N° 383 - Rapport de M. Guy Teissier sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 (187)




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en distribution

le 25 novembre 2002

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N° 383 (1ère partie)

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 novembre 2002.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI (n° 187)
relatif à la programmation militaire
pour les
années 2003 à 2008,

PAR M. Guy TEISSIER,

Député.

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Défense.

S O M M A I R E

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Pages

INTRODUCTION 9

PREMIÈRE PARTIE : LE CADRE GÉNÉRAL DE LA DÉFENSE FRANÇAISE 13

I. - L'ÉVOLUTION DU CONTEXTE STRATÉGIQUE ET LES AMBITIONS DE LA FRANCE 13

A. L'ÉTAT DES MENACES 14

1. Le terrorisme 14

2. La prolifération d'armes de destruction massive 16

B. UNE POLITIQUE DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE AUX OBJECTIFS AMBITIEUX 20

1. Une position internationale singulière 20

a) Une politique de souveraineté active 20

b) Une mise en _uvre exigeante 21

2. L'affirmation de l'autonomie stratégique 23

a) Quel dispositif nucléaire pour la France ? 23

b) La protection contre la menace terroriste 25

3. Les exigences de l'action extérieure 25

a) Une armée professionnelle bien équipée 25

b) Le choix d'une capacité d'intervention solide 27

C. UNE AMBITION QUI S'INSÈRE DANS LA CONSTRUCTION DE L'EUROPE DE LA DÉFENSE 28

1. L'émergence de l'Europe de la défense 28

2. Un dispositif de sécurité et de défense en ordre de marche ? 29

a) Les institutions de l'Europe de la défense 29

b) Des forces identifiées et organisées 31

3. La recherche de missions opérationnelles 31

4. Les ambitions de la France pour l'Europe de la défense 32

D. UN EFFORT FINANCIER IMPORTANT ET RATIONNEL 34

1. Des crédits de nouveau cohérents avec le modèle d'armée 2015 34

a) Un effort initial indispensable 34

b) Une progression ultérieure forte et justifiée 35

2. Des perspectives de réalisation solides 36

a) L'exécution défectueuse de la loi de programmation militaire pour les années 1997 à 2002 36

b) Des garanties déjà à l'_uvre pour l'exécution de la nouvelle programmation 38

II. - LA COMPOSANTE HUMAINE DE LA DÉFENSE 40

A. DES EFFECTIFS GLOBAUX EN LÉGÈRE PROGRESSION 40

1. La professionnalisation a fait perdre le quart de ses effectifs à la défense 40

2. La programmation sera marquée par une légère progression des effectifs 41

a) L'armée de terre 41

b) La gendarmerie 42

c) Le service de santé des armées 42

d) Les services de renseignement 42

B. LE RECRUTEMENT ET LA RECONVERSION 43

1. Le recrutement 43

a) La défense, premier recruteur national 43

b) Des mesures d'attractivité 43

c) Des mesures de fidélisation 44

2. La reconversion, clé du recrutement 45

III. - DES PERSONNELS ENTRAÎNÉS ET OPÉRATIONNELS 46

A. UNE AMÉLIORATION DE L'ENTRAÎNEMENT DES FORCES 46

1. Une amélioration attendue pour les forces terrestres 46

a) La situation critique des troupes au sol 46

b) Un sursaut indispensable pour l'ALAT 49

2. Des progrès également attendus pour la marine 50

3. L'amélioration quantitative et qualitative de l'entraînement des équipages de l'armée de l'air 51

4. La gendarmerie et le service des essences des armées 53

B. UNE RÉSERVE EN RECONSTRUCTION 53

1. Une réserve qui s'ouvre aux civils 53

2. Des objectifs revus à la baisse 54

3. Des mesures incitatives vont entrer en application 56

DEUXIÈME PARTIE : LES SYSTÈMES DE FORCES 57

I. - L'ENVIRONNEMENT DES FORCES : PLANIFIER, ENTRETENIR ET PRÉPARER L'AVENIR 57

A. LE COMMANDEMENT, LES COMMUNICATIONS, LA CONDUITE DES OPÉRATIONS ET LE RENSEIGNEMENT 57

1. Un système de forces qui conditionne la planification et le bon déroulement des interventions militaires 58

2. Les orientations du projet de loi de programmation militaire 59

a) Le commandement : un domaine privilégié aux niveaux stratégique, opérationnel et tactique 59

b) Les communications : une assise technologique renforcée grâce à la poursuite de Syracuse III et des réseaux d'infrastructure à haut débit 60

c) Le renseignement stratégique : une priorité renforcée à travers l'achèvement d'Hélios II et la réalisation des moyens interarmées de renseignements électromagnétiques (MINREM) 61

d) Le renseignement et la surveillance de l'espace terrestre : un effort très significatif en faveur des drones et des nacelles de reconnaissance 63

3. Des coopérations techniques et financières de plus en plus nécessaires pour préserver les capacités européennes 65

B. LE RENFORCEMENT DE LA PRÉPARATION ET DU MAINTIEN DE LA CAPACITÉ OPÉRATIONNELLE 66

1. Une priorité réaffirmée : le nécessaire rattrapage du maintien en condition opérationnelle des matériels 67

a) Une situation dégradée aux conséquences regrettables 67

b) L'engagement d'un effort significatif pour assurer le redressement de la disponibilité des matériels 71

2. Un effort significatif en faveur du soutien santé des forces 74

a) Un service de santé très sollicité par la multiplication des opérations extérieures 74

b) La nécessaire valorisation de la filière médicale et paramédicale, préalable à la consolidation de la professionnalisation 75

c) Les crédits d'équipement et d'infrastructure : un effort soutenu 77

C. LA RECHERCHE ET LE DÉVELOPPEMENT, UN ENJEU ESSENTIEL POUR ASSURER LA PRÉPARATION DE L'AVENIR 78

1. Le rôle essentiel de la recherche et du développement 78

a) La nécessaire préservation de l'indépendance technologique nationale 78

b) La présentation de la recherche de défense 79

2. Un effort budgétaire indispensable engagé par le projet de loi de programmation militaire 80

a) L'érosion continue des dotations de recherche et de développement 80

b) Des comparaisons internationales défavorables 81

c) La revalorisation engagée par le projet de loi de programmation militaire 82

3. Vers une amélioration de l'organisation de la recherche et du développement. 83

a) Le renforcement des complémentarités entre les secteurs civil et militaire 83

b) Le développement des coopérations dans un cadre européen 85

c) Une allocation des ressources plus efficace 86

Accès à la 2ème partie

II. - DISSUADER ET PROTÉGER

A. LA DISSUASION

1. Une adaptation rapide de la posture stratégique

2. La poursuite de la modernisation des composantes de la dissuasion

3. Le financement du démantèlement des installations de production de matières fissiles

B. LA PROTECTION DU TERRITOIRE NATIONAL

1. Le rôle de la gendarmerie

2. La contribution des armées à la mise en oeuvre des plans gouvernementaux d'urgence

3. Le renforcement de la défense nucléaire, bactériologique et chimique (NBC)

4. L'affirmation d'une nouvelle dimension : la protection à l'échelle européenne

III. - PROJETER ET FRAPPER

A. L'INDISPENSABLE MISE EN COHÉRENCE DES CAPACITÉS DE PROJECTION AVEC LES AMBITIONS AFFICHÉES

1. L'attente impatiente de la reconstitution d'une aviation de transport tactique adaptée : le programme A 400 M

a) Une situation difficile

b) Une solution remarquable : l'Airbus A 400 M

c) Un dossier dont la France ne maîtrise plus le dénouement

2. Le développement programmé de la flotte logistique et de ravitaillement en vol

3. La poursuite du renouvellement de la flotte de transport maritime stratégique

4. La mise à niveau ardue de l'aéromobilité de théâtre

a) L'arrivée attendue, mais tardive de l'hélicoptère NH 90

b) Le programme de rénovation des hélicoptères Cougar et Puma

B. LA FRAPPE DANS LA PROFONDEUR

1. Une priorité stratégique

a) Caractères de la frappe dans la profondeur

b) Un système de forces en évolution

2. Les supports de la frappe dans la profondeur

a) Un choix décisif : le lancement d'un second porte-avions

b) Le Rafale, un programme de grande envergure

c) Le rôle accru des forces spéciales

3. Des vecteurs diversifiés

a) Les composantes aéroportée et navale du missile de croisière

b) Le programme d'armement air-sol modulaire (AASM)

IV. - LA MAÎTRISE DES MILIEUX

A. LE MILIEU AÉROTERRESTRE

1. Un système de forces pour le contact et la durée

a) Définition des contours et présentation des objectifs

b) Un état des lieux inquiétant

c) Les priorités fixées par le projet de loi de programmation 2003-2008

2. Les principaux programmes d'armement

a) Les blindés et leur environnement

b) Les hélicoptères

c) Les missiles et obus

d) Les autres principaux programmes

B. LE MILIEU AÉROMARITIME

1. Des objectifs fondamentaux : prévenir les risques, intervenir en mer et protéger les approches maritimes

a) Le rôle déterminant des capacités opérationnelles sur les mers

b) La redécouverte de l'intérêt vital de la surveillance des approches maritimes

2. Un renouvellement très important des équipements

a) Le renouvellement de la flotte de surface : un impératif absolu

b) Les sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda : un programme essentiel à la cohérence des composantes de la marine

c) Les hélicoptères NH 90 : une réussite industrielle qui ne profitera que faiblement aux unités

d) Les torpilles MU90 : un exemple de coopération aboutie et bénéficiant pleinement aux équipements de la marine nationale

3. La révision du dispositif de sauvegarde des approches littorales : le projet Spatio

C. LE MILIEU AÉROSPATIAL

1. Le développement des moyens de surveillance et de contrôle de l'espace aérien

a) La poursuite du déploiement du SCCOA

b) L'amélioration continue des appareils de détection et de commandement aéroporté SDCA-Awacs

c) L'achèvement du programme d'achat d'avions de guet aérien Hawkeye

2. La défense de l'espace aérien

a) L'équipement en missiles air-air Mica

b) Le développement du programme de missiles air-air Meteor

c) Le programme d'hélicoptères « Resco »

3. La protection des installations et des dispositifs

a) Le programme de missile sol-air à moyenne portée SAMP/T et la défense aérienne élargie

b) La valorisation du système sol-air Roland

Accès à la 3ème partie

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. -  AUDITIONS

·   Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense (le 25 septembre 2002)

·   Amiral Jean-Louis Battet, chef d'état-major de la marine (le 9 octobre 2002)

·   Général Richard Wolstzynski, chef d'état-major de l'armée de l'air (le 9 octobre 2002)

·   Général Bernard Thorette, chef d'état-major de l'armée de terre (le 15 octobre 2002)

·   M. Pierre Mutz, directeur général de la gendarmerie nationale (le 16 octobre 2002)

·   M. Yves Gleizes, délégué général pour l'armement (le 16 octobre 2002)

·   M. Jean-Claude Mallet, secrétaire général de la défense nationale (le 5 novembre 2002)

·   Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies (le 6 novembre 2002)

·   M. Michel Barnier, commissaire européen (le 6 novembre 2002)

·   Mme Evelyne Ratte, secrétaire générale pour l'administration du ministère de défense (le 13 novembre 2002)

·   Général Henri Bentégeat, chef d'état-major des armées (le 13 novembre 2002)

·   M. Philippe Camus, président exécutif d'EADS (le 29 octobre 2002)

·   M. Jean-Marie Poimboeuf, directeur de DCN (le 30 octobre 2002)

·   M. Fabrice Brégier, président exécutif de MBDA (le 5 novembre 2002)

·   M. Charles Edelstenne, président-directeur général de Dassault aviation (le 12 novembre 2002)

·   M. Jean-Paul Béchat, président-directeur général de SNECMA (le 13 novembre 2002)

·   M. Denis Ranque, président-directeur général de Thales (le 13 novembre 2002)

·   M. Luc Vigneron, président-directeur général de GIAT Industries (le 13 novembre 2002)

·   Représentants des syndicats des personnels civils de la défense (le 2 octobre 2002)

·   Représentants des associations de retraités militaires (le 2 octobre 2002)

·   Table ronde sur le contexte stratégique et géopolitique du projet de loi (le 6 novembre 2002)

II. - DISCUSSION GÉNÉRALE

III. - EXAMEN DES ARTICLES

Article premier : Approbation du rapport annexé

Article 2 : Moyens affectés aux dépenses en capital

Article 3 : Effectifs prévisionnels du ministère de la défense

Article 4 : Fonds de consolidation de la professionnalisation

Article 5 : Mesures d'incitation au départ d'officiers et de sous-officiers

Article 6 : Habilitation du Gouvernement à prendre des mesures par voie d'ordonnances

Article 7 : Suivi des orientations et de la mise en _uvre de la politique de défense

TABLEAU COMPARATIF

INTRODUCTION

L'examen du projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 intervient dans un contexte quelque peu particulier, puisque les crédits couvrant la première annuité de la période ont déjà été adoptés par l'Assemblée nationale, le 24 octobre 2002. On voit mal comment il aurait pu en être autrement, car la préparation de ce projet de loi de programmation, fondamentalement différent de celui qui a été déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 31 juillet 2001, a nécessité du temps. Cela explique que le Conseil des ministres n'ait pas pu l'adopter avant le 11 septembre 2002. En outre, il n'a pas été possible au nouveau Gouvernement d'inscrire son texte en discussion avant le projet de budget, qui doit absolument entrer en vigueur le 1er janvier 2003.

De telles circonstances ne constituent pas véritablement un précédent. Pour mémoire, le vote de la loi de programmation couvrant la période 1984-1988 est intervenu en 1985 seulement. L'exercice de la programmation, qui a pourtant pour objet de donner aux armées et aux industriels de l'armement un minimum de lisibilité à moyen terme, a déjà connu bien des aléas depuis sa mise en place. Des cinq lois de programmation militaire qui se sont succédé depuis le milieu des années quatre-vingts, aucune n'a été complètement respectée, ce qui donne matière à réflexion au Parlement au moment où il doit débattre de nouveau d'une telle loi.

Ainsi, la loi de programmation militaire 1984-1988 est devenue inopérante au bout de trois ans, ce qui a conduit au vote d'une nouvelle loi en 1987. Cette dernière, qui a engagé les programmes d'avion polyvalent Rafale, de char lourd Leclerc et de porte-avions nucléaire Charles-de-Gaulle, n'a jamais été appliquée par la majorité élue en 1988 : l'écart entre prévisions et exécution était de 4,8 % dès 1989 et il s'est creusé jusqu'à 11,7 % en 1992. Le projet de loi de programmation qui devait lui succéder n'a pas été inscrit à l'ordre du jour du Parlement. Il faudra attendre l'entrée en fonction du Gouvernement de M. Edouard Balladur pour que le ministre de la défense, M. François Léotard, présente un nouveau texte, qui est entré en vigueur le 1er janvier 1995. Mais là encore, les ambitions affichées n'ont pas été tenues, notamment en raison de la conjoncture économique. Dès son discours de politique générale, le Premier ministre, M. Alain Juppé, annonça la suspension de la programmation en cours depuis moins de six mois et la préparation d'un nouveau projet. Le texte, défendu par M. Charles Millon, fut définitivement adopté le 2 juillet 1996 : il s'inscrivait dans le cadre d'une mutation de très grande ampleur des forces armées, avec la suspension du service national, décidée par le Président de la République. Mais le Gouvernement de M. Lionel Jospin, issu du renouvellement de l'Assemblée nationale en 1997, sans officiellement contester la loi de programmation 1997-2002, en a remis l'équilibre en cause dès 1998, à travers une revue des programmes qui a conduit à l'abandon d'un certain nombre de projets importants, pour une économie alléguée d'un peu plus de 3 milliards d'euros.

Certes, la loi de programmation dont l'application s'achèvera au 31 décembre 2002 est l'une des rares à avoir été maintenue en vigueur jusqu'à son terme. Cependant, à l'issue de son exécution, les dotations votées en faveur des titres V et VI, n'ont pas été consommées dans leur totalité. Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, a souligné devant la commission de la défense nationale et des forces armées, lors de sa première audition, le 9 juillet 2002, que les crédits d'équipement de son ministère ont diminué de 14 % entre 1997 et 2002. La loi de programmation militaire 1997-2002 n'a donc pas mieux été respectée que les autres. Pis, les restrictions budgétaires qui ont affecté les armées tout au long de cette période ont nui au bon déroulement de la première phase de la transition vers le modèle d'armée 2015. Il était impératif de corriger cette dérive, sous peine de remettre en cause les conditions du succès de la professionnalisation.

C'est tout à l'honneur du Président de la République, chef des armées, et du Gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin d'avoir décidé de rompre avec la fâcheuse habitude de considérer le budget de la défense nationale comme une variable d'ajustement, en fonction du contexte économique. Malgré des perspectives de croissance moins bonnes que prévu, le Gouvernement a choisi de donner la priorité à la défense. Le projet de loi de programmation militaire qui est soumis à l'examen de l'Assemblée nationale est, en ce sens, très ambitieux.

Il est vrai que, si le contexte économique international est incertain, l'environnement stratégique, marqué par une recrudescence du terrorisme international et une intensification des risques de prolifération d'armes de destruction massive, l'est tout autant. Il y va donc de la sécurité du territoire national et des Français, ce qui ne saurait faire l'objet de marchandages budgétaires. Qui plus est, la France est membre permanent du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU) et pays fondateur de l'Union européenne. Contribuer aux opérations de maintien de la paix et être à la pointe des développements de l'Europe de la défense sont deux exigences que lui confère un statut international de premier plan. Le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 est, en l'espèce, un gage de crédibilité accrue, car il traduit de façon concrète l'ambition de la France de rester un acteur et un interlocuteur majeur sur la scène internationale.

A ceux qui doutent de la pertinence d'un projet de loi de programmation militaire aujourd'hui, on objectera également que les choix stratégiques de la France en matière de défense ont une dimension industrielle et sociale indéniable. La défense est le seul budget d'équipement de l'Etat qui comporte des dépenses portant majoritairement sur des matériels ou des prestations fournis par des entreprises. Compétitivité et capacités d'exportation, mais aussi emploi et maîtrise de savoir-faire indispensables à l'indépendance nationale doivent entrer en ligne de compte.

La période couverte par la loi de programmation qui s'achève a été marquée par des transformations très importantes de l'industrie de défense, telles que, par exemple, la fusion d'Aérospatiale et de Matra Hautes Technologies en 1999 et le regroupement de l'ensemble au sein du groupe européen de l'aéronautique et de l'espace EADS l'année suivante, ou encore la dissociation de l'ancienne direction des constructions navales (DCN) de la délégation générale pour l'armement (DGA), en vue de l'entrée en vigueur d'un statut de société nationale qui interviendra en 2003. Ces mutations sont intervenues dans un contexte d'alliances industrielles qui évolue très rapidement et, à ce titre, elles sont appelées à se poursuivre ou à s'étendre.

Le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 a donc vocation à préparer l'avenir, en donnant des perspectives à des entreprises publiques en voie de modernisation (DCN, notamment), ou en accompagnant les restructurations qui s'imposent pour les autres (dans les cas de GIAT Industries ou de la société nationale des poudres et explosifs - SNPE - notamment). Certes, le texte soumis à l'examen du Parlement n'a pas pour objet de prévoir les réformes à venir, ni de dessiner les contours des alliances industrielles futures. C'est sans doute pour cette raison qu'il ne fait mention que de manière très allusive aux entreprises plus particulièrement concernées. Néanmoins, adapter le secteur public de la défense aux exigences de compétitivité et de rentabilité est désormais un impératif d'autant plus nécessaire que les ponctions effectuées par le passé sur le titre V pour recapitaliser les sociétés nationales déficitaires ont été pour partie à l'origine des ruptures de trésorerie des armées en crédits d'équipement. Sur ce point comme sur les autres, le devoir de vigilance de la commission de la défense nationale et des forces armées s'exercera. Une mission d'information sur la situation et l'avenir de GIAT Industries est notamment en cours et ses conclusions devraient être rendues publiques dans les prochaines semaines.

Dans l'ensemble, les dispositions du texte soumis à l'examen de l'Assemblée nationale suscitent une grande satisfaction, partagée semble-t-il par l'ensemble des acteurs concernés, qu'il s'agisse des acteurs opérationnels ou des industriels. Fixant l'enveloppe annuelle des crédits d'équipement destinés aux armées à 14,64 milliards d'euros (1), en euros constants avec l'année 2003 pour référence monétaire, le projet de loi de programmation prévoit une hausse de l'effort de la Nation pour sa défense de l'ordre de 22 % par rapport aux montants des crédits réellement dépensés à cette fin sur la période 1997-2002. Cette orientation, qui porte sur le titre V du budget de la défense, c'est-à-dire sur l'enveloppe financière la plus contrainte au cours des six dernières années, est nécessaire pour deux raisons :

- accélérer la livraison des équipements prévus par le modèle d'armée 2015, afin de moderniser les forces, qui sont devenues professionnelles ;

- améliorer les conditions d'entretien des matériels, qui ont été les premières victimes de la régulation budgétaire, comme l'a démontré un récent rapport d'information de la commission de la défense (2).

Le projet de loi de programmation vise également à répondre au défi de la fidélisation des engagés, dont les premiers sont actuellement amenés à renouveler leurs contrats. Cette fidélisation est essentielle pour garantir la pérennité de la professionnalisation, ainsi que le format des forces armées. Un fonds de consolidation de la professionnalisation sera donc créé. Doté de 572,58 millions d'euros sur la période 2003-2008, il permettra de favoriser le recrutement des personnels militaires, de susciter leur volonté de rester dans les forces et de les reconvertir sur le marché du travail à l'issue de leur engagement.

Si l'on ne peut que se réjouir des dispositions du projet de loi de programmation militaire 2003-2008, quelles garanties s'appliqueront à leur mise en _uvre ?

Chacun sait la faible valeur juridique que confère le droit positif à une loi de programmation militaire, dont la traduction concrète passe par les lois de finances. Il appartiendra au Gouvernement de traduire la priorité affichée en dispositions budgétaires conformes au vote de la représentation nationale. Il n'empêche que la responsabilité du Parlement sera elle aussi importante, puisqu'il lui reviendra de discuter chaque année des orientations envisagées, lors de l'examen des projets de budget. A cette occasion, la commission de la défense nationale et des forces armées devra s'employer à assumer son rôle, dans le cadre de ses prérogatives de contrôle et de vote.

Le rapporteur du projet de loi de programmation militaire 2003-2008, qui est président de cette commission, est bien conscient de l'enjeu. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il a souhaité que les rapporteurs pour avis du budget du ministère de la défense soient tenus informés du niveau de consommation des crédits des différentes armées, et ce trimestriellement, afin d'en établir un bilan régulier devant la représentation nationale. Le contrôle de la commission, par le biais de ses rapports d'information, sera également approfondi. Les attentes des personnels sont fortes et rien n'irait plus à l'encontre de l'intérêt de l'institution militaire que de les décevoir une nouvelle fois.

PREMIÈRE PARTIE : LE CADRE GÉNÉRAL DE LA DÉFENSE FRANÇAISE

La chute du mur de Berlin et la disparition consécutive du bloc soviétique ont conduit à un bouleversement total du contexte de sécurité des Etats. Le monde doit désormais affronter des menaces d'un type nouveau (terrorisme transnational, criminalité organisée, prolifération des armes de destruction massive) et des crises internationales à répétition (Golfe, Balkans, Afghanistan, Irak), qui ont pour point commun de se centrer sur des zones géographiques complexes et d'accès difficile.

Parce que ces menaces nouvelles n'épargnent pas la France et que les crises peuvent également justifier l'engagement des militaires français, la décision du Président de la République de professionnaliser les forces armées, annoncée à la Nation le 22 février 1996, se révèle avoir été non seulement nécessaire, mais plus encore visionnaire. Chacun mesure désormais l'intérêt de disposer d'armées modernes et réactives. La loi de programmation militaire pour les années 1997-2002 a accompagné, tant bien que mal, la transition vers un recrutement d'engagés. Le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 ambitionne de consolider les acquis, en confirmant le format prévu par le modèle 2015, tout en tenant compte des besoins révélés par l'implication grandissante des personnels du ministère de la défense dans la prévention et la lutte contre les risques qui pèsent sur la stabilité internationale et la sécurité de la France.

I. - L'ÉVOLUTION DU CONTEXTE STRATÉGIQUE ET LES AMBITIONS DE LA FRANCE

Pour évaluer la pertinence des moyens qui seront consacrés ces prochaines années à la défense, il est indispensable de bien définir les besoins, en identifiant les menaces qui pèsent sur la sécurité de la France à moyen terme. Le contexte géostratégique dans lequel s'inscrit la politique de défense française n'a pas fondamentalement changé ces dernières années, en dépit d'événements aussi importants et imprévus que les attentats du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center et le Pentagone. En fait, ce sont surtout les formes d'implication des forces armées dans la protection du territoire qui ont évolué, puisque, désormais, les militaires sont amenés aussi bien à assurer des patrouilles de sécurité dans des lieux publics sensibles, en application du plan Vigipirate notamment, qu'à se déployer en opérations de maintien de la paix sur des théâtres extérieurs.

Le cadre même de la défense française change. L'Europe de la défense progresse, même si elle relève encore davantage de l'ambition que de la réalité. La déclaration franco-britannique de Saint-Malo, en 1998, et le Conseil européen d'Helsinki, l'année suivante, ont manifesté une volonté politique commune d'implication dans la gestion des crises sur le continent. Dans le même temps, l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) acquiert, en s'élargissant, une dimension plus politique et moins militaire. L'Alliance a ainsi été tenue à l'écart des opérations américaines en Afghanistan, malgré la décision d'appliquer pour la première fois de son histoire les dispositions de l'article 5 du traité de Washington sur la solidarité collective.

Dans un tel environnement, la France a plus que jamais un rôle à jouer et une ambition à faire valoir pour l'Europe en matière de défense. Contrairement à ce qui a pu être dit ou écrit parfois, le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 n'ignore pas la dimension européenne de la défense, car il vise à créer une dynamique nouvelle qui placera les enjeux de défense au c_ur de l'agenda politique de l'Union européenne.

A. L'ÉTAT DES MENACES

La fin de la guerre froide s'est traduite par la disparition d'une menace massive et par l'éclosion de dangers plus diffus, localisés et imprévisibles. Dès 1994, le Livre blanc sur la défense soulignait que « l'appréciation des risques et de la nature des réponses à y apporter est redevenue un exercice incertain (3)» depuis la chute du mur de Berlin. Et le livre blanc d'insister plus particulièrement sur les vulnérabilités liées au terrorisme, aux extrémismes religieux et aux nationalismes, aux trafics de drogue et à la globalisation des échanges et des communications.

L'actualité récente a confirmé ce constat. Le risque terroriste s'est retrouvé au centre des préoccupations. Néanmoins, les dangers de la prolifération des armes de destruction massive restent importants. Ces menaces sont parfois liées ; c'est pourquoi il faut se garder de privilégier l'une au détriment de l'autre et s'attacher à les prévenir et les combattre avec la même détermination.

1. Le terrorisme

Les attentats du 11 septembre 2001 et, plus récemment, ceux qui ont frappé l'île indonésienne de Bali, le 12 octobre 2002, ont rappelé combien des sociétés ouvertes aux échanges sont exposées à des menaces non étatiques, dites « asymétriques ». Les intérêts français ne sont pas épargnés, comme l'ont hélas démontré les attentats contre les personnels de DCN à Karachi, le 8 mai 2002, et l'attaque contre le pétrolier Limburg au large du Yémen, le 6 octobre 2002.

Le risque terroriste n'est pas nouveau dans la réflexion stratégique, comme le montre cet extrait du livre blanc sur la défense rédigé voilà presque neuf ans : « La France est particulièrement exposée à ce risque. Comme toute démocratie moderne, elle offre des facilités à la stratégie terroriste qui tire profit de la grande liberté de circulation, de la qualité des communications, du respect des droits de l'homme et des libertés. Mais ses responsabilités et son statut international l'exposent plus que d'autres. (...) Le terrorisme peut aussi apparaître comme un instrument de contournement et de neutralisation de nos moyens militaires. (...)

