N° 1213 - Rapport de M. Henri Sicre sur le projet de loi , adopté sans modification par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République algérienne démocratique et populaire, d'autre part (ensemble six annexes, sept protocoles, un acte final, cinq déclarations communes et neuf déclarations unilatérales) (948)




Document

mis en distribution

le 21 novembre 2003

graphique

N° 1213

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 novembre 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République algérienne démocratique et populaire, d'autre part (ensemble six annexes, sept protocoles, un acte final, cinq déclarations communes et neuf déclarations unilatérales),

PAR M. HENRI SICRE,

Député

--

Voir les numéros :

Sénat : 184, 329 et T.A. 129 (2002-2003)

Assemblée nationale : 948

Traités et conventions

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - L'ACCORD D'ASSOCIATION 7

A - LE PROCESSUS DE BARCELONE 7

B - LES DISPOSITIONS TRADITIONNELLES DE L'ACCORD 8

1) L'établissement d'un dialogue politique régulier 8

2) Les modalités du droit d'établissement et des prestations de service 8

3) Les règles de la circulation des capitaux et de concurrence 8

4) Le renforcement de la coopération économique 9

5) La mise en œuvre des moyens financiers 9

6) Les dispositions institutionnelles, générales et finales permettant
    la mise en œuvre de l'accord
10

C - LES POINTS CLÉS DE L'ACCORD 10

1) Le respect des droits de l'homme et l'encouragement de
    la coopération régionale
10

2) La libéralisation progressive des échanges de marchandises 10

3) L'instauration d'un dialogue en matière sociale, culturelle,
    d'éducation et de formation
11

4) Le développement de la coopération dans le domaine
    « Justice et Affaires intérieures » (JAI)
12

II - L'ALGÉRIE 14

A - LA SITUATION EN ALGÉRIE 14

1) La situation intérieure 14

2) L'intégration régionale 15

B - LES RELATIONS BILATÉRALES AVEC LA FRANCE 16

1) La délivrance des visas 16

2) La coopération bilatérale franco-algérienne 18

3) La présence économique française 19

CONCLUSION 21

EXAMEN EN COMMISSION 23

Mesdames, Messieurs,

L'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République algérienne démocratique et populaire, d'autre part, a été signé le 22 avril 2002 à Valence en Espagne, à l'occasion de la Conférence des Ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne.

Il s'inscrit dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen qui illustre la prise en considération par l'Union européenne des intérêts du Sud de la Méditerranée, permettant ainsi un rééquilibrage de sa politique extérieure, notamment par rapport aux pays d'Europe centrale et orientale qui entreront dans l'Union au 1er mai 2004.

Votre rapporteur s'attachera tout d'abord à replacer le présent accord dans le cadre du processus de Barcelone, puis à en exposer les caractéristiques principales, avant de faire un point sur la situation en Algérie et sur les relations bilatérales avec la France.

I - L'ACCORD D'ASSOCIATION

A - Le processus de Barcelone

Le Partenariat euro-méditerranéen est issu de la Conférence de Barcelone (27-28 novembre 1995) et s'adresse aux pays méditerranéens non membres de l'Union européenne que l'on appelle les Partenaires méditerranéens : Algérie, Autorité palestinienne, Chypre, Egypte, Israël, Jordanie, Liban, Malte, Maroc, Syrie, Tunisie, Turquie.

L'objectif du processus de Barcelone est d'agir ensemble pour établir une zone de dialogue, d'échanges et de coopération qui garantisse la paix, la stabilité et la prospérité dans le bassin méditerranéen. Ce dialogue euro-méditerranéen s'articule essentiellement autour d'un système très souple d'accords d'association négociés avec chaque partenaire de la rive sud dont les principaux objectifs sont la mise en œuvre d'un dialogue politique, la création d'une zone de libre-échange en 2010 et l'instauration d'une large coopération financée par les programmes MEDA (mesures d'accompagnement financières et techniques à la réforme des structures économiques et sociales dans le cadre du Partenariat euro-méditerranéen).

Tous les Partenaires méditerranéens, à l'exception de la Syrie, ont conclu un accord d'association avec l'UE. Cinq de ces accords sont en vigueur : Autorité palestinienne (il s'agit d'un accord intérimaire), Israël, Jordanie, Maroc et Tunisie. L'accord avec l'Egypte a été signé le 25 juin 2001, la procédure parlementaire est accomplie1, il devrait entrer prochainement en vigueur. Un accord a été signé avec le Liban le 17 juin 2002, la procédure parlementaire est en cours2. L'accord avec la Syrie en est encore au stade de la négociation. Enfin, votre Rapporteur rappellera, si besoin était, que Chypre et Malte intégreront l'Union européenne avec les pays d'Europe centrale et orientale au 1er mai 2004 et que la Turquie se situe dans une logique de pré-adhésion.

Ces accords d'association non seulement se substituent aux anciens accords de coopération conclus dans les années soixante-dix avec la plupart des pays du Maghreb et du Machrek, dont le champ d'application était limité aux dispositions commerciales et à l'assistance financière, mais sont également destinés à adapter les relations contractuelles euro-méditerranéennes à l'évolution des règles commerciales multilatérales en vigueur depuis le cycle de l'Uruguay (obligation de réciprocité des concessions et de prise en compte du secteur des services, notamment). Ainsi, le présent accord, lorsqu'il entrera en vigueur, se substituera aux deux accords signés le 26 avril 1976 (l'accord de coopération entre la Communauté européenne et l'Algérie et l'accord entre les Etats de la Communauté européenne du charbon et de l'acier et l'Algérie).

