N° 232 - Rapport de M. Richard Cazenave sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à l'accord du 17 mars 1988, tel que modifié par l'avenant du 19 décembre 1991, entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne en matière de séjour et de travail (188)




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mis en distribution
le 1er octobre 2002

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N° 232

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 septembre 2002.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI (n° 188) autorisant l'approbation de l'avenant à l'accord du 17 mars 1988, tel que modifié par l'avenant du 19 décembre 1991, entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne en matière de séjour et de travail,
ET LE PROJET DE LOI 
(n° 189), autorisant l'approbation du troisième avenant à l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles et à son protocole annexe (ensemble un échange de lettres)

PAR M. RICHARD CAZENAVE,

Député

--

Traités et conventions

Mesdames, Messieurs,

Notre Assemblée est aujourd'hui saisie de deux projets de loi autorisant l'approbation d'avenants à des accords internationaux conclus avec l'Algérie et avec la Tunisie.

Il s'agit d'une part du troisième avenant à l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, d'autre part d'un avenant à l'accord conclu avec la Tunisie, le 17 mars 1988, en matière de séjour et de travail. Contrairement à l'accord entre la France et l'Algérie, la convention franco-tunisienne régit tant la situation des Tunisiens installés en France que celle des Français en Tunisie.

L'existence de ces accords internationaux sur la situation juridique des ressortissants algériens et tunisiens en France a pour conséquence que la législation française en matière d'entrée et de séjour des étrangers, à savoir l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, ne s'applique pas entièrement à eux. Ainsi, les Algériens et Tunisiens installés en France ne relèvent pas du droit commun en ce qui concerne leur régime d'entrée et de séjour. Cependant, il faut préciser que si l'Accord de 1968 entre la France et l'Algérie s'écarte assez sensiblement du droit commun, l'Accord de 1988 entre la France et la Tunisie définit un régime juridique assez proche de celui de l'Ordonnance de 1945.

En conséquence, les modifications de cette Ordonnance entraînées par le vote de loi du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile (loi dite « RESEDA ») ne s'appliquent pas aux ressortissants algériens et tunisiens, lesquels ne peuvent donc pas bénéficier des nouveaux types de titres de séjour introduits dans cette loi (portant par exemple les mentions « scientifique », « vie privée et familiale » ...). Ces derniers se retrouvent donc dans une situation paradoxale, puisque l'existence d'un accord international censé leur donner un statut plus favorable que le droit commun, surtout en ce qui concerne les ressortissants algériens, est au contraire susceptible de les mettre dans une situation moins favorable que celle prévue par la loi RESEDA.

Il était donc nécessaire de modifier les accords conclus avec l'Algérie et avec la Tunisie afin de permettre aux ressortissants de ces deux pays de bénéficier des nouvelles formes de titre de séjour introduites dans la législation française sur les étrangers, ce qui a été fait par la signature d'avenants à la convention de base, le 8 septembre 2000 entre la France et la Tunisie, et le 11 juillet 2001 entre la France et l'Algérie.

I - LE TROISIÈME AVENANT A L'ACCORD DU 27 DÉCEMBRE 1968 ENTRE LA FRANCE ET L'ALGÉRIE RELATIF À LA CIRCULATION,
À L'EMPLOI ET AU SÉJOUR EN FRANCE DES RESSORTISSANTS ALGÉRIENS ET DE LEUR FAMILLE

Du fait des liens qui existent entre la France et l'Algérie, l'accord franco-algérien de 1968, négocié dans le cadre de la coopération économique et financière prévue par les accords d'Evian, visait à favoriser l'implantation de la main d'_uvre algérienne en France, en soumettant les ressortissants algériens à une régime d'emploi et de séjour plus favorable que le droit commun. Cet accord a fait depuis lors l'objet de plusieurs modifications, en 1984, 1985 et 1994, afin de prendre en compte l'évolution des relations franco-algériennes et de la politique migratoire de la France.

