N° 688 - Rapport de M. Patrick Ollier sur la proposition de résolution de M. Patrick OLLIER et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions de gestion d'Air Lib et sur l'utilisation des fonds publics par cette compagnie aérienne (684)




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N° 688

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 mars 2003

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 684) de MM. Patrick OLLIER et Jacques BARROT, tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions de gestion d'Air Lib et sur l'utilisation des fonds publics par cette compagnie aérienne,

PAR M. Patrick OLLIER,

Député.

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Entreprises.

Mesdames, Messieurs,

Le 17 février 2003, le tribunal de commerce de Créteil prononçait la mise en liquidation judiciaire de la société d'exploitation AOM-Air Liberté, communément appelée Air Lib, jugeant « absolument impossible » le redressement de cette société, dont la licence d'exploitation (autorisation administrative permettant à la compagnie de poursuivre ses activités aériennes) avait déjà expiré depuis le 6 février 2003. Cette décision a mis fin aux espoirs placés dans la holding Holco, qui avait accepté de reprendre la société Air Lib le 27 juillet 2001, avec l'aide des pouvoirs publics.

Les conséquences de ces évènements, qui s'inscrivent dans une histoire particulièrement chaotique, sont considérables du point de vue tant social qu'économique, et mettent en jeu l'aménagement de notre territoire.

Sur le plan social, pour faire face au licenciement des 3 200 salariés du groupe, le Gouvernement a mis en œuvre une concertation avec d'autres entreprises, telles qu'Air France, Aéroports de Paris, la SNCF ou encore la RATP, afin de permettre le reclassement du plus grand nombre possible d'entre eux.

Sur le plan économique, la disparition d'Air Lib, qui assurait 360 vols hebdomadaires au départ de l'aéroport d'Orly et transportait chaque année environ 3,3 millions de passagers sur des vols réguliers, signifie la suppression du deuxième pôle aérien français, représentant en 2002 6,5 % du trafic aérien (contre 77 % pour Air France et les compagnies franchisées). Cette disparition laisse Air France, société dans le capital de laquelle l'Etat devrait être, à terme, minoritaire, sans véritable concurrent d'origine nationale. Une telle évolution n'est pas conforme à un fonctionnement harmonieux du marché.

Sur le plan territorial enfin, cette faillite porte atteinte à l'équilibre régional du transport aérien, puisque cette compagnie assurait en 2000 un tiers des dessertes vers les DOM et la Polynésie française ainsi que, plus récemment, une desserte compétitive pour de nombreuses villes de province. Ainsi, les vols assurés par les 33 appareils de la société Air Lib desservaient 31 lignes, dont 19 en France métropolitaine.

Ce constat conduit naturellement à se demander si une telle conclusion pouvait être évitée. L'observation des évènements les plus récents montre que cette issue était hélas inéluctable depuis quelques mois, sauf à engager plus encore les finances publiques dans le sauvetage incertain et excessivement coûteux d'une société privée. En effet, le plan de reprise de la société Air Lib proposé en décembre dernier par le groupe néerlandais Imca supposait non seulement l'acquisition de nouveaux avions à des prix réduits qui n'avaient pas l'accord du groupe Airbus, mais encore l'obtention de crédits de l'Etat à hauteur de 300 millions d'euros, dont 172 millions sous forme de « subsides non remboursables ».

Dès lors, il convient de s'interroger sur les circonstances qui ont conduit à une dégradation irréversible de la santé financière de cette entreprise, malgré un soutien public important. Au-delà des erreurs de stratégie et de gestion qui pourraient avoir été commises par les dirigeants d'Air Lib et de la holding Holco qui la contrôlait, le citoyen et le contribuable doivent être informés de l'utilisation dans l'intérêt des salariés et de l'équilibre de la société des 130 millions d'euros versés par les pouvoirs publics et notamment du prêt de 30,5 millions d'euros décidé le 4 janvier 2002 par le Gouvernement en faveur d'Air Lib, qui n'est pas aujourd'hui en mesure de le rembourser.