Les développements industriels et technologiques offrent des champs nouveaux et préoccupants. Des menaces pèsent ainsi sur nos systèmes informatiques (intrusion) comme sur nos installations de production d'énergie ou l'ensemble des réseaux de communication. Le recours à des moyens radioactifs issus du détournement de matières sensibles ou de déchets nucléaires peut être facilité par la prolifération. Les risques de terrorisme nucléaire appellent un renforcement des mesures de protection générale et de réaction de l'appareil d'Etat, difficiles à mettre au point et à appliquer dans une société démocratique. Il en va de même pour le terrorisme biologique ou chimique » (4).

Il reste que, s'il a toujours été pris en considération, le phénomène terroriste a évolué. L'ampleur des attentats du 11 septembre 2001 a ainsi donné naissance à une nouvelle qualification : l'« hyperterrorisme », ou terrorisme de masse. Nouveau par son ampleur, le risque terroriste est également différent dans sa logistique et son organisation. Décentralisée et ramifiée dans de très nombreux pays, par l'intermédiaire de « cellules dormantes », l'internationale terroriste contemporaine confère une très grande marge de man_uvre à ses réseaux pour décider d'attaquer les cibles qui ont pu leur être fixées. Aucun moyen, conventionnel ou non, n'est rejeté a priori. Les explosifs, les armes chimiques, biologiques, radiologiques ou nucléaires, mais aussi certaines armes par destination, à l'exemple des avions détournés le 11 septembre 2001, peuvent être employés. La menace terroriste présente désormais de multiples facettes, souvent difficiles à prévenir.

Les cibles potentielles sont civiles : le rapport annexé au projet de loi de programmation fait notamment référence à la concentration des populations, au fonctionnement en réseaux interconnectés (eau, électricité, télécommunications), comme autant de sources d'exposition au risque. Les cibles peuvent être également militaires, car des troupes déployées sur un théâtre extérieur sont elles aussi vulnérables, comme l'a montré l'attentat contre le destroyer américain USS Cole dans le port d'Aden, le 12 octobre 2000.

Face à de tels risques, la défense ne peut être efficace que si elle repose sur des moyens polyvalents, militaires et civils. L'action militaire peut apparaître nécessaire, mais elle ne saurait être considérée comme une réponse exclusive. L'intervention alliée en Afghanistan, depuis l'automne 2001, en a apporté la démonstration. Il peut s'avérer indispensable d'agir contre les bases arrières des groupes terroristes, notamment lorsque celles-ci sont localisées dans des pays où les structures étatiques ne sont pas en mesure de contrôler les activités qui se déroulent sur leur territoire. Un tel cas de figure illustre la pertinence du modèle d'armée 2015, qui met plus particulièrement l'accent sur les capacités de projection et d'action à longue distance. Le rôle des services de renseignement est lui aussi fondamental pour anticiper et déjouer les complots terroristes. Si tous les services ne relèvent pas du ministère de la défense, ceux qui en dépendent (la direction générale de la sécurité extérieure -DGSE- et la direction du renseignement militaire -DRM-, notamment) ont plus particulièrement vocation à recueillir des renseignements à l'étranger et participent ainsi à la prévention de la menace.

On ne doit pas sous-estimer non plus la contribution des armées à la sécurité intérieure du territoire national. Cette mission relève de la responsabilité traditionnelle de la gendarmerie et aussi des troupes qui participent à l'application du plan Vigipirate. A l'avenir, les réservistes devraient apporter un concours de plus en plus important à ce type d'opérations, ce qui justifie pleinement les mesures d'incitation prévues par le projet de loi de programmation militaire en faveur d'un renforcement des réserves. Dans le cas particulier de la protection de sites sensibles, telles que les centrales nucléaires ou certaines bases militaires, l'emploi de matériels de combat (batteries de missiles anti-aériens, avions d'interception) peut également s'imposer.

Certes, il reste encore beaucoup à faire ou à améliorer, mais le projet de loi de programmation militaire qui a été adopté en conseil des ministres, le 11 septembre 2002, à la différence du texte déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 31 juillet 2001, tient compte de la réalité et de l'ampleur de la menace terroriste actuelle. On ne peut que s'en réjouir et y voir la preuve que la sécurité des Français est devenue une priorité.

2. La prolifération d'armes de destruction massive

La prolifération des armes de destruction massive concerne un nombre croissant d'Etats, souvent situés dans des zones connaissant de fortes tensions. Elle recouvre des menaces très diverses : armes chimiques, biologiques, nucléaires et missiles balistiques. Toutes peuvent contribuer à aggraver des crises régionales, comme en témoigne la forte tension entre l'Inde et le Pakistan. Elles peuvent également constituer une menace directe sur l'Europe, lorsqu'elles sont aux mains de puissances régionales hostiles ou potentiellement menaçantes. Leur diffusion rend également envisageable un détournement au profit d'organisations terroristes, surtout lorsqu'elles sont développées ou détenues par des Etats fragiles ou dont la capacité de contrôle sur leurs propres forces armées n'est pas établie.

● De nombreux Etats ont développé récemment des programmes nucléaires. Tous n'ont pas abouti. Il n'en reste pas moins que, par ses capacités de destruction et le pouvoir qu'elle confère, l'arme nucléaire exerce un réel attrait.

L'Inde et le Pakistan ont entamé dès les années soixante-dix une course à l'armement atomique.

Après un premier essai en 1974, l'Inde a procédé en mai 1998 à cinq essais nucléaires souterrains lui permettant de valider les engins de son programme nucléaire militaire. L'Inde vise à constituer une « force de dissuasion minimale » fondée sur trois composantes, terrestre, aérienne et navale. Un stock de plutonium de qualité militaire de plusieurs centaines de kilogrammes a pu être accumulé, suffisant pour réaliser entre 25 et 100 armes selon les estimations, avec une capacité d'assemblage de plusieurs dizaines de bombes dans un délai très court.

Le Pakistan a, pour sa part, lancé son programme nucléaire militaire dès 1971. Les 28 et 31 mai 1998, répondant aux essais indiens, il a testé six engins nucléaires à uranium-235. Selon plusieurs estimations, le Pakistan posséderait 35 à 100 têtes nucléaires. La doctrine du Pakistan semble tendre vers la possibilité d'un emploi en premier, en cas de défaite conventionnelle face à l'Inde et d'invasion du territoire.

Le programme nucléaire de la Corée du Nord a également permis à cet Etat de se doter de l'arme atomique, en violation flagrante de l'accord cadre signé à Genève le 21 octobre 1994 avec les Etats-Unis. Ce dernier devait entraîner un gel de toutes les activités nucléaires militaires nord-coréennes, en échange notamment de la construction de deux réacteurs nucléaires à eau légère de 1 000 mégawatts. Toutefois, l'état réel du programme nord-coréen d'accès au plutonium restait mal connu, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) n'ayant pas été autorisée à accéder aux combustibles stockés pour y faire des prélèvements. De forts soupçons pesaient donc sur cet Etat. Les estimations quant à la quantité de plutonium de qualité militaire que la Corée du Nord a pu produire avant l'accord de 1994 étaient relativement concordantes et concluaient à un détournement de suffisamment de plutonium pour développer un engin nucléaire.

Le Corée du Nord a récemment reconnu disposer d'un programme secret d'armes nucléaires. Selon les estimations américaines, une ou deux armes élaborées à partir du plutonium auraient été assemblées. Un programme clandestin d'enrichissement d'uranium a également été développé.

D'autres Etats ont des programmes en cours.

L'Iran ne possède aujourd'hui aucune arme nucléaire, mais il est soupçonné de vouloir mettre en _uvre clandestinement un programme nucléaire militaire, sous couvert du développement de son industrie nucléaire civile. Il s'efforce d'acquérir toutes les technologies et les équipements en rapport avec le nucléaire, y compris des réacteurs de recherche et de puissance qui pourraient soutenir indirectement son programme d'armement nucléaire ou être réorientés au profit de celui-ci et lui permettre de former ses propres experts.

L'Irak suscite une forte inquiétude. Une partie de ses infrastructures nucléaires ont été détruites par les raids alliés durant la guerre du Golfe et les destructions d'après-guerre ordonnées par l'ONU ont parachevé le démantèlement des installations consacrées au nucléaire militaire. Jusqu'à décembre 1998, l'AIEA mettait en oeuvre un programme de contrôle à long terme, en application des résolutions 687 et 715 de l'ONU. Cependant, depuis la crise de la fin de 1998, les inspections sur place sont interrompues. L'Irak possède l'expertise scientifique, technique et humaine pour reprendre un programme nucléaire militaire. Une étude de l'institut international d'études stratégiques (IISS) du 9 septembre dernier sur l'évaluation des armes de destruction massive de l'Irak indique qu'il est probable que cet Etat mène un programme d'enrichissement d'uranium. Il semble toutefois peu plausible qu'il dispose déjà des installations suffisantes pour produire les quantités de matières fissiles nécessaires à la fabrication d'une arme nucléaire. En revanche, l'IISS estime que l'assemblage d'une arme serait réalisable en quelques mois si le pays pouvait se procurer des matières fissiles auprès d'une source extérieure.

Ces programmes d'armement atomique menés par ces Etats sont d'autant plus préoccupants que ces derniers développent en parallèle des programmes de missiles balistiques.

● La prolifération balistique ne concerne désormais plus seulement les missiles à courte portée, le plus souvent dérivés des Scud soviétiques. De nombreuses puissances régionales se sont lancées dans la course à la portée et aux capacités d'emport.

L'Inde et le Pakistan mènent des programmes de grande ampleur, assortis périodiquement de tirs d'essais destinés à intimider l'adversaire.

L'Inde a lancé au début des années 80 un programme ambitieux, visant à développer une large gamme de missiles allant du missile stratégique sol-sol Agni, d'une portée de 2 000 km, testé le 11 avril 1999 puis le 17 janvier 2001 et le 25 janvier 2002 (avec une portée de 700 km pour cet essai), aux missiles sol-sol de courte portée Pritvhi, dont il existe une version navalisée. Les premiers missiles Agni, susceptibles de transporter des charges nucléaires, auraient été livrés aux forces à la mi-2002. D'autres missiles de la famille Agni seraient à l'étude, il s'agit de projets baptisés Agni-III (3 700 km de portée), Agni-IV (4 500 km de portée), capables d'atteindre les principaux centres chinois.

Le Pakistan a également développé un important programme balistique, avec l'aide de la Chine, auprès de laquelle il a acquis, au début des années 90, des M-11, missiles de portée légèrement inférieure à 300 km et dont la capacité d'emport est de 500 kg. Grâce à l'aide de celle-ci, il produirait un missile à propergol solide copié sur le M-11 chinois, le Hatf-3. Par ailleurs, il existe un programme d'un autre missile à carburant solide, le Shaheen ou Hatf-4, d'une portée de 750 km pour une charge d'une tonne. Le Pakistan développerait enfin une version améliorée du missile Shaheen, le Shaheen-2, qui n'a pas été testé en vol, mais dont les performances seraient proches de celles de l'Agni-2 indien, soit 2 000 km.

Cette prolifération balistique est également préoccupante au Proche et au Moyen-Orient.

La Syrie déploie toujours des efforts importants pour se procurer certaines armes de destruction massive, ainsi que des missiles balistiques. Elle dispose de trois types de missiles balistiques capables d'emporter des munitions NBC (nucléaires, bactériologiques et chimiques) : le SS-21 MOD 3 (120 km de portée et 450 kg de charge utile), le Scud B (300 km et 1 000 kg) et le Scud C (500 km et 770 kg).

Si elle ne détient pas d'armes NBC, l'Arabie Saoudite possède depuis 1989 entre vingt et cinquante missiles CSS-2 fournis par la Chine, à charge conventionnelle et de portée intermédiaire (charge utile de 2 150 kg acheminée à 2 800 km), donc capables d'atteindre le sud de l'Europe.

L'Irak n'a plus le droit de détenir des missiles d'une portée supérieure à 150 km. Il a pourtant sans doute maintenu des capacités clandestines. L'étude précitée de l'IISS précise que l'Irak a probablement conservé une force de l'ordre de douze lanceurs al-Hussein, dérivés des Scud, avec une portée de 650 km. Ces derniers pourraient donc frapper Israël, l'Arabie Saoudite, la Turquie, l'Iran et le Koweït. Utilisés pendant la guerre du Golfe, ils ont eu un fort impact psychologique et médiatique. Ces engins mobiles sont par ailleurs difficiles à détecter et à détruire. L'Irak disposerait également d'un petit nombre de missiles al-Samoud, d'une portée plus réduite (200 km).

Enfin, la Corée du Nord constitue l'un des proliférateurs les plus menaçants, tant par l'ampleur de son programme balistique qu'en raison de sa politique de vente de missiles et de technologies, notamment à l'Iran et à la Syrie. La Corée du Nord a développé plusieurs types de missiles dérivés du Scud (Hwasong-5, No Dong de 1 000 km de portée, Taepo Dong 1 dont la portée est de 1 300 km). La Corée continuerait à travailler à la mise au point du Taepo Dong 2, missile dont la portée est estimée à 3 500 km.

· La prolifération des armes de destruction massive concerne aussi les armes chimiques et biologiques, dont la production est infiniment plus simple que celle des armes balistiques et nucléaires. Leur dissémination est également plus menaçante.

En 1993, la conclusion de la convention internationale d'interdiction des armes chimiques a représenté une étape importante dans la lutte contre la prolifération de ces armes.

Toutefois, le nombre d'Etats continuant à détenir, ouvertement ou clandestinement, des armes chimiques reste très important. Vingt-huit pays possèdent ou ont possédé l'arme chimique. Le Moyen-Orient est une zone à risques puisque l'Egypte, l'Irak, l'Iran, Israël et la Syrie en détiennent. En Asie, l'Inde, le Pakistan, la Birmanie, les deux Corées et la Chine sont également sur la liste des pays possesseurs.

Le problème soulevé par les armes chimiques concerne aussi bien le stock existant que le flux de production.

Le stock est particulièrement important en raison de l'ampleur du programme chimique soviétique. L'« héritage » de l'ex-URSS représente 40 000 tonnes d'agents chimiques, soit les deux tiers des stocks mondiaux.

À ces quantités considérables, dont le détournement est envisageable, s'ajoute la possibilité de produire de nouveaux agents. Les technologies sont d'accès facile, les usines chimiques civiles pouvant être de capacité duale. De plus, le nombre de scientifiques de haut niveau issus des programmes d'armement chimique soviétiques est de l'ordre de 3 500, contre 2 000 pour le domaine nucléaire. Le risque d'une fuite des cerveaux vers des Etats voulant accroître leur capacité chimique est donc réel.

Il en est de même pour les armes biologiques, le programme soviétique ayant laissé environ 7 000 spécialistes. Là encore, les stocks ex-soviétiques sont considérables et peu connus. Par ailleurs, en 1999, le Center for Nonproliferation studies (CNS) a recensé dix-neuf pays concernés par l'arme biologique, dont treize auraient encore des programmes actifs. Il s'agit de l'Algérie, la Chine, l'Egypte, l'Inde, l'Iran, l'Irak, Israël, la Libye, la Corée du Nord, la Russie, la Syrie, Taïwan et les Etats-Unis.

Si l'avantage tactique conféré par les armes biologiques en cas de conflit ouvert reste discutable, elles constituent des instruments de terreur contre les civils et les grands centres urbains. Leur emploi à grande échelle aurait un impact psychologique considérable et désorganiserait dans une très large mesure les services sanitaires. La facilité de transport et de dissémination des agents biologiques constitue donc une menace de premier plan, tout particulièrement en cas d'usage par des groupes terroristes.

B. UNE POLITIQUE DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE AUX OBJECTIFS AMBITIEUX

1. Une position internationale singulière

a) Une politique de souveraineté active

Au sein du concert des nations, la France tient une place singulière caractérisée par des ambitions élevées.

Comme le Président de la République l'a rappelé dans son discours du 8 juin 2001 devant l'institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), la politique française de sécurité et de défense est fondée sur le principe de l'« autonomie stratégique ». La France veut être souveraine dans les décisions internationales qu'elle prend. Nul, ennemi ou ami, ne doit pouvoir lui dicter sa conduite. Nul ne doit pouvoir menacer de peser sur sa sécurité pour lui imposer une décision.

La France ne refuse cependant pas d'être liée par des engagements internationaux. Elle en a souscrit de trois ordres. Les premiers relèvent du système de sécurité et de l'ordre juridique mondial. La France considère que la sécurité internationale ne doit pas être assurée par le seul jeu des rapports de force. Le principe d'autonomie stratégique n'a pas pour fonction de servir de base à une capacité d'action unilatérale. Au contraire, la France place le respect du droit au c_ur de sa démarche. C'est pourquoi son premier engagement est celui qu'elle a contracté au sein de l'Organisation des Nations Unies. La France place son action sous l'autorité de la Charte des Nations Unies. Pour elle, sont seules légitimes les actions armées menées dans le respect des dispositions de la Charte. Une action armée d'un pays doit donc soit relever de l'article 51 de la Charte, qui laisse aux Etats membres la liberté de mettre en _uvre les moyens nécessaires à leur défense ou à celle de leurs alliés, à leur demande, tant que le Conseil de sécurité n'a pas pris les dispositions visant à rétablir la paix et la sécurité internationales, soit découler d'une résolution du Conseil de sécurité, dont la France est membre permanent avec droit de veto. Cette position traditionnelle a trouvé récemment sa double application dans le soutien militaire que la France a apporté aux Etats-Unis dans leur lutte contre Al Quaeda en Afghanistan, et dans la résistance victorieuse qu'elle a opposée à ce même pays allié et ami pour conserver au seul Conseil de sécurité le pouvoir de décider d'une éventuelle intervention armée contre l'Irak. Cette position trouve aussi son application permanente dans le choix que la France fait de placer sous l'égide de l'Organisation des Nations Unies la négociation et la conclusion des traités multilatéraux de contrôle des armements auxquels elle est partie.

Le deuxième type d'engagement que la France a accepté de prendre est constitué par les alliances défensives. La France est membre de deux alliances défensives multilatérales conclues avec des Etats partageant ses valeurs : depuis 1949, de l'Organisation du Traité de l'Atlantique nord, l'OTAN, qui regroupe les Etats-Unis, le Canada et dix-sept pays d'Europe, en attendant un élargissement imminent, et, depuis 1948, de l'Union de l'Europe occidentale, qui regroupe désormais dix pays européens membres de l'OTAN. Elle a aussi conclu plusieurs accords de défense bilatéraux avec des Etats auxquels elle a accordé l'indépendance. Le Parlement français a ainsi autorisé la ratification d'accords de défense en bonne et due forme avec la République centrafricaine, le Gabon (en 1960), la Côte d'Ivoire (en 1961) et le Sénégal (en 1975), d'autres accords, inconnus du Parlement, étant de statut plus incertain.

Enfin, la France s'est engagée avec vigueur dans la construction de l'Union européenne. Etant l'un des pays les plus puissants de l'Union, avec le Royaume-Uni et l'Allemagne, elle y exerce un rôle d'impulsion fort et reconnu. En partie à l'instigation de la France, l'Union européenne a entrepris de développer une politique de sécurité et de défense commune.

La France assume ainsi des ambitions internationales considérables. Celles-ci demandent d'importants moyens. Il ne s'agit pas ici de ressources diplomatiques, mais bien de moyens militaires.

b) Une mise en _uvre exigeante

Pour être mise en _uvre, l'autonomie stratégique implique en pratique l'invulnérabilité de l'Etat qui la revendique. Ses centres de pouvoir ne doivent pas pouvoir être touchés sans risque de destruction pour l'agresseur. Ses circuits économiques, stratégiques, financiers ne doivent pas pouvoir être détruits, sa population ne doit pas pouvoir être menacée.

Vouloir qu'il ne puisse y avoir de règlement coercitif des conflits que par la décision de l'ONU, et plus précisément de son Conseil de sécurité, suppose aussi une capacité à mettre des forces au service des décisions de celui-ci. Un Etat qui veut mettre en _uvre une telle politique doit donc disposer d'une capacité réelle d'apport de forces à des opérations militaires à l'étranger décidées par l'ONU. Il n'y a d'alliance efficace que fondée sur une capacité d'activation victorieuse du recours aux armes des alliés. Des alliances crédibles supposent des forces en rapport avec la menace contre laquelle elles sont conclues. Enfin, une politique de sécurité et de défense commune aux Etats membres de l'Union européenne aura seulement la capacité d'action que lui donneront les forces que ces Etats y affecteront ensemble.

Les ambitions internationales de la France supposent donc des forces armées nombreuses, efficaces, puissantes et bien équipées, et cet équipement doit être adéquat.

Dans l'ancien contexte, caractérisé par la guerre froide et la lutte entre les deux blocs, la France avait su organiser les éléments de ses ambitions. Avec les pays occidentaux, elle avait conclu des alliances défensives, le traité de Bruxelles (UEO) et le traité de Washington (OTAN). Mais l'analyse de la menace, proche, massive, étatique, l'avait amenée à développer une réponse spécifique, une force nucléaire totalement indépendante, comportant au moins une composante invulnérable, la composante sous-marine. Cette force nucléaire était suffisante pour assurer l'ennemi d'une destruction à peu près totale en cas d'agression. Le développement de cette force avait permis à la France de quitter l'organisation militaire intégrée de l'OTAN, et donc de retrouver l'usage indépendant de ses forces armées classiques, qu'elle n'avait plus à équiper lourdement, les seules interventions que celles-ci étaient amenées à faire étant localisées dans les pays africains, où elles concouraient notamment à contenir les tentatives d'expansion du camp d'en face.

L'évolution des menaces a profondément modifié les conditions d'exercice par la France de son autonomie stratégique. L'ancien bloc ennemi a disparu. A sa place, le Conseil OTAN-Russie réunit sur un pied d'égalité la Russie et chacun des membres de l'OTAN, où les anciens alliés de l'URSS, voire sans doute bientôt d'anciennes républiques fédérées de l'URSS, voisinent avec les seize pays membres historiques de l'OTAN du temps de la guerre froide.

Inversement, la menace nucléaire se fait plus diffuse. Certains pays cherchent seulement à se doter de l'autonomie stratégique que l'arme nucléaire a donnée aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Tel est sans doute le cas de l'Inde. Mais la volonté politique d'autres Etats est moins claire. Quel but poursuivent l'Iran ou l'Irak ? Dans d'autres Etats, la question se pose de la main qui maîtrise l'arme nucléaire. Au Pakistan, est-on sûr qu'il s'agit du pouvoir politique ? Ne s'agit-il pas plutôt des forces armées ? Comment contenir un adversaire dont l'Etat est instable, et soumis à d'aussi fortes turbulences ?

La prolifération balistique, celle des vecteurs traditionnels de l'arme nucléaire, donne aussi des capacités de menace à des Etats plus nombreux. La prolifération nucléaire, chimique, biologique, leur permet de disposer d'armes à longue portée fortement destructrices, bien qu'elles ne soient pas dotées d'une capacité de destruction massive. Dans un tel cas, quelle doctrine de réponse formuler ?

De même, les menaces asymétriques constituent une donnée désormais structurelle du nouveau contexte international. Comment garantir l'autonomie stratégique face au terrorisme ? Comment protéger le pays d'une menace de destruction par le détournement de sa propre technologie, par exemple l'empoisonnement des réseaux d'eau potable par ses propres produits chimiques, ou la destruction d'une centrale nucléaire civile par un avion de ligne détourné ?

Le maintien de l'autonomie stratégique suppose donc la reformulation d'une doctrine et l'affectation de moyens.

2. L'affirmation de l'autonomie stratégique

a) Quel dispositif nucléaire pour la France ?

La question de l'utilité d'une force de dissuasion nucléaire pour faire face aux nouvelles menaces est la première qui vient à l'esprit. Face à la possibilité de frappes balistiques d'impact limité, face aux incertitudes sur l'identité des instances maîtresses du feu nucléaire dans certains pays, face aux menaces asymétriques, l'arme nucléaire, à laquelle la France consacre le cinquième de son effort de défense, est-elle encore une arme utile et adaptée ?

Lors de son discours précité du 8 juin 2001, le Président de la République a été très clair. « Imposant la retenue, incitant à la raison, la menace nucléaire crédible commande la paix. (...) Notre dissuasion garantit, en premier lieu, que la survie de la France ne sera jamais mise en cause par une puissance militaire majeure animée d'intentions hostiles et prête à recourir à tous les moyens pour les concrétiser. Alors même que des arsenaux considérables existent encore ou se développent dans diverses parties du monde, cette garantie reste pour nous fondamentale ».

Après avoir ainsi réaffirmé le caractère fondamental de la dissuasion nucléaire face à une menace étatique classique, le Président de la République a aussi évoqué le cas nouveau des menaces diffuses : « la dissuasion doit également nous permettre de faire face aux menaces que pourraient faire peser sur nos intérêts vitaux des puissances régionales dotées d'armes de destruction massive. J'évoquais tout à l'heure le développement par certains Etats de capacités balistiques qui pourraient leur donner les moyens, un jour, de menacer le territoire européen avec des armes nucléaires, biologique ou chimiques. S'ils étaient animés d'intentions hostiles à notre égard, les dirigeants de ces Etats doivent savoir qu'ils s'exposeraient à des dommages absolument inacceptables pour eux ».

Les nouvelles caractéristiques des menaces impliquent cependant une reformulation, même partielle, de la doctrine traditionnelle française, celle de la réponse du faible au fort. Le Président de la République a en effet ainsi poursuivi son propos : « Et dans ce cas, le choix ne serait pas entre l'anéantissement complet d'un pays ou l'inaction. Les dommages auxquels s'exposerait un éventuel agresseur s'exerceraient en priorité sur ses centres de pouvoir, politique, économique et militaire. Naturellement, par essence, l'arme nucléaire est différente et le monde l'a compris. Ce que j'affirme, devant vous, c'est que la France, fidèle à son concept de non-emploi, a, et conservera, les moyens de maintenir la crédibilité de sa dissuasion face à toutes les nouvelles menaces ».

Ces propos font apparaître une évolution en cours de la doctrine nucléaire de la France. Jusqu'ici, la question d'une réponse en quelque sorte « calibrée » en fonction de la sévérité de l'attaque ne faisait pas partie de la doctrine française. Lors de son audition par la commission, le chef d'état-major des armées, le général Henri Bentégeat a exposé que la doctrine nucléaire était en cours d'adaptation pour une meilleure adéquation aux nouvelles menaces.

Or, une telle doctrine d'emploi suppose la détention d'armes nucléaires à effet circonscrit. L'arme nucléaire ainsi décrite existe : c'est le missile ASMP-A (air-sol moyenne portée amélioré). Elle entrera en service en 2007. Pour que son usage obtienne l'effet recherché, un dispositif de guidage très précis est nécessaire. Un tel système existe aujourd'hui, c'est le GPS (global positioning system) ; il est entièrement sous contrôle américain. Dans le cadre de la doctrine exposée par le Président de la République, la conclusion s'impose : la préservation de l'autonomie stratégique impose désormais la maîtrise autonome d'un système de guidage de missiles de croisière d'une grande précision. De tels systèmes de navigation ont déjà été développés pour les avions de l'armée de l'air et les missiles de croisière. Fondé sur le GPS, le système dispose en outre d'une centrale à inertie et d'un dispositif de suivi de terrain qui permet à l'appareil de pallier soit la détérioration de son système de positionnement par rapport au GPS, soit la transmission d'informations GPS faussées ou dégradées. D'autres pistes sont bien sûr possibles. Le développement du système de positionnement européen Galileo en est une. L'utilisation d'un système de positionnement satellitaire pour un missile nucléaire suppose aussi une sécurisation accrue.

Le renforcement de la capacité de guidage des missiles nucléaires n'est pas le seul effort supplémentaire à faire pour garantir l'autonomie stratégique. Une frappe de précision suppose de connaître la localisation précise des équipements à frapper. Le développement des capacités de renseignement d'origine spatiale est donc indispensable. Ainsi, si la Corée du Nord a récemment admis qu'elle avait développé un programme nucléaire et balistique, nombre des éléments de celui-ci étaient déjà connus des autorités françaises, l'observation satellitaire ayant permis de voir régulièrement progresser la construction de ce qui ne pouvait être qu'un pas de tir balistique. D'autres pays, dont le nom ne peut être cité puisqu'ils protestent de leur bonne foi, font aussi l'objet d'un tel suivi.

