N° 680 - Rapport de Mme Chantal Bourragué sur la proposition de résolution de M. Jean-Claude ABRIOUX et plusieurs de ses collègues tendant à créer une commission d'enquête sur les violences et les maltraitances dont font l'objet les enfants (397)




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mis en distribution
le 10 mars 2003

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N° 680

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 mars 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 397) de M. Jean-Claude ABRIOUX, tendant à créer une commission d'enquête sur les violences et les maltraitances dont font l'objet les enfants,

PAR Mme Chantal BOURRAGUÉ,

Députée.

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Enfants.

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INTRODUCTION 5

I. SUR LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION 6

II. SUR L'OPPORTUNITÉ DE LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE 7

TRAVAUX DE LA COMMISSION 11

INTRODUCTION

M. Jean-Claude Abrioux et plusieurs de ses collègues ont déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale une proposition de résolution (n° 397) tendant à la création d'une commission d'enquête sur les violences et les maltraitances dont font l'objet les enfants.

Pour les auteurs de la proposition de résolution, cette commission d'enquête devrait conduire ses investigations en direction des trois thèmes que sont la pédophilie et les agressions sexuelles, la violence à l'école et la maltraitance afin de dresser un état réel et précis de la situation, avant de formuler un certain nombre de propositions concrètes visant à lutter plus efficacement contre la violence et la maltraitance des enfants.

I. SUR LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

La recevabilité de cette proposition de résolution doit s'apprécier au regard des dispositions conjointes de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale.

La première condition de recevabilité est relative à la définition précise, soit des faits qui donnent lieu à enquête, soit des services publics ou des entreprises nationales dont la commission doit examiner la gestion. La proposition de résolution a pour objet réaliser une enquête très générale. Chacun des thèmes proposés fournis à lui seul un champ d'investigation considérable. Elle ne paraît pas satisfaire à l'exigence de précision qui s'attache à la détermination des faits donnant lieu à enquête.

La seconde condition de recevabilité concerne la mise en œuvre du principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire et interdit à l'Assemblée nationale d'enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Par lettre en date du 19 décembre 2002, le garde des sceaux, ministre de la justice, a fait connaître que plusieurs procédures judiciaires sont actuellement pendantes.

II. SUR L'OPPORTUNITÉ DE LA CRÉATION

D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

Ne souhaitant toutefois pas proposer le rejet de cette proposition de résolution pour des seules raisons de recevabilité, la rapporteure estime nécessaire de préciser pourquoi il ne lui semble en tout état de cause pas opportun de créer une commission d'enquête sur les violences et les maltraitances dont font l'objet les enfants.

La France est confrontée sur l'ensemble de son territoire à des situations d'enfants maltraités qui sont révoltantes et pour lesquelles les dispositifs existants ne permettent pas d'intervenir de manière satisfaisante. Des enfants otages du divorce, des enfants ni écoutés ni entendus, un manque de dialogue et de relation parents-enfants : ces situations peuvent perdurer et un enfant peut continuer à être martyrisé.

Face à ces situations qui nous révoltent, le dispositif législatif est en progrès constant mais pas encore satisfaisant d'où la préoccupation légitime de la majorité des députés.

1. La lutte contre la maltraitance des enfants a fait l'objet de nombreuses actions en particulier depuis 1989

L'année 1989 a été marquée par une attention particulière aux droits des enfants avec l'adoption, le 20 novembre à l'unanimité par l'assemblée générale de l'ONU, de la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, d'ailleurs rapidement ratifiée par la France le 7 août 1990.

En droit interne, la lutte contre la maltraitance des enfants a reçu la même année une impulsion décisive avec la loi n° 89-487 du 10 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs et à la protection de l'enfance.

Cette avancée législative a permis de lever les tabous autour de la question de la maltraitance et a mis en place des outils permettant une approche nouvelle et une meilleure connaissance de ces situations. L'article 3 de la loi a notamment donné le jour au service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée, le SNATEM, communément appelé « Allô Enfance Maltraitée ». Depuis mars 1997, le service bénéficie d'un numéro d'appel simplifié à 3 chiffres - le 119 - plus facilement mémorisable par les enfants et n'apparaissant pas sur les factures détaillées de téléphone. Son affichage est obligatoire dans tous les lieux recevant des mineurs.

Ce service fonctionne 24 heures sur 24 et permet aussi bien aux enfants qu'aux adultes d'obtenir informations et conseils auprès de professionnels du travail social. Tous les appels qui révèlent une situation de mauvais traitement présumés ou avérés à l'encontre d'un ou plusieurs mineurs font l'objet d'une transmission d'informations au président du conseil général, autorité compétente en matière d'aide sociale à l'enfance depuis les lois de décentralisation.

