent favoriser des regroupements et des coordinations utiles.

M. Gilbert Béréziat : Mais le problème majeur des universités est leur manque de visibilité à l'étranger. Lorsque quelqu'un se présentera à un responsable d'une université anglaise comme chef de PRES, on le regardera avec des yeux ronds ! En Californie, il y a en tout et pour tout deux PRES !

M. Alain Claeys, Rapporteur : Il faut tout de même bien fixer un mode opératoire.

M. Gilbert Béréziat : Lille ou Strasbourg n'ont besoin que d'une université. Quatre universités à Bordeaux, c'est de la folie. À Paris centre, deux ou trois universités suffiraient largement. Nous avons initié le mouvement avec Paris Universitas, qui regroupe Paris-VI, Paris-III, Paris-II, Dauphine, l'École des hautes études en sciences sociales et l'École normale supérieure. Le syndicat auquel j'appartiens, dans son bulletin, mentionne les PRES mais ignore Paris Universitas. Les universités de sciences humaines et sociales craignent de tels ensembles, oubliant qu'au Commissariat à l'énergie atomique, la biologie s'est développée parce qu'elle a bénéficié des retombées d'autres disciplines, inondées de financements. Paris-III, Paris-II et même Dauphine n'auront qu'à se féliciter des retombées qu'elles auront si elles se fondent dans une grande université omni disciplinaire. L'UPMC est en train de recréer des facultés ayant un poids identique à chacun de ces trois établissements.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Pouvez-vous nous préciser votre position sur l'évaluation, la surveillance et les conseils ? Quelle devrait être la mission des instances d'évaluation ? Comment la direction de l'enseignement supérieur aide-t-elle les présidents à piloter leur université ?

Quels outils vous manquent pour appliquer la LOLF ?

M. Gilbert Béréziat : Dans les grandes universités anglo-saxonnes et nord-européennes, le rapport numérique entre personnel d'appui et personnel académique est exactement inverse à celui constaté en France : il nous manque des hommes dans les fonctions de gestion et de contrôle. Pour cette année, j'avais demandé au ministère de ne m'accorder aucun poste supplémentaire de professeurs et de créer à la place un nombre égal d'ingénieurs. Nous avons finalement obtenu 15 créations d'enseignants-chercheurs et nous avons ainsi recruté 113 maîtres de conférences et professeurs, mais nous n'avons obtenu la création que de 5 postes d'ingénieurs. Et puis, le système de recrutement des personnels d'appui aux fonctions universitaires est dramatiquement obsolète. Tant que la latitude des universités pour recruter leur personnel administratif et technique ne sera pas équivalente à celle dont ils disposent pour leurs professeurs, ce sera une plaisanterie.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Et le droit de veto du président ?

M. Gilbert Béréziat : Nous n'en avons usé que quatre fois. Le vrai verrou est celui des profils d'emploi - Paris-VI est l'une des rares universités à en jouer - : chaque poste étant profilé sur un laboratoire, avec un programme de recherche et d'enseignement précis, si la proposition de la commission de spécialistes ne correspond pas, le conseil d'administration la rejette. Je ne suis pas favorable au droit de veto. Je note que les commissions de spécialistes ont été réformées par la gauche, dans un sens un peu démagogique. Il faut les réformer en renforçant le nombre de personnalités extérieures à l'université.

La France devrait réinstaurer les facultés car les UFR ont fait leur temps. Chez nous, on les appelle les U : elles ne s'occupent plus que des toilettes. Le retrait du « R » s'impose dans la mesure où 90 % des laboratoires sont mixtes avec l'INSERM ou le CNRS. Quant au « F », il n'a pas résisté à la réforme LMD. Pour les matières éducatives et l'orientation de la recherche, oui si elles le veulent (encore que pour la répartition des budgets de recherche l'État nous mette des bâtons dans les roues). Non en ce qui concerne la gestion et l'immobilier ...

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Toutes les universités n'ont pas été au bout de la logique de la réforme LMD.

M. Gilbert Béréziat : Mais elles peuvent agir sans l'incitation de l'État.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Elles ont donc suffisamment d'autonomie.

M. Gilbert Béréziat : Non. L'université de Moscou est parvenue à construire une bibliothèque, toute seule, en une année, en hypothéquant les terrains. Et combien de temps faut-il à la France pour rénover Jussieu ? C'est une honte !

M. Alain Claeys, Rapporteur : Le désamiantage y est pour quelque chose.

M. Gilbert Béréziat : Mais nous avons besoin de davantage d'autonomie de gestion. Il faut accepter la logique démocratique jusqu'au bout : le contrôle doit intervenir a posteriori, quitte à ce que les responsables commettent des erreurs.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : C'est la logique de la LOLF.

M. Gilbert Béréziat : Nous avons beaucoup résisté aux interventions ministérielles lors de la réforme LMD. Nous avons reçu une avalanche de critiques de la part de la mission scientifique, technique et pédagogique, la MSTP, et des « reçus-collés » de la recherche, mais notre politique était simple : un minimum de co-accréditations. Nous ne saurons que dans trois ans si nous avions raison, en mesurant la variation du nombre d'étudiants et celle du niveau. C'est aussi ce fait que l'État doit accepter.

Notre pays, au nom de l'égalitarisme, dénie aux universités un droit qu'il accorde aux écoles : les écoles sont classées tandis que les universités n'en ont pas le droit. C'est stupéfiant et grave car il faut accepter qu'un jeune brillant en mathématiques ou en physique soit accueilli dans un établissement susceptible de l'amener au plus haut niveau. Toutes les universités, réparties sur le territoire national, n'ont pas la même fonction sociale mais il faut permettre à chaque jeune de parvenir à son niveau d'excellence grâce à des coopérations entre établissements. Nous professionnalisons les licences autant que nous le pouvons mais je vois mal des industries pétrochimiques s'installer au bord de la Seine ; des jeunes ayant commencé leurs études dans notre université gagneraient beaucoup à entreprendre un master ailleurs. J'ai refusé de créer un master de bioinformatique à Paris-VI car je pensais que nous n'en avions pas les moyens et j'ai proposé un pacte au président de l'université d'Évry mais il a malheureusement refusé. Voilà ce qu'il faut encourager et je ne pense pas que les PRES constituent une réponse adaptée.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Et l'évaluation ?

M. Gilbert Béréziat : Nous sommes surveillés, et non évalués. La Cour des comptes, venue effectuer un contrôle de gestion, nous a fait perdre des heures en examinant parallèlement notre gouvernance.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Elle contrôle la légalité mais joue aussi un rôle de conseil.

M. Gilbert Béréziat : Soit les magistrats viennent contrôler nos comptes, soit ils viennent discuter de notre politique. Ne mélangeons pas les genres.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Aux termes de l'article L. 135-1 du code des juridictions financières, « Les observations, les suggestions d'amélioration ou de réforme portant sur la gestion des services, organismes et entreprises [administratifs] font l'objet de communications de la Cour des comptes aux ministres et aux autorités administratives compétentes » selon la procédure contradictoire.

M. Gilbert Béréziat : Étant la plus grande université, nous sommes observés de près.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : L'évaluation est moins poussée à l'université de Corte...

M. Gilbert Béréziat : Je comprends que nous soyons évalués mais je demande que des conclusions en soient tirées. L'excès de rapports nous fatigue, surtout quand ils sont contradictoires. Quitte à être iconoclaste, je considère que nous n'échapperons pas à des procédures d'accréditation des établissements au niveau européen. L'Association des universités européennes a proposé un processus de ce type mais j'ai refusé d'y participer car nous avions d'autres chats à fouetter, mais c'est sans doute un tord.

Pour ce qui concerne la recherche, nous sommes capables de formuler des avis mais je conteste le mélange des genres persistant auquel se prêtent les organismes : le CNRS, en contrôlant son comité national, est juge et partie.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Une agence d'évaluation est donc nécessaire.

M. Gilbert Béréziat : À condition qu'elle ait les moyens de faire son travail et ne soit pas contrainte de le sous-traiter aux organismes, au CNU, voire aux universités elles-mêmes. Je vais plus loin : les universitaires qui rejoignent l'agence doivent quitter leur établissement et signer un engagement d'indépendance, comme dans les pays anglo-saxons.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Quels dysfonctionnements expliquent le retard pris par votre contrat de développement ?

M. Gilbert Béréziat : D'abord, le ministère de la recherche est extrêmement faible. Deux heures étaient initialement prévues pour discuter du financement de 180 laboratoires de recherche ! C'est risible ! La discussion a finalement duré six heures et s'est transformée en négociation digne du carreau du Temple. Nous avions pourtant communiqué tous les éléments un an et demi avant.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Pourquoi un tel délai ?

M. Gilbert Béréziat : Parce que l'État ne suit pas ! La direction de la recherche a rangé notre dossier dans un carton et nous avons patiemment attendu de prendre notre tour ! Or, dans des disciplines qui évoluent aussi vite que la chimie ou biologie, un an et demi après avoir été élaboré, le dossier n'est peut-être plus d'actualité. Raison de plus pour créer une agence d'évaluation indépendante. Car en quoi la direction de la recherche du ministère serait-elle plus compétente qu'une université pour évaluer ses unités ? Certaines d'entre elles ont été évaluées à la fois par le comité national du CNRS, l'INSERM et la MSTP ; les rapports d'évaluation s'inspiraient mutuellement : nous avons repéré les « copier-coller » !

Avec la direction de l'enseignement supérieur, cela s'est un peu mieux passé mais la discussion a tout de même été bâclée : ils sont venus à vingt-quatre sur le site et nous leur avons montré l'état de dégradation des bâtiments mais ils nous ont renvoyés à d'autres sources de financements, notamment aux contrats de plan État-région. Je m'étais engagé à ne pas signer de contrat si l'avenir de l'université à Jussieu n'y était pas acté et six mois de rapport de force ont été nécessaires : les arbitrages budgétaires étaient rendus dès avril 2005 mais je n'ai pu signer le contrat 2005-2008 qu'en février 2006, deux jours avant mon départ. Tout cela est dérisoire et la politique contractuelle est discréditée : ce contrat de quatre ans ne s'appliquera en fait que trois ans. Il serait raisonnable d'allonger les cycles. Comment voulez-vous assurer un contrôle et une évaluation sérieux si aucun contrat n'est en vigueur et si nous sommes obligés d'inscrire des sommes fictives ou du moins des estimations ?

M. Alain Claeys, Rapporteur : Le rapport que nous a remis la Cour des comptes relève que ce retard est habituel, mais que les délais tendent à se réduire. Le retard moyen est d'un an.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Et que pensez-vous de la LOLF ?

M. Gilbert Béréziat : La LOLF est inadaptée à la recherche. Si ce n'est qu'un instrument permettant au ministère de dresser des statistiques, je refuse cette logique.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : La LOLF sert à vérifier que l'argent consacré à la recherche produit des effets et à déterminer des priorités d'affectation budgétaire, ce qui requiert des outils de gestion.

M. Gilbert Béréziat : Mais les objectifs de recherche doivent être très larges, faute de quoi on alimente les fantasmes sur le pilotage des universités. À moins que nous ne soyons une bonne université en matière de recherche mais pas du point de vue de la gestion !

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Existe-t-il des comparaisons avec des universités étrangères œuvrant dans les mêmes spécialités que vous ?

M. Gilbert Béréziat : Non, mais c'est un de nos objectifs.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Que pensez-vous de l'auto-évaluation ?

M. Gilbert Béréziat : C'est valable pour l'enseignement mais, compte tenu des critères internationaux, je n'y crois pas pour la recherche. Le système LMD nous a permis de mettre en place une auto-évaluation, ce que nous n'étions jamais parvenus à faire : les étudiants remplissent des indices de satisfaction. Les opposants les plus résolus au LMD étaient du reste les occupants inexpugnables de petites niches, jamais remis en question, et finalement sévèrement jugés par les étudiants.

La réforme LMD nous a aussi permis de dégraisser largement : le nombre de nos spécialités de DEA et DESS est passé de 160 à 65.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Toutes les composantes de Paris Universitas ont-elles suivi la même démarche ?

M. Gilbert Béréziat : Dauphine, oui. Je ne me prononce pas sur Paris-III.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : N'avez-vous pas tenté d'adopter des pratiques partagées en matière d'auto-évaluation, par exemple ?

M. Gilbert Béréziat : Paris Universitas a vocation à devenir l'Oxford français dans dix ans. Ce fut compliqué car nous n'avons pas franchi la phase politique d'acceptation des uns par les autres. L'entrée de Paris-II dans le dispositif a suscité des réactions négatives car cette université est perçue comme ayant un caractère trop droitier! Nous n'avons pas encore terminé la phase politique.

Avec Sciences Po Paris, nous envisageons de créer une filiale commune. Nous proposons d'ores et déjà une licence mixte en sciences sociales et sciences, pour laquelle nous recrutons uniquement des bacheliers de l'année, avec un succès formidable, à tel point que nous ne prenons que des mentions bien et très bien au Bac S. Ce décloisonnement fonctionne tellement bien que nous voudrions agir de même avec Dauphine et Paris-II. Pour l'ENS, l'EHESS et Paris-III, c'est plus compliqué. L'objectif de Paris Universitas est d'imaginer des dispositifs intelligents pour montrer qu'il existe une complémentarité académique entre établissements. Il s'agit certes d'améliorer notre gestion mais aussi de monter des services communs, et c'est en cela que l'initiative va au-delà des PRES. L'administration est faible à Paris-VI mais ce n'est guère mieux à Dauphine et ne parlons pas de Paris-III, où il n'y a quasiment pas d'administration ! Nous ne voulons pas faire de l'interuniversitaire, avec des petites bulles. Le comité directeur de Paris Universitas comporte deux représentants par établissement, soit un total de dix membres, bientôt douze avec Paris-II, et il se réunit tous les mois ; nous faisons passer le politique avant l'administratif.

Dans notre pays, qui a du mal à se réformer, la représentation nationale doit faire le pari d'entreprendre le chantier par morceaux. Depuis que je suis arrivé aux affaires, un quart des enseignants en sciences de l'université a été renouvelé et ce mouvement s'accélère. C'est le bon moment pour faire bouger les choses. Nous avons besoin de renforcer notre administration ou plutôt d'en créer une véritable. Songez que nous n'avons pas eu la force d'empêcher cent étudiants de bloquer le campus puisque nous ne possédons pas de service d'ordre. Il faut dire que nos agents du service intérieur, qui sont tous syndiqués, se sont empressés de donner les clés aux étudiants... J'étais à Sao Paulo récemment, où il y avait le même genre de mouvement étudiant. Mais jamais le campus n'a été hors contrôle !

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous ne demandez tout de même pas des postes de vigiles en lieu et place de postes de professeurs ? Rassurez-nous.

M. Gilbert Béréziat : Je demande que les salaires soient gérés par l'université.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Réclamez-vous une globalisation de la masse enseignement et recherche et de la masse administration ?

M. Gilbert Béréziat : D'une certaine manière, oui, mais je suis prudent : je souhaite que la masse salariale puisse être utilisée dans sa globalité par l'université. Il est anormal que je rende chaque année à Bercy de l'argent du poste salaires au lieu de pouvoir l'utiliser pour souscrire un accord avec des sociétés de service de sécurité. La situation, à Jussieu, est d'autant plus difficile que deux universités coexistent, la responsabilité pénale incombant au président de Paris -VI. Je suis donc favorable à la globalisation, mais pas comme en Italie, où l'État a voté des augmentations de salaires sans doter les universités à proportion : il a en quelque sorte créé la gêne pour engendrer la mutation ! Je constate que 200 de nos emplois sont mis à disposition ou délégués, notamment dans les ministères.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Sont-ils identifiés ?

