N° 1505 - Rapport de l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur l'épidémie de légionellose de novembre 2003 - Compte rendu de l'audition publique du 29 janvier 2004




N° 1505

N° 243

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ASSEMBLÉE NATIONALE

SÉNAT

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE DE 2003 - 2004

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Enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale

Annexe au procès-verbal

Le 18 mars 2004

de la séance du 4 mars 2004

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OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

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RAPPORT

sur

L'épidémie de légionellose de novembre 2003

Débats scientifiques et gestion de crise

Compte rendu de l'audition publique
du 29 janvier 2004

__________

__________

Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale

Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Claude BIRRAUX

par M. Henri REVOL,

Président de l'Office

Premier Vice-Président de l'Office

__________________________________________________________________________

Composition de l'Office parlementaire d'évaluation
des choix scientifiques et technologiques

Président

M. Claude BIRRAUX, député

Premier Vice-Président

M. Henri REVOL, sénateur

Vice-Présidents

M. Claude GATIGNOL, député
M. Pierre LAFFITTE, sénateur
M. Pierre LASBORDES, député
M. Gérard MIQUEL, sénateur
M. Jean-Yves LE DÉAUT, député
M. René TRÉGOUËT, sénateur

Deputés

Sénateurs

M. Jean BARDET
M. Christian BATAILLE
M. Claude BIRRAUX
M. Jean-Pierre BRARD
M. Christian CABAL
M. Alain CLAEYS
M. Pierre COHEN
M. Jean-Marie DEMANGE
M. Jean DIONIS DU SÉJOUR
M. Jacques DOMERGUE
M. Jean-Pierre DOOR
M. Claude GATIGNOL
M. Louis GUÉDON
M. Christian KERT
M. Pierre LASBORDES
M. Jean-Yves LE DÉAUT
M. Jean-Louis LÉONARD
M. Pierre-André PÉRISSOL
Mme Marie-Christine BLANDIN
M. Marcel DENEUX
M. Jean-Claude ÉTIENNE
M. Christian GAUDIN
M. Francis GIRAUD
M. Pierre LAFFITTE
M. Jean-Louis LORRAIN
M. Jean-Louis MASSON
M. Gérard MIQUEL
M. Bernard PIRAS
M. Daniel RAOUL
M. Ivan RENAR
M. Henri REVOL
M. Bernard SAUGEY
M. Claude SAUNIER
M. Bernard SEILLIER
M. René TRÉGOUËT
M. Jacques VALADE

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
(OPECST)

_________________________

« L'épidémie de légionellose de novembre 2003
Débats scientifiques et gestion de crise »

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Compte rendu de l'audition publique du
Jeudi 29 janvier 2004
Assemblée nationale - salle Lamartine

TABLE DES MATIÈRES

M. Claude BIRRAUX, député de Haute-Savoie, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.9

M. Jean-François MATTEI, Ministre de la Santé, de la famille et des personnes handicapées.11

Première partie : Définition de la maladie, diagnostic et aperçu des traitements17

Professeur Jérôme ÉTIENNE, Directeur du Centre national de référence des légionelles, INSERM19

Débat27

Tableau synthétique sur la légionellose32

Deuxième partie : la propagation de la maladie, la veille et le dispositif d'alerte aux différents niveaux35

Docteur Jean-Claude DESENCLOS, Responsable des maladies infectieuses, Institut de veille sanitaire (InVS)37

M. Frédéric MARCEL, Directeur adjoint des risques chroniques, Institut National de l'environnement industriel et des risques (INERIS)43

Débat48

Madame Roselyne BACHELOT-NARQUIN, Ministre de l'Environnement, de l'écologie et du développement durable53

Débat56

Troisième partie : La prévention des risques61

M. Thierry MICHELON, Sous-directeur de la gestion des risques des milieux, Direction générale de la santé (DGS)63

Débat67

M. Thierry TROUVÉ, Directeur de la prévention des pollutions et des risques, Ministère de l'Ecologie et du Développement durable69

M. Olivier BARBAROUX, PDG de Dalkia, Membre du Comité exécutif de Veolia Environnement73

Débat75

Quatrième partie : La gestion de crise77

Professeur Guy MEYER, Président du Comité de lutte contre les infections nosocomiales, hôpital Georges Pompidou79

Débat82

M. Pierre-Franck CHEVET, Directeur régional de l'industrie, de la recherche et de l'environnement du Nord-Pas-de-Calais87

M. Johnny MALEC, Directeur de l'usine Noroxo91

Débat96

M. Cyrille SCHOTT, Préfet du Pas-de-Calais97

ANNEXES101

ANNEXE 1 Les exemples étrangers103

ANNEXE 2 Schéma d'une tour aéro-réfrigérante109

ANNEXE 3 L'identification de l'épidémie de légionellose de 1998 à Paris111

ANNEXE 4 Réglementations - Recommandations115

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La séance est ouverte sous la présidence de Monsieur Claude BIRRAUX, député de Haute-Savoie, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

M. Claude BIRRAUX, député de Haute-Savoie,
Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Monsieur le Ministre, mes chers collègues parlementaires, Monsieur le Préfet, Mesdames et Messieurs les directeurs, Mesdames et Messieurs, je suis heureux de vous accueillir, dans le cadre de nos auditions ouvertes à la presse, pour cette matinée de réflexion sur les légionelloses. Ces auditions, qui font partie des traditions de l'Office parlementaire, nous permettent de disposer sereinement d'un lieu où, sur des sujets éminemment complexes, tous les points de vue peuvent être exprimés. C'est dans cette perspective que je place cette matinée.

Nous ne sommes pas ici pour juger l'action conduite par les autorités du Pas-de-Calais ; ce serait l'objet d'une commission d'enquête ou de toute autre démarche. Nous sommes réunis pour comprendre les problématiques soulevées par le développement des épidémies de légionellose, analyser les mécanismes de développement de l'épidémie et examiner la manière dont il convient d'y faire face. Le sujet est difficile. Nous sommes encore loin d'avoir compris l'ensemble des paramètres qui régissent le déclenchement et le développement de l'épidémie de maladies infectieuses. Souhaitons que cette matinée permette aux parlementaires de poser des questions essentielles et d'obtenir de bonnes réponses.

Les conditions de la vie urbaine laissent aujourd'hui une grande part aux structures collectives et, de ce fait, accroissent le risque infectieux. Ce dernier s'était estompé depuis le XIXème siècle grâce à l'amélioration des conditions de vie, d'hygiène et aux vaccinations. Depuis une vingtaine d'années, le risque infectieux s'accroît avec l'apparition de maladies nouvelles comme le SIDA ou le SRAS ou de pathologies existant à l'état endémique qui, par le développement des transports, se propagent à une vitesse foudroyante. Ce phénomène n'est pas nouveau. Lors de la conquête des Amériques, les maladies importées d'Europe ont été plus meurtrières que les conquistadores.

Nous ne traiterons ce matin qu'une partie de ce problème : les légionelloses, infections respiratoires liées à l'inhalation de microgouttelettes d'eau contaminées par des souches pathogènes de bactéries. Ces aérosols sont présents lorsque l'eau est pulvérisée, notamment à l'intérieur de tours aéro-réfrigérantes, ou lorsque l'eau est propulsée sur une surface comme lors du nettoyage sous pression. Entre 1988 et 1996, 50 cas déclarés ont pu être recensés. 610 cas ont été recensés au cours de la seule année 2000. Parmi eux, 92 ont entraîné un décès. Les légionelloses nosocomiales représentent 20 % des cas déclarés. Certes, ces statistiques peuvent être la conséquence d'un diagnostic plus performant. Nous examinerons cette hypothèse après l'intervention de Monsieur Jean-François MATTEI. Il incombe au Parlement de s'interroger sur l'insuffisante identification des sources de contamination, préalable indispensable à toute action de prévention.

J'ai souhaité -comme j'ai l'habitude de le faire dans le cadre des rapports dont j'ai la charge- que les acteurs de terrain nous exposent leurs problèmes ainsi que les pouvoirs publics chargés de faire respecter les normes et les exploitants contraints à les mettre en œuvre.

Monsieur le Ministre, je vous remercie infiniment d'avoir accepté d'ouvrir cette audition. Je sais que votre calendrier est fort chargé. Sans plus attendre, je vous laisse la parole.

M. Jean-François MATTEI,
Ministre de la Santé, de la famille et
des personnes handicapées.

Mesdames et Messieurs les parlementaires, Monsieur le Préfet, Mesdames et Messieurs les directeurs et Mesdames, Messieurs, en cette actualité marquée par l'épidémie qui sévit dans le Pas-de-Calais, je tiens à saluer l'initiative de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques qui a tenu à organiser un colloque sur la légionellose, et plus particulièrement, sur l'épidémie qui frappe le Pas-de-Calais. Cette épidémie suscite un débat. C'est là l'objet de cette matinée. Pour autant, il convient de faire preuve de prudence dans les explications apportées comme dans les conclusions tirées.

Je tiens à rappeler que l'épidémie ne peut pas, à ce jour, être considérée comme terminée bien que nous soyons plutôt rassurés par l'évolution constatée ces derniers jours. Néanmoins, nous ne sommes pas à l'abri de nouveaux cas. Le Préfet du Pas-de-Calais, avec l'appui de la DDASS, de la DRIRE, de l'InVS et des experts nationaux qui ont été détachés, reste extrêmement vigilant et les investigations sur les différentes sources de contamination se poursuivent. Je veux avoir une pensée pour les familles des dix victimes de cette épidémie ainsi que pour les personnes touchées par la légionellose. Celle épidémie, par son ampleur exceptionnelle, marque nécessairement les esprits. Je tiens à saluer le travail effectué par chacun pour soigner les malades et lutter contre l'épidémie. Depuis les attentats du 11 septembre 2001 et la réévaluation des menaces bio-terroristes, notamment la variole, depuis l'épidémie de SRAS qui a sévi en 2003 et l'actuelle épidémie de grippe aviaire en Asie, nous assistons à une nouvelle prise de conscience du risque infectieux. Alors que les progrès de l'hygiène et de la médecine nous avaient laissé croire que les principaux risques infectieux étaient surmontés et que nous entrions dans une phase de la médecine marquée par le cancer ou la génétique, nous reprenons conscience de l'importance du phénomène de l'infection en matière de santé publique. Cette prise de conscience est liée aux nouvelles formes de logique du risque et à l'accélération des modes de diffusion. Elle est également liée à notre meilleure connaissance des agents biologiques. Ainsi avons-nous identifié, il y a trente ans, la bactérie legionella. Nous savons mieux évaluer la vulnérabilité de certaines classes d'âges, notamment celle des personnes âgées, de plus en plus nombreuses dans les pays européens. Afin d'introduire les débats de cette matinée, je souhaiterais aborder trois sujets : la situation épidémiologique de la légionellose en France, les actions mises en place par le ministère de la Santé depuis 1997 et les nouvelles actions que j'entends développer avec le ministère chargé de l'environnement, afin d'améliorer la prévention et l'action des pouvoirs publics en cas d'épidémie.

Examinons tout d'abord la situation épidémiologique en France : le renforcement de la surveillance en 1997 et la mise à disposition d'un test de diagnostic simple et rapide ont permis d'augmenter de façon considérable l'exhaustivité de la déclaration obligatoire de la légionellose. Depuis 1996, le nombre de cas déclarés chaque année est en augmentation constante. Alors que 100 cas étaient déclarés en 1996, 1 021 l'ont été en 2002. Les chiffres de 2003 sont actuellement consolidés. Je ne suis pas sûr qu'ils prolongeront cette courbe ascendante. Ainsi, depuis 1997, notre connaissance des phénomènes liés à la légionellose s'est considérablement améliorée. Cela nous a permis de revoir et d'adapter continuellement notre stratégie face à cette pneumopathie. En 2002, l'âge médian des personnes atteintes était de 61 ans, ce qui montre que les personnes âgées sont plus vulnérables. La même année, la létalité sur l'ensemble des cas connus en France était de 13 %. Elle était de 20 % en 2001. Parallèlement à l'amélioration du diagnostic, des traitements plus efficaces ont pu voir le jour. Même si la maladie demeure extrêmement sévère, son pronostic a donc pu être amélioré. De toutes ces données, il convient de retenir que l'amélioration des déclarations de cas de légionellose, la lutte contre les infections nosocomiales, le développement d'une collaboration entre les médecins, les DDASS, l'institut de veille sanitaire, les cellules interrégionales d'épidémiologie (CIRE) et le centre national de référence de Lyon, ont permis de progresser considérablement dans la connaissance de la prévalence de cette maladie. Ces progrès ont contribué à détecter un plus grand nombre de cas groupés et d'épidémies auparavant ignorées. De ce fait, les sources de contamination ont été mieux maîtrisées alors qu'elles n'étaient pas repérées précédemment. Je tiens à remercier chacun de ces acteurs pour le travail entrepris. Nous leur devons le progrès considérable enregistré au cours des huit dernières années.

L'épidémie qui touche le Pas-de-Calais est la plus importante épidémie communautaire observée à ce jour en France. Elle est exceptionnelle pour au moins trois raisons :

- son étendue géographique dans un rayon de 12 kilomètres ;

- son apparition au cours de la saison hivernale, alors que la majorité des épidémies communautaires dans lesquelles une source d'exposition extérieure est en cause survient en été ;

- son importance (le 26 janvier 2004, 81 cas étaient recensés parmi lesquels 10 ont été mortels).

Il convient de ne pas comptabiliser les cas le jour où le diagnostic les confirme mais le jour où les premiers signes sont apparus. Ainsi, les cas confirmés le 28 janvier peuvent trouver leur place au cours de périodes compatibles avec les schémas épidémiologiques que nous avons progressivement tracés. Il est, bien entendu, trop tôt pour tirer toutes les leçons. Cependant, je tiens à souligner que, bien avant cette épidémie, le ministère de la Santé, en liaison étroite avec le ministère en charge de l'environnement, avait entrepris des actions pour faire face à ce risque.

Examinons à présent l'action conduite par le ministère de la Santé : dès 1997, avec la relance de la déclaration obligatoire, le ministère de la Santé a, dans le cadre d'une circulaire du 24 avril 1997, redéfini les conditions d'investigation autour des cas de légionellose déclarés. Celles-ci s'appuient sur les DDASS, l'InVS et les CIRE. Les DDASS sont chargées des enquêtes environnementales en vue d'identifier les sources potentielles de legionella autour des cas déclarés. Elles mènent ce travail en relation avec les DRIRE dès lors que les installations classées sont concernées. L'InVS et les CIRE conduisent, de leur côté, les enquêtes épidémiologiques en vue d'identifier les facteurs de risque ainsi que le déplacement des malades dans les jours précédant l'apparition des symptômes. C'est ce qui a été entrepris dans le Pas-de-Calais pour tenter de définir les points communs aux malades et de les comparer à des sujets appariés. Je considère que les DDASS et l'InVS ont désormais acquis une très bonne expérience dans ce domaine et qu'elles savent réagir très rapidement dès lors que des cas sont déclarés. L'épisode actuel vécu dans le Pas-de-Calais a prouvé le professionnalisme de ces services. Dans les établissements de santé, des mesures ont été prises afin d'améliorer la gestion des installations à risques (réseau d'eau chaude, tours aéro-réfrigérantes, bains à remous, bains à jets, humidificateurs). Les actions à mettre en œuvre ont été définies par une circulaire de 2002 qui s'inscrit pleinement dans la lutte contre les infections nosocomiales. Néanmoins, chaque épidémie révèle la pluralité des sources d'exposition : tours aéro-réfrigérantes, réseau d'eau chaude, fontaine publique... Cela nous incite à la vigilance et à une intensification du travail. C'est désormais sur les sources, sur les modes de canalisation et de diffusion des légionelles que nous devons travailler en vue de réduire les risques dans les meilleurs délais.

A la suite des épidémies de Montpellier et de Poitiers au cours de l'été 2003, les deux ministères ont engagé un travail approfondi sur la réglementation applicable aux tours aéro-réfrigérantes. On peut constater qu'elles sont très fréquemment impliquées dans les cas d'épidémies communautaires. La piste la plus probable de l'épisode qui frappe le Pas-de-Calais converge vers une tour aéro-réfrigérante. En conséquence, Madame BACHELOT et moi-même avons décidé d'accélérer la formalisation d'un programme d'action plus complet. Nous avons demandé à la direction générale de la santé, à la direction de la prévention de la pollution et des risques d'élaborer rapidement le contenu du programme d'action. Il sera présenté en détail lors d'un prochain comité national de sécurité sanitaire. Je voudrais vous en présenter quatre grandes lignes. Je m'attacherai à présenter celles qui relèvent plus spécifiquement du ministère de la Santé. Madame BACHELOT présentera en fin de matinée celles qui relèvent de son ministère.

Le développement des études et recherches avec le concours de l'InVS, de l'Agence française de sécurité environnementale et l'INERIS : notre connaissance de la prévalence de la légionellose et des facteurs de risque demeure encore insuffisante. Nous devons développer une véritable expertise nationale dans ce domaine en nous appuyant sur nos agences spécialisées. Ainsi, dans le Pas-de-Calais, l'InVS a d'ores et déjà lancé cette étude auprès de 200 personnes en vue d'améliorer notre connaissance des épidémies communautaires.

La définition de normes pour les circuits d'eau chaude sanitaire : en effet, de nombreux cas sont dus à des températures insuffisantes dans les réseaux d'eau chaude sanitaire, ce qui favorise le développement des bactéries. Deux arrêtés sur la température de l'eau chaude sanitaire ainsi que sur l'hygiène des réseaux de distribution d'eau seront finalisés au cours du premier trimestre 2004. Dès la parution de ces textes, des actions d'information seront entreprises.

La prévention dans les établissements de santé : des actions de contrôle seront lancées en 2004 dans 10 % des établissements (soit 400 établissements) afin de s'assurer que les mesures de prévention des risques ont été suivies.

Le renforcement de la réglementation applicable aux tours aéro-réfrigérantes : Madame BACHELOT abordera le sujet des grandes tours aéro-réfrigérantes qui constituent des installations classées. Dans le cadre du projet de loi relatif à la politique de santé publique adopté récemment au Sénat, un régime pour les tours qui ne sont pas des installations classées a été créé afin de combler le vide juridique dans lequel demeuraient les petites tours. Ces nouvelles dispositions permettront, d'une part, de connaître ces tours et, d'autre part, de les réglementer. Un recensement conjoint des tours aéro-réfrigérantes, classées ou non classées, sera lancé aux côtés du ministère de l'Ecologie. Une circulaire en ce sens sera adressée aux Préfets en février. En effet, à chaque crise, nous souffrons d'un manque de connaissance des lieux d'implantation de ces installations. Un recensement s'impose avant d'adopter un véritable plan de surveillance et des plans de contrôle.

Parallèlement à ces quatre axes de travail, des actions d'information spécifiques aux risques seront organisées en direction de certains établissements pouvant être concernés (établissements touristiques, établissements médico-sociaux pour personnes âgées). Madame BACHELOT et moi avons décidé de nous mobiliser très fortement en faveur de la prévention de la légionellose. Nous en faisons une priorité en matière de sécurité sanitaire. Elle s'inscrit pleinement dans le projet de Charte de l'environnement qui sera adossée à la Constitution. La Charte précise que tout citoyen a le droit de vivre dans un environnement favorable à sa santé.

A travers la prévention de la légionellose, nous sommes au c œur du plan national santé-environnement. La commission d'orientation qui remettra en février son rapport final au gouvernement a clairement identifié le sujet de la légionellose comme une des priorités du futur plan.

Je serai donc très attentif aux débats de cette matinée. J'espère qu'ils permettront d'enrichir le travail que nous avons entamé dans le cadre du plan d'action. L'épidémie qui sévit dans le Pas-de-Calais m'a montré que le lien entre les services et les élus est essentiel. Je veux rendre hommage aux élus de la région concernée. Ils se sont engagés et ont pris à c œur leurs responsabilités à l'égard de la population. Les maires étaient les premiers vers qui les citoyens se sont tournés pour déverser l'inquiétude éprouvée. Cela nous conduira, au-delà de l'aspect strictement sanitaire, à envisager de quelle manière des cellules spécialisées peuvent être mises en place dans chaque préfecture et de quelle manière il convient de gérer les enjeux liés à l'information. En effet, les citoyens doivent être correctement informés et doivent être convaincus que les explications apportées sont le reflet de la réalité. Il me semble que Monsieur le Préfet, les services de l'Etat, les élus et l'ensemble des personnes qui ont apporté leur contribution ont permis de gérer le moins mal possible les difficultés engendrées par cette épidémie qui nous a tous plongés dans une très grande inquiétude et dont nous devrons tirer toutes les leçons pour l'avenir.

Monsieur le Président de l'Office - Merci Monsieur le Ministre d'avoir ainsi campé le décor. Nous allons, au cours de cette audition, aborder quatre parties. La première partie visera à mieux connaître la maladie. La deuxième partie portera sur l'alerte, la troisième partie traitera de la prévention et nous terminerons par la gestion des crises.

En tant que scientifique, j'ai beaucoup apprécié la fin de votre intervention, Monsieur le Ministre. En effet, lorsque l'on est dans l'incertitude, il convient de l'affirmer. Cela est préférable à la diffusion d'une information qui, une fois infirmée, plongera la population dans le doute. Je vous remercie donc d'avoir rappelé que la médecine est non seulement un art mais également une science qui exige une démarche rigoureuse à l'égard des populations.

L'audition présente n'est pas une déclaration ou un débat parlementaire au cours duquel chacun est amené à exprimer sa position. L'enjeu consiste à apprendre et à poser les bonnes questions.

Première partie :
Définition de la maladie, diagnostic et aperçu des traitements

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Bactérie vue au microscope

Monsieur le Président de l'Office - La légionellose fait peur. Elle est entrée dans les phobies du grand public lors de l'affaire du Congrès de l'American Legion. Elle a l'image d'une maladie mortelle et contagieuse. Il convient de saisir la nature de cette maladie et de cerner ses modes de contamination. Il importe également de savoir si la légionellose est en expansion, en raison de notre mode de vie moderne ou si, au contraire, les statistiques traduisent un meilleur diagnostic. Comment soigner cette maladie dans le cas d'infection par des streptocoques du groupe A, de coqueluche ou de complication infectieuse bactérienne ? Les antibiotiques dont nous disposons sont-ils efficaces ?

Professeur Jérôme ÉTIENNE,
Directeur du Centre national de référence des légionelles, INSERM

Mesdames et Messieurs les parlementaires, Monsieur le Préfet, Mesdames et Messieurs les directeurs, Mesdames, Messieurs, j'ai apprécié l'introduction de cette matinée. Elle précise que nous connaissons certains éléments relatifs aux légionelles et aux légionelloses alors que d'autres nous demeurent inconnus. J'essayerai d'évoquer les questions que nous pouvons soulever.

