N° 953 - Rapport de M. André Schneider sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela sur l'encouragement et la protection réciproque des investissements(274)




Document

mis en distribution

le 23 juin 2003

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N° 953

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 juin 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements,

PAR M. ANDRÉ SCHNEIDER,

Député

--

Voir les numéros :

Sénat : 286, 344 (2001-2002) et T.A. 15 (2002-2003)

Assemblée nationale : 274

Traités et conventions

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I - LE VENEZUELA : UN PAYS EN CRISE, MAIS OÙ LES INVESTISSEMENTS       FRANÇAIS SONT IMPORTANTS 7

II - UN ACCORD CLASSIQUE MAIS NÉCESSAIRE SUR L'ENCOURAGEMENT
      ET LA PROTECTION RÉCIPROQUES DES INVESTISSEMENTS
9

CONCLUSION 11

EXAMEN EN COMMISSION 13

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser l'approbation d'un accord entre la France et le Venezuela sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Caracas le 2 juillet 2001.

Ce type d'accord est très utile à un moment où les flux d'investissements directs à l'étranger connaissent une augmentation rapide depuis quelques années, particulièrement dans certains pays instables.

Ainsi, le Venezuela, dont les réserves pétrolières sont les plus importantes d'Amérique latine, a tous les atouts pour accueillir d'importants flux d'investissements étrangers. Cependant, ce pays ne parvient pas à sortir d'une triple crise politique, économique et sociale, ce qui pourrait à terme menacer les investissements étrangers, et notamment français, réalisés dans cet Etat.

I - LE VENEZUELA : UN PAYS EN CRISE, MAIS OÙ LES INVESTISSEMENTS FRANÇAIS SONT IMPORTANTS

A - Un pays en crise

Elu en 1998 et réélu en 2000 pour six ans en réponse à l'aspiration au changement des Vénézuéliens, las d'une classe politique corrompue et incompétente, le Président Hugo Chavez a déçu les attentes placées en lui. Après avoir réformé profondément les institutions politiques, il n'a pas su réduire la corruption, les inégalités sociales et l'insécurité. Son mode de gouvernement parfois autoritaire (décrets-lois) a suscité une radicalisation du débat politique.

Le Venezuela n'est pas parvenu à réduire sa dépendance à l'égard du pétrole et la chute des prix du brut a provoqué une forte dégradation des comptes externes et des finances publiques qui a contraint à laisser flotter la monnaie nationale et à prévoir une importante réduction des dépenses budgétaires en 2002. La popularité que M. Hugo Chavez conservait dans les classes défavorisées en a souffert.

La remontée des cours du pétrole a redonné des marges financières à M. Chavez mais le conflit ouvert au sujet de la direction de l'entreprise publique des pétroles (PDVSA) a offert aux forces d'opposition l'instrument de mobilisation qu'elles attendaient. A l'issue d'une manifestation de rue violente (environ 20 morts), un coup d'Etat a renversé temporairement M. Chavez, remplacé pendant 29 heures par un pouvoir de facto reposant sur l'alliance entre direction syndicale, patronat, une partie de l'Eglise et des Forces armées, et dirigé par le président de l'organisation patronale. Rétabli dans ses fonctions le 14 avril 2002, M. Chavez s'est exprimé en faveur du dialogue et de la réconciliation.

Pour autant, la situation politique, et par répercussion la situation économique et sociale, ne s'est en aucune manière améliorée avec le retour de Hugo Chavez. La crise politique est devenue permanente, l'opposition demandant avec insistance un référendum sur le maintien au pouvoir du Président vénézuélien. Par ailleurs, une grève générale a paralysé le pays de décembre 2002 à février 2003.

Un accord a été signé entre le pouvoir et l'opposition le 29 mai 2003, dans lequel les parties s'engagent à respecter le cadre constitutionnel. Un référendum révocatoire, fondé sur l'article 72 de la Constitution, devrait être organisé prochainement. Mais, à peine signé, cet accord est contesté par presque tout le monde, chacun accusant l'autre de ne pas faire le nécessaire pour qu'il soit appliqué. Notamment, la mise en place de la commission électorale nécessaire pour que le référendum puisse avoir lieu est pour l'instant bloquée.

B - Des investissements français importants

Les investissements français représentent 8 % du stock des investissements étrangers au Venezuela. Le nombre des implantations françaises au Venezuela a augmenté régulièrement ces dernières années, malgré les soubresauts de l'économie vénézuélienne, pour atteindre aujourd'hui environ 90 sociétés. Les investissements français se sont montés à 110 millions de dollars en 1999, 900 en 2000 et 450 en 2001.

Traditionnellement, la France est particulièrement présente au Venezuela dans le domaine de l'énergie hydraulique, des matériels et de la construction électrique haute tension (Alstom, Schneider, GTME, Den Spie).

