N° 896 - Rapport de M. Gilbert Gantier sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur les effets transfrontières des accidents industriels (ensemble treize annexes)(649)




Document

mis en distribution

le 19 juin 2003

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N° 896

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 juin 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la convention sur les effets transfrontières des accidents industriels (ensemble treize annexes),

PAR M. GILBERT GANTIER,

Député

--

Voir les numéros :

Sénat : 311 (2001-2002), 150 et T.A. 81 (2002-2003)

Assemblée nationale : 649

Traités et conventions

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I - L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE DE LA CONVENTION 7

A - LE CONTEXTE DE LA NÉGOCIATION DE LA CONVENTION 7

1) La prise de conscience des risques 7

2) Une entrée en vigueur retardée 7

B - LE CHAMP D'APPLICATION DE LA CONVENTION 8

1) Un champ d'application précis 8

2) Les activités industrielles exclues du champ d'application 8

C - LE MÉCANISME DE LA CONVENTION 8

1) L'information et l'identification des risques 8

2) La prévention 9

3) La préparation 9

4) Les prescriptions de la Convention en cas d'accident 9

II - LES MESURES D'APPLICATION DE LA CONVENTION 11

A - LA DIRECTIVE SEVESO 11

B - LA LÉGISLATION FRANÇAISE 11

C - LES ACCORDS BILATÉRAUX 12

III - LES PRINCIPALES LACUNES A COMBLER 13

A - LA RESPONSABILITÉ 13

B - L'INDEMNISATION 13

CONCLUSION 15

EXAMEN EN COMMISSION 17

ANNEXES  

 

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi soumis à votre examen vise à autoriser l'approbation de la Convention sur les effets transfrontières des accidents industriels adoptée à Helsinki.

La Convention d'Helsinki a pour objet la prévention des accidents industriels susceptibles d'avoir des effets transfrontaliers et les mesures à prendre pour y faire face. Elle traite également de la coopération internationale concernant l'assistance mutuelle, la recherche-développement, l'échange d'informations et de technologies pour prévenir les accidents industriels et la mise en place des moyens pour y faire face. Elle vise à promouvoir et organiser une coopération active entre les Etats concernés avant, pendant et après un accident industriel pour en limiter l'impact.

Après avoir présenté l'économie générale de ce texte, votre Rapporteur rappellera la législation existante au niveau européen et français ainsi que ses principales lacunes.

I - L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE DE LA CONVENTION

A - Le contexte de la négociation de la Convention

1) La prise de conscience des risques

La négociation de cet instrument traduit la prise de conscience, par la communauté internationale, des risques liés aux activités industrielles pour l'environnement et la santé.

De graves accidents avaient révélé l'importance et la gravité de ces risques depuis le milieu des années 1970 en Europe : accident de Seveso en Italie en 1976, catastrophe de Tchernobyl en 1986 et incendie d'un entrepôt chimique à Bâle en 1986 également.

La Convention d'Helsinki a été négociée et signée dans le cadre de la Commission économique pour l'Europe des Nations unies, qui regroupe 55 Etats allant des Etats-Unis à la Fédération de Russie. Elle trouve son origine dans les conclusions du document final de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE), tenue à Sofia en novembre 1989. Ce document visait d'ailleurs à établir en Europe une coopération renforcée dans le domaine de l'environnement.

La Convention d'Helsinki s'appuie sur le concept de développement durable.

2) Une entrée en vigueur retardée

Adoptée le 17 mars 1992 et signée par 26 Etats sur 55, la Convention d'Helsinki n'est entrée en vigueur que le 19 avril 2000, tant il fut long d'adapter les législations nationales aux dispositions prescrites.

La ratification de cet instrument par la France n'a été possible qu'après l'adoption en 1996 par l'Union européenne de la directive dite Seveso II, entrée en vigueur en 1999, dont le champ d'application est comparable à la Convention d'Helsinki.

A ce jour, tous les Etats membres de l'Union européenne, à l'exception de la Belgique, de la France, du Portugal et des Pays-Bas, ont ratifié la Convention. Les Etats-Unis et le Canada, bien que signataires, n'ont pas encore accompli cette démarche.