En 2002, plus de 1 000 cas de légionellose ont été déclarés aux autorités sanitaires françaises. Il s'agissait, avant tout, d'une infection pulmonaire à type de pneumonie. Cette infection grave entraîne la mort dans 10 % des cas. Ce taux peut être beaucoup plus élevé dans le cas de personnes immunodéprimées (30 %). La maladie est due à une bactérie des eaux chaudes, la legionella. Cette bactérie se trouve naturellement dans l'environnement. On l'observe dans les eaux froides, 30 % à 90 % des prélèvements sont positifs. Toutefois, les concentrations de légionelles sont très faibles. Dans l'eau des torrents, des lacs et des rivières, les légionelles sont présentes en faible concentration. Elles parviennent dans nos villes par les réseaux d'eau où elles peuvent se multiplier. Les légionelles se multiplient dans les eaux chaudes. C'est une des rares bactéries capables de se multiplier à une température de 40°C à 42°C. Par multiplication, la concentration des légionelles peut devenir importante. Cette multiplication est favorisée par trois facteurs essentiels :

_ la stagnation de l'eau ;

_ une température suffisamment chaude (mais toutefois inférieure à 50°C) ;

_ le mauvais entretien des réseaux d'eau (présence de tartre).

L'homme est contaminé par inhalation de gouttelettes contenant des légionelles. Les gouttelettes sont notamment présentes dans les vapeurs d'eau chaude (pommeau de douche entartré, robinet, panache de fumée des tours aéro-réfrigérantes). Toute émission de vapeur d'eau peut présenter un risque de légionellose. Certains cas observés étaient dus à des jacuzzis contaminés. Les cas de légionelloses rapportés avant la réglementation de l'utilisation de l'eau dans les hôpitaux peuvent être expliqués par la réalisation d'aérosols à partir de l'eau courante. Enfin d'autres possibilités existent : contamination à partir des fontaines publiques, des stations de lavage des voitures... Chaque personne travaillant au contact de l'eau est exposée à un risque de légionellose accru. Ainsi, les dentistes ont des anticorps anti-légionelles dans 50 % des cas alors que, dans la population, cette prévalence est nettement plus faible.

Origine des vapeurs d'eau chaude

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Salle de bain : pommeau de douche

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Robinets

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Autres sources possibles

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Tour aéro-réfrigérante :

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La bactérie la plus communément impliquée est la legionella pneumophila (legionella désigne le genre tandis que pneumophila désigne l'espèce). On trouve une grande diversité d'espèces dans l'environnement : 49 sont décrites. Cependant, la plus pathogène d'entre elles est la legionella pneumophila. On la retrouve dans 95 % des cas. La legionella pneumophila peut être subdivisée en quinze sérogroupes. Parmi eux, le plus fréquent est legionella pneumophila sérogroupe 1 que l'on retrouve dans 85 % des cas. Certaines espèces ne sont pas pathogènes. La présence de bactéries legionella dans l'environnement n'est donc pas systématiquement associée à un risque infectieux pour l'homme. Le taux d'attaque est faible : il est évalué à un pour mille personnes exposées. Statistiquement, si l'on envoie un aérosol de légionelles sur mille personnes, une seule personne sera amenée à développer la maladie. C'est le taux qui a prévalu à Harnes : sur une population de 10 000 habitants, 20 personnes ont développé la maladie (soit un taux d'une à deux personnes pour mille individus exposés).

La légionellose est-elle une nouvelle maladie ? La première description a été faite lors d'une épidémie qui a sévi dans la légion en 1976. Le premier isolement de la bactérie a pu être réalisé en 1977. La légionelle est une bactérie dont la croissance et le développement sont difficiles. C'est une bactérie jeune qui a la particularité de se multiplier dans les amibes non pathogènes. Certaines amibes présentes dans l'eau contiennent des milliers de légionelles. Cette propriété est cause d'une difficulté dans la décontamination car les légionelles résistent beaucoup mieux lorsqu'elles sont présentes dans les amibes.

Les personnes âgées de plus de 50 ans sont les plus sujettes à cette infection. On constate que le plus grand nombre de légionelloses frappe des personnes âgées de plus de 60 ans. Les hommes sont majoritairement touchés (75 % des cas). En outre, d'autres facteurs favorisent l'infection. Parmi eux, le tabac (40 % des cas de légionelloses) et l'immunodépression sont les principaux.

sexe-ratio H/F=3,1
Cas/100 000
classes d'âge

graphique

Facteurs prédisposants parmi les cas de légionellose *, France, 2000

Facteurs prédisposants

N (%)

Cancer/hémopathie

81 (13)

Cortico./immunosup

78 (13)

Diabète

67 (11)

Tabac

244 (40)

Autres

128 (21)

_1 facteur

436 (71)

* non mutuellement exlusif

La légionellose est une infection pulmonaire. L'incubation dure de deux à dix jours. Il s'agit du délai au-delà duquel le malade développe les premiers signes cliniques. Cliniquement, le malade commence à avoir de la fièvre, des maux de tête, une difficulté à respirer, une toux pouvant aller jusqu'à l'expectoration. La présence de diarrhées, de nausées, de vomissements et de troubles confusionnels est révélatrice de la légionellose. Les médecins de Lens rappelaient que les patients étaient fréquemment désorientés dans le temps et dans l'espace. Il s'agit, cliniquement, d'une pneumonie dont la gravité et la mortalité sont liées à l'évolution vers une insuffisance respiratoire.

Pour diagnostiquer la maladie, il est urgent de procéder à un prélèvement d'urine et de chercher les antigènes spécifiques de légionelles. Le test est diffusé en France depuis 1996. Dans un délai de deux heures, il est possible de détecter dans les urines la présence d'antigènes spécifiques de légionelles. Cela permet au médecin d'entamer le traitement adapté. Toutefois, son enquête ne doit pas s'interrompre. Le diagnostic doit être poursuivi par une culture de la légionelle, étape fondamentale de l'étude épidémiologique. Pour ce faire, un prélèvement broncho-pulmonaire doit être réalisé (par simple crachat ou aspiration bronchique si le malade est intubé). Les légionelles sont cultivées en milieu spécifique. En effet, la culture de ces bactéries est lente. Au moyen d'une loupe binoculaire, il est possible de repérer la structure caractéristique des légionelles. Tous les prélèvements de Lens ont été acheminés au centre de Lyon. Ainsi avons-nous pu identifier 23 souches de légionelles d'origine humaine. Rétrospectivement, il est possible d'effectuer un sérodiagnostic pour chercher une éventuelle augmentation significative des anticorps anti-légionelles dans le sérum. On désigne cette opération sous le terme de séroconversion. Pour la réaliser, on demande au malade un sérum précoce ainsi qu'un sérum, trois à cinq semaines après le début de la maladie. Tous ces examens cliniques et para cliniques permettent de donner une définition de la légionellose. Dans l'épidémie de Lens, on a reconnu comme cas certain une pneumonie associée à un antigène urinaire positif ou une culture positive en légionelles ou encore une séroconversion. Les cas probables - qui n'ont pas été inclus à ce jour dans l'épidémie - sont des cas avec pneumonie à titre unique d'anticorps supérieurs à 256.

Il est important de faire le diagnostic de la légionellose. Il existe, en effet, une relation directe entre la prescription d'un antibiotique adapté et la survie. De nombreux antibiotiques sont inactifs. Les pénicillines utilisées pour le traitement d'autres maladies infectieuses pulmonaires (infections à pneumocoques) sont complètement inactives. Il convient d'employer des antibiotiques actifs comme les macrolides et, au premier rang d'entre eux, l'érythromycine, ou comme les fluoroquinolones à l'exemple du ciflox connu pour le traitement de la maladie du charbon

Le centre national de référence de Lyon a pour mission de déterminer le profil chromosomique des souches de légionelles. Dans le réseau de surveillance, toutes les souches de légionelles d'origine humaine sont adressées au centre national de référence. Si des profils chromosomiques identiques sont isolés entre des souches de malades différentes, la probabilité est forte qu'une même source de contamination soit impliquée

J'illustrerai mon propos par l'enquête épidémiologique menée suite à l'épidémie survenue lors de la coupe du monde de football en 19981. Au cours d'une période de trois semaines, vingt cas avaient été signalés au niveau européen (un réseau européen de surveillance de la légionellose nous a rapporté des cas britanniques, danois et suédois). L'enquête initiale a été principalement menée par l'InVS aux côtés des DDASS locales. Il avait été mis en évidence que tous les supporters touchés avaient séjourné à Paris. La première phase de l'enquête épidémiologique est une enquête clinique réalisée par l'InVS. Elle avait révélé qu'aucun des patients n'avait séjourné dans un même site. Seize d'entre eux avaient fréquenté quatre arrondissements contigus au nord de la Seine. Le centre national de référence a procédé au typage chromosomique, montrant que les profils de quatre souches de malades étaient identiques. Cela prouvait l'existence d'un lieu unique de contamination. Le bureau d'hygiène de la ville de Paris a procédé à des prélèvements d'eau, notamment dans les tours aéro-réfrigérantes situées sur le boulevard des Italiens. Les souches de légionelles des tours aéro-réfrigérantes ont fait l'objet de comparaison. Les caractéristiques chromosomiques des souches environnementales ont pu ainsi être identifiées. Ainsi le centre national de référence a-t-il été capable de distinguer la tour aéro-réfrigérante ayant contenu la souche épidémique.

Epidémie de légionelloses à Paris en 1998 (6 juin - 14 juillet)

· 20 cas signalés
- 11 résidents français
- 7 britanniques
- 1 danois
- 1 suédois
· tous avaient séjourné à Paris

Les légionelles sont ubiquitaires. Elles sont présentes dans l'eau des lacs et des rivières et se multiplient dans l'eau chaude. Il est important de constater que certaines souches apparaissent comme plus virulentes que d'autres. Certaines souches sont très pathogènes, d'autres ne le sont pas. Il est donc essentiel d'identifier les marqueurs de virulence dans l'environnement afin d'éradiquer les souches pathogènes. Dans les autres cas, il est important de préserver l'écologie en n'éradiquant pas les souches non pathogènes. En effet, leur suppression pourrait entraîner une substitution par des souches pathogènes. Il est, par ailleurs, important de savoir pourquoi certains malades développent une légionellose et de comprendre comment la bactérie interagit avec les cellules pulmonaires. Nous travaillons actuellement à l'identification des éléments spécifiques de la virulence. En collaboration avec l'Institut Pasteur de Paris et le Génopole, nous terminons le premier séquençage mondial de la première souche de légionelle pneumophila. Nous espérons pouvoir séquencer la souche responsable de l'épidémie de Lens pour obtenir des données essentielles à la connaissance scientifique. A terme, nous souhaitons être capables de détecter rapidement les souches virulentes par la mise au point de puces à ADN.

Monsieur le Président - La connaissance des légionelles semble progresser très rapidement. Vous avez indiqué qu'il était possible de procéder à des tests urinaires. Est-il envisageable de voir distribuer dans les pharmacies des tests adaptés à la pratique d'autotests ?

Professeur Jérôme ÉTIENNE - A ce jour, les tests ne sont disponibles qu'en milieu hospitalier. Tout laboratoire peut réaliser le test. On peut imaginer que le test soit réalisé par un laboratoire privé sur prescription médicale. Je ne peux concevoir que chaque patient réalise individuellement son propre test. Cela doit demeurer une prescription médicale et un acte biologique. Son interprétation peut, dans certains cas, être complexe.

De la salle - Quels sont les animaux sensibles à la legionella pneumophila de type 1 ? Qu'utilisez-vous comme test de pathogénicité ?

Professeur Jérôme ÉTIENNE - Le modèle expérimental est le cobaye. Il est sensible à la légionellose expérimentale. Afin de mesurer la pathogénicité ou la virulence, il est possible de mesurer les vitesses de croissance dans les amibes ou dans les cellules microphagiques.

M. Yves COQUELLE, Sénateur du Pas-de-Calais - Il demeure dans notre département de nombreux mineurs retraités qui souffrent de problèmes respiratoires. La suggestion de Monsieur BIRRAUX en vue de distribuer des tests individuels me paraît intéressante. En effet, les personnes qui présentent des risques doivent-elles attendre l'infection avant de procéder au test ? J'ai remarqué la très rapide évolution de la légionellose. Quelques jours après l'apparition des premiers symptômes, les dégâts sur les malades sont déjà très importants.

Il a été précisé que l'infection concernait principalement les personnes âgées. Toutefois, des personnes assez jeunes ont été sujettes à la maladie. Néanmoins, aucun cas parmi les enfants n'a été recensé. Existe-t-il une explication scientifique ?

Professeur Jérôme ÉTIENNE - Je ne crois pas qu'il soit opportun de réaliser des tests urinaires de manière systématique. En revanche, il est important de penser rapidement à la légionellose lorsque l'on est présence de signes évocateurs, c'est-à-dire dès l'apparition de signes respiratoires. Il existe une relation directe entre la rapidité du diagnostic, la prescription de l'antibiotique adapté et l'évolution du malade. Fréquemment, les cas difficiles sont imputables au retard de diagnostic ou à la prescription d'un autre antibiotique actif. La généralisation de l'antigène urinaire montrera sans doute des cas positifs chez des patients qui développent des maladies inapparentes non graves.

Dans le cas de l'épidémie de Lens, l'âge médian des patients est supérieur à 70 ans. Lorsque l'on énumère les facteurs de risque, il convient de garder à l'esprit que des sujets qui ne présentent aucun de ces facteurs peuvent être touchés. Aucune explication scientifique n'est apportée. Cela peut correspondre à une quantité d'inoculum inhalé. Cela a été notamment le cas lors d'une épidémie décrite aux Pays-Bas suite à une exposition florale. Des personnes ne présentant aucun facteur de risque avaient respiré des légionelles toute la journée et avaient développé la maladie. Les personnes du même âge qui étaient demeurées brièvement dans la zone d'exposition n'avaient pas développé la maladie. Il n'est cependant pas possible de mesurer la concentration de légionelles inhalées.

M. Yves COQUELLE - D'après vos travaux, une personne sur mille en contact avec la bactérie développe la légionellose. Ceci signifierait que 80 000 personnes ont été en contact avec la bactérie. Or, le secteur visé compte 400 000 habitants. Une personne sur cinq aurait ainsi été en contact avec la bactérie. C'est considérable.

Professeur Jérôme ÉTIENNE - Les chiffres que vous exposez correspondent bien à notre approche. Lors de la mesure d'anticorps dans une population comme la nôtre, on observe des sérologies positives chez des personnes qui n'ont jamais eu de maladie apparente. Cela signifie que nous sommes très fréquemment au contact des légionelles. Je rappelle que 30 % à 90 % des prélèvements effectués dans l'environnement sont positifs.

M. Ivan RENAR, Sénateur du Nord - Tous les médecins généralistes disposent-ils des fiches que vous nous avez présentées ?

Professeur Jérôme ÉTIENNE - C'est une très bonne question. La légionellose est une maladie récente. Elle n'est enseignée que depuis peu de temps. Un effort de formation et de transmission de l'information doit être accompli. Le nombre de légionelloses est faible au regard du nombre de pneumonies qu'un généraliste est amené à rencontrer eu cours d'une année.

M. Jean-Michel BADER, Le Figaro - Le séquençage de la souche Paris permettra-t-il de trouver des gènes de virulence (multiplication de la réplication, régulation de la réplication) ?

Professeur Jérôme ÉTIENNE - Le séquençage est en cours d'annotation : il est pratiquement terminé. Nous recherchons les gènes de virulence. Il est important de comparer les résultats avec les souches non virulentes et de constater ce qui différencie ces deux types de souches. Pour l'instant, je ne dispose pas de résultats.

Mme Claude LEBACLE, INERIS - Les amibes sont-elles responsables du développement des légionelles ?

Professeur Jérôme ÉTIENNE - La légionelle est une bactérie à croissance difficile. Elle ne se multiplie qu'à l'intérieur de cellules. Elle doit donc trouver un hôte, soit une cellule macrophagique ou un pneumocyte chez l'homme, soit des amibes dans l'environnement. Les amibes sont essentielles à la multiplication des légionelles. Il est prouvé que le passage intra-amibien augmente la virulence. L'association entre amibe et legionella peut entraîner une croissance exponentielle et une augmentation brutale de la concentration.

Mme Sophie DUMERY, Impact médecins - Le repiquage auprès des malades peut-il augmenter la virulence et accroître le risque pour l'entourage du patient ?

Professeur Jérôme ÉTIENNE - Il n'existe aucune transmission interhumaine. Un malade ne recèle pas de légionelles en nombre suffisant pour transmettre la maladie à une autre personne.

M. Yves COQUELLE - Au cours de l'épidémie, des usines contrôlées présentaient des taux très élevés alors que dix jours auparavant les taux observés étaient conformes aux normes. Cela a été notamment le cas de l'entreprise Locagel. En l'espace de dix jours, la concentration est passée d'un niveau inférieur à 1 000 unités à un niveau supérieur à 375 000 unités. Comment expliquer ce phénomène ?

Professeur Jérôme ÉTIENNE - Lorsque les légionelles poursuivent une multiplication intra amibienne, elles sont en faible concentration. Lorsque l'amibe éclate, une libération massive survient. Ainsi, l'observation de la concentration sur un site révèle-t-elle une évolution en dents de scie.

Mme Marie-Christine BLANDIN, Sénatrice du Nord - Dans le cas de l'élévation de température, que se passe-t-il ? Les légionelles meurent-elles ? Les amibes meurent-elles ?

Professeur Jérôme ÉTIENNE - Dans une eau chauffée, les légionelles meurent.

M. Albert FACON, Député du Pas-de-Calais - La même souche peut se développer chez les particuliers, dans les cumulus ou les douches. Notre région abrite une population de santé fragile et un habitat de qualité bien inférieure à la moyenne française, notamment dans le bassin minier. Il est donc possible d'éradiquer les bactéries présentes dans les usines tout en voyant se maintenir des légionelles chez les particuliers. L'épidémie pourrait ainsi repartir. En outre, ce secteur abrite des petits plans d'eau et des lagunes.

Professeur Jérôme ÉTIENNE - Il arrive, de temps en temps, que la souche réapparaisse ailleurs. Toutefois, on n'a jamais constaté l'apparition d'une nouvelle épidémie due à la même souche. Je serais donc plutôt rassurant. Vous avez évoqué la lagune. La concentration de légionelles pathogènes virulentes dans la lagune est monstrueuse (210 millions d'unités par litre).

M. Albert FACON - Cette concentration n'est pas survenue brutalement. Des analyses ont été réalisées au début.

M. Pierre-Franck CHEVET, Directeur régional de l'industrie, de la recherche et de l'environnement - Les recherches ont porté sur les sources susceptibles d'émettre à grande distance. De l'avis de tous les experts, les lagunes ne rayonnent pas à longue distance.

Monsieur le Président - Pomper de l'eau dans la lagune à des fins de refroidissement ne constitue-t-il pas un facteur multiplicateur ?

M. Albert FACON - Quand bien même elle ne refroidit pas, l'eau est en mouvement. J'ignorais que les amibes explosant dans l'eau froide étaient une source de multiplication. La lagune est à proximité des tours. Ne fallait-il pas s'occuper de la lagune dès le début ?

M. Pierre-Franck CHEVET - Le prélèvement effectué dans la lagune date du 8 janvier. Un risque épidémique suppose la présence d'un émetteur puissant. C'est pourquoi tous les efforts des services de l'Etat se sont concentrés sur les sources susceptibles d'émettre à grande distance. Identifier la provenance de la souche est une autre question. Je tiens à rappeler que les lagunes ont pour vocation d'être des bouillons de culture, notamment dans le traitement de certains produits. Il n'est donc pas étonnant d'y retrouver des bactéries et des amibes. On peut supposer qu'avec des dispositifs d'aération dynamiques, un petit panache puisse apparaître localement et être une source de contamination. Ce n'est donc pas par approvisionnement direct d'eau que le danger se présente mais par un petit panache local susceptible de contaminer la tour de refroidissement. Je ne dispose, toutefois, d'aucun élément venant corroborer cette hypothèse. Un autre scénario est évoqué. Il consiste à dire que les lagunes sont ensemencées par des camions. L'une des usines qui fournit ce type de boues est en cours d'investigation. En général, les camions sont lavés sur site après avoir déversé les boues dans les lagunes. On peut s'interroger sur les conditions de nettoyage de ces camions. Ces camions sont riches en semences. On pourrait imaginer que les souches présentes dans un camion soient transmises aux tours. Je rappelle que l'épidémie n'est pas créée par la lagune. En effet, il est nécessaire qu'un mécanisme d'amplification et de diffusion intervienne.

M. Cyrille SCHOTT, Préfet du Pas-de-Calais - Je ne suis ni ingénieur, ni médecin. Monsieur CHEVET a précisé un élément essentiel : l'épidémie suppose l'intervention d'un émetteur puissant, c'est-à-dire une tour aéro-réfrigérante. La souche épidémique a été identifiée chez Noroxo lors de prélèvements effectués le 28 novembre, le 1er décembre et fin décembre. Dès le départ, nous avons cherché à localiser l'émetteur. C'est dans cette direction que les recherches se sont immédiatement concentrées. Une autre question se pose : d'où provient cette souche épidémique ? Une enquête a eu lieu. L'implication de la lagune dans la contamination de la tour est un scénario possible. Cependant, l'arrêt de l'épidémie nécessite la mise hors service de l'émetteur. C'est pourquoi l'identification de l'émetteur demeure la première priorité. D'après les experts, la lagune ne peut provoquer de contamination qu'à proximité immédiate. Une contamination aussi importante que celle que nous avons connue dans le Pas-de-Calais requiert un émetteur puissant situé en hauteur, telle une tour aéro-réfrigérante.

Monsieur le Président - Merci Monsieur le Préfet.

Légionellose
Tableau synthétique

Légionellose : une nouvelle maladie ?

· 1976 : première épidémie à Philadelphie

· 1977 : 1er isolement de la bactérie

· bactérie à croissance difficile

· multiplication dans les amibes non pathogènes de l'environnement

En France, la légionellose, c'est

- Plus de 1000 cas déclarés aux autorités sanitaires en 2002,

- Une infection pulmonaire (pneumonie),

- Grave (mortalité, jusqu'à 30%),

- Due à une bactérie des eaux chaudes : Legionella

Legionella : une bactérie de l'environnement

· retrouvée dans les eaux froides de l'environnement naturel

· 30 à 90% des prélèvements sont positifs avec des concentrations faibles

· de légionelles

Les légionelles : leur multiplication

· une des rares bactéries à se multiplier dans les eaux chaudes jusqu'à 42°C ---> concentrations fortes

· multiplication favorisée par :

- la stagnation de l'eau

- une température insuffisamment chaude (40°C)

- un mauvais entretien (tartre, etc.)

