N° 505 - Rapport de M. Jean-Jacques Guillet sur le projet de loi autorisant l'approbation du protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la convention sur la diversité biologique (228)




Document
mis en distribution
le 2 janvier 2003

N° 505

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 décembre 2002.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI (n° 228), autorisant l'approbation du protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la convention sur la diversité biologique,

PAR M. JEAN-JACQUES GUILLET,

Député

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Traités et conventions

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I - LE PRINCIPE DE PRÉCAUTION EN DROIT INTERNATIONAL 10

II - LE PROTOCOLE DE CARTHAGÈNE 12

III - QUELLE ARTICULATION AVEC L'OMC ? 17

CONCLUSION 20

EXAMEN EN COMMISSION 22

Mesdames, Messieurs,

Le Gouvernement a déposé le 25 septembre 2002 sur le Bureau de l'Assemblée nationale le projet de loi (n° 228) autorisant l'approbation du protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la convention sur la diversité biologique. Ce protocole a été négocié en application de l'article 19 de la convention sur la diversité biologique, adoptée au sommet mondial de Rio le 22 mai 1992 et entrée en vigueur le 29 septembre 1994. Il vise à réglementer les échanges internationaux d'organismes vivants modifiés dans un souci de sécurité environnementale.

Le protocole de Carthagène, signé par la France au siège du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) le 24 mai 2000 en même temps que l'Union européenne et les autres Etats membres, met en _uvre le principe de précaution, tel qu'il a été consacré dans la déclaration de Rio de Janeiro sur l'environnement et le développement et récemment réaffirmé au sommet de la Terre et du développement durable de Johannesburg.

L'intérêt principal de ce dispositif est de réglementer les échanges internationaux d'organismes vivants modifiés en établissant des procédures de traçabilité et en créant une institution chargée de centraliser et de diffuser l'information sur ces produits. Ce mécanisme permettra en particulier aux Etats en voie de développement d'avoir accès à l'information, à des normes techniques et à l'expertise nécessaires pour effectuer une évaluation satisfaisante des risques préalables à l'utilisation et l'importation d'organismes vivants modifiés.

Après avoir rappelé de quelle reconnaissance le principe de précaution bénéficie en droit international, votre Rapporteur présentera le contenu du protocole dont l'approbation est soumise à l'autorisation de l'Assemblée, puis il évoquera la nécessité de renforcer l'articulation entre le droit international de l'environnement et celui du commerce afin de promouvoir une croissance économique compatible avec les principes du développement durable récemment réaffirmés au sommet de Johannesburg et qui constituent l'une des priorités politiques du présent Gouvernement qui vient d'y consacrer un séminaire visant à définir notre stratégie nationale en la matière.

Il évoquera également les récentes décisions prises par l'Union européenne en ce qui concerne les OGM, appellation aujourd'hui bien connue du grand public, particulièrement sensible dans ce domaine.

I - LE PRINCIPE DE PRÉCAUTION EN DROIT INTERNATIONAL

Le principe de précaution apparaît dans plusieurs accords internationaux, mais sa portée juridique varie, d'une part en fonction du caractère plus ou moins contraignant des textes, et d'autre part en fonction de l'existence d'une juridiction chargée de faire respecter ce principe.

Sur le premier point, on soulignera l'absence de définition unique du principe de précaution en droit international, certains préférant pour cette raison parler d'une « approche de précaution ». Les différents accords multilatéraux en matière d'environnement traitant de cette question montrent cependant l'existence d'éléments communs pour définir cette notion :

- La Charte des Nations unies pour la nature de 1982 pose le principe selon lequel « des activités, qui sont susceptibles de comporter un risque significatif pour la nature, doivent être précédées d'une étude complète. (...) Si des effets potentiellement négatifs ne sont pas totalement expliqués, les activités ne doivent pas être lancées ».