B - Les dispositions traditionnelles de l'accord

L'accord signé avec l'Algérie est similaire aux accords conclus précédemment avec l'Egypte, Israël, la Jordanie, le Maroc ou encore la Tunisie. Le processus de négociations de l'accord s'est étalé sur quatre ans. L'architecture générale s'articule autour de 9 titres.

1) L'établissement d'un dialogue politique régulier

Le titre Ier (articles 3 à 5) stipule qu'un dialogue politique régulier est instauré entre les parties, portant sur tous les sujets présentant un intérêt commun et, plus particulièrement, sur les conditions propres à garantir la paix, la sécurité de la région méditerranéenne et le développement d'un climat de compréhension et de tolérance entre les cultures.

2) Les modalités du droit d'établissement et des prestations de service

Avec les articles 30 à 37, les parties conviennent d'élargir le champ d'application de l'accord au droit d'établissement et à la libéralisation des prestations de services, selon des modalités à définir ultérieurement. Elles s'engagent à envisager leur coopération dans ce domaine en perspective d'un véritable accord d'intégration économique au sens de l'article V de l'Accord général sur le commerce des services (AGCS). D'ores et déjà, elles réaffirment leurs obligations respectives en vertu de l'AGCS, et, notamment, l'octroi du traitement de la nation la plus favorisée.

3) Les règles de la circulation des capitaux et de concurrence

Les articles 38 à 46 réglementent les paiements courants, la circulation des capitaux, la concurrence et toutes questions d'ordre économique.

Les règles de concurrence incluses dans l'accord s'inspirent de celles qui sont en vigueur dans la Communauté (interdiction de toute pratique susceptible d'affecter le jeu de la concurrence, tels que accords entre entreprises, abus de position dominante, aides publiques, monopoles).

Les parties s'engagent également à protéger, de manière effective, les droits de propriété intellectuelle conformément aux normes internationales en vigueur (article 44).

Elles se fixent comme objectif une libéralisation réciproque et progressive des marchés publics (article 46).

4) Le renforcement de la coopération économique

Il fait l'objet du titre V (articles 47 à 66) et vise à accompagner la libéralisation des échanges en général et la mise en place d'un libre-échange industriel avec la Communauté en particulier.

L'objectif est de favoriser le rapprochement des économies, le développement des secteurs créateurs d'emplois, ainsi que l'intégration régionale, notamment à l'intérieur du Maghreb.

Les domaines concernés sont les sciences, techniques et technologies, l'environnement, l'industrie, les investissements, les normes et certifications, les législations, les services financiers, l'agriculture et la pêche, les transports, les télécommunications et l'information, l'énergie et les mines, le tourisme et l'artisanat, les douanes, les statistiques, la protection des consommateurs.

5) La mise en œuvre des moyens financiers

Le titre VII (articles 79 à 81) est consacré à la coopération financière. Les dispositions restent générales, les moyens financiers mis en œuvre étant prélevés sur l'enveloppe globale arrêtée pour la Méditerranée par le Conseil européen (5,35 milliards d'euros pour la période 2000-2006) et utilisés dans les conditions fixées par le règlement financier MEDA.

L'aide MEDA consiste en des dons. Elle est complétée par les prêts de la Banque européenne d'investissement (BEI) qui contribuent principalement au financement de grands projets d'infrastructures économiques. Les prêts de la BEI aux partenaires méditerranéens correspondent à un volume équivalent à celui de MEDA. 164 millions d'euros ont été engagés en Algérie au titre du règlement MEDA sur la période 1996/2000. La Commission européenne prévoit d'engager un montant de l'ordre de 150 millions d'euros en faveur de l'Algérie pour la période 2002/2004 (soit 540 millions d'euros sur 2000-2004). Toutefois, ce montant reste indicatif. En outre, dans le cas de l'Algérie, il est à noter que l'instabilité politique qui y règne ne lui a pas permis de mettre pleinement à profit l'aide financière qu'elle reçoit de l'Union européenne.

Parmi les domaines d'application prioritaires figurent la facilitation des réformes, la mise à niveau des infrastructures économiques, la promotion de l'investissement privé et des activités créatrices d'emploi, l'accompagnement des politiques sociales et la prise en compte des conséquences du libre-échange sur l'économie algérienne.

6) Les dispositions institutionnelles, générales et finales permettant la mise en œuvre de l'accord

Celles-ci font l'objet du titre IX (articles 92 à 110). Un conseil d'association se réunira chaque année au niveau ministériel. Sa composition est définie à l'article 93. Un comité d'association est chargé de la gestion du présent accord (article 95).

Les autres dispositions finales sont traditionnelles et n'appellent aucun commentaire particulier : clauses de dénonciation, de protection des intérêts essentiels de sécurité, territoriale, de non-discrimination et d'arbitrage.

C - Les points clés de l'accord

1) Le respect des droits de l'homme et l'encouragement de la coopération régionale

Tout d'abord, l'article 1er stipule que « le présent accord a pour objectifs [...] d'encourager l'intégration maghrébine en favorisant les échanges et la coopération au sein de l'ensemble maghrébin ». Il fait écho à l'article 50 consacré à la coopération régionale, qui fait l'objet d'un développement dans la deuxième partie du rapport.

Par ailleurs, l'article 2 stipule que « le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux de l