L'homme se contamine

· en inhalant des gouttelettes d'eau contenant des légionelles

· surtout contenues dans les vapeurs d'eau chaude

Legionella : désigne le genre

49 espèces décrites

Pneumophila: désigne l'espèce

· la plus pathogène est : Legionella pneumophila, 95% des cas

· le sérogroupe le plus pathogène est : Legionella pneumophila sérogroupe 1 : 85%

· certaines espèces ne sont pas pathogènes

· le taux d'attaque est faible : 1 pour 1000 personnes exposées

La maladie : la légionellose

Incubation

2 - 10 jours

Les légionelloses surviennent surtout chez les hommes de plus de 50 ans

La maladie : les signes cliniques

- début : fièvre, toux, céphalées,

- phase d'état : dyspnée, toux, parfois expectorations

- signes évocateurs :

- diarrhées, nausées, vomissements

- confusions, délires

- pneumonie

- évolution : insuffisance respiratoire

Comment affirmer la légionellose

· prélèvement d'urines : recherche d'antigènes spécifiques de légionelles (test diffusé en France depuis 1996) ---> résultat en 2 heures, mise en route du traitement spécifique

· à partir d'un prélèvement bronchopulmonaire (exemple : crachat)

· culture lente (5 jours) sur milieux spécifiques

· Intérêt rétrospectif du sérodiagnostic

· recherche d'une augmentation significative du

· titre des anticorps anti-légionelles dans le sérum

· 2 sérums : un précoce

un 3 à 5 semaines après le début de la maladie

Quel traitement ?

· Il existe une relation directe entre la précocité de la prescription d'un antibiotique actif et la survie

· Antibiotiques inactifs : pénicillines

· Antibiotiques actifs :

- macrolides

- fluoroquinolones

(Tableau réalisé à partir des éléments fournis par le Professeur Étienne)

Deuxième partie :
la propagation de la maladie,
la veille et le dispositif d'alerte
aux différents niveaux

graphique

Docteur Jean-Claude DESENCLOS,
Responsable des maladies infectieuses, Institut de veille sanitaire (InVS)

Je m'attacherai à faire le point sur l'état de nos connaissances en matière de modes de transmission et à vous présenter le système de veille, le système d'alerte et leur dimension européenne. Le mode de transmission ou d'acquisition de la légionellose est unique : l'inhalation. Il suppose un aérosol composé de microgouttelettes d'eau d'un diamètre inférieur à 5 microns. Le rôle des amibes concentrant les légionelles est décisif.

Notre monde moderne comprend une importante diversité de sources potentielles. Certaines ont été éradiquées depuis l'épidémie de Philadelphie. D'autres ont été identifiées par la suite. Il est très important de mettre nos connaissances à jour en fonction des épidémies et de la surveillance de la maladie La micro aspiration est un mode de transmission supposé. Toutefois, il s'agit là d'un mode de transmission marginal et encore non démontré. Par ailleurs, la littérature scientifique ne contient aucun élément confortant l'hypothèse d'une contamination par ingestion. De même, la transmission de personne à personne n'est pas effective : les patients malades ne représentent pas un danger pour autrui. Les facteurs intervenant dans la transmission et la survenue de la maladie sont multiples :

_ l'interaction entre un agent (la légionelle) un environnement et une population ;

_ la concentration au niveau de la source. La dose infectante n'est pas clairement définie : un seuil de 103 UFC par litre augmente le risque. Toutefois, dans le service d'un hôpital accueillant des patients immunodéprimés, des doses inférieures peuvent entraîner des contaminations. A un même point d'émission, la concentration de légionelles peut être très fluctuante (amibes et bras morts ont une incidence lors de la mise en route de certains réseaux d'eau) ;

_ l'exposition à la source.

La surveillance de la légionellose en France repose sur quatre dispositifs complémentaires :

1. la déclaration obligatoire ;

2. le signalement des infections nosocomiales depuis 2001 ;

3. l'activité du centre national de référence ;

4. le réseau européen EWGLINET établi à Londres et financé par la Commission européenne.

La déclaration obligatoire distingue le signalement et la notification. Dès qu'un médecin a connaissance d'un cas de légionellose, il doit informer la DDASS dans les plus brefs délais. La notification consiste à établir une fiche de renseignements permettant de suivre les caractéristiques de la maladie. Les informations sont centralisées à l'InVS. Depuis 2002, médecins et laboratoires peuvent procéder aux déclarations. Le centre national de référence réalise un travail sur les souches (typage moléculaire) et permet de comparer les souches reçues des laboratoires avec les souches présentes dans l'environnement. Une collaboration très étroite permet, depuis 1997, d'augmenter l'efficience de cette organisation. Le signalement des infections nosocomiales complète la surveillance.

Au niveau européen, 35 pays sont partenaires du réseau EWGLINET. Ses objectifs sont spécifiques : ils visent à maîtriser la légionellose associée aux voyages et à identifier des cas groupés. Ces cas sont signalés par chaque institut homologue de l'InVS auprès desquels sont collectées les informations relatives au lieu de résidence (hôtels et campings). Il est ainsi possible de détecter des cas chez des vacanciers de nationalités différentes ayant séjourné dans le même lieu. Cela signale une source active représentant un danger pour les personnes qui y résident. L'information est dirigée vers l'InVS qui en réfère à la DDASS afin que celle-ci intervienne pour identifier la source, la maîtriser et prendre les mesures qui s'imposent. Cette coopération européenne permet de maîtriser des sources susceptibles de provoquer des épidémies plus importantes, à l'instar de ce qui a pu se produire dans les années 1980 ou au début des années 1990.

Même s'il paraît complexe, le circuit de l'information est coordonné et efficace. Les CIRE interviennent depuis plusieurs années et coopèrent dans le cadre des investigations. Il convient de souligner le travail de la CIRE du Nord dans l'investigation menée autour de l'épidémie du Pas-de-Calais.

En matière nosocomiale, les médecins doivent signaler tout cas de légionellose à l'équipe opérationnelle d'hygiène et au CLIN de l'hôpital afin que les mesures adaptées soient prises. Le centre de coordination interrégionale intervient pour gérer le risque. Enfin, un lien avec l'InVS est également assuré en matière d'infections nosocomiales. En effet, la légionellose nosocomiale présente des aspects spécifiques. Les laboratoires contribuent à la déclaration et coopèrent avec l'InVS.

Depuis l'entrée en vigueur de la déclaration obligatoire, les cas de légionelloses sont passés de 80 en 1996 à 1 021 en 2002. Ils avoisineront le seuil de 1 000 en 2003. Il semble que nous assistons à une stabilisation du nombre de cas depuis deux ans. Cette augmentation fait suite à l'utilisation de plus en plus fréquente de l'antigène urinaire et au renforcement de la surveillance. Si l'on considère les cas pour lesquels l'évolution de la maladie est connue, on constate que la létalité tend à baisser depuis 1998, date à partir de laquelle l'organisation actuelle a commencé à fonctionner de manière satisfaisante. Cette baisse de la létalité est probablement le fait d'une plus grande précocité du diagnostic et, partant, d'un traitement plus adapté.

Le diagnostic s'appuie de plus en plus sur l'utilisation de l'antigène urinaire. L'isolement de la légionelle permettant le typage dans un but épidémiologique n'est réalisé que dans 19 % des cas. Son identification est, en effet, complexe. Un travail de sensibilisation doit être entrepris en vue d'accroître cette proportion.

La distribution par âge et par sexe met en évidence un différentiel très important entre hommes et femmes. La distribution est moins liée à l'âge qu'aux facteurs prédisposants (cancer, hémopathie, utilisation de traitements immunodéprimants, diabète, broncho-pneumopathie chronique liée à la consommation de tabac). On constate au moins une exposition à risque dans seulement 43 % des cas. Plus de 50 % des cas de légionellose sont donc dits « sporadiques ». Ils ne sont pas liés à une épidémie de source hospitalière ou de toute autre source bien identifiée. Dans 10 % des cas, les légionelloses surviennent en milieu hospitalier. Après de fréquentes épidémies à la fin des années 1980 et au début des années 1990, les épidémies survenant en milieu thermal sont plus rares. 12 % des cas de légionelloses surviennent dans les hôtels et campings. Les autres sources sont moins importantes.

En matière nosocomiale, une évolution est apparue depuis 2000. De gros efforts ont été accomplis afin de gérer le risque nosocomial. Alors qu'elle était de 20 % en 2000, la proportion du nombre total de cas a tendance à diminuer. Les cas de légionelloses nosocomiales ont tendance à se réduire bien que le nombre total de cas augmente. Ce constat permet de penser que les mesures de contrôle ont eu un impact favorable.

Combien de cas de légionelloses recense-t-on en France ? La déclaration obligatoire est-elle exhaustive ? Une étude a été menée à trois reprises en France. La même méthodologie a été retenue par l'InVS. Elle a montré que l'exhaustivité est passée de 10 % à 33 % entre 1995 et 1998. Les résultats relatifs à l'année 2002 sont prochainement attendus. On peut ainsi estimer le nombre de cas de pneumopathies liées à legionella pneumophila à 1 200 par an.

Depuis 2000, les délais de déclaration sont passés, en valeur médiane, de 15 jours à 11 jours. Ce délai est plus faible dans le cas d'un diagnostic par antigène urinaire. Les cas groupés doivent être identifiés précocement afin de maîtriser la source le plus rapidement possible après son identification. Le précédent débat relatif à la lagune et à la tour aéro-réfrigérante a bien rappelé que c'est sur la source qu'il convient d'agir au plus vite pour réduire la survenue de cas supplémentaires.

Ce dispositif implique de nombreux partenaires habitués à collaborer. Les partenaires peuvent varier selon la source incriminée. Suivant que la source est située dans un hôpital, une station thermale ou une tour aéro-réfrigérante, les partenaires concernés diffèrent.

Afin de déterminer la provenance des cas sporadiques, nous avons débuté une enquête « défense sporadique » qui prévoit d'inclure 600 malades ainsi que des non malades auprès desquels un ensemble d'informations sera recueilli en vue d'identifier les modes d'acquisition, d'améliorer la prévention et de quantifier les facteurs de risque. Nous espérons obtenir des résultats au cours de cette année.

Il est possible de comparer la situation française à celle des autres pays européens en retenant le critère du taux d'incidence pour 100 000 habitants. Le niveau du taux français se situait à 1,7 en 2002, soit un taux équivalent au Danemark (1,9) réputé pour la qualité de sa surveillance épidémiologique. Le taux relevé en Espagne est de 3,4. Il faut toutefois souligner l'importante épidémie qu'elle a connue en 2002 (plus de 400 cas). La disparité est difficile à interpréter. La première question qui doit être posée vise la qualité du système de surveillance. C'est probablement là l'élément le plus déterminant. En effet, une mauvaise surveillance entraîne une moins bonne identification des sources et donc une prévention moins efficace.

Y a-t-il une augmentation du nombre de cas en France ? Ce n'est pas l'explication principale de la hausse des déclarations. D'autres aspects plus déterminants doivent être rappelés :

_ l'amélioration des méthodes de diagnostic ;

_ l'amélioration de l'exhaustivité et de la réactivité ;

_ la bonne adhésion des biologistes et des cliniciens au principe de déclaration obligatoire ;

_ l'importance de l'interaction entre la déclaration obligatoire, l'InVS et le centre national de référence.

Les détections d'épidémies sont plus précoces. Dans le Pas-de-Calais, l'épidémie a été détectée à partir du deuxième cas, le 28 novembre. La suspicion à l'encontre de la tour Noroxo a été établie le même jour. Cela tranche avec la situation du début des années 1990 : les épidémies étaient identifiées lorsqu'elles étaient terminées.

Les tours aéro-réfrigérantes jouent probablement un rôle dans le déclenchement de formes sporadiques de légionellose. Une étude réalisée en 2002 a montré qu'il y avait une augmentation du risque à proximité de ces installations. Cela reste à confirmer.

La réglementation doit être renforcée. Des référentiels d'analyse doivent compléter la seule mesure du nombre de légionelles. Il convient également d'améliorer les connaissances sur l'écologie microbienne (interaction entre les légionelles, les bios films, les amibes, les installations et les interventions humaines). La compréhension du mécanisme qui s'est produit dans l'usine Noroxo sera déterminante. Il faut maintenir la surveillance ainsi qu'une expertise microbiologique de haut niveau. Il est important d'investir dans les centres nationaux de référence capables de séquencer et de travailler sur les facteurs de virulence. Des besoins de connaissance se font sentir en matière de détection et de caractérisation de l'agent. Je voudrais terminer en remerciant Bénédicte DECLUDT, Christine JEMPAISE et Didier CHÉ qui assurent le fonctionnement de ces systèmes ainsi que l'InVS, les DDASS et les CIRE avec lesquels nous collaborons quotidiennement.

Monsieur le Président - Merci, vous nous avez présenté un panorama suffisamment large. Je dois excuser Madame Nicole LANDRIEU, Directrice départementale de l'action sanitaire et sociale du Pas-de-Calais, qui est bloquée par la neige.Vous mettez en œuvre une épidémiologie intéressante et vivante. En effet, vous obtenez de nombreux résultats alors que, pour de nombreuses épidémiologies, rien ne parvient à être décelé. Certaines questions transversales rejoindront probablement la remarque de Monsieur Albert FACON : comment identifier des zones à risque, des habitats à risque en vue d'accroître l'efficacité de la prévention ?

M. Frédéric MARCEL,
Directeur adjoint des risques chroniques, Institut National de l'environnement industriel et des risques (INERIS)

Suite à la demande de Monsieur le Préfet, l'INERIS a été sollicité pour renforcer l'intelligence à l'échelon régional et pour apporter, au sein de la mission d'appui des experts nationaux, une compétence en matière de transport des bactéries dans l'atmosphère. En effet, l'état actuel des connaissances portant sur le transport des bactéries ne permet pas d'effectuer des simulations. Nous avons dû procéder à certaines approximations. Pour cela nous avons utilisé des traceurs sous forme de gouttelettes d'eau, aérosol issu d'une source très puissante.

Revenons quelques instants sur la tour de l'usine Noroxo. Une tour aéro-réfrigérante s'apparente aux radiateurs de nos véhicules. Toutefois, son circuit est ouvert : l'eau est pulvérisée sur un ensemble de structures de type « caillebotis » qui récupère les calories issues de l'eau. C'est pour cette raison que le système n'est pas étanche. Il est parcouru par une ventilation puissante. Chaque cellule de la tour est ventilée par huit ventilateurs. Parmi eux, six étaient en fonctionnement lors de l'épidémie. Nous avons estimé la vitesse d'éjection entre 2 et 4 mètres par seconde, soit un débit de 250 m3 par seconde. La température d'émission était relativement basse : de 15°C à 20°C. Dans l'ensemble des deux tours, le débit de circulation d'eau était de 3 000 m3 par heure. La quantité d'aérosol a été estimée, sur la base des données recueillies dans la littérature, à 0,01 % du débit de circulation. Certaines de ces données peuvent être controversées. Il n'est pas facile de retrouver des données précises dans la littérature. La quantité d'aérosol remise en circulation - elle passe à travers le filtre que constitue le dispositif pour être réémise dans l'environnement - joue un rôle important. 0,01 % est une quantité couramment retenue. Elle est reprise par le guide méthodologique lié aux tours aéro-réfrigérantes qui avait été conçu par différents ministères.

Dans les villes de Wingles, Lens, Harnes, Noyelles, les concentrations de gouttelettes par mètres cubes d'air étaient de l'ordre de 30 μg. Cette information n'est pas nécessairement pertinente. Nous avons essayé de réaliser une estimation pour une concentration unitaire de 1 μg par mètre cube en fonction d'une concentration en bactéries à l'origine. Pour une concentration unitaire de 1 μg par mètre cube, à partir d'une contamination analogue à celle qui avait été constatée en octobre et novembre sur le circuit de refroidissement de Noroxo (de l'ordre de 600 000 à 700 000 UFC par litre), une personne sur cinquante risque de respirer un germe.

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Hypothèses retenues pour les simulations

SITE

· Domaine de calcul d'un rayon de 10 km autour de la source

· Terrain supposé entièrement plat

· Pas de bâtiments modélisés

· Rugosité moyenne prenant en compte un bâti dispersé

METEOROLOGIE

· Atmosphère stable

SOURCE pour 1 cellule

· Hauteur : 6,5 m

· Section : 125 m2

· Vitesse d'éjection : 4 m/s et 2 m/s soit un débit volumique de 500 m3/s

et 250 m3/s respectivement

· Température d'éjection : plusieurs scénarios = 15°c, 20°c

Caractéristiques géométriques et aérauliques d'une TAR type Noroxo

· Vitesse d'éjection : 4 m.s -1 et 2.s-1

· Soit un débit de 500m3/s ou 250 m3/s

· Température d'émission : 15°c/20°c

· Débit de circulation d'eau : 3000 m3/h

· Quantité d'aérosols = 0,01 % du débit de circulation

CARACTÉRISTIQUES DES GOUTTELETTES UTILISÉES COMME TRACEUR

· Supposées entièrement entraînées par l'air éjecté

· Gouttelettes assimilées à des particules contenant 100 % d'eau

· Gouttelettes sphériques d'un diamètre de 5 _m

· Débit d'eau correspondant à l'émission de ces gouttelettes correspond

à 0,01 % du débit d'eau de refroidissement (sujet à discussion)

Nous avons été sollicités par Monsieur le Préfet pour expliquer la deuxième vague et pour tenter de prendre les décisions les moins mauvaises. Lors de la première vague, la décision d'arrêter l'installation avait été prise. On a pu noter une diminution de l'épidémie, élément déterminant du diagnostic. Malheureusement, la deuxième vague est survenue sur la base de la même souche épidémique. Nous avons dû enquêter plus avant. L'outil de modélisation a permis d'apporter quelques éclairages complémentaires à l'énorme travail d'épidémiologie descriptive qui a été réalisé sur le terrain. La deuxième vague peut s'expliquer par le nettoyage de l'installation industrielle. Le nettoyage a été effectué au niveau du sol avec un jet à haute pression qui est, par essence, un générateur de gouttelettes. Toutefois, parce qu'elle était située à proximité du sol, cette source ne pouvait être considérée comme puissante. En revanche, il semble que des nettoyages aient été effectués en hauteur dans les structures situées à proximité des échangeurs. Parmi les explications, parfois confuses, obtenues de la part de l'industriel, c'est cette dernière hypothèse que nous avons retenue. Nous avons constaté que les concentrations présentes dans l'environnement étaient proches de celle de l'émission de la tour aéro-réfrigérante pendant la période de fonctionnement en tenant compte des conditions météorologiques observées lors de la période de nettoyage.

Nous nous sommes assez rapidement penchés sur un scénario impliquant la période de redémarrage. Michel MERCHAT, au sein de notre mission d'appui national, a contribué à mettre en évidence que la phase de nettoyage n'est pas toujours évidente et peut réserver des surprises. Des prélèvements ont été réalisés lors de la période de redémarrage. Ils ont montré que la souche épidémique était encore présente dans le circuit de refroidissement. L'épidémie de Lens a ainsi pu révéler le caractère délicat de la phase de nettoyage. L'efficacité du protocole de mise en œuvre n'est, actuellement, pas assurée. Une simulation de la période de redémarrage a été mise en œuvre du 22 au 24 décembre pour l'équilibre thermodynamique. Nous nous sommes aperçu qu'il était préférable de tenir compte de la totalité de la période de démarrage, soit jusqu'au nouvel arrêt de l'installation le 4 janvier. Le travail de modélisation tenant compte des conditions météorologiques montre que la région proche du site de Noroxo subit un impact important. Elle s'étend dans un rayon de douze kilomètres, incluant les cas recensés dans la région de Violaines.

D'autres pistes d'investigations ont été suivies pour tenter d'explorer l'éventualité d'autres sources. Il a été possible de mettre en évidence l'effet « domino biologique » : une source en contamine une autre qui, à son tour, peut en contaminer d'autres. Les investigations ne se sont donc pas arrêtées à l'identification d'une source probable de l'épidémie. Ainsi avons-nous pu suivre la piste jusqu'à une station de lavage. Cette recherche est indispensable en vue de prendre les moins mauvaises décisions.

M. Jean-Michel BADER - Comment améliorer la formation médicale continue de manière à faire progresser la déclaration de la notification ?

Docteur Jean-Claude DESENCLOS  - L'évaluation de l'exhaustivité constatée en 2002 montrera que l'on a atteint un niveau beaucoup plus important (de 70 à 80). Dès qu'un point critique a été atteint, les événements parviennent à être détectés, même s'ils apparaissent initialement de manière incomplète. La détection des cas groupés implique un niveau d'exhaustivité suffisant et une notification très précoce. Pour la prise en charge de l'évolution de la maladie, il est très important que le diagnostic soit réalisé très précocement. C'est pourquoi, la formation et la sensibilisation au travers des enseignements post-universitaires sont essentielles. Rappelons que le millier de cas de légionelloses représente une part très faible du nombre de pneumopathies. Celles-ci sont virales ou bien sont dues au pneumocoque. Même en améliorant la formation des médecins, cette faible proportion dans l'ensemble des pneumopathies demeurera une difficulté.

Mme Marie-Pierre FERRET, AFP - L'exposé de Monsieur MARCEL montre que des phénomènes de relargage de légionelles dans l'environnement se sont produits lors du nettoyage et du redémarrage de Noroxo. S'agit-il du nettoyage mené sur l'initiative de Noroxo avant d'avoir alerté la DRIRE ou bien du nettoyage avec arrêt organisé par décision du Préfet et de la DRIRE ? Ce nettoyage a-t-il été effectué en infraction avec les protocoles existants ? S'il était conforme, ne peut-on pas considérer que les protocoles sont mal adaptés ?

M. Frédéric MARCEL - Il s'agit bien du nettoyage effectué lors de la situation de crise, au cours de la période d'arrêt qui s'est étendue du 8 décembre au 22 décembre. Il ne m'appartient pas de commenter le protocole mis en œuvre. Je ne suis pas compétent en la matière. Les services de la DRIRE ont suivi cette opération en réunissant les compétences des spécialistes.