- La déclaration ministérielle de la seconde conférence internationale sur la protection de la mer du Nord (1987) affirme qu'une « approche de précaution est nécessaire, qui peut exiger que des mesures soient prises pour limiter les apports [en substances dangereuses] avant même qu'une relation de cause à effet n'ait été établie grâce à des preuves scientifiques incontestables ».

- Le protocole de Carthagène (2000), qui fait l'objet du présent projet de loi d'autorisation, donne au principe de précaution, en son article 10 paragraphe 6, une portée opératoire ; « l'absence de certitude scientifique due à l'insuffisance des informations et connaissances scientifiques pertinentes concernant l'étendue des effets défavorables potentiels d'un organisme vivant modifié sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique dans la Partie importatrice, y compris les risques pour la santé humaine, n'empêche pas cette Partie de prendre (...) une décision concernant l'importation de l'organisme vivant modifié en question (...) pour éviter ou réduire au minimum ces effets défavorables potentiels ».

- Les engagements pris au sommet de Johannesburg (2002) ont permis l'extension du principe de précaution au domaine de la santé en intégrant les notions d'évaluation et de gestion du risque ; les chefs d'Etat et de gouvernement préconisent ainsi « la mise au point et l'adoption, à titre volontaire, des moyens d'information du consommateur efficaces, transparents, vérifiables et non discriminatoires en vue de diffuser des informations sur la consommation et la production viables, y compris en ce qui concerne la santé et la sûreté ».

Ces différentes définitions laissent apparaître trois éléments communs : la présence d'un risque dommageable et irréversible ; l'absence de certitude scientifique quant à la réalisation du dommage ; l'obligation de prendre des mesures de gestion du risque.

Sur le second point, seule la Cour de Justice des communautés européennes a conféré à la précaution le statut de principe de droit directement applicable par les Etats membres de l'Union. A l'échelon international, le droit communautaire fait donc figure d'exception.

En effet, l'OMC, qui est dotée d'une autorité arbitrale disposant de pouvoirs contraignants, ne reconnaît la précaution que dans l'accord concernant les mesures sanitaires et phytosanitaires. Celui-ci stipule que « dans le cas où les preuves scientifiques seront insuffisantes, un membre pourra provisoirement adopter des mesures sanitaires ou phytosanitaires sur la base des renseignements pertinents disponibles, y compris ceux qui émanent des organisations internationales compétentes ainsi que de ceux qui découlent des mesures sanitaires ou phytosanitaires appliquées par d'autres membres ; dans de telles circonstances, les membres s'efforceront d'obtenir les renseignements additionnels nécessaires pour procéder à une évaluation objective du risque et examineront en conséquence la mesure sanitaire ou phytosanitaire dans un délai raisonnable. » Force est de constater que ce dispositif vise à encadrer la mise en _uvre du principe de précaution de telle sorte qu'il n'entrave pas le commerce international.

II - LE PROTOCOLE DE CARTHAGÈNE

· Le prolongement de la convention sur la diversité biologique de 1992

La convention sur la diversité biologique adoptée au sommet de Rio le 22 mai 1992 et entrée en vigueur le 29 septembre 1994 a pour but de protéger la diversité biologique, qu'il s'agisse d'écosystèmes, d'espèces ou de ressources génétiques. Pour ce faire, elle établit un cadre commun destiné à servir de référence aux politiques nationales traitant à la fois de la conservation et de l'exploitation des ressources biologiques.

Ratifiée par 186 Etats, dont les Etats-Unis ne font pas partie, cette convention a constitué un instrument innovant : d'une part elle a rompu avec la logique des accords sectoriels en traitant le problème dans sa globalité ; d'autre part, elle a reconnu à chaque Etat le droit souverain d'exploiter ses ressources biologiques, à charge, pour lui de les gérer de manière durable au travers de stratégies nationales. La convention prévoit en outre que les pays en voie de développement peuvent bénéficier de l'assistance des pays industrialisés et des organismes internationaux spécialisés (PNUE, PNUD, Banque mondiale, Fonds pour l'environnement mondial).