Face à cette situation inacceptable et à ces interrogations, la commission des affaires économiques a été saisie le 5 mars 2003 d'une proposition de résolution (n° 684) de MM. Jacques Barrot et Patrick Ollier tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions de gestion d'Air Lib et sur l'utilisation des fonds publics par cette compagnie aérienne.

Votre rapporteur s'attachera tout d'abord à s'assurer de la recevabilité juridique de cette proposition, avant d'examiner la pertinence de la création d'une commission d'enquête, compte tenu de la nature des faits et du rôle dévolu aux assemblées parlementaires.

I. - LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EST JURIDIQUEMENT RECEVABLE

En vertu de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, ainsi que des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale, une telle proposition de résolution doit, pour être recevable, remplir deux conditions cumulatives.

En premier lieu, elle doit déterminer avec précision les faits donnant lieu à enquête. L'entreprise Air Lib, elle-même issue des compagnies AOM et Air Liberté, est aujourd'hui clairement identifiée. La commission d'enquête aura pour objet d'étudier les circonstances économiques et financières ayant conduit cette compagnie à la faillite malgré un important soutien public.

Toutefois, afin d'éviter toute ambiguïté quant aux intentions du Parlement, qui n'a pas vocation à s'immiscer dans la gestion d'une entreprise privée mais doit suivre l'emploi des deniers publics, la rédaction proposée pourrait être améliorée. Votre rapporteur vous propose de faire référence aux « causes économiques et financières de la disparition d'Air Lib ».

La proposition de résolution mentionne en outre « l'utilisation des fonds publics par cette compagnie aérienne », formule qui recouvre l'ensemble des crédits français et communautaires accordés pour favoriser le redressement de l'entreprise. Par ces mots, la proposition de résolution indique que la commission d'enquête doit permettre d'établir l'emploi réel de ces fonds, dont le caractère public justifie à l'évidence un contrôle parlementaire, et de déterminer si cet emploi était conforme à l'objectif de redressement. Afin d'inclure dans le champ de réflexion de la commission d'enquête l'étude des conditions dans lesquelles ont été décidés les soutiens financiers dont a bénéficié Air Lib et l'examen de l'usage que cette compagnie en a fait, votre rapporteur vous propose toutefois de faire référence aux « fonds publics accordés à cette compagnie aérienne ».

En second lieu, les faits ayant motivé le dépôt de la proposition de résolution ne doivent pas faire l'objet de poursuites judiciaires au sens de l'article 141 de notre règlement. Certes, la réponse, datée du 7 mars 2003, de M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, à la notification par le président de l'Assemblée nationale du dépôt de la proposition de résolution indique que les faits en cause « font actuellement l'objet d'une enquête judiciaire, ordonnée par le procureur de la République de Paris le 26 février 2003 ».

Toutefois, selon les informations recueillies par votre rapporteur, il ne s'agit que d'une enquête préliminaire, n'ayant à ce stade pas conduit à engager des poursuites. Par ailleurs, les amendements à l'article unique de la proposition de résolution présentés par votre rapporteur sont de nature à éviter toute ambiguïté quant au respect de l'article 141 de notre Règlement.

II. - LES CIRCONSTANCES AYANT CONDUIT À LA LIQUIDATION JUDICIAIRE D'AIR LIB RESTENT TROUBLES

Air Lib, société née de la fusion, le 25 mars 2001, des compagnies AOM et Air Liberté, a été confrontée dès l'origine à d'importantes difficultés financières, tout comme Air Liberté qui avait déjà été placée en redressement judiciaire en 1996. La reprise d'Air Lib par la holding Holco, le 27 juillet 2001, était en effet consécutive à la mise en redressement judiciaire de la compagnie aérienne le 15 juin 2001.

Lorsque le « projet Holco » présenté par le pilote d'Air France Jean-Charles Corbet avait été retenu, parmi seize offres, le groupe SwissAir, qui détenait jusque là 49,49 % du capital de la société d'exploitation AOM-Air Liberté, s'était engagé à verser à Holco 180 millions d'euros en échange de l'abandon des poursuites engagées à son encontre pour sa gestion catastrophique de la société. Or, l'ensemble des 152,5 millions d'euros effectivement versés par le groupe SwissAir avant qu'il ne fasse faillite n'ont pas bénéficié à Air Lib.