Conformément à l'article 17 de la loi du 10 juillet 1989, le ministre chargé de la famille doit présenter tous les trois ans un rapport rendant compte des résultats des recherches menées sur l'enfance maltraitée. C'est le groupe permanent interministériel de l'enfance maltraitée (GPIEM) qui assure la rédaction de ce rapport, à la périodicité incertaine puisque la première et à ce jour unique mouture date de septembre 2000. Selon les termes du décret n° 97-216 du 12 mars 1997 relatif à la coordination interministérielle en matière de lutte contre les mauvais traitements et atteintes sexuelles envers les enfants, le GPIEM est également chargé de mettre en œuvre les orientations déterminées par le comité interministériel chargé de déterminer les orientations de la politique du gouvernement en matière de lutte contre les atteintes sexuelles et les mauvais traitements à l'égard des enfants, de coordonner l'action des départements ministériels en ce domaine et d'évaluer les actions mises en œuvre par les institutions concernées.

Même si aujourd'hui encore le recueil d'informations statistiques sur le phénomène de maltraitance demeure difficile, l'existence depuis 1990 de l'Observatoire de l'action sociale décentralisée (ODAS) permet néanmoins de disposer d'informations recueillies auprès des conseils généraux. Cet organisme de forme associative a mis en place un observatoire de l'enfance en danger qui recense les signalements adressés aux conseils généraux concernant les enfants maltraités et les enfants en risque. Ces deux catégories, qui ont reçu de la part de l'ODAS une définition précise, représentent l'ensemble des enfants en danger, catégorie qui fixe la compétence de l'aide sociale à l'enfance et du juge pour enfants. Il reste que les signalements transmis directement au procureur de la République ne sont pas comptabilisés en raison de la carence des parquets en matière statistique.

La loi n° 98-468 du 17 juin 1998, relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs a permis de renforcer la répression des infractions sexuelles et d'améliorer la protection des victimes, notamment en posant la règle selon laquelle le délai de prescription de l'action publique pour les crimes commis contre les mineurs ne commence à courir qu'à compter de la majorité de ces derniers.

L'Assemblée nationale a déjà exercé ses compétences en matière d'enquête et de contrôle en direction de l'enfance maltraitée. A l'initiative du Président de l'Assemblée nationale, Laurent Fabius, une commission d'enquête s'est en effet penchée en 1998 sur l'état des droits de l'enfant en France, notamment au regard des conditions de vie des mineurs et de leur place dans la cité. Un important chapitre est consacré à la protection de l'enfant. Les propositions formulées par cette commission sont à l'origine de plusieurs mesures législatives en faveur de la protection de l'enfance.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales s'est pour sa part intéressée à l'un des aspects évoqué par les rédacteurs de cette proposition de résolution, à savoir celui de la violence à l'école, au travers d'une mission d'information sur la sécurité dans les établissements scolaires dont le rapporteur était M. Bruno Bourg-Broc (rapport d'information n° 2923 du 7 février 2001).

2. De récentes initiatives vont dans le sens d'un renforcement de la cohérence des dispositifs de lutte contre la maltraitance des enfants

Dans le prolongement des recommandations émises en 1998 par la commission d'enquête ci-dessus évoquée, la loi n° 2000-196 du 6 mars 2000 a instituée une nouvelle autorité administrative indépendante - le Défenseur des enfants - chargée de défendre et de promouvoir les droits de l'enfant tels qu'ils ont été définis par la loi ou par un « engagement international régulièrement ratifié ou approuvé » par la France.

Sa mission consiste à recevoir directement les réclamations émanant des enfants eux-mêmes, de leurs parents ou tuteurs ou encore d'associations reconnues d'utilité publique. Le défenseur cherche à résoudre la situation ou fait intervenir les autorités compétentes en matière d'aide sociale et de justice. Dans ce cas, il continue à suivre le dossier et est tenu informé de mesures prises par ces autorités. La seule limite posée à son action réside dans l'interdiction qui lui est faite d'intervenir lorsqu'une procédure judiciaire est en cours. Il est par ailleurs amené à collaborer avec le Médiateur de la République lorsqu'une réclamation mettant en cause une administration, une collectivité publique territoriale ou tout autre organisme investi d'une mission de service public présente un caractère sérieux.