Le maintien de l'autonomie stratégique implique ainsi le développement d'un effort non seulement de perpétuation de l'arme nucléaire et de diversification de ses vecteurs, mais d'amélioration des systèmes de positionnement et de guidage de ceux-ci et de développement des systèmes de renseignement, notamment spatial.

Lors de son audition par la commission, le secrétaire général de la défense nationale, M. Jean-Claude Mallet, a retracé les éléments désormais nécessaires à l'autonomie stratégique. « La réaffirmation de l'autonomie stratégique implique un renforcement de nos capacités dans le domaine du renseignement et du commandement, auxquels s'ajoutent désormais la lutte contre les attaques des systèmes informatiques et la fonction de sécurité du système de navigation par satellite Galileo ; ces capacités sont indispensables à l'autonomie stratégique. Celle-ci nécessite également des développements spécifiques dans le domaine de la dissuasion. (...) L'émergence de nouveaux risques liés à l'existence de puissances régionales dotées d'armes de destruction massive qui menaceraient nos intérêts vitaux est prise en compte par l'adaptation de la doctrine publique et la modernisation des composantes balistique et aéroportée. »

b) La protection contre la menace terroriste

Ce programme d'équipement déjà très important laisse cependant de côté la protection contre les menaces dites asymétriques, notamment les menaces terroristes. Comment dissuader un groupe terroriste, dont la méthode d'action est de se dissimuler dans un Etat ami, au sein de sa population, voire au sein même de l'espace du pays qu'il entend attaquer ? Les terroristes qui ont frappé le 11 septembre 2001 étaient tous résidents en règle des Etats-Unis. Nul ne prétend que la dissuasion puisse avoir dans ce domaine la moindre efficacité.

Un effort doit d'abord être fait en matière de renseignement satellitaire et aérien, pour repérer dispositifs suspects et camps d'entraînement clandestins ; mais le renseignement humain est indispensable. Contre les menaces asymétriques, il constitue l'arme de prévention indispensable. Le secrétaire général de la défense nationale, M. Jean-Claude Mallet, a ainsi indiqué que les services de renseignement « ont permis ces dernières années le démantèlement de réseaux terroristes structurés qui projetaient de commettre des attentats sur le territoire national ».

Le caractère diffus des menaces implique aussi un effort permanent d'orientation de l'action des services de renseignement. Un pilotage continu de leur action, quel que soit leur ministère de rattachement, doit être assuré, de façon à tirer le meilleur profit d'un dispositif qui constitue aujourd'hui un outil reconnu par les partenaires étrangers de la France.

Enfin, le caractère diffus de la menace fait également de la protection l'un des éléments de garantie de l'autonomie stratégique. Le développement du recours aux forces armées pour des opérations sur le sol national, par exemple pour l'application du plan Vigipirate, la création pour désigner cette nouvelle tâche d'une expression nouvelle, celle d'« OPINT » (pour « opérations intérieures » par symétrie avec les « opérations extérieures ») montrent le poids de plus en plus important des actions de protection. Il en est de même de l'accent nouveau mis par la marine sur la surveillance des approches maritimes et par l'armée de l'air sur le contrôle et la protection de l'espace aérien.

L'importance de cette mission requiert la mobilisation de nouveaux moyens, qu'il s'agisse du développement ou de l'amélioration des systèmes d'armes qui lui sont consacrés par les armées, ou encore de l'accroissement des effectifs des forces de maintien de l'ordre, dont la gendarmerie, pour assurer un maillage du territoire national plus en rapport avec le développement de la menace.

3. Les exigences de l'action extérieure

a) Une armée professionnelle bien équipée

L'autonomie stratégique recherchée par la France n'a pas seulement pour objet la recherche de la sécurité immédiate de ses citoyens. Pour assurer cette sécurité, la France a l'ambition de travailler continûment à ce que son environnement et celui de ses alliés soit aussi pacifique que possible, à ce que la menace soit lointaine et réduite. Cette ambition suppose une diplomatie active, aux ramifications étendues, apte à analyser très en amont les facteurs de crises et à agir pour en désamorcer les prémisses. En cas de crise ouverte, mais localisée, l'ambition de la France suppose qu'elle puisse mettre à la disposition du Conseil de sécurité des forces d'interposition suffisamment puissantes pour que chacune des parties prenne conscience que l'usage de la force vive est voué à l'échec. En cas de menace ou d'action grave, pour laquelle la réponse nucléaire ne serait pas adaptée, elle doit être en situation de faire parler les armes, et de vaincre clairement et rapidement.

Autrement dit, pour mettre en _uvre ses ambitions, la France doit disposer d'une force armée solide, forte, efficace, réactive et bien équipée. Une force armée capable d'intervenir efficacement à l'étranger est la condition d'une action diplomatique de sécurité et de défense efficace. Le format et l'efficacité de cette force déterminent les capacités d'action de la politique internationale de la sécurité et de défense de la France.

La France entretient déjà des forces à l'étranger pour la résolution de crises ouvertes, en application de résolutions du Conseil de sécurité. En 2002, elle a eu plus de 13 500 militaires en opérations extérieures. La quasi-totalité d'entre eux, 12 000 environ, a constitué la contribution française à des opérations en coalition sur trois théâtres, la Bosnie-Herzégovine (2 500 militaires français environ), le Kosovo (5 300) et l'Afghanistan (4 200), les 1 500 autres militaires étant affectés soit à de petites opérations multilatérales ou bilatérales, soit à la participation de la France aux opérations de moindre intensité confiées par le Conseil de sécurité au département des opérations de maintien de la paix de l'ONU.

Ces effectifs s'ajoutent aux forces que la France entretient dans cinq pays africains (Sénégal, Côte d'Ivoire, Gabon, Tchad et Djibouti) pour l'exécution d'accords de défense. On peut y ajouter les forces présentes dans les départements ou territoires français d'outre-mer : stationnées au titre de l'affirmation de la souveraineté de la France sur son sol et de la protection des citoyens français, ces forces sont aussi à pied d'_uvre pour d'éventuelles opérations de coopération militaire ou d'interventions notamment d'ordre humanitaire.

La recherche d'une telle capacité d'action a évidemment des conséquences sur le format et les caractéristiques des forces armées nécessaires. L'action à l'extérieur ne doit pas dégarnir la protection du territoire national, pour laquelle les forces armées peuvent être mobilisées. De plus, tout envoi durable de forces à l'étranger suppose des relèves. L'armée française doit donc être assez nombreuse pour que son action à l'étranger ne désorganise pas le dispositif de protection du territoire et reste compatible avec une vie normale du personnel. Elle nécessite aussi des militaires expérimentés. Indépendamment des opérations de combat proprement dites, l'action en opération extérieure s'exerce souvent dans des conditions tendues, difficiles. Les forces peuvent être amenées à faire face à des foules, donc des civils, comportant cependant des éléments armés, et pouvant brusquement devenir hostiles. Cela suppose une armée formée de militaires aguerris, donc une armée professionnelle.

Une armée professionnelle d'un format permettant l'organisation de l'envoi durable de forces aguerries et bien équipée à l'étranger sans dégarnir la protection du territoire est ainsi l'une des conditions indispensable pour la réalisation des ambitions internationales de la France. Une armée de conscription ne serait pas l'outil adapté de cette ambition.

Cette armée professionnelle doit disposer des équipements et de l'organisation destinés à assurer à la fois sa protection et sa capacité d'action. Les forces déployées doivent disposer sur place de moyens de renseignement et d'appréciation de la situation, de centres opérationnels et de systèmes de défense, notamment contre la menace sol-air. Cette armée professionnelle doit disposer de moyens de frappe, terrestres, maritimes et aériens. Elle doit enfin disposer des capacités de projection qui lui permettent d'intervenir : capacité de ravitaillement en vol pour les avions de supériorité aérienne et de bombardement, avions de transport au gabarit suffisant pour l'emport des matériels nécessaires à l'intervention des premiers échelons, navires armés pour des interventions à partir de la côte.

b) Le choix d'une capacité d'intervention solide

Cette capacité d'intervention a été précisée par le rapport annexé au projet de loi de programmation militaire. On en reprendra ici mot à mot les termes.

Pour l'armée de terre, il s'agit de pouvoir engager :

· soit jusqu'à 20 000 hommes, simultanément et sans limitation de durée sur plusieurs théâtres, que ce soit dans le cas d'une opération nationale (1 000 à 5 000 hommes) ou dans celui d'une opération européenne (12 à 15 000 hommes). Ce niveau peut être porté jusqu'à 26 000 pour une période limitée à une année, pour tenir compte d'un taux d'activité moyen des unités n'excédant pas quatre mois de déploiement par an ;

· soit plus de 50 000 hommes, sans relève, pour prendre part à un conflit majeur dans le cadre de l'Alliance atlantique.

Pour la marine, il s'agit de pouvoir engager une force navale comprenant le groupe aéronaval et son accompagnement, un groupe amphibie capable de projeter un groupement de type blindé léger de 1 400 hommes, ainsi que des sous-marins nucléaires d'attaque.

Pour l'armée de l'air, il s'agit de pouvoir engager une force aérienne de combat constituée d'une centaine d'avions de combat (dont soixante-quinze peuvent être engagés dans une opération européenne) et les ravitailleurs associés, un groupe de transport capable de projeter 1 500 hommes à 5 000 kilomètres en trois jours, ainsi que les moyens de commandement, de conduite, de détection et de contrôle aérien, et les bases aériennes nécessaires.

Pour la gendarmerie en application des décisions des Conseils européens en matière de développement de capacités de police, un contingent d'un volume de 600 gendarmes peut être engagé à l'extérieur des frontières dans des opérations de soutien et de rétablissement de la paix, ainsi que les éléments spécialisés et d'accompagnement des forces.

C. UNE AMBITION QUI S'INSÈRE DANS LA CONSTRUCTION DE L'EUROPE DE LA DÉFENSE

1. L'émergence de l'Europe de la défense

La France a aussi parmi ses objectifs politiques majeurs la création d'une dimension de défense de l'Union européenne.

Les Etats fondateurs de la Communauté, puis de l'Union européenne, ont d'abord eu pour volonté d'assurer leur prospérité interne, la sécurité étant considérée par la plupart d'entre eux comme relevant d'abord de l'OTAN.

Toutefois, la volonté d'unification politique des Etats membres de l'Union européenne devait tôt ou tard rencontrer la question de l'organisation du rayonnement politique de l'Union européenne. Une politique internationale commune était-elle possible ? Un usage commun des forces armées ? Une défense commune ?

Les premiers éléments de l'affirmation de l'Union européenne dans ce domaine sont récents puisque les termes de « politique étrangère » ou de « défense » européenne, apparaissent pour la première fois dans le texte du traité de Maastricht, en 1992, sans que pour autant les voies et moyens d'une politique de sécurité commune soient véritablement précisés.

Les obstacles au développement d'une dimension de sécurité et de défense de l'Union européenne étaient nombreux : l'existence de l'OTAN, au sein de laquelle l'essentiel des forces militaires des pays membres de l'Union européenne était intégré ; la présence au sein de l'Union de quatre pays neutres sans alliance de défense, l'Irlande, la Suède, la Finlande et l'Autriche. Les conceptions très différentes de pays aux dimensions et aux traditions très disparates allaient jusqu'à empêcher une définition commune de ce qu'est une politique étrangère. Enfin, l'existence d'un accord défensif entre certains des pays de l'Union, l'UEO, venait encore perturber la donne.

L'idée d'une Europe de la défense a cependant progressé. Plusieurs facteurs y ont concouru, et continuent d'y concourir.

Le premier tient sans doute aux répercussions de la disparition du bloc soviétique. Celle-ci a eu deux conséquences, la disparition de la menace massive à l'est et le développement de conflits internes, fondés sur l'identité nationale, au sein des anciens pays socialistes. Les conflits liés à l'éclatement de l'ancienne Yougoslavie fédérale ont même imposé l'intervention de forces d'interposition européennes, d'abord sous l'autorité de l'ONU, puis, après l'échec de celle-ci, consacré lors de l'affaire de Srebrenica, sous la conduite de l'OTAN.

Cependant, ce n'est pas l'organisation intégrée qui est alors intervenue. Celle-ci était organisée pour répondre avec une grande réactivité à une attaque massive venant de l'est, et non pour fournir des contingents à une opération intense de maintien de la paix. Le dispositif de maintien de la paix en Bosnie-Herzégovine (l'IFOR, puis la SFOR) fut constitué comme une opération spécifique à partir de contingents nationaux. Eu égard à son expérience et à ses capacités militaires, la France, non membre de l'organisation militaire intégrée, y tint dès le départ une place importante. Pour la conduite de ces opérations, se mirent ainsi en place des mécanismes de fonctionnement qui ne devaient rien à ceux de l'organisation intégrée. Dans l'organisation des forces de maintien de la paix, le poids de chaque Etat dépend de la contribution qu'il apporte. Les Etats sans grandes capacités d'apport ne peuvent guère peser sur les décisions opérationnelles.

En même temps, les relations transatlantiques se sont trouvé marquées par l'évolution de la politique américaine. Les Etats-Unis ont d'abord entrepris de demander à leurs alliés un développement de leur effort de défense. En même temps, ils ont progressivement fait évoluer leur doctrine internationale. Celle-ci est de plus en plus marquée par l'unilatéralisme. Lors de son audition par la commission, M. Michel Barnier, commissaire européen et président du groupe de travail sur la défense de la Convention sur l'avenir de l'Europe, a indiqué que « notre partenariat transatlantique n'a plus le même contenu depuis le 11 septembre 2001, la sécurité de l'Europe n'étant plus autant une priorité pour les Etats-Unis » et a même parlé de « désengagement américain ». Il a ainsi fait remarquer qu'aujourd'hui, pour 9 000 soldats américains déployés dans les Balkans, il y a 40 000 soldats européens.

L'ensemble de ces facteurs, dynamisme de l'Union européenne, changement de la situation militaire et de sécurité en Europe, désengagement américain, a abouti à l'émergence d'une Europe de la sécurité et de la défense.

2. Un dispositif de sécurité et de défense en ordre de marche ?

a) Les institutions de l'Europe de la défense

L'Europe de la défense est une Europe de la sécurité avant d'être une Europe de la défense. Son texte fondateur est le traité d'Amsterdam, signé le 2 octobre 1997. L'article 17 du traité sur l'Union européenne, tel qu'issu de ce traité, stipule que : « La politique étrangère et de sécurité commune inclut l'ensemble des questions relatives à la sécurité de l'Union, y compris la définition progressive d'une politique de défense commune, conformément au deuxième alinéa, qui pourrait conduire à une défense commune, si le Conseil européen en décide ainsi. »

Cependant, par le traité d'Amsterdam, à défaut de se doter d'une défense commune, l'Union européenne s'est bien attribué la capacité de mener des opérations militaires communes pour des missions de maintien de la paix, d'imposition de la paix ou de rétablissement de la paix. Ces missions sont connues aussi sous le nom de « missions de Petersberg ».

Pour la réalisation de ces missions, la mise en place des institutions de l'Europe de la sécurité et de la défense est aujourd'hui effective.

Le traité d'Amsterdam a établi un mécanisme permettant de mettre en _uvre les décisions dans ce nouveau domaine de compétence. Les décisions créant les opérations doivent être prises à l'unanimité. Cependant, les abstentions n'empêchent pas l'adoption de la décision. Par ailleurs, est introduit le mécanisme de « l'abstention constructive ». Un pays peut accompagner son abstention d'une déclaration formelle. « Dans ce cas », prévoit le traité, « il n'est pas tenu d'appliquer la décision, mais il accepte que la décision engage l'Union européenne ». Une telle décision peut être ainsi prise par les deux tiers des voix pondérées seulement, auquel cas bien sûr elle ne sera appliquée que par les seuls membres du tiers restant dont l'abstention a été une abstention simple.

Pour préparer les décisions et conduire les opérations, l'Union européenne s'est dotée, à l'instar de l'OTAN, d'un secrétaire général chargé de la politique européenne de sécurité et de défense, d'un comité politique, d'un comité militaire, et d'un état-major.

Le traité d'Amsterdam a attribué au secrétaire général du Conseil les fonctions de haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune. Il a aussi créé auprès de lui une unité de planification et d'alerte rapide (UPPAR). L'UPPAR a pour principales missions des fonctions d'analyse et de prévision, de suivi et d'aide à la décision.

Le comité politique, dénommé comité politique et de sécurité (COPS), est, en quelque sorte, l'équivalent pour l'Union européenne de ce que sont pour l'OTAN le conseil de l'Atlantique Nord et le comité des plans de défense. Il est composé de quinze représentants nationaux de haut niveau (ambassadeurs) et il est normalement présidé par la présidence en exercice de l'Union, mais peut aussi l'être par le secrétaire général. De façon générale, le COPS « suit la situation internationale dans les domaines relevant de la politique étrangère et de sécurité commune, contribue à la définition des politiques, en émettant des avis à l'intention du Conseil, à la demande de celui-ci ou de sa propre initiative et surveille la mise en _uvre des politiques convenues ». En cas de crise, le COPS « exerce, sous la responsabilité du Conseil, le contrôle politique et la direction stratégique des opérations de gestion de crise ». Au cas où une réponse militaire à la crise est décidée, le COPS exerce, sous l'autorité du Conseil, « le contrôle politique et la direction stratégique » de cette réponse.

Le comité militaire de l'Union européenne (CMUE) est l'organe militaire le plus élevé de l'Union européenne. A l'exemple du comité militaire de l'OTAN, il est composé des chefs d'état-major des armées, représentés par leurs délégués militaires (REPMIL). Ses avis militaires sont arrêtés sur la base du consensus. Il exerce la direction militaire de toutes les activités militaires dans le cadre de l'Union européenne. Il est chargé de fournir au COPS des recommandations et des avis militaires sur toutes les questions militaires au sein de l'Union européenne. En cours d'opération, le CMUE surveille les opérations militaires menées sous la responsabilité du commandant de l'opération et en suit la bonne exécution.

L'état-major de l'Union européenne est composé de 135 experts militaires, détachés des Etats membres. Il élabore les options militaires stratégiques nécessaires à la formulation des avis militaires du comité militaire et du COPS et met ensuite en _uvre les politiques et décisions du Conseil selon les directives du comité militaire. Ses fonctions opérationnelles principales en cas de crise sont l'alerte, l'évaluation des situations et, si une action militaire est décidée, la planification stratégique de celle-ci, y compris l'identification des forces européennes, nationales et multinationales.

b) Des forces identifiées et organisées

Une capacité de décision n'est rien sans forces d'intervention. L'Union européenne a commencé à se doter de telles forces.

Au Conseil européen d'Helsinki, les 10 et 11 décembre 1999, les Quinze se sont engagés à « être en mesure, d'ici 2003, de déployer dans un délai de 60 jours et de soutenir pendant au moins une année des forces militaires pouvant atteindre 50 000 à 60 000 personnes », « dans le cadre d'opérations dirigées par l'Union européenne ». Cet « objectif global » a pour but de permettre à l'Union d'assurer l'ensemble des missions consenties dans le cadre du traité d'Amsterdam.

A cet effet, ont été tenues le 20 novembre 2000, à Bruxelles, une conférence d'engagement des capacités et, le 19 novembre 2001, à Laeken, une conférence d'amélioration des capacités. Ces conférences ont permis d'identifier dans un « catalogue de capacités » les capacités militaires nécessaires à la mise en _uvre de l'objectif d'Helsinki, puis de récapituler dans un « catalogue de forces » les contributions volontaires des Etats membres, sur la base de capacités nationales et multinationales existantes. Ce catalogue constitue un potentiel de 100 000 hommes, 400 avions de combat, 100 bâtiments, et comprend des contributions additionnelles des Etats tiers.

Cette constatation n'a cependant pas empêché de repérer des lacunes ou insuffisances entre forces disponibles et capacités souhaitées. Ces lacunes concernent les moyens de commandement et de renseignement, le transport aérien et maritime, les hélicoptères d'attaque. Pour y remédier, les quinze pays membres de l'Union européenne ont engagé un plan d'action. Ce plan d'action européen sur les capacités (PAEC ou ECAP) a été lancé le 11 février 2002 à Bruxelles. Désormais, 18 groupes couvrent, totalement ou partiellement, 24 des 40 domaines déficitaires par rapport à l'objectif global. Les groupes ont pour mission, chacun pour la capacité dont il a la charge, d'affiner l'expression d'un besoin opérationnel commun, de recenser les moyens existants et les projets en cours, d'identifier les collaborations potentielles, de lancer ou d'étendre des coopérations sur des programmes futurs et enfin d'imaginer toute autre forme de solution commune, quantitative ou qualitative, susceptible de combler le déficit capacitaire constaté. Les groupes doivent rendre leurs rapports sur les différentes capacités à partir de septembre 2002.

3. La recherche de missions opérationnelles

La politique européenne de sécurité et de défense (PESD) étant désormais opérationnelle, l'Europe a vocation à décider et conduire des missions dans le spectre de Petersberg.

Par l'action commune 210/02/PESC, l'Union européenne a décidé le 11 mars 2002 de créer une mission de police de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine à partir du 1er janvier 2003, pour prendre la suite du groupe international de police (GIP), la mission de police déployée sous l'égide des Nations Unies jusqu'au 31 décembre 2002. Elle sera la première opération politique européenne de sécurité et de défense de l'Union en tant que telle. Cette mission comportera 476 policiers et gendarmes, non armés, chargés d'aider la Bosnie-Herzégovine à établir des dispositifs de police durables, conformément aux meilleures pratiques européennes et internationales.

Des missions de plus haute intensité militaire sont recherchées. Les Conseils européens de Barcelone (15-16 mars 2002) et de Séville (21-22 juin 2002) ont exprimé la volonté que l'Union européenne assure la relève de l'OTAN en Macédoine.

Cette mission, qui de l'avis général est tout à fait à la portée de l'Union européenne, butte cependant sur le point sensible des relations avec l'OTAN. En effet, il a été admis entre l'Union européenne et l'OTAN que l'Union européenne interviendrait « là où l'Alliance en tant que telle n'est pas engagée », formule qui prend acte de la non-duplication inutile avec les opérations conduites par l'OTAN, sans accorder de droit de premier refus à cette dernière. Par ailleurs, les pays européens, en accord avec les décisions du sommet de Washington de l'Alliance atlantique en avril 1999, sont aussi convenus entre eux que, pour la conduite d'opérations de gestion de crise, deux voies seraient possibles. Le première est le recours à des moyens uniquement européens ; dans ce cas l'opération est planifiée et commandée par l'état-major d'un Etat membre disposant de ces capacités, actuellement la France ou le Royaume-Uni, et prochainement l'Allemagne. La seconde est le recours aux moyens de l'OTAN. Dans ce cas, l'opération serait planifiée et exécutée par des états-majors de l'OTAN et commandée par l'adjoint européen du SACEUR (Supreme Allied Commander Europe). Certains moyens collectifs (avions de reconnaissance Awacs notamment) seraient aussi utilisés. Cette seconde voie est celle des dispositions dites « Berlin plus ».

Certains pays de l'Union européenne, craignant le relâchement du lien atlantique, ne veulent pas que l'Union européenne conduise des actions autonomes avant d'avoir conclu un accord avec l'OTAN sur le recours aux moyens de celle-ci. Techniquement, cet accord serait facile à élaborer. Mais la Turquie, incluse jusqu'ici dans le processus décisionnel de l'UEO, refuse d'en permettre la conclusion, sauf à se voir attribuer dans le processus décisionnel de la PESD le même rôle qu'à l'UEO.

Tant que le blocage perdure, il interdit tout contact entre l'état-major de l'Union européenne et les états-majors de l'OTAN pour la planification militaire de cette opération.

4. Les ambitions de la France pour l'Europe de la défense

La France est l'un des Etats moteurs du développement de l'Europe de la défense. Elle est aussi l'un des pays à la fois les plus libres par rapport à l'organisation militaire intégrée de l'OTAN, dont elle n'est pas membre, et, de par son expérience des missions conduites avec l'OTAN, l'un des plus aptes à utiliser les nouveaux mécanismes militaires institués. Enfin, une capacité militaire organisée donne aux Etats de l'Union européenne une capacité d'intervention très supérieure à celle de chacun pris séparément. La France ne voit donc qu'avantage à cette possibilité de démultiplication.

Notre pays a donc pris une part très importante au lancement du chantier de l'Europe de la défense, en participant pour 20 % environ de l'objectif global, soit 12 000 militaires, une centaine d'avions de combat, 12 bâtiments. Au-delà de l'aspect quantitatif, la qualité et la cohérence des forces mises à disposition montrent la profondeur de son adhésion au processus. Au contraire de bien d'autres Etats membres, la France a la capacité de mettre en oeuvre les moyens de commandement, de renseignement et de frappe indispensables à la conduite d'une opération importante. Sa participation à une opération pourra ainsi prendre la forme d'un PC de commandement avec son état-major, d'un centre de commandement aérien, d'un Awacs, d'un PC mer embarqué, d'avions de reconnaissance stratégique (quatre sur les neuf demandés par le catalogue de capacités), de bataillons d'infanterie aéromobile, d'un groupe aéronaval.

Les forces autrefois mises en place dans un cadre institutionnel pour renforcer l'UEO sont également inscrites à titre national, en coopération avec les autres pays participants, au catalogue des forces. En font partie le corps européen, qui va devenir corps de réaction rapide de l'Union européenne, qui rassemble 60 000 militaires français, allemands, espagnols et luxembourgeois, et comporte un état-major de 948 personnes, ainsi que les « euroforces » créées par la France, l'Espagne, l'Italie et le Portugal (l'Eurofor terrestre et l'Euromarfor maritime). La France pilote quatre groupes du processus ECAP et participe à tous les autres.

Une telle ambition nécessite un effort supplémentaire par rapport à la situation actuelle. Il faudra notamment, pour assurer la conduite d'opérations de grande ampleur, des moyens de commandement supérieurs aux moyens actuels. C'est ainsi que, pour prendre le commandement d'une telle opération, la France a procédé au regroupement des moyens du centre d'opération interarmées (COIA) et de l'état-major interarmées de planification opérationnelle (EMIA) en un seul centre de commandement, le centre de planification et de contrôle des opérations (CPCO). Cet état-major pourra intégrer, à l'exemple des grands états-majors de l'OTAN, des officiers d'autres pays participant à une opération. Ce positionnement de la France implique à la fois que son armée soit, dans tous les domaines, au meilleur niveau des armées européennes, et qu'elle dispose de compétences et de moyens de commandement, d'observation et de transmission en quantité et d'une qualité telles que sa capacité à diriger les opérations les plus difficiles et les plus importantes ne puisse être contestée. L'effort là aussi est important.

Concluant sur la dissuasion lors de son dicours du 8 juin 2001, le Président de la République a déclaré : « Enfin, notre dissuasion nucléaire doit aussi, c'est le v_u de la France, contribuer à la sécurité de l'Europe. Elle participe ainsi à la capacité globale de dissuasion que peuvent exercer, ensemble, les démocraties réunies par le traité de sécurité collective conclu, il y a plus de cinquante ans, entre l'Europe, les Etats-Unis et le Canada ».

« En tout état de cause, il revient au Président de la République d'apprécier, dans une situation donnée, l'atteinte qui serait portée à nos intérêts vitaux. Cette appréciation tiendrait compte naturellement de la solidarité croissante des pays de l'Union européenne. »

Ainsi, au-delà de la volonté de doter l'Union européenne, quand elle s'exprime uniment, d'une capacité d'intervention politique et militaire à la mesure de ses capacités diplomatiques et de sa puissance économique, la France a bien pour ambition de lui faire partager son autonomie stratégique.

D. UN EFFORT FINANCIER IMPORTANT ET RATIONNEL

1. Des crédits de nouveau cohérents avec le modèle d'armée 2015

a) Un effort initial indispensable

Pour la réalisation des ambitions ci-dessus décrites, le présent projet de loi programme un effort financier important. Le c_ur de cet effort est constitué par le montant annuel des crédits de paiement pour les dépenses d'équipement. Il est défini par l'article 2 du projet de loi :

« Les crédits de paiement afférents aux dépenses en capital, inscrits en loi de finances initiale du ministère de la défense pour les titres V et VI, s'élèveront, en moyenne annuelle sur la durée de la loi de programmation, à 14,64 milliards d'euros 2003.