En effet, le système complexe de holding mis en place par M. Jean-Charles Corbet (voir organigramme infra) a conduit au versement de 75 % seulement de cette somme à Air Lib (15 millions d'euros sous forme d'apport en capital et 100,5 millions d'euros en apport de trésorerie), les 25 % restant alimentant notamment les comptes de deux filiales d'Holco établies au Luxembourg (Holco Lux, à hauteur de 5 millions d'euros) et aux Pays-Bas (Mermoz UA, à hauteur de 14 millions d'euros). L'utilisation de ces sommes demeure à ce jour peu transparente : quand bien même l'attribution d'une partie des fonds SwissAir destinés au sauvetage d'Air Lib à des filiales étrangères du groupe Holco serait légal, il n'est pas certain que l'usage de ces fonds, comme de ceux directement versés à Air Lib, ait été conforme aux intérêts des compagnies.

Plusieurs éléments troublants dans la gestion particulièrement complexe et opaque de la holding Holco permettent de nourrir des doutes sur l'usage de ces fonds au profit de la société Air Lib.

PARTICIPATIONS DE LA HOLDING HOLCO

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Le comité d'entreprise de la société Air Lib, malgré des demandes répétées des syndicats, n'a pu être correctement informé sur la gestion comptable de la société Air Lib et le périmètre véritable de la holding Holco. L'imbrication des activités des différentes sociétés de cette holding était pourtant réelle, puisque l'une des filiales d'Holco, Mermoz Aviation Irlande, gérait la flotte aérienne d'Air Lib et avait décidé de délocaliser celle-ci aux Pays-Bas pour des raisons fiscales. L'absence de la société Air Lib Finances de tous les organigrammes de la holding Holco, alors que cette filiale était propriétaire de plusieurs aéronefs, est également révélatrice de l'opacité qui semblait prévaloir dans la société Air Lib.

Votre rapporteur estime en outre que le non respect de l'engagement pris par M. Jean-Charles Corbet, lors de la cession d'Air Lib en juillet 2001, de confier 34 % du capital de l'entreprise aux salariés constitue une source supplémentaire d'interrogations.

La mise en évidence de tels éléments pourrait être utile à la compréhension d'ensemble de la gestion de cette compagnie, qui a conduit à des résultats financiers catastrophiques. Ainsi, Air Lib a réalisé entre août et décembre 2001 une perte nette d'environ 100 millions d'euros, pour un chiffre d'affaires de seulement 230 millions d'euros, et a modifié en 2002 ses dessertes au profit de destinations proches, conduisant à une inadaptation de sa flotte et à des sureffectifs notoires.

Lorsque le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la liquidation judiciaire d'Air Lib, l'actif disponible de la société ne s'élevait plus qu'à 2,5 millions d'euros, tandis que son passif privilégié et son passif chirographaire atteignaient respectivement 59 et 218 millions d'euros. En revanche, 10 millions d'euros détenus par le groupe Holco échappent à ce jour à la procédure de liquidation judiciaire.

L'intervention de la représentation nationale pourrait être un atout pour éclairer le fonctionnement d'Air Lib et de la holding Holco, ainsi que les circuits financiers empruntés par les différents fonds destinés à soutenir Air Lib. Le recours à une commission d'enquête semble légitime compte tenu de l'importance des fonds publics versés à la société Air Lib.

III. - LE PARLEMENT A VOCATION À CONTRÔLER L'USAGE FAIT PAR AIR LIB DES FONDS PUBLICS QUI LUI ONT ÉTÉ ACCORDÉS

La société Air Lib, comme les sociétés qui lui ont donné naissance, a bénéficié pendant plusieurs années d'un soutien financier public. Air Lib a, en particulier, perçu les 9 janvier et 28 février 2002 plus de 30 millions d'euros de crédits communautaires accordés, sur décision du précédent gouvernement, par le Comité interministériel pour les restructurations industrielles (CIRI), sous la forme d'un prêt au titre du FDES (Fonds de développement économique et social).