M. Gilbert Béréziat. Oui. Quand un professeur de classe exceptionnelle s'en va, nous ne conservons pas son salaire mais sa position, occupée par quelqu'un qui est payé deux fois moins !

M. Yves Deniaud, Président : Je vous remercie pour ce témoignage décapant.

c) 11 heures : M. Jacques Singer, Président de l'Union nationale des présidents d'instituts universitaires de technologie (IUT), Président de l'IUT de Poitiers, et M. Philippe Pierrot, Directeur de l'IUT de Longwy

Présidence de M. Yves Deniaud

M. Michel Bouvard, Rapporteur : À côté de la problématique du pilotage global des universités, nous nous sommes rendu compte de l'importance de la problématique de l'articulation entre le président, les conseils et les composantes. Comment les instituts universitaires de technologie, les IUT, participent-ils aux projets stratégiques des universités ? L'autonomie des IUT au sein de l'université est-elle compatible avec une vision stratégique d'ensemble des universités ?

M. Jacques Singer : Nous avons demandé à être auditionnés car les IUT représentent une partie non négligeable des universités - 10 % environ - et affichent une expérience réussie de quarante années d'enseignement universitaire professionnalisé. Nous sommes favorables à l'autonomie prochaine des universités, de nature à améliorer l'utilisation des deniers publics : si la professionnalisation de l'enseignement universitaire est la priorité de l'État, nous pensons que les IUT sont qualifiés pour prendre une part importante dans cette démarche. Mais rendre les universités autonomes ne doit pas avoir pour effet de supprimer la cause de l'efficacité des IUT, c'est-à-dire leur propre autonomie, qui fait d'eux des sortes de grandes écoles au sein des universités. Nous demandons au législateur d'examiner cette question avec attention.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Il ne s'agit pas de rendre les universités autonomes - c'est déjà le cas en vertu de la loi - mais d'améliorer le système.

Considérez-vous, avec le recul, que l'implantation des départements d'IUT sur le territoire a été cohérente ou au contraire que des erreurs ont été commises ?

M. Philippe Pierrot : La cohérence n'a évidemment pas toujours été absolue. Des départements, créés malgré les avis négatifs de presque toutes les instances consultatives, ne répondent pas clairement aux objectifs.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les considérations locales ont-elles primé ?

M. Philippe Pierrot : Le pilotage de l'État a été insuffisant.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les IUT dispensent une formation courte. Comment évoluent les étudiants qui poursuivent leurs études après avoir obtenu un diplôme universitaire de technologie, un DUT ? Entrez-vous en concurrence avec le premier cycle universitaire ?

M. Philippe Pierrot : Actuellement, 30 % des titulaires de DUT s'insèrent immédiatement sur le marché du travail, 30 % poursuivent leurs études pendant un an, en passant par exemple une licence professionnelle, et 40 % vont jusqu'au master. Les IUT, loin de concurrencer le premier cycle universitaire, le complètent ; ils amènent en effet à la réussite des étudiants qui, pour la plupart, en auraient été exclus s'ils étaient passés par la voie universitaire générale ou par les classes préparatoires. Notre démarche intellectuelle est totalement différente : nos étudiants n'arrivent pas à la réussite par les concepts théoriques mais par une pédagogie fondée sur la technologie.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Selon vous, comment les universités se sont-elles emparées du dispositif LMD ? Comment vous insérez-vous dans cette réforme ?

M. Philippe Pierrot : Le nouveau système, sans tout révolutionner, a permis de dépoussiérer l'offre de formation et a incité les composantes de l'université à entamer un travail commun.

M. Yves Deniaud, Président : Envisagez-vous de créer une troisième année d'IUT pour amener les étudiants à une licence ?

M. Jacques Singer : Les textes, pour l'instant, ne l'autorisent pas. Les IUT ont cependant été intégrés au système LMD par le biais de l'expérimentation des licences professionnelles : ils pilotent un peu plus de la moitié des 1 300 licences professionnelles.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les IUT recrutent essentiellement des jeunes possédant un bac général, les titulaires d'un bac technologique n'ayant accès qu'au premier cycle universitaire. Parmi les élèves des IUT, quelles sont les proportions de jeunes issus d'un bac général et d'un bac technologique ?

M. Philippe Pierrot : Il ne faut pas caricaturer : 60 % ont un bac général et 40 % un bac technologique.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Au niveau national, les bacheliers sont issus de la filière générale pour 50 %, de la filière technologique pour 30 % et de la filière professionnelle pour 20 %.

M. Alain Claeys, Rapporteur : C'est-à-dire que vous prenez les meilleurs.

M. Philippe Pierrot : La répartition, dans les IUT, entre les titulaires d'un bac général et les titulaires d'un bac technologique est proche de celle constatée nationalement. Quant à l'insertion des bacheliers professionnels, nous avons essayé d'y travailler, mais nous n'avons pas trouvé de solution pour amener ce public à la réussite.

M. Alain Claeys, Rapporteur : La fonction des IUT a-t-elle évolué dans le temps ?

M. Philippe Pierrot : Quand les IUT ont été créés, ces différentes catégories de baccalauréats n'existaient pas. Tous les bacheliers scientifiques, loin de là, ne sont pas assurés de réussir dans la voie d'excellence - si j'ose dire - des classes préparatoires et les IUT leur offrent un autre débouché naturel. Mais le taux de sélectivité des IUT est équivalent pour les bacheliers généraux et pour les bacheliers technologiques - beaucoup de ces derniers postulant dans les filières de techniciens supérieurs, les STS -, ce qui prouve que nous ne privilégions pas la première catégorie.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les IUT, qui se situent au sein des universités, participent-ils à l'élaboration du projet d'établissement ?

M. Philippe Pierrot : De façon très variable selon les établissements.

M. Yves Deniaud, Président : Quelle est la tendance moyenne ?

M. Philippe Pierrot : Les IUT ne sont pas suffisamment associés à l'élaboration de ces projets, ce qui a un impact net sur la part des contrats d'établissements leur revenant en définitive.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Manifestent-ils une réticence à y participer, ou bien sont-ils insuffisamment sollicités ?

M. Philippe Pierrot : Les raisons sont multiples. Les universités ont tendance à considérer que les IUT sont riches et qu'il est par conséquent inutile d'abonder leurs moyens. Il est très difficile de faire comprendre que, pour fonctionner, un IUT a besoin de davantage de moyens par étudiant qu'une formation plus classique.

M. Jacques Singer : Nous sommes relativement bien dotés mais notre obligation de formation, en moyenne, est le double de celle des autres UFR : les 1 800 heures annuelles d'un DUT scientifique sont effectuées en trois années dans d'autres formations.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Mais qu'apporte l'IUT au projet d'établissement ? Entre-t-il dans des synergies avec les autres composantes de l'université ?

M. Philippe Pierrot : Les synergies sont multiples. Nous participons à l'activité de recherche des universités, avec pour spécificité une répartition géographique bien meilleure que celle du reste des universités. Nous partageons nos plates-formes technologiques avec d'autres formations universitaires. Nos équipes pédagogiques développent des partenariats pour construire de nouvelles formations - et elles sont sans doute sous-employées pour ce qui concerne l'édification des masters professionnels.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Pourquoi ?

M. Philippe Pierrot : Sans doute parce que les équipes pédagogiques des IUT sont une réalité, alors que ce n'est pas le cas dans le reste de l'université, où les projets émanent souvent de personnalités fortes.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Les présidences d'universités et les conseils ne portent pas de vision d'ensemble ?

M. Philippe Pierrot : Je n'irai pas jusque-là.

M. Yves Deniaud, Président : Voulez-vous dire que les projets universitaires sont plutôt portés par un homme que par une équipe ?

M. Philippe Pierrot : Les IUT sont très structurés : outre leur directeur, ils ont un chef de département, un directeur des études, un responsable des charges et un responsable des projets pour chaque département.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Pourquoi cette expérience n'est-elle pas mieux utilisée ?

M. Alain Claeys, Rapporteur : La conférence des présidents d'UFR de sciences préconise des regroupements. Y seriez-vous favorable ?

M. Jacques Singer : C'est un problème de relations humaines et non de structures. À Poitiers, la collaboration entre l'IUT et l'UFR de sciences est parfaite, tant en matière de recherche que de pédagogie et d'utilisation des équipements.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Est-il cependant souhaitable de créer une structure ?

M. Jacques Singer : Personne n'y est hostile, pour peu que les critères de fonctionnement qui conditionnent notre réussite soient comparables chez nos partenaires. Nous nous caractérisons par la présence de professionnels à tous les niveaux : enseignement, jurys d'admission et d'attribution des diplômes, définition et révision régulière des programmes pédagogiques, participation à la Commission consultative nationale des IUT, implication dans le management, au sein du conseil d'administration et même à la présidence. C'est essentiel dans la prise de décision au quotidien et les bonnes pratiques professionnelles qui en découlent pourraient être partagées avec les universitaires pour rendre le système plus opérationnel, plus rationnel et plus efficace. Nous pourrions nous réunir dans des sociétés de moyens, des groupements d'intérêts ou sous toute autre forme - en France, pour agir, il faut une structure !

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les statuts sont en effet trop nombreux, ce qui nuit à la lisibilité de notre système à l'étranger. Alors, en quoi le maintien de votre statut particulier est-il indispensable ?

M. Philippe Pierrot : La maturité des conseils universitaires ne permet pas de supprimer cette particularité. Je constate que les écoles d'ingénieurs internes aux universités qui, ces dernières années, ont perdu le bénéfice de l'article 33 de la loi de 1984, ont vu leurs crédits par étudiant nettement régresser.

M. Alain Claeys, Rapporteur : En cas de perte de leur régime, craindriez-vous le même phénomène pour les IUT ?

M. Philippe Pierrot : Les IUT sont répartis sur tout le territoire puisqu'ils sont présents dans plus de 200 villes, ce qui n'est pas le cas des universités, et il convient effectivement de s'interroger sur certaines implantations. Il n'en demeure pas moins que, pour les maisons mères, la dispersion des antennes complique la prise en compte des réalités particulières.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Un IUT aux localisations nombreuses est-il pénalisé en termes de dotations d'État ?

M. Philippe Pierrot : C'est un problème d'économies d'échelle.

M. Jacques Singer : Les coûts supplémentaires induits par les localisations multiples ne sont pas pris en compte.

M. Philippe Pierrot : Si l'autonomie des universités venait à être renforcée, celles-ci n'auraient aucun intérêt à se préoccuper d'aménagement du territoire. Elles s'efforceraient au contraire de regrouper leurs structures sur un site unique, ce qui leur coûterait moins cher et faciliterait leur management, et les plus petits IUT s'en trouveraient fragilisés.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Êtes-vous favorables aux PRES ?

M. Philippe Pierrot : La logique amenant les structures universitaires à travailler ensemble est comparable à celle de la coopération intercommunale. Quoi qu'il en soit, je le répète, une autonomie accrue des universités irait à l'encontre de l'aménagement du territoire.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Les premiers objectifs de l'université sont tout de même la formation, l'enseignement et la recherche, pas l'aménagement du territoire. L'important est de faire en sorte que les IUT trouvent leur place dans l'organisation et la gouvernance des universités.

M. Yves Deniaud, Président : Les IUT de plein exercice, situés dans une ville universitaire ou pas, ne seraient pas menacés ; le problème tient plutôt à leur statut.

M. Philippe Pierrot : Encore faut-il que les IUT délocalisés obtiennent les moyens dont ils ont besoin, ce qui risquerait de ne plus être le cas si les universités devenaient plus autonomes.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Quelles sont les relations entre le pouvoir central de l'université et les présidents d'IUT ?

M. Jacques Singer : Si les rapports entre le président du conseil d'administration de l'IUT et le président de l'université sont rarement conflictuels et même généralement excellents, nous regrettons que les conseils d'administration de l'université manquent de considération à notre endroit.

Nous défendons notre statut car le système est parfaitement lisible et homogène, avec un diplôme national : en génie électrique ou en mécanique, qu'il soit délivré à Grenoble ou à Lille, il a la même valeur. La distribution des dotations doit rester à peu près équitable et garantie, quelles que soient les priorités des universités, sans quoi une hiérarchie s'établirait entre les diplômes, dans la plus grande pagaille.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : En clair, vous êtes opposés à la globalisation des crédits au sein de l'université.

M. Jacques Singer : Je ne parle que pour les IUT.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Vous craignez de servir de variable d'ajustement.

M. Philippe Pierrot : Exactement.

M. Jacques Singer : Notre charge de travail annuelle étant beaucoup plus lourde que celle des littéraires ou des psychologues, notre dotation globale paraît beaucoup plus généreuse, ce qui pourrait inciter le conseil d'administration à la réduire.

M. Alain Claeys, Rapporteur : La représentation nationale devra un jour se pencher sur l'articulation entre le premier cycle universitaire, les classes préparatoires et les IUT. Qu'en pensez-vous ? Êtes-vous partisans du statu quo ?

M. Philippe Pierrot : Cette question est liée à celle de l'orientation et des choix des lycéens, qui nécessite une réflexion approfondie. Les effectifs de première année des formations médicales ou de psychologie sont déraisonnables au regard des chances de réussite des étudiants et des débouchés professionnels. Les IUT, pour leur part, font réussir dans de bonnes proportions des étudiants titulaires de baccalauréats généraux et technologiques mais n'y parviennent pas encore pour les titulaires de baccalauréats professionnels, si ce n'est à la marge.

M. Jacques Singer : Les IUT ont certainement une capacité à jouer un rôle dans la redistribution des entrées en premier cycle afin d'arrêter le massacre des étudiants. M. François Goulard a d'ailleurs évoqué le doublement du nombre de DUT et de BTS, ce qui ne serait pas absurde. Nous savons accueillir des bacheliers littéraires en les mettant à niveau parce que notre démarche, notre encadrement, notre méthode de tutorat, axés sur l'étudiant, fonctionnent bien : même si le prix est probablement un peu plus élevé que dans les autres cursus, il y a un métier à la clé.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Les IUT satisfont-ils au décret 86-195 du 6 février 1986 relatif à la publication des statistiques sur l'orientation professionnelle des jeunes ?

M. Philippe Pierrot : Nous avons mis en place, il y a plusieurs années, en collaboration avec la direction de l'enseignement supérieur, une enquête systématique portant sur les étudiants qui obtiennent un DUT ou une licence professionnelle.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Pourquoi n'arrivez-vous pas à partager ce savoir-faire avec les universités, dont vous êtes des composantes ?

M. Philippe Pierrot : Cela commence à venir : cette démarche est maintenant commune à la totalité des licences professionnelles.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : C'est crucial pour déterminer les orientations à privilégier.

M. Philippe Pierrot : Nous avons contaminé positivement le reste de l'université. Certains établissements sont au demeurant exemplaires, notamment l'Université de Marne-la-Vallée, qui a créé un observatoire de l'insertion.

Nous avons par ailleurs monté un dispositif d'évaluation qui nous donne une idée du fonctionnement de chaque IUT et même de chaque département de chaque IUT.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Comment êtes-vous associés aux négociations des plans quadriennaux ?

M. Philippe Pierrot : C'est très variable.

M. Jacques Singer : Cela dépend des personnes.

M. Philippe Pierrot : En tout cas, n'étant pas pourvus de la personnalité juridique, nous ne les signons pas. Si nous pouvions les parapher, cela inciterait les universités à nous associer davantage à cette construction.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Mais cela fragiliserait la fonction de coordination du président d'université face à ses conseils et à l'État. Ne croyez-vous pas qu'une plus grande autonomie des présidents d'université permettrait d'améliorer l'efficacité et de procéder à des économies d'échelle ?