« Les crédits de paiement évolueront sur la période couverte par la présente loi ainsi qu'il suit :

2003

2004

2005

2006

2007

2008

13,65

14,60

14,72

14,84

14,96

15,08

« A ces crédits s'ajoutent, pour la gendarmerie nationale, ceux que prévoit la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.

« Ces crédits seront actualisés à compter de 2004 par application de l'indice des prix à la consommation hors tabac retenu par la loi de finances pour chacune des années considérées. »

Ces montants doivent d'abord être comparés aux crédits prévus par le précédent gouvernement, dans le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 déposé le 31 juillet 2001 (n° 3255).

L'article 2 du projet, qui provisionnait ces crédits, était ainsi rédigé : « les dépenses en capital en autorisations de programme et en crédits de paiement, inscrites dans la loi de finances initiale du ministère de la défense pour les titres V et VI, s'élèveront, en moyenne annuelle sur la durée de la loi de programmation, à 13,34 milliards d'euros constants, exprimés en euros 2000. Elles suivront, à compter de 2003, un rythme de progression de 0,8 %.

« Ces crédits seront actualisés chaque année par application de l'indice des prix à la consommation hors tabac retenu par la loi de finances pour chacune des années considérées. »

La prise en compte de l'évolution de l'inflation entre décembre 2000 et septembre 2002, mesurée par l'INSEE, fait apparaître que 13,34 milliards d'euros 2000 correspondent à 13,75 milliards d'euros d'aujourd'hui.

Par ailleurs, l'article 2 du projet de loi de programmation militaire précise qu'aux crédits d'équipement qu'il prévoit « s'ajoutent, pour la gendarmerie nationale, ceux que prévoit la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) ». Aux termes de l'avis de M. Alain Moyne-Bressand sur la LOPSI (5), ces crédits se monteraient à 95 millions d'euros par an environ pendant les cinq années de la LOPSI. De ce fait, les crédits d'équipement prévus par la loi de programmation militaire sont pour 2003, en tenant compte de la LOPSI, du même montant que ceux prévus par le projet de loi déposé par le Gouvernement précédent. Ce montant avait fait l'objet d'un accord entre le Gouvernement d'alors et le Président de la République. Il correspondait selon ce dernier au minimum envisageable pour la réalisation du modèle d'armée 2015.

b) Une progression ultérieure forte et justifiée

A la différence du projet de loi de programmation déposé par le précédent gouvernement, le présent projet de loi prévoit une progression annuelle des crédits pendant la période. Cette progression, en euros 2003, est de près d'un milliard d'euros entre 2003 et 2004. Elle est ensuite de 120 millions d'euros chaque année, les crédits atteignent 15,08 milliards d'euros en 2008. En euros 2003, l'annuité moyenne de dépenses en capital entre 2003 et 2008 est ainsi de 14,64 milliards d'euros, soit, en tenant compte des crédits de la LOPSI, d'un milliard d'euros supplémentaires chaque année par rapport au projet de loi du gouvernement précédent. L'annuité moyenne est ainsi de 7 % supérieure à celle du minimum requis pour tenter de réaliser le modèle 2015.

Surtout, l'annuité moyenne rejoint le montant annuel moyen des crédits initialement prévus pour la programmation 1997-2002. La loi promulguée le 2 juillet 1996 prévoyait que les dépenses en capital inscrites chaque année en loi de finances initiale s'élèveraient au cours de chacune des années de programmation à 86 milliards de francs 1995, actualisés chaque année en fonction de l'indice des prix à la consommation hors tabac. Or, aux termes du rapport au Parlement sur l'exécution de la loi de programmation 1997-2002, 86 milliards de francs 1995 équivalent à 14,27 milliards d'euros 2002.

Les montants de 13,65 milliards d'euros inscrits pour l'année 2003 correspondent exactement à l'enveloppe annuelle prévue pour les années 1999-2002 par la revue des programmes effectuée en 1998. Aux termes du rapport précité, le montant de celle-ci, de 85 milliards de francs 1998, correspond à 13,60 millions d'euros 2002.

Les crédits d'équipement prévus par le projet de loi de programmation militaire n'ont ainsi rien d'extravagant. Les deux éléments de comparaison que sont la revue des programmes de 1998 et le projet de loi de programmation pour les années 2003-2008 présenté par le précédent gouvernement montrent que la première annuité correspond bien au strict minimum nécessaire pour réaliser convenablement le modèle d'armée 2015. Le troisième élément de comparaison qu'est la loi de programmation militaire 1997-2002 montre que l'annuité moyenne prévue pour les années 2003-2008 s'inscrit dans la continuité de la loi de programmation militaire 1997-2002, première des trois lois de programmation militaire prévues pour la réalisation du modèle d'armée 2015, et qu'elle correspond donc au volume de crédits raisonnablement nécessaire pour réaliser de façon solide ce modèle d'armée.

2. Des perspectives de réalisation solides

a) L'exécution défectueuse de la loi de programmation militaire pour les années 1997 à 2002

· S'il s'inscrit dans la réalisation du modèle d'armée 2015, le projet de loi de programmation militaire comporte cependant aussi de meilleurs éléments de solidité que la loi précédente. L'inconfort dont pâtissent aujourd'hui nos armées en matière d'équipement et d'entraînement, qu'il s'agisse de l'entretien des matériels, de la vétusté de certains d'entre eux, ou de l'insuffisance en nombre de certains autres, tient non pas à des budgets prévisionnels insuffisants, mais à la non exécution partielle de la loi de programmation militaire 1997-2002, et même de la revue des programmes de 1998, par les budgets annuels.

taux de couverture de la loi de programmation militaire 1997-2002
corrigée par la revue des programmes par les lois de finances initiales

(en crédits de paiement)

1997

1998

1999*

2000

2001

2002

1997-2002

Taux de couverture

100,1

90,9

100,7

95,6

94,6

90,2

95,3

* A partir de 1999 les annuités LPM sont celles prévues au titre de la revue des programmes de 1998.
Source : ministère de la défense

Dès 1998, le taux de couverture n'est que de 91 %. La revue des programmes, qui diminue de 5 % environ l'enveloppe annuelle, n'est respectée qu'une fois, en 1999. Dès 2000, l'écart se creuse de nouveau ; les crédits d'équipement alloués chaque année tendent obstinément à se fixer au niveau de 1998, c'est-à-dire un peu en-dessous de 13 milliards d'euros, moins encore en 2002.

Ainsi, le déficit en ressources votées sur la période est de 3,775 milliards d'euros pour les crédits de paiement par rapport à la loi de programmation militaire 1997-2002 corrigée par la revue des programmes.

· De plus, ces montants déjà réduits sont eux-mêmes encore diminués.

Ils le sont d'abord par l'inscription au budget d'équipement de la défense de crédits qui ne le concernent qu'en termes purement rhétoriques. La recherche scientifique comporte des éléments duaux, qui peuvent avoir des développements civils aussi bien que militaires. Nul ne le conteste. Fallait-il en conclure que chaque année, le budget d'équipement de la défense devrait comporter une participation au budget civil de recherche et de développement (BCRD), pour des travaux sur lesquels la défense n'avait aucune maîtrise ? Hors de toute référence à la loi de programmation militaire 1997-2002, c'est pourtant ce qui a été fait chaque année, la contribution de la défense au BCRD ayant régulièrement dépassé le milliard de francs par an. Lors de son audition par la commission, la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, Mme Claudie Haigneré, a exposé que « dans un souci de lisibilité, le ministère, avec le CNES, avait essayé d'identifier l'origine des crédits engagés pour chaque programme dual (...) La contribution du ministère de la défense à des activités pouvant être considérées comme d'intérêt « dual » équivaut, en moyenne, à un tiers des sommes investies par le BCRD. »

De même, la fin des essais nucléaires dans l'Océan Pacifique devait entraîner des répercussions difficiles pour la Polynésie française. Fallait-il que les mesures destinées à y remédier soient prélevées sur le budget d'équipement des forces armées ? C'est là aussi ce qui a été décidé.

L'inscription au budget de la défense de crédits destinés au BCRD et à la Polynésie française a représenté 1,47 milliard d'euros sur la période couverte par la loi de programmation militaire pour les années 1997 à 2002. C'est autant de crédits qui ont manqué à son exécution.

· Enfin, ces crédits réduits n'ont pas été exécutés en totalité. Cette situation, qui a entraîné nombre de commentaires, est due pour partie à des raisons indépendantes d'une volonté de régulation budgétaire. Les rapports pour avis de la commission sur les collectifs budgétaires montrent qu'ont concouru à cette dépense non intégrale des réformes de structures (de la comptabilité, de la nomenclature, de la DGA...) qui étaient indispensables, des provisionnements excessifs, enfin parfois la non réalisation de contrats dans l'année prévue, soit du fait de l'industriel contractant, soit, dans le cas d'équipements en coopération, du fait de partenaires de la France. Le taux de consommation des crédits de paiement du ministère de la défense est toujours resté élevé. Il a par exemple représenté 92 % de la ressource disponible en 2000 et 91 % en 2001 et s'avère nettement supérieur à celui des ministères civils (66,9 % en 2000).

Pour autant, en cinq ans, de 1997 à 2001, c'est 7,887 milliards d'euros qui n'ont pas été dépensés par rapport aux crédits prévus par la loi de programmation militaire corrigée par la revue des programmes.

taux d'exécution de la loi de programmation militaire 1997-2002

(en millions d'euros 2002)

1997

1998

1999*

2000

2001

2002

1997-2002

Déficit en volume

- 871

- 2 139

- 1 523

- 1 618

- 1 736

(ND)

- 7 887

Taux de couverture

93,9 %

85,5 %

88,8 %

88,1 %

87,2 %

(ND)

88,6 %

* A partir de 1999 les annuités LPM sont celles prévues au titre de la revue des programmes de 1998.
Source : ministère de la défense

Chaque année, c'est ainsi 1,58 milliard d'euros qui auront manqué par rapport à la loi de programmation militaire corrigée par la revue des programmes. Pour 14,27 milliards d'euros 2002 prévus par la loi de programmation militaire 1997-2002, et 13,60 milliards d'euros 2002 par la revue des programmes, c'est moins de 12,5 milliards d'euros de crédits d'équipement militaire qui auront été dépensés chaque année.

b) Des garanties déjà à l'_uvre pour l'exécution de la nouvelle programmation

Pour ce qui est de son exécution future, le présent projet de loi s'inscrit dans un bien meilleur environnement que la loi précédente.

· Tout d'abord, le rapport annexé traite de la question des dépenses, étrangères à la défense, qui lui étaient traditionnellement imputées. « Le périmètre de chaque annuité, est-il exposé, exclut le fonds de développement de la Polynésie et la recapitalisation des entreprises publiques, en particulier de GIAT et DCN. Au-delà de 2003, la part du budget civil de recherche qui relève de la défense et les charges afférentes à la restructuration de la DCN, à l'exclusion de la recapitalisation, seront évoquées dans le cadre des discussions budgétaires annuelles. Le démantèlement des installations de production de matière fissiles, qui n'est pas inclus dans le périmètre de la présente programmation, devra être financé par un fonds, qui sera mis en place avant l'été 2003. »

Il apparaît ainsi clairement que les dépenses étrangères à la défense ci-dessus évoquées ont désormais vocation à être exclues du périmètre budgétaire de la défense.

· Ensuite, le vote annuel du budget a désormais effectivement vocation à s'inscrire au sein des prévisions de la loi de programmation militaire. Tel est d'ores et déjà le cas du budget 2003. Le montant des crédits d'équipement votés par l'Assemblée nationale correspond parfaitement à la première annuité de la loi de programmation militaire.

· L'évolution des crédits sur la durée s'inscrit aussi en phase avec la reprise des engagements de crédits depuis 1997 et surtout 1999. La précédente loi de programmation militaire avait été adoptée après une période, les années 1995 et 1996, de sévère blocage des engagements de crédits. Les programmes étant retardés et les crédits non engagés, il n'y avait ensuite rien à payer. Au contraire, les années qui viennent de s'écouler ont été marquées par une reprise progressive et forte des engagements, notamment du fait des commandes globales. L'exécution de la programmation 1997-2002 a en effet été marquée par le développement de la procédure des commandes pluriannuelles groupées, dites commandes globales, auprès des industriels, de façon à leur donner une meilleure visibilité à moyen terme et à obtenir en échange de meilleurs prix. C'est ainsi, par exemple, que le missile de croisière Scalp/EG a fait l'objet d'une commande globale de 500 exemplaires en 1997, pour des livraisons échelonnées de 2003 à 2007. Les commandes passées, les équipements en cours de production, il faudra bien ensuite payer les livraisons. L'augmentation progressive des crédits n'est pas seulement la marque d'une volonté politique, c'est aussi l'anticipation des répercussions prévisibles d'un mouvement déjà entamé.

Le tableau ci-après récapitule l'évolution des engagements de crédits de 1996 à 2002. Bien que l'avion de transport tactique A 400 M, programme en coopération, n'ait pas encore été commandé, pour des raisons liées au partenaire allemand, ce tableau inclut les autorisations de programme qui lui sont consacrées, le Parlement ayant voté en 2000 et 2001 les crédits demandés pour l'avion de transport futur et ceux-ci étant donc mobilisables à tout moment par le Gouvernement pour la notification du contrat à l'industriel, comme on le verra dans la partie du présent rapport consacrée à la projection.

évolution des engagements de crédits de 1996 à 2002

(en millions d'euros)

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002 *

Engagements

9 328

12 228

12 313

13 106

16 369

14 710

16 899

Dont commandes globales

1 476

1 905

3 019

3 351

 3 873**

4 432***

* prévisions.
** dont avion de transport futur (ATF) 3 049
*** dont avion de transport futur (ATF) 3 613
Source : ministère de la défense.

· Il faut enfin préciser une dernière caractéristique du projet de loi. Si, au contraire de la loi de programmation militaire pour les années 1997-2002, il ne programme pas les crédits du titre III, la batterie d'indicateurs qu'il comporte vaut mieux encore.

L'article 3 du présent projet programme les effectifs, année par année. Leur légère augmentation, de 437 069 en 2003 à 446 653 en 2008, garantit à la fois la pérennité du modèle d'armée professionnelle et l'amélioration de la sécurité intérieure puisque, c'est essentiellement la gendarmerie qui bénéficiera de cet accroissement.

Le rapport annexé précise par armée un certain nombre d'indicateurs de qualité de l'entraînement, qui devront être réalisés. Eu égard aux risques réels de compression au titre III des crédits de fonctionnement par les besoins en crédits de rémunérations et charges sociales, comme ce fut notamment le cas en 1998 et 1999, c'est un mécanisme de garantie contre cette compression qui est mis en place, au profit de l'entraînement opérationnel des forces. Le mécanisme prévient ce risque, à la différence d'une programmation quantitative des crédits du titre III.

Au bout du compte, le dispositif prévu garantit la pérennité du modèle d'armée professionnelle et la qualité de son entraînement. Les moyens représentent un effort de volonté de la Nation pour sa défense. Ils n'ont rien d'extravagant pour la satisfaction de l'objectif, élevé, que le Président de la République a fixé pour elle. Le contexte dans lequel ils sont fixés et leur répartition sur la période leur donnent une crédibilité et un potentiel de réalisation élevé.

II. - LA COMPOSANTE HUMAINE DE LA DÉFENSE

Mise en _uvre par la loi de programmation 1997-2002, la professionnalisation des forces a bouleversé l'organisation des armées françaises qui fonctionnaient depuis deux siècles avec des centaines de milliers d'appelés. Le ministère de la défense a subi avec succès cette mutation sans précédent. S'ouvre désormais un chantier qui pourrait, au premier abord, paraître moins difficile, mais qui n'en recèle pas moins des dangers certains : pérenniser cette professionnalisation en donnant à une armée professionnelle, dans la durée, les moyens humains et matériels de remplir ses missions.

A. DES EFFECTIFS GLOBAUX EN LÉGÈRE PROGRESSION

Le projet de loi de programmation est marqué par la fin de la diminution spectaculaire des effectifs qui a accompagné la professionnalisation et la disparition d'environ 200 000 appelés.

1. La professionnalisation a fait perdre le quart de ses effectifs à la défense

Entre 1996 et 2002, les effectifs du ministère de la défense sont passés de plus de 573 000 personnes à 436 000, mais cette évolution a concerné de manière très variable les différentes catégories de personnel. La catégorie des appelés a disparu avec ses 200 000 conscrits, tandis que celle des engagés faisait plus que doubler, passant de 44 500 à 92 000. Parallèlement, un nouveau statut, celui des volontaires, a été créé et représente aujourd'hui 25 000 personnes. La catégorie des officiers a connu de nombreux départs, mais également un recrutement important, ce qui a permis à cette population de conserver une certaine stabilité (environ 38 000), tout en se renouvelant et en se rajeunissant. Les sous-officiers ont connu une inévitable baisse de leurs effectifs, en raison principalement du moindre besoin en encadrement lié à la disparition des appelés. Les civils, enfin, ont connu une forte progression et sont passés de près de 74 000 à environ 81 000. Ils pourraient être encore plus nombreux si leurs effectifs étaient complets : avec la professionnalisation des forces, leur tâche est de soulager les militaires d'un maximum de fonctions qui ne sont pas spécifiquement guerrières.

évolution des effectifs civils et militaires
par grandes catégories entre 1996 et 2002

1996

2002

Officiers

38 456

37 738

Sous-officiers

214 828

200 516

Militaires du rang engagés

44 552

92 184

Volontaires

0

24 788

Appelés

201 498

0

Total militaires

499 334

355 226

Civils

73 746

80 995

Total ministère de la défense

573 080

436 221

2. La programmation sera marquée par une légère progression des effectifs

Entre 2003 et 2008, le ministère de la défense ne devrait pas connaître de nouvelle diminution de personnel, mais, au contraire, une légère progression.

Le format global prévu par la loi de programmation 1997-2002 ne subira pas de bouleversement et sera légèrement ajusté afin, principalement, de mieux répondre aux besoins de l'armée de terre, soumise à un emploi intensif de son personnel, et de renforcer les effectifs du service de santé. Les effectifs de la gendarmerie seront également augmentés pour faire face aux missions de sécurité intérieure.

évolution des effectifs globaux du ministère de la défense
entre 1996 et 2008

1996

2002

PLPM 2003

PLPM 2008

Armée de terre

268 572

160 343

167 554

168 569

Marine

69 878

51 650

54 433

54 683

Armée de l'air

93 552

65 843

69 667

70 067

Gendarmerie

93 669

95 029

99 334

106 427

Autres

NC

NC

46 081

46 773

Total

NC

NC

437 069

446 653

PLPM : projet de loi de programmation militaire
NC : non connu

a) L'armée de terre

L'armée de terre est celle qui se retrouve le plus impliquée dans une multiplicité d'engagements s'inscrivant dans la durée, qu'ils s'agisse d'opérations extérieures (Balkans, Afghanistan...), d'envoi de forces de souveraineté outre-mer ou de forces prépositionnées dans certains pays avec lesquels la France a passé des accords ou encore de missions intérieures (Vigipirate, inondations...).

Les effectifs des forces terrestres vont donc être adaptés afin de rendre moins difficile la situation des militaires du rang, dont certains partent régulièrement en mission hors métropole jusqu'à quatre mois par an.

Le projet de loi de programmation prévoit une hausse de 2 500 du nombre d'engagés volontaires de l'armée de terre (EVAT), dont 2 000 seront compensés par la suppression de 3 000 postes de volontaires de l'armée de terre (VDAT) et 500 correspondront à des créations nettes d'emplois. L'armée de terre ne peut que constater le déficit persistant en VDAT, qui ne s'engagent que pour une année renouvelable et sont, en contrepartie, moins bien rémunérés. Même si la conversion semble se traduire, au premier abord, par une perte théorique, les forces terrestres y gagneront puisque les postes de VDAT convertis sont vacants, alors que les 2 500 postes d'EVAT devraient être pourvus sans trop de difficulté.

La programmation prévoit de faire profiter de cette hausse en priorité les unités d'infanterie, très sollicitées, mais aussi les unités de renseignement et les unités spécialisées dans la protection nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique (NRBC).

b) La gendarmerie

La gendarmerie, qui incorporait relativement peu d'appelés et qui avait été la seule arme à avoir vu augmenter ses effectifs pendant la phase de professionnalisation, sera la grande gagnante des années 2003-2008, puisque ses effectifs augmenteront de 7,1 % en six ans, passant de 99 334 postes à 106 427, en conformité avec la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. Pour atteindre cet objectif ambitieux, encore faudra-t-il que le déficit actuel en personnel soit comblé : sur 98 134 postes budgétaires inscrits en 2002, seuls 95 029 étaient pourvus au 1er juillet. Les principaux manques portent sur les officiers (- 308), les civils (- 111) et surtout les gendarmes adjoints (- 2 684, soit 17,7 % de la catégorie).

c) Le service de santé des armées

Le service de santé des armées, fortement impliqué dans les opérations extérieures et désormais intégré au service public hospitalier, connaîtra une augmentation de ses effectifs au cours de la programmation : 220 postes de médecins et 350 d'infirmiers sont prévus en 2003 et 2004, afin d'augmenter le taux d'encadrement au sein des établissements hospitaliers et de répondre aux normes d'accréditation des hôpitaux militaires.

Ces créations de postes vont obliger le service de santé à un effort de recrutement sans précédent, dans la mesure où il conviendra de pourvoir non seulement les postes créés, mais aussi ceux qui existent déjà et qui sont vacants. Au 1er juillet 2002, près de 359 postes de médecins étaient vacants (12 % des effectifs) ainsi que 253 postes de militaires infirmiers des hôpitaux des armées (MITHA). Une conjoncture démographique médicale défavorable, aggravée par la forte attractivité du secteur civil, explique en grande partie ces sous-effectifs.

d) Les services de renseignement

Enfin, une centaine de postes sera créée « dans le domaine du recueil et de l'exploitation de renseignement » selon les informations fournies au rapporteur par le ministère de la défense.

B. LE RECRUTEMENT ET LA RECONVERSION

La réalisation des objectifs fixés par la loi de programmation 1997-2002 correspond à la première étape du processus de professionnalisation, qui a notamment consisté à recruter en cinq ans 120 000 jeunes Françaises et Français. Si les objectifs ont été globalement atteints pour les effectifs, la réussite dans la durée de la professionnalisation dépendra de la capacité du ministère de la défense à pérenniser le format, dans le contexte d'un marché du travail concurrentiel. Le recrutement sera d'autant mieux réalisé que les armées seront capables d'offrir à leurs militaires en fin de contrat des perspectives de reconversion sérieuses.

1. Le recrutement

a) La défense, premier recruteur national

L'armée professionnelle du format 2015 nécessitera le recrutement annuel d'environ 27 500 personnes, compte non tenu des civils, ce qui constitue un nombre très élevé, puisqu'il représente environ 10 % de la ressource effectivement disponible des tranches d'âges concernées. Avec la professionnalisation des armées, le ministère de la défense est devenu, en France, le premier recruteur.

besoins annuels en recrutement pour l'ensemble des armées

Officiers

1 000

Sous-officiers

4 500

Engagés

13 000

Volontaires

9 000

Total

27 500

La loi de programmation militaire crée donc un fonds de consolidation de la professionnalisation (FCP), doté de 572,58 millions d'euros (valeur 2003) sur la période 2003-2008. Ce fonds regroupe des mesures d'attractivité pour 383 millions d'euros et de fidélisation pour 190 millions d'euros.

Certaines dispositions seront mises en _uvre dès 2003, alors que d'autres produiront leurs effets ultérieurement. Ces mesures seront poursuivies tout au long de la période 2003-2008 et complétées par des mesures nouvelles visant à renforcer les actions de communication dans le cadre de la politique de recrutement, et de valorisation des potentiels et des responsabilités en matière de fidélisation des spécialités critiques.

b) Des mesures d'attractivité

Face à la concurrence sur le marché de l'emploi et en raison des quantités recherchées, les armées peuvent connaître des difficultés de recrutement. Ce déficit peut concerner des spécialités recherchées aussi bien que des emplois qui ne demandent pas de qualification initiale particulière, mais qui font l'objet d'une désaffection passagère.

Dans l'armée de terre, depuis 1996, on compte 1,3 à 1,9 candidat par poste selon les années, la tendance étant plutôt à la baisse. Chez les femmes, le taux est sensiblement meilleur puisqu'on compte 3,5 à 4 candidates en moyenne par poste sur la même période. Ces chiffres ne sont que des moyennes qui varient selon les spécialités. Dans certains domaines très concurrentiels (transmissions, informatique...), un déficit existe déjà.

Une tendance à la dégradation qualitative est observée, ce qui semble indiquer que l'armée de terre pourrait, dans une certaine mesure, privilégier la quantité au détriment de la qualité : même si le niveau scolaire n'est pas le seul révélateur des qualités humaines, on constate que la proportion des engagés de niveau BEP-CAP ou moins a augmenté, passant d'environ 11-13 % au cours des années 1997-1999 à 17,5 % en 2001. Symétriquement, la proportion des engagés de niveau terminale et plus a diminué de 31 % à 25 % dans la même période.

Le dispositif inscrit dans le projet instaure la modulation du montant des primes d'engagement, en fonction des spécialités et des durées. Il prévoit l'attribution d'une prime d'engagement spécifique pour certaines catégories de personnel. Il contribuera également au financement des actions de communication de la politique de recrutement.

Pour l'armée de terre, 5,23 millions d'euros seront consacrés aux primes d'attractivité en 2003 et 6 millions d'euros en 2004. Le montant modulable de la prime d'engagement variera entre 1 067 et 6 400 euros par recrue selon les cas.

mesures d'attractivité inscrites
dans le projet de loi de programmation militaire 2003-2008

M€ 2003

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Total

Total des mesures dont 7,93 M€ imputés chaque année au titre V

18,93

45,93

71,93

115,93

146,93

172,93

572,58

c) Des mesures de fidélisation

La technicité des armées modernes requiert un niveau élevé de qualification. Pour s'attacher durablement les services de ses éléments les plus qualifiés, le ministère de la défense propose les mesures suivantes :

- création d'une indemnité réversible et modulable pour les spécialités dites « critiques », c'est-à-dire les plus recherchées. Cette prime sera mise en place en deux tranches, en 2004 et 2005 ;

- création pour les sous-officiers d'une indemnité de « haute technicité » mise en place en deux temps, en 2006 et 2007 ;

- valorisation des cursus des hauts potentiels par une mesure à définir qui sera mise en place sur quatre années, entre 2005 et 2008.

Par ailleurs, la forte mobilité, aussi bien professionnelle que géographique, est une des spécificités des militaires et l'une des composantes de la gestion des ressources humaines. Les modalités de prise en charge des déplacements, notamment les frais de déménagement, sont désormais inadaptées. Elles constituent un frein à cette mobilité nécessaire aussi bien aux besoins de l'institution qu'au parcours professionnel des militaires.

Le dispositif envisagé permettra une action d'amélioration de l'habitat des engagés. Une ligne spécifique et une dotation annuelle, imputables au titre V, seront créées pour la mise en _uvre de programmes de construction de logements à loyers modérés en région parisienne. Une aide à l'installation des familles et des célibataires sera mise en place en trois tranches, entre 2006 et 2008. Enfin, des mesures d'accompagnement des mutations, non encore définies, sont envisagées pour 2007.

Le fonds de consolidation de la professionnalisation ne doit pas être considéré comme une simple dépense supplémentaire, mais aussi comme une source d'économies qui peut être importante. Si ce fonds permet de fidéliser les recrues et d'inciter nombre d'entre elles à signer plusieurs contrats successifs au lieu d'un seul, les crédits de formation et de reconversion seront réduits d'autant.

2. La reconversion, clé du recrutement

Le recrutement ne s'avèrera satisfaisant que dans la mesure où l'armée se montrera capable d'offrir à ses personnels des perspectives de reconversion sérieuses.

Le pécule d'incitation au départ, institué par la loi n° 96-1111 du 19 décembre 1996, a facilité l'adaptation au nouveau format des armées et a favorisé la diminution des effectifs de sous-officiers et d'officiers dans de bonnes conditions sociales. Les objectifs étant désormais atteints, cette mesure ne sera pas reconduite.