Chaque année le Défenseur des enfants, actuellement Mme Claire Brisset-Foucault, remet au Président de la République et au Parlement un rapport sur ses activités et formule les propositions d'amélioration de la législation ou du fonctionnement des administrations en charge de l'enfance. Il peut également rendre des avis sur les projets de loi en cours d'examen.

Une initiative toute récente de l'Assemblée nationale traduit l'attention particulière apportée par la représentation nationale aux droits des enfants. L'Assemblée nationale a en effet adopté à l'unanimité, le jeudi 13 février 2003, une proposition de loi présentée par M. Jacques Barrot, président du groupe UMP, et M. Dominique Paillé visant à créer une délégation parlementaire aux droits des enfants dans chacune des deux assemblées du Parlement. Le garde des sceaux, ministre de la justice, M. Dominique Perben, et le ministre délégué à la famille, M. Christian Jacob, se sont félicités de cette initiative. Chaque délégation comportera vingt-quatre membres. Leur rôle sera d'examiner tous les textes votés par l'Assemblée nationale et le Sénat, quel qu'en soit le sujet au regard de leurs conséquences sur le respect des droits de l'enfant. Elles pourront auditionner les ministres ainsi que le Défenseur des Enfants et établiront des rapports qui seront rendus publics.

Cette dernière initiative doit permettre de répondre à nos interrogations et nous pourrons ainsi conduire les enquêtes utiles aux futures actions législatives.

A l'occasion de ce débat, M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, a annoncé son intention de créer un observatoire de l'enfance maltraitée ayant vocation à être un outil d'information le plus exhaustif possible sur la maltraitance des enfants en France. Le ministre a également rappelé l'édition d'un guide pratique destiné aux personnes qui accompagnent les enfants victimes et a indiqué qu'un groupe de travail chargé d'élaborer un guide des bonnes pratiques et des références utiles pour mieux accompagner les enfants victimes avait été récemment mis en place.

Les procédures existantes demandent sans aucun doute à être mieux coordonnées et les rapports entre travailleurs sociaux, magistrats et professionnels de la santé à être approfondis. En outre, les institutions récemment créées ou en en cours de création devront chacune trouver leur place pour mieux assurer la protection de l'enfance. Pour autant, sans méconnaître l'ampleur ni la gravité des phénomènes de maltraitance des enfants, il apparaît que la création d'une commission d'enquête sur ce sujet n'est pas opportune compte tenu des travaux déjà effectués et des outils nouveaux mis à la disposition des pouvoirs publics dans cette action.

Au bénéfice des observations qui viennent d'être formulées, la rapporteure conclut au rejet de la proposition de résolution n° 397.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné, sur le rapport de Mme Chantal Bourragué, la présente proposition de résolution au cours de sa séance du 5 mars 2003.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Simon Renucci a salué l'initiative de M. Jean-Claude Abrioux tout en relevant les points suivants :

- La violence et les mauvais traitements dont les enfants peuvent être victimes sont la traduction d'un mal-être au sein de la société française, aussi convient-il de se pencher sur ces phénomènes avec mesure. En effet, le battage médiatique dont font l'objet les agissements pédophiles constitue un prisme déformant pour un sujet dont la solution n'est pas seulement politique.

- De nombreuses institutions et pratiques existent déjà dans le cadre de la décentralisation, qu'il convient de coordonner. Il faut établir un suivi de l'ensemble de ces actions, évaluer les pratiques et déterminer quel est le rôle exact de chacun.

- Les diverses violences exercées à l'encontre des enfants constituent un fléau dont les causes résident souvent dans une situation sociale difficile, le chômage et les difficultés diverses. Le diagnostic lui-même permettant la détection des mauvais traitements se révèle malaisé et il est également souvent difficile d'enquêter au sein des familles. A cet égard, les écoles peuvent permettre le développement de mesures de prévention.

M. Frédéric Dutoit a indiqué que le groupe communiste est favorable à la création de la commission d'enquête dont il convient cependant de bien déterminer l'objet et de clarifier le sujet.

M. Dominique Richard a considéré que la seule justification au rejet de la création de cette commission d'enquête tient à ce qu'elle serait redondante avec la création de la délégation aux droits des enfants.

Conformément aux conclusions de la rapporteure, la commission a rejeté la proposition de résolution présentée par M. Claude Abrioux tendant à créer une commission d'enquête sur les violences et les maltraitances dont font l'objet les enfants (n° 397).

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N° 0680 - Rapport sur la proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur les violences et les maltraitances dont font l'objet les enfants (Mme Chantal Bourragué)


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