M. Philippe Pierrot : Des économies d'échelle, je ne sais. Une plus grande efficacité, vraisemblablement, à condition de modifier assez profondément le système actuel de management.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Que proposez-vous ?

M. Philippe Pierrot : Il faudrait mieux associer les structures extérieures à l'université et mieux responsabiliser les équipes présidentielles en leur donnant davantage de moyens et de pouvoirs, lesquels, dans la situation présente, dépendent grandement de la docilité des conseils.

M. Jacques Singer : Lorsque les conseils sont composés comme ceux des IUT, cela se passe différemment car les responsables sont alors concernés par la qualité du produit qui sort de l'université.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Vos associations ont-elles rédigé des propositions formelles sur l'organisation des universités ?

M. Philippe Pierrot : Non, mais nous pourrons y travailler.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Si les solutions que vous venez de préconiser étaient retenues, il ne serait pas nécessaire de maintenir votre statut dérogatoire !

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Comment sortir d'une logique où l'État pilote et arbitre sans pour autant fragiliser les IUT, dont la réussite est réelle ? Comment renforcer la cohésion des universités ? Comment favoriser les regroupements ou au moins les synergies ? La logique de la LOLF consiste tout de même à donner plus de responsabilité aux acteurs locaux, l'État vérifiant a posteriori que ses objectifs sont atteints.

M. Jacques Singer : Le législateur a créé des formations courtes destinées à déboucher sur des emplois et cela fonctionne ; il faut aller jusqu'au bout de la démarche et doter les IUT de la personnalité juridique. Le problème, c'est que les IUT emploient 4 000 enseignants-chercheurs dépendant de l'université ; dans le privé, la solution consisterait tout bonnement à créer une société de moyens pour la partie recherche.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Nous venons déjà de voter une loi extrêmement compliquée sur la recherche !

M. Philippe Pierrot : L'université française est singulière par rapport à celle des autres pays, car elle ne forme pas l'élite.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Je ne puis laisser passer cette allégation : 80 % des laboratoires de recherche sont hébergés par les universités !

M. Philippe Pierrot, Les universités hébergent certes les laboratoires mixtes et fournissent l'essentiel de leur personnel, mais elles ne les pilotent pas. C'est le problème principal, auquel les PRES tentent de remédier en rapprochant université et organismes de recherche.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Mais l'université forme de très bons chercheurs. Certains ingénieurs vont faire leur doctorat à l'université.

M. Philippe Pierrot : La formulation utilisée était effectivement abusive.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Sur un même bassin d'emploi, arrive-t-il que des formations de types BTS et DUT soient en concurrence ?

M. Philippe Pierrot : Oui !

M. Alain Claeys, Rapporteur : Parce que les instances décisionnaires sont différentes ?

M. Philippe Pierrot : Absolument. Il conviendrait d'associer plus étroitement les sections de techniciens supérieurs et les IUT afin d'assurer une coordination territoriale.

M. Yves Deniaud, Président : Cela pourrait être utile pour permettre aux étudiants des deux filières d'accéder à des formations supérieures longues.

Je vous remercie.

Auditions du 13 avril 2006

a) 9 h 30 : M. François Goulard, Ministre délégué à l'Enseignement supérieur et à la recherche.

Présidence de M. Yves Deniaud

M. Yves Deniaud, Président : Nous avons déjà procédé un certain nombre d'auditions qui se sont révélées fort intéressantes, à défaut de faire ressortir une ligne claire sur ce qui serait la bonne méthode de gouvernance des universités. Je suis très heureux d'accueillir M. François Goulard, Ministre délégué à l'Enseignement supérieur et à la recherche, dans un lieu qu'il connaît bien...Je ne dirais pas qu'il revient sur les lieux de ses crimes, car à ma connaissance, il n'en a pas commis, ou alors j'ai été mal informé...

Le Président de la commission des Finances et le Président de la commission des Affaires culturelles nous font de surcroît l'honneur de leur présence. Même les jours où l'Assemblée ne siège pas, la MEC est plus que convenablement garnie en qualité et en quantité.

Je suis également très heureux de souhaiter la bienvenue au Directeur de l'Enseignement supérieur, M. Jean-Marc Monteil, et à la Directrice de la Recherche, Mme Elisabeth Giacobino, que nous interrogerons tout à l'heure.

Je cède tout de suite la parole aux rapporteurs pour qu'ils posent des questions qui seront, je n'en doute pas, aussi pertinentes qu'éclairées.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Nous sommes en effet au travail, Alain Claeys et moi-même, sous la bienveillante autorité d'Yves Deniaud et d'Augustin Bonrepaux, depuis environ deux mois. À partir de ces travaux, ainsi que du rapport conduit par Alain Claeys dans le cadre de la MEC en 2000, nous avons une vision assez précise sur l'état des lieux, les différents blocages, les différents problèmes qui se posent en matière de gouvernance des universités.

Quelle est votre vision de la gouvernance, Monsieur le ministre ? Du côté du ministère, qu'entend-on par autonomie des universités ? On s'aperçoit que des marges existent, plus ou moins utilisées en fonction des interlocuteurs, mais avec un certain nombre de questions récurrentes, sur le fonctionnement et le périmètre du conseil d'administration, sur les modes d'élection, sur les moyens humains mis à la disposition des présidents d'université pour assurer le pilotage de leur établissement, sur la formation des secrétaires généraux et de l'équipe d'encadrement administrative, sur la place des UFR et des différentes composantes au sein de l'université. Partis d'un débat où l'on s'interrogeait sur la relation entre l'université et l'Etat, entre l'université et la direction des enseignements supérieurs, on s'est aperçu qu'il existait aussi des débats internes sur le pilotage des universités et le rôle des composantes, qui pouvaient parfois représenter un frein.

Quelle est la vision du ministère sur tous ces points ?

M. François Goulard : Vous abordez de vastes sujets, dont certains sont d'ordre politique, au sens élevé du terme, et d'autres beaucoup plus techniques.

Peut-être commencerai-je par le terme d'autonomie. L'autonomie est une notion juridique, mais pas uniquement. Juridiquement parlant, les universités ayant un statut d'établissement public sont réputées autonomes, notamment sur le plan financier. Elles ont une autonomie de décision, des organes délibérants. Il faut d'abord savoir ce que l'on veut en fait de politique universitaire avant de parler des moyens, et l'élargissement de leurs compétences pourrait permettre de répondre à certains défis. Il ne faut pas inverser l'ordre des facteurs, posons les problèmes et voyons quelles sont les solutions.

Au-delà de l'actualité immédiate, les problèmes actuels de l'université me paraissent être avant tout la difficulté de nombre d'étudiants à réussir leurs études et, une fois le diplôme obtenu, à trouver un emploi. Il y a, à cet égard, une anomalie française : le taux d'échec dans les premières années. C'est un gaspillage humain et économique. Humain car, quand on démarre mal, et même si on peut se reprendre par la suite, c'est tout de même très pénalisant sur le plan personnel. Économique aussi, car nous n'obtenons pas des résultats à hauteur des moyens publics qu'on y a consacrés.

Par ailleurs, au bout de quelques mois, voire d'un an après l'obtention d'un diplôme, les taux de chômage sont anormalement élevés, même s'ils sont très inégaux selon les filières et les universités. Ainsi, les diplômés en sciences exactes s'en sortent globalement mieux que les diplômés en sciences humaines et sociales, et dans une discipline déterminée, les différences peuvent être importantes suivant l'orientation de la filière ou l'université où la discipline est enseignée.

Le développement de l'autonomie universitaire est-il la solution ? Je me garderai bien d'apporter une réponse tranchée, et je ne suis pas certain qu'on puisse résumer en un mot, en une orientation unique, les réformes nécessaires. Par exemple, un accroissement de l'autonomie budgétaire des universités doit-il aller jusqu'à reconnaître à l'université le pouvoir de mettre fin à l'activité d'un pôle décentralisé ?

M. Michel Bouvard, Rapporteur : C'est une bonne question...

M. François Goulard : Nombre d'universités ont des pôles décentralisés, voulus par l'État, souvent soutenus par les collectivités territoriales, et dont le financement relève principalement du budget de l'université ou de plusieurs universités. Doit-on reconnaître comme prérogative pleine et entière de l'université la capacité à ouvrir ou fermer un site décentralisé ?

Autre exemple : vous savez que les IUT font partie de nos universités, notamment sur le plan budgétaire, leurs budgets étant intégrés au budget universitaire. Doit-on avoir un fléchage des moyens, une étanchéité ou une fongibilité totale ? Ce sont des questions que l'on doit se poser quand on parle d'autonomie.

Autre question : celle du personnel. Dans la gestion de tout organisme, public ou privé, la gestion des ressources humaines est essentielle, notamment dans l'enseignement supérieur. Aujourd'hui, les règles qui s'appliquent aux personnels, et en particulier aux enseignants-chercheurs, ont beau être nationales, les recrutements sont largement locaux. Des commissions de spécialistes se réunissent au sein de l'université et procèdent au recrutement de professeurs, de maîtres de conférence ou de professeurs associés. La critique du localisme est parfois formulée aujourd'hui.

Doit-on aller dans le sens d'une plus grande liberté de l'université en matière de recrutement, et si oui, selon quelles modalités, ou au contraire, ne doit-on pas introduire des règles supplémentaires pour éviter le localisme ? La réponse n'est pas évidente.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous venez d'évoquer trois sujets essentiels : l'échec, la répartition territoriale de nos universités, et les personnels. Oublions quelques instants le terme d'autonomie pour observer ce qui se passe concrètement. Pour ce qui est de l'échec, l'État joue-t-il son rôle aujourd'hui en matière d'orientation des bacheliers entre les différentes filières d'enseignement supérieur ?

S'agissant de la répartition territoriale, on sait que l'organisation de l'enseignement supérieur manque de lisibilité. Le PRES peut-il être un outil, non pas pour modifier brutalement l'implantation universitaire, mais pour faire émerger des coopérations, des complémentarités, qui permettraient progressivement de modifier la carte universitaire ? Quelques questions annexes se posent alors. Comment verriez-vous l'articulation avec les IUT et les classes préparatoires ? Pourquoi la formation en IUT, censée à l'origine être une formation courte, devient-elle, pour 50% des étudiants, une formation longue ? Que pensez-vous des moyens accordés aux classes préparatoires et aux premiers cycles universitaires ? La Cour des comptes a fait quelques observations à ce sujet.

M. François Goulard : S'agissant des UFR, qu'on appelle aussi facultés, je rappelle que c'est l'université qui détient le pouvoir, le budget, les organes de décision, et que la prégnance des facultés relève de l'ordre culturel. Je ne suis pas sûr que ce soit toujours mauvais qu'il y ait une personnalité des UFR, que l'on distingue au sein des universités, à condition qu'elle ne soit pas excessive et ne freine pas l'inter-disciplinarité. C'est plus un constat que le résultat de règles qui laisseraient la part belle aux composantes par rapport au pouvoir de l'université dans son ensemble.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : On peut, constatant que des féodalités existent, se demander s'il faut donner à la présidence de l'université et au conseil les moyens d'exercer un véritable pilotage et d'être moins dépendants de ces féodalités, ou bien laisser les choses en l'état. Je pense notamment au fait qu'un président d'UFR soit reconductible alors que le président de l'université ne l'est pas, à la question de la répartition des moyens humains, financiers, au problème des blocages...

M. François Goulard : C'est encore un vaste sujet. La globalisation des crédits de recherche, par exemple, va dans le sens des pouvoirs du président par rapport à celui des directeurs de composantes.

Il est vrai que le statut actuel des universités ne donne pas aux secrétaires généraux de pouvoirs propres, et qu'ils n'exercent de pouvoirs que par délégation. Nous menons aujourd'hui une expérience pour proposer aux universités une convention par laquelle, lorsque le président s'engage à déléguer des compétences au secrétaire général, nous nous engageons, par diverses mesures indemnitaires, à renforcer la fonction - plus de choix dans les personnels de haut niveau pouvant accéder à cette fonction, etc.

L'État joue-t-il son rôle en matière d'orientation ? Insuffisamment, bien sûr. Vous connaissez le décret du 6 février 1986 ...

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Il n'est pas appliqué.

M. François Goulard : ... qui n'est en effet pas appliqué, mais que nous nous efforçons d'appliquer aujourd'hui, notamment en rendant publiques les informations relatives à l'insertion professionnelle ou l'absence d'information. Je pense que montrer ceux qui ne donnent pas l'information est le meilleur moyen d'inciter tout le monde à les donner.

C'est un devoir absolu vis-à-vis de l'usager d'un service public que de lui donner les informations essentielles qui guideront l'orientation- les taux de succès en fonction du bac d'origine, les taux d'emploi en fonction du diplôme. Il est clair qu'en la matière, l'État n'a pas rempli son rôle.

J'ajoute que les politiques suivies depuis longtemps, et qui ont consisté à mettre les moyens là où les étudiants s'inscrivaient, sans considération des débouchés, n'ont pas favorisé l'orientation optimale des jeunes. Évidemment, on ne peut pas faire fi des effectifs de première année, mais on ne peut pas non plus ne pas tenir compte des débouchés des filières, que nous connaissons.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Avez-vous ce débat avec la Conférence des présidents d'université ?

M. François Goulard : Oui.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Jusqu'où est-il possible d'aller ? Limiter le nombre d'habilitations en fonction des débouchés ? En tenir compte dans les attributions de points pour le calcul des bourses afin d'éviter de distribuer trop de bourses dans les secteurs sans débouchés ?

M. François Goulard : Il faut continuer à appliquer pleinement le principe de liberté d'inscription - notamment, il ne faut pas restreindre l'attribution des bourses, ou autres aides sociales. En revanche, en matière d'habilitation, on doit privilégier les filières qui garantissent de bons débouchés professionnels.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Cela signifie-t-il qu'à l'occasion du renouvellement d'un contrat quadriennal, on pourra dire à telle université qu'elle a beau avoir de bons résultats, comme ce n'est pas elle qui a les meilleurs ni elle qui offre le plus de débouchés, on va lui fermer certaines formations ?

M. François Goulard : Le contrat est un outil de pilotage des universités, et il doit l'être davantage qu'il ne l'a été jusqu'à présent.

M. Alain Claeys, Rapporteur : La notion d'autonomie est une notion très ambiguë...

M. François Goulard : L'autonomie ne peut pas être une sorte de principe absolu qui guiderait complètement une politique universitaire. J'ai évoqué les préoccupations d'aménagement du territoire, qui sont très respectables, et donnent en général de bons résultats, car les formations délivrées dans les pôles décentralisés sont souvent assez adaptées et plutôt de bonne qualité. À condition de bien spécialiser les différents pôles, on peut obtenir de bons résultats.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Il faudrait peut-être arrêter d'en créer, en revanche.

M. François Goulard : Bien sûr.

M. Pierre Méhaignerie, Président de la commission des Finances : Y a-t-il eu une évaluation des centres d'informations et d'orientation, les CIO, sur ce point ? Ainsi, à Laurent Hénart qui leur demandait comment ils avaient pu être orientés vers ces secteurs en pleine expansion, aucun des vingt étudiants en BTS-alternance du campus de Ker Lann, à Rennes, n'a répondu qu'il avait suivi les conseils du CIO, lequel, d'après eux, n'orienterait qu'en direction de l'Éducation nationale.