Ainsi, progressivement, la situation des Algériens titulaires d'une autorisation de séjour en France - 550 000 personnes, soit la première nationalité non communautaire représentée en France (ce qui représente 17 % des étrangers hors Union européenne) - s'est rapprochée de la situation de droit commun. Le régime qui leur est appliqué garde cependant certaines spécificités, plus favorables que les dispositions du droit commun. Néanmoins, depuis l'entrée en vigueur de la loi dite RESEDA, qui a eu pour conséquence de permettre la régularisation du séjour de nombreux étrangers en situation irrégulière mais qui ne s'applique pas aux ressortissants algériens, ces derniers peuvent se retrouver dans une situation moins favorable que le droit commun.

L'avenant qui nous est soumis aujourd'hui vise à remédier à cette situation en permettant d'accorder à des ressortissants algériens les nouveaux types de titres de séjour prévus dans la loi de 1998 (vie privée et familiale, scientifique, retraité, profession artistique et culturelle). Dans l'état actuel de la convention franco-algérienne, certains étrangers en situation irrégulière ne peuvent en effet pas être régularisés par l'administration, uniquement en raison de leur nationalité algérienne.

Cependant, il semble que cette régularisation pourrait être obtenu devant le juge administratif. En effet, la convention de base, pas plus que les premiers avenants déjà intervenus, n'ont fait jusque là l'objet d'une autorisation parlementaire. Or une jurisprudence récente du Conseil d'Etat (CE Ass, 18 décembre 1998, SARL du parc d'activités de Blotzheim) permet à un requérant de demander la non application d'un accord international irrégulièrement entré en vigueur, ce qui est le cas en l'espèce. Ainsi les nombreux Algériens qui se sont vus refuser les nouveaux titres de séjour créés par la loi RESEDA, en raison de l'existence d'une convention particulière, peuvent demander au juge administratif d'écarter les stipulations de cette convention au profit des dispositions de la loi de 1998. L'adoption, selon la procédure prévue par l'article 53 de la Constitution, de l'avenant que nous examinons aujourd'hui permettra ainsi de prévenir un contentieux de masse, tout en arrivant au même résultat.

Par ailleurs, il faut noter que l'entrée en vigueur de cet accord aura également pour conséquence de rapprocher le régime applicable aux Algériens de la législation de droit commun dans un sens plus restrictif. En ce qui concerne les conditions d'entrée, le regroupement familial sera dorénavant encadré plus précisément et plus strictement : le regroupement familial ne pourra pas être accordé dans les cas, très rares en ce qui concerne les Algériens, de polygamie, ni lorsque les personnes concernées sont rentrées de façon irrégulière sur le territoire. Par ailleurs, comme c'est le cas pour les autres étrangers, le regroupement devra se faire en une fois, le regroupant devra être en France depuis plus d'un an, et les conditions de ressources de ce dernier étant plus clairement précisées.

L'alignement sur le droit commun concernera aussi la délivrance des titres de séjour. Ainsi, l'obtention du certificat de résidence de dix ans sera conditionnée à la régularité du séjour. En outre, le conjoint algérien d'un Français recevra d'abord un titre de séjour d'un an. Ce n'est qu'au bout de cette période, sous réserve du maintien de la communauté de vie, qu'il recevra un certificat de dix ans, qui ne lui sera donc plus délivré directement. Ce délai d'un an, prévu dans l'ordonnance de 1945 modifiée, peut certes être considéré comme insuffisant mais il constituera néanmoins une garantie supplémentaire par rapport à la situation actuelle. En ce sens, l'avenant permettra une lutte plus efficace contre la fraude en matière de mariage de complaisance.

L'entrée en vigueur de cet avenant aura donc pour conséquence de rapprocher la situation des ressortissants algériens de celle des autres étrangers. Cependant, si la législation de droit commun sur l'entrée et le séjour des étrangers en France devait être ultérieurement modifiée, elle ne s'appliquerait pas aux ressortissants algériens, dont le statut continuera d'être régi par la convention de 1968 modifiée. Ainsi, l'approbation de cet avenant assurera durablement aux Algériens le bénéfice des dispositions favorables de la loi RESEDA, qui ne pourront être modifiées que par la signature d'un nouvel avenant. Cela s'est d'ailleurs déjà produit dans le passé : l'avenant signé le 28 septembre 1994 a ainsi permis d'introduire dans la convention des stipulations inspirées de la loi du 24 août 1993.