M. Cyrille SCHOTT - J'ai donné l'ordre d'arrêter l'usine le 29 novembre alors que j'étais prévenu de l'existence de deux cas de légionelloses, dont un décès. L'usine a stoppé son activité dans la nuit du 2 au 3 décembre. Cette interruption s'est poursuivie jusqu'au 22 décembre. Au cours de cette période, un nettoyage a été organisé. Ce projet a été soumis à la DRIRE. Les différents travaux menés m'ont permis de considérer que le nettoyage a été effectué selon les protocoles existants. Malgré tout, il semble bien qu'un relargage se soit produit.

M. Pierre-Franck CHEVET - Il est important de signaler qu'aucun protocole réglementaire n'existe en la matière. La réglementation prévoit, dans ces circonstances, un nettoyage. Elle ne fournit pas de détail sur les modalités pratiques de cette opération. L'exploitant a préparé assez longuement le plan d'intervention. Il nous a, ensuite, adressé ce plan avant de le mettre en œuvre au cours d'une période assez longue (du 2 décembre au 22 décembre). Une dizaine de jours a été consacrée au nettoyage. A l'issue de cette étape, l'exploitant nous a transmis un compte rendu d'exécution confirmant le plan initial. Mes inspecteurs se sont rendus sur le site le 17 décembre au terme du nettoyage. Après une phase de remise en fonctionnement des circuits en cause, les ventilateurs de la tour aéro-réfrigérante ont été remis en service le 22 décembre

Mme Marie-Pierre FERRET - Restait-il alors des légionelles ?

M. Pierre-Franck CHEVET - Un prélèvement dans les circuits a été réalisé le 22 décembre de manière à vérifier l'état des installations après le nettoyage. Un autre prélèvement a été réalisé une semaine après. Les valeurs relatives au prélèvement du 22 décembre indiquent « rien à signaler », au seuil de détection des mesures près.

M. Cyrille SCHOTT - La crise survenue dans le Pas-de-Calais fera progresser notre connaissance. Cependant, nous avons vécu avec difficulté cet épisode. Des divergences très rapides peuvent survenir dans les tours aéro-réfrigérantes : une analyse peut révéler un faible taux de légionelles mais le taux peut, ensuite, croître très rapidement lorsque l'usine fonctionne. En outre, le nettoyage de l'usine représente une phase très sensible. Le nettoyage peut constituer une source d'émission. Enfin, le redémarrage est également une phase sensible, source d'émission potentielle. Les experts amenés à édicter de nouvelles règles devront prendre en compte ces particularités.

M. Ivan RENAR - Il est vrai que l'épidémie du Pas-de-Calais est devenue un cas d'école. Je manifeste une impatience à la hauteur du traumatisme subi. Nous avons des difficultés à aborder le sujet de la veille et du dispositif d'alerte. Le dispositif de veille apparaît comme un dispositif d'analyse assez attentiste. Il existe, ensuite, une période de creux, correspondant à l'alerte et à la réaction. Comment mieux articuler veille, alerte et réponse ? Il semble que le dispositif français connaisse, à ce niveau, des lacunes. Tirer des leçons pour l'avenir implique de combler ce vide. Le traumatisme des populations est gigantesque. La concentration sur le territoire est très forte. Dans la région lilloise, des cas de légionelloses ont été détectés dans quatre tours d'habitation. Vers quoi allons-nous ?

Monsieur le Président - C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de connaissances supplémentaires. Pour reprendre le jeu de mots de Coluche, « Quand on a nettoyé, la crasse propre, qu'est ce qu'on en fait ?». Il est difficile de faire accepter par la population que les risques puissent se propager après le nettoyage.

Mme Catherine GENISSON, députée du Pas-de-Calais - La question posée par Ivan RENAR est essentielle. Je fais partie de la commission d'enquête sur la canicule. Les questions « qui donne l'alerte ? » et « comment doit-elle être déclenchée ? » représentent une problématique qui n'est pas résolue en France. Il convient d'y apporter des réponses. La prise en charge de la canicule, comme celle de la légionellose, révèle l'importance des progrès qu'il nous reste à accomplir.

Les circuits de l'ensemble de structures hospitalières proches de la source de contamination sont-ils vérifiés ? Dans le Pas-de-Calais, et plus particulièrement dans la région lensoise, les pneumopathies sont actuellement un motif d'admission fréquent. Des études rétrospectives sont-elles réalisées pour toutes les admissions sur diagnostic de pneumopathie depuis le mois de novembre ? Sur quelles bases épidémiologiques applique-t-on le principe de précaution qui aboutit à une fermeture d'usine ? Sur un territoire où la situation économique est difficile, la fermeture d'une usine a des conséquences économiques et sociales graves. Alors que l'InVS avait fait état de mesures préventives, celles-ci n'ont pas été appliquées. Nous sommes aujourd'hui au c œur d'une situation d'urgence. Dans ces conditions, le devoir de précaution n'entraîne-t-il pas une attitude maximaliste ? Je pose cette question car nous avons connu le cas d'une fermeture d'une usine alors que les données relevées étaient très en deçà des seuils devant conduire à la fermeture d'une installation.

M. Cyrille SCHOTT - Je souhaiterais, si vous le permettez, répondre à ces questions.

Au sujet de l'alerte, je voudrais rappeler quelques éléments de base abordés par Monsieur DESENCLOS. La DDASS a eu connaissance d'un cas isolé le 18 novembre. Elle a eu ensuite connaissance de deux cas le 28 novembre. La DDASS a pu constater que ces deux cas se situaient à Harnes, à une centaine de mètres l'un de l'autre. Le même jour, elle a contacté la DRIRE qui signale alors qu'elle s'interroge sur la situation de l'entreprise Noroxo. Elle procède également à un prélèvement auprès d'une entreprise du secteur. Le 29 novembre, la décision de stopper l'activité de l'usine est prise. Le 1er décembre, la cellule de crise est mise en place. Un communiqué est paru immédiatement. Depuis lors, un communiqué a été diffusé quasi quotidiennement. L'ensemble des communiqués est regroupé sur le site internet de la préfecture. J'ignore comment nous aurions pu aller plus vite quant à la mise en place de la structure de gestion de crise. Elle a été mise en place dès la connaissance du deuxième cas.

Les circuits hospitaliers ont été vérifiés. Par ailleurs la situation de 2 400 entreprises et établissements divers a été vérifiée. Depuis le début de l'épidémie, plus de 800 prélèvements ont été effectués par la DRIRE et par la DDASS. Des études rétrospectives sont lancées. Lorsque l'épidémie sera parvenue à son terme, certains cas supplémentaires apparaîtront car nous réétudions tous les précédents cas de pneumopathie.

Vous avez fait allusion à la décision que j'ai prise en vue de l'arrêt de la tour aéro-réfrigérante de l'usine McCain. Pourquoi avoir pris cette décision ? Nous avons trouvé dans la tour aéro-réfrigérante de cette usine la souche épidémique en faible concentration (100 UFC). J'ai eu personnellement un entretien avec le Professeur CHEVALIER. Il m'a présenté les trois facteurs qui devaient être pris en compte quant au risque de contamination :

_ la concentration. Celle-ci était faible ;

_ la sensibilité de la population ; elle est importante dans le bassin minier ;

_ la virulence de la souche ; nous sommes manifestement en présence d'une souche virulente.

Compte tenu de ces éléments, un travail entre experts a été mené avec le soutien de la mission d'appui national. Nous sommes parvenus à la conclusion que l'activité de la tour devait être interrompue et que l'ensemble du circuit devait être nettoyé. Depuis le début de la crise, notre stratégie a consisté à stopper l'activité de la source. La tour de l'usine Noroxo a été immédiatement arrêtée. Je crois que cette décision a été opportune. Nous avons interrompu une deuxième fois le fonctionnement de la tour Noroxo lorsque nous avons relevé sur trois patients de la deuxième vague la souche épidémique identifiée dans l'usine Noroxo. Par ailleurs, nous avons poursuivi nos recherches afin de ne pas manquer une autre source éventuelle. Chaque fois que la souche épidémique a été prélevée, nous avons agi, notamment en fermant les stations de lavage dans un périmètre de dix kilomètres. Le fonctionnement de la tour aéro-réfrigérante de l'usine McCain a été stoppé. Je ne peux contribuer à stopper une épidémie si je ne supprime pas les sources d'émission possible ou potentielle. C'est pourquoi j'ai exigé l'arrêt du fonctionnement de toutes les sources identifiées comme telles.

Monsieur le Président - Nous reprendrons cet échange après l'intervention de Madame BACHELOT que je remercie chaleureusement d'être venue à cette audition de l'Office parlementaire.

Madame Roselyne BACHELOT-NARQUIN,
Ministre de l'Environnement, de l'écologie et du développement durable

Je voudrais débuter par quelques mots sur la légionellose dans le Pas-de-Calais et dire, sous le contrôle de Monsieur SCHOTT et de Monsieur CHEVET, que la vaste enquête quasi policière menée depuis deux mois par les services de l'Etat pour traquer la bactérie et enrayer l'épidémie a progressé à bon train, au point que l'on peut être aujourd'hui raisonnablement optimiste quant à l'issue des événements. Nous devrons, néanmoins, faire preuve de la plus grande vigilance aussi longtemps que des cas continueront à apparaître. La dernière semaine a été marquée par un ralentissement du rythme de déclaration des nouveaux cas. Ceux qui ont été annoncés concernaient des patients dont les premiers symptômes déclarés remontaient au début du mois de janvier. Les contrôles menés par la DRIRE ont permis hier de déceler la même souche de légionelles que celle qui a infecté les malades à trois endroits différents : dans la tour aéro-réfrigérante de Noroxo le 30 décembre (après le nettoyage mécanique des tours), dans la lagune de décantation de Noroxo et dans les camions approvisionnant la lagune en germes bactériens. Cela ne constitue pas une preuve formelle. Il s'agit toutefois d'un faisceau d'éléments qui dessine un schéma de contamination assez crédible. L'analyse des camions approvisionnant la lagune a été suggérée et effectuée par l'entreprise Noroxo elle-même, ce qui relève d'une prise de responsabilité très saine.

Je tiens à souligner l'action et l'implication exemplaires des services de l'Etat, qu'ils relèvent du ministère de la Santé ou de mon ministère. Je remercie vivement Monsieur le Préfet Cyrille SCHOTT et tiens à lui rendre hommage. Je le remercie de faire part de notre reconnaissance à ses services. J'ai pu constater sur le terrain à quel point, à une époque où l'on apprécie de pouvoir se consacrer à sa famille, ils n'ont pas compté leur temps. Cette crise, par bien des aspects, a dépassé les schémas techniques dont nous disposions jusqu'à présent. Elle nous a conduits à prendre des décisions difficiles dans un contexte d'incertitude scientifique très inconfortable. L'intervention de Madame Catherine GENISSON présente bien la complexité des problématiques auxquelles nous avons été confrontés. Nous pensions qu'un choc chloré dans un circuit assurait une décontamination correcte. La tour de Noroxo était infectée un mois à peine après cette intervention. Nous pensions que le nettoyage mécanique constituait une garantie absolue. Tout laisse désormais à penser que la tour de l'usine a continué à émettre des bactéries après le nettoyage. Nous n'imaginions pas, non plus, que les opérations de décapage d'une tour pouvaient être à l'origine d'une dispersion massive de bactéries. Les experts que nous avons réunis pour appuyer Monsieur le Préfet continuent d'envisager très sérieusement cette hypothèse. Enfin, les distances de contamination, comme les durées d'incubation supposées, ont dépassé les données disponibles dans la littérature scientifique.

Les aspects nouveaux relatifs à cette crise devront être pris en compte. Cependant, la crise a révélé l'importance des progrès effectués en matière de prévention et d'épidémiologie au cours des dernières années. Cela n'a pas été assez souligné. Nous savons, aujourd'hui, prévenir des épidémies qui, très probablement, n'auraient pu être ni maîtrisées, ni détectées il y a une vingtaine d'années. Si l'usine Noroxo a été fermée une seule journée après la conclusion du diagnostic épidémique, c'est bien parce qu'elle faisait partie des 2 400 entreprises qui disposent d'un arrêté préfectoral traitant des questions de légionellose suite à l'effort intensif des agents du ministère de l'écologie au cours de cinq dernières années. Nous ne partons pas de zéro. Les contrôles effectués l'année dernière dans les entreprises concernées ont, pour une grande majorité, révélé des taux n'exigeant aucune action complémentaire. Certes, mon propos ne consiste pas à affirmer que tout est pour le mieux et qu'aucune amélioration ne doit être apportée. Bien au contraire, j'ai la ferme conviction que nous pouvons progresser dans ce domaine. Dès 2003, le dossier de la légionellose a été inscrit en tête des priorités du contrôle national des inspecteurs des installations classées. J'ai renouvelé cette inscription pour l'année 2004. Monsieur Jean-François MATTEI et moi avons décidé, au cours de l'été 2003, d'entamer la rénovation de notre système de prévention. Enfin, le chantier de la légionellose a été inscrit au plan « air » présenté le 5 novembre dernier.

Cette démarche est aujourd'hui sur le point d'aboutir. Je voudrais consacrer la fin de mon propos à détailler les axes du programme de prévention de la légionellose que nous bâtissons. Ce programme ne se borne pas aux tours aéro-réfrigérantes. Bien qu'elles aient fait l'objet d'une exposition médiatique justifiée, ces installations ne sont pas à l'origine de la totalité, ni même probablement de la majorité, du millier de cas de légionelloses déclarés chaque année en France. Les réseaux d'eau chaude sanitaire, les établissements thermaux sont des milieux sensibles qui doivent faire l'objet de la même attention. Je sais que Monsieur Jean-François MATTEI s'y consacre avec énergie. La première priorité visant les tours aéro-réfrigérantes consiste à effectuer un recensement exhaustif. Une liste nationale a été établie en 2001. Elle concerne essentiellement les installations soumises à autorisation, c'est-à-dire les tours les plus puissantes. Ce choix a été judicieux comme en témoigne l'implication de l'usine Noroxo qui faisait partie de cette liste. Nous nous rendons néanmoins compte que ce recensement est insuffisant. Les spécialistes font de plus en plus fréquemment état de contaminations à des niveaux de concentration relativement bas. En outre, les petites tours sont fréquemment situées dans des locaux administratifs ou commerciaux implantés dans les centres-villes, donc très près des populations. Leurs exploitants sont nettement moins familiarisés à la gestion du risque que les grands industriels.

D'ici quinze jours, je lancerai aux côtés du ministre de la Santé le premier recensement national de l'ensemble des tours aéro-réfrigérantes, quelle que soit leur taille. Cela inclut donc les tours soumises à autorisation, les tours soumises à déclaration mais également celles qui sont trop petites pour être soumises à la législation des installations classées pour la protection de l'environnement. Ces dernières font l'objet de l'amendement au projet de loi de santé publique déposé par le gouvernement.

Le recensement sera terminé à la fin du mois d'avril. Il sera ensuite nécessaire de réexaminer les règles de conception et d'entretien des tours en tenant compte des enseignements nombreux de l'épisode que nous connaissons dans le Pas-de-Calais. Cela passe par un décret créant une rubrique spécifique aux tours aéro-réfrigérantes dans le droit des installations classées et par un arrêté ministériel détaillant les règles à respecter. Ces deux textes qui sont élaborés à marche forcée seront adoptés dans le courant du mois de mai. Je tiens à ce que leur conception fasse largement appel aux compétences des experts nationaux et internationaux afin de produire des textes tenant compte des dernières connaissances scientifiques sur la prévention de la légionellose. Je tiens également à ce que cette démarche soit traitée dans un contexte européen. Cela permettra de tirer parti des connaissances acquises par d'autres pays et de militer pour une harmonisation de la réglementation européenne, sans quoi un risque de distorsion de concurrence pourrait voir le jour. Les nouveaux textes adoptés devront accroître la fréquence des analyses, améliorer la qualité du traitement préventif des tours. Ils feront davantage appel à des visites obligatoires des installations par des organismes extérieurs aux entreprises. Le troisième volet du plan concerne la sensibilisation des industriels aux bonnes pratiques de conception et de maintenance des installations. Dans un contexte où de nombreuses sociétés concernées n'ont pas conscience d'exercer une activité dangereuse, il s'agit d'un volet primordial. Nous avons entamé la mise à jour et la refonte du guide des bonnes pratiques édité en 2001 qui sert de référence aux industriels. Cette refonte sera terminée au mois de mai 2004. Le guide sera diffusé à l'ensemble des exploitants de tours aéro-réfrigérantes qui auront été recensés. Des réunions d'information à destination des exploitants et des sociétés de maintenance seront organisées par les DRIRE et les DDASS dans chaque région. Enfin, les contrôles seront notablement intensifiés, tant en nombre qu'en sévérité, en conformité avec la priorité qui a été accordée à l'inspection des installations classées. La réglementation n'est efficace que dans le cas d'un strict contrôle, comme j'ai pu le rappeler au sujet de la raffinerie Esso de Notre Dame de Gravenchon dont une installation importante a dû être arrêtée hier en vue du nettoyage de la tour aéro-réfrigérante.

Comme vous pouvez le constater, Jean-François MATTEI et moi avons pris le parti de déclarer une guerre sans concession à la légionellose. C'est le terme que j'ai retenu pour répondre hier à une question adressée au gouvernement. Cette guerre passe par des textes, des contrôles, des procédures. Nous devons être également à l'écoute des progrès de la science car les connaissances relatives à la légionellose sont en perpétuelle évolution. Pour cette raison, nous demanderons à l'AFSSE, à l'INERIS, à l'InVS de définir, chacun dans son domaine de compétences, un programme de recherche et d'expertise dans le domaine de la légionellose. En l'absence d'un tel effort, nous risquons d'être soumis à la même situation dans cinq ans et à la nécessité de faire évoluer, à nouveau, notre réglementation.

J'espère vous avoir convaincus qu'un important chemin a été parcouru depuis l'épidémie de Paris survenue en 1998 et que la route tracée par Monsieur Jean-François MATTEI et moi est une démarche pertinente. Je souhaite que les travaux que vous menez aujourd'hui alimentent les actions que le gouvernement vient de lancer. Je reste, bien entendu, disponible pour vos questions.

Monsieur le Président - Merci, Madame la ministre, pour cette présentation. Nous disposons aujourd'hui d'une vision complète de l'action que le gouvernement entend engager à travers le ministère de la Santé et votre ministère.

M. Yves COQUELLE - De nombreuses réponses à nos interrogations ont été fournies. Toutefois, certains aspects continuent de nous intriguer : même en intensifiant les contrôles des tours aéro-réfrigérantes, le risque d'infection serait maintenu car on a pu observer que des colonies de légionelles peuvent, en très peu de temps, se multiplier par cent ou mille. Il s'agit d'une propriété de la bactérie qui nous inquiète. Comment enrayer ce phénomène ? Nos populations ont tenu le coup jusqu'ici. Le correspondant du Monde a dressé un portrait de notre région qui nous a marqués : il évoquait le fatalisme lié à la silicose et aux maladies pulmonaires qui emportaient de nombreux habitants. Une photo de ce même journal illustrait l'article par des croix de cimetière. Nous avions le sentiment d'une sinistrose omniprésente dans un département qui n'en a guère besoin. Nous voudrions pouvoir rassurer la population. Toutefois cette remarque est présente à tous les esprits : « Rien n'empêche une tour aéro-réfrigérante de diffuser de nombreuses légionelles quelques jours après un contrôle négatif ».

Mme Roselyne BACHELOT-NARQUIN - C'est pour cette raison que la démarche que nous préconisons prend en compte les observations et les conclusions de l'épidémie que vous vivez dans le Pas-de-Calais. La réglementation de 1999 ne prenait pas en compte l'ensemble des installations susceptibles d'émettre des légionelles. La nouvelle réglementation y veillera. Dans ce domaine, comme bien fréquemment en matière de santé publique, c'est la prévention qui est déterminante. La bonne pratique des industriels et la prise de conscience du risque naturel et technologique sont primordiales. Il appartient à la puissance publique, à partir de travaux d'experts actualisés, de diffuser les référentiels applicables en matière de bonnes pratiques. Vous avez souligné à juste titre la culture d'acceptation du risque qui caractérise la région Nord Pas-de-Calais. Je me refuse à opposer santé publique et emploi. Chaque fois que l'emploi a été préféré à la santé publique - l'exemple de Métaleurop le rappelle - on a perdu et l'emploi et la santé.

Nous constatons une prise de responsabilité des acteurs économiques. Lors des cas de légionellose que nous avons connus sur la plate-forme de Roussillon et pour lesquels j'ai été interpellée hier à l'Assemblée nationale, nous n'avons pas retrouvé des taux supérieurs à 100 000 UFC par litre justifiant la fermeture des tours aéro-réfrigérantes. Ce sont les exploitants qui ont eux-mêmes procédé à la fermeture de leurs installations pour permettre un meilleur nettoyage. Maintenir le potentiel industriel de la France implique, pour les sites, un très fort niveau d'acceptation sociale. La sécurité est un élément déterminant de l'acceptation sociale des sites industriels. La sûreté apparaît donc comme un élément de la préservation de l'emploi.

Monsieur le Président - La question posée par Monsieur COQUELLE résume bien l'interrogation nourrie par la population. Il est annoncé à la population que l'activité d'un site est suspendue pour procéder à un nettoyage et que l'activité reprendra dans quelques jours. Ceci est un peu à l'image de Jean le Bon qui se battait en présence d'ennemis à droite, à gauche, devant et derrière. La légionellose nous entoure. Nous la rencontrons partout. J'ai noté qu'il existait 49 souches. Toutes ne sont pas pathogènes. Dans le Pas-de-Calais, 23 souches ont été identifiées. Un vaste chantier de réflexion s'ouvre devant nous.

Mme Catherine GENISSON - La question que j'ai précédemment posée à Monsieur le Préfet au sujet de l'application du devoir de précaution n'était pas polémique. La situation du Pas-de-Calais doit constituer un cas d'école dans ce domaine. Madame la ministre, vous avez rappelé que sur le plateau de Roussillon, les industriels ont pris eux-mêmes la décision de fermer l'usine pour procéder à la vérification des circuits. Cela pose vraiment le problème des modalités du devoir de précaution. Nous nous rendons bien compte que ces décisions sont lourdes de conséquences, notamment sur le plan économique. Le chantier est ouvert et appelle, de notre part, un important travail collectif, afin de placer le curseur au bon niveau pour prévenir les risques et veiller à la sécurité de la population sans entraver l'activité économique des territoires concernés.

Madame la ministre de l'Environnement et du développement durable - Ce sera un bon exemple à verser à l'examen de l'article 5 de la Charte de l'environnement.

De la salle - Le Professeur MARCEL pourrait-il nous fournir les chiffres qu'il nous a montrés de loin ainsi que la carte de modélisation qui concerne le secteur de Lens ?