M. François Goulard : Les CIO ne relèvent pas de ma responsabilité ministérielle, mais de celle du secondaire. La députée Irène Tharin a écrit un excellent rapport sur les CIO, avec des réflexions de bon sens. J'ai pu déplorer d'ailleurs que, lors du colloque qu'elle avait organisé ici-même pour présenter son rapport, des représentants de ces services aient pu en contester bruyamment les conclusions, qui me paraissent particulièrement pertinentes.

L'État, en matière d'orientation, n'a pas joué suffisamment son rôle jusqu'à présent.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous évoquez une piste : la notion de contrat. Il faudra y revenir, y compris sur la question de leur évaluation.

M. François Goulard : Bien sûr. La donnée du taux d'emploi des diplômés, après un an par exemple, me paraît essentielle, conforme à l'esprit de la LOLF. C'est l'indicateur par excellence.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Parfaitement.

M. François Goulard : De même que vous déterminez les budgets des ministères en fonction d'indicateurs, nous devons, au sein du ministère, affecter également les moyens, via les contrats, en tenant compte d'indicateurs.

S'agissant des PRES, il est vrai que nous avons besoin de lisibilité à l'extérieur, mais pas seulement. Pour les employeurs du privé, les formations universitaires ne sont pas assez repérables. Ils ignorent assez souvent que l'université compte des pôles d'excellence, de qualité, et des formations adaptées aux besoins des entreprises. Le besoin de lisibilité est extérieur, bien sûr, pour attirer les étudiants étrangers, asseoir la réputation de notre recherche, mais également interne. Nous devons clarifier l'image des formations universitaires pour que les entreprises, qui se repèrent bien dans ce qu'offrent les écoles, se repèrent mieux dans les formations universitaires.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Pensez-vous que la réforme LMD a été bien utilisée par les universités et offre une meilleure lisibilité ?

M. François Goulard : La réforme LMD, tout d'abord, est récente. Elle s'est mise en place plus rapidement en France qu'ailleurs, et elle est globalement positive.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Votre ministère l'a-t-elle évaluée ?

M. François Goulard : Nous la suivons en permanence, et l'on a plutôt simplifié la carte d'ensemble des formations universitaires. Mais tout n'est pas terminé.

Le PRES est un outil à la disposition du monde de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il pourra être à l'origine de coopérations utiles, voire de modifications de la carte universitaire.

Imaginons par exemple que, dans une grande ville française, trois universités enseignent des disciplines scientifiques. Est-ce logique ? Le PRES, en mettant des forces en commun, peut être un moyen de rapprocher les différentes parties des universités les unes des autres, et de donner plus de cohérence à l'ensemble. Mais l'initiative en revient aux présidents d'université. En l'occurrence, l'Etat interviendra s'il faut créer un établissement public, mais l'initiative appartient au monde universitaire. Nous pensons que cet outil favorisera des politiques locales intelligentes de regroupements, de rapprochements, de mises en commun d'écoles doctorales, de valorisation de la recherche, de création de services internationaux, etc.

Par ailleurs, plus de la moitié des étudiants en IUT poursuivent leurs études ensuite. On pourrait considérer que les IUT sont faits pour délivrer une formation en deux ans, et qu'il faudrait s'arrêter là, mais je ne suis pas d'accord. Certains étudiants sont d'une grande qualité...

M. Alain Claeys, Rapporteur : Ce n'est pas ce que je voulais dire. Je voulais savoir les conclusions que vous en tiriez.

M. François Goulard : Elles sont assez évidentes. Du fait de la sélection, ce sont les bons étudiants qui se dirigent vers ces filières, où les taux d'encadrement sont relativement élevés. La réussite, au bout du compte, est donc assez naturelle. Elle n'est pas condamnable en elle-même, mais il faut maintenir la possibilité de sortir assez vite. Le prolongement de ces études par une licence professionnelle me semble bien adapté. En tout état de cause, on ne peut pas interdire à des étudiants d'aller plus loin.

La situation des BTS me paraît plus inquiétante aujourd'hui car les IUT sont depuis longtemps dans cette situation. Aujourd'hui les proviseurs se livrent à une sélection excessive des postulants à des BTS, qui conduit à en écarter les bacheliers technologiques et professionnels, alors que c'est une voie naturelle pour eux.

M. Yves Deniaud, Président : C'est un souci pour les IUT aussi.

M. François Goulard : Il y a longtemps que les bacheliers « généraux » sont majoritaires au sein des IUT.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Il y a un autre problème, c'est que ce ne sont pas les mêmes structures qui prennent la décision, au niveau d'un bassin d'emploi donné, de créer des BTS et des IUT.

M. François Goulard : C'est vrai.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Deux structures comparables peuvent donc se faire concurrence sur un même bassin d'emploi.

Je voudrais par ailleurs signaler un paradoxe, concernant les taux d'encadrement. Ce sont finalement les étudiants qui en auraient le plus besoin, en premier cycle universitaire, qui en bénéficient en fait le moins, alors que les IUT et classes préparatoires offrent un bon encadrement aux meilleurs élèves.

M. François Goulard : C'est vrai, il y a un certain nombre de paradoxes, aujourd'hui, dans l'organisation de l'enseignement supérieur. C'est pour cette raison que le Gouvernement souhaite en parler avec tous les acteurs du monde universitaire et, au-delà, avec tous ceux qui sont concernés par l'enseignement supérieur. Il faut se garder des clichés, et des visions trop réductrices d'un univers complexe, mais on constate tout de même qu'un certain nombre de bacheliers, qui ne sont pas très bons, qui ne sont donc pas pris en classe préparatoire évidemment, ni en IUT, s'inscrivent faute de mieux dans des filières universitaires générales qui sont, sur le plan académique, très exigeantes, et dans lesquelles le taux d'encadrement est bien plus faible que dans d'autres filières.

Les BTS, qui devraient accueillir davantage de bacheliers professionnels ou technologiques ne jouent pas complètement leur rôle, en raison de pratiques de sélection qui ne sont pas normales.

Il est vrai aussi que des erreurs d'orientation sont commises, et qu'il faudrait être en mesure de les repérer dans le courant de la première année universitaire.

Il n'y a pas de fatalité, et nous avons des exemples d'universités qui, depuis un certain nombre d'années, ont orienté leurs efforts vers les étudiants qui viennent d'entrer à l'université. Dès lors qu'on les suit mieux, on obtient des résultats - on limite les taux d'échec, on favorise la réorientation après un premier semestre, une première année.

Dans les contrats quadriennaux, on doit fixer comme objectif la lutte contre l'échec dans les premières années universitaires, et nous avons l'intention de flécher des moyens, dans les contrats, pour ces politiques.

M. Pierre Méhaignerie : Dans les bassins d'emplois, les jeunes qui éprouvent le plus de difficultés à pénétrer sur le marché du travail sont les jeunes à bac +1, ceux qu'on appelle les « coincés du DEUG ». Existe-t-il des universités qu'on pourrait citer en exemple du fait de leurs efforts pour donner à ces jeunes en difficulté une formation professionnalisante ?

M. François Goulard : Oui. Je ne peux pas vous en donner une liste, car je craindrais d'en oublier, mais certaines universités ont mieux travaillé que d'autres sur ce sujet particulier, et les licences professionnelles, notamment, permettent de délivrer une formation adaptée à des étudiants qui ne sont pas faits pour aller jusqu'au doctorat. Les formations doivent être adaptées à l'ensemble du public universitaire, qui est très diversifié. Il est absurde de dire que les bacheliers sont voués à l'échec à l'université. C'est la formation qui doit s'adapter à l'étudiant, et non l'inverse. On doit conduire ce public universitaire, très varié, à une certaine forme de réussite - tout le monde n'aura pas le même diplôme, bien entendu - avec un emploi à la clé. Ce n'est pas un objectif inaccessible.

M. Alain Claeys, Rapporteur : S'agissant des contrats, nous sommes assez sévères, Michel Bouvard et moi. Je ne mets pas en cause les directeurs de l'enseignement supérieur, bien sûr, car le problème date de bien longtemps - lorsque j'avais auditionné M. Claude Allègre en 2000, j'avais formulé les mêmes remarques.

Le dispositif ne fonctionne pas, car nous sommes confrontés à trois problèmes. Tout d'abord, bien souvent, le contrat ne repose pas sur un projet. Ensuite, les délais de négociation sont trop longs. Enfin, l'Etat n'a pas les moyens d'évaluer correctement ces contrats. Tout cela nous gêne, car nous pensons que la part du contrat doit être plus importante, ce qui implique de régler les problèmes que je viens de citer.

Je répète que je ne mets pas en cause les directeurs de l'enseignement supérieur.

M. François Goulard : Ce sont les ministres qui sont responsables de ce qui se passe mal.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Il y a également un problème d'harmonisation entre les contrats. Nous avons les quadriennaux, les contrats de plan Etat-région, qui ne sont pas sur la même période temporelle, qui ne sont pas forcément coordonnés, et les contrats de recherche, sans parler, en matière de recherche notamment, des conventions que l'Etat passe avec les grands établissements de recherche. Peut-on coordonner davantage les différentes procédures contractuelles ?

Se posent également les questions du délai et de l'évaluation avant la signature d'un nouveau contrat.

M. François Goulard : Votre analyse me paraît excessive, car les contrats ont une réelle utilité aujourd'hui. Des projets sont identifiés dans le processus de contractualisation, mais il faut être plus déterminés, faire ressortir davantage un projet et mieux l'identifier dans le contrat. Il faut donner plus de sens au contrat qu'il n'en a aujourd'hui, mais ce n'est que le prolongement de ce qui a déjà été mis en œuvre, et non une remise en cause du contrat tel qu'il a été conçu jusqu'à présent.

S'agissant des délais, c'est vrai, on a intérêt à raccourcir la période de discussion des contrats, car globalement, on sait de quoi on parle, et on doit pouvoir conclure plus rapidement. S'il n'y avait que cette procédure-là dans notre administration à être trop lente, ce serait une bonne nouvelle.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Je n'ai pas dit devant le Président de la commission des Finances qu'il fallait des moyens supplémentaires...

M. François Goulard : Enfin, il est vrai aussi que nous devons absolument évaluer le contrat avant d'en conclure un autre. Ce n'est pas suffisamment fait actuellement. La nouvelle Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur devrait nous aider à évaluer l'ensemble des formations, et à aller dans le sens d'une meilleure évaluation des contrats avant la conclusion d'un nouveau contrat.

M. Alain Claeys, Rapporteur : L'Agence aura-t-elle ce mandat aussi ?

M. François Goulard : La loi ne le lui donne pas expressément, mais, étant un outil général d'évaluation, elle pourra éclairer l'administration sur la valeur de la recherche et sur la valeur de l'enseignement dispensé.

Grâce à l'adoption de ce texte et aux modifications introduites par le Parlement, nous aurons un outil qui pourra nous aider à évaluer les contrats. En revanche, il relève de la responsabilité de l'administration, au moment de la conclusion du nouveau contrat, de faire avec l'université le bilan du précédent. Ce n'est pas suffisamment fait aujourd'hui, et il faut sanctionner davantage les résultats positifs ou négatifs de l'exécution d'un contrat.

Pour ce qui est de l'harmonisation, c'est vrai que ce n'est pas toujours simple de jongler avec le rythme quadriennal, celui des contrats de plan Etat-région, celui d'autres conventionnements comme ceux des organismes de recherche, sans parler des appels à projets.

C'est ainsi. On ne parviendra jamais à faire coïncider tous les rythmes, toutes les durées. D'un autre côté, vous êtes comme moi des responsables de collectivités locales, vous savez que nous vivons avec, et que lorsque la politique est clairement identifiée, on sait se jouer des rythmes pour faire avancer sa politique et essayer de l'inscrire dans la durée.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Êtes-vous favorable à ce que la part du contrat augmente dans les dotations au niveau des universités ?

S'agissant du calcul de la dotation par université, considérez-vous que les modèles utilisés aujourd'hui sont obsolètes ou pas ?

M. François Goulard : Il faut trouver un équilibre entre le contrat et la dotation calculée. Je n'ai pas d'opinion définitive à ce sujet, mais on ne peut pas faire du tout contractuel, comme on ne peut pas faire du tout calculé. J'ai le sentiment que nous avons trouvé un bon équilibre...

M. Alain Claeys, Rapporteur : C'est 20 % de dotation contractuelle aujourd'hui.

M. François Goulard : Certes, mais si ces 20 %, au lieu d'être saupoudrés, sont mis au service de politiques bien identifiées, on peut avoir un levier d'orientation très fort. Comme toujours, l'euro marginal a une importance considérable pour orienter les décisions.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Ce qui veut dire que ce ne sont pas 20 % pour chacun, mais 20 % globalement ?

M. François Goulard : Absolument. Il faut en faire un outil d'orientation des politiques, et de mesure de l'efficacité de ces politiques. Je ne crois pas que l'on ait intérêt à trop bouleverser cet équilibre entre contrat et DGF, car sans doute conviendrait-il de mieux utiliser le contrat. Cela étant, ce n'est pas une réponse définitive.

On rencontre, vous le savez, ce même type de questions pour d'autres organismes publics, à commencer par les collectivités territoriales. L'équilibre entre dotations et subventions est une problématique assez courante.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Et le système SAN REMO ?

M. François Goulard : SAN REMO n'est sûrement pas bon, mais le système suivant, qui n'est pas encore construit, ne sera sans doute pas irréprochable. Il n'existe pas de système parfait. Une nouvelle fois, je vous renvoie aux collectivités locales et au débat sur le calcul de la DGF. Ce sont des sujets très difficiles.

SAN REMO n'est pas trop mal fait, même si parfois des correctifs sont nécessaires. Ainsi, la prise en compte du nombre d'étudiants a conduit certaines universités à faire du nombre en inscrivant excessivement des étudiants étrangers, qui allaient droit à l'échec. Il y a des détournements, comme dans tout système de ce type.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Il ne faudrait pas que la LOLF, pour les universités, se réduise à une batterie d'indicateurs, et soit source d'une certaine bureaucratisation.

Vous êtes président de la CPU. Aujourd'hui, le système d'information et d'informatisation représente un vrai problème pour passer à la comptabilité analytique. Les universités n'arrivent pas à mettre en place un système global - je crois d'ailleurs que l'appel d'offre n'a pas abouti. L'État ne pourrait-il leur venir en aide ?

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Il faut mettre en place un système d'information qui permette la consolidation. Or, cela n'a pas l'air d'être bien parti, car on entend dire que si l'État fait certes des propositions, les universités, faute de moyens, ne sont pas intéressées pour adhérer au système de l'État. Chacun développe donc son propre système.

Par ailleurs se pose le problème de la compatibilité du système d'information avec « ACCORD 2 », puis avec le futur système Chorus, liés à la LOLF. Ce qui est certain, c'est qu'on a besoin d'un outil de pilotage qui permette de faire des consolidations à un moment venu.

M. François Goulard : Les indicateurs doivent être très simples : le taux de réussite aux diplômes, le taux d'emploi au bout d'un ou deux ans après l'obtention du diplôme, la qualité des emplois trouvés. On doit avoir une batterie très resserrée d'indicateurs rapidement lisibles. Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, le mieux est l'ennemi du bien.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Sans oublier le coût de revient par étudiant.

M. François Goulard : Bien sûr.

Par ailleurs, je me garderai bien de porter une appréciation d'ensemble sur les systèmes comptables publics. Disons qu'on n'est peut-être pas au bout de nos peines et qu'il reste du chemin avant d'arriver à des systèmes parfaitement opérationnels. Ce n'est pas propre au monde universitaire, mais je rejoins votre préoccupation de disposer d'informations consolidables et lisibles dans les universités. On peut y travailler avec la CPU. Là encore, il convient de faire très simple, car nous sommes souvent beaucoup trop perfectionnistes, ce qui nous prend du temps, et nous empêche d'aboutir, puisque nous ne parvenons pas à exploiter toutes ces informations.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Pourquoi la direction de l'enseignement supérieur ne figure-t-elle pas dans le programme « Recherche et enseignement supérieur » ?