Le versement de ces fonds, qui devaient être remboursés le 9 juillet puis le 9 novembre 2002, a été effectué sous le contrôle de l'agent judiciaire du Trésor contre le versement du produit futur des procédures diligentées par Air Lib contre des entités ayant succédé à Swissair. La transformation, en juillet 2002, de cette aide au sauvetage en aide à la restructuration a conduit M. Jean-Charles Corbet à s'engager à soumettre rapidement au Gouvernement un plan de restructuration crédible pour assainir la société Air Lib. Or, non seulement un tel plan de restructuration n'a pas été fourni, malgré les pressions répétées du nouveau gouvernement pendant l'été 2002, mais en outre les sommes prêtées n'ont pas été restituées - et ne pourront plus l'être compte tenu de la liquidation judiciaire de la société.

Ainsi, les plans de restructuration présentés par M. Jean-Charles Corbet les 29 et 30 octobre 2002, ou encore le 20 décembre 2002 furent rejetés par l'Etat pour leur manque de sérieux, en ce qui concerne tant les réductions de masse salariale envisagées que la volonté réelle des éventuels repreneurs. Par ailleurs, la possibilité d'un soutien financier de la société néerlandaise Imca a conduit l'Etat, le 13 décembre 2002, à retarder au 9 janvier 2003 l'échéance du remboursement par Air Lib de l'ensemble de ses 130 millions d'euros de dette publique, avant de repousser à nouveau cette date et finalement de constater l'incapacité matérielle de la société à honorer ses dettes publiques.

Au 31 janvier 2003, les principales dettes publiques de l'entreprise concernaient l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF, 29 millions d'euros), la Direction générale de l'aviation civile (31,6 millions d'euros) et Aéroports de Paris (27,2 millions d'euros), en raison du gel du recouvrement des échéances courantes décidées à la suite des événements du 11 septembre 201.

Les conditions dans lesquelles, depuis plusieurs années, ces deniers publics ont été accordés par les services de l'Etat puis utilisés par la société Air Lib appellent à l'évidence une étude approfondie, qui relève pleinement des attributions du Parlement.

Il ne s'agit nullement de contester le bien-fondé d'un soutien public à une entreprise chargée du transport aérien, puisque de nombreux Etats, tels que les Etats-Unis ou la Suisse, ont apporté ces dernières années une aide financière considérable à leurs entreprises dans ce secteur, dont la rentabilité a diminué après les attentats anti-américains du 11 septembre 2001. Toutefois, une gestion économe des deniers publics doit conduire à entourer ces versements de certaines précautions et à en contrôler attentivement l'emploi.

A cet égard, votre rapporteur constate que la réelle vigilance exercée par le Gouvernement depuis six mois n'a malheureusement pas permis de remédier au choix effectué en janvier 2002 de procéder à un versement très rapide des fonds prêtés à la société Air Lib, puisque aucun plan de restructuration viable n'a été présenté et que les fonds n'ont pu être récupérés. Il aurait sans doute été plus prudent de procéder à un échelonnement des versements par le CIRI, en subordonnant, dès la première tranche, le versement des tranches ultérieures à la fourniture préalable d'un plan de restructuration crédible.

Votre rapporteur estime donc que la formulation retenue par la proposition de résolution soumise à la représentation nationale, qui évoque « l'utilisation des fonds publics » par Air Lib, pourrait donner lieu à une interprétation restrictive, alors que le champ d'investigation de la commission d'enquête devrait inclure autant les conditions dans lesquelles les fonds publics ont été engagés dans ce soutien que l'utilisation de ces fonds par la holding Holco dans son ensemble, et non par la seule société Air Lib. A cet égard, faire référence, dans le dispositif de la proposition de résolution aux « fonds publics accordés à cette compagnie aérienne » semblerait plus judicieux.