L'article 19 paragraphe 3 de la convention ouvre en outre la possibilité de conclure un protocole « comprenant notamment un accord préalable donné en connaissance de cause définissant les procédures appropriées dans le domaine du transfert, de la manutention et de l'utilisation en toute sécurité de tout organisme vivant modifié résultant de la biotechnologie qui risquerait d'avoir des effets défavorables sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique ». C'est dans ce cadre qu'ont été entreprises en 1996 des négociations à Aarhus qui se sont achevées à Montréal le 29 janvier 2000 et qui ont abouti à la rédaction du protocole faisant l'objet du présent projet de loi.

Comme l'indiquent Kym Anderson et Chantal M. Pohl Nielsen, dans un article intitulé Cultures transgéniques, politiques commerciales et OMC1, « Ce protocole n'a pas été uniquement adopté sous l'impulsion de pays riches ; certains pays en voie de développement le soutiennent également, car ils craignent que leurs territoires puissent être utilisés pour des expérimentations de mises en culture de produits OGM ». Cet élément de contexte permet de mieux comprendre le contenu du protocole et les enjeux de sa mise en _uvre.

· Les stipulations du protocole

L'objectif du protocole est d'encadrer la manipulation et les échanges transfrontières d'organismes vivants modifiés résultant de la biotechnologie moderne (article 1er). Cet objectif doit être mis en _uvre par les Etats signataires, qui conservent par ailleurs le droit de prendre des mesures plus rigoureuses que celles prévues par le protocole, à condition qu'elles soient compatibles avec ses objectifs, mais aussi avec les autres obligations imposées par le droit international (article 2). La conséquence de ces stipulations est de permettre à un pays de restreindre l'importation d'organismes vivants modifiés même en l'absence de preuves scientifiques quant au caractère nuisible de ces organismes tant sur la diversité biologique que sur la santé humaine.

Le protocole procède en outre à une définition précise des notions suivantes : l'utilisation en milieu confiné, l'exportation et l'importation, l'organisme vivant modifié, l'organisme vivant, la biotechnologie moderne, les organisations régionales d'intégration économique et les mouvements transfrontières (article 3). De la sorte, le champ d'application du protocole est clairement défini : il s'applique aux mouvements transfrontières, au transit, à la manipulation et à l'utilisation de tout organisme vivant possédant une combinaison de matériel génétique inédite obtenue par recours à la biotechnologie moderne.

Les produits pharmaceutiques à usage thérapeutique humain et les organismes vivants modifiés destinés à être utilisés en milieu confiné n'entrent pas dans le champ d'application du protocole (articles 4 et 5).

Le protocole institue par ailleurs un cadre permettant d'assurer la transparence des échanges d'organismes vivants modifiés : tout mouvement transfrontière de ces organismes doit faire l'objet d'une procédure de contrôle et d'information (articles 7 à 15). L'exportateur est obligé d'informer la partie importatrice d'éléments techniques précis, qui permettent à celle-ci, après en avoir accusé réception, d'évaluer les risques de sa transformation ou de sa dissémination dans l'environnement et dans l'alimentation humaine et animale. Le principe de précaution est pleinement affirmé, puisque la partie importatrice peut interdire ou soumettre à des conditions tout mouvement transfrontière d'un organisme vivant modifié dont elle est destinataire, même en cas d'insuffisance des informations scientifiques disponibles ou d'absence de certitudes scientifiques (articles 10 et 11).