M. François Goulard : C'est vrai, elle n'y figure pas...

M. Alain Claeys, Rapporteur : Nous sommes arrivés au moment où l'État va négocier avec les régions ses contrats de projet. Au niveau universitaire, M. Claude Allègre avait souhaité que 30 % des contrats de plan soient consacrés à la question de l'accueil des étudiants - logement, immobilier universitaire. Il n'était pas arrivé à cet objectif car les collectivités n'avaient pas vraiment souhaité contractualiser sur ce sujet. Le problème demeure donc aujourd'hui, même si des efforts ont été faits. Quelle est votre approche en la matière ?

M. François Goulard : Il y a les logements CROUS, et il y a les bâtiments universitaires proprement dits. J'ai l'impression que cette question sera très présente dans les discussions entre l'État et les collectivités locales, qui sont aujourd'hui beaucoup plus sensibles aux questions universitaires et de recherche qu'elles ne l'étaient autrefois.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Certes, mais ne sera-t-on pas tenté de contractualiser et de demander des maîtrises d'ouvrage dans des domaines qui concernent davantage la recherche, les laboratoires ?

M. François Goulard : Pas forcément.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Tant mieux si la situation a évolué.

M. François Goulard : Nous n'avons pas encore de vision d'ensemble, par définition, puisque les contacts viennent juste d'être pris, mais les collectivités locales sont aujourd'hui très soucieuses d'être présentes dans l'investissement universitaire, y compris pour tout ce qui concerne la formation stricto sensu.

S'agissant du logement, si le plan Anciaux est respecté, on pourra rattraper notre retard. Le logement universitaire n'est pas au niveau, loin s'en faut. Les situations sont très inégales sur l'ensemble du territoire - Paris est très en retard. Nous devons continuer, au moins à ce rythme, et nous avons l'intention d'y consacrer le budget nécessaire l'année prochaine, pour construire 5.000 logements et en rénover 7.000. Si l'on tient le rythme, la situation, à l'issue du plan, sera satisfaisante.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : J'en viens à la place des universités françaises dans les réseaux européens. On s'est aperçu, en discutant avec différents interlocuteurs, que, sans doute par méconnaissance d'un certain nombre d'appels à projets de l'Union européenne, et sans doute du fait de la complexité de montage des dossiers, nos universités restent à l'écart de moyens qui pourraient être mobilisés au niveau communautaire. Comment y remédier?

Par ailleurs, on a parlé de l'évaluation globale des universités, mais il reste le problème de l'évaluation des enseignants, et notamment des enseignants-chercheurs, avec, de surcroît, cette répartition artificielle entre les activités d'enseignement et les activités de recherche. Alors que l'évaluation de la recherche est simple, celle de l'activité d'enseignement et de formation est plus complexe. Comment améliorer cette évaluation ? Doit-on également considérer qu'à un moment de sa carrière, un enseignant-chercheur doive consacrer plus de temps à l'enseignement qu'à la recherche en fonction du profil de ses intentions ? Que peut recevoir en retour quelqu'un qui s'investit beaucoup dans la formation ? Comment davantage intéresser les enseignants-chercheurs à l'enseignement ? Comment prendre en compte les situations personnelles pour une plus grande efficacité ?

M. François Goulard : S'agissant des appels à projet européens, c'est vrai que nos universités ne sont pas toujours bien outillées pour y répondre. Nous le voyons en interne pour l'Agence nationale de la recherche. Certaines universités ne répondent pas du fait d'un manque d'organisation pour préparer et déposer les dossiers, alors même qu'en matière de recherche, contrairement aux idées reçues, la France s'en tire bien dans les programmes cadres pour la recherche et le développement, les PCRD.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Parce qu'il y a de gros établissements de recherche.

M. François Goulard : Et aussi parce qu'il est dans la culture des laboratoires mixtes, des unités mixtes de répondre aux appels à projets.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Que fait-on pour les y aider ?

M. François Goulard : Nous renforçons leurs moyens en personnels de haut niveau administratif, pour différentes fonctions, et notamment les relations avec les entreprises.

Nous avons lancé un appel à projet l'année dernière, qui a eu du succès, pour des services mutualisés de valorisation de la recherche dans les universités. Nous soutenons les universités dans leurs efforts de structuration interne pour des fonctions qui, jusqu'à présent, étaient assez mal identifiées.

S'agissant de l'évaluation des enseignants-chercheurs, une première étape est la modulation des obligations d'enseignements. Qui dit modulation dit allègement, notamment pour de jeunes chercheurs, et en contrepartie, alourdissement des obligations d'autres enseignants, au sein d'une université. C'est une liberté nouvelle donnée à l'université dans la répartition de ce sacro-saint contingent d'heures d'enseignement et d'heures de recherche pour les enseignants-chercheurs.

Nous réfléchissons également, avec la direction du CNRS, à accentuer la possibilité pour des chercheurs d'être aussi enseignants, et d'avoir le statut d'enseignant-chercheur. Tout le monde y serait gagnant car beaucoup de chercheurs reconnaissent que l'enseignement stimule leur activité de recherche.

M. Didier Migaud : Concernant les personnels, les présidents d'université ont attiré notre attention sur quelques rigidités par rapport aux affectations de postes, ou à la définition de profils de postes, et regrettent de n'être pratiquement jamais consultés sur les affectations faites dans les établissements - alors que les directeurs d'UFR le sont davantage. Il leur est parfois même arrivé de recevoir un poste qui ne correspondait pas toujours aux orientations que leur conseil d'administration avait définies.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : C'est tout le problème de la capacité des présidents à refuser une nomination.

M. Didier Migaud : Que peut-on faire pour associer davantage les présidents d'université à ces questions ?

S'agissant de la vie étudiante et de l'attribution des bourses, des réformes sont-elles prévues ? L'attribution d'un certain nombre de bourses dépend ainsi de la distance entre le domicile et l'université, mais cette distance est calculée à vol d'oiseau, ce qui pose problème pour ceux qui vivent en montagne ! La distance prise en compte ne correspond pas à la réalité, or si justement les étudiants demandent des bourses, c'est qu'ils n'ont pas les moyens de se payer un hélicoptère !

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Il faut ajouter le dénivelé !

M. Didier Migaud : Certaines situations sont aberrantes. On nous explique par exemple qu'entre certaines communes de l'Oisans, que Michel Bouvard connaît bien, et l'agglomération grenobloise, il n'y aurait que 25 kilomètres, alors que par la route, il y en a le double. Ce système est stupide et injuste, car des étudiants sont ainsi privés de bourse.

Enfin, concernant le logement, j'ai bien noté l'effort prévu, mais je voudrais insister sur la nécessité de conduire en même temps les opérations nouvelles et les opérations de rénovation, car si ces dernières sont importantes, elles ont pour conséquence de réduire l'offre, et donc d'accentuer les problèmes. Il peut donc être important de réaliser, en certains endroits, des opérations nouvelles avant les opérations de rénovation quand les locaux sont encore utilisables.

M. François Goulard : Sur le premier point, je suis assez étonné, car les présidents sont systématiquement consultés. La discussion a lieu avec la direction de l'enseignement supérieur, et les propositions viennent de l'université, nous n'inventons pas les postes.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Il faut distinguer le problème du droit de veto de celui du recrutement de personnels administratifs de haut niveau, dont ils ont besoin notamment en matière de gestion.

M. François Goulard : Pour avoir des secrétaires généraux de haut niveau, il faut leur donner de réelles responsabilités, ce que ne prévoient pas les statuts actuels, aussi à titre expérimental avons-nous proposé à des présidents qu'ils confient de véritables responsabilités à leur secrétaire général, avec un régime indemnitaire adapté.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous dites que les textes ne le prévoient pas...

M. François Goulard : Le secrétaire général n'a pas de compétences propres. Il exerce ses prérogatives par délégation du président. Nous menons donc cette expérience par voie conventionnelle avec les présidents qui veulent confier de réelles responsabilités à leurs secrétaires généraux, pour leur permettre de recruter dans un vivier plus large et de meilleur niveau. Non pas qu'il n'y en ait pas de bons aujourd'hui, mais le vivier est insuffisant.

Pour les recrutements, il y a les commissions de spécialistes, et l'on entre là dans des questions universitaires relativement délicates. C'est vrai qu'il y a du localisme, c'est un vrai sujet de réflexion aujourd'hui.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Avez-vous des chiffres ?

M. François Goulard : Oui, et je pourrai vous les communiquer.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Peut-être faudrait-il instaurer des quotas ?

M. François Goulard : Il y a des solutions envisageables.

Pour les autres personnels, nous sommes dans le système de la fonction publique, avec des droits des personnels, des règles de mutation. On pourrait remettre ces règles en cause, mais alors il ne faudrait pas se limiter à l'université.

S'agissant des bourses, c'est vrai qu'il y a des aberrations dans le mode d'attribution, et nous travaillons à des réformes des modalités de calcul, mais aussi des modalités de paiement, qui sont aujourd'hui assez lourdes. Une mission d'inspection est en cours pour améliorer les circuits de liquidation des bourses, par exemple, qui sont très compliqués.

Pour ce qui est des logements, j'ai bien noté l'idée selon laquelle il faut en augmenter le nombre, par des constructions nouvelles, avant de sortir du parc pour rénovation une partie des logements existants. On a certainement des voies d'amélioration. Ainsi, le sénateur Adnot, par un amendement que beaucoup avaient jugé maladroit, avait voulu attirer notre attention en proposant d'annuler des crédits du logement étudiant, mais il a eu l'idée intéressante de mettre à contribution les offices HLM pour construire des résidences universitaires. On pourrait en effet les financer autrement que sur crédits budgétaires. Ce serait peut-être plus efficace.

M. Augustin Bonrepaux : Envisagez-vous la décentralisation du logement étudiant aux régions ?

M. François Goulard : Pour l'instant, non.

M. Augustin Bonrepaux : Je crois que l'Association des régions de France y serait plutôt favorable.

M. François Goulard : Le sujet n'a pas été étudié pour l'instant.

M. Didier Migaud : Mais la loi prévoit que la compétence puisse être déléguée à la communauté d'agglomération. Dans l'agglomération grenobloise, nous hésitons fortement car cela signifierait la reprise de tout le patrimoine CROUS, avec tous les problèmes de restauration, de rénovation que cela pose. Nos premières actions seraient quelque peu obérées par tout ce qui est entretien et rénovation, ce qui nous empêcherait de développer une offre nouvelle.

M. François Goulard : L'organisation est décentralisée de par les CROUS, qui sont des organes régionaux avec un conseil d'administration, et la possibilité de confier à la communauté d'agglomération la responsabilité de la gestion du parc.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Nous n'avons pas encore évoqué la question du patrimoine des universités, aujourd'hui détenu par l'État. Est-il envisageable de transférer ce patrimoine, par exemple dans le cadre des PRES ? Il y a aujourd'hui une déconnexion entre ce souci de gestion du patrimoine et la capacité des universités à piloter la totalité de leurs moyens.

M. François Goulard : La situation est assez complexe aujourd'hui. En termes de détention du patrimoine, l'État est le premier propriétaire, mais il ne faut pas oublier les collectivités territoriales et les universités. De temps en temps, un arrêté organise la dévolution d'une partie du patrimoine à l'université.

S'agissant de la maîtrise d'œuvre pour les travaux universitaires, le paysage est également éclaté, avec, assez souvent, des collectivités territoriales, et dans certaines universités, des services qui conçoivent et contrôlent la réalisation de travaux. Il faudra évoluer, mais le sujet est assez compliqué aujourd'hui.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Que fait le recteur, chancelier des universités, en dehors des contrats de plan ? Le titre est-il un héritage honorifique de l'Histoire, ou correspond-il réellement à une fonction ?

M. François Goulard : Le terme est ancien et parfaitement respectable. Le recteur s'occupe avant tout de l'enseignement primaire et secondaire, mais il a également quelques attributions dans le domaine universitaire.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Les exerce-t-il ?

M. François Goulard : Il assiste aux conseils d'administration, il exerce le contrôle de légalité...

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Il assiste aux conseils d'administration ? Vraiment ?

M. François Goulard : Il le peut.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : En quinze ans de conseil d'université, je ne l'ai jamais vu !

M. François Goulard : Le contrôle de légalité est une fonction importante. Les recteurs ont déféré des délibérations de conseils d'administration que nous jugions contraires à la loi, par exemple en matière de droits d'inscription. Le recteur est aussi le conseil du ministre pour tout ce qui concerne l'université dans son académie, et nous avons besoin d'avoir une vision de l'État déconcentrée, pour les questions universitaires. Le rôle du recteur d'université s'arrête là où commence l'autonomie des universités.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Je me demande si la fonction « chancelière » est bien utile.

M. François Goulard : L'appellation est ancienne, et je ne suis pas favorable à la suppression des titres anciens.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Le titre ne pose pas problème. La question est plutôt celle du contenu des fonctions.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Autre sujet difficile : celui des relations entre les universités et les organismes de recherche.

M. François Goulard : C'est un sujet difficile, en effet, sur lequel il faut faire preuve de clarté et avoir une vision d'ensemble. La recherche s'exerce aujourd'hui dans les universités et dans les organismes, en coopération entre les deux bien souvent, et nous disposons également d'autres outils, comme l'Agence nationale pour la recherche, sans parler des financements européens.

L'État doit avoir une vision d'ensemble de la recherche, de ses projets, de ses axes, afin de coordonner les politiques de recherche. C'est un vaste débat, et la réforme actuelle du ministère nous amène à essayer de bien articuler la recherche universitaire et la recherche des organismes. J'ajoute qu'aujourd'hui, l'introduction de l'Agence nationale de la recherche est appréciée par un certain nombre d'universités qui considéraient que le face à face avec tel ou tel grand organisme les mettait dans une situation d'infériorité. Le fait que des équipes universitaires, non financées par le CNRS ou l'INSERM, aient accès à des financements de projet est considéré comme un progrès de l'autonomie des universités en matière de recherche.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Il y a tout de même une grande majorité d'unités mixtes.

M. François Goulard : Bien sûr, mais il y a des unités de qualité qui ne sont pas des unités mixtes.

M. Yves Deniaud, Président : Monsieur le Ministre, nous vous remercions.

b) 11 heures : Mme Elisabeth Giacobino, Directrice de la recherche, et M. Jean-Marc Monteil, Directeur de l'enseignement supérieur au ministère délégué à l'Enseignement supérieur et à la recherche.

Présidence de M. Yves Deniaud

M. Yves Deniaud, Président : Je souhaite la bienvenue à Mme Elisabeth Giacobino, directrice de la recherche au ministère délégué à l'Enseignement supérieur et à la recherche et à M. Jean-Marc Monteil, directeur de l'enseignement supérieur au même ministère.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous étiez présents pendant l'audition du ministre, et vous avez entendu que nous avons notamment abordé avec lui la question des contrats. Reposent-ils sur des projets réels et, si tel n'est pas le cas, comment remédier à cela ? Qu'en est-il du délai de négociation des contrats, sujet sur lequel plusieurs personnes auditionnées nous ont alertés ? Enfin, à quelles difficultés se heurte l'évaluation ?