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Finalement, la commission d'enquête dont la création est proposée à notre assemblée peut réglementairement être constituée et disposerait des moyens appropriés pour permettre aux citoyens de déterminer si les fonds publics ont été réellement affectés au sauvetage de la compagnie Air Lib et d'en comprendre l'échec. Une telle démarche supposera un examen approfondi du périmètre et du fonctionnement de la holding Holco, tant sur le plan financier que commercial. Le sort injuste des salariés d'Air Lib et les enjeux stratégiques associés à l'existence de cette compagnie concurrente d'Air France appellent une réaction parlementaire.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 12 mars 2003, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Patrick Ollier, la proposition de résolution de MM. Patrick Ollier et Jacques Barrot (n° 684) tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions de gestion d'Air Lib et sur l'utilisation des fonds publics par cette compagnie aérienne.

Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

S'exprimant au nom du groupe socialiste, Mme Odile Saugues a estimé paradoxal que la majorité demande la création d'un commission d'enquête portant sur une entreprise en particulier, après avoir abrogé les dispositions de la loi n° 2001-7 du 4 janvier 2001 relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises, dite loi « Hue », par l'article 84 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 ; elle a jugé qu'il y avait donc « deux poids, deux mesures ».

Puis, Mme Odile Saugues a souhaité que la commission d'enquête ne limite pas ses travaux aux seules aides publiques accordées à Air Lib et mène également des investigations sur les raisons ayant poussé l'Etat à aider une compagnie aérienne suite à la défection d'actionnaires privés et notamment de la société Wendel. Elle a, par ailleurs, demandé que la commission d'enquête étende son champ d'étude à l'examen des aides publiques, directes ou indirectes, accordées actuellement par les collectivités locales et les chambres de commerce et d'industrie aux compagnies dites « low cost », estimant que ces nouvelles pratiques commerciales étaient particulièrement inquiétantes au regard de l'éthique et des règles de la concurrence loyale. Elle a rappelé sur ce point que la Commission européenne venait d'ouvrir une enquête sur la prise en charge de certains frais par les collectivités territoriales belges au bénéfice de la compagnie Ryan Air, afin que celle-ci s'implante sur l'aéroport de Charleroi.

Après avoir souligné qu'il était indispensable que l'Etat conserve un rôle majeur dans le secteur du transport aérien, fragile et exposé à la déréglementation, afin d'éviter de telles dérives, elle a observé que la compagnie Air France, actuellement soumise au contrôle de la Cour des comptes, échapperait à ce dernier une fois sa privatisation réalisée. Elle a estimé paradoxal que la majorité parlementaire réclame un contrôle des aides publiques octroyées à une compagnie privée, tandis que le contrôle par l'Etat de la première compagnie aérienne française serait bientôt supprimé.

Dénonçant ces mesures qu'elle a jugé incohérentes et trompeuses, Mme Odile Saugues a annoncé que les commissaires socialistes s'abstiendraient lors du vote de la proposition de résolution, la nation ne devant pas être condamnée, selon elle, à n'intervenir qu'au travers de commissions d'enquête parlementaires pour contrer les effets de la déréglementation du transport aérien.

Le Président Patrick Ollier a alors fait remarquer qu'avait été récemment créée une commission d'enquête relative à la situation financière des entreprises publiques, présidée par M. Philippe Douste-Blazy dont le rapporteur est M. Michel Diefenbacher et dont l'objet se rapporte justement aux points soulevés par Mme Odile Saugues. Il a jugé qu'à cette occasion, un débat riche en informations, parfois surprenantes, serait ouvert et permettrait de répondre aux interrogations émises par le groupe socialiste. Il a, par ailleurs, fait part de son souhait de ne pas faire évoluer l'objet de la commission d'enquête vers un champ d'investigation trop large et a suggéré à Mme Odile Saugues d'alerter ses collègues, présents dans la commission d'enquête relative à la situation financière des entreprises publiques, afin d'orienter les travaux de cette dernière sur les problèmes qu'elle avait évoqués.