M. Frédéric MARCEL - Ils feront l'objet d'un rapport qui sera rédigé par la mission d'appui remise prochainement à Monsieur le Préfet.

Monsieur le Président - Une copie sera adressée, par anticipation, à la presse si Monsieur le Préfet n'y voit pas d'inconvénient. Toute la discussion qui vient d'avoir lieu montre l'utilité et la nécessité d'une audition de ce type.

Mme Sophie DUMERY - Pardonnez-moi de revenir sur une question technique relative au panache de dispersion atmosphérique des gouttelettes d'eau. Le Professeur MARCEL a précisé que le nettoyage sous pression avait entraîné des conséquences que personne n'avait anticipées, notamment la pulvérisation du bio film. Le bio film ne se comporte pas dans l'air comme une simple gouttelette d'eau. L'explication de la deuxième vague assez longue ne se situe-t-elle pas à ce niveau ? Le bio film particulaire a sans doute permis la pérennité des légionelles, favorisant leur persistance dans l'environnement et leur multiplication dans des zones réceptives, dominos secondaires. Qu'en est-il des modélisations à partir de gouttes particulaires avec bio film ?

M. Frédéric MARCEL - Nous n'avons entrepris une modélisation qu'à partir de gouttelettes d'eau en tant que traceurs. Nous ne disposons pas actuellement d'outils d'investigation. C'est un des sujets de préoccupation. Des efforts de recherche accrus sont nécessaires.

Mme Marie-Christine BLANDIN - Les cartes de modélisation ont-elles été superposées avec les cartes des personnes contaminées et des cas déclarés ? Par ailleurs, nous regrettons l'absence de la représentante de la DDASS.

Un phénomène de « bio domino » permettant à des aérosols d'apporter de nouvelles souches dans de nouveaux lieux a été décrit. Lorsque vous évoquez le cas des thermes, incluez-vous les piscines et les douches des piscines ou bien uniquement les établissements thermaux ? Des prélèvements ont-ils été réalisés dans les chauffe-eau ou les Karcher des particuliers ? Ne serait-il pas intéressant d'effectuer des investigations dans le système de climatisation des automobiles ? Ces dispositifs produisent beaucoup de vapeur et comportent des surfaces analogues aux bios films. Les germes qui s'y installent, par les mauvaises odeurs qu'ils émettent, poussent de nombreuses personnes à changer leur système de climatisation.

Une question a été posée par la presse à propos de la nécessité de mieux informer les médecins. Ne serait-il pas également intéressant, dans des situations d'épidémie, que nos radios et télévisions nationales se fassent l'écho de conseils très simples ? Les campagnes de l'ADEME invitent à réduire la température des chauffe-eau et cumulus. Dans le Pas-de-Calais, ne serait-il pas opportun d'inviter les citoyens à accroître cette température ?

Il est intéressant de faire de la légionellose une priorité. Toutefois, à la légionellose succédera un autre risque. Il est donc essentiel de poursuivre des programmes de recherche en matière d'écologie microbienne car l'enjeu porte sur des équilibres de milieux.

Monsieur le Préfet du Pas-de-Calais - Croyez bien que si les représentantes de la DDASS sont absentes, cela est strictement involontaire. Elles ont été bloquées sur l'autoroute par un camion du fait de la neige. Elles souhaitaient vivement être présentes. Dans la mesure où j'ai suivi la crise depuis son commencement, je tâcherai néanmoins de vous répondre.

Une visite au domicile de chacun des patients a eu lieu. Des investigations y ont été menées, de nombreuses installations ont été contrôlées. J'ai précédemment précisé que 2 400 installations et entreprises avaient vu leur situation contrôlée. Cela ne signifie pas que nous nous soyons rendus dans chaque entreprise. Cependant, nous avons fait le point avec chacune d'entre elles pour examiner la présence possible d'une source de légionelles. Au total, plus de 800 prélèvements et analyses ont été réalisés. Ces chiffres regroupent les données recueillies par la DDASS et par la DRIRE.

La DDASS s'est intéressée à 1 639 établissements et entreprises. Parmi les lieux où la DDASS a mené des investigations figurent certains domiciles particuliers, des établissements hospitaliers, des stations de lavage. Nous avons été conduits à arrêter, dans un rayon de dix kilomètres près de 130 stations de lavage car la souche Noroxo a été observée dans une station de lavage à 1 500 UFC par litre. La station de lavage ne pouvait pas provoquer une telle épidémie. Nous ne pouvions cependant accepter de voir les clients de la station de lavage encourir le risque d'être contaminés. En outre, supermarchés, stations d'épurations, jets d'eau, fontaines décoratives, engins de nettoyage, piscine, réseaux d'eau potable, forages privés et canaux ont été vérifiés. Outre une focalisation sur l'usine Noroxo, notre stratégie s'est ouverte à toutes les autres hypothèses de sources.

Je voudrais donner quelques éléments de synthèse aujourd'hui connus. Parmi les 83 patients, 22 ont fait l'objet de prélèvements. Chez ces 22 patients, c'est la même source épidémique qui a été trouvée. Cette souche a été isolée dans l'usine Noroxo lors d'une analyse du 28 novembre, de neuf analyses du 1er décembre et d'une analyse du 30 décembre. La souche épidémique a été observée sur une station de lavage à 1 500 UFC par litre. Les concentrations relevées dans l'usine Noroxo ont atteint 700 000 UFC par litre. La souche a également été trouvée dans l'entreprise McCain dont je voudrais souligner le civisme (au-delà de la décision préfectorale, leur décision a été de stopper la production et de nettoyer). Nous avons directement agi sur ces différentes sources. Notre enquête s'est poursuivie. La même souche épidémique a été relevée dans la lagune et dans les semences qui alimentent cette lagune. Ces semences proviennent de la station d'épuration de la CEAC. Il est donc possible que les légionelles proviennent de la CEAC. Elles auraient ensuite été acheminées jusqu'à la lagune qui aurait, à son tour, contaminé la tour de l'usine Noroxo, cette dernière étant probablement à l'origine des deux vagues, et ayant contaminé d'autres sources. Dans ce contexte, je ne regrette pas d'avoir exigé le nettoyage de cette tour.

Professeur Jean-Claude LEFEUVRE, Président de l'Institut français de la Biodiversité, Membre du Conseil scientifique de l'Office parlementaire - Je voudrais rappeler ce que vient de dire Madame BLANDIN. Le problème des amibes ne doit pas être oublié. Alors que l'on dénombre 49 espèces de légionelles, plusieurs centaines d'amibes peuvent être détectées dans les eaux libres, courantes ou stagnantes. Le problème de la sélection en fonction de certains phénomènes tels que l'eutrophisation n'a, à ce jour, fait l'objet d'aucune recherche. En effet, les chercheurs français travaillant sur les amibes sont très peu nombreux. Cela mériterait d'être étudié plus avant. Plus généralement, diverses maladies émergentes doivent nous pousser à lancer certains programmes de recherche sur l'eau. En 1997, 30 000 cadavres d'oiseaux liés au botulisme ont été observés sur le lac de Grand Lieu. Le Préfet de Loire-Atlantique a été obligé d'interdire l'usage de l'Erdre par les canoës à cause du relargage de microcystines par les cyanobactéries dont le nombre explose dans ces secteurs. Les pays industrialisés sont confrontés au problème de l'évolution des milieux aquatiques liée à l'eutrophisation. Les conséquences sur la santé méritent d'être prises en compte. Elles conduisent les DDASS à réviser les normes en matière de distribution d'eau potable. En matière de microcystines, les normes australiennes sont étudiées en vue de prendre de nouvelles mesures sur les eaux potables.

Troisième partie :
La prévention des risques

M. Thierry MICHELON,
Sous-directeur de la gestion des risques des milieux,
Direction générale de la santé (DGS)

Mon intervention consiste à vous présenter le dispositif de prévention mis en place par le ministère de la Santé ces cinq dernières années. Ce dispositif s'est concentré sur les lieux et les équipements présentant des risques importants en matière de légionellose. Un graphique présenté par l'InVS reprend les lieux de contamination des personnes atteintes de légionellose. Les légionelloses nosocomiales sont prédominantes. Le tourisme apparaît en deuxième position. Le graphique révèle la part importante des origines indéterminées. Cela doit nous conduire à la fois à mener des études en vue d'accroître nos connaissances et à prendre des mesures visant le plus grand nombre de personnes, notamment en matière de réseaux d'eau chaude.

Origine des contaminations humaines
Source : BEH (15 juillet 2003)

graphique

Dans un rapport de 2002, le Conseil supérieur d'hygiène publique de France a recensé les nombreux équipements à risques. Le rapport précise sur quels établissements il convient de faire peser prioritairement les actions retenues : les tours de refroidissement (la majorité est soumise à la réglementation sur les installations classées) et les réseaux d'eau chaude sanitaire. Ces derniers relèvent de la compétence du ministère de la Santé. Le Code de la santé publique définit le principe d'absence d'agents pathogènes pouvant constituer un danger pour la santé des personnes. Il désigne les personnes en charge de la production et de la distribution de l'eau comme garants de l'absence de micro-organismes pathogènes ainsi que des règles d'hygiène et de conception. La loi sur la politique de santé publique en cours d'examen à l'Assemblée nationale clarifiera et renforcera les obligations qui pèsent sur les propriétaires de réseaux d'eau intérieurs. Ce dispositif réglementaire général a été précisé pour les différents lieux sensibles à la légionellose. Les établissements de santé et les maisons de retraite sont visés au premier chef. En l'espace de cinq ans, quatre circulaires et deux guides de bonnes pratiques ont été élaborés. Les circulaires sensibilisent les chefs d'établissement et exigent d'eux une bonne connaissance de leur réseau d'eau. Ce n'est pas toujours simple. Ainsi l'hôpital Georges Pompidou abrite-t-il plus de 40 kilomètres de canalisations. Les circulaires fixent une teneur en légionelles qui conditionne la qualité de l'eau et déclinent un ensemble de préconisations relatives à la maintenance et à la surveillance des réseaux.

graphique

Un bilan dans deux grandes zones a pu être effectué en 2000. Il s'agissait du sud-ouest et de l'Ile-de-France. Il montrait la faible réactivité des chefs d'établissement à ces prescriptions. Depuis, la direction des hôpitaux et la direction générale de la santé ont intensifié leurs efforts. La circulaire d'avril 2002 a été le fruit de cette démarche. Un bilan auprès de 5 000 établissements est en cours. Il devra être conclu à la fin du premier semestre et sera suivi par le contrôle d'un échantillon d'établissements mené par les DDASS et les DRASS.

Les autres établissements à risques recevant du public (hôtels, campings, bâtiments publics, gymnases) ont fait l'objet, dans la circulaire du 31 décembre 1998, de recommandations portant sur l'entretien, la maintenance, la surveillance et la définition de valeurs limites. Une sensibilisation a été menée conjointement en 2000 par le ministère du Tourisme et le ministère de la Santé.

Les établissements thermaux sont suivis de près par le ministère de la Santé depuis le début des années 1990. En effet, ils ont été la source de plusieurs épidémies (l'épidémie d'Aix-les-Bains a touché plusieurs dizaines de personnes). Le conseil supérieur d'hygiène publique a établi un rapport en 1999. Il a souligné la particulière vulnérabilité des curistes qui fréquentent ces établissements. La vulnérabilité est non seulement le fait de l'âge et des antécédents médicaux mais également le fait de soins qui diffusent des aérosols au plus près des bronches. A la suite de ce rapport, le ministère de la Santé a pris un arrêté qui fixait des règles draconiennes applicables aux établissements thermaux (seuil de détection de légionelles, prescription sur la surveillance, fréquence des contrôles...). Un bilan devrait être disponible à la fin du premier semestre. Il montre que deux tiers des établissements sont parvenus à éradiquer les légionelles dans leurs installations. Les matériaux mis en œuvre, la surveillance, l'entretien ont permis cette éradication. En revanche, la grande majorité des établissements présentent des risques quant aux « pseudo menaces » (autre type de bactérie).

Tours aéro-réfrigérantes (hors ICPE)

graphique

Perspectives en 2004

· Amendement à la loi de santé publique : obligation de déclaration, sanctions

· Modalités de maintenance, contrôle, surveillance définies par décret

· Recensement du parc des équipements

· Révision, extension et diffusion des guides de bonnes pratiques tours aéro-réfrigérantes aux professionnels

· Eau chaude sanitaire

1. projet d'arrêté relatif à la conception, réalisation, hygiène et maintenance des réseaux intérieurs d 'immeubles et aux produits de nettoyage et désinfection (articles R.1321-49, 53, 54, 57, 58 et 59 du CSP)

2. Actualisation de l'arrêté du 23 mars 1978 réglementant la température de l 'eau chaude sanitaire - prévention du risque de brûlure et de prolifération de légionelles

3. Révision et diffusion par le CSTB des guides de bonnes pratiques destinés aux professionnels du bâtiment, de la plomberie et des bureaux d 'étude : conception, réalisation (octobre 2003) entretien, maintenance (décembre 2004)

· Perspectives en 2004 et au-delà - établissements recevant du public

1. définition de normes microbiologiques pour les eaux utilisées dans les activités de

2. balnéoludisme (centres de remise en forme)

3. balnéothérapie

4. thermoludisme

5. diffusion de guides de bonnes pratiques dans établissements de tourisme

· Circulaire /306 du 26/06/03 :

· renforcement des prescriptions sur les tours aéro-réfrigérantes

· diffusion de guides de bonnes pratiques TAR en 2003

· évaluation en cours de la mise en œuvre de la circulaire de 2002 dans tous les établissements de santé (5 400) et inspections ciblées par les DRASS/DDASS

 

Monsieur le Président - Qu'en est-il du tiers restant ?

M. Thierry MICHELON - Le tiers restant est périodiquement contaminé par des légionelles. Une surveillance environnementale est assurée mensuellement. Ses conclusions peuvent entraîner la suspension des soins selon un protocole défini.

Monsieur le Président - Le guide des bonnes pratiques qui a permis l'éradication des légionelles dans certains établissements, n'est-il pas transposable dans les autres ?

M. Thierry MICHELON - Nous y travaillons en lien avec le syndicat thermal. C'est une piste importante.

Les perspectives de l'année 2004 s'inscrivent selon trois axes principaux :

_ les tours aéro-réfrigérantes qui ne sont pas soumises à la législation sur les installations classées. Il en existe probablement plusieurs milliers. Il ne s'agit pas de tours importantes. A ma connaissance, aucune épidémie de légionellose n'a impliqué des tours non répertoriées. C'est toutefois un sujet qui mérite d'être approfondi. Un amendement à la loi de santé publique permettra leur recensement et les contraindra à respecter certaines règles d'hygiène. Un décret d'application précisera ces règles et définira des sanctions en cas de non-respect. Les DDASS seront chargées d'effectuer ce recensement. En partenariat avec les DRIRE, elles veilleront également à sensibiliser les exploitants et à assurer le contrôle des dispositions. A cette fin, des guides de bonnes pratiques seront prochainement révisés ;

_ les eaux chaudes sanitaires devront faire l'objet d'une action approfondie. C'est un sujet difficile car il touche un domaine diffus (8 millions de logements, 5 000 hôpitaux, 600 000 établissements recevant du public). Deux projets d'arrêtés sont en cours d'élaboration. L'un d'entre eux fixera des règles de maintenance, d'entretien, de surveillance sur les réseaux d'eau intérieurs. Le second fixera une température minimale de 50°C à atteindre pour toutes les installations nouvelles, qu'il s'agisse de l'habitat collectif ou des établissements recevant du public. Cet arrêté est problématique car il doit prendre en considération le problème des brûlures : il convient de ne pas dépasser une température de 50°C au niveau des points d'usage. C'est pourquoi nous préconisons un mitigeage avec de l'eau froide au niveau des points d'usage. Un important travail est mené par le centre scientifique et technique du bâtiment pour sensibiliser les professionnels. Deux guides des bonnes pratiques sont à l'étude ;

_ les autres établissements recevant du public, notamment les hôtels et les campings, voient leur part relative dans le nombre de légionelloses s'accroître. Des sensibilisations sont nécessaires. Balnéothérapie, thalasso ludisme et thalassothérapie constituent un autre champ inexploré. Seules les recommandations générales sur l'eau potable sont applicables. Il conviendra d'adapter ces dispositions à la particularité des établissements.

M. Thierry TROUVÉ,
Directeur de la prévention des pollutions et des risques,
Ministère de l'Ecologie et du Développement durable

Mon intervention porte sur la réglementation applicable aux tours aéro-réfrigérantes qui relèvent des installations classées. En raison de la complexité de ce sujet, je ne m'étendrai pas longuement et réserverai un temps de parole pour vos questions.

Les tours aéro-réfrigérantes ne sont pas visées par la nomenclature des installations classées. Les installations classées relèvent d'une réglementation reposant sur une nomenclature qui concerne des substances dangereuses ou des activités spécifiques. Les tours aéro-réfrigérantes ne font pas aujourd'hui partie des activités visées par la nomenclature. Les tours sont fréquemment connexes à des installations classées. C'est à ce titre que les tours aéro-réfrigérantes sont incluses dans notre champ de compétences. Elles sont majoritairement connexes à des installations de réfrigération ou de compression (rubrique spécifique de la nomenclature concernée). D'autres sont intégrées à des procédés industriels divers (installations de combustion, chimie, sucrerie, sidérurgie). La tour Noroxo figure parmi cette seconde catégorie.

Les prescriptions applicables aux tours aéro-réfrigérantes soumises à autorisation sont inscrites au sein de l'arrêté préfectoral autorisant le fonctionnement de ces installations ou dans des arrêtés complémentaires pris ultérieurement pour compléter les dispositions initiales. Les prescriptions applicables aux installations soumises à déclaration figurent dans des arrêtés préfectoraux « horizontaux » qui couvrent l'ensemble des installations d'un département ou dans des arrêtés ministériels qui couvrent un secteur précis.

Quelles sont les prescriptions concernant les légionelles ? Le principal travail réglementaire incombant au ministère de l'Ecologie a été accompli suite à l'épidémie de 1998. Elle a donné lieu à un groupe de travail national qui a exploité les retours d'expérience. Une circulaire du ministère en date du 23 avril 1999 demande à chaque Préfet de prendre des arrêtés initiaux ou complémentaires pour imposer aux exploitants des tours aéro-réfrigérantes les prescriptions relatives à la maintenance et à la surveillance des tours. Cette circulaire constitue le socle de la réglementation sur les légionelles applicable aux tours aéro-réfrigérantes dépendant d'installations classées. Elle rassemble des prescriptions sur l'entretien et la surveillance des installations, des prescriptions qui définissent les actions à prendre en fonction des concentrations observées dans les réseaux d'eau chaude à partir de seuils fixés de manière empirique sur la base de recommandations du conseil supérieur d'hygiène publique de France. Si des concentrations comprises entre 1 000 et 100 000 UFC par litre sont observées, il est prévu que l'industriel prenne un ensemble de mesures visant à abaisser la concentration dans son installation pour la ramener sous le seuil de 1 000 UFC par litre. De nouveaux contrôles bactériologiques doivent être effectués jusqu'au rétablissement d'une situation normale. Si les concentrations sont supérieures à 100 000 UFC par litre, les arrêtés prévoient l'arrêt obligatoire de l'installation, l'information de l'inspection des installations classées ainsi que des mesures de nettoyage et de désinfection.

Sur la base de ce socle réglementaire, de nombreuses actions ont été poursuivies par le ministère après 1999. En 2001, un guide commun au ministère de la Santé, au ministère de l'Ecologie et au ministère de l'Industrie a rassemblé l'ensemble des bonnes pratiques concernant l'entretien des tours aéro-réfrigérantes. Une première circulaire a demandé aux Préfets de dresser un bilan de l'application de la circulaire de 1999. Suite à ce bilan, nous avons demandé aux Préfets, par une deuxième circulaire, de recenser les installations soumises à déclaration car des lacunes étaient apparues dans le recensement initial. En outre, cette circulaire invitait à avertir tous les exploitants des dispositions qu'ils devaient mettre en œuvre.

A cette époque, malgré l'épidémie de 1998, nous prêchions quelque peu dans le désert. La légionellose n'était pas un sujet médiatisé. Au cours de l'été 2003, nous avons encore rencontré des exploitants totalement inconscients des risques que présentaient leurs exploitations et des précautions qu'ils devaient prendre. Par la suite, plusieurs rappels ont été effectués auprès des Préfets sur les risques inhérents aux tours aéro-réfrigérantes (circulaires du 7 août 2002 et du 24 avril 2003). La circulaire du 24 avril 2003 annonçait l'entrée en période estivale et les risques associés aux tours et à la climatisation. Elle insistait sur la nécessité de transmission des résultats d'analyses à l'inspection des installations classées et demandait aux Préfets une vigilance particulière à l'égard des résultats dépassant les seuils prévus par la circulaire de 1999.

La dernière circulaire relative à la légionellose date de décembre 2003. Elle faisait état du constat d'épisodes de légionellose en période hivernale, de la divergence de tours après des traitements chimiques et demandait aux Préfets une vigilance particulière à l'égard des installations dépassant les seuils. Elle invitait par ailleurs à procéder à des contrôles par sondage des installations et à lancer un recensement exhaustif des tours en visant prioritairement les agglomérations de plus de 50 000 habitants.

De nouveaux arrêtés ministériels sectoriels ont été pris en 2002 et 2003 pour les grandes installations de combustion et les verreries. L'analyse des arrêtés ministériels pris en 2003 montre que les prescriptions prévues en matière d'entretien et d'analyse des tours sont plus sévères que celles qui figuraient dans la circulaire de 1999. En effet, au fur et à mesure de l'acquisition des connaissances sur la gestion des tours aéro-réfrigérantes, on prend conscience de la nécessité de renforcer les prescriptions.

Outre l'action régalienne, je tiens à évoquer les actions de sensibilisation et de formation entreprises. J'ai précédemment indiqué l'existence d'un guide publié en 2001. Les DRIRE et les Préfets ont organisé en 2002 et 2003, à la demande du ministère, des actions importantes de sensibilisation et d'information pour sensibiliser les industriels aux risques associés aux légionelles et leur fournir les éléments les rendant capables de gérer leur installation de manière plus efficace. Les actes de ces réunions sont repris sur les sites internet des DRIRE.

Je voudrais, pour terminer, apporter quelques indications sur le bilan de cette action. A la fin de l'année 2003, nous avions recensé 5 500 tours sur le territoire national parmi lesquelles figuraient 2 400 installations soumises à autorisation. Même si des évolutions sont probables, ce recensement fournit un ordre de grandeur. En 2003, plus de 80 installations ont été arrêtées pour nettoyage et désinfection après avoir franchi le seuil de 100 000 UFC par litre.