M. Jean-Marc Monteil : Le contrat a beaucoup évolué depuis sa création. Dans un premier temps, au cours des années 1990, les emplois y étaient inclus ; ils en ont ensuite été sortis. À présent, il s'agit d'un contrat unique, par lequel le ministère s'engage comme partenaire d'un établissement. Il existe encore, c'est vrai, des établissements sans projet, mais de moins en moins. Aujourd'hui, la recherche, les relations internationales, la politique de l'emploi, la maintenance, la sécurité et les relations partenariales sont autant d'éléments de contrats dont l'élaboration conduit à des discussions de fond. Elles sont plus ou moins approfondies selon les établissements, mais ces contrats sont un moyen remarquable d'expression de la réalité, en ce qu'ils permettent d'appréhender immédiatement s'il existe un projet d'ensemble cohérent, et il me suffit de lire les projets de contrat pour avoir une idée de la gouvernance de l'établissement considéré. Bien entendu, ce n'est qu'une vision impressionniste et non une évaluation, mais c'est néanmoins un indicateur important.

La négociation d'un contrat suppose des allers et retours avec l'administration centrale et il est exact qu'il fut un temps où l'aboutissement de la procédure demandait deux ans. Mais un gros effort a été fait pour abréger les délais et nous n'en sommes plus à signer en 2004 les contrats de 2002. Ceux de 2005 ont été signés en 2005, ceux de 2006 le sont cette année et si jamais un écart d'un mois se produit avant la signature, un travail en amont suffisant a été fait pour que l'établissement reçoive malgré cela 70 % de la dotation par anticipation.

Même s'il n'est pas toujours satisfaisant, le contrat a pour vertu première de permettre un dialogue. Quelles que soient les évolutions envisagées, ce dialogue doit demeurer, car grâce à lui les établissements s'approprient les objectifs nationaux. On peut, par exemple, faire de la réussite relative du premier cycle universitaire un axe fort du contrat et demander aux responsables de l'établissement quelles formations renforcées ils ont prévues pour limiter les échecs. Dans tous les cas, on ne peut juger la pertinence d'un projet qu'au terme d'une vraie discussion.

Cela dit, la somme des interlocuteurs, au ministère, peut conduire à un projet qui n'est pas d'une grande clarté ; et s'il n'y a pas de vision organisée de notre côté, comment exiger des établissements qu'ils en aient une ? Nous sommes donc engagés dans une phase de caractérisation des établissements.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Alors que les contrats sont conclus pour une période de quatre ans, les établissements sont évalués, d'après ce qui nous a été rapporté, tous les huit ou neuf ans, l'université de Corte exceptée...

M. Jean-Marc Monteil : Nous souhaitons qu'elle soit évaluée.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Nous aussi. Sur un plan général, ne conviendrait-il pas de raccourcir le délai entre deux évaluations et d'allonger la durée du contrat ?

M. Jean-Marc Monteil : Il n'y a effectivement aucune raison que l'on mette un an pour évaluer la politique d'une université. Plutôt que d'en rester à des missions d'inspection à demeure pendant trois ou quatre mois tous les huit ans, nous penchons en faveur d'une évaluation a posteriori par des visiting committees qui se focaliseraient sur des points précis et dont le temps de réaction serait beaucoup plus court.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Nous voulons en effet une évaluation par projets et rapports annuels de performance.

M. Jean-Marc Monteil : Elle suppose la définition d'un petit nombre d'indicateurs. Les directeurs de programme, dont je suis, ont une responsabilité particulière, parce qu'ils manient des sommes considérables. Ils doivent donc disposer d'un mécanisme de pilotage adéquat et, en premier lieu, d'informations objectives, ce que nos systèmes d'information, défaillants, ne permettent pas. Le dispositif idéal, c'est un contrat assorti d'une évaluation fondée sur un reporting systématique, s'appuyant elle-même sur un système d'information efficace. C'est l'objectif vers lequel nous tendons, mais nous ne l'atteindrons pas tout de suite. L'établissement étant caractérisé et son projet évalué, on le laisse travailler, puis on analyse ses performances. Je suis convaincu de l'utilité du contrat, moyen précieux de responsabilisation. La LOLF donne des leviers supplémentaires aux établissements ; encore faut-il que les dispositions prévues ne se transforment pas en un carcan administratif.

Ce qui fait la force d'un système d'évaluation, c'est sa parfaite transparence. Si les critères sont connus et les résultats rendus publics, on entre dans un univers où les comparaisons sont possibles. Mais aujourd'hui, faute de systèmes d'information fiables, l'évaluation, complexe, reste très largement impressionniste. La LOLF nous oblige donc à définir des indicateurs pour mesurer le niveau de performance. Mais l'important est de construire l'unité de l'établissement, car l'expérience montre que s'il n'y a pas de projet ou si le projet est faible, c'est faute que cette unité existe.

Lors de l'audition du ministre, la question du recrutement a été effleurée. Je tiens à préciser que les demandes d'emplois sont faites par les établissements. Une fois recueillies, elles sont évaluées. Le bien-fondé des demandes ainsi analysé, la négociation s'engage. Je peux témoigner, puisque je négocie ainsi avec 250 établissements, que ne sont discutés que les emplois demandés et le fléchage. Autrement dit, un établissement qui a demandé un physicien aura un physicien ou il n'en aura pas, mais il n'aura pas un chimiste à la place d'un physicien. Je crois pouvoir dire que les établissements ne se sont pas plaints des modalités de la négociation ; ce qu'ils peuvent regretter, c'est de ne pas s'être vu allouer l'effectif supplémentaire qu'ils auraient souhaité. Enfin, la politique d'un établissement s'apprécie aussi par le biais de ses demandes d'emplois.

M. Yves Deniaud, Président : Un ancien président d'université nous a dit qu'il aurait préféré se voir affecter des vigiles musclés plutôt que des professeurs...

M. Jean-Marc Monteil : Il aurait très bien pu ne demander que des postes IATOSS et de catégorie C, et personne ne l'obligeait à demander des postes d'enseignant-chercheur. Mais je suis convaincu que, comme tous ses collègues, il avait demandé quinze des uns et quinze des autres...

M. Yves Deniaud, Président : Les présidents d'université que nous avons entendus semblent partisans d'un contrat de cinq ans. Quelle est, selon vous, la bonne durée d'un contrat ?

M. Jean-Marc Monteil : Il paraîtrait logique que la durée du contrat recoupe celle de la mandature de la présidence de l'établissement. C'est une vaste entreprise de négocier un contrat, et la durée actuelle semble très courte. La porter à cinq ans ne serait pas une mauvaise chose.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Quelles sont les caractéristiques des établissements qui peinent à élaborer un projet ?

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Comment prenez-vous en compte la dimension « pôle de recherche » dans la définition des contrats ? Comment se fait la coordination entre recherche et enseignement supérieur ?

M. Jean-Marc Monteil : Même si les projets qu'ils présentent maintenant sont plus cohérents qu'ils ne l'étaient par le passé, les établissements qui ont le plus de mal à en présenter un sont les universités pluridisciplinaires. Il arrive encore que la faculté des lettres et la faculté des sciences présentent chacune un projet sans qu'ils soient forcément compatibles. Plus homogène est l'université, plus cohérent est le projet, mais la fongibilité prévue par la LOLF offre des marges de manœuvre nouvelles.

Le PRES est un outil d'une extrême qualité car il donnera des possibilités de coopération inédites. Nous avons ainsi demandé aux trois universités d'Aix-Marseille, qui toutes trois enseignent les sciences, de créer un conseil scientifique commun. C'est de cette instance interuniversitaire qu'ont émané, après discussion interne, les demandes concertées d'emplois en sciences pour les trois établissements.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : La négociation d'un contrat est certainement plus complexe lorsque l'établissement est interdisciplinaire, mais l'interdisciplinarité présente aussi des avantages. Il ne faudrait donc pas que par désir de simplifier les négociations on nuise à l'interdisciplinarité. L'inconvénient premier, c'est que plusieurs établissements disciplinaires coexistent sur un même site.

M. Jean-Marc Monteil : C'est dire l'utilité du dispositif LMD.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Quel a été le rôle des conseils d'administration des trois établissements d'Aix-Marseille dans ce processus ?

M. Jean-Marc Monteil : Ils ont entériné la décision du conseil scientifique.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Comment envisage-t-on les choses à la direction de la recherche ?

Mme Elisabeth Giacobino : La direction de la recherche et celle de l'enseignement supérieur travaillent en étroite collaboration, et la négociation des contrats avec les équipes présidentielles se fait en parfaite cohérence. L'outil mis au point a permis de beaucoup améliorer la situation. Des efforts de contractualisation avec les universités avaient déjà été engagés et s'étaient accentués à la fin des années 1980. Depuis lors, des projets universitaires cohérents ont été définis, qui se perfectionnent d'année en année. Notre rôle est d'y aider les universités, dans le cadre d'un projet national. C'est d'autant plus nécessaire que la recherche est une activité toujours plus compétitive. Notre devoir est de permettre à notre pays de tenir son rang dans la recherche et l'innovation en incitant les équipes présidentielles à repérer les forces et les faiblesses de leurs établissements et à aider les meilleurs en leur sein. Cela suppose d'identifier les domaines d'excellence mais aussi l'adéquation aux priorités nationales et régionales et l'implication des équipes de recherche dans l'industrie locale. Nous avons constaté une nette amélioration des projets parce que les équipes présidentielles savaient que l'on attendait beaucoup d'elles.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Au nombre des priorités nationales figure la capacité de la recherche française à s'insérer dans les contrats européens. Or, en entendant la personne chargée des relations internationales à la direction de l'enseignement supérieur, nous avons eu le sentiment d'une difficulté à appréhender de manière globale les relations entre les universités françaises et les universités étrangères. Quel rôle la direction de la recherche joue-t-elle dans les négociations à ce sujet ?

Mme Elisabeth Giacobino : Les grandes universités françaises se placent très bien dans les contrats européens : elles occupent la deuxième ou la troisième place. Sur un autre plan, elles entretiennent des relations bilatérales ou trilatérales avec leurs homologues. Pour gérer les contrats européens, les laboratoires ou les organismes ont besoin d'une aide logistique. Ils ont à ce sujet une attitude opportuniste et vont vers le gestionnaire qui leur semble le mieux placé, que ce soit le CNRS ou une université. L'important, c'est la performance de notre pays dans des domaines où nous avons des forces réelles. Le Fonds national de la science nous a permis d'aider les porteurs de projets à mieux se placer, y compris à Bruxelles. Outre qu'elle a alloué des crédits spécifiques, la direction de la recherche a conduit des réunions avec les divers responsables pour les sensibiliser à la culture du contrat européen. Cette culture est encore inégalement répandue, mais nous incitons tous les présidents d'université à intervenir quand leurs équipes ont un fort potentiel européen, et l'on note déjà de grands progrès dans la négociation des contrats. Bien entendu, selon le type d'université et le nombre de disciplines, les projets sont plus ou moins faciles à expliciter.

M. Alain Claeys, Rapporteur : L'équilibre trouvé ne sera-t-il pas bouleversé par l'Agence nationale de la recherche ?

Mme Elisabeth Giacobino : La direction de la recherche examine les projets qui remontent des universités et des UFR.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Certains considèrent que les UFR devraient être redimensionnés. Quelle est votre opinion ?

Mme Elisabeth Giacobino : Probablement, mais c'est un domaine où l'autonomie doit s'exercer. C'est aux présidents d'établissement qu'il revient de définir l'organisation en unité et en sous-unités de gestion qui correspond le mieux à leurs besoins. En réalité, le problème ne tient pas à la dimension des établissements mais à des questions de personnes. Certaines UFR ont gardé des prérogatives, parfois en raison de leur excellence scientifique, parfois parce qu'elles sont très connues pour des raisons historiques, et elles ont de mauvaises relations avec la présidence de l'établissement. Mais ce sont là des conflits internes de gouvernance, comme il en existe partout.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Un président d'université nous a dit négocier avec les chefs de laboratoires et non avec les UFR...

Mme Elisabeth Giacobino : On peut envisager une négociation directe quand il s'agit d'un très grand laboratoire et que l'UFR a un rôle de gestion. Mais dans le cas des sciences de la vie, par exemple, les équipes sont beaucoup plus dispersées et mieux vaut un organisme fédérateur. Dans tous les pays, y compris aux États-Unis, la recherche est un ensemble à l'organisation très complexe.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Donc, on ne change rien ?

Mme Elisabeth Giacobino : Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Sans vouloir remettre en cause l'autonomie des universités ou des organismes de recherche, nous voulons savoir si, indépendamment des questions de personnes, la directrice de la recherche pense que des dysfonctionnements structurels existent qui pourraient être corrigés.

Mme Elisabeth Giacobino : Je ne crois pas que les problèmes de structure soient dominants pour la recherche. Ce qui est en cause, c'est la gouvernance de tel ou tel établissement.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Ce qui signifie que lorsqu'un contrat pose problème, ce problème tient à la gouvernance ?

Mme Elisabeth Giacobino : Pas toujours. Il y a aussi que certaines situations sont plus difficiles que d'autres et que l'on ne change pas la politique d'un établissement, petit ou grand, du jour au lendemain. Nous sommes là pour aider les équipes présidentielles.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Étant entendu qu'un problème de gouvernance peut avoir des répercussions sur la possibilité de faire émerger un projet d'établissement de qualité, que faudrait-il modifier pour faciliter la définition de ces projets ?

Mme Elisabeth Giacobino : Les dysfonctionnements ne sont pas tels que...

M. Alain Claeys, Rapporteur : Pouvez-vous affirmer qu'il n'y a plus aujourd'hui aucun problème ni dans l'élaboration des projets d'établissement, ni dans le respect des délais, ni dans l'évaluation ?

Mme Elisabeth Giacobino : Je ne dis pas qu'il n'y a pas de problèmes, mais qu'ils sont en passe d'être résolus et que les délais sont raccourcis. Pour autant, on ne peut négocier un contrat d'établissement en trois mois.

M. Alain Claeys, Rapporteur : S'il n'y a pas de problème, pourquoi a-t-il semblé nécessaire de créer une Agence nationale de la recherche ?

Mme Elisabeth Giacobino : Il faut progresser mais, même si elle n'est pas très visible ni très compréhensible de l'extérieur, l'évaluation de la recherche en France est plutôt bien faite. Notre mission d'évaluation (MSTP) fait son travail et tout le monde sait qui est bon et qui ne l'est pas. L'évaluation est faite ; elle n'est pas toujours écrite, elle n'est pas toujours claire vue de l'extérieur mais, en interne, elle est bien connue.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Les financeurs auront désormais besoin que les choses soient claires pour l'extérieur aussi.

Mme Elisabeth Giacobino : C'est pourquoi nous mettons en place un système tel que chaque responsable d'université et de laboratoire puisse avoir un résumé de l'évaluation de chaque unité de recherche ainsi que le nombre d'enseignants-chercheurs et de chercheurs publiants, par le biais d'un site Internet accessible avec un mot de passe. Cela jouera beaucoup sur la transparence de l'évaluation. Les équipes sont classées, et les crédits dépendent fortement de cette évaluation, qui porte à la fois sur l'activité passée et sur le projet.

Il ne faut pas penser que tout va mal. Ce que nous attendons de la nouvelle Agence, c'est une meilleure visibilité car, pour l'instant, beaucoup d'organismes coexistent qui ne travaillent pas de la même manière. Son rôle sera de renforcer la cohérence de l'évaluation, mais l'on ne peut pas dire que l'on part de rien.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Nous ne disons pas que tout va mal mais nous ne pensons pas que tout aille bien. Nous considérons que des dysfonctionnements importants existent, auxquels on peut remédier dans le cadre actuel et qu'il nous revient à tous de formuler des propositions à cette fin, mais nous ne sommes pas réunis pour organiser le « Grand Soir » de la recherche.