M. Léonce Deprez s'est ensuite réjoui que la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire soit saisie de la proposition de résolution et a souhaité qu'elle intervienne plus fréquemment sur les questions au cœur de l'actualité économique. Estimant que l'efficacité de la commission d'enquête supposait de ne pas octroyer un champ d'investigation trop large à celle-ci, il a en revanche jugé nécessaire qu'elle ne limite pas ses travaux aux évènements les plus récents et prenne en compte le passé de la compagnie Air Lib, proposition à laquelle le Président Patrick Ollier s'est rallié.

Puis, M. Gilbert Biessy, s'exprimant au nom du groupe Député-e-s communistes et républicains, a déclaré partager l'analyse de Mme Odile Saugues concernant les conséquences économiques et financières de la disparition d'Air Lib et s'est également interrogé sur la pertinence d'une démarche consistant à poser la question de l'utilisation des fonds publics et parallèlement à supprimer la loi dite « Hue ». Il a indiqué qu'en conséquence, son groupe s'abstiendrait lors du vote de la proposition de résolution. Il a, par ailleurs, noté que l'amendement présenté par le Président Patrick Ollier supprimait la référence à un contrôle de l'utilisation des fonds publics ayant bénéficié à la société Air Lib et a jugé que cette démarche confortait le choix de l'abstention.

Le Président Patrick Ollier a rappelé que son amendement répondait à un souci de précaution, afin d'éviter que les travaux de la commission d'enquête n'interfèrent avec une éventuelle information judiciaire. Souscrivant à la nécessité de faire référence à l'utilisation des fonds publics, il a alors annoncé qu'il rectifierait son amendement afin de préciser que la commission d'enquête porterait sur « les causes économiques et financières de la disparition d'Air Lib et sur les fonds publics accordés à cette compagnie aérienne », le principal objectif demeurant d'éviter de faire référence à la « gestion » de la société, sur laquelle pourraient porter des poursuites judiciaires.

Puis, M. Jacques Le Guen, s'exprimant au nom du groupe UMP, s'est déclaré très favorable à la proposition de résolution, notant qu'elle permettrait de répondre au souci de transparence accrue émanant tant des contribuables, qui veulent légitimement connaître l'emploi des deniers publics que des salariés d'Air Lib. Rejoignant l'analyse de Mme Odile Saugues, il a espéré que la commission d'enquête présidée par M. Philippe Douste-Blazy permettrait de répondre à des interrogations justifiées, par exemple concernant le déficit de France Telecom, qu'il a jugé colossal. Après avoir également souscrit aux propos de M. Léonce Deprez relatifs au rôle que doit jouer la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, il a annoncé que le groupe UMP voterait en faveur de la proposition de résolution portant création de la commission d'enquête.

M. Jean-Pierre Grand a rejoint ces propos, soulignant que le contrôle du Parlement devait s'exercer dès lors qu'existent des interrogations portant sur l'utilisation des fonds publics ; rappelant que les dettes de la société Air Lib s'élevaient à 130 millions d'euros, il a jugé que la création de la commission d'enquête répondrait non seulement aux attentes des 3 200 salariés de cette compagnie, mais aussi à celles des contribuables.

La Commission est ensuite passée à l'examen de l'article unique de la proposition de résolution.

· Article unique

La Commission a adopté l'amendement rectifié du Président Patrick Ollier pour viser les causes économiques et financières de la disparition d'Air Lib.

· Titre

La Commission a adopté un amendement de coordination du Président Patrick Ollier, visant à modifier le titre de la proposition de résolution.

Puis, la Commission a adopté la proposition de résolution (n° 684), ainsi modifiée et intitulée.

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En conséquence, la commission de la production et des échanges vous demande d'adopter la proposition de résolution, dont le texte suit :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête

sur les causes économiques et financières de la disparition d'Air Lib

Article unique

Il est créé, en application des articles 140 et suivants du Règlement de l'Assemblée nationale, une commission d'enquête de trente membres sur les causes économiques et financières de la disparition d'Air Lib et sur les fonds publics accordés à cette compagnie aérienne.

 

N° 0688 - Rapport sur la proposition de résolution créant une commission d'enquête sur les conditions de gestion d'Air Lib (M. Patrick Ollier)


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