En revanche, le gouvernement juge indispensable de maintenir les autres mesures actuellement en vigueur favorisant tant le dynamisme des forces armées, qui passe par une exigence de jeunesse, que la qualité des déroulements de carrière. En conséquence, le présent projet prévoit de reconduire les mesures d'aide au départ suivantes :

- les articles 5 et 6 de la loi n° 75-1000 du 30 octobre 1975 permettant aux officiers de quitter le service avec la jouissance d'une pension de retraite calculée sur la base du grade immédiatement supérieur à celui qu'ils détiennent ;

- l'article 7 de cette même loi prévoyant l'octroi d'un congé spécial de cinq ans pour les colonels et généraux en faisant la demande, s'ils se trouvent à plus de deux ans de la limite d'âge de leur grade ;

- l'article 3 de la loi n° 70-2 du 2 janvier 1970 permettant aux officiers et sous-officiers des grades de major et d'adjudant-chef, ayant accompli au moins dix ans de service, d'être intégrés, après sélection, dans des corps de catégorie A et B de la fonction publique.

Ces mesures, adoptées il y a trois décennies, alors que la plupart des militaires du rang étaient des appelés, ne concernent que les officiers et les grades les plus élevés de la catégorie des sous-officiers (adjudants-chefs et majors). Or, l'armée de terre comprend désormais 66 000 militaires du rang dont les contrats d'engagement initiaux varient de trois à cinq ans et qui, en fonction du nombre de contrats successivement signés, ont vocation à quitter l'institution militaire après huit à onze ans de service, même si une minorité peut espérer atteindre les quinze années nécessaires à la perception d'une pension de retraite. Ces militaires du rang, de même que les sergents et les adjudants, ne sont pas concernés par ces dispositions.

C'est pourquoi d'autres mesures seront instaurées progressivement d'ici à 2008, comme le financement de congés complémentaires de reconversion, mis en _uvre en 2006. Il s'agira notamment de mettre en place un dispositif de reconversion qui parviendra à son régime de croisière en milieu de programmation, avec l'arrivée massive de candidats issus des rangs des engagés de la professionnalisation, recrutés à partir de 1997 pour environ huit ans.

III. - DES PERSONNELS ENTRAÎNÉS ET OPÉRATIONNELS

La réalisation des effectifs est une des conditions de l'efficacité des forces, mais elle resterait insuffisante sans l'entraînement devenu indispensable à une armée professionnelle appelée à servir de manière répétée hors de ses frontières dans un environnement pouvant devenir hostile. La réserve opérationnelle, par les capacités complémentaires qu'elle apporte, constitue un autre élément essentiel de l'efficacité des forces.

A. UNE AMÉLIORATION DE L'ENTRAÎNEMENT DES FORCES

L'amélioration programmée de l'entraînement et de l'activité des forces constitue un sujet de satisfaction. De 960 millions d'euros en 2002, ces crédits sont portés à 997 millions en 2003, soit pratiquement un milliard d'euros consacrés au seul entraînement, ce qui représente une hausse de 3,85 %. Pour les années suivantes, d'ambitieux objectifs sont fixés pour chacune des armées. Cet effort bienvenu est consenti à la suite d'une période où l'entraînement des forces avait été plus ou moins « délaissé », à la fois pour des motifs financiers et pour des raisons de disponibilité des matériels.

1. Une amélioration attendue pour les forces terrestres

a) La situation critique des troupes au sol

Les crédits affectés à l'instruction et à l'entraînement de l'armée de terre connaîtront une indispensable hausse dès 2003, avec 20 millions d'euros supplémentaires. Après deux années de baisse en 1999 et 2000, suivies de deux années de hausse en 2001 et 2002, les crédits d'entraînement devraient augmenter en 2003 de 11,2 % en euros constants. Sur trois exercices, entre 2001 et 2003, les crédits dévolus aux exercices se seront donc accrus de 41,4 % en euros constants. Toutefois, après les baisses intervenues précédemment, la plus grande partie de cette hausse peut être considérée comme un simple rattrapage.

Après les désastreuses années 1999 et 2000, au cours desquelles l'entraînement des forces terrestres était tombé à un plancher de 68 jours par an, le nombre de jours d'exercices s'est accru en 2001, puisqu'il a atteint un total de 75 jours annuels, même si 80 étaient prévus à l'origine.

L'entraînement devrait augmenter encore, jusqu'à atteindre 89 jours en 2002. L'objectif de 100 jours d'exercice par an, déjà inscrit dans la précédente loi de programmation militaire, mais jamais réalisé, constitue l'un des objectifs de la programmation 2003-2008 et doit être atteint dès 2003. Conjugué avec la stabilisation des crédits affectés aux acquisitions de munitions d'instruction, il devrait permettre aux forces terrestres françaises de se rapprocher des performances des autres armées professionnalisées en matière d'exercices.

Évolution des crédits et du nombre de journées d'exercice

Années

Crédits affectés à l'instruction et à l'entraînement (millions d'euros courants)

Crédits affectés à l'instruction et à l'entraînement (millions d'euros constants 1997)

Évolution de ces crédits en euros constants

Nombre de journées d'exercice avec matériels

Nombre de journées d'exercice sans matériels

Nombre total de journées d'exercice

1998

131,53

124,73

37

38

75

1999

124,70

124,03

- 5,6 %

34

34

68

2000

124,39

122,80

- 1,0 %

34

34

68

2001

138,88

135,15

+ 10,1 %

35

40

75

2002(1)

162,96

156,09

+ 15,4 %

45

44

89

2003(2)

183,08

173,63

+ 11,2 %

50

50

100

2004-2008

50

50

100

(1) Prévisions (2) projet de loi de finances

La durée totale de 100 jours doit être tempérée par le fait qu'elle inclut les délais de route et de mise en _uvre du matériel. Lorsqu'une unité de blindés, par exemple, part en man_uvre pour une quinzaine de jours statistiquement répertoriés, le temps réellement passé à man_uvrer est plus proche de quatre à cinq journées, le reste du temps étant consacré au déplacement vers le champ de man_uvre ainsi qu'à l'entretien du matériel. Ainsi, 50 jours de man_uvre avec matériel organique ne signifient pas 50 jours d'entraînement aux commandes d'un engin.

L'armée de terre se fixe aussi comme objectif de mener chaque année une évaluation opérationnelle des postes de commandement, ainsi qu'un exercice d'évaluation tactique par unité élémentaire. L'entraînement au tir sera également systématisé : chaque unité élémentaire se livrera à un exercice d'évaluation au tir réel. Enfin, d'ici à 2008, seize exercices interarmées ou interalliés seront répartis entre les niveaux des corps d'armée, de division et de brigade.

Actuellement, en raison du trop faible niveau d'entraînement, certaines unités ne peuvent faire autrement que d'achever leur préparation pendant leurs opérations extérieures, en Bosnie ou au Kosovo par exemple. Ces méthodes dictées par les charges de travail ne sont possibles qu'en raison du caractère apaisé de la situation dans les Balkans. Il est évident qu'un tel mode de fonctionnement n'est pas envisageable pour les troupes opérant en Afghanistan ou en Côte d'Ivoire. Normalement, les unités envoyées en opérations extérieures devraient être entièrement prêtes avant de partir.

La présentation de l'entraînement ne serait pas complète s'il n'était rappelé que la trop faible disponibilité des matériels constitue également un frein aux exercices, de même que les éventuelles variations des taux de change et les augmentions imprévues des prix des produits pétroliers.

Le tableau ci-après permet d'établir quelques comparaisons internationales sur l'entraînement des militaires de quelques armées occidentales. S'agissant des pays étrangers, il convient de considérer les chiffres avec précaution, compte tenu de la difficulté d'en vérifier la réalité.

Activité des forces pour l'année 2001

TYPE D'ACTIVITÉ

FRANCE

ÉTATS-UNIS

ROYAUME-UNI

ALLEMAGNE

ITALIE

Nombre de jours de sorties terrain avec matériels organiques

35

130 à 136

effectués par les unités pour l'entraînement individuel des hommes et par rotations dans les centres d'entraînement interarmes

70
(estimation)



Nota
: Les Britanniques ne font pas la différence entre sorties avec ou sans matériel organique

30 + 6 pour les déplacements : armes de mêlée

25 + 4 pour les déplacements : appuis

15 + 2 pour les déplacements : commandement et transmissions

20 à 30: soutiens

35 en moyenne (estimation)

Nombre de jours de sorties terrain sans matériels organiques

40

non connu

estimé à 40

40 à 60 (estimation)

20 en moyenne (estimation)

le minimum obligatoire est de 10 jours

20 à 40 (estimation)

Malgré la hausse des jours d'entraînement constatée depuis 2001, la France reste largement en retrait par rapport aux armées professionnalisées de longue date comme celles des États-unis ou du Royaume-Uni, mais se situe devant celles non encore entièrement professionnelles de l'Allemagne et de l'Italie.

Une année compte 365 ou 366 jours. Sur ce total, 104 sont des samedis et des dimanches, 7 ou 8, selon les années, sont des jours fériés, ce qui ne laisse plus environ que 253 jours normalement utilisables. Sachant qu'une unité part en moyenne en opération extérieure quatre mois dans l'année (120 jours desquels il faut défalquer les samedis, dimanches et jours fériés, déjà pris en compte, soit 86 jours de semaine), il ne reste plus que 167 jours utiles. A ces journées, il faut soustraire les 45 jours de permission et les 7 jours de permission complémentaire planifiés à l'année, ce qui réduit finalement le nombre de journées utiles à 115, compte non tenu des 8 jours de permission complémentaire planifiés accordés dans le cadre de du temps d'activité et d'obligation professionnelle militaire (TAOPM) et dont on peut raisonnablement penser que la plupart ne seront pas pris, mais seront compensés financièrement.

Atteindre un objectif de 100 jours d'exercices sur un total de 115 jours de casernement en France métropolitaine nécessitera une gestion très fine du calendrier, afin que les unités concernées puissent man_uvrer dans des formations cohérentes. Cela signifie également qu'il ne reste que 15 jours pour compléter l'instruction, participer à des missions intérieures (Vigipirate, inondations...), prendre ses éventuels repos compensateurs, suivre une formation et des stages pour les personnels présentant des examens internes et préparer sa reconversion pour les personnels en fin de contrat...

b) Un sursaut indispensable pour l'ALAT

En ce qui concerne l'aviation légère de l'armée de terre, le nombre d'heures de vol a de nouveau baissé en 2001 par rapport à l'année 2000. Même si les hélicoptères de l'aviation légère de l'armée de terre (ALAT) volent manifestement davantage que ceux des autres forces terrestres de l'Allemagne ou de l'Italie, l'entraînement des équipages demeure largement inférieur à celui annoncé par les armées britannique et américaine.

La faible disponibilité des matériels a des conséquences négatives sur la condition opérationnelle des personnels navigants. Si la situation reste satisfaisante sur les théâtres extérieurs et outre-mer, en raison de la priorité accordée au soutien des matériels qui y sont déployés, en revanche, la faible disponibilité des matériels utilisés en métropole influe directement, et de façon négative, sur l'entraînement des équipages et sur leur moral. Ce sous-entraînement, s'il perdure, pourrait constituer une menace pour la sécurité du personnel en vol : 25 % des jeunes pilotes de l'ALAT totalisent, en 2001, moins de 150 heures de vol, seuil actuel minimum pour assurer la sécurité.

La diminution des possibilités d'entraînement, non compensée par la simulation, et la baisse sensible de la disponibilité des appareils sont telles qu'au total, l'allocation annuelle en heures de vol, pourtant déjà trop faible, ne peut être entièrement consommée. Pourtant, l'augmentation du nombre des vols et les missions de plus en plus complexes de l'ALAT justifient un accroissement significatif de l'entraînement.

Aussi, afin de répondre aux enjeux opérationnels et de préparer l'arrivée des matériels de la nouvelle génération sans engager la sécurité des vols, le projet de loi de programmation prévoit-il de revenir progressivement aux normes en vigueur dans l'armée de l'air et dans l'OTAN, c'est-à-dire 180 heures de vol par pilote et par an, suivant l'échéancier suivant : 160 heures en 2003, 170 en 2004 et 180 pour les années suivantes.

Activité des forces aériennes
des armées de terre pour l'année 2001

TYPE D'ACTIVITÉ

FRANCE

ÉTATS-UNIS

ROYAUME-UNI

ALLEMAGNE

ITALIE

Nombre d'heures annuelles de vol / hélicoptère léger


(par machine)

265 h/an

(145 h
par équipage)

210 h à 216 h/an

(172 h
par équipage)

280 h/an

sur Gazelle


(216 h
par équipage)

160 h/an
en moyenne (estimation)



(200 h à 210 /an en transport léger et 130 h/an en transport moyen)

80 h/an

(estimation)

Nombre d'heures annuelles de vol / hélicoptère antichar

(par machine)

247 h/an

(123 h
par équipage)

180 h/an

(165 h
par équipage
et 24 h
en simulateur)

180 h/an (estimation)

sur Lynx Mark 7

(125 h
par équipage)

150 h/an

(estimation)

40 h/an

(estimation)

Nombre d'heures
annuelles de vol / hélicoptère de man_uvre

(par machine)

227 h/an

(122 h
par équipage)

312 h/an

(202 h
par équipage)

Inférieur à
270 h/an

(
192
par équipage) sur Lynx Mark 9 « transport léger tactique »

188 h/an

(estimation)

117 h/an

(estimation)

2. Des progrès également attendus pour la marine

Avec 7,9 millions d'euros supplémentaires affectés dès 2003 à son activité, la marine nationale se fixe pour objectif d'atteindre sur la durée de la programmation une moyenne générale de 100 jours de mer annuels pour l'ensemble de ses navires et un chiffre plus exigeant de 110 jours pour les bâtiments de haute mer.

Le chiffre moyen de jours à la mer était tombé à 92 en 2000 et à 85 en 2001. Les résultats pour 2002 ne sont pas encore connus, mais l'objectif était de 97 jours. Ces éléments ne représentent qu'une moyenne, les bâtiments de combat de la flotte naviguant déjà environ 100 jours par an (jusqu'à 104 en 2000). Pour les sous-marins nucléaires d'attaque (SNA), le nombre de jours à la mer dépasse même régulièrement les 120 jours (jusqu'à 156 en 1999). La moyenne générale est abaissée par les bâtiments de soutien (pétroliers-ravitailleurs, bâtiment atelier polyvalent et bâtiments de soutien mobile, notamment), ainsi que par les bâtiments auxiliaires (remorqueurs, entre autres) dont l'activité moyenne est plus proche de 70 jours par an.

A titre de comparaison, la marine allemande déclare une moyenne de 105 jours de mer par bâtiment et par an, contre 135 pour la marine des Etats-Unis et 150 pour celle du Royaume-Uni.

L'activité de la marine nationale : objectifs et résultats

Indicateurs de résultats

2000

2001

2002

2003-2008

Résultat

Prévision

Résultat

Objectif

Objectif

Nombre de jours à la mer (navires de combat)

92

(104)

94

(105)

85

(99)

97

(108)

100

(110)

Heures de vol pilote de chasse

175

180

177

180

180

Heures de vol pilote d'hélicoptère

204

220

210

220

220

Heures de vol équipage de patrouille maritime

340

350

293

350

350

La marine prévoit également un stage de remise en condition opérationnelle (RECO) par bâtiment tous les deux ans, ainsi que treize exercices annuels dont quatre amphibies, trois de guerre des mines et deux sorties du groupe aéronaval. Une campagne annuelle de tir de missile ou de torpille par unité de combat est également prévue par le projet de loi. De la même manière, la marine nationale devra participer chaque année à un exercice OTAN majeur, à un exercice européen majeur tous les deux ans ainsi qu'à cinq exercices interarmées annuels.

Les ambitions de l'aéronavale sont également revues à la hausse pour les années 2003-2008 : alors qu'ils n'avaient volé que 177 heures en moyenne en 2001, les pilotes de chasse devraient comptabiliser 180 heures en 2003, 220 heures si on y inclut les appontages de nuit. Les pilotes d'hélicoptère voleront 220 heures par an contre 210 en 2001 et les équipages de patrouille maritime 350 heures contre 293 en 2001.

3. L'amélioration quantitative et qualitative de l'entraînement des équipages de l'armée de l'air

L'armée de l'air retient deux critères différents pour apprécier l'entraînement de ses pilotes. La norme retenue par l'OTAN pour les pilotes de chasse est de 180 heures de vol par an. C'est aussi la norme de l'armée de l'air. De 1997 à 2001, dernière année pour laquelle les statistiques sont disponibles, cette norme semble avoir été respectée, certains pilotes participant aux opérations extérieures ayant même volé 200 heures. Une norme a aussi été établie pour les pilotes d'hélicoptères (200 heures) et les pilotes de transport (400 heures). La norme des pilotes de transport, plus exigeante, n'est pas toujours respectée, du fait de l'importance des missions réelles, qui peut nuire à l'instruction, et de la disponibilité parfois limitée des appareils.

Entraînement de l'armée de l'air : comparaisons internationales

France

États-unis

Royaume-Uni

Allemagne

Italie

Heures de vol pilotes de chasse

180

180

195

145

180

Heures de vol pilotes de transport

350

280

430

300

300

Le deuxième type de critère est d'ordre qualitatif : participer à un grand exercice interallié à l'étranger est plus formateur qu'effectuer des missions d'entraînement en patrouille au-dessus du sol national. Ce type de formation est du reste devenu indispensable : on l'a vu lors du conflit du Kosovo et en Afghanistan, les missions en commun entre aviations européennes et américaine constituent désormais le mode normal des opérations aériennes. Il est donc essentiel que les appareils de détection et de commandement, les ravitailleurs en vol, les patrouilles de supériorité aérienne ou d'attaque des divers pays alliés aient la plus grande interopérabilité opérationnelle possible.

activité moyenne des pilotes de la force aérienne de projection

(heures de vol)

1997

1998

1999

2000

2001

2002
estimation

2003
prévisions

Pilotes à l'instruction (1)

310

320

330

240

270

270

270

Pilotes qualifiés (2)

380

350

370

400

320

350

350

(1) Pilotes en progression professionnelle, depuis leur arrivée en unité opérationnelle jusqu'à l'obtention de la qualification de « chef de bord »
(2) Chefs de bord, commandants de bord et moniteurs en vol

Ce type d'entraînement est possible d'abord en Amérique du nord. Disposant d'espaces immenses et vides, les Etats-Unis et le Canada offrent des conditions d'entraînement impossibles à trouver en Europe. En 2001, l'armée de l'air a donc repris sa participation annuelle au grand exercice international Red Flag, aux Etats-Unis. Elle a inauguré sa première participation à l'exercice Cope Thunder que les Américains organisent en Alaska. Alors qu'en 2000, 10 % seulement des équipages en escadron avaient participé à un exercice international majeur, c'est 30 % des équipages qui y auront participé en 2001 et 36 % en 2002.

Le présent projet de loi fixe des critères qualitatifs d'entraînement à atteindre. Un exercice d'entraînement de projection des structures de commandement et des forces devra être réalisé chaque année, ainsi que deux campagnes d'entraînement aérien d'un mois par escadron de combat. Chaque pilote, de combat ou de transport, devra participer à un exercice international majeur tous les deux ans. Enfin, et c'est sans doute le domaine où l'armée de l'air française est le plus loin de l'objectif, chaque pilote devra tirer deux munitions guidées laser par an et trois missiles réels au cours de sa carrière.

Les crédits relatifs à l'entraînement sont en progression constante. Il faut en défalquer les montants provisionnés pour le carburéacteur, dont le coût évolue de façon erratique en fonction du coût du baril de pétrole en dollars et du cours du dollar en euros. Après 6 millions d'euros en 2001, 7 millions d'euros en 2002, ce sont 8,7 millions d'euros supplémentaires qui viendront abonder l'amélioration de l'entraînement en 2003.

4. La gendarmerie et le service des essences des armées

Le présent projet de loi prévoit un entraînement de quinze jours pour les forces de gendarmerie départementale et de trente-cinq jours pour la gendarmerie mobile. Ces chiffres sont jugés nécessaires pour garantir aux unités une capacité opérationnelle satisfaisante. S'il est tenu, cet objectif permettrait d'améliorer grandement la formation des gendarmes mobiles, dont l'entraînement n'a pas dépassé vingt jours depuis plusieurs années.

Entraînement des gendarmes mobiles

Année

1998

1999

2000

2001

2002(1)

2003-2008

Nombre de jours

22

21

17

18

11

35

(1) premier semestre

Ainsi que le justifie le ministère de la défense, la nécessité impose parfois d'employer au maintien de l'ordre des unités qu'il était initialement prévu d'envoyer en instruction collective. La dégradation constatée de l'entraînement des gendarmes mobiles s'explique aussi par l'augmentation constante des missions permanentes qui leur sont confiées.

Enfin, pour ce qui concerne le service des essences des armées, un entraînement de trente jours par an est prévu par le présent projet de loi.

B. UNE RÉSERVE EN RECONSTRUCTION

La loi n° 99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense a achevé le dispositif législatif créant une armée entièrement professionnelle, en assurant la création d'une composante réserve. Elle substitue une réserve d'emploi à une réserve de masse qui n'avait plus lieu d'être. Elle garantit les intérêts de toutes les parties prenantes (réservistes, employeurs, armées) et permet au réserviste de concilier ses activités civiles et militaires, répondant globalement aux besoins des armées. Elle renforce les réservistes dans leur rôle de lien essentiel entre la défense et la société civile. Elle leur assure un statut social et fonde les relations entre la défense et le monde de l'entreprise.

1. Une réserve qui s'ouvre aux civils

Avec la suspension progressive du service national, la réserve s'est ouverte aux civils qui n'ont jamais eu d'expérience dans le domaine militaire. Même si le poids des habitudes fait que la quasi-totalité des actuels réservistes sont d'anciens militaires, les forces peuvent avoir besoin de spécialistes (techniciens, traducteurs...) pour lesquels l'absence d'expérience militaire ne constitue pas un handicap rédhibitoire.

La loi a divisé la réserve en deux composantes : la réserve opérationnelle, chargée de renforcer les capacités des forces, et la réserve citoyenne, davantage chargée d'entretenir le lien entre la nation et la défense.

La réserve opérationnelle a pour vocation essentielle de fournir, dès le temps de paix, les renforts nécessaires aux forces armées sur le territoire national ou en opérations extérieures. Le projet de loi envisage une participation accrue à la protection et à la sécurité du territoire ainsi qu'à la sauvegarde de la population face aux risques liés tant au terrorisme qu'aux catastrophes naturelles ou technologiques. La réserve opérationnelle est aussi un moyen de disposer des spécialistes dont les armées peuvent avoir ponctuellement besoin, notamment dans le cadre des actions civilo-militaires.

Les réservistes qui servent à ce titre sont pleinement intégrés aux unités d'active et peuvent être déployés en tout temps et en tout lieu. Si la durée moyenne de services dans la réserve fluctue autour de quinze à trente jours par an en métropole, la loi permet aux réservistes d'être envoyés en mission, en opération extérieure par exemple, jusqu'à 120 jours par an.

Ainsi, chaque formation de l'armée de terre comprend une unité de réserve assurant toutes les missions régimentaires. Au sein de la gendarmerie territoriale, les réservistes renforcent la capacité des brigades à l'occasion d'événements programmés ou de calamités, mais aussi pour des missions de prévention. Au sein de la gendarmerie mobile, les unités constituées sont susceptibles d'être engagées en tout point du territoire en renfort du personnel d'active. En ce qui concerne la marine et l'aviation, les réservistes contribuent activement aux missions de soutien des forces navales et aériennes.

2. Des objectifs revus à la baisse

La loi de programmation militaire pour les années 1997-2002 avait prévu des effectifs de 100 000 réservistes : 50 000 pour la gendarmerie, 28 000 pour l'armée de terre, 6 500 pour la marine, 8 000 pour l'armée de l'air, 7 000 pour le service de santé et 500 pour le service des essences.

Même si les effectifs progressent d'année en année, les objectifs sont encore loin d'être atteints, notamment pour ce qui concerne les militaires du rang, pour lesquels un effort particulier devra être consenti. L'armée de terre, par exemple, ne compte que 1 200 militaires du rang réservistes.

Nombre d'engagements à servir dans la réserve (ESR)
au 1er juillet 2002 et objectifs pour 2003

Objectif 2002

Effectifs au 01/07/2002

Proportion

Objectif 2003

Armée de terre

Officiers

Sous-officiers

Militaires du rang

4 600

5 400

2 300

4 370

4 008

1 712

95 %

74 %

74 %

4 800

5 900

4 300

Marine

Officiers

Officiers mariniers

Militaires du rang

700

1 100

500

1 180

1 698

369

168 %

154 %

73 %

1 100

1 700

800

Armée de l'air

Officiers

Sous-officiers

Militaires du rang

1 320

2 030

300

1 218

1 890

70

92 %

93 %

23 %

1 485

2 310

505

Gendarmerie

Officiers

Sous-officiers

Militaires du rang

2 600

4 750

6 650

1 428

4 057

5 041

55 %

85 %

76 %

1 670

5 875

8 605

Service de santé

Officiers

Sous-officiers

800

460

749

82

94 %

18 %

940

835

Service des essences

Officiers

Sous-officiers

Militaires du rang

65

35

20

71

24

3

109 %

69 %

15 %

60

30

90

Devant la difficulté à réaliser les effectifs, le nombre de 100 000 réservistes a été repoussé à l'horizon 2015, l'objectif n'étant plus que de 82 000 pour 2008. En fait, c'est la seule gendarmerie qui revoit à la baisse ses ambitions, puisque les 50 000 réservistes prévus à l'origine sont ramenés à 32 000 à l'horizon 2008. Pour les autres armées, les objectifs restent inchangés, comme en témoigne le tableau suivant :

objectifs de réservistes à l'horizon 2008

Terre

Air

Marine

Gendarmerie

Santé

Essences

Total

Effectifs

28 000

8 000

6 500

32 000

7 000

500

82 000

Des chiffres beaucoup moins ambitieux, mais qu'on espère plus réalistes, sont déterminés chaque année par les armées. Au total, l'état-major des forces terrestres s'impose pour 2002 l'objectif de 12 000 réservistes sur les 28 000 prévus par la loi, avec l'espoir de réaliser 80 % des droits ouverts pour les officiers, 60 % pour les sous-officiers, mais seulement 15 % pour les militaires du rang.

3. Des mesures incitatives vont entrer en application

Deux mesures essentielles seront inscrites dans le fonds de consolidation de la professionnalisation, afin d'essayer de satisfaire les besoins en effectifs de la réserve opérationnelle tout en veillant à la fidélisation de ses membres.

Mesures financières d'attractivité en faveur de la réserve

(en millions d'euros 2003)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Total

10,27

11,91

14,76

15,38

16,35

17,16

85,83

Destinée aux militaires du rang, la création d'une prime d'incitation au volontariat à servir dans la réserve opérationnelle, d'un montant de 1 500 euros, permettra aux personnes intéressées de disposer d'une aide significative lors de leur installation dans la vie active.

Par ailleurs, le financement d'un dispositif de formation militaire initiale du réserviste (FMIR) sera renforcé : d'une durée comprise entre cinq et vingt jours, ce stage qui devrait remplacer, à terme, la préparation militaire, permettra aux jeunes réservistes issus directement du secteur civil et n'ayant aucune culture militaire de recevoir une formation rémunérée facilitant leur intégration au sein des forces armées.

DEUXIÈME PARTIE : LES SYSTÈMES DE FORCES

Le projet de loi de programmation militaire fait l'objet d'une présentation novatrice parce que les crédits d'équipement, destinés aux titres V et VI du budget du ministère de la défense sur la période 2003-2008, sont répartis en huit systèmes de forces. Aux termes du rapport annexé au projet de loi, les systèmes de forces « constituent (...) des ensembles fédérateurs et cohérents de capacités » (6). Une telle approche, qui repose sur la cohérence fonctionnelle des équipements achetés et non plus sur la mise en _uvre des armements par chaque armée, est d'autant plus pertinente que, désormais, la plupart des opérations sont conduites dans un cadre interarmées.