Mme Elisabeth Giacobino : Les perspectives offertes par la loi permettront d'améliorer le dispositif d'évaluation et de renforcer sa cohérence.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : En matière de recherche, quel est le cycle d'évaluation ?

Mme Elisabeth Giacobino : Tous les quatre ans.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : En théorie, ou réellement ?

Mme Elisabeth Giacobino : Réellement, et une autre a lieu à mi-parcours si la nécessité s'en fait sentir.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Qu'advient-il des laboratoires qui apparaissent peu performants ? La décision est-elle prise de supprimer les moyens ?

Mme Elisabeth Giacobino : Bien sûr. Les équipes classées « C » ne reçoivent pas de crédits du ministère. Cela vaut dans 10 à 20 % des cas, et nous passons beaucoup plus de temps à étudier celles-là que les autres.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Que deviennent alors les enseignants-chercheurs ?

Mme Elisabeth Giacobino : Les crédits correspondants ne figurent plus dans les contrats d'établissement, mais les présidents ont toujours la souplesse nécessaire pour aider telle activité ou telle autre. Nous conseillons à ces équipes une réorientation profitable à l'établissement et à l'activité de recherche nationale. C'est un de nos rôles de voir comment la reconversion peut s'opérer, à la fois parce que nous avons une vision d'ensemble et parce que notre avis passe peut-être plus facilement que si, émanant de la présidence, il était perçu comme une brimade « locale ». Avec le même souci de compétitivité de l'activité nationale de recherche sur l'ensemble du territoire, nous menons aussi des concertations avec les organismes pour harmoniser les crédits affectés à leurs équipes et à celles des universités.

M. Yves Deniaud, Président : Dans quelle proportion la réorientation aboutit-elle ?

Mme Elisabeth Giacobino : Tout dépend de la façon dont on mesure le taux de succès. Sauf problèmes personnels particuliers, les gens en difficulté sont demandeurs d'aide et de conseils, et les équipes présidentielles essayent de suivre nos recommandations. Mais, comme dans tout corps social, on constate un certain pourcentage d'échec. D'autre part, certains enseignants-chercheurs de qualité s'investissent davantage dans la formation et dans l'organisation de la formation. Ces activités, qui prennent énormément de temps, sont reconnues par les présidences et ouvrent la voie à des possibilités de promotion.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les tâches d'organisation sont donc importantes ?

M. Jean-Marc Monteil : Notre université doit absolument évoluer mais l'une des difficultés principales tient à l'extrême complexité du processus à mettre en œuvre si l'on souhaite modifier les composantes d'un établissement. La majorité qualifiée du conseil d'administration est requise, puis la décision passe au CNESER. Elle relève donc de l'État, alors que l'on pourrait penser qu'elle dépend de l'université considérée. On en est largement resté au modèle facultaire, ce qui présente des inconvénients si l'on souhaite que les établissements rendent des comptes.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : La lourdeur du processus est-elle une des raisons pour lesquelles la modification de périmètre des universités n'est pas proposée plus souvent ?

M. Jean-Marc Monteil : Oui. Il y aurait plus de projets de modification si les choses étaient plus simples. J'ai vécu l'époque où la nécessité de reconnaître la composante « langues étrangères appliquées » s'est imposée. Mais le combat, très douloureux, a duré des années, car les membres de la composante « langues et civilisations » ont ressenti cette évolution comme une amputation. Des évolutions de cette nature sont encore nécessaires.

Il y a autre chose. Paradoxalement aujourd'hui, c'est davantage dans les conseils scientifiques que les enjeux s'expriment qu'au sein des conseils d'administration, pourtant décisionnaires. Si l'on veut attirer les meilleurs, il faut leur donner des responsabilités à exercer. Ainsi attirera-t-on des personnes capables de faire des choix dans un cadre nouveau de responsabilité.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Que faire ?

M. Jean-Marc Monteil : Demain, une partie des budgets sera laissée à la discrétion des établissements, mais le fléchage sera moindre.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Vous plaidez donc en faveur de la globalisation et de la fongibilité ?

M. Jean-Marc Monteil : Oui. C'est capital pour que les gens acceptent de prendre des responsabilités.

Par ailleurs, recherche, formation et gestion sont indissociables. Il faut rendre une égale dignité à toutes ces fonctions pour que, lorsqu'on a le statut d'enseignant-chercheur, on le remplisse pleinement. Il est évident que la recherche nourrit la formation, mais la formation peut aussi nourrir la recherche et, quand on promeut, il est indispensable de ne pas considérer que la part « recherche » doit nécessairement être la plus importante. Les promotions sont laissées à la discrétion des établissements, mais ceux-ci ne doivent pas promouvoir tel ou tel au seul motif qu'il n'a pas démérité. Elles doivent traduire parfaitement l'activité réelle et l'évaluation doit prendre en compte, au même titre que la recherche, la valorisation de la recherche, la diffusion de la culture scientifique, les nouveaux enseignements. Ce n'est pas fait. Or, ces activités sont indispensables à la vie des établissements et, si elles n'étaient pas conduites par les chercheurs, il faudrait recruter pour les assurer. Aujourd'hui, elles ne sont pas suffisamment reconnues.

De même, l'idée a trop longtemps prévalu que la recherche académique était la seule valorisante. Pourtant, il ne s'agit pas de savoir si les objets de recherche sont plus ou moins dignes mais si ce que l'on fait est de qualité. Or, la hiérarchie des objets scientifiques conditionne elle-même une hiérarchie des évaluations qui ne correspond pas obligatoirement à l'intérêt national.

Pour ce qui est des relations internationales, les universitaires entretiennent depuis très longtemps des relations avec leurs pairs. Mais, aujourd'hui encore, quand nos chercheurs vont à l'étranger, c'est leur laboratoire qu'ils emportent dans leur valise, et non leur université. Cela ne doit plus être.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Certains vont jusqu'à ne pas mentionner leur université lorsqu'ils publient, si bien que ces publications n'ont pas été recensées dans le classement de l'université de Shanghai.

Mme Elisabeth Giacobino : Je voudrais ajouter quelques remarques sur les contrats. Nous souhaitons de plus en plus responsabiliser les présidents, et suivant la qualité du projet d'établissement, nous essayons de leur donner des plans pluri-formations leur permettant d'avoir une capacité d'initiative et d'attractivité au cours du contrat.

Par ailleurs, les présidents ont déjà des possibilités en la matière, puisque, sur les crédits fléchés en direction des unités de recherche, ils disposent du BQR
- bonus qualité recherche - de 15 %. Ces 15 % peuvent ensuite être répartis entre des équipes de qualité qui ont des projets et des besoins particuliers à certains moments.

Nous examinons aussi la manière dont le BQR est utilisé. S'il sert à financer des projets que le ministère a jugés médiocres, nous en tirons les conséquences sur le contrat suivant, d'où l'intérêt de cette évaluation a posteriori.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Je retiens que, sur les deux premiers points, il y a des progrès en termes de projets et de délais. S'agissant des évaluations, il n'est pas question de remettre en cause celles qui fonctionnent bien aujourd'hui.

Abordons à présent des sujets moins nobles, mais récurrents. Concernant la LOLF, beaucoup de nos interlocuteurs craignent de crouler sous les indicateurs. Où en êtes-vous ? Quelles difficultés rencontrez-vous ?

Par ailleurs, il semble que le système d'information des universités soit en panne. Pourquoi ? Quelles initiatives l'État pourrait-il prendre ?

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Nos interlocuteurs nous disent qu'à côté des indicateurs LOLF, ils doivent aussi renseigner les indicateurs des ministères, des services etc. Ils finissent par sombrer sous l'avalanche de questionnaires, qui ne sont pas toujours cohérents entre eux, du reste.

Mme Elisabeth Giacobino : Je ne sais pas de quels questionnaires il est question. Pour ce qui est de la recherche, il n'y a que peu d'indicateurs LOLF - la part française dans les publications mondiales, les brevets... Pour les évaluations, il y a un certain nombre de chiffres mais qui, de toutes manières, ont toujours été fournis par les institutions de recherche.

Concernant l'information, le problème est de mettre en cohérence ces chiffres et ces indicateurs, fournis de tout temps, et de remonter au niveau national. Nous avons ces données, mais elles ne sont pas informatisées au point de permettre de connaître le nombre de publications sur tel sujet, rien qu'en appuyant sur un bouton. Il faudrait pour cela des systèmes d'information perfectionnés.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Que peut-on faire pour ces systèmes d'information dont il apparaît de plus en plus qu'ils sont le point faible de l'organisation de l'État à tous les niveaux ? Que fait-on du classement de Shanghai ?

Mme Elisabeth Giacobino : Le système d'information de l'université ne se résume pas à la production scientifique : c'est aussi un système financier, un système portant sur les personnels, etc. Les universités travaillent à l'amélioration de leur système d'information, et pas seulement sur le plan budgétaire et comptable.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Chacune dans leur coin ?

Mme Elisabeth Giacobino : Non, l'Agence de mutualisation des universités y veille. Elle vient de recruter des personnels qui viennent de l'administration centrale ou du CNRS et qui sont d'excellente qualité.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : C'est donc une garantie, pour vous, de venir de l'administration ou du CNRS ?

Mme Elisabeth Giacobino : Non, mais ce sont des gens que nous connaissons, et dont nous avons regretté le départ.

Au stade où nous en sommes, nous ne pouvons pas demander à tout le monde de disposer du même système d'information. Il s'agit d'avoir un « supra-système » qui permette de reprendre les informations qui remontent et de les organiser dans un ensemble utilisable par l'État.

Nous sommes en train de lancer au niveau de l'administration centrale un projet sur ce sujet - le projet SAPIRES. Il faudra un certain temps, car c'est complexe et coûteux.

Quant au classement de Shanghai, il faut bien noter que ce n'est pas un hasard s'il doit sa création aux Chinois car il est culturel en Chine de classer tout et tout le monde.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Tandis qu'en France, on note les laboratoires, mais avec un code pour que personne n'ait accès à la notation !

Mme Elisabeth Giacobino : Dans un premier temps, au niveau expérimental, ce sera codé. Je veux bien que tout le monde ait accès à la notation, mais il est peut-être préférable d'avancer petit à petit, pour déterminer les informations qui seront d'ordre public ou non.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Les collectivités territoriales, qui parfois accompagnent des laboratoires de recherche, auraient sans doute intérêt à y accéder.

Mme Elisabeth Giacobino : Que les collectivités territoriales s'adressent à nous, et nous leur communiquerons les évaluations.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Elles pourraient aussi y accéder directement.

Mme Elisabeth Giacobino : Je pense qu'un dialogue avec les collectivités sur les résultats de ces évaluations serait fructueux. Il en existe peu au niveau de l'administration centrale, contrairement au CNRS, et c'est dommage.

Le classement de Shanghai est basé sur des critères très globaux, et les Chinois eux-mêmes se sont étonnés de son retentissement au niveau mondial. Ce classement a énormément de défauts dans la mesure où il ne distingue pas les petits établissements excellents des gros. Il suffirait alors de réunir plusieurs universités pour remonter dans le classement de Shanghai. Un autre problème se pose avec les adresses que les chercheurs mettent sur leurs publications, et qui ne correspondent pas toujours à l'organisme principal de financement. C'est ainsi que les universités « perdent » des publications.

C'est vrai aussi que les Américains ont une manière de compter les publications qui dépend de la façon dont l'adresse est écrite, mais les Français ne le savent pas ! Les auteurs du classement de Shanghai ont utilisé cette méthode, et suivant qu'il y avait une virgule ou un point virgule entre les différents organismes de rattachement, ceux-ci ont été comptés ou non. De ce fait, le classement de Shanghai ne reflète pas la place réelle de nos institutions dans le monde. Et je ne parle pas du fait que certaines universités ont deux noms - pour Shanghai, du coup, ce n'est pas la même université.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Concrètement, que faire ? L'ignorer ? Ou considérer qu'il a une lisibilité dans le monde et donner des instructions pour s'y adapter, et être ainsi mieux classés ?

Mme Elisabeth Giacobino : Les deux, ne serait-ce que parce que le classement de Shanghai a eu le mérite de nous faire prendre conscience que nous n'étions pas reconnus à la hauteur de notre qualité. Si l'on se réfère à des critères très globaux, comme le nombre de publications dans le monde, la France est au cinquième rang, ce qui est très honorable.

Il faut profiter de ce choc pour améliorer notre lisibilité à l'extérieur. Ainsi, dans le cadre de ce système d'information rationalisé, nous améliorons la numérotation de nos unités de recherche, et nous posons des règles sur la façon d'écrire les adresses.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Quand cela sera-t-il opérationnel ?

Mme Elisabeth Giacobino : Dans plusieurs mois, peut-être plus. Ce n'est pas si facile, car selon les journaux scientifiques, il y a plus ou moins de place pour l'adresse. Une unité de recherche reliée à trois tutelles n'a ainsi pas toujours la place de mettre leurs trois noms en intégralité. Il faudra régler ce problème dans les détails.

L'observatoire des sciences et des techniques, l'OST, a été chargé par le ministère d'un décompte détaillé de la production des divers établissements.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Avec un échéancier ?

Mme Elisabeth Giacobino : Oui, et les indicateurs de la LOLF ont d'ailleurs été produits par l'OST. C'est un métier. Malheureusement, ceux qui ont mis en place le classement de Shanghai ne se sont pas adressés à l'OST.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Les indicateurs LOLF vont-ils pouvoir sans difficulté être « renseignés » en totalité et à temps pour le projet de loi de finances pour 2007 ?

Mme Elisabeth Giacobino : Pour un certain nombre, ils le sont, mais d'autres ne peuvent l'être que l'année d'après - par exemple le taux de citations.

De toutes manières, l'impact de la nouvelle loi de programmation sur la recherche et des engagements financiers qui sont pris ne se verra pas sur un an. On ne va pas changer sur un an le nombre de publications. Un certain nombre d'indicateurs devront donc être étudiés dans la durée.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Il est évident que tous les indicateurs doivent être analysés dans la durée. Plus tôt on a l'année de référence, mieux c'est.

Mme Elisabeth Giacobino : Absolument, mais dès cette année, la majorité des indicateurs a été renseignée.

M. Jean-Marc Monteil : En tant que directeur du programme 150
- « Formation supérieure et recherche universitaire » - et du programme 231
- « Vie étudiante » -, je voudrais signaler que nous avons en effet des problèmes d'indicateurs, liés à une certaine imprécision.

Nous avons mis en place assez rapidement un système d'indicateurs, mais ce n'était pas simple, car chacun cherchait ses marques. On procède aujourd'hui à quelques réajustements dans le cadre du programme annuel de performance. On a ainsi enfin compris le rapport entre efficacité et efficience. Il est très difficile de construire l'indicateur d'efficience, qui est l'expression de la plus-value d'un établissement. On a vu combien c'était difficile pour les lycées.

Nous n'avons pas noyé les établissements sous les questionnaires. Au contraire, nous avons essayé de nouer le dialogue, et nous avons organisé des séminaires.

Les indicateurs de performance sont peu nombreux. Ainsi, l'insertion professionnelle des étudiants est un indicateur de performance. Mais si l'on prend une école d'ingénieurs, qui a sélectionné les meilleurs élèves d'une génération, et se retrouve avec 100 % de ses étudiants insérés professionnellement au bout d'un certain temps, que signifie cet indicateur de performance par rapport à l'université, qui compte 14 % de bacheliers professionnels, et 20 % de bacheliers technologiques ? Il est donc aussi important de disposer d'un indicateur d'efficience.