B - Le champ d'application de la Convention

1) Un champ d'application précis

La Convention définit l'accident industriel comme « un événement consécutif à un phénomène incontrôlé dans le déroulement de toute activité mettant en jeu des substances dangereuses ». Le risque est donc lié à la présence de substances dangereuses, la dangerosité étant établie sur la base de critères dont la liste figure à l'annexe 1 de la Convention.

Dans la première partie de la liste, figurent les caractéristiques des substances ou des préparations et déterminent leur dangerosité. La deuxième partie de la liste énumère 13 substances particulièrement dangereuses. L'annexe I indique les quantités limites que les parties doivent prendre en compte pour l'identification des sites. La Convention prévoit que les accidents liés à la présence de ces substances peuvent aussi avoir été provoqués par des catastrophes naturelles.

2) Les activités industrielles exclues du champ d'application

L'article 2 exclut notamment du champ d'application de la Convention les accidents nucléaires, les accidents survenant dans des installations militaires, les ruptures de barrage, les accidents dans les transports terrestres, les accidents liés aux activités dans le milieu marin et le déversement d'hydrocarbures ou d'autres substances nocives en mer.

C - Le mécanisme de la Convention

Les Parties doivent mettre en place des mesures d'information, de prévention, de préparation et de lutte contre les accidents industriels.

1) L'information et l'identification des risques

La Convention prescrit l'identification des activités dangereuses et l'information des Parties potentiellement touchées. L'annexe III organise une procédure de consultation des Parties comprenant les échanges et la communication d'informations aux fins d'évaluation et d'information du public. En cas de désaccord concernant la nature dangereuse d'une activité, une des Parties peut soumettre la question à une commission d'enquête pour avis.

Les sites pour lesquels il convient d'informer les pays voisins sont les sites Seveso. En pratique, l'obligation d'information concerne les sites dont les effets se font ressentir, par voie aérienne, jusqu'à 15 km, au-delà de la frontière et par voie fluviale jusqu'à 2 jours d'écoulement des eaux à partir de la frontière. En France, les Directions Régionales de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement (DRIRE) transmettent la liste des établissements concernés et de leurs risques à leurs homologues chargés de l'inspection des installations Seveso de l'autre côté de la frontière.

Pour ce qui est des plans de secours, ce sont les préfectures qui font le lien côté français, avec les ministères de l'Intérieur des pays concernés.

2) La prévention

Les Parties signataires doivent au niveau national prendre toutes les mesures législatives, réglementaires, administratives et financières appropriées pour prévenir les accidents industriels, ce que prévoit l'article 6 de la Convention et que développent les annexes IV et V. A la demande d'une quelconque d'entre elles, les Parties peuvent engager des discussions concernant l'identification d'activités dangereuses susceptibles d'avoir des effets transfrontaliers.

3) La préparation

Les Parties prennent des mesures pour se préparer aux situations d'urgence et maintenir un état de veille satisfaisant afin de pouvoir faire face aux accidents industriels (Article 8). Les Parties doivent également informer le public dans les zones susceptibles d'être frappées par un accident industriel (article 9).

Pour cela, la Convention préconise entre les Parties une coopération scientifique, un échange de technologies pour limiter les risques d'accidents et prévenir et limiter les conséquences des accidents industriels. L'échange d'informations est assorti de restrictions touchant au secret industriel et commercial et à la sécurité nationale (articles 14, 15 et 16).

4) Les prescriptions de la Convention en cas d'accident

En cas d'accident industriel ou de menace d'accident industriel, la Partie sur le territoire de laquelle cet accident se produit (Partie d'origine) doit en faire la notification sans retard aux parties susceptibles d'être touchées (article 10).

Les effets d'un accident industriel doivent être évalués s'il y a lieu en commun en vue de prendre des mesures de lutte adéquates et coordonnées (article 11).