La priorité est donc donnée à l'aptitude des forces à agir de concert, avec pour objectif sous-jacent de rationaliser les investissements du ministère de la défense.

I. - L'ENVIRONNEMENT DES FORCES : PLANIFIER, ENTRETENIR ET PRÉPARER L'AVENIR

Si l'efficacité des armées se mesure à l'aune de la réussite opérationnelle de leurs interventions, elle reste conditionnée par un certain nombre de paramètres trop longtemps sous-estimés : la maîtrise de l'information, le maintien en condition opérationnelle des équipements et la préparation de l'avenir, entre autres.

Deux systèmes de forces sont plus particulièrement concernés : les systèmes « commandement, communications, conduite des opérations, renseignement » (C3R) et « préparation et maintien de la capacité opérationnelle ». Si elle ne constitue pas un système de forces à part entière, la recherche-développement n'en est pas moins essentielle, et le rapport annexé au présent projet de loi lui consacre d'ailleurs de larges développements.

Dans ces trois domaines, le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 affiche des ambitions en totale rupture avec les atermoiements antérieurs.

A. LE COMMANDEMENT, LES COMMUNICATIONS, LA CONDUITE DES OPÉRATIONS ET LE RENSEIGNEMENT

Le système de forces C3R est au c_ur du fonctionnement des armées modernes, car il permet de recueillir et de diffuser l'information à tous les échelons, du niveau décisionnel jusqu'au commandement sur le terrain. L'espace, les communications et le renseignement sont les supports essentiels de ce système de forces. Bien que chacun de ces domaines présente des spécificités importantes, ils s'analysent tous comme un ensemble, dont la cohérence générale est indispensable.

1. Un système de forces qui conditionne la planification et le bon déroulement des interventions militaires

Pour être pleinement opérationnelles, les forces armées ont certes besoin d'armements, mais elles doivent également recourir à des équipements qui permettent une bonne préparation et une conduite efficace de leurs actions. Ce n'est pas un hasard si le projet de loi fixe pour objectif d'être en mesure « d'apprécier une situation de manière autonome, de maîtriser l'information, de commander au niveau stratégique et opératif (sur le théâtre), de planifier et de conduire les opérations » (7).

Tout l'intérêt du renseignement est de permettre aux états-majors d'analyser le contexte d'une intervention éventuelle, d'évaluer les possibilités d'action et leurs conséquences. Il s'agit d'un préalable devenu indispensable à l'engagement de troupes sur un théâtre extérieur. Le renseignement stratégique, qui concerne par définition l'environnement, immédiat ou potentiel, des forces, est collecté par des équipements qui opèrent à grande distance des positions observées. Les satellites constituent un vecteur privilégié, car ils évoluent dans l'espace qui ne relève de la souveraineté d'aucun Etat. D'autres équipements, tels que les avions évoluant à très haute altitude ou des navires opérant dans les eaux internationales, sont également utilisés. Dans tous les cas, la priorité consiste à minimiser l'exposition directe des armées et de leurs équipements.

Les communications sont aussi au c_ur du déroulement des interventions militaires, car elles permettent la circulation des informations au niveau du commandement et aussi sur le terrain. En ce domaine, les progrès technologiques ont été considérables ces dernières années, à tel point que les débits des moyens actuels ont été insuffisants pour couvrir tous les besoins en transmissions, lors des conflits du Kosovo et d'Afghanistan. Les satellites de nouvelle génération sont indispensables, afin notamment de favoriser la diffusion des données en mode vocal, mais aussi en mode visuel (renseignements en image, vidéoconférences, notamment), ce dernier étant de plus en plus utilisé.

Les dispositions du présent projet prennent en compte le caractère stratégique du commandement, des communications, de la conduite des opérations et du renseignement. Parce qu'il touche à ce qui est le moins matériel et visible, à savoir l'information, le système de forces C3R n'a pas toujours été considéré comme essentiel à l'efficacité de la défense. Rien n'est pourtant moins vrai, car, sans moyens de reconnaissance, de communications et de renseignement performants, les forces armées ne peuvent accomplir en toute autonomie leurs missions.

2. Les orientations du projet de loi de programmation militaire

Sur la période 2003-2008, il est notamment question de durcir les moyens de communications satellitaires contre le brouillage, de privilégier le renseignement d'origine satellitaire par tous temps, de moderniser les moyens de reconnaissance aéroportés et d'accélérer la numérisation de l'espace de bataille.

a) Le commandement : un domaine privilégié aux niveaux stratégique, opérationnel et tactique

Le projet de loi de programmation militaire met l'accent sur le développement d'une chaîne complète de commandement, qui soit opérationnelle aux niveaux stratégique (c'est-à-dire décisionnel), opératif (à proximité du théâtre d'opération) et tactique (sur le champ de bataille).

En ce qui concerne les systèmes de commandement stratégiques et opératifs, la réalisation de structures d'accueil des moyens de commandement alliés s'inscrit dans une démarche d'interopérabilité accrue pour la conduite des opérations militaires en tous genres. Ainsi, des structures devraient être mises en place pour relier et connecter, d'une part, 150 postes de commandement (PC) de diverses armées des Etats membres de l'Union européenne et, d'autre part, 500 PC ou abris transportables (shelters) pour les groupes de forces interarmées multinationales (GFIM), dans le cadre de missions accomplies pour le compte de l'OTAN. Le système informatique de commandement des armées (SICA) constituera le support technique principal de cette multinationalisation accrue des moyens de commandement.

Si l'interconnexion des systèmes est essentielle, la chaîne de diffusion des ordres et informations au sein des forces est tout aussi fondamentale. Le projet de loi prend en compte cette exigence, puisqu'il permettra la poursuite et l'achèvement de programmes majeurs, déjà amorcés.

L'armée de terre bénéficiera ainsi de la modernisation de son système d'information et de commandement des forces (SICF), qui a pour objectifs de fédérer les moyens d'information et de commandement des PC des divisions et de fournir tous les éléments de stockage et de traitement des informations. La première version du SICF, qui équipe déjà deux brigades depuis octobre 2000 et mars 2001, comprend deux PC de niveau brigade, deux plates-formes d'entraînement et une plate-forme de référence ; son coût total de réalisation s'est élevé à 64,6 millions d'euros. La seconde version, dont la mise en service est prévue pour 2004, doit équiper onze PC de différents niveaux et son coût total est estimé à 78,9 millions d'euros. Le projet de loi envisage une prolongation du programme à travers une troisième version, devant entrer en service en 2006. La numérisation de l'espace de bataille est également envisagée pour la moitié des forces projetées : c'est l'objet du programme de système d'observation et de renseignement aéroterrestre (SORA), qui interconnectera un ensemble de capteurs d'observation à un ensemble de bases de données, afin de fournir une image en temps réel du déroulement des opérations. Lors de son audition par la commission, le 15 octobre 2002, le général Bernard Thorette, chef d'état-major de l'armée de terre, a estimé que l'objectif de numérisation de deux brigades en 2008 est tout à fait réaliste.

L'armée de l'air pourra continuer à moderniser son système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA), destiné au recueil, à la gestion, au traitement et à la diffusion de l'information pour l'ensemble de ses missions conventionnelles. Ce programme, qui regroupe le développement de capteurs (radars principalement), de centres d'opérations associés aux différents échelons de commandement et de moyens de transmission, a été scindé en trois étapes, dont la première a été lancée en février 1993 et est opérationnelle depuis 2001. Les deux étapes suivantes seront poursuivies. Le coût total du système est aujourd'hui estimé à environ 2,3 milliards d'euros, dont 325 millions d'euros pour l'étape n°2 et 1,2 milliard d'euros pour l'étape n°3.

Enfin, la marine améliorera également ses équipements grâce à son système d'information et de commandement du XXIème siècle (SIC 21), qui facilitera l'accès aux réseaux d'information, de commandement et de conduite des opérations, tout en fournissant aux unités les moyens de commander et de mener les actions aéronavales, à terre ou à la mer. Trois versions sont là aussi prévues, avec une livraison de la première en 2004 et un achèvement du programme en 2008. Le coût total du programme est estimé à 96 millions d'euros.

b) Les communications : une assise technologique renforcée grâce à la poursuite de Syracuse III et des réseaux d'infrastructure à haut débit

Le projet de loi de programmation 2003-2008 favorise le renouvellement des moyens spatiaux de télécommunications des armées. Alors que la fabrication du satellite Syracuse III-A est en voie d'achèvement, le développement de Syracuse III-B sera bien engagé. Une telle mesure était nécessaire, car la réalisation en Europe d'équipements exploitant des fréquences d'ondes radioélectriques millimétriques, dites extremely high frequencies (EHF), est indispensable pour garantir l'autonomie des systèmes de transmission et de communication des armées du continent, tout en assurant à la France un rôle de nation-cadre en matière de renseignement d'origine spatiale.

La nouvelle génération de satellites de télécommunications doit favoriser une meilleure interopérabilité avec les autres pays membres de l'OTAN. La démarche retenue pour la réalisation du système successeur de Syracuse II s'articule en deux étapes : la mise en orbite d'un satellite réalisé sous maîtrise d'_uvre nationale (Syracuse III-A), à la fin de 2003, puis le lancement, d'ici à 2006, d'un second satellite (Syracuse III-B), dont certaines capacités pourraient être mises à la disposition d'un pays partenaire ou de l'OTAN. Le coût total prévisionnel du programme est estimé à 2,05 milliards d'euros et le présent projet de loi y consacrera 1,34 milliard d'euros, répartis comme indiqué dans le tableau ci-après.

ventilation des crédits de paiement
pour syracuse iii sur la période 2003-2008

(en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

215

243

266

236

232

153

Les satellites Syracuse III constitueront un saut technologique important par rapport aux satellites du programme antérieur. Alors que les charges utiles de Syracuse II disposaient de cinq canaux de fréquences d'ondes centimétriques, ou super high frequencies (SHF), le premier satellite qui leur succédera contiendra neuf canaux SHF et six canaux EHF, conférant ainsi à ses équipements une rapidité plus importante des débits et une possibilité de connexion accrue. Syracuse III-A possédera en outre une antenne active antibrouillage SHF de nouvelle génération. Le nombre de stations de réception au sol devrait avoisiner les 400 exemplaires.

Les communications seront également améliorées à travers la modernisation des réseaux d'infrastructure, et notamment le réseau SOCRATE, qui raccordera les réseaux de desserte des différentes armées et s'interconnectera aux principaux systèmes nationaux (Syracuse, RITA) ou alliés. Ce réseau fournira des services modernes de téléphonie, de télégraphie et de transmission de données. Son déploiement complet sur le territoire métropolitain, avec ses jonctions transfrontalières, s'achèvera fin 2005. Le coût total du programme est estimé à un peu plus d'1 milliard d'euros.

c) Le renseignement stratégique : une priorité renforcée à travers l'achèvement d'Hélios II et la réalisation des moyens interarmées de renseignements électromagnétiques (MINREM)

Le renseignement stratégique repose sur deux catégories d'équipements : les satellites d'observation et les dispositifs aériens ou navals, mis en _uvre par les forces elles-mêmes.

Les moyens d'observation optique par satellites participent à des missions d'intérêt militaire de plus en plus évident : la prévention des conflits, la surveillance -volet qui prend une importance considérable dans le cadre d'une participation active à la lutte contre la prolifération d'armes de destruction massive-, l'évaluation des dégâts causés à l'ennemi (le battle damage assessment), l'identification des auteurs d'éventuelles agressions -élément indispensable de toute politique de dissuasion. Le projet de loi de programmation militaire assurera la relève des satellites d'observation optique, Hélios I, par la génération Hélios II. Ces satellites intégreront des améliorations technologiques tant pour la prise de vues, avec notamment une capacité infrarouge pour la nuit, que pour la réduction des délais d'accès aux informations recueillies et la résolution des images. Dans la lignée des enseignements du conflit du Kosovo, il a été décidé de doter les deux satellites d'une résolution plus précise. Le premier exemplaire, Hélios II-A, sera disponible au lancement en mars 2004. Depuis 2001, la France conduit ce programme avec la Belgique et l'Espagne, dont les niveaux de participation s'élèvent à 2,5 % chacune.

Programme actuellement au c_ur des coopérations européennes, Hélios II sera doté de stations au sol permettant la confidentialité des programmations de chaque partie prenante. Pour recouper les images d'Hélios II avec les systèmes radars allemand (SAR-Lupe) et italien (Cosmo-Skymed), conformément aux accords intergouvernementaux passés en ce sens, un programme de segment sol d'observation spatiale (SSO) sera engagé, afin de centraliser la programmation française de l'ensemble des satellites, dont les données relèveront d'un système d'exploitation et de valorisation des images ; si sa mise en service est prévue pour 2008, une version intermédiaire sera opérationnelle en 2005.

Le coût total d'Hélios II a été estimé à 1,76 milliard d'euros, y compris le financement de l'adaptation nécessaire des installations au sol dans une démarche d'interopérabilité. Hélios II-A et B devant rester opérationnels jusqu'en 2008 et 2012 respectivement, le problème de leur remplacement ne se posera pas avant quelques années. Cette question fait pourtant déjà l'objet de réflexions importantes, puisqu'à l'horizon 2008-2009, la permanence de l'observation, y compris en infrarouge, de chaque point du globe sera plus hypothétique. S'il ne tranche pas les options techniques, le présent projet de loi prévoit le lancement d'études amont et la recherche d'une coopération européenne pour assurer la pérennisation d'une capacité globale tout temps. Un tel système devant entrer en service à l'horizon 2012-2013, il aurait été souhaitable que les premiers crédits lui fussent consacrés à partir de 2006. Cependant, il y a tout lieu de croire que, compte tenu des redondances technologiques des équipements, la durée de vie d'Hélios II sera supérieure à ce qui était initialement envisagé, ce qui laisse un peu de temps pour aboutir à un programme de remplacement.

ventilation des crédits de paiement
pour hélios ii et le sso sur la période 2003-2008

(en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Hélios II

101

61

88

86

69

56

SSO

4

16

28

9

16

38

Le présent projet comporte également des dispositions en faveur du renseignement stratégique d'origine non spatiale. C'est du moins l'objet du renouvellement des moyens interarmées de renseignements électromagnétiques (programme MINREM), qui sont un ensemble d'équipements d'écoute pour l'interception et la goniométrie de signaux électromagnétiques. La charge utile existante, qui a été modernisée et transférée en 2001 sur le Bougainville, devrait rester en service jusqu'à sa relève par le nouveau système, en 2006. A cette date, les équipements seront embarqués sur un bâtiment de 3 200 tonnes environ, baptisé Dupuy de Lôme, qui assurera la présence de longue durée à la mer : l'objectif de disponibilité qui a été défini par la DGA est très ambitieux, puisqu'il avoisine 350 jours par an. Le coût de réalisation et de maintien en condition opérationnelle du programme excède 128 millions d'euros.

La composante aéroportée des moyens mobiles de renseignement stratégique, qui est principalement constituée du système Sarigue (sur porteur DC8-72 remotorisé) et de deux C 160 Gabriel, sera maintenue. Le système Sarigue de nouvelle génération, qui a pour mission essentielle de recueillir des informations électromagnétiques à vocation opérationnelle, a été mis en service en février 2002. Le coût total de réalisation du programme est estimé à 236 millions d'euros. Les Transall Gabriel sont moins récents, mais leur efficacité ne saurait être remise en doute, notamment au regard de la satisfaction qu'ils ont suscitée à l'occasion de leur déploiement au début des opérations en Afghanistan.

ventilation des dotations
pour les programmes de renseignement d'origine électromagnétique (roem)
sur la période 2003-2008

(en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

ROEM stratégique

5,08

11,81

11,89

12,16

20,75

17,31

Compléments ROEM

0,94

3,86

2,73

-

-

5,00

MINREM

14,12

13,34

11,59

20,17

3,02

-

Sarigue NG

(et améliorations)

6,12

6,67

1,78

1,29

4,18

3,18

d) Le renseignement et la surveillance de l'espace terrestre : un effort très significatif en faveur des drones et des nacelles de reconnaissance

La surveillance de l'espace terrestre est assurée par divers systèmes aéroportés : les aéronefs pilotés, lorsqu'ils emportent des nacelles de reconnaissance, et les drones, qui sont des systèmes réutilisables par principe, télépilotés ou programmés à partir du sol, d'une plate-forme aérienne ou navale.

Les drones regroupent des composants articulés (un vecteur, une charge utile, un système de liaison des données, un segment-sol d'exploitation et de conduite, un ou plusieurs opérateurs) qui peuvent voler, pour des missions d'ordre stratégique, à haute altitude avec une longue endurance (HALE) et à moyenne altitude avec une longue endurance (MALE) ou, à des fins purement tactiques, à basse altitude. La compétence française est reconnue au niveau européen et ce n'est sans doute pas un hasard si le groupe chargé de réfléchir sur les besoins des Etats membres de l'Union européenne en matière de drones, dans le cadre du plan d'action européen sur les capacités (ECAP), est animé par la France.

Les intérêts des drones sont nombreux : ils offrent une capacité continue d'observation et d'investigation dans la profondeur du dispositif, devenant indispensables à la man_uvre aéroterrestre ; ils présentent une souplesse d'emploi importante (relais de communications, surveillance, cartographie) ; ils permettent la préservation des personnels pour les missions d'évaluation des dommages après destruction d'un objectif ; enfin, par leur mobilité et leur faible coût unitaire, ils constituent un moyen complémentaire du renseignement tactique par voie aérienne ou spatiale. En outre, l'intervention américaine en Afghanistan a conféré une nouvelle vocation aux drones, puisque c'est à cette occasion que le système Predator a été équipé de missiles Hellfire, afin de raccourcir le délai entre la collecte d'informations et la frappe sur une cible d'opportunité. Initialement fondées sur un concept d'emploi limité au recueil du renseignement, les conditions d'utilisation des drones pourraient s'élargir à des applications militaires bien plus diversifiées.

L'armée de terre souhaite remplacer les CL 289 et les Crécerelle, dont elle dispose actuellement, par des drones multi-charges multi-missions (MCMM), à l'horizon de la fin de la décennie. Le présent projet de loi envisage à cet effet la commande de quarante drones et de dix stations, avec une livraison de dix drones et de deux stations en 2008. Cependant, étant donné la fin de service programmée des Crécerelle en 2003, l'armée de terre se dotera à titre transitoire d'un système de drone lent et tactique intérimaire (SDTI), composé de deux groupes de lancement et de récupération disposant chacun de huit vecteurs aériens. En outre, l'armée de l'air va acquérir dès 2003 un système intermédiaire de drones opérant à moyenne altitude et longue endurance (SIDM), soit trois drones et une station sol, afin d'en expérimenter les applications. Pour répondre au besoin proprement opérationnel de surveillance et de reconnaissance, le présent projet prévoit une commande de douze MALE livrés partir de 2009. Quatre exemplaires supplémentaires pourraient être commandés ultérieurement. La priorité sera donnée à la réalisation de ce programme dans le cadre d'une coopération européenne.

Compte tenu des évolutions des besoins des forces pour la maîtrise de l'information, du combat et du soutien aux opérations, la France s'est également lancée dans des programmes d'études et de développement concernant les drones de très courte portée (inférieure à dix kilomètres). Ceux-ci devraient équiper à partir de 2005 les éléments de reconnaissance des unités de contact de l'armée de terre (infanterie et cavalerie principalement).

Les moyens de reconnaissance par avion ne seront pas abandonnés pour autant, puisque le présent projet de loi prévoit l'acquisition de vingt-trois nacelles de reconnaissance aéroportées de nouvelle génération, quinze d'entre elles étant dévolues à l'armée de l'air et le reste à la marine. Ces équipements permettront de mener à bien des missions de reconnaissance d'objectifs militaires, en transmettant des informations en temps quasi réel et en cours de vol. Grâce à la maniabilité et à la vitesse de déplacement des avions de combat qui emporteront ces nacelles, le commandement disposera d'une capacité d'information très réactive et performante, dont les crises récentes ont montré la nécessité.

En outre, les systèmes héliportés de surveillance Horizon bénéficieront d'un complément de développement dès 2003. Chaque système comprend deux hélicoptères Cougar Mk-1 équipés de radar Doppler, d'une portée de 150 kilomètres, et une station au sol. Les deux systèmes prévus ont été livrés, l'un en décembre 1996, l'autre en mars 1998, pour une mise en service opérationnel en 2001.

3. Des coopérations techniques et financières de plus en plus nécessaires pour préserver les capacités européennes

Désormais, les interventions des forces armées s'inscrivent le plus souvent dans un contexte de coalition. Etre nation-cadre (8) dans le domaine du C3R suppose de disposer d'outils de télécommunications et de renseignement très performants. Les nouveaux concepts d'opérations font de plus en plus appel aux nouvelles technologies de l'information et des communications, lesquelles permettent de raccourcir considérablement les délais de circulation des renseignements et des ordres de commandement. Les ambitions de la France sont légitimes, car elle dispose de réels atouts en la matière. Le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 prévoit la poursuite de programmes structurants et importants d'un point de vue technologique. Les industriels français possèdent un savoir faire réel, comme le montre la réussite des programmes Hélios, Syracuse, ou SICF, par exemple. Cependant, le fossé technologique qui sépare les Etats-Unis de l'ensemble de leurs alliés conduit à penser que, dans le domaine des technologies de l'espace, de l'information et des communications, l'avenir ne peut être qu'européen.

Le tableau ci-après offre un aperçu comparatif des efforts actuels des principaux pays qui accordent un intérêt certain au secteur spatial. Le budget spatial français y apparaît comme le plus important des Etats européens, même s'il a peu à voir avec les montants consentis par les Etats-Unis.

l'effort budgétaire global des principales puissances spatiales
du monde en faveur de l'espace (civil et militaire) en 2002

Etats Unis

Russie

Japon

Inde

France

Allemagne

Italie

Royaume-Uni

En milliards d'euros courants

42,0

0,3

3,2

0,6

1,8

1,0

0,88

0,5

L'avenir du secteur spatial français se noue désormais aux niveaux des instances communautaires, de l'agence spatiale européenne (ESA) ou des coopérations interétatiques. Certaines applications civiles de l'espace, à l'image des lanceurs, des satellites météorologiques ou des systèmes de navigation, ont des implications stratégiques très importantes. Les décisions de l'Union européenne ou de l'ESA ont donc des répercussions essentielles. Récemment, près d'1 milliard d'euros a été alloué à la modernisation d'Ariane V sur la période 2003-2006 et il a été décidé d'affecter 1,2 milliard d'euros à la définition et au développement de Galileo, système de navigation indépendant du Global Positionning System (GPS) américain. L'intérêt de ces programmes pour la défense n'est pas à démontrer, et il justifie que le projet de loi de programmation prévoie de contribuer financièrement au développement de la fonction sécurité de Galileo.

Les coopérations dans le secteur de l'espace militaire sont essentiellement interétatiques. Ainsi, des accords d'exploitation des filières radar italienne (Cosmo-Skymed) et allemande (SAR-Lupe) ont été conclus en contrepartie d'un accès réciproque à la programmation des satellites Pléiades et Hélios II. A plus long terme, pourquoi ne pas envisager une mutualisation des budgets européens en faveur des satellites militaires ? A raison de 730 millions d'euros par an, l'Union européenne pourrait acquérir un programme spatial militaire complet. Dans l'hypothèse d'une contribution des Etats calculée sur la base des ratios en vigueur pour le financement de l'ESA, la participation des pays européens ne serait pas incompatible avec leurs efforts financiers actuels. Néanmoins, un organisme intergouvernemental devrait voir le jour afin d'assurer l'expertise technique et la maîtrise d'ouvrage des programmes, à moins qu'une instance militaire spécifique, rattachée à l'ESA et ne rassemblant que les Etats membres volontaires, ne voie le jour.

Dans le domaine des communications, l'avance américaine est tout aussi manifeste. Lors de l'intervention des forces spéciales en Afghanistan, il ne fallait pas plus de vingt minutes au centre de commandement de Tampa, en Floride, pour diffuser ses instructions au niveau du commandement sur le terrain : les ordres étaient transmis en temps quasi réel, grâce à des moyens sans équivalent en Europe. L'écart entre les deux rives de l'Atlantique est d'ailleurs appelé à s'accentuer puisque les Etats-Unis ont réorienté leurs priorités en privilégiant l'exploitation des informations, grâce au développement de technologies de sélection des renseignements, à la mise en _uvre du concept de guerre centrée sur les réseaux (« network centric warfare »), à travers le programme war information network-tactical (WIN-T), et aussi grâce au développement d'une radio logiciel tactique (le joint tactical radio system ou JTRS), qui a vocation à devenir le nouveau standard de radio pour les forces armées en assurant une diffusion de l'information au plus bas de l'échelon opérationnel, afin de favoriser une réactivité immédiate et une mobilité accrue.

Devant les investissements à consentir pour ne pas se voir imposer des technologies sur étagère, la solution pour les Etats européens passe nécessairement par une coopération, portant dans un premier temps sur la recherche amont. La réalisation de démonstrateurs de systèmes de communication portatifs, intégrant différents modes de diffusion et de gestion de l'information, constitue une étape indispensable pour conserver un minimum d'interopérabilité entre les armées européennes et les troupes américaines dans les années à venir. Les dispositions du présent projet en faveur de la recherche-développement doivent y contribuer.

B. LE RENFORCEMENT DE LA PRÉPARATION ET DU MAINTIEN DE LA CAPACITÉ OPÉRATIONNELLE

Ce système de forces fédère toutes les capacités qui contribuent à l'entraînement, à la mise en condition et au soutien des forces.

1. Une priorité réaffirmée : le nécessaire rattrapage du maintien en condition opérationnelle des matériels

Lors de la présentation du présent projet de loi devant la commission, la ministre de la défense a déterminé les trois objectifs principaux de ce texte : le rétablissement de la disponibilité des matériels, la modernisation de l'équipement militaire et la consolidation de la professionnalisation. C'est dire l'importance accordée au maintien en condition opérationnelle des équipements militaires, après une période de dégradation rapide et continue de leur disponibilité.

La restauration de la disponibilité des matériels est impérative pour améliorer les capacités opérationnelles de nos forces armées et leur donner les moyens d'accomplir leurs missions. C'est pourquoi le présent projet de loi engage une forte revalorisation des moyens financiers qui y sont consacrés et prévoit la poursuite de la réforme des structures de maintenance.

a) Une situation dégradée aux conséquences regrettables

· L'insuffisante disponibilité des équipements militaires

La disponibilité des matériels militaires s'est significativement dégradée au cours des quatre dernières années et, si la situation est contrastée selon les armées et les équipements considérés, l'entretien des matériels, et partant leur disponibilité, ne sont pas satisfaisants. Ce constat a été exposé de façon détaillée dans le récent rapport d'information de M. Gilbert Meyer (9).

L'examen du taux de disponibilité technique opérationnelle (DTO) des équipements, qui est l'outil statistique permettant d'évaluer leur capacité opérationnelle, témoigne de cette évolution défavorable. Le taux de DTO a significativement diminué pour certains matériels spécifiques. Le cas des hélicoptères de l'armée de terre est particulièrement significatif, comme l'a mis en exergue le rapport d'information de M. Serge Vinçon, sénateur (10).

évolution de la dto des hélicoptères de l'armée de terre de 1997 à 2002

PARCS

1997

1998

1999

2000

2001

2002(1)

GAZELLE

80 %

77 %

62 %

62 %

61 %

46 %

PUMA

67 %

66 %

59 %

53 %

62 %

67 %

COUGAR

62 %

48 %

47 %

54 %

62 %

60 %

(1) Sur la base des chiffres du premier semestre seulement.

Source : ministère de la défense.

Alors que l'armée de terre devrait disposer de 80 % de ses matériels terrestres et de 75 % de ses matériels aériens pour honorer son contrat opérationnel, les taux de DTO des matériels et systèmes d'armes majeurs sont nettement inférieurs à ces minima et ne permettent pas de satisfaire les besoins d'entraînement des forces armées.

Les autres armées ne sont pas épargnées. La disponibilité des flottes de l'armée de l'air est contrastée : si les flottes d'avions de combat (à l'exception des Mirage 2000, affectés par des problèmes techniques conjoncturels) tendent à se rapprocher des objectifs définis par l'état-major (67 % en 2002 et 75 % pour 2003), en revanche les flottes d'hélicoptères, d'avions de transport et d'aéronefs écoles rencontrent des difficultés à rétablir durablement leur niveau de disponibilité et à effectuer leur missions.