A partir du début des années 90, Elf et surtout Total se sont fortement impliquées dans le processus d'ouverture pétrolière du Venezuela, entraînant dans leur sillage de nombreux fournisseurs de biens et services parapétroliers. Total exploite avec succès le champ de Jusepin et réalise actuellement en partenariat un important investissement dans le projet SINCOR dont il détient 47 % (2 milliards de dollars environ) pour exploiter les bruts extra lourds de la Ceinture de l'Orénoque. Total est aujourd'hui le premier investisseur étranger au Venezuela. Par ailleurs, Technip est désormais très présente dans ce pays où elle a remporté les deux premiers contrats pour la construction de raffineries destinées à améliorer la qualité de ces bruts de l'Orénoque.

Dans le domaine des travaux publics, le consortium Frameca (France Metro-Caracas) a signé le contrat de réalisation de la ligne 4 du métro de Caracas, entré en vigueur en 1999, ce qui devrait, dans les prochaines années permettre aux entreprises qui sont impliquées dans ce projet de renforcer leur implantation au Venezuela.

II - UN ACCORD CLASSIQUE, MAIS NÉCESSAIRE SUR L'ENCOURAGEMENT ET LA PROTECTION RÉCIPROQUES
DES INVESTISSEMENTS

Dans ce contexte, il est incontestable que le risque pour les investisseurs étrangers au Venezuela est important. La COFACE (Compagnie française d'assurance crédit pour le commerce extérieur) a ainsi attribué à ce pays la plus mauvaise note possible, la note « D », en ce qui concerne le « risque-pays », ce qui indique un « environnement économique et politique du pays présentant un risque très élevé qui aggravera des comportements de paiement généralement exécrables ».

Pour autant, la COFACE reconnaît aussi au Venezuela des points forts du fait de l'importance de ses ressources pétrolières, gazières et minières. Ainsi, il est souhaitable que la situation politique troublée n'entraîne pas un départ des investissements français dans ce pays : la mise en œuvre d'un accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements constituera à cet égard une garantie importante pour les entreprises française présentes au Venezuela.

A l'image des quelque 90 accords que la France a d'ores et déjà conclus avec des pays très divers, cet accord d'investissements reprend les grands principes du droit international dont l'application permettra d'établir un cadre juridique sûr qui favorisera l'activité des entreprises françaises au Venezuela.

L'accord est conclu pour une durée initiale de quinze ans. Au-delà de cette période, il reste en vigueur tant qu'il n'a pas été dénoncé.

La définition des principaux termes utilisés est classique (article premier), le terme « investissement », notamment, est largement entendu.

Le principe de l'encouragement des investissements de chaque Partie est également traditionnel, tout comme l'octroi aux investisseurs d'un traitement juste et équitable, conforme au droit international et au moins égal au traitement accordé aux nationaux ou à celui de la nation la plus favorisée (articles 2, 3 et 4). Les deux exceptions habituelles subsistent cependant :

- ce traitement ne s'étend pas aux privilèges consentis par l'une ou l'autre des parties par effet de sa participation à une zone de libre-échange, une union douanière, un marché commun ou toute autre forme d'organisation régionale,

- les questions fiscales sont également exclues de ce traitement.

Les mesures de dépossession arbitraires ou discriminatoires sont a priori exclues. Dans le cas d'une expropriation, une indemnité prompte et adéquate est prévue. Des mesures de compensation sont également prévues en cas de sinistres ou de dommages provoqués par les événements politiques, guerre ou conflit armé par exemple (article 5).

Le libre transfert des revenus et du produit de la liquidation des investissements est garanti (article 6).

En cas de différend entre l'investisseur et le pays d'accueil, le recours à une procédure d'arbitrage international (article 8) est prévu. Il en va de même pour la procédure de règlement des litiges (article 11) pouvant surgir entre les parties contractantes pour l'interprétation et l'application de l'un ou l'autre des accords.

Les investissements dûment agréés par l'Etat d'accueil peuvent bénéficier d'une garantie de l'Etat (article 7) dont l'investisseur est un ressortissant. Par ailleurs, le principe de la subrogation de l'un des Etats dans les droits et actions des bénéficiaires de la garantie accordée est posé (article 9).

Les engagements particuliers pris en matière d'investissements par l'une des parties à l'égard des investisseurs de l'autre partie prévalent sur l'accord concerné dès lors que leurs dispositions sont plus favorables (article 10).

CONCLUSION

En dépit de l'instabilité chronique que traverse le Venezuela depuis plusieurs années, les entreprises françaises sont très fortement présentes dans ce pays. Dans ces conditions, il semble donc d'autant plus urgent de lier la France et le Venezuela par un accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.

Pour ces raisons, votre Rapporteur vous recommande d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 18 juin 2003.

Après l'exposé du Rapporteur, et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 274).

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* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (n° 274).

 

N° 953 - Rapport sur le projet de loi autorisant l'accord ave le Venezuela sur la protection réciproques des investissements (Sénat, 1ère lecture) (M. André Schneider)


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