II - LES MESURES D'APPLICATION DE LA CONVENTION

La catastrophe de Seveso, celles de Bâle et de Tchernobyl puis celle de l'usine AZF à Toulouse ont relancé les processus de mise en œuvre de la Convention d'Helsinki et hâté son intégration dans le droit communautaire et le droit interne.

A - La directive Seveso

Après le rejet accidentel de dioxine sur la commune italienne de Seveso en 1976, les Etats européens se sont dotés d'un système commun de prévention des risques majeurs.

Le 24 juin, la directive 82/501/CEE demande aux Etats et aux entreprises d'identifier les risques associés aux activités industrielles dangereuses, d'organiser la prévention et de prendre des mesures pour y faire face. Cette directive sera modifiée à plusieurs reprises, notamment après l'accident de Bâle en 1986 qui avait entraîné une grave pollution du Rhin. Le principe de la surveillance et du contrôle des installations dangereuses par les exploitants et les activités publiques est alors posé.

Aussi, cette première directive sera-t-elle complétée par la directive 96/82/CE du 9 décembre 1996, dite Seveso II qui étend le champ d'application de la précédente. Elle porte sur les établissements et non pas seulement sur les installations et couvre désormais tous les lieux où sont stockés des substances dangereuses (embranchements ferroviaires, installations portuaires, etc.) Elle impose à l'exploitant la mise en œuvre d'un système de gestion de la sécurité proportionné aux risques d'accidents. Elle prévoit l'actualisation tous les cinq ans d'études décrivant les risques engendrés par les établissements. Des inspections doivent permettre un examen périodique des systèmes de gestion mis en œuvre. La directive prévoit également la maîtrise de l'urbanisation autour des sites industriels.

Malgré ces précautions, la direction générale de l'environnement de la communauté européenne a eu communication de 500 accidents industriels majeurs depuis l'entrée en vigueur de la première directive Seveso.

B - La législation française

Les dispositions de la Convention n'entraîneront pas de modifications de la législation française existante, selon l'étude d'impact annexée au projet de loi.

Au plan national, la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, la loi du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la société civile et la circulaire du 18 août 1982 sur la notification par les préfectures d'installations présentant des dangers dans un pays voisin, répondent aux exigences de la Convention. Quant à l'information du public, celle-ci est prévue pour les risques majeurs par le décret n° 90.918 du 11 octobre 1990 relatif à l'exercice du droit à l'information.

Au niveau européen, la France applique les deux directives Seveso sur les risques d'accidents majeurs liés à certaines activités industrielles. Elles ont été transposées en droit français par l'arrêté du 10 mai 2000 relatif à la prévention des accidents majeurs impliquant des substances ou des préparations dangereuses présentes dans certaines catégories d'installations classées. On compte en France 1250 établissements classés « Seveso », dont 670 à haut risque.

Après la catastrophe de Toulouse du 21 septembre 2001, un projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages devrait être prochainement adopté. Ce texte apporte plusieurs aménagements au droit national qui répondent aux exigences de la Convention en renforçant l'information du public avec l'organisation de réunions publiques d'information et en prévoyant une meilleure implication des représentants du personnel des établissements concernés.

C - Les accords bilatéraux

Aux termes de l'article 24 de la Convention, pour mettre en œuvre les obligations contenues dans la Convention, les Parties peuvent conclure des accords bilatéraux ou multilatéraux. La France a conclu de tels accords avec l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, l'Italie, le Luxembourg et la Suisse. Ils sont énumérés en annexe 2.

Ces conventions traitent toutes de l'assistance mutuelle en cas de catastrophe ou accident grave. Elles permettent dans certains cas d'avoir des arrangements locaux à proximité des frontières. Elles organisent des points de contact ou des points d'appel en cas d'urgence. A ces divers titres, elles répondent aux principales dispositions de la d'Helsinki sur les effets transfrontières des accidents industriels, et plus particulièrement aux dispositions de l'article 10 sur la notification des accidents et de l'article 12 sur l'assistance mutuelle. Les dispositions de l'article 17-2 sont aussi satisfaites puisque la France dispose au Ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales du centre opérationnel de gestion interministérielle de crises (COGIC) fonctionnant 24 heures sur 24.