évolution de la disponibilité des matériels majeurs
de l'armée de l'air, de 1997 à 2002

PARCS

1997

1998

1999

2000

2001

2002 (1)

Mirage 2000 N

66 %

67 %

61 %

58 %

63 %

57 %

Mirage 2000 D

67 %

64 %

72 %

67 %

63 %

55 %

Mirage 2000 C

71 %

66 %

69 %

66 %

68 %

65 %

Mirage 2000-5 F

-

-

64 %

66 %

68 %

57 %

Mirage F1 CR

72 %

65 %

61 %

63 %

60 %

67 %

Mirage F1 CT

71 %

69 %

60 %

59 %

51 %

61 %

C 160 Transall

69 %

66 %

58 %

53 %

56 %

55 %

C 130

61 %

67 %

68 %

64 %

65 %

65 %

CN 235

75 %

74 %

66 %

68 %

61 %

62 %

(1) Sur la base des chiffres du premier semestre uniquement.

Source : ministère de la défense.

La marine doit également faire face à une diminution de la disponibilité globale de ses matériels. Sur l'année 2001 et le premier semestre 2002, celle-ci se situe aux environs de 56 %, ce qui est très largement en-deçà de l'objectif initialement fixé, lors de la professionnalisation, à 80 % : le déroulement de l'activité opérationnelle programmée de la flotte est de plus en plus souvent ajusté en fonction des impératifs d'entretien et, le cas échéant, des urgences.

évolution de la disponibilité des principaux bâtiments
de la marine, de 1997 à 2002

PARCS

1997

1998

1999

2000

2001

2002(1)

Transports de chalands de débarquement

85,1 %

94,2 %

50,0 %

37,8 %

67,8 %

54,3 %

Frégates lance-missiles et antiaériennes

78,9 %

47,6%

34,1 %

53,0 %

35,1 %

40,4 %

Frégates anti-sous-marines

74,1 %

81,8 %

64,2 %

56,3 %

61,5 %

51,9 %

Frégates La Fayette

87,2 %

89,1 %

57,8 %

68,8%

76,9 %

71,1%

Avisos A 69

88,6 %

90,4 %

82,8 %

76,3 %

81,1 %

59,2 %

Chasseurs de mines

86,4 %

83 %

95 %

81,1 % (2)

43,3 %

52,2 %

Pétroliers-ravitailleurs

77,7 %

76,9 %

85,5 %

80,2 %

82,2 %

85,1 %

Sous-marins nucléaires d'attaque

69,9 %

68,9 %

49,0 %

42,7 %

34,9 %

38,8 %

(1) Sur la base des chiffres du premier semestre uniquement (calcul jusqu'au 2 septembre inclus).

(2) Chiffres portant sur 9 mois seulement.

Source : ministère de la défense.

· Des conséquences dommageables

La dégradation de la disponibilité des équipements militaires emporte des conséquences très néfastes, d'un point de vue matériel, mais aussi humain. Lors de son discours de politique générale à l'Assemblée nationale, le 3 juillet 2002, le Premier ministre a insisté sur la gravité de la situation, en soulignant que l'objectif de la nouvelle loi de programmation militaire « sera de restaurer la disponibilité de nos matériels. Cela veut dire avoir des pièces de rechange pour nos avions et nos chars, afin qu'ils puissent servir ». Lors de sa visite aux armées le 30 septembre 2002, le Président de la République a souligné la « frustration profonde des militaires de tous rangs devant la dégradation de leurs capacités opérationnelles » et a rappelé que « l'indisponibilité de plus en plus fréquente des avions, des chars, des hélicoptères ou des bâtiments et le niveau d'entraînement insuffisant des unités de combat sont devenus insupportables ».

La faible disponibilité des équipements affecte inéluctablement les capacités opérationnelles des armées et rend plus difficile l'accomplissement des missions qui leur sont confiées. A titre d'exemple, l'armée de terre semble désormais à la limite de ses aptitudes opérationnelles pour remplir le contrat fixé lors de la professionnalisation. Si elle possède les moyens de répondre à une demande d'intervention du niveau des engagements actuels dans les Balkans, un déploiement majeur de 50 000 hommes, décidé dans le cadre d'une action alliée, ne pourrait être accompli instantanément avec les matériels actuels sans une phase de remise préalable des équipements à niveau. Cette situation n'est pas propre à l'armée de terre. Les équipements des armées peuvent être mobilisés en cas de crise et être pleinement opérationnels, mais c'est, d'une part, au détriment de la disponibilité des autres matériels et, d'autre part, pour des opérations d'une durée relativement réduite et d'une ampleur limitée. Cette situation n'est pas satisfaisante, notamment au regard du rôle de nation-cadre que la France entend assumer en matière de défense.

La diminution de la disponibilité des matériels a également une incidence directe sur le moral des personnels militaires. Alors que la professionnalisation est aujourd'hui presque achevée, les équipements militaires sont devenus l'outil de travail des personnels. Dès lors, le mauvais état des matériels contribue à détériorer le cadre de travail des armées et affecte le moral de ceux qui les utilisent. Par ailleurs, la longueur des délais de réparation et les difficultés à obtenir les crédits nécessaires suscitent un sentiment d'impuissance et de découragement dont les effets sont très négatifs chez les personnels militaires.

· Des causes multiples

La forte baisse de la disponibilité des équipements résulte de la conjonction de plusieurs facteurs et les difficultés rencontrées dans l'entretien ne peuvent se réduire à une explication simple.

En premier lieu, les dotations consacrées à l'entretien des matériels sont devenues une variable d'ajustement au sein du budget de la défense et ont décrû régulièrement depuis 1997.

évolution des dotations d'entretien programmé des matériels des armées depuis 1997

(en millions d'euros courants)

LFI 1997

LFI 1998

LFI 1999

LFI 2000

LFI 2001

LFI 2002

Autorisations de programme

3 053,3

2 724,9

2 774,0

2 494,3

2 323,4

2 883,2

Crédits de paiement

2 814,5

2 648,0

2 502,8

2 362,2

2 269,2

2 402,6

Source : ministère de la défense

En outre, les crédits d'entretien programmé des matériels (EPM) ont subi de plein fouet les mesures de régulation budgétaire appliquées au budget de la défense. L'entretien des matériels a été victime d'une mauvaise exécution budgétaire des dotations votées par le Parlement.

La forte réduction des moyens alloués à la maintenance des équipements a eu une incidence directe sur leur disponibilité. Cependant, cette dégradation n'est pas uniquement due à la diminution des crédits engagés. La mauvaise organisation de la chaîne de maintenance est également en cause. Les difficultés d'approvisionnement en pièces de rechange, qui incluent la complexité des procédures d'acquisition et de passation de marché ainsi que les ruptures des chaînes d'approvisionnement imputables aux industriels, doivent être mises en avant pour expliquer les retards et les insuffisances de l'entretien des équipements militaires.

Le vieillissement des matériels, aggravé par une usure prématurée due à la multiplication des opérations extérieures, renchérit leur coût d'entretien. Les principaux parcs de matériels, tels que les chars AMX 10 RC, les hélicoptères Gazelle ou les frégates de lutte anti-sous-marine, sont aujourd'hui vieillissants. Avec de vieux appareils, la maintenance suit la loi des rendements décroissants : l'entretien réclame davantage de crédits, car les réparations sont plus lourdes, sans que pour autant la disponibilité s'améliore sensiblement, car le risque de panne est plus élevé. Le vieillissement des équipements est accéléré par la surutilisation des matériels résultant des déploiements importants réalisés sur de longues périodes, lors d'opérations extérieures.

Des problèmes techniques ponctuels, tels que la corrosion du faisceau torsique des hélicoptères Gazelle constatée en 2001, peuvent affecter de façon brutale la DTO d'un matériel. Enfin, des facteurs d'ordre industriel, et notamment le désintérêt des constructeurs à l'égard du maintien en condition opérationnelle, jouent également un rôle non négligeable dans cette dégradation.

L'ensemble de ces facteurs doit être pris en considération pour restaurer la disponibilité des matériels. Cet objectif constitue une priorité du projet de loi de programmation militaire et des dispositions ont été prévues afin de l'atteindre dans les plus brefs délais.

b) L'engagement d'un effort significatif pour assurer le redressement de la disponibilité des matériels

Des objectifs de disponibilité ambitieux ont été fixés aux trois armées dans le cadre du plan de redressement engagé par le présent projet et le plan a été amorcé dès l'été 2002, avec le vote de crédits destinés à l'entretien des matériels dans la loi de finances rectificative du 6 août 2002. Les objectifs assignés sont les suivants :

- pour l'armée de terre, 80 % pour les matériels terrestres et 75 % pour les matériels aériens ;

- pour la marine, 90 % pour la flotte (85 % en incluant les bâtiments à propulsion nucléaire) et 75 % pour les matériels aériens ;

- pour l'armée de l'air, 75 %.

Ces objectifs correspondent à un plan d'action à long terme, accompagné de la mise en place d'un contrôle de gestion avec des indicateurs de suivi. Pour les atteindre, le présent projet de loi prévoit une augmentation des crédits d'entretien programmé des matériels et la poursuite des réformes structurelles de l'organisation de la maintenance.

· La revalorisation des crédits d'entretien des matériels

La baisse continue des crédits d'entretien programmé des matériels (EPM) a été interrompue à partir de 2002, en raison de l'aggravation de l'indisponibilité des équipements de l'armée de terre. Le projet de loi de programmation amplifie largement cette évolution en prévoyant un effort financier considérable. L'annuité moyenne d'entretien programmé des matériels est fixée à 2 379 millions d'euros, hors maintien en condition opérationnelle inclus dans les programmes. A titre d'exemple, ce montant moyen représente une hausse de 4,85 % par rapport à celui de l'année 2001, qui s'établissait à 2 269 millions d'euros.

Un effort significatif a été consenti pour l'année 2003 puisque, dans le projet de loi de finances pour 2003, le montant des crédits de paiement consacrés à l'EPM atteint 2,609 milliards d'euros et est donc supérieur à l'annuité moyenne prévue par le projet de loi de programmation. Ce niveau de crédits représente une hausse de 8,6 % par rapport à la loi de finances pour 2002. Le montant des autorisations de programme consacrées à l'EPM dans le projet de loi de finances pour 2003 atteint 3,173 milliards d'euros, en hausse de 10,1 % par rapport à la loi de finances initiale de 2002. La dotation en autorisations de programme dépasse ainsi 3 milliards d'euros pour la première fois depuis 1997.

La forte progression des moyens financiers prévue par le projet de loi de programmation militaire, tant en autorisations de programme qu'en crédits de paiement, permettra de rétablir progressivement la disponibilité des matériels au niveau requis. Il convient de saluer cet effort considérable, qui doit être maintenu tout au long de l'exécution de la loi de programmation militaire, pour permettre un redressement significatif et durable. La poursuite de cet effort est d'autant plus nécessaire que le coût de l'entretien des équipements de nos forces dans les prochaines années excèdera sans doute largement celui des matériels actuellement en service. Les armements intègrent de plus en plus de technologies avancées, notamment en matière de gestion informatisée des systèmes d'armes ; leur maintenance est donc plus coûteuse.

Les graves problèmes de disponibilité des matériels ne pourront être réglés uniquement par une augmentation des moyens qui lui sont consacrés. La réorganisation de la chaîne de maintenance est tout aussi indispensable et les réformes engagées dans les structures de maintenance doivent être poursuivies.

· La poursuite des réformes structurelles de l'entretien des matériels

Les structures de maintenance ont été profondément réformées au cours des dernières années, après un travail de réflexion sur l'organisation de l'entretien. Deux organismes, la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD), puis le service de soutien de la flotte (SSF), ont été mis en place, respectivement en 1999 et en 2000, afin de rationaliser la gestion de l'entretien et des rechanges.

Le premier bilan que l'on peut tirer de leur action est positif et le développement de leur activité au cours des cinq prochaines années devrait permettre de poursuivre le redressement de la disponibilité des équipements en réalisant des gains de productivité. Sous réserve de quelques ajustements, une réforme de la maintenance des équipements terrestres sur le modèle de la SIMMAD et du SSF serait d'ailleurs souhaitable.

Les missions de la SIMMAD consistent à optimiser la disponibilité des matériels aériens des trois armées (ce qui englobe l'aviation légère de l'armée de terre et l'aviation embarquée de la marine) et de la gendarmerie, tout en maîtrisant les coûts de leur entretien. Il revient donc à la SIMMAD d'exprimer les besoins au plus juste, d'assurer la couverture contractuelle et financière des opérations de maintenance, de passer les commandes de rechanges et de suivre l'état des stocks. Ce sont actuellement 2 054 appareils et 90 planeurs qui relèvent de sa compétence : 58 % proviennent de l'armée de l'air, 26 % de l'armée de terre et 12 % de la marine. Avec un budget annuel de 1,4 milliard d'euros, elle gère 700 000 références aéronautiques, conclut 600 marchés et passe 20 000 postes de commande chaque année.

La SIMMAD va développer son activité au cours des prochaines années. Afin de lui donner tous les leviers permettant d'optimiser la disponibilité des flottes et donc d'assumer ses responsabilités, elle se verra aussi confier à partir du 1er septembre 2003 la maîtrise d'ouvrage déléguée de la maintenance aéronautique et disposera des moyens à cet effet.

La création de la SIMMAD s'est traduite par l'amélioration de la disponibilité des aéronefs. En décembre 2000, le taux de disponibilité moyen des matériels aériens s'élevait à 54,2 %, pour un objectif de 60 %. Ce taux est passé à 56,7 % en janvier 2002, 58,7 % en juin et il a dépassé 60 % en août, ce qui laisse présager que l'objectif de 67 %, assigné à la SIMMAD pour l'année 2002, est en passe d'être atteint. En dépit de la persistance de quelques difficultés, notamment pour les indisponibilités dites techniques, la SIMMAD a réussi son entrée en activité. Il lui reste à consolider son travail au cours des prochaines années.

La même approche a donc été adoptée pour la création du SSF, en juin 2000. Placé sous l'autorité du chef d'état-major de la marine et composé de personnels de la marine et de la DGA, ce service est chargé du soutien technique et logistique des bâtiments de surface et des sous-marins. Il a été créé pour pallier l'insuffisance de la disponibilité technique des bâtiments et pour remédier à l'éclatement des responsabilités de l'entretien de la flotte entre la DGA et la marine.

La démarche est similaire à celle de la SIMMAD, puisque l'objectif est de centraliser la gestion de la disponibilité en opérant un transfert des activités de la DGA et en établissant un marché de rechanges, afin de réaliser des gains de productivité. DCN dispose par ailleurs d'un quasi-monopole pour la maintenance de la flotte, ce qui constitue une contrainte non négligeable. De fait, le bilan du SSF s'en ressent, puisque l'amélioration de la disponibilité des bâtiments tarde à se percevoir sur le terrain.

L'effectif total s'élevait, au 4 septembre 2002, à 1 011 personnes ; il manque un nombre suffisant d'acheteurs spécialisés, ce qui pénalise la réactivité du service. A ce jour, le SSF gère 800 000 références et soutient 80 bâtiments de combat. Tout comme la SIMMAD, il poursuit actuellement son développement et prend en charge de nouvelles compétences, puisque la gestion des rechanges militaires, qui relève actuellement de DCN, lui incombera au 1er janvier 2003. En outre, il réorganise en profondeur la fonction des munitions, renforce ses capacités en matière de contractualisation et réalise un système d'information logistique.

Le bilan de la réforme des structures de maintenance est globalement satisfaisant. Les structures mises en place sont récentes et en plein développement et l'on est en droit d'espérer des évolutions positives, notamment du fait du retour d'expérience désormais acquis. La poursuite des réformes et leur consolidation devrait se traduire par un redressement de la disponibilité des matériels et une meilleure utilisation des crédits d'entretien programmé.

Dès lors, la question de l'extension de ces réformes à la maintenance des équipements terrestres se pose avec acuité.

L'organisation de l'entretien des matériels de l'armée de terre repose aujourd'hui sur l'état-major de l'armée de terre, la direction centrale du matériel de l'armée de terre (DCMAT), la SIMMAD et les industriels. Il semble que cette organisation ne permette pas d'avoir une vision claire et transparente de l'efficacité des marchés sur la disponibilité des équipements et le niveau de DTO des équipements de l'armée de terre n'est guère satisfaisant. La réorganisation de la DCMAT et du SCMAT (service central de la maintenance de l'armée de terre) en une structure interarmées pour la maintenance du matériel de l'armée de terre (SIMMT), sur le modèle de la SIMMAD et du SSF, pourrait être envisagée, afin de remédier à ces défauts d'organisation et à l'insuffisance de la disponibilité des matériels.

Une structure intégrée permettrait d'adopter une approche globale. Le niveau de compétence en matière de négociation, de contentieux et d'assurance qualité s'en trouverait relevé, car cette structure serait à même de mettre en _uvre des méthodes de contractualisation rénovées, à l'exemple de la SIMMAD. La SIMMT pourrait évaluer de façon globale le coût du point de DTO, nouer des partenariats avec les industriels et gérer les stocks de rechanges.

Les réformes des structures de maintenance doivent donc se poursuivre par le développement des organisations existantes et par la création d'une structure intégrée pour les matériels de l'armée de terre.

On notera enfin que le présent projet de loi prévoit une forte augmentation des crédits d'équipements militaires, dont la moyenne s'établira à 14,84 milliards d'euros sur la période 2003-2008. Cette revalorisation permettra de remplacer les équipements dans des délais plus réduits et de remédier au vieillissement des parcs actuels, qui est l'un des facteurs de la dégradation de leur disponibilité.

2. Un effort significatif en faveur du soutien santé des forces

Pour la première fois, le service de santé des armées (SSA) fait une entrée remarquée dans une loi de programmation militaire. Le présent projet de loi prend en compte la forte implication de ce service dans la protection de nos forces, notamment en opérations extérieures, ses problèmes de sous-effectifs, récemment mis en avant par un rapport d'information de la commission (11), et ses compétences particulières en matière de menaces NRBC. Il devrait permettre au service de santé de disposer des effectifs et des crédits d'investissement en rapport avec ses missions.

a) Un service de santé très sollicité par la multiplication des opérations extérieures

Avec la disparition de la charge liée au suivi médical des appelés, les missions du service de santé se sont recentrées sur le soutien sanitaire des forces projetées, tel qu'il ressort du contrat opérationnel : soutien de 30 000 hommes sur un théâtre d'opérations et de 5 000 autres sur un deuxième théâtre. Dans les capacités essentielles du modèle d'armée 2015 actualisé, sont mentionnés les moyens du soutien santé : 320 postes de secours régimentaires pour l'armée de terre, dix blocs hospitaliers embarqués pour la marine, des lots santé pour trois bases aériennes projetées et neuf hôpitaux des armées, qui fournissent le personnel technique des antennes chirurgicales projetables. Le parc hospitalier militaire, qui a été redimensionné par la précédente loi de programmation 1997-2002 pour répondre au contrat opérationnel, est donc confirmé dans son format actuel par le projet de loi de programmation militaire et ne devrait plus subir de modification.

Le SSA constitue plus que jamais une composante essentielle des opérations extérieures, au cours desquelles il met en _uvre avec efficacité sa conception du soutien médical et chirurgical au plus près des combattants. Les conditions et la qualité de prise en charge du volet sanitaire sont devenues une préoccupation majeure des états-majors, car ce facteur conditionne tout engagement des forces sur un théâtre et en détermine souvent l'ampleur. A cela s'ajoute une nouvelle dimension liée à la prise en compte des modalités d'hygiène et de sécurité en opération, comme l'ont démontré a posteriori les revendications liées au syndrome de la guerre du Golfe ou des Balkans. Au cours des douze derniers mois, le SSA a participé à toutes les opérations extérieures et exercices multinationaux. Outre la continuité du soutien des forces engagées notamment en Bosnie (SALAMANDRE), au Kosovo (TRIDENT) et au Tchad (EPERVIER), l'année 2001-2002 a été marquée par la participation aux opérations HERACLES en Asie Centrale et PAMIR en Afghanistan. Au premier semestre 2002, ont été déployés sur les différents théâtres 42 postes de secours (ou équivalent de niveau 1), sept cellules RAPACE SANTE, quatre antennes chirurgicales, quatre cabinets dentaires et quatre sections de ravitaillement sanitaire. Le tableau ci-dessous indique les effectifs cumulés mobilisés au titre du soutien médical des forces projetées en OPEX en 2001 et au cours du premier semestre 2002.

en 2001

au 1er semestre 2002

Officiers d'active

270

172

Officiers de réserve

44

19

Sous-officiers

311

185

Militaires infirmiers techniciens des hôpitaux des armées (MITHA)

166

107

Engagés volontaires de l'armée de terre

516

222

Le Livre blanc de la défense ne prévoyait le soutien de 35 000 hommes que dans le cadre d'opérations ponctuelles sur deux théâtres. Dans le contexte actuel des opérations extérieures « multi-théâtres », le soutien opérationnel est assuré par le prélèvement de personnels au sein des forces ou dans les organismes de la logistique santé, qui ne sont jamais remplacés. Ces prélèvements induisent des déficits ponctuels très significatifs au sein de l'armée de terre et de l'armée de l'air, en raison de l'inscription dans la durée des opérations dans les Balkans (KFOR et SFOR). Dans les organismes du SSA, c'est l'équivalent du potentiel chirurgical d'un hôpital d'instruction des armées (HIA) qui est engagé en permanence sur les différents théâtres d'opérations. Les prélèvements de chirurgiens et d'infirmiers dans les hôpitaux militaires, qui ont déjà des problèmes de recrutement, désorganisent les équipes et imposent une réduction de l'activité.

b) La nécessaire valorisation de la filière médicale et paramédicale, préalable à la consolidation de la professionnalisation

· Un déficit croissant en médecins d'active

Au 1er juin 2002, l'effectif réalisé des médecins des armées était de 2 125 pour un effectif budgétaire de 2 429, soit un déficit de 304 postes (12,5 %). Ce sous-effectif, qui existe depuis 1998, s'élevait à 5 % en 2000 et 9,4 % en 2001. Il pourrait, à conditions inchangées, atteindre 20% des effectifs en 2007. Ce déficit se concentre essentiellement au sein des forces (184 postes de médecins généralistes) et touche dans les hôpitaux certaines spécialités cruciales pour le soutien des forces et déjà déficitaires dans le secteur civil : anesthésistes-réanimateurs (- 24), radiologues (- 5) et urgentistes (- 13).

Ce sous-effectif est dû à la conjugaison de plusieurs facteurs d'importance variable : la diminution de moitié des recrutements imposée au service de 1982 à 1996 (seulement 49 sorties d'école d'application en 2002), la professionnalisation, l'allongement de la durée des études médicales, l'accélération des départs depuis 1999, due à des facteurs endogènes (vieillissement du corps avec une proportion plus grande de médecins ayant déjà effectué 25 ans de service, départ à la retraite de promotions nombreuses) et exogènes (opportunités plus nombreuses pour entreprendre une seconde carrière dans le secteur civil, liées à la baisse du nombre de médecins). Un médecin des armées peut actuellement obtenir la jouissance immédiate de sa retraite au bout de vingt-cinq ans de services, durée des études comprises, et commencer une nouvelle carrière dans le secteur civil à un âge relativement jeune (45 ans). Il ne doit d'ailleurs à l'Etat que dix ans de services à l'issue de ses études et les démissions ne sont pas rares. Après une baisse constante entre 1990 et 1997 (de 4,2 % à 3,4 %), le taux de départ par rapport à l'effectif global au 1er janvier a atteint 5,6 % en 2000 et 7,4 % en 2001.

· Le renforcement du recrutement

En raison de ce sous-effectif, une importante augmentation du recrutement initial en école a été décidée depuis 1997 : 115 places offertes en 1997, 120 en 1998, 130 en 1999, 140 en 2000, 150 en 2001, 170 en 2002. Cet effort se traduit dans le projet de loi de programmation militaire par la création de 220 postes budgétaires supplémentaires d'élèves-médecins de 2003 à 2008 : 20 en 2003, inscrits dans le projet de loi de finances initiale, 50 en 2004, 2005 et 2006, 35 en 2007 et 15 en 2008. Si le succès du concours est constant, les effets de ce mode de recrutement ne seront néanmoins pas perceptibles avant 2006, en raison de la durée des études médicales (neuf ans pour un généraliste). C'est pourquoi l'effort doit également porter sur la diversification du recrutement. Si le recrutement latéral de médecins thésés sur concours conserve un rendement insuffisant, on observe cependant un frémissement pour le recrutement de médecins diplômés sous contrat. Sur les cinquante places offertes en 2001 au titre du recrutement complémentaire, dix-neuf médecins ont pu être recrutés, dont quatorze sous contrat. Au 1er août 2002, vingt contrats avaient déjà été signés. Ce frémissement des recrutements complémentaires est lié à la politique de communication menée depuis deux ans auprès des universités et de l'ordre des médecins, qu'il convient de poursuivre. La confirmation de ce sursaut reste néanmoins subordonnée à l'amélioration de l'attractivité financière de ces contrats.

· Les mesures de fidélisation

En vue de limiter les départs, différentes mesures de valorisation ont été inscrites aux budgets 2001 et 2002 : indemnisation forfaitaire des gardes hospitalières, amélioration de l'avancement au grade de médecin principal en début de carrière, revalorisation des primes spéciale et de qualification à partir du grade de médecin en chef. Ce plan de revalorisation sera poursuivi et amplifié sous la prochaine loi de programmation. Le projet de loi de finances pour 2003, qui en est la première annuité, prévoit ainsi de compléter les primes spéciale et de qualification de 70€ par mois et un repyramidage planifié de 2003 à 2005 permettra d'améliorer l'avancement en fin de carrière, notamment l'accès au grade de médecin en chef hors échelle (lettre A) pour les généralistes. Ces mesures, qui sont plus particulièrement destinées aux personnels possédant 25 ans de services et plus enclins à partir, complètent utilement le plan de revalorisation engagé en 2001, en prolongeant la fidélisation.

· La poursuite du recrutement des militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA)

Afin d'améliorer le taux d'encadrement au lit du malade et d'éviter les réductions d'activité liées aux sous-effectifs, le présent projet de loi prévoit la création de 349 postes de MITHA (200 en 2003 et 149 en 2004), qui viennent en complément des 200 postes déjà accordés en 2002. Cet effort significatif permettra de répondre aux nouvelles normes de l'accréditation. Comme leurs homologues du secteur civil, les hôpitaux militaires ont été proposés à l'accréditation le 3 avril 2001 et cette démarche impose des contraintes techniques et financières en matière de sécurité et surtout d'effectifs. Dans ces conditions, tout déficit en personnel paramédical est sanctionné par la fermeture de lits, voire d'un service entier. En 1998, le taux d'encadrement était de 0,58 infirmier par lit dans les hôpitaux civils contre un taux de 0,44 dans les hôpitaux des armées, soit un écart de 24 %.

La réalisation de ces postes devrait être facilitée par la mise en place dès cette année d'un prérecrutement en instituts de formation aux soins infirmiers, le service de santé prenant à sa charge la dernière année d'études et rémunérant les intéressées comme aides-soignantes. D'autres mesures ont été mises en place en réponse à la diminution récente des candidatures et à l'augmentation des départs : décentralisation du recrutement au niveau des hôpitaux, garantie d'une stabilité d'affectation de cinq ans dans l'hôpital de leur choix pour les nouveaux candidats. Le bilan prévisionnel pour 2002 laisse déjà entrevoir un solde positif très encourageant entre les engagements et les départs.