Le protocole renvoie aux Etats parties le soin de prendre les mesures appropriées en matière de gestion des risques (article 16) et en cas de mouvements transfrontières non intentionnels (article 17). Il définit également de manière précise et contraignante les standards applicables à la documentation devant accompagner tout organisme vivant modifié, afin d'en assurer la traçabilité (article 18) ; la conférence des Parties sera, pour sa part, chargée de préciser les modalités permettant l'identification de ces organismes, lorsqu'ils sont destinés à l'alimentation humaine ou animale ou à la transformation (article 18). On notera toutefois sur ce dernier point, que les organismes destinés à une introduction directe dans l'environnement sont clairement identifiés, tandis que ceux qui sont intégrés dans des produits destinés à l'alimentation humaine, animale ou à la transformation sont identifiés de manière indirecte, puisque le produit final sera étiqueté comme « pouvant contenir de organismes vivants modifiés ».

Il revient à chaque Partie de désigner un correspondant national « chargé d'assurer en son nom la liaison avec le secrétariat » de la Conférence des Parties. Cette fonction sera assurée par la Direction de la prévention des pollutions et des risques du Ministère de l'écologie et du développement durable. Chaque partie devra en outre désigner quelles sont les autorités nationales compétentes pour la mise en _uvre du protocole. Pour la France, différents départements ministériels seront concernés : le ministre chargé de l'agriculture pour les plantes, les animaux ou les produits phytosanitaires ; le ministre chargé de la consommation pour l'alimentation humaine (autre que végétale ou animale), l'agence du médicament vétérinaire ou encore le ministre chargé de l'environnement pour les produits qui ne relèvent pas d'une réglementation sectorielle.

Un centre d'échanges pour la prévention des risques biotechnologiques sera créé afin de faciliter les échanges d'informations sur les produits vivants modifiés (article 20) et le protocole précise le régime de publicité des informations recueillies par ce centre (article 21). Ce centre d'échanges doit constituer la tête d'un réseau d'informations regroupant trois types d'informations : les réglementations nationales afférentes aux organismes vivants modifiés ; les résumés des évaluations des risques ou des études relatives à ces organismes qui ont été conduites en application des réglementations nationales ; les décisions finales prises par chaque Partie au terme de ces évaluations et études. Les opérateurs économiques pourront ainsi obtenir des informations sur les réglementations nationales auxquelles ils doivent satisfaire ; les autorités nationales pourront pour leur part échanger des informations de telle sorte que la prise de décision leur sera facilitée ; enfin, toute personne aura par ce biais accès aux informations non confidentielles remises au centre d'échanges. Le régime de communicabilité des informations est le suivant : la confidentialité n'est pas automatique, mais elle doit avoir été demandée par l'opérateur et acceptée par les autorités nationales compétentes ; certaines informations énumérées de manière limitative au paragraphe 6 de l'article 21 sont, de droit, publiques (notamment le résumé de l'évaluation des risques d'impact du produit).

Par ailleurs, le protocole encourage l'éducation et la sensibilisation du public sur les risques que présentent les organismes vivants modifiés (article 23) et il invite les parties à procéder à des études de l'impact socioéconomique de l'importation de ces organismes (article 26). Un processus d'élaboration de règles et procédures internationales en matière de responsabilité et de réparation pour les dommages résultant de mouvements transfrontières d'organismes vivants modifiés doit être enclenché dès la première réunion des Parties et aboutir dans un délai indicatif de quatre ans (article 27).

Enfin le protocole définit les institutions chargées de mettre en _uvre ses stipulations (articles 29 à 32) et prévoit le mécanisme de financement de ces institutions (article 28). Aucune institution nouvelle n'est créée puisque la Conférence des Parties de la convention de 1992 reçoit la charge d'assurer l'application du Protocole. Son secrétariat en sera assuré par le secrétariat existant.

L'intérêt majeur du protocole est d'imposer le principe de précaution dans le droit international, y compris commercial. Même s'il n'est pas très exigeant sur l'information des consommateurs sur les risques que présentent certains produits comportant des produits génétiquement modifiés, il dépasse de loin la position des principaux pays exportateurs d'OGM.