Cet accord va produire des effets contrastés, il va rapprocher le statut des ressortissants algériens du droit commun, tout en conservant certains aspects particuliers à la marge. On peut donc penser que cet accord aura vocation à être revu dans l'hypothèse d'une nouvelle modification de la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers en France.

II - L'AVENANT À L'ACCORD DU 17 MARS 1988 ENTRE LA FRANCE
ET LA TUNISIE EN MATIÈRE DE SÉJOUR ET DE TRAVAIL

Bien que l'accord entre la France et la Tunisie en matière de séjour et de travail soit très différent de l'accord franco-algérien, la signature de l'avenant que nous examinons aujourd'hui s'explique également par le désir de prendre en compte les effets de la loi dite RESEDA.

La communauté tunisienne en situation régulière en France s'élève à environ 160 000 personnes, soit près de 5 % du nombre total d'étrangers, ce qui en fait la troisième nationalité communautaire la plus représentée en France, derrière les Algériens et les Marocains. A l'inverse, les Français installés en Tunisie sont au nombre de 12 500 personnes immatriculées, et de probablement 10 000 personnes non immatriculées.

Tout d'abord, il faut préciser que l'accord franco-tunisien régit tant la situation des Tunisiens installés en France que celle des Français en Tunisie, ce qui n'est pas le cas de l'accord franco-algérien. A ce titre, l'entrée en vigueur de cet accord sera également utile pour la communauté française de Tunisie. Par ailleurs, le régime prévu par cet accord a toujours été beaucoup moins dérogatoire au droit commun que celui applicable aux Algériens. On remarquera par exemple que pour régler la question de la délivrance des titres de séjour « scientifique », « profession artistique et culturelle » et « retraité », l'avenant indique que chacune des Parties peut accorder des types de titres de séjour non prévus par l'accord, mais ces nouveaux titres de séjour introduits dans la législation française en 1998 ne sont pas expressément cités dans l'accord, à l'exception des titres de séjour portant la mention «  vie privée et familiale ». Pour autant, même dans ce dernier cas, l'accord ne définit pas les conditions d'attribution de ce titre de séjour, renvoyant à celles prévues par la législation française. Ainsi, l'accord avec la Tunisie est rédigé de telle façon qu'il permettra l'application aux ressortissants tunisiens de certaines des évolutions pouvant intervenir dans la législation française.

Les effets de cet avenant seront cependant assez proches de celui conclu avec l'Algérie, à savoir permettre la délivrance des nouveaux titres de séjour prévus par la loi RESEDA aux ressortissants tunisiens et, dans le même temps, mieux encadrer la délivrance des titres de séjour, notamment en cas de regroupement familial.

CONCLUSION

L'approbation de ces deux avenants semble nécessaire afin de clarifier une situation juridique particulièrement complexe, notamment en raison des effets induits par l'absence d'autorisation parlementaire à l'approbation des conventions de base et de leurs premiers avenants.

Ainsi, la situation des ressortissants algériens et tunisiens va se rapprocher du droit commun de la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers en France. Il faut noter que cette évolution semble nécessaire alors que des discussions sont en cours pour rapprocher ces législations entre les pays de l'Union européenne. Une directive est par exemple en cours de négociation sur le droit au regroupement familial.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 25 septembre 2002.

Après l'exposé du Rapporteur, le Président Edouard Balladur a estimé que le vote des deux projets de loi permettrait de rapprocher la situation des personnes concernées du droit commun. Il semble en effet normal que des conditions comparables s'appliquent, quelle que soit la nationalité. Certes, la situation juridique de ces accords est un peu confuse, mais l'intérêt général rend nécessaire l'approbation des avenants avec l'Algérie et la Tunisie.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté les projets de loi (nos 188 et 189).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, les présents projets de loi.

NB : Le texte des avenants figure en annexe aux projets de loi (nos 188 et 189).

N° 0232 - Rapport sur le projet de  conventions avec la Tunisie  et l'Algérie (M. Richard Cazenave)


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