La réglementation française sur les tours aéro-réfrigérantes est comparable à celles qui sont en vigueur dans d'autres pays occidentaux. Après avoir évolué depuis 1999, elle a déjà acquis une certaine consistance. Toutefois, il s'agit d'un domaine dans lequel nous avons besoin d'accroître nos connaissances et dans lequel il convient de rester modeste. L'évolution de la réglementation doit s'appuyer sur une connaissance accrue et sur une capacité d'expertise renforcée. L'épisode de Lens a montré que nous manquions cruellement d'expertise publique dans le domaine de la gestion des tours aéro-réfrigérantes.

Cette réglementation a évolué récemment. L'épisode de Lens a révélé de très nombreux aspects qui n'apparaissaient pas dans la littérature internationale. Ils remettent en cause certaines certitudes et nous obligent à faire évoluer la réglementation. Ainsi une rubrique spécifique sera-t-elle réservée aux tours aéro-réfrigérantes afin de simplifier la gestion de l'évolution de la réglementation.

Pour répondre à une préoccupation exprimée précédemment par les élus du Pas-de-Calais, je pense qu'il ne faut pas se focaliser sur la mesure. Aux Etats-Unis, les mesures ne sont pas considérées comme un élément de la réglementation. Considérant que les mesures ne sont pas fiables (des niveaux d'incertitude de 102 remettent en cause la pertinence des mesures lorsque le pouvoir infectant peut être de l'ordre de 103), l'accent est mis sur la conception des installations et sur les règles d'entretien et de surveillance des paramètres physico-chimiques du circuit. Ces derniers paramètres peuvent être l'indicateur d'une anomalie dans le circuit. Nous devons recentrer notre attention sur ces deux derniers critères.

Monsieur le Président - Merci Monsieur TROUVÉ. Existe-t-il une harmonisation européenne dans ce domaine ?

M. Thierry TROUVÉ - Non. Cependant, Madame la ministre a rappelé son intention de proposer à l'Union européenne une nécessaire harmonisation sur un sujet dont les enjeux sanitaires sont évidents.

M. Olivier BARBAROUX,
PDG de Dalkia,
Membre du Comité exécutif de Veolia Environnement

Le groupe Veolia Environnement est concerné à double titre par les légionelles et par les risques de légionellose. Nous sommes le principal distributeur d'eau en France. L'eau potable que nous distribuons est présente dans les réseaux d'eau sanitaire et dans les circuits de refroidissement des tours aéro-réfrigérantes. Par ailleurs, à travers Dalkia que je préside, nous gérons 60 000 installations d'eau chaude sanitaire à travers le monde. Sur les 20 000 installations que nous gérons en France, près de 660 sont dotées de tours aéro-réfrigérantes. Nous sommes responsables à trois niveaux :

_ notre groupe de gestion déléguée gère des installations pour le compte des maîtres d'ouvrage ;

_ nous avons une responsabilité de conseil en conception et en exploitation ;

_ notre personnel présent dans ces installations est exposé à un risque. Il doit respecter une réglementation mouvante et complexe.

Comme cela a été souligné, nous souffrons d'un manque de connaissances au sujet de la légionellose. Un effort de recherche important doit être mené dans ce domaine. près de 10 % de notre budget de recherche est actuellement consacré à la légionelle et aux risques bactériens associés à l'ensemble de nos activités. En outre, nous participons activement aux retours d'expérience dont nous tirons des enseignements pour orienter nos procédures. Nous contribuons au développement de la réglementation tant en France qu'en Europe. En effet la majorité des installations de Dalkia est située en Europe.

Notre action s'oriente vers nos clients et vers notre personnel, tant pour sa propre sécurité que pour la formation destinée à appliquer les procédures.

Même si leur concentration ne peut être décelée par les instruments de mesure, des légionelles sont présentes dans l'eau. Le problème consiste à contenir le risque de prolifération. Le second risque réside dans l'émission.

Examinons tout d'abord le cas de l'eau chaude sanitaire. C'est, pour nous, un sujet essentiel car nous avons des contrats avec plus de 2 000 établissements de santé en France. Les risques associés à l'eau chaude sanitaire ont été précédemment évoqués. Une température insuffisante constitue la première source de risque. Toutefois, pour éviter les risques de brûlures, il est nécessaire de maintenir la température de l'eau à l'intérieur d'une plage de valeurs. La vétusté et le manque d'entretien des ballons d'eau chaude contribuent à accroître les dépôts de tartre sur lesquels se développent les bactéries. Les bras morts, les zones de faible circulation ou la présence de bio film favorisant la prolifération des bactéries constituent un autre facteur de risque. Les procédures mises en place visent à intervenir sur ces zones de risque. Dans le cas des tours aéro-réfrigérantes, il convient de vérifier l'état des corps d'échange et de repérer les éventuelles accumulations de tartre ou de rouille. La température de l'eau présente dans les tours aéro-réfrigérantes est située dans la plage de risque. La qualité de l'eau des circuits est un critère déterminant de la qualité de l'exploitation. Les analyses ne doivent pas porter exclusivement sur la tour mais bien sur l'ensemble d'un circuit. Les exemples abordés rappellent cet impératif.

L'ensemble des circuits d'approvisionnement de la tour doit être examiné. On observe fréquemment que l'un des risques associés à ces systèmes demeure la multiplicité des intervenants et le morcellement des installations.

Des problématiques liées à l'exploitation courante impliquent des procédures très précises définies par la réglementation. L'ensemble de nos tours aéro-réfrigérantes relève de la législation applicable aux installations classées. Nous accordons une attention particulière aux circuits d'eau chaude sanitaire en milieu hospitalier. Nous attachons la plus grande importance aux tours aéro-réfrigérantes situées à l'intérieur ou à proximité des établissements hospitaliers. Nous demeurons attentifs à ce qu'il se produit à l'extérieur. Ainsi, dans le Pas-de-Calais, dès l'annonce de l'incident, nous avons vérifié l'ensemble de nos propres installations.

La surveillance des caractéristiques physico-chimiques des installations exploitées et la surveillance de la qualité de l'eau assurent une grande réactivité et permettent d'intégrer l'ensemble des installations à l'intérieur du dispositif de veille.

En cas d'incident, outre le traitement curatif (nettoyage et désinfection), des mesures correctives doivent être prises afin de ne pas reproduire une situation de risque analogue. Les légionelles étant présentes dans l'eau que nous utilisons, si la cause de prolifération subsiste, le risque reste latent.

Dans le domaine qui nous occupe, le risque zéro est un leurre. Bien que l'ensemble de notre système de procédures et d'actions nous ait permis de réduire le risque au cours de l'année écoulée (seul 1 % de nos tours a été touché), les dangers subsistent. Il convient d'être extrêmement réactif afin de pouvoir arrêter l'installation avant diffusion des légionelles. Cette forte réactivité exige une concertation avec nos clients. Après signalement à la DDASS, une mesure curative est proposée. Il s'agit, le plus fréquemment, d'un traitement anti-bactérien rapide. Cela peut, toutefois, nécessiter l'arrêt et le détartrage de l'installation.

Les procédures évoluent. Un cahier très détaillé est distribué à l'ensemble de nos collaborateurs. Ce document est insuffisant : une formation très soutenue doit être délivrée à l'ensemble des collaborateurs. Nous y veillons et contrôlons la maîtrise, par chaque collaborateur, des procédures à appliquer.

Nous constatons que même dans un groupe comme le nôtre, particulièrement concerné par la légionellose, des imperfections en matière de sensibilisation subsistent. Je pense que l'épidémie du Pas-de-Calais contribuera à une forte sensibilisation. Celle-ci sera importante, non seulement en vue de prendre les bonnes mesures de conception mais également d'adopter, quotidiennement, un comportement adéquat.

Monsieur le Président : Merci Monsieur BARBAROUX. Le retour d'expérience que vous avez instauré, le partagez-vous au sein du groupe et avec vos clients ? L'ouvrez-vous à d'autres industriels susceptibles d'être confrontés au problème de la légionellose ? Les deux ministres ont annoncé des modifications de réglementation. Êtes-vous demandeur d'une réglementation plus contraignante ?

M. Olivier BARBAROUX : Nous partageons nos retours d'expérience au sein du groupe et à l'échelle internationale. Nous ne nous contentons pas de procéder à cette réflexion avec nos clients ou à l'intérieur du groupe. Nous participons, au sein de la profession des chauffagistes, à tous les travaux de conception réglementaire. Nos laboratoires de recherche orientent leur travail selon différents thèmes. Ceux-ci font l'objet d'une coopération avec différents instituts représentés aujourd'hui.

En matière de réglementation, il convient de procéder à des adaptations au fur et à mesure que la connaissance se développe. Toutefois, les autres expériences internationales doivent être observées. En termes de seuil et d'action, la réglementation française est en pointe. Dans le domaine de l'analyse, il serait profitable de s'inspirer du modèle britannique.

Mme Marie-Christine BLANDIN : La surveillance que vous exercez vise-t-elle la prolifération excessive de l'ensemble des légionelles ou peut-elle être focalisée sur les souches les plus virulentes ? Par ailleurs, quelles sont vos méthodes de nettoyage ?

M. Olivier BARBAROUX : Nous sommes des exploitants. Nous ne disposons donc pas des connaissances pointues dont le Professeur ÉTIENNE a fait état. Un bon contrôle requiert des analyses extérieures. L'ensemble de nos prélèvements d'eau potable ou d'eau sanitaire est soumis à des laboratoires extérieurs. Nous recherchons à priori le nombre de bactéries. Il appartient aux laboratoires spécialisés d'observer la virulence des légionelles présentes.

Chaque installation est différente. Le nettoyage est donc adapté aux spécificités de chacune d'entre elles. Nous procédons à des nettoyages préventifs. Lorsque nous sommes chargés de l'exploitation ou de la maintenance courante d'un système d'eau chaude sanitaire, nous essayons de réduire les risques en nous polarisant sur les bras morts et les zones à faible circulation et en proposant au maître d'ouvrage des solutions correctives. Nous disposons de sociétés spécialisées dans le risque sanitaire qui étudient ce type de problématiques. En concertation avec le maître d'ouvrage - c'est notamment le cas dans le secteur industriel - nous tentons de retenir la solution la plus adaptée au problème spécifique rencontré.

Nous disposons d'une série de méthodes de nettoyage. Aucune « formule-clé » n'est retenue car nous procédons à un ajustement systématique.

Quatrième partie :
La gestion de crise

Monsieur le Président - Dans l'imaginaire populaire, la légionellose est associée aux débuts de l'hôpital Georges Pompidou. La manière dont vous êtes parvenu à terrasser la légionellose peut être d'un grand intérêt pour nous tous.

Professeur Guy MEYER,
Président du Comité de lutte contre les infections nosocomiales,
hôpital Georges Pompidou

Effectivement, il existe une association forte entre le nom de notre hôpital et la légionellose nosocomiale. L'hôpital européen Georges Pompidou compte 750 lits. Il s'agit d'un hôpital universitaire qui rassemble 27 services cliniques parmi lesquels on compte un grand nombre de lits de réanimation. Un nombre important de services accueille des patients immunodéprimés, notamment des transplantés. Le premier malade a été admis le 17 juillet 2000. Au sein de l'hôpital, essentiellement en raison de l'importante population à risques, le service de microbiologie procède à une recherche systématique de légionelles sur les prélèvements effectués en bronchoscopie et à une détection d'antigène soluble urinaire en cas de suspicion de pneumonie acquise à l'hôpital.

Dans le cas des établissements hospitaliers, ce sont les réseaux d'eau chaude sanitaire qui sont mis en cause dans la plupart des épidémies. Le réseau de notre établissement est très complexe. Il est réalisé en tuyaux d'acier galvanisé. Plus que la qualité du matériel, c'est bien la complexité du réseau qui doit être mise en cause. L'eau chaude sanitaire est délivrée par des échangeurs en deux boucles principales qui desservent, respectivement, les quatre premiers et les quatre derniers étages. 250 colonnes primaires alimentent des colonnes secondaires qui, à leur tour, alimentent les antennes situées dans les chambres.

L'épidémie survenue entre novembre 2000 et janvier 2001, quelques mois après l'ouverture, a provoqué neuf cas nosocomiaux dont la moyenne d'âge était de 59 ans. Elle a touché des malades à risques (quatre venaient d'être greffés et un était en phase terminale d'un cancer) mais également des malades qui ne sont pas réputés à risques (notamment des malades souffrant d'affections cardiaques). La prévalence était beaucoup plus importante au troisième étage (sept cas sur neuf). On dit qu'un cas est certainement acquis à l'hôpital lorsque le patient a passé l'ensemble de la période d'incubation, soit les dix derniers jours, à l'hôpital. Le cas est dit probable lorsque le patient a passé ne serait-ce qu'un jour de la période d'incubation au sein de l'hôpital.

Au début de l'épidémie, une cellule de crise s'est réunie. L'équipe d'hygiène d'un hôpital de 800 lits est constituée d'un médecin, d'une infirmière hygiéniste et des services techniques. Outre mes responsabilités au CLIN, je suis médecin des hôpitaux et Professeur de maladies respiratoires. Nous avons rapidement obtenu de l'aide extérieure provenant de l'assistance publique, de la DDASS, du SECLIN, de la DGF. Enfin certains experts extérieurs sont intervenus, parmi lesquels Monsieur Jérôme ÉTIENNE, pour prodiguer des conseils. Un comité de suivi s'est réuni toutes les semaines. Il se réunit désormais tous les mois sous la forme d'un comité environnement. Il a pour charge de prendre en compte le risque nosocomial lié à l'environnement. Celui-ci ne se borne pas à la légionellose ; il inclut d'autres maladies infectieuses que l'on peut acquérir en milieu hospitalier.

L'origine de la contamination relevait du réseau d'eau chaude. 50 % des points du réseau révélaient un test positif. Dans 35 % des points, une concentration supérieure à 1 000 UFC a été constatée. Le typage moléculaire mettait en évidence la similitude de la souche retrouvée dans l'eau chaude sanitaire et de celle relevée chez les malades. Bien qu'il puisse paraître surprenant de voir le réseau d'eau d'un hôpital neuf contaminé, plusieurs explications peuvent être apportées. La température de production était insuffisante (inférieure à 60°C). Ceci était probablement lié à un sous dimensionnement de l'installation. On constatait des entrées d'eau froide dans l'eau chaude. Dans toutes les chambres de cet établissement moderne, un lave-mains électronique était installé pour faciliter le lavage des mains des soignants. En effet, le lavage des mains diminue le risque de transmission des germes aux malades. Les lave-mains à commandes électroniques permettaient de se laver les mains sans toucher au robinet. Sur chacun de ces lave-mains, une petite fuite d'eau froide se répandait dans l'eau chaude. Le fonctionnement de ces lave-mains est désormais arrêté.

Le phénomène majeur résidait dans l'absence d'équilibrage du réseau. Un réseau d'eau chaude est constitué d'une boucle qui alimente plusieurs boucles distinctes. Le déséquilibrage du réseau provoque une concentration de l'eau chaude dans une boucle. Les boucles privées d'eau chaude constituent autant de bras morts dans lesquels l'eau tiède stagne. L'ouverture d'un robinet dans ces zones mal alimentées permet d'obtenir de l'eau chaude après un délai pouvant aller jusqu'à quarante secondes. Pendant ce délai, le robinet diffuse de l'eau tiède favorable à la prolifération de la bactérie. Les zones défavorisées par le déséquilibrage du réseau étaient situées principalement au troisième étage. La qualité des tuyaux a été longtemps incriminée. Le problème ne se situe probablement pas à ce niveau. Il résulte de la conception des installations. Celle-ci n'est vraisemblablement pas spécifique à notre hôpital.

Les premières mesures prises visaient à mettre à l'abri les malades hospitalisés. Un numéro de téléphone a été mis à disposition des malades hospitalisés au cours des quinze derniers jours. Cette mesure a eu un fort retentissement. Elle a requis une énergie importante et n'a pu contribuer à détecter aucun cas. Ce retour d'expérience s'est donc révélé assez négatif.

Lors d'une opération, pour prévenir tout risque infectieux, il est important de prendre une douche avec des savons antiseptiques. En l'absence d'une telle mesure, les risques d'infection du site opératoire sont importants. Pour un greffé du c œur, il est aussi grave d'avoir une médiastinite qu'une pneumonie. Nous avons essayé d'installer des douches sécurisées à l'abri du réseau contaminé pour doucher les malades. Par ailleurs, nous avons limité les admissions et arrêté les transplantations. Cette expérience ne permet pas d'évaluer le bénéfice de ces mesures. Toutefois, pour un malade en attente de greffe, manquer une opportunité constitue une perte importante. Ces décisions ont été prises dans le feu de l'action. Je ne suis pas convaincu qu'elles étaient pertinentes.

Enfin, il a été décidé d'administrer une antibioprophylaxie aux malades à risques qui ne présentaient pas de symptômes. Rien ne permet, là encore, d'évaluer l'efficacité de cette mesure. Nous savons simplement qu'aucun des malades immunodéprimés qui a reçu l'antibioprophylaxie n'a développé la maladie.

Des mesures techniques immédiates ont été suivies. Un choc thermique a été provoqué. Il peut paraître simple de monter la température de l'eau à 70°C et d'ouvrir tous les robinets. Dans notre établissement, la mise en œuvre de cette mesure a requis trois semaines et l'intervention à temps plein de 22 personnes. Une chloration a, par la suite, été effectuée. Le personnel a procédé à des purges de tous les robinets. Celles-ci étaient, dans un premier temps, quotidiennes puis bi-hebdomadaires. La puissance des échangeurs a été accrue afin d'obtenir une température de départ plus élevée. En outre, certaines dispositions techniques ont été prises pour remédier partiellement au déséquilibre du réseau. Les lave-mains ont été retirés. Des solutions hydroalcoliques intégrant divers antiseptiques sont désormais utilisées pour désinfecter les mains. Il s'agit là d'une mesure plus efficace et moins risquée que le lavage des mains. L'introduction de cet usage a eu un impact notoire dans la réduction des infections nosocomiales. A partir de juillet 2001, tous les robinets à l'usage des malades ont été dotés de filtres antibactériens d'une trame de 0,2 micron. Cette mesure a été adoptée suite à trois nouveaux cas de légionellose en juillet 2001. Le coût de cette décision s'élève à un million d'euros par an pour un établissement de 750 lits. C'est l'arme absolue. Toutefois l'investissement qu'elle constitue représente autant d'efforts en moins pour la lutte contre d'autres infections nosocomiales. En effet, les ressources sont limitées.

Avant les mesures prises, la température relevée à un point de puisage était située entre 40°C et 50°C, ce qui n'est pas satisfaisant. Depuis, les températures sont supérieures au seuil de 50°C. Les mesures techniques visant la température se sont donc montrées efficaces. La valeur cible du chlore se situe entre 1 et 2 mg par litre. La chloration d'un circuit complexe n'est pas simple à maîtriser. Il a fallu plus d'un an avant d'obtenir une chloration correcte.En septembre 2000, les prélèvements étaient positifs dans 48 % des points. Ce taux n'est pas descendu en dessous de 10 % avant août 2001. En 2002, tous les prélèvements ont été négatifs. En 2003, les prélèvements étaient de nouveau positifs pour 3 % des points. Deux seuils ont été définis en France : les services accueillant des malades immunodéprimés ne doivent abriter aucune légionelle ; le seuil applicable aux autres services est de 1 000 UFC. Aux Etats-Unis, ce taux ne constitue pas une référence. Une attitude plus pragmatique consiste à observer la proportion des points où les tests sont positifs. Au-delà de 30 %, il convient de prendre des mesures pour prévenir une éventuelle épidémie. En dessous de 30 %, quelle que soit la concentration, le risque de voir apparaître des cas de légionelloses est réduit. Le choix à retenir entre ces deux démarches demeure un enjeu majeur.

En 2000, sept cas ont été recensés entre novembre et décembre. En 2001, cinq cas ont été recensés (deux au mois de janvier, trois au mois de juillet). En 2002, malgré les filtres, deux cas sont recensés. Aucun n'a été recensé en 2003. Parmi les malades infectés en 2002, figurait un cas probable. L'autre était un cas certain. Ces malades avaient accès à une eau filtrée. Tous les prélèvements effectués dans l'environnement se sont avérés négatifs. Il peut alors s'agir de cas où la contamination s'est effectuée avant l'arrivée à l'hôpital et pour lesquels la période d'incubation a été plus longue. On a appris lors de la première épidémie de légionellose que deux des légionnaires américains avaient connu une période d'incubation nettement supérieure à dix jours. L'expérience de nos collègues hollandais suite à une contamination lors d'une exposition florale a permis d'évaluer précisément la période d'incubation. 10 % des personnes ont connu une période d'incubation supérieure à dix jours. C'est pourquoi nos enquêtes épidémiologiques doivent dépasser le délai de dix jours qui prévalait jusqu'à présent.

La gestion de la crise a été la principale difficulté à laquelle nous nous sommes heurtés. Dans un hôpital universitaire, peu de personnes travaillent spécifiquement à la prévention des infections nosocomiales. Nous avons eu besoin d'une aide externe, tant en main d' œuvre qu'en conseil : aide technique, aide épidémiologique, aide clinique. Il serait profitable de pouvoir bénéficier de groupes capables de se déplacer rapidement et habitués à un travail concerté. Malgré tous les efforts entrepris, le taux de légionelles n'est pas réduit à néant. La littérature scientifique internationale révèle la difficulté de décontaminer totalement un réseau qui a contenu des légionelles. Peu d'exemples contredisant cette observation sont disponibles. La disponibilité d'autres désinfectants que le chlore est un paramètre important. Des résultats à long terme peuvent être obtenus par un procédé d'ionisation cuivre-argent. Plusieurs hôpitaux nord-américains ont pu montrer les effets importants de cette technique. La prise en compte des risques dès la conception de l'établissement reste un critère déterminant. Il est très difficile, par la suite, de remédier aux carences et aux impropriétés du réseau. Notre expérience, comme d'autres expériences récentes, révèle l'état incomplet de nos connaissances sur la bactérie. C'est pourquoi les efforts de recherche doivent être poursuivis.

M. BADER - Un comité de réception de travaux de l'hôpital Georges Pompidou devait exister. Pourquoi toutes les anomalies techniques que vous avez décrites n'ont-elles pas été détectées par des chauffagistes de l'assistance publique ? Comment se fait-il que cela n'ait pas été détecté lors de la réception des travaux ?

Professeur Guy MEYER - Je pense qu'il s'agit d'un problème de conception. Les différents ministères impliqués y travaillent. Cette épidémie a révélé certains aspects du fonctionnement des circuits hospitaliers, notamment l'importance de l'équilibrage.