III - LES PRINCIPALES LACUNES A COMBLER

La Convention ne définit pas à proprement parler de régime de responsabilité et d'indemnisation applicables aux accidents industriels à effets transfrontaliers.

A - La responsabilité

Pour pallier ces carences, des négociations internationales ont abouti en février 2003 à l'élaboration d'un protocole sur la responsabilité civile et l'indemnisation en cas de dommages transfrontières provoqués par les activités dangereuses dans le cadre conjoint des deux conventions d'Helsinki de 1992 respectivement sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des cours d'eau internationaux et sur les effets transfrontières des accidents industriels. Ce protocole vise à réglementer la responsabilité civile pour les dommages résultant d'événements qui entrent dans le champ des deux conventions précitées.

B - L'indemnisation

Le protocole définit un système d'indemnisation approprié et rapide en cas de dommages causés par les effets transfrontières d'accidents industriels au détriment d'une Partie autre que le pays où l'accident industriel s'est produit.

Il accorde le droit d'agir en justice contre le pollueur et les tiers qui ont causé les dommages. La notion de dommages couvre les dommages traditionnels, qu'ils soient corporels ou matériels ainsi que les dommages environnementaux qui comprennent la compensation des coûts de remise en état et des mesures d'intervention. A cet effet, le protocole fixe des limites financières à la responsabilité objective de l'exploitant et prévoit une responsabilité pour faute illimitée, complétée par un système de garantie financière obligatoire.

Sur le plan des procédures, le protocole contient des dispositions relatives aux juridictions compétentes (article13), à l'arbitrage (article14), aux actions connexes (article 15) ainsi qu'à la reconnaissance mutuelle et à l'exécution des jugements (article 18).

CONCLUSION

La ratification de la Convention sur les effets transfrontières des accidents industriels permet à la France de marquer sa préoccupation pour le droit de l'environnement.

Elle montre son intérêt pour l'harmonisation des normes de protection contre les risques industriels. Elle insiste sur l'importance des actions de prévention, d'information du public ainsi que sur les procédures et les actions coordonnées en cas d'accident.

Malgré ses lacunes, un tel instrument est utile, il évite le « dumping environnemental », sensibilise les Etats, les industriels et les populations concernées aux risques industriels.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 4 juin 2003.

Après l'exposé du Rapporteur, M. Guy Lengagne s'est étonné de l'exclusion des accidents industriels liés aux activités en milieu marin du champ d'application de la Convention d'Helsinki.

M. Gilbert Gantier a répondu que d'autres procédures et instruments internationaux tentaient d'organiser une coopération internationale, en ce qui concerne les accidents industriels provoquant des pollutions marines. Il en va de même des accidents survenant dans les centrales nucléaires.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 649).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la Convention figure en annexe au projet de loi (n° 649).

ANNEXES

Annexe 1

Annexe 2

Date signature de la France

Date signature du pays étranger

Pays ou organisation internationale

Titre

14.01.1987

14.01.1987

Suisse

Assistance mutuelle en cas de catastrophe.

16.04.1970

16.04.1970

Monaco

Secours et protection civile

14.07.1959

14.07.1959

Espagne

Services d'incendie et de secours

08.02.1973

08.02.1973

Espagne

Avenant à la Convention du 14 juillet 1959

19.06.1978

19.06.1978

Espagne

Avenant à la Convention du 14 juillet 1959

16.09.1992

16.09.1992

Italie

Prévision et prévention des risques majeurs en cas de catastrophes naturelles ou provoquées par l'homme

10.12.1962

10.12.1962

Luxembourg

Incendie et secours

12.09.1988

12.09.1988

Luxembourg

Modification de l'accord du 10 décembre 1962.

21.04.1981

21.04.1981

Belgique

Assistance mutuelle en cas de catastrophes ou d'accidents

03.02.1977

03.02.1977

Allemagne Fédérale

Assistance mutuelle en cas de catastrophes ou accidents graves

  N° 0896 - Rapport sur le projet de loi sur la convention sur les effets transfrontières des accidents industriels (M. Gilbert Gantier)


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