Comment le construire ? Il peut être rapporté au coût, mais il faudra également intégrer, par exemple, les profils des étudiants.

Ces indicateurs doivent par ailleurs être négociés, appropriés par les uns et les autres. Je suis très inquiet, en tant que directeur de programmes qui compte deux cents opérateurs ! Il est évident que ce ne sera pas encore parfait cette année, mais il faut avancer progressivement.

Troisième élément : la « soutenabilité » budgétaire à moyen terme. Si l'on conclut des contrats, si l'on a des projets, il faudra penser de façon pluriannuelle. Si l'on s'engage sur quatre ans, il faudra veiller à réaliser ses priorités.

Quatrième élément : la justification au premier euro. Pour faire comprendre cette notion aux universités, j'utilise une image : imaginez que demain on vous reprenne tout, et que pour tout retrouver, vous soyez obligés de tout justifier. Il y a un effort pédagogique à faire pour que, petit à petit, les gens comprennent. Prenons garde alors à ne pas bureaucratiser le système et multiplier les indicateurs.

Nous sommes donc favorables à un petit nombre d'indicateurs, mais révélateurs : efficience, soutenabilité budgétaire, justification au premier euro. Malheureusement, nous sommes déficitaires en systèmes d'information.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : On l'a entendu partout.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Alors, qu'allez-vous faire ?

M. Jean-Marc Monteil : Nous avons construit des machines extrêmement complexes...

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Comme partout...

M. Jean-Marc Monteil : Une réflexion est engagée, mais elle est compliquée.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Ce qui explique pourquoi la procédure d'appels d'offres est suspendue ?

M. Jean-Marc Monteil : La difficulté tient à ce que deux options sont possibles : l'option « Rolls Royce » et une option beaucoup plus modeste mais peut-être plus proche des besoins des établissements. Or, certains éprouvent un fort désir de Rolls Royce... Il s'agit donc pour l'instant de calibrer le système d'information pour qu'il soit le plus simple possible, afin qu'il soit d'un usage facile pour tous. Nous y travaillons beaucoup, mais il nous faudra du temps. Or, les responsables d'établissements sont victimes des lacunes actuelles car il y a une solution de continuité entre les activités réelles et les remontées. Chacun ressent la nécessité d'un système commun mais il faut aussi déterminer s'il doit être généraliste ou compatible. En bref, nous ne sommes pas au point, mais nous avons tous une claire conscience qu'il est capital de progresser. Je précise que si l'AMUE est financée par les établissements, elle l'est aussi par le ministère, et de façon importante. Cette situation est un argument supplémentaire en faveur d'indicateurs extrêmement simples, donnant des informations elles-mêmes simples et objectives. Il faut tendre vers la simplicité la plus grande. Le système doit être compréhensible par tous, ce ne doit pas être l'occasion d'un débat d'initiés.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : La gestion des affectations des postes administratifs est très contraignante. La globalisation de la catégorie C assortie d'une possibilité de recrutement local faciliterait la vie des universités et permettrait une mutualisation des moyens conforme à l'esprit de la loi. Qu'en pensez-vous ?

Dans un autre domaine, les universités reçoivent des moyens de l'État mais elles disposent aussi de ressources propres par le biais des droits, des apprentissages et des contrats. La direction de l'enseignement supérieur a-t-elle une vision globale de la capacité financière consolidée des établissements, dont beaucoup ont des satellites ? Comment permettre à tous d'accroître leurs ressources extra-budgétaires ?

M. Jean-Marc Monteil : La tendance est plutôt au recrutement de personnels de catégorie A - les ingénieurs de recherche - et les emplois sont affectés sur la base des demandes des établissements, comme pour les enseignants-chercheurs.

Il existe cependant des universités dans lesquelles les agents de catégorie C représentent 70 % de l'effectif, ce qui pose un problème dans un objectif de compétition internationale. Cela dit, il y a catégorie C et catégorie C, car on trouve aussi regroupés là des agents qui ont acquis une très grande compétence. D'une manière générale, nous nous employons à accroître les recrutements d'agents de la catégorie A et à procéder à un repyramidage, car les établissements demandent des agents de catégorie C pour des fonctions qui pourraient être assurées autrement : par exemple, la demande n'a pas de sens s'il s'agit de faire des photocopies.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Mais si l'on veut allonger les horaires d'ouverture d'une bibliothèque, il faudra des magasiniers supplémentaires. Comment, alors, recruter aussi des agents de catégorie A ? Ne pourrait-on concevoir d'allouer une enveloppe globale au président de l'université pour qu'il recrute selon ses besoins, ou doit-on en rester au circuit traditionnel ?

M. Jean-Marc Monteil : Aujourd'hui, nous satisfaisons les demandes d'emplois supplémentaires dans les bibliothèques mais, en contrepartie, nous demandons que les horaires d'ouverture s'allongent. À mon avis, il y a là quelque chose à mettre au point avec les étudiants ressortissants de l'université considérée. Plutôt que de travailler chez McDonald's, mieux vaudrait pour eux travailler à la bibliothèque et que cette activité rémunérée soit « créditable » dans le cadre de leur formation. Ce doit être assez facilement acceptable par les étudiants dans ces termes. Ils pourraient, de même, travailler dans le cadre de la solidarité étudiante. La LOLF permet aux établissements de proposer des emplois financés sur leurs ressources propres. Mais il faut du personnel qualifié.

Alors qu'elles étaient précédemment ouvertes 40 heures, les bibliothèques universitaires le sont actuellement quelque 60 heures par semaine, mais 75 ou 80 heures ailleurs dans l'espace européen. Nous pouvons atteindre cet horaire d'ouverture si les universités sont aidées par des emplois publics et par un dispositif contractuel. Mais il ne faut pas le masquer : pour ce faire, il faudra aussi étudier la manière dont le personnel IATOS est employé et rendre les durées d'emploi comparables car, actuellement, les dispositions légales sont appliquées de manière très différente, ce qui est insupportable pour ceux qui s'investissent. En d'autres termes, on demandera, à l'occasion de la négociation des contrats, comment est organisée la RTT.

Nous ne pouvons à ce jour appréhender les comptes consolidés des universités, à la fois parce que l'analyse des comptes financiers se fait à N-1 et parce que nous n'avons pas complètement réussi à calibrer l'ensemble. Mais le titre II de la LOLF permet d'identifier beaucoup plus facilement les emplois. Nous nous attachons donc à renforcer la transparence et nous pensons parvenir très vite à la consolidation budgétaire sans trop de difficultés. Pour l'instant, lorsqu'on interroge un établissement sur son budget, il donne pour seule réponse le montant de la DGF...

M. Jean-Marc Monteil : C'est ainsi que l'on a le sentiment d'un très fort décalage avec les ressources des universités étrangères. Ainsi, le budget consolidé de l'université de Bordeaux-I est de 250 millions d'euros, ce qui n'a rien à voir avec le montant de sa DGF. J'observe par ailleurs que lorsque l'État verse 100 millions d'euros aux trois universités d'Aix-Marseille, c'est mentionné en une ligne dans la Provence, mais que si un investisseur apporte la même somme, il aura les honneurs du journal télévisé de 20 heures ! Enfin, alors que l'État aura apporté 85 millions d'euros par contrat, le vote du conseil d'administration d'un établissement peut être suspendu à une négociation d'arrache-pied sur 50.000 ou 200.000 euros...

Mme Elisabeth Giacobino : Les contrats quadriennaux sont parfois difficilement compatibles avec la règle de l'annualité budgétaire.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Nous travaillons à la pluriannualité budgétaire dans le cadre de la LOLF, pour parvenir aux harmonisations nécessaires.

Mme Elisabeth Giacobino : Notre priorité a été de respecter les contrats, ce qui était indispensable pour la crédibilité de l'administration centrale, et indispensable pour que les établissements se sentent, en contrepartie, tenus de respecter leurs engagements.

M. Yves Deniaud, Président : Madame, Monsieur, je vous remercie pour votre éminente contribution à nos travaux.

LISTE DES ENTRETIENS DES RAPPORTEURS

22 février 2006 :

- Mme Christine Musselin, Directrice de recherche au Centre de sociologie des organisations

1er mars 2006 :

- M. Éric Froment, chargé de mission pour les relations internationales auprès du Directeur de l'enseignement supérieur

7 mars 2006 :

- M. Bernard Dizambourg, Inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, ancien directeur de l'École supérieure de l'Éducation nationale

8 mars 2006 :

- M. William Marois, Recteur de l'académie de Bordeaux

26 avril 2006 :

- M. Jean-Marc Rapp, Recteur de l'Université de Lausanne

3 mai 2006 :

- M. Paolo Blasi, Professeur à l'Université de Florence, membre du Comité national d'évaluation (CNE)

- M. Michel Lussault, Président de l'Agence de mutualisation des universités (AMUE)

- M. François Peccoud, ancien Président de l'Université de technologie de Compiègne (UTC)

4 mai 2006 :

- M. Jean-Richard Cytermann, Inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche

- M. Michel Dellacasagrande, Directeur des affaires financières au ministère de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

- M. Jean-Yves Mérindol, ancien Président de l'Université Louis Pasteur - Strasbourg I

15 mai 2006

- M. Claude Jameux, Président de l'Université de Savoie, ainsi que M. Alain Miaoulis, secrétaire général.

18 mai 2006 :

- M. Daniel Vitry, Directeur de l'évaluation et de la prospective au ministère de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

- Mmes Dominique Laffare et Marie-Lucie Gosselin, et MM. Philippe Mesnier, et Alain Favennec de l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA)

ANNEXE


RAPPORT REMIS À LA COMMISSION DES FINANCES
PAR LA COUR DES COMPTES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 58, ALINÉA 2, DE LA LOLF

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N° 3160 Rapport d'information de MM. Michel Bouvard et Alain Claeys en conclusion des travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur la gouvernance des universités dans le contexte de la LOLF

1 () Le diplôme d'études universitaires générales (DEUG) n'existe plus : dans le cadre du système LMD, la licence valide les trois premières années d'études supérieures.

2 () Source : direction de l'enseignement supérieur.

3 () Il s'agit de la dépense moyenne par étudiant hors dépenses de recherche, d'après les statistiques de l'OCDE, calculée en parité de pouvoirs d'achat ; une simple conversion en euros n'aurait donc pas de sens. L'indicateur retenu par l'OCDE en 2004 est basé sur des données de 2001. Les auditions de la mission ont montré qu'il fallait considérer les statistiques officielles avec prudence.

4 () Décision n° 83-165 DC du 20 janvier 1984, et décision n° 93-322 DC du 28 juillet 1993.

5 () Ch. Musselin (2003), « L'évolution des universités depuis vingt ans », Regards sur l'actualité, 293, août-septembre 2003.

6 () Y. Vallée, audition du 9 février 2006.

7 () S. Mignot-Gérard et C. Musselin (2005), « Chacun cherche son LMD », Synthèse du rapport CSO/ESEN sur l'adoption par les universités françaises du schéma européen des études supérieures en deux cycles.

8 () Le diplôme d'études universitaires générales (DEUG) n'existe plus : dans le cadre du système LMD, la licence valide les trois premières années d'études supérieures.

9 () Taux de réussite au DEUG, calculé pour l'ensemble des étudiants entrés en première année de premier cycle et ayant confirmé leur inscription l'année suivante. Source : Ministère de l'éducation nationale.

10 () STS, diplômes des métiers d'art et classes de mise à niveau ; source : Ministère de l'éducation nationale.

11 () Les 16,4 % restants proviennent d'autres origines : autres BTS, université, IUT, vie active etc.

12 () Source : Ministère de l'éducation nationale.

13 () Centre d'études et de recherche sur les qualifications.

14 () Audition du 9 mars 2006.

15 () Instruction codificatrice n° 00-076-M93 du 21 septembre 2000 sur la réglementation budgétaire, financière et comptable des EPCSP.

16 () Rapport sur la gestion immobilière et financière des universités, IGAENR, septembre 2003.

17 () Le décret du 14 janvier 1994 pose le principe du budget de gestion, dont l'arrêté du 19 mai 1994 fixe les modalités : les destinations dans lesquelles s'inscrivent les recettes et les dépenses sont définies par le conseil d'administration de l'établissement et retracent les objectifs de gestion correspondant aux grands axes de développement de l'établissement. Dans le cadre de la LOLF, la présentation doit être placée en cohérence avec la présentation par actions du programme ministériel, afin de permettre une « remontée » homogène des informations budgétaires.

18 () Article L. 712-1 du code de l'éducation (article 26 de la loi du 26 janvier 1984) :

« Le président d'université par ses décisions, le conseil d'administration par ses délibérations, le conseil scientifique ainsi que le conseil des études et de la vie universitaire par leurs propositions, leurs avis et leurs vœux, assurent l'administration de l'université ».

19 () C. Musselin et S. Mignot-Gérard (2000), « Étude quantitative des modes de gouvernement de 37 universités », Rapport d'enquête commandé par l'AMUE.

20 () Article 28 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984 modifié, fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences.

21 () Article L. 713-9 du code de l'éducation, relatif aux instituts et aux écoles (article 33 de la loi du 26 janvier 1984) : « Aucune affectation ne peut être prononcée si le président émet un avis défavorable motivé ».

22 () Article L. 711-7 du code de l'éducation.

23 () Y. Vallée, audition du 9 février 2006.

24 () Audition du 9 mars 2006.

25 () Audition du 9 mars 2006.

26 () Article L. 953-2 du code de l'éducation (article 59 de la loi du 26 janvier 1984).

27 () Audition du 23 février 2006.

28 () Audition du 6 avril 2006.

29 () Le décret n° 94-39 du 14 janvier 1994 relatif au budget et au régime financier des EPSCP et l'instruction budgétaire et comptable M 9-3 prévoient explicitement que l'agent comptable puisse être nommé chef des services financiers ; il exerce alors certaines missions pour le compte de l'ordonnateur, uniquement dans le cadre de la préparation budgétaire, sans que cela mette fin à la séparation de l'ordonnateur et du comptable.

30 () L'AMUE a un budget de 21 millions d'euros en 2006, dont 3 millions de crédits de l'État. Le reste provient des cotisations des membres (universités, IUFM, certaines grandes écoles, etc., en tout 160 établissements), du produit d'une redevance annuelle mutualisée couvrant les coûts d'assistance et de maintenance, ainsi que du produit des achats de licences informatiques.

31 () Article 42 de la loi du 26 janvier 1984.

32 () Article 30 du décret du 14 janvier 1994.

33 () La longue marche des universités françaises, C. Musselin, 2001.

34 () Le décret instaurant l'AERES est en cours d'élaboration. D'après l'article L. 114-3-4 du code de l'éducation, issu de la loi de programme du 18 avril 2006 pour la recherche, l'agence est composée de sections ; il devrait y avoir quatre sections, chargées chacune d'un des domaines d'évaluation prévus par l'article L. 114-3-1 du même code : établissements d'enseignement supérieur et organismes de recherche, activités de recherche conduites par les unités, formations et diplômes, procédures d'évaluation des personnels. Dans ce schéma, le CNE constituerait, avec le comité national d'évaluation de la recherche (CNER), la 1ère section, chargée d'évaluer les établissements.

35 () Audition du 9 mars 2006.

36 () Actes du colloque de la CDUS à Orsay ; résolution adoptée à l'unanimité moins une abstention, lors de l'assemblée des directeurs du 15 décembre 2005.

37 () Audition du 9 mars 2006.

38 () Article L. 713-1 du code de l'éducation.