Docteur Jean-Claude DESENCLOS - Je voulais tout d'abord féliciter Monsieur MEYER pour cette présentation qui met en évidence les enseignements tirés de l'expérience et qui pose la question du coût du risque zéro. Nous savons que, sur la base des connaissances et des moyens dont nous disposons, le risque zéro demeure inaccessible. La précaution n'équivaut pas à la prévention. Face à un tel problème, il convient de contrebalancer les risques nosocomiaux par la qualité du plateau technique.

A multiplier les actions, on peut induire des problèmes. Par des actions intempestives, il est possible de sélectionner des souches plus pathogènes et plus résistantes. Il convient donc d'agir avec discernement en tenant compte des résultats attendus.

Nous oublions trop souvent que le problème résulte de l'interaction entre la légionelle - encore trop méconnue à ce jour - l'environnement et la population. Le vieillissement de la population est un élément trop peu pris en compte dans la problématique qui nous occupe. Alors que nous survivons à de nombreuses maladies, nous devenons vulnérables à des doses plus faibles d'agents infectieux.

Une comparaison a été faite entre le système d'alerte de la légionellose et celui de la canicule pour montrer leur inefficacité. J'ignore quel est le problème incriminé. L'épidémie du Pas-de-Calais a été détectée à partir du deuxième cas. Doit-on déclencher les procédures d'alerte à chaque cas isolé ? Ce ne serait pas une solution gérable. Par ailleurs, il n'est pas possible de faire évoluer tout ce dispositif d'alerte à moyens constants. Les retours d'expérience de l'épidémie du Pas-de-Calais seront utiles pour identifier les bases rationnelles sur lesquelles il convient de fonder l'action.

M. Olivier BARBAROUX - Comme l'a indiqué le Professeur MEYER, nous avons participé à la recherche de solution aux problèmes qui touchaient l'hôpital Georges Pompidou. N'oublions cependant pas que l'hôpital a été conçu à un moment où le risque de légionellose n'était pas identifié. En outre, les connaissances sur le sujet n'étaient pas les mêmes. Il est toujours facile de décrire a posteriori les choix qui auraient dû être retenus. Certes, les mesures curatives ont un coût supérieur à une bonne conception. Néanmoins, il convient de tenir compte de l'état des connaissances et des priorités qui avaient cours au moment de la conception.

Monsieur le Président - Peut-être faut-il enseigner la plomberie en faculté de médecine et la médecine en école d'architecture...

Mme Sophie DUMERY - Je tiens à poser une question plus technique destinée aux médecins généralistes qui devront procéder à des diagnostics. Vous avez indiqué qu'une période d'incubation supérieure à dix jours était observée dans 10 % des cas. S'agit-il bien d'un temps de latence totale sans aucun signe repérable ?

Professeur Guy MEYER - Il s'agit effectivement de la période observée au cours de deux épidémies pour lesquelles le contact avec la bactérie était simple à dater. En revanche, il n'est pas toujours simple de dater le début des symptômes. La fièvre, la toux et l'essoufflement sont des symptômes qui apparaissent progressivement. Les durées d'incubation supposées ne sont pas des données entièrement fiables. Rappelons encore que l'ensemble des cas de légionelloses ne représente que 1 % de l'ensemble des admissions pour pneumonie dans les hôpitaux.

Professeur Jérôme ÉTIENNE - La période de deux à dix jours correspond à la période d'incubation la plus fréquemment observée. Le travail que nous menons intègre toujours une certaine marge d'erreur. Il est nécessaire de l'accepter.

M. Ivan RENAR - Je voudrais remercier Monsieur MEYER et Monsieur DESENCLOS dont les démonstrations montrent que le pire n'est pas certain. La manière dont nous avons précédemment abordé le sujet de la veille sanitaire en comparant des éléments qui n'admettaient pas la comparaison m'a paru injuste. Monsieur le Préfet du Pas-de-Calais, dans son ardeur à exposer son approche, n'avait pas permis à Monsieur DESENCLOS de répondre. Les deux intervenants, par leur contribution, mettent en évidence le rôle essentiel de la recherche fondamentale.

Par ailleurs, je voulais demander au docteur MEYER s'il était possible d'effectuer une comparaison entre public et privé du point de vue du travail qu'il nous a présenté.

Professeur Guy MEYER - Je l'ignore. Monsieur DESENCLOS a montré la baisse de la proportion des cas nosocomiaux. Il s'agit bien d'une proportion : le nombre de cas nosocomiaux déclarés demeure assez stable (environ une centaine). La proportion baisse en raison d'une meilleure déclaration des cas communautaires. Une enquête de la DGS porte sur la mise en œuvre de votre circulaire. Des contrôles sur site sont prévus. Je crois que c'est la meilleure façon de procéder.

Docteur Jean-Claude DESENCLOS - Les patients qui s'adressent au secteur privé souffrent généralement d'affections moins graves. Ils ne présentent pas les mêmes risques que les personnes qui sont soignées dans les hôpitaux publics. Néanmoins la surveillance se développe également dans les établissements privés.

Bien que la diminution des cas nosocomiaux constitue un indicateur intéressant, il faut signaler que les déclarations des infections nosocomiales sont plus rapides et plus transparentes. Il y a peu de temps encore, on tendait à retarder la déclaration des cas de légionelloses à l'hôpital. Cela permettait de résoudre le problème en interne avant que les autorités publiques ne s'emparent du dossier. Depuis la survenue de quelques épidémies retentissantes, comme celle qui a touché l'hôpital Georges Pompidou, cette attitude a sensiblement évolué. La déclaration s'est nettement améliorée à l'hôpital.

M. Pierre-Franck CHEVET,
Directeur régional de l'industrie, de la recherche
et de l'environnement du Nord-Pas-de-Calais

Je ne reviendrai que sur quelques éléments car de nombreuses informations ont déjà été apportées. En matière d'actions entreprises avant l'épisode de crise, nous avons, dans le cadre des recensements, identifié 300 établissements équipés de tours aéro-réfrigérantes dans la région Nord-Pas-de-Calais. Les établissements soumis à déclaration, conformément aux instructions nationales, se sont vu rappeler les règles nationales en vigueur. En 2002, des campagnes d'information avaient été menées en direction des exploitants par le biais de notre site internet ou par celui des chambres de commerce et d'industrie. L'ensemble des établissements soumis à autorisation a fait l'objet de prescriptions et de transpositions de la réglementation nationale.

Nous connaissons une situation de crise depuis près de deux mois. Cette situation éprouvante sollicite, au sein de la DRIRE, l'équivalent de dix agents à plein temps. Lors des périodes les plus difficiles de la crise, l'équivalent de vingt agents à temps plein était mobilisé, notamment grâce à l'aide apportée par d'autres régions. Je tiens ici à les remercier pour nous avoir aidés dans des tâches qui n'étaient pas toujours intéressantes.

Nous avons, dès le départ, pris le parti de communiquer sans délai les éléments qui étaient portés à notre connaissance. Le site Internet de la DRIRE a été mis à jour quotidiennement par la diffusion de nombreuses mesures. Il permettait de répondre aux nombreuses questions posées par les habitants.

L'usine Noroxo avait été identifiée comme une source potentielle de l'épidémie. La décision a été prise, dès le départ, d'élargir les recherches pour mettre à jour d'autres sources au sein de la zone. Les zones de recherche ont été progressivement élargies en fonction de la localisation des cas et de l'historique des déplacements des personnes contaminées. A ce jour, la zone de recherche s'étend dans un rayon de dix kilomètres autour d'Harnes, ce qui correspond à 53 communes. Parallèlement, la DDASS est intervenue auprès des établissements non classés. La DRIRE a contrôlé, à ce jour, plus de 700 établissements dans la zone. 33 établissements détenant des tours aéro-réfrigérantes ont pu être recensés. Parmi ces 33 établissements, 26 sont soumis à autorisation et 25 étaient déjà identifiés lors du recensement précédent. 7 établissements sont soumis à déclaration. C'était une surprise pour nous d'y constater la présence de tours aéro-réfrigérantes. Dès l'identification, tous les établissements ont été soumis à des contraintes réglementaires sensiblement plus strictes que les contraintes habituelles. Nous avons exigé, par le biais d'arrêtés préfectoraux, la réalisation de contrôles et de traitements hebdomadaires des circuits. Un ensemble important de résultats d'analyses a été recueilli : plus de 400 prélèvements ont été effectués à ce jour.

Je tiens à revenir sur deux décisions qui ont été difficiles à prendre. La première concerne le second arrêt de l'usine Noroxo. Il a été notifié vers 23 heures 30 le 1er janvier. Nous venions d'avoir confirmation de la contamination de trois patients de la nouvelle vague. La souche identifiée sur les malades était celle qui avait été relevée dans l'usine Noroxo. Cela soulevait l'hypothèse d'un incident alors que l'usine était arrêtée. Nous avons soumis ce problème aux experts qui n'ont pas écarté l'éventualité de l'implication de l'usine Noroxo. C'est sur la base de la réaction de ces experts que nous avons dû prendre des décisions de précaution. L'autre décision délicate concernait l'arrêt de l'usine McCain. La concentration constatée était notablement en dessous des seuils fixés : elle était de 100 UFC par litre, soit la limite de détection des légionelles. Dans les mêmes conditions que pour la précédente décision, nous avons ordonné l'arrêt de l'usine sur la base des positions exprimées par les experts. Il est possible de contester cette décision. Je n'ai, rétroactivement, aucun état d'âme sur une décision qui devait être prise. On nous aurait reproché, le cas échéant, de ne pas l'avoir prise.

L'installation de Noroxo a été arrêtée pour permettre des vérifications et pour examiner quels compléments de nettoyage pouvaient être effectués. Une prochaine réunion se tiendra à ce sujet demain matin pour étudier les solutions. En matière de nettoyage complémentaire, nous avons imposé, par voie d'arrêté, qu'un tiers expert intervienne. Le tiers expert a été nommé et exprimera son avis lors de la réunion qui se tiendra demain. L'administration sera amenée à se prononcer sur la mise en œuvre d'un nettoyage supplémentaire et sur les précautions à prendre.

Dans le cadre de ce dossier, nous avons été amenés à gérer une grande part d'incertitude. La durée de vie et la portée des aérosols se sont révélées plus importantes que ce que nous estimions au préalable. Alors qu'un rayon de un à trois kilomètres constituait une première référence, certains calculs ont montré que la portée de l'aérosol pouvait atteindre dix kilomètres. Cela modifie les paramètres de la gestion de l'épidémie. La souche isolée dans le Pas-de-Calais est particulièrement virulente. Cet aspect n'a été que tardivement pris en compte dans la gestion de crise. Par ailleurs, les risques associés à l'arrêt et au redémarrage de l'usine n'étaient pas identifiés. Nous n'avons pas abordé dans le détail le problème lié à la fiabilité des mesures. Parmi les analyses effectuées dans le Pas-de-Calais, des variations d'un facteur 100 sont parfois constatées entre deux échantillons provenant du même lieu et de la même période. Or, la réglementation introduit deux seuils (1 000 et 100 000) liés entre eux par un facteur 100. Le manque de fiabilité des mesures constitue donc un écueil à la bonne gestion d'une crise. Le délai nécessaire au comptage des légionelles (10 jours pour une version définitive) est antagoniste avec les contraintes à prendre en considération lors d'une crise. Tout ce qui pourra contribuer à valider des méthodes plus rapides, même si elles sont encore plus approximatives, sera opportun. Cela pourra être d'une réelle utilité dans le cas d'une gestion de crise et pour les responsables des exploitations afin de mieux piloter leur installation.

Ce que nous avons retenu comme méthode de gestion de crise me paraît être rustique mais robuste. Nous avons localisé les cas et élargi la zone en fonction des cas, quelles que fussent les hypothèses, même si certains émettent des hypothèses et des probabilités associées aux scénarios.

Monsieur le Président - Nous avons fréquemment évoqué l'entreprise Noroxo. Elle est ici représentée par Monsieur MALEC qui la dirige. Pouvez-vous nous présenter les mesures que votre entreprise et le groupe auquel vous appartenez ont prises à titre curatif ou à titre préventif ? Vous en remettez-vous à la seule décision des tutelles ?

M. Johnny MALEC,
Directeur de l'usine Noroxo

Je vous remercie de l'opportunité qui m'est donnée de partager l'expérience de Noroxo dans le cadre de cette audition publique.

Je me suis peu exprimé sur ce sujet publiquement. Je tiens à le faire dans un profond respect pour toutes les personnes atteintes par l'épidémie. Je m'exprime avec une certaine réserve du fait des enquêtes en cours mais également avec les mots directs d'une personne qui a consacré sa vie professionnelle à gérer, avec et près de ses collaborateurs, des installations industrielles.

En préambule de mon intervention, laissez moi vous dire quelques mots qui situent l'entreprise :

Noroxo fabrique des alcools et acides dits "gras" destinés entre autres aux cosmétiques et aux huiles. Le site est classé Seveso seuil haut.

Noroxo, c'est 151 personnes dont 25 ingénieurs avec à leur côté une centaine d'employés d'entreprises sous-traitantes.

C'est 15 ans d'activité sans accident avec arrêt de travail pour son personnel, mais c'est aussi 7 ans sans accident avec arrêt de travail pour les personnels d'entreprises.

C'est un personnel qui a fait de l'excellence en Sécurité, Hygiène et Environnement son mode de vie : les gens qui ont visité l'usine ont pu lire "Si tu te blesses cela me blesse" et nos résultats dans tous les domaines prouvent que ce ne sont pas que des mots.

Ce sont enfin des moyens mis au service de ce mode de vie : c'est 120 M€ de capital investi depuis le rachat en 1988, soit 8 M€ par an (dont les 0.5 M€ sur les tours aéro-réfrigérantes en 1999). C'est 6 M€ par an d'entretien. C'est enfin un total d'investissements et d'entretien de 17 M€ en 2002, année de notre arrêt général. En un mot nous opérons avec une vision industrielle à long terme, même si l'entreprise fait face depuis 5 ans à un marché sans croissance et à la concurrence très forte, ce qui pénalise très lourdement le bilan financier.

Mon exposé se structure en trois axes :

_ un descriptif des faits tels que nous les avons vécus.

_ une contribution préliminaire aux axes d'améliorations sur un plan technique, réglementaire et gestion de crise.

_ une conclusion couvrant la dimension humaine de cette crise dans l'entreprise.

Les faits d'abord :

Le 23 octobre à 15H57, notre hygiéniste reçoit un coup de fil du laboratoire du Havre nous annonçant en pré lecture un niveau de 730 000 UFC/l de légionelles.

A 16H28, l'ordre est donné aux opérateurs d'exécuter un choc biocide, Ce type d'action ne s'improvise pas : c'est un réflexe bâti sur une expérience. L'analyse du 30 octobre montre que le choc a été efficace puisque toutes les bactéries ont bien été totalement éliminées : plus de trace de légionelles.

Quelques jours plus tard, échanges de vues avec la Drire, l'action a certes été efficace, mais je décide, le 14 novembre, de nous mettre en position de sécurité accrue en prenant des mesures qui ont prouvé leur efficacité dans le passé. Un CHSCT, le 17 novembre, conforte ces actions. Nous allons procéder à des traitements biocides préventifs tous les 15 jours, à des analyses de suivi toutes les semaines et à une analyse de fond par un ingénieur à plein temps.

Le premier traitement est exécuté le 21 novembre, ce qui nous assure dès cette date une position sécurisée de notre système de réfrigération. Un échantillon avait été prélevé au préalable le 20 novembre.

Le 28 novembre, visite de la DDASS et de la Drire, qui nous annoncent les événements dans les communes avoisinantes. Nous exposons notre situation et nos actions, lesquelles sont reçues favorablement. Ce même jour, nous apprenons et communiquons la valeur, en pré-lecture, du 20 novembre qui est de façon incompréhensible, remontée à 600 000 UFC/l, confortant par-là même notre décision de choc préventif du 21.

Ce nouveau pic m'amène à préparer immédiatement un plan d'arrêt. Par précaution complémentaire et suite à un souhait de notre contact Drire le 28, nous procédons à un nouveau traitement biocide le 29 novembre. Dans l'après-midi du 29, après échange de vues sur la situation, le directeur de la Drire nous communique sa demande d'arrêt pour désinfection des installations. Cet arrêt sera complet le 2 décembre.

Les modalités techniques de cette désinfection, avant et après exécution, et avant redémarrage sont, bien entendu, revues avec les autorités. Les opérations sont donc exécutées dans le strict respect de nos procédures de sécurité, d'hygiène et d'environnement. Nous avons conscience que tous les personnels, au plus près des équipements devant être ouverts et nettoyés, seront en première ligne. Le préalable consiste en la mise en œuvre de procédures de traitement biocide visant à éliminer toute bactérie avant nettoyage, puis de vidange totale des circuits dans un bac ségrégué. J'étais alors totalement convaincu que nous ne faisions courir aucun risque ni à nos personnels dans l'usine ni, à fortiori, à nos voisins de l'extérieur.

Le redémarrage se fait après plusieurs circulations à l'eau chlorée, là aussi pas d'émission possible, les analyses des 22 et 29 décembre puis des 1er et 2 janvier, à la veille du second arrêt, sont là pour le prouver.

Ce second arrêt, demandé par l'administration suite à la progression de l'épidémie, nous parait ne pas avoir de justification technique. Mais nous comprenons la situation dans la région et participons au principe de précaution extrême. Il se prolonge actuellement, le redémarrage ne se fera qu'après validation par les autorités de nos plans d'actions, lesquels ont déjà fait l'objet d'une première revue au ministère de l'environnement. Comme lors du premier arrêt, rien ne sera fait qui puisse d'une quelconque manière créer un doute dans les procédures de mise en œuvre.

Voilà pour les faits.

Quels axes d'améliorations ?

J'insiste ici sur l'aspect préliminaire de mon intervention, la situation est compliquée, des activités de recherche sont en cours partout dans la région et dans l'usine et seul un travail d'équipe permettra d'en tirer les leçons.

Je vous livre donc mes commentaires dans 3 domaines :

Sur un plan technique d'abord :

On ne peut trouver que là où on cherche, très vite et si possible avant les premiers signes de crise : nous avons perçu que l'industrie qui, seule, mesure régulièrement les taux de légionelles est en première ligne de communication. Or, comme vous le savez, les causes peuvent être multiples et cet effort d'analyses régulières doit être exigé partout où une source de contamination est possible.

Un effort est à faire sur les méthodes d'analyses. Des valeurs d'analyses de légionelles faites sur un même échantillon dans des laboratoires différents divergent et ce après 10 jours d'attente. Un exemple vécu : Inf. à 50, 3550 et 53000. Les réponses doivent être plus fiables et les délais améliorés.

Il faut rechercher des paramètres de suivi corrélés à l'activité bactériologique, voire à la légionelle, qui peuvent être utilisés comme niveau d'alerte préventive. Nous en proposons d'ailleurs dans les procédures actuellement en préparation. Des analyseurs en continu doivent être développés.

Une recherche doit être renforcée dans le domaine des traitements et des biocides, de leur mise en œuvre et de leur efficacité dans un environnement complexe, face à des bactéries qualifiées par les experts d'intelligentes. Les sociétés de traitement de l'eau nous aideront, j'en suis sûr, à progresser dans ce sens.

La modélisation des phénomènes doit être améliorée pour permettre une meilleure évaluation du risque. A ce titre, je veux commenter le schéma présenté par l'INERIS. Comme cela a été dit, ils se basent sur des hypothèses qui ne sont que ce qu'elles sont et ont besoin d'être validées. A titre d'exemple : le pourcentage d'eau entraînée pris en compte est de 0.01 % alors que les données du constructeur sont de 0.006 %.

Sur un plan réglementaire ensuite :

Il faut qu'un arrêté préfectoral précise des modes opératoires adaptés à chaque installation, particulièrement quand celles-ci sont complexes ou intégrées, et doivent prévoir les différents types d'incidents qui peuvent se produire. L'important c'est comment un arrêté est opéré dans les faits et pour cela, il doit y avoir compréhension et accord totaux et bilatéraux sur les détails de son exécution.

Il doit, lors des audits approfondis, qui sont utiles et nécessaires, faire l'objet d'une réelle critique quant à sa mise en œuvre.

Il doit définir les modes de communications de routine et d'urgence.

Il faut enfin y intégrer rapidement les éléments qui tiennent compte de l'évolution des connaissances sur le sujet. Pour cela il faut agir avec le souci de bien prendre en compte les points de vue de tous les acteurs des systèmes de réfrigérations, qu'ils soient concepteurs, opérateurs ou prescripteurs.

Sur le plan de gestion de crise enfin :

Laissez-moi oser une réflexion provenant de la perception d'un état conflictuel latent entre les parties en présence. Je comprends ceci : il faut trouver la cause et vite, mais ceci ne doit pas se faire au détriment de la recherche de la vérité. Dans cet esprit, pourquoi ne pas entamer dès le début de la crise un processus de concertation ?

Dans une crise de cette dimension, aussi complexe, n'y a-t-il pas moyen de mettre un instant de côté la responsabilité pour partager d'abord la connaissance, les données, la méthodologie, les ressources ? Il y a de l'expérience chez toutes les parties en présence. Il est difficile de faire confiance dans un contexte où l'émotion est très forte. Mais l'union ne fait-elle pas la force ? Et quand cette union, bien structurée, est au service de notre communauté, alors je pense qu'elle doit être réalisée. Cette démarche, nous l'avons commencée, nous souhaitons la continuer. Elle n'exclut d'ailleurs en rien l'établissement ultérieur des responsabilités.

Je vais maintenant conclure mon intervention sur la dimension humaine de cette crise à Noroxo :

Le personnel technicien me parle d'une manière extraordinairement posée et responsable : "Nous, on souhaite que vous mettiez tout en œuvre pour comprendre si nous avons une quelconque responsabilité dans cette crise"; "Comment peut-on mettre en cause nos procédures de nettoyage avant même d'en connaître le détail et alors que nous sommes en première ligne ?" "Nous ne comprenons pas pourquoi vous n'êtes pas plus durs face à des attaques qui ne démontrent pas de manière scientifique notre implication dans cette crise". Les cadres, eux, sont un peu plus précis : je cite : "présomption d'innocence", "droit a une explication technique", "épidémiologie et relation causale" ou encore soulagement lors des visites des inspecteurs du SRPJ "à qui nous pouvons enfin expliquer sans passion les faits, rien que les faits".

Voilà ce que je leur réponds :

Nous avons agi avec le souci permanent de prévention, avec l'aide constante du CHSCT, et en toute transparence. Ceci dit, les événements sont ce qu'ils sont, et il est normal de rendre des comptes à ceux qui représentent notre communauté.