· L'état des ratifications

Pour entrer en vigueur, le protocole doit avoir été ratifié par 50 pays. A ce jour, il a été signé par 103 Etats et ratifié par 37 d'entre eux, dont 6 membres de l'Union européenne (Autriche, Danemark, Espagne, Luxembourg, Pays-Bas et Suède). A ce stade les quatre principaux pays producteurs d'OGM (Etats-Unis, Argentine, Canada et Chine) n'ont pas encore ratifié le protocole, les Etats-Unis n'en étant pas même signataires. Pour mémoire, en 2001, ces quatre pays représentaient à eux seuls 99 % de la surface plantée en OGM dans le monde : Etats-Unis (35,7 millions d'hectares, soit 68 % du total), Argentine (11,8 millions d'hectares, soit 22 % du total), Canada (3,2 millions d'hectares, soit 6 % du total) Chine (1,5 millions d'hectares, soit 3 % du total). Compte tenu de l'opposition de ces pays à une réglementation fondée sur le principe de précaution, le protocole a prévu un cadre de coopération avec les Etats non parties, en même temps qu'il règle le cas des mouvements transfrontières illicites (articles 24 et 25).

L'Union européenne, elle-même, a ratifié le protocole sur la base d'une décision adoptée à l'unanimité par le Conseil. La Cour de justice des Communautés européennes a en effet considéré dans son avis du 6 décembre 2000 que le protocole concernait une compétence partagée des Etats membres et de l'Union, puisqu'il vise à définir des règles générales dans le but de protéger l'environnement.

Par ailleurs, l'Union européenne est en passe de se doter de sa propre législation sur l'étiquetage et la traçabilité des OGM : la Commission a, en effet, accepté un compromis avec les gouvernements des quinze, afin d'obtenir la levée du moratoire sur les OGM qui avait été mis en place par sept pays membres de l'Union en 1999 (France, Belgique, Luxembourg, Autriche, Italie, Grèce, Danemark). Le 29 novembre 2002, les ministres de l'agriculture ont ainsi prévu des seuils d'étiquetage des aliments destinés aux humains et aux animaux au-delà de 0,9 % de composés transgéniques, tandis que les ministres de l'environnement ont décidé, le 9 décembre 2002, d'obliger les opérateurs concernés à fournir une liste de « tous les OGM utilisés pour constituer le mélange » transporté par les vraquiers. Une clause de révision a été adjointe pour faire le point sur l'efficacité de la nouvelle réglementation au plus tard dans les deux ans suivant son entrée en vigueur. L'Union européenne s'est ainsi dotée d'un dispositif propre, pleinement compatible avec les principes fixés par le protocole de Carthagène.

III - QUELLE ARTICULATION AVEC L'OMC ?

Les accords multilatéraux en matière d'environnement constituent une catégorie d'accords internationaux à part entière. Ils n'entretiennent donc aucune relation de subordination par rapport aux autres corpus de règles internationales, tels que les accords de l'OMC. La question de l'articulation de ces accords avec ceux de l'OMC se pose toutefois. Il est en effet possible qu'une mesure de nature environnementale ayant un impact commercial prise par une partie au protocole soit attaquée par un Etat devant l'organe de règlement des différends de l'OMC.

Aussi, le nouveau cycle de négociations multilatérales lancées par l'OMC s'est saisi de la compatibilité des accords multilatéraux en matière d'environnement avec les règles du commerce international. Mais les débats qui se sont déroulés au sein du Comité du commerce et de l'environnement, n'ont pour l'instant pas débouché sur une position commune.

Cette situation souligne la difficulté constante d'articulation entre le droit international environnemental et le droit international commercial : les sanctions que peut prononcer l'organe arbitral de l'OMC font naturellement pencher la balance en faveur du droit commercial. Pour cette raison, il apparaît indispensable que l'OMC intègre certains principes, tels le principe de précaution, dans son corpus de règles, afin que le commerce des organismes vivants modifiés soit encadré et transparent conformément aux stipulations du protocole de Carthagène.