La transposition en cours des mesures dites « Kouchner » de la fonction publique hospitalière aux MITHA (2,1 millions d'euros inscrits au projet de loi de finances pour 2003) devrait permettre en outre, par une meilleure reconnaissance des qualifications et une meilleure lisibilité des parcours professionnels, de fidéliser ces personnels, notamment les infirmiers spécialisés et les cadres de santé.

c) Les crédits d'équipement et d'infrastructure : un effort soutenu

La médicalisation de l'avant, qui a notamment permis de sauver des vies en Bosnie, sera améliorée par la poursuite et l'achèvement du programme d'éléments techniques modulaires à la fin de la programmation. Il s'agit de conteneurs (shelters) abritant les différentes fonctions d'un plateau technique hospitalier. Aéromobiles ou transportables par voie routière ou ferrée, ils disposent d'une grande autonomie grâce à la distribution d'énergie et de fluides médicaux par leur module de servitude et peuvent être assemblés de plusieurs façons, en fonction des besoins. Dotés d'une grande mobilité tactique et, comme leur nom l'indique, d'une grande modularité, ils sont particulièrement adaptés aux conditions opérationnelles d'un engagement moderne. Le programme de dotations médicales de postes de secours régimentaires sera également poursuivi.

Complément indispensable de la médicalisation de l'avant, le maintien à niveau des hôpitaux militaires, qui assurent la continuité des soins et entretiennent la compétence de spécialistes, nécessite un effort soutenu en crédits d'infrastructure. Lancé en 1998 et retardé, le programme de construction du nouvel hôpital Sainte-Anne de Toulon, opération classée majeure, ne subira plus de décalage. L'hôpital actuel, qui date du XIXème siècle et nécessitait une rénovation complète, sera transféré dans un bâtiment neuf sur le site de la caserne Grignan et mis en service dès 2007. Avec la remise aux normes incendie et la rénovation des services de l'hôpital Bégin, rendue urgente en raison de l'avis défavorable émis par la commission civile de sécurité en mars 2002, et la remise aux normes prochaine du Val-de-Grâce, le service de santé pourra compter dans un proche avenir sur un ensemble hospitalier modernisé et cohérent.

Le projet de loi de finances pour 2003 traduit déjà cet effort, les dépenses en capital étant en hausse de 66,1 % en crédits de paiement, passant de 24,7 millions d'euros en 2002 à 41 millions d'euros en 2003. De même, les autorisations de programme augmentent de 128 %, passant de 29,43 à 66,965 millions d'euros.

C. LA RECHERCHE ET LE DÉVELOPPEMENT, UN ENJEU ESSENTIEL POUR ASSURER LA PRÉPARATION DE L'AVENIR

1. Le rôle essentiel de la recherche et du développement

a) La nécessaire préservation de l'indépendance technologique nationale

Un effort important et continu en matière de recherche et de technologie est essentiel pour préparer les futurs programmes d'armements, pour moderniser et adapter les systèmes existants et pour définir et mettre en _uvre les futurs systèmes d'armes dont nos forces auront besoin à moyen terme. Cette approche prospective est indispensable pour conserver notre position de premier plan en matière de défense.

L'une des principales raisons justifiant la recherche dans le domaine de la défense réside dans la conservation de l'indépendance technologique nationale. La maîtrise de technologies avancées est capitale, par référence aux capacités des adversaires éventuels, mais aussi à celles de nos partenaires, afin que nos forces armées ne se retrouvent pas en retrait dans la conduite d'opérations conjointes, par défaut d'interopérabilité, et puissent le cas échéant participer à la direction de ces opérations menées en commun.

L'effort de recherche est d'autant plus nécessaire que les équipements militaires actuels intègrent les technologies les plus performantes et les plus récentes. Ces équipements sont élaborés par un petit nombre d'industriels hautement qualifiés dans des secteurs de pointe et ils obéissent à des impératifs technologiques qui conduisent à de véritables « courses » à la technologie. Le champ de la recherche de défense s'étend de façon continue sous l'influence de l'évolution des menaces potentielles et de l'émergence de nouveaux modes opératoires dans le domaine militaire. Les caractéristiques des technologies spécifiques à la défense, dont le coût d'accès croît, supposent des investissements élevés, afin d'obtenir des résultats significatifs, et leur poursuite dans le temps.

Il est donc indispensable de garantir un effort financier important et durable en matière de défense, afin d'éviter la perte de compétences technologiques et le creusement d'un fossé avec les Etats-Unis. De nombreux exemples illustrent ces risques : les domaines des systèmes de commandement et de conduite des opérations (en particulier les communications protégées), des armes intelligentes de très haute précision et des moteurs aéronautiques se caractérisent par la suprématie technologique et commerciale américaine. La perte d'indépendance technologique dans des domaines essentiels emporterait des conséquences militaires et politiques très dommageables.

Enfin, l'effort de recherche a des effets économiques et industriels positifs, car il garantit le positionnement de l'industrie française pour l'avenir et maintient la capacité d'innovation des PME-PMI qui occupent des niches technologiques.

b) La présentation de la recherche de défense

Plusieurs agrégats sont généralement utilisés pour mesurer l'effort financier de recherche de défense. Tout d'abord, l'agrégat recherche et technologie (R&T) mesure l'effort consenti en amont des programmes. Il correspond à l'activité qui permet, en s'appuyant sur les travaux réalisés dans le secteur civil, d'acquérir l'expertise, les connaissances et les capacités scientifiques, techniques et industrielles nécessaires pour définir et lancer les programmes d'armement. L'agrégat recherche et technologie (R&T) comprend :

- le budget d'études amont, qui est prépondérant ;

- le budget des études à caractère opérationnel ou technico-opérationnel (EOTO) et des études à caractère politico-militaire, économique et social (EPMES) ;

- les subventions versées aux organismes de recherche sous tutelle du ministère de la défense, tels que l'office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA) ou l'institut franco-allemand Saint-Louis (ISL) ;

- le financement des travaux de recherche fondamentale relatifs aux nouveaux moyens d'expérimentation et de simulation du commissariat à l'énergie atomique (CEA) ;

- la participation du ministère de la défense au budget civil de recherche et de développement (BCRD) ;

- le financement des centres de recherche des écoles sous la tutelle de la DGA.

L'agrégat recherche et développement (R&D) comprend la R&T et les travaux de développement des matériels ou des systèmes dont le programme est lancé.

Enfin, le concept de recherche, développement et essai (RDE) peut être considéré comme le plus large en matière de recherche de défense : il inclut l'ensemble des opérations, depuis les études à caractère fondamental jusqu'à la mise au point de prototypes ou de démonstrateurs. Trois agrégats peuvent donc être définis pour cerner l'effort de recherche de défense.

Le ministère de la défense distingue les développements industriels proprement dits, une fois les programmes d'armement décidés, et les études et recherches en amont de ces développements appelées « études amont ». Ces dernières constituent le c_ur de l'effort de recherche de défense. Elles ont pour vocation de permettre la préparation des programmes d'armement et constituent des recherches exclusivement appliquées, qui vont de la recherche scientifique ou technique jusqu'à la réalisation de maquettes ou la mise au point de démonstrateurs. Elles s'arrêtent là où commence la phase de faisabilité du programme. Depuis la réforme mise en _uvre en 1997, la délégation générale pour l'armement (DGA) assure la gestion de la totalité des crédits d'études amont.

La multiplicité des définitions relatives aux études amont et aux différents agrégats rend difficiles la définition de l'effort de recherche de défense en France et les comparaisons dans le temps. Par exemple, le caractère intégré des études dans les structures de recherche ne permet pas de déterminer les moyens humains ou techniques consacrés à tel type d'études ni de séparer au sein des équipes la part de personnels et de charges de fonctionnement relevant des études amont ou des développements. La pluralité des sources de financement de la recherche est également source de complexité.

2. Un effort budgétaire indispensable engagé par le projet de loi de programmation militaire

a) L'érosion continue des dotations de recherche et de développement

Depuis 1997, les dotations d'études des titres V et VI ont été fortement réduites. En autorisations de programme, elles sont passées de 940 millions d'euros en 1997 à 648 millions d'euros en 2002, tandis que les crédits de paiement ont baissé, au cours de la même période, de 950 millions d'euros à 678 millions d'euros. Sur plus longue période, les baisses cumulées entre 1990 et 2000 représentent un manque d'investissement dans la recherche amont de plus de 1,5 milliard d'euros.

Durant cette programmation, les crédits d'études amont ont constitué l'une des variables d'ajustement des dépenses d'équipement, notamment à l'occasion de la revue des programmes de 1998. De plus, l'exécution des crédits budgétaires fait apparaître une diminution encore plus sensible des dépenses réelles.

Évolution des crédits d'études amont

(en millions d'euros)

LFI 2000

LFI 2001

LFI 2002

AP

CP

AP

CP

AP

CP

Espace

41,3

35,8

41,2

30,5

44,4

33,4

Nucléaire

36,6

46,5

35,9

40,5

39,8

39,2

Classique

361,8

365,5

361,4

378,4

322,9

356,9

Total titre V

439,7

447,8

438,5

449,4

407,1

429,5

Études ONERA

35,4

35,4

34,3

34,3

15,9

14,8

Études institut Saint-Louis

20,2

20,2

17,4

17,4

35,2

35,2

Organismes d'études

13,7

10,7

15,2

15,6

17,8

17,8

Total titre VI

69,3

66,3

66,9

66,9

81,6

85,8

ONERA

47,7

47,7

46,5

46,5

46,5

46,5

Total titre III

47,7

47,7

46,5

46,5

46,5

46,5

Total études amont

556,7

561,8

551,9

562,8

522,2

569,9

Source : ministère de la défense.

La diminution des crédits consacrés à la recherche, observée depuis plusieurs années, a deux conséquences dommageables. Pour les armées, l'exploitation des évolutions technologiques risque d'être retardée au détriment de la performance des équipements, et les capacités opérationnelles des armées vont en être affectées. Pour les industriels, le déficit en R&T va se traduire par des pertes de compétences et de compétitivité, notamment sur les marchés à l'exportation, qui ont une incidence directe sur le potentiel industriel de recherche.

b) Des comparaisons internationales défavorables

Les comparaisons internationales en matière de recherche de défense constituent un exercice délicat, en raison des approximations dues aux conversions monétaires, des différences portant sur les pratiques comptables, des changements de périmètres ou de contenus des agrégats macroéconomiques et de la confidentialité de certaines données. C'est ainsi que les financements consacrés aux missiles nucléaires, qui sont sans objet en Allemagne, sont intégrés dans tous les agrégats aux Etats-Unis, dans certains agrégats seulement en France, mais ne le sont jamais dans les statistiques britanniques. De même, peu de pays font les mêmes distinctions entre les recherches et les développements.

A ces réserves près, le tableau suivant compare l'effort de R&T et de R&D de la France, des Etats-Unis, de l'Allemagne et du Royaume-Uni.

evolution comparée de la recherche de défense

(en milliards d'euros)

1998

1999

2000

2001

2002

FRANCE

R&T

1,06

1,13

1,21

1,17

1,19

R&D

3 ,10

3,27

3,33

3,42

3,48

ROYAUME-UNI

R&T

0,91

0,91

0,93

0,88

NC

R&D

3,37

3,97

4,35

4,73

NC

ALLEMAGNE

R&T

0,43

0,41

0,38

0,39

0,36

R&D

1,30

1,19

1,22

1,15

0,35

ETATS-UNIS

R&T

3,57

3,89

4,47

5,54

6,05

R&D

31,73

33,45

37,38

46,65

53,69

Alors que l'Allemagne effectue un effort plus modeste, le niveau des dépenses publiques de recherche militaire est comparable au Royaume-Uni et en France. Cependant, l'évolution comparée des crédits de recherche depuis 2000 est défavorable à la France et un effort semble nécessaire pour éviter un décrochage plus marqué, qui aurait des conséquences à moyen terme sur nos capacités opérationnelles.

Au delà du montant des dépenses de R&D françaises, on doit examiner la situation de l'Europe, au sein de laquelle la France joue un rôle moteur en matière de défense. Le financement de la recherche de défense par la France et les Etats européens, tant au niveau des études amont que de la R&D globale, est faible par rapport à l'effort réalisé par les Etats-Unis. Ceux-ci y consacrent dix fois plus de crédits que la France, et quatre fois plus que l'Union européenne. Dans un rapport de décembre 2000 de l'Assemblée de l'Union de l'Europe Occidentale (12), il apparaît que l'écart observé pour les dépenses de défense globale entre les Etats-Unis et l'Europe se creuse en matière de R&D militaire et qu'il en résulte un écart technologique global.

Un effort financier accru est impératif tant au regard des dépenses de nos partenaires européens que de celles des Etats-Unis.

c) La revalorisation engagée par le projet de loi de programmation militaire

Le projet de loi de programmation militaire prévoit un accroissement de l'effort de recherche sur la période 2003-2008. Une part importante de l'effort de défense de cette période étant consacrée à des acquisitions d'équipements, il est nécessaire de porter les crédits d'études à un niveau suffisant pour préparer le développement et l'acquisition des futurs systèmes, ainsi que la modernisation des équipements existants.

Les crédits d'études amont seront portés à 3 815 millions d'euros 2003 durant la loi de programmation, tandis que l'effort global de recherche de la défense, hors BCRD, s'élèvera à 7073 millions d'euros. La France conservera ainsi non seulement l'accès aux technologies les plus modernes, mais aussi la liberté de les mettre en _uvre sur les équipements de défense que l'industrie produit seule ou en coopération.

Le projet de loi de finances pour 2003 s'inscrit dans cette perspective : le montant des crédits de recherche augmente de façon significative. Les autorisations de programme s'élèvent à 712 millions d'euros, en augmentation de 9,9 % par rapport à la loi de finances initiale de 2002. Les crédits de paiement sont en revanche en légère diminution, en raison de la consommation insuffisante des crédits en 2002 ; ils s'établissent à 654 millions d'euros en 2003.

Les domaines prioritaires pour la période 2002-2004 ont été définis par la DGA, de la façon suivante :

- la maîtrise de l'information et du renseignement : ce domaine inclut l'amélioration de la chaîne de l'information, la gestion de l'espace et la numérisation du théâtre d'opérations, le développement des capteurs et des moyens de communication ;

- le renforcement de l'interopérabilité ;

- la sauvegarde des forces, notamment la protection individuelle et collective ;

- l'amélioration de la cohérence des systèmes de combat de contact terrestre.

Ces efforts de R&T se concrétiseront de plus en plus par la réalisation de démonstrateurs technologiques : ce sont des montages expérimentaux ou des simulations informatiques qui permettent de mieux cerner le domaine d'application des nouvelles technologies, de réduire les risques, les délais et les coûts et de préparer des coopérations internationales sur des programmes futurs. Certains existent déjà, comme le GRAVE (radar de surveillance de l'espace, d'identification d'objets spatiaux et d'orbitographie), d'autres sont en cours de réalisation, comme l'essaim de mini-satellites d'écoute radioélectrique COMINT, ou sont planifiés, comme le véhicule aérien de combat sans pilote UCAV.

3. Vers une amélioration de l'organisation de la recherche et du développement.

a) Le renforcement des complémentarités entre les secteurs civil et militaire

Les programmes militaires peuvent bénéficier des acquis de la recherche civile financée par d'autres sources ; on parle alors de dualité de la recherche. Ainsi, certains secteurs industriels essentiellement civils intéressent la recherche militaire ; c'est particulièrement vrai pour l'électronique professionnelle, les télécommunications et les secteurs aéronautique et spatial. Le degré de dualité est d'autant plus élevé qu'on se situe au niveau des composants de base ou de systèmes transposables.

La dualité en matière de recherche présente de nombreux avantages pour le secteur militaire : elle facilite l'accès rapide aux technologies nouvelles, permet de diminuer les coûts par des économies d'échelle et rend possible la concentration des efforts financiers sur les technologies proprement militaires.

Il apparaît donc souhaitable de renforcer la concertation et la coordination des structures françaises intervenant en matière de recherche. Une structure de concertation entre le ministère de la défense et les ministères de l'économie et des finances et de la recherche pourrait être mise en place sur les crédits liés à la politique de la recherche. Des efforts en ce sens ont été engagés : un protocole entre les ministères de la recherche et de la défense a été signé en janvier 2001, visant à une meilleure harmonisation des programmes de recherche et définissant une structure d'échange permanente. Une participation de la défense aux structures des réseaux de recherche et d'innovation technologique du ministère de la recherche a été engagée, avec la nomination de responsables pour chaque réseau et la décision de premiers objectifs d'actions en R&D. A titre d'exemple, le ministère de la défense participera à des actions dans le domaine des matériaux, des composants et de la vulnérabilité bactériologique et chimique. Le prochain comité directeur approuvera fin 2002 un nouvel objectif pour l'année 2003. Ces efforts de concertation doivent être poursuivis et amplifiés.

C'est au titre de la recherche dite duale que le budget de la défense participait au budget civil de recherche et développement (BCRD), mais cette participation ne correspondait pas aux critères d'une bonne coordination entre recherches civile et militaire. C'est pourquoi la contribution de 190,6 millions d'euros figurant dans le projet de loi de finances pour 2003 de la défense sera compensée par une ouverture équivalente prévue en collectif 2002 de fin d'année. Cette contribution faisait en effet fréquemment l'objet de critiques au sein des états-majors. Elle est intégralement destinée au centre national d'études spatiales (CNES). S'il existe de fortes complémentarités entre les secteurs civil et militaire dans le domaine spatial, notamment du fait de l'existence de plate-formes communes, le CNES, en tant qu'établissement public, ne tient pas de comptabilité séparée des crédits qui lui sont alloués en fonction de leur origine ; il est donc difficile d'en suivre l'utilisation. Toutefois, comme l'a indiqué la ministre déléguée à la recherche devant la commission le 6 novembre dernier, le ministère de la recherche a essayé, avec le CNES, d'identifier l'origine des crédits engagés pour chaque programme dual, les principaux étant Ariane V, Galileo, Stentor, Pléiades, Spot IV et V. La contribution du ministère de la défense à des recherches duales équivaut en moyenne au tiers des sommes investies par le BCRD. En tout état de cause, la clarification du budget de la défense passera par l'exclusion de son champ de cette part du BCRD.

On doit donc conserver une attitude prudente en matière de dualité et étudier avec précision les domaines concernés : dans de nombreux cas, les programmes militaires requièrent des spécifications qui ne correspondent pas aux besoins civils et qui ne peuvent être dérivées de produits civils ou ne peuvent être satisfaites dans les mêmes conditions économiques, en raison de l'étroitesse des marchés militaires par rapport aux marchés dits grand public. Les exemples de la furtivité, du blindage ou du durcissement sont souvent cités comme des domaines où les produits civils n'existent pas. La spécificité militaire se rencontre également dans des systèmes complets comme les moteurs d'avions ou les véhicules spatiaux, en raison des conditions opérationnelles d'emploi.

b) Le développement des coopérations dans un cadre européen

La recherche militaire et les activités liées aux programmes de défense échappent aux compétences de l'Union européenne et les grands programmes européens ne prévoient pas d'actions directes en faveur de la recherche de défense. Cependant, deux évolutions sont intervenues pour pallier ce manque : d'une part, l'accès aux financements européens a été rendu possible sous le couvert des études civiles en raison de leur caractère dual, d'autre part, des initiatives de coopération ont été prises dans d'autres cadres que celui de l'Union européenne, en particulier dans celui de l'Union de l'Europe occidentale (UEO) ou bien de l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR).

L'organisation de coopérations européennes en matière de recherche de défense apparaît indispensable pour fédérer les capacités des pays européens, en s'appuyant sur les pôles d'excellence respectifs des différents Etats, et réaliser des économies d'échelle. Cette évolution est d'autant plus nécessaire que l'effort de recherche militaire des Etats-Unis représente le quadruple de celui des membres de l'Union européenne. Cette dimension européenne est prise en compte dans le modèle de capacités technologiques 2015, qui s'appuie sur des hypothèses de coopération, en particulier pour certains démonstrateurs technologiques. A ce jour, la France consacre 20 % de ses ressources d'études amont à des coopérations internationales.

Cependant, on peut s'interroger sur la multiplicité des cadres d'organisation de la recherche de défense européenne. Celle-ci conduit à l'émiettement et à la dispersion des systèmes de financement et d'exécution des projets de recherche. Il est utile de rappeler ici les dispositifs existants.

La coopération européenne en matière de recherche de défense prend la forme, soit de programmes bilatéraux, soit de programmes institutionnels. Les coopérations bilatérales incluent les échanges d'information, les programmes communs avec partage du financement ou encore les échanges de chercheurs et d'ingénieurs. Elles se sont développées significativement : la France a investi dans ces actions plus de 70 millions d'euros en moyenne annuelle au cours des trois dernières années. 23 arrangements techniques bilatéraux ont été signés en 2001, pour un montant de 38 millions d'euros. Les partenariats bilatéraux mis en _uvre par la France concernent le Royaume-Uni et l'Allemagne à hauteur de 70 %, ces trois pays assurant l'essentiel de l'effort budgétaire européen de recherche de défense.

Des programmes multilatéraux ont été mis en place dans des cadres institutionnels divers. Au sein du groupement pour l'armement de l'UEO (GAEO), le programme Euclid a pour objectif de renforcer la position des Européens en matière de R&T militaire et d'aider les plus petits pays membres à accéder aux technologies ; ces derniers passent de la position d'acheteurs de matériels sur étagère, en grande partie américains, à celle de co-réalisateurs de programmes d'armement européens. Quelque 165 projets ont été lancés depuis la signature du mémorandum d'entente cadre en 1990, dans les treize domaines européens prioritaires communs. Les moyens financiers mis en _uvre en France sont ceux du budget des études amont de la défense. Le 15 mai 2001, un mémorandum d'entente (MOU) Europa a été signé par les ministres de la défense du GAEO ; il vise à permettre l'accroissement de la coopération européenne en matière de R&T, avec l'objectif de 5 % de réalisation de la R&T dans le cadre du GAEO.

Une lettre d'intention (LoI) a été signée en juillet 1998 par la France, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni et la Suède afin de favoriser les restructurations transnationales de l'industrie européenne de défense. La LoI a défini six domaines d'intervention, dont celui de la R&T ; dans ce dernier domaine, son but est l'utilisation effective et efficace des ressources consacrées à la R&T et l'harmonisation des programmes, afin d'éviter les redondances et de combler les lacunes technologiques.

L'OCCAR ne traite pas encore de R&T : n'ayant pas cette vocation à l'origine, elle ne dispose pas des compétences techniques nécessaires. Il existe cependant un début de concertation en vue de lui confier la réalisation de démonstrateurs technologiques.

Enfin, des travaux de R&T sont conduits dans le cadre de l'OTAN et permettent des échanges d'informations sur différents thèmes et une plus grande concertation avec nos alliés.

La coopération en matière de recherche de défense qui s'est développée hors du cadre de l'Union européenne aboutit à la dispersion des enceintes et à la multiplicité des approches : la rationalisation des efforts mis en _uvre autour d'une structure ou d'un dispositif est indispensable. La définition précise des rôles respectifs des différentes instances, le regroupement de certains dispositifs existants et la simplification des procédures seraient souhaitables. Dans cette perspective, la DGA a fixé pour objectif de moyen terme que 50 % de l'effort français de recherche et de technologie soit mené en coopération.

c) Une allocation des ressources plus efficace

· Une meilleure gestion des crédits d'études amont

Afin d'améliorer le fonctionnement des crédits, le dispositif de gestion des études amont, modifié par l'instruction ministérielle n°2447 du 29 janvier 2001, prévoit la mise en place d'une programmation pluriannuelle glissante sur trois ans, ainsi qu'un mode opératoire et des indicateurs propres à un suivi efficace des dépenses d'études et de recherche. Une amélioration de l'efficacité et de la réactivité dans l'exécution de la programmation, ainsi que de l'adaptabilité à toute variation du contexte opérationnel, technique ou financier est obtenue par :

- la programmation d'engagements et non plus d'affectations d'autorisations de programme, qui facilite l'insertion des travaux d'étude dans un cycle orientation, programmation, évaluation ;

- la description des efforts à travers des programmes dotés d'objectifs (coûts, performances, délais) et non plus en flux ;

- enfin, la définition d'objectifs de gestion et la mise en _uvre du contrôle de gestion correspondant.

L'effort de recherche français est orienté à partir du plan prospectif à trente ans (PP30), fruit de la confrontation des analyses prospectives de la DGA et des états-majors. Le PP30 permet d'identifier le noyau dur des capacités technologiques à maîtriser, telles que la numérisation de l'espace de bataille et la conception des systèmes d'information et de commandement (SIC). La DGA a également défini, au côté du modèle d'armée 2015, un modèle de capacités technologiques qui se présente, comme le PP30, par systèmes de forces et sert de référence pour la programmation des travaux de recherche. Cette nouvelle approche capacitaire, couplée au regroupement de l'ensemble des crédits d'études amont sous la responsabilité de la DGA, permet d'assurer une plus grande clarté des actions conduites.

· Un rééquilibrage souhaitable en faveur des PME-PMI

L'essentiel de l'effort de recherche-amont est destiné aux grands groupes industriels du secteur de défense et de l'aéronautique et la part des moyens consacrés aux petites et moyennes entreprises et industries (PME-PMI) reste réduite. Cette concentration des financements publics peut être illustrée par le tableau suivant :

Principaux destinataires des études amont (en %)

2000

2001

Thales

27

26

EADS

21

13

Dassault Aviation

5

6

DCN

5

2

GIAT-Industries

4

4

SNPE

4

3

Alcatel

2

3

Sagem

3

3

ONERA

7

6

PME/PMI

11

11

Autres

2

8

La faible part des crédits destinés aux PME-PMI de défense est dommageable : elle entraîne la raréfaction du tissu industriel et l'appauvrissement des secteurs de recherche, alors que les petites entreprises peuvent jouer un rôle important en matière d'innovation et bénéficient d'une plus grande réactivité. Une allocation des ressources plus favorable aux PME-PMI serait souhaitable pour remédier à ce déséquilibre et aider à l'émergence de technologies innovantes.

C'est à cette fin que la DGA a proposé de nouvelles procédures permettant une participation plus importante des PME-PMI :

- des mesures d'accompagnement au niveau régional, dans le cadre d'une convention passée entre le ministère de la défense et le ministère de l'industrie ;

- la procédure de « propositions non sollicitées » qui fournit aux industriels l'opportunité de soumettre des projets scientifiquement et techniquement ambitieux, si ceux-ci offrent des perspectives intéressantes pour la défense ;

- la procédure des « appels à compétences sur projets » pour faciliter la participation des PME-PMI aux actions de recherche du ministère en diffusant, notamment sur Internet, les thèmes d'études pour lesquels la DGA recherche des propositions ;

- un dispositif d'aides sous forme d'avances remboursables, dans le cadre d'un protocole signé en mars 2002 avec l'agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR).

Au-delà de la poursuite de ces dispositifs et de l'engagement de consacrer un minimum de crédits de recherche amont aux PME-PMI indépendantes, la participation de ces dernières aux études amont de défense restera toutefois conditionnée à une réforme du code des marchés publics ou à un assouplissement de ses règles dans le domaine de la recherche.

 ________________

N° 0383 - Rapport sur le projet de loi de  programmation militaire 2003-2008 (M. Guy Teissier)

1 () S'y ajoutent les crédits d'équipement prévus pour la gendarmerie dans la loi n° 2002-1094, d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, du 29 août 2002.

2 () Rapport d'information n° 328 de M. Gilbert Meyer : « l'entretien des matériel : un sursaut nécessaire ».

3 () Livre blanc sur la défense, 1994, p.7.

4 () Livre blanc sur la défense, 1994, p.18.

5 () Avis n° 37 (XIIème législature).

6 () Rapport annexé au projet de loi n° 187, p.30.

7 () Rapport annexé au projet de loi n° 187, p.33.

8 () Dans une coalition, il peut s'avérer nécessaire, dans un domaine opérationnel donné, de s'appuyer plus particulièrement sur une nation dite « nation-cadre », qui soit capable de fédérer l'ensemble des partenaires ou alliés autour de ses capacités nationales.

9 () Rapport d'information précité n° 328 (XIIème législature) : « l'entretien des matériels : un sursaut nécessaire ».

10 () Rapport d'information n° 350 (2001-2002) : « les hélicoptères de l'armée de terre : situation et perspectives », au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.

11 () Rapport d'information n° 335 (XIIème législature) de M. Christian Ménard : « Le service de santé des armées : une décennie de transition ».

12 () Rapport de l'Assemblée de l'Union de l'Europe Occidentale, document A/1718 : « L'écart entre l'Europe et les Etats-Unis dans le domaine de la recherche et de la technologie en matière de défense », présenté au nom de la Commission technique et aérospatiale.


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