Ceux-ci mènent leurs investigations avec rigueur et compétence. Nous avons travaillé ensemble et de manière constructive dans des périodes moins critiques, comme lors de l'exercice PPI du Pas-de-Calais de décembre 2002, et cela continuera.

Soyez sûrs que nous mettons tout en œuvre, avec tous nos experts, pour comprendre les faits à la fois au sein de Noroxo et à l'extérieur de l'usine, ceci pour apporter tout le soutien à l'analyse des causes de cette crise. Nous avons un devoir d'opérations irréprochables. Nous voulons savoir, mais tout savoir, quitte à être finalement en cause, plutôt que de ne pas savoir. Sachez que nous saurons assumer notre responsabilité si celle-ci venait à être mise en cause ; en contrepartie, nous sommes exigeants sur son éventuelle mise en évidence.

C'est en continuant à nous appuyer sur nos valeurs fondamentales de respect de la Sécurité, de l'Hygiène et de l'Environnement que nous continuerons à opérer nos installations. Pour cela, nous bénéficions, et je tiens à le souligner, de l'entier soutien de tous nos actionnaires, ce qui est particulièrement important dans les circonstances actuelles.

Vous savez, je suis né à quelques kilomètres de Harnes, mes racines sont dans les mines et je suis bien là où je vis. Contrairement aux commentaires et autres images injustement fatalistes sur ma région, les gens de chez nous ont certainement, comme tous, des aspirations de bonheur et d'emploi mais pas au détriment de la sécurité et de la santé, et c'est leur faire insulte que de penser autrement. C'est pour cela que nous travaillons toutes et tous ensemble, avec le plus grand respect de la communauté qui nous accueille, en démontrant une attitude et des résultats opérationnels irréprochables et vous savez quels engagements individuel et collectif cela représente. Comment pourrait-il en être autrement pour des personnels de Noroxo et d'entreprises, travaillant dans l'usine, vivant dans la communauté, à l'éthique et au professionnalisme pour lesquels j'ai le plus grand respect.

Mesdames, Messieurs, je vous remercie de votre attention. Je vous ai exposé le fruit de notre expérience, le fruit de notre vécu des événements. Je l'ai écrit moi-même en tenant compte d'un ou deux commentaires du personnel de terrain. Il reflète les faits, le vécu et le souhait d'un réel partage d'expériences.

Monsieur le Président - Merci Monsieur MALEC pour ce témoignage.

De la salle - J'ai une question très naïve concernant le traitement par biocide. S'agit-il d'un jet à l'eau de javel ? Est-il possible d'y procéder sans arrêter l'installation ?

M. Johnny MALEC - Le traitement le plus courant lors de la montée de la teneur en légionelles dans l'installation procède de trois axes. Le premier consiste à réaliser des injections en ligne, dans les bassins, de détachants (produits permettant de détacher les bactéries accrochées aux parois), puis, deux heures après, d'un biocide (produit chimique qui tue les bactéries) ;

De la salle - Un représentant de l'INERIS a précisé que vous aviez nettoyé les tours avec un jet.

M. Johnny MALEC - Cela fait partie des hypothèses qu'il faut conforter. Nous disposons d'un descriptif complet et détaillé de toutes les opérations d'entretien qui ont été faites au cours de l'arrêt. J'ai demandé, individuellement puis collectivement, aux cinq personnes chargées de ces travaux de décrire les opérations. Aucune projection à haute pression n'a été effectuée en hauteur. Le nettoyage des échangeurs est réalisé à l'intérieur des échangeurs, de manière confinée. Il provoque un écoulement d'eau mais pas de propulsion à longues distances. Ces informations ont été vérifiées, écrites et communiquées aux autorités.

M. Cyrille SCHOTT,
Préfet du Pas-de-Calais

La question qui m'était posée concerne les difficultés éprouvées face à l'épidémie. J'ai été amené, dans le Pas-de-Calais, à gérer différentes situations de crise. Je considère que cette crise sanitaire a été la plus complexe à gérer. Le fait de toucher à la santé et à la mort crée une situation difficile pour la population. Celle-ci n'a plus qu'un souhait, celui de voir l'épidémie enrayée. Outre la population, la crise est éprouvante pour ceux qui doivent la gérer. Même si cela relève du travail des responsables, il est pénible d'apprendre l'apparition de nouveaux cas et la survenue de décès.

J'ai précédemment rappelé qu'il était nécessaire d'identifier la source pour arrêter l'épidémie. Notre stratégie s'est recentrée sur cet impératif. Notre démarche n'a pas consisté à désigner des personnes juridiquement responsables. Les tribunaux seront saisis et se prononceront. Notre problème consistait uniquement à arrêter la source, quand bien même nous ne parvenions pas à la trouver. C'est pour cette raison que nous avons pris en compte une zone aussi vaste. Je ne reviens pas sur le cas de Noroxo que nous avons très vite considéré comme une source probable. Tous les experts qui travaillent sur ce dossier en ont expliqué les raisons.

Nous avons procédé à un balayage très large pour examiner la présence éventuelle d'autres sources. La même souche épidémique a été trouvée dans une station de lavage. Si nous avons assez vite conclu que l'usine Noroxo pouvait être une source, la recherche d'autres sources a été une entreprise difficile. La situation de près de 2 400 établissements a été vérifiée.

Notre stratégie a consisté également à sensibiliser efficacement les médecins. La DDASS s'est adressée aux médecins du secteur. Si autant de cas ont été recensés, c'est bien parce que l'on a cherché comme jamais cela n'avait été fait. En effet, lorsque la maladie est détectée à temps, elle peut être soignée. Les tests urinaires ont été systématiquement utilisés lors de l'apparition de signes suspects. La DDASS a travaillé en liaison avec la DRASS et les autres services sanitaires pour que tous les hôpitaux soient mobilisés et que l'accueil se fasse dans de bonnes conditions.

Parmi les difficultés rencontrées, il convient de soulever la question de la compréhension des phénomènes. Nous avons découvert des éléments nouveaux sur la durée d'incubation, sur la dispersion des aérosols, sur la vitesse de divergence des tours aéro-réfrigérantes, sur les problèmes liés au nettoyage ou au redémarrage. C'est pour cette raison que j'ai demandé le renfort d'experts nationaux lors du déclenchement de la deuxième vague. Le mécanisme d'expertise a été mis en place dès le début car la cellule de crise est entrée immédiatement en liaison avec tous les échelons nationaux (InVS, centre national de référence, direction de la prévention de la pollution et des risques).

La gestion de la communication est une autre difficulté majeure. Nous avons pris la décision de dire les choses en veillant à choisir les bons termes pour ne dire ni plus, ni moins, que ce qu'il convient de dire. En effet, il convient de respecter la transparence sans affoler inutilement la population. Ce n'est pas une démarche facile : d'une part, certaines personnes regrettent de n'être pas assez informées, de l'autre, on nous reproche de surmédiatiser la situation d'une région dont l'image n'est pas très positive. Un communiqué quasi quotidien a été publié sur le site internet de la préfecture. La DRIRE, de son côté, a diffusé les résultats de son travail sur son site internet. Chaque fois que les journalistes se sont adressés à nous, nous avons communiqué. J'ai, de plus, encouragé les médecins et les ingénieurs à s'exprimer à la presse. J'ai en effet considéré que les personnes perçues par la population comme des spécialistes devaient avoir la parole. Une dizaine de réunions avec les maires concernés se sont tenues. En l'absence de situation de crise aiguë, une délégation de maires se substitue à l'ensemble des maires. Nous avons distribué des documents élaborés par la DDASS. Lors des contacts avec les journalistes, j'ai fréquemment incité ces derniers à donner une place aux explications sur la légionellose. L'un des quotidiens régionaux a accompli un gros travail dans ce domaine. Il a publié des pages complètes relatives à la légionellose et rappelé des données essentielles.

J'espère que nous atteignons désormais l'issue de la crise. Toutefois, une crise qui se prolonge connaît des rebondissements, notamment en termes de communication et de demande de communication.

Il convient d'agir malgré des attentes contradictoires. La santé est une attente fondamentale. C'est une priorité absolue que nous avons prise en compte. Une autre attente s'est exprimée : celle de l'emploi. Toute action mise en œuvre peut avoir un impact sur l'économie et sur l'emploi. Nous en sommes conscients. Les maires - dont je souligne le courage dans la gestion de cette crise - ont été saisis des exigences relatives à la santé et des inquiétudes concernant l'emploi.

Je considère que Noroxo fait partie du groupe Mobil Exxon. Il est clair que les salariés de l'usine ressentent une inquiétude. Je suis persuadé que le groupe Mobil Exxon prendra toutes ses responsabilités à l'égard de l'emploi des salariés. Personne ne comprendrait que cela ne soit pas le cas. C'est là un des points importants de mon intervention.

Nous avons été conduits à prendre des décisions difficiles. Dans ce cadre, nous avons privilégié la santé tout en sachant que les préoccupations concernant l'emploi étaient légitimes. Nous avons essayé, par ailleurs, d'envisager des mécanismes pour aider les stations de lavage (indemnisation de la part patronale en cas de chômage partiel, mécanismes d'aide pour les charges sociales et fiscales). En outre, le Conseil général, dans son budget, a voté des avances remboursables.

Les moyens de l'Etat font l'objet d'une mobilisation totale. Ils ont été présents lorsque les besoins de renfort se sont fait ressentir. Jusqu'à cent personnes ont été mobilisées (ingénieurs, médecins, techniciens...). Je tiens ici à les remercier très chaleureusement.

Monsieur le Président - Merci Monsieur le Préfet. J'aimerais, à mon tour, remercier tous les participants à cette audition dont l'intérêt me paraît évident comme en témoigne leur présence à une heure si avancée. Cela démontre la capacité de l'Office parlementaire, institution commune à l'Assemblée nationale et au Sénat, à organiser de manière ouverte et sereine des débats sur des sujets parfois sensibles. Tous les partenaires réunis autour d'une même table peuvent débattre en profondeur dans un climat serein, apaisé et transparent.

Grâce à votre contribution, nous avons pu, aujourd'hui, faire progresser nos connaissances et informer le Parlement et l'opinion publique des aspects relatifs à la légionellose. Merci, Mesdames et Messieurs, d'avoir contribué au progrès de ces connaissances.

ANNEXES

Annexe 1 : Les exemples étrangers (rapport, novembre 2001,du Conseil supérieur d'hygiène publique de France).

Annexe 2 : Schéma d'une tour aéro-réfrigérante (INERIS).

Annexe 3 : L'identification de l'épidémie de légionellose de 1998 à Paris (Professeur Étienne).

Annexe 4 : Réglementations - Recommandations (rapport, novembre 2001, du Conseil supérieur d'hygiène publique de France).

ANNEXE 1

Les exemples étrangers

(Rapport, novembre 2001, du Conseil supérieur d'hygiène publique de France)

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ANNEXE 2

Schéma d'une tour aéro-réfrigérante

(INERIS)

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ANNEXE 3

L'identification de l'épidémie de légionellose de 1998 à Paris

(Professeur Étienne - INSERM)

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ANNEXE 4

Réglementations - Recommandations

(Rapport novembre 2001 du Conseil supérieur d'hygiène publique de France)

REGLEMENTATIONS - RECOMMANDATIONS

CONTEXTE

Les actions des pouvoirs publics vis à vis du risque lié aux légionelles se basent, d'une part sur la surveillance épidémiologique, d'autre part sur des actions de contrôle et de prévention.

La légionellose est une maladie à déclaration obligatoire (décret n°87-1012 du 11 décembre 1987). Cependant, le nombre de cas déclarés est resté très faible jusqu'au renforcement du dispositif de surveillance épidémiologique à la suite de la parution de la circulaire DGS n°97/311 du 24 avril 1997 relative à la surveillance et à la prévention de la légionellose. Un guide d'investigation d'un ou plusieurs cas de légionelloses a accompagné ce texte (paru au bulletin épidémiologique hebdomadaire n°20-22/1997). Le nombre de cas déclaré est ainsi passé de 80 en 1996 à 440 en 1999.

A l'échelon européen, le réseau EWGLI (European Working Group for Legionella Infection) qui regroupe 31 pays, signale aux autorités sanitaires de l'Etat membre concerné tout cas de légionellose chez les personnes ayant voyagé pendant les 10 jours précédant le début de la maladie, en précisant les lieux fréquentés.

Par ailleurs, des recommandations nationales ont été adressées aux services déconcentrés du ministère chargé de la santé pour limiter le risque de légionelloses dans les établissements thermaux, les établissements de soins et dans les établissements recevant du public. Les actions préventives diffusées d'abord sous forme de recommandations puis par voie réglementaire dans quelques domaines consistent essentiellement à limiter les expositions. Dans ce but, il est nécessaire d'abord d'éliminer les conditions favorables à la survie et au développement des légionelles dans les installations à risque et ensuite de limiter leur diffusion sous forme d'aérosols. En pratique, ces recommandations cherchent à instaurer la mise place de bonnes pratiques d'entretien des installations à risque, en particulier des réseaux d'eaux chaudes sanitaires et des tours aéroréfrigérantes ainsi que le respect de règles de bon usage de l'eau dans ses différentes utilisations.

I - Recommandations de portée générale - rappel

I-1 Circulaire DGS n°97/311 du 24 avril 1997 relative à la surveillance et à la prévention de la légionellose

La circulaire incite, dans une première partie, les professionnels de santé à mieux diagnostiquer les cas puis à les déclarer et favorise, dans une deuxième partie, la mise en œuvre de bonnes pratiques sanitaires. Elle est constituée de différents volets :

- le renforcement du dispositif de surveillance de la légionellose ;

- la définition des grandes lignes de la prévention en l'absence de cas (prévention primaire) ;

- la description des étapes de l'investigation lors de la déclaration d'un cas (prévention secondaire). Elle comporte une fiche de déclaration d'un cas de légionellose et un guide d'investigation d'un ou plusieurs cas de légionellose ;

La circulaire comprend en outre différentes fiches techniques à destination des responsables des établissements recevant du public et notamment des établissements de santé explicitant les mesures d'entretien préventives et curatives dans les différentes installations à risque. Elles sont présentées par thème : les circuits d'eau chaude sanitaire, les systèmes de climatisation et les tours aéro-réfrigérantes, les bains à remous ou les bains à jets.

I-2 Circulaire DGS n°98-771 du 31 décembre 1998 relative à la mise en œuvre de bonnes pratiques d'entretien des réseaux d'eau dans les établissements de santé et aux moyens de prévention du risque lié aux légionelles dans les installations à risque et dans des bâtiments recevant du public

Dans les mois qui ont suivi la diffusion de la circulaire du 24 avril 1997, plusieurs épisodes de cas groupés de légionelloses nosocomiales et communautaires (dont l'épidémie parisienne de l'été 1998) ont continué à être mis en évidence. Cette nouvelle circulaire en tire les conséquences et renforce les dispositions de la circulaire précédente. Dans sa première partie, elle rappelle que, si le producteur d'eau du réseau public est soumis à une double obligation de moyens et de résultats pour ce qui concerne le respect des exigences de qualité auxquelles doit répondre l'eau destinée à la consommation humaine, il est de la responsabilité des gestionnaires d'établissements de santé de vérifier et de garantir sa qualité aux points d'usage. Les responsables de ces établissements sont appelés à mettre en œuvre les moyens suivants :

- acquérir une meilleure connaissance de leur réseau (synoptique, plan) ;

- assurer un entretien régulier du réseau de l'établissement conformément aux prescriptions de la circulaire du 24 avril 1997 ;

- mettre en œuvre une surveillance de la contamination des réseaux par la recherche de légionelles en des points critiques des installations de distribution;

- formaliser les procédures d'utilisation de l'eau pour les soins et pour la désinfection des dispositifs médicaux ;

- rechercher systématiquement la légionelle lors de la survenue d'une pneumopathie chez un patient hospitalisé.

La deuxième partie de la circulaire s'adresse aux responsables des établissements recevant du public et comportant des installations à risque. Il leur est rappelé d'assurer un bon entretien des installations conformément à la circulaire du 24 avril 1997, d'évaluer la qualité de cet entretien au moins une fois par an par des prélèvements en vue de la recherche de légionelles et de renforcer le contrôle en cas de prélèvements positifs et lors de la survenue de cas de légionellose.

II - Réglementation relative aux tours aéroréfrigérantes

A la suite de l'épidémie de l'été 1998, le préfet de Paris a édicté le 26 avril 1999 un arrêté préfectoral fixant des prescriptions aux tours de refroidissement dépendant de la rubrique 2920 de la nomenclature des installations classées. Cet arrêté impose notamment des règles d'entretien, de maintenance et de suivi des tours. Il fixe également différents niveaux d'intervention en fonction des concentrations en légionelles mesurées dans les prélèvements, à savoir :

·_au delà de 103 UFC/L (Unités Formant Colonies par litre) Legionella dans l'eau, mise en œuvre des mesures nécessaires pour abaisser la concentration en Legionella en dessous de ce seuil ;

·_à partir de 105 UFC/L :

- arrêt du fonctionnement du système de refroidissement ;

- information de l'inspection des installations classées et de la direction des affaires sanitaires et sociales de Paris ;

- vidange, nettoyage, désinfection avant remise en service.

Se basant sur les travaux développés à Paris, une circulaire a été adressée par le ministre de l'environnement aux préfets le 23 avril 1999. Il leur était demandé de modifier ou d'ajouter par arrêtés préfectoraux les prescriptions applicables aux installations de pulvérisation d'eau dans un flux d'air visées par la rubrique 2920 dans les zones d'habitation dense ou à proximité de populations particulièrement sensibles.

Un modèle d'arrêté préfectoral, joint à la circulaire, fixe des règles de maintenance et de suivi des installations, de même que de conception et d'implantation des nouvelles installations. Il précise notamment différents niveaux d'intervention en fonction des concentrations en légionelles mesurées dans les prélèvements :

- à partir de 103 UFC/L, un contrôle doit être mis en œuvre ;

- à partir de 105 UFC/L, les installations doivent être arrêtées, pour vidange et nettoyage.

Ainsi, le modèle d'arrêté peut-il être intégré de deux manières à la réglementation locale :

- Installations soumises à déclaration (puissance absorbée comprise entre 50 kW et 500 kW) . Elles sont soumises aux prescriptions générales édictées par le préfet du département (arrêté commun aux installations soumises à déclaration). Il est alors possible de compléter cet arrêté existant par un arrêté comportant des prescriptions générales concernant les tours aéroréfrigérantes après avis du Conseil Départemental d'Hygiène.

- Installations soumises à autorisation (puissance absorbée supérieure à 500 kW). Elles sont soumises à des prescriptions particulières par un arrêté préfectoral d'autorisation propre à chacune des installations. Il est alors possible de renforcer au cas par cas ces prescriptions par des prescriptions complémentaires.

III - Réglementation relative aux établissements thermaux

Comme suite à l'avis émis par l'académie nationale de médecine sur une demande d'autorisation d'utilisation d'eau, il est apparu nécessaire de réexaminer les éléments de gestion du risque microbien lié à l'eau minérale dans ce type d'établissements en saisissant le Conseil supérieur d'hygiène publique de France. Ce dernier a délivré en 1999 des recommandations relatives à la gestion du risque microbien dans les établissements thermaux et a notamment proposé de nouveaux critères de qualité de l'eau, des règles de surveillance et de contrôle de sa qualité, ainsi que des principes pour l'entretien des réseaux d'eau en détaillant les différents traitements préventifs et curatifs applicables selon leur nature et leur conception. Sur la base de ces recommandations, le ministère de l'emploi et de la solidarité a édicté l'arrêté du 19 juin 2000 modifiant l'arrêté du 14 octobre 1937 modifié relatif au contrôle des sources d'eaux minérales. Considérant l'usage thérapeutique qui est fait des eaux dans ce type d'établissement, cet arrêté préconise des concentrations en légionelles inférieures aux seuils de détection à tous les points d'usage pour les soins.

IV - Réglementation relative à la protection des travailleurs

Le décret n°94-352 du 4 mai 1994 fixe les règles particulières de prévention et de protection des travailleurs contre les risques résultant d'une exposition à des agents biologiques. Les agents biologiques sont classés en quatre groupes en fonction de l'importance du risque d'infection qu'ils présentent.

Legionella sp. et Legionella pneumophila sont classées dans le groupe 2. Celui-ci concerne « les agents biologiques pouvant provoque r une maladie chez l'homme et constituer un danger pour les travailleurs ; leur propagation dans la collectivité est peu probable ; il existe généralement une prophylaxie ou un traitement efficace »2. Notons que la légionellose ne peut, à ce jour, bénéficier d'une reconnaissance au titre des tableaux de maladies professionnelles. Les cas graves, survenus chez des salariés, peuvent être soumis au Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles au titre de l'alinéa 4 de la loi de reconnaissance des maladies professionnelles.

V - Divers

V-1 Désinfectants

Les désinfectants utilisés dans les réseaux de distribution d'eau destinée à la consommation humaine doivent être agréés par le ministère de la santé (article L1321-4 du code de la santé publique). Par ailleurs, l'eau chaude sanitaire doit rester conforme aux exigences de qualité du décret n°89-3 du 3 janvier 1989 modifié relatif aux eaux destinées à la consommation humaine et il est donc nécessaire de vérifier que l'ajout de désinfectant permet de conserver à l'eau son caractère de potabilité. La liste des désinfectants autorisés pour le traitement de l'eau dans les réseaux d'eau publics est précisée dans la circulaire DGS n°2000/166 du 28 mars 2000.

V-2 Textes en projet

Deux projets d'arrêtés sont en cours de préparation pour limiter la prolifération des germes dans les réseaux d'eaux chaudes sanitaires : le premier relatif à la température de l'eau chaude et le deuxième relatif aux règles d'hygiène dans les installations de distribution d'eau destinée à la consommation humaine.

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N° 1505 - Compte rendu de l'audition publique du 29 janvier 2004 sur l'épidémie de légionellose de novembre 2003

1 Cf. annexe 3 - page 111

2 Groupe 1 : agents biologiques non susceptibles de provoquer une maladie chez l'home

Groupe 3 : agents biologiques pouvant entraîner une maladie grave chez l'homme et constituer un danger sérieux pour les travailleurs ; leur propagation dans la collectivité est peu probable ; il existe généralement une prophylaxie ou un traitement efficace.

Groupe 4 (le plus élevé) : agents biologiques qui provoquent des maladies graves chez l'homme et constituent un danger sérieux pour les travailleurs ; le risque de propagation dans la collectivité est élevé ; il existe généralement ni prophylaxie, ni traitement efficace.