On peut penser qu'avec le protocole de Carthagène, on entre dans la problématique d'une future organisation mondiale de l'environnement, comme la France le préconise. En tout état de cause, l'articulation du droit international environnemental avec les règles de l'OMC doit donc être améliorée. Le prochain cycle de négociations devrait ainsi permettre que le principe de précaution soit enfin consacré par cette organisation. Il s'agit en effet qu'en cas de doute sérieux sur les risques induits par la consommation ou l'utilisation d'un produit, celui-ci puisse être retiré sans qu'un Etat n'encourre de sanctions devant l'organe des différends de l'OMC. D'autres soutiennent la thèse selon laquelle il revient aux Etats de prouver la dangerosité d'un produit pour pouvoir s'opposer à sa diffusion. Il conviendra donc de trancher ce conflit, alors même que nos concitoyens sont de plus en plus sensibles aux risques induits par les manipulations génétiques et les avancées des biotechnologies.

Faute d'une telle avancée, deux conséquences sont à redouter : d'une part, le manque de transparence dans la diffusion des organismes vivants modifiés ; d'autre part, l'utilisation des pays en voie de développement à des fins expérimentales pour le développement de biotechnologies non maîtrisées. L'entrée en vigueur rapide du protocole de Carthagène et le prochain cycle de négociations de l'OMC sont donc décisifs pour conforter le principe de précaution, tout en évitant son instrumentalisation à des fins protectionnistes, dans un domaine où la connaissance scientifique peut évoluer rapidement.

CONCLUSION

Le protocole de Carthagène constitue une avancée en termes de transparence et d'information tant à l'égard des Etats que des consommateurs. En jetant par ailleurs les bases d'une coopération renforcée entre les pays développés et les autres, il s'inscrit bien dans la logique de développement durable défendue au sommet de Johannesburg. Il correspond en outre à l'une des priorités politiques du présent Gouvernement qui vient de consacrer un séminaire réunissant l'ensemble de ses membres pour définir un plan d'action concret en la matière.

Dans l'attente d'une meilleure articulation entre le droit international environnemental et les règles de l'OMC, la ratification du protocole de Carthagène constitue un signal fort adressé aux pays réticents à l'égard du principe de précaution. Il consacre, en effet, la nécessité d'améliorer la transparence et l'information du public sur l'impact des biotechnologies et des manipulations génétiques sans interdire pour autant les produits qui en sont issus. Les avis récents émis par les deux académies des sciences et de médecine, selon lesquels les OGM ne sont en rien dommageables à la santé humaine, sont à prendre en compte. Quelles que soient les évolutions futures, la transparence ne peut qu'être favorable au consommateur. Aussi votre Rapporteur vous propose-t-il d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 18 décembre 2002.

Après l'exposé du Rapporteur, M. Jean-Claude Guibal s'est étonné du refus des Etats-Unis de signer le protocole de Carthagène, alors même qu'il se borne à améliorer la transparence en matière de commerce des OGM, sans remettre en cause la possibilité de les produire ou de les consommer.

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur, a répondu que le protocole de Carthagène ne se limitait pas à une obligation d'étiquetage des organismes vivants modifiés, mais qu'il prévoyait un accès facilité à l'information sur ces produits pour les pays en voie de développement, en même temps qu'il reconnaissait la possibilité d'interdire certaines importations, y compris en l'absence de certitude scientifique sur leur innocuité. Les Etats-Unis estiment, en outre, que le principe de précaution ne saurait être opposé aux progrès technologiques, car ils pensent que ces progrès doivent permettre de trouver des solutions aux éventuels problèmes qui pourraient apparaître du fait du développement des biotechnologies.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (no 228).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte du protocole figure en annexe au projet de loi (n° 228).

N° 0505 - Rapport sur le projet de loi approuvant le protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques (M. Jean-Jacques Guillet)

1 Economie internationale n° 87, 2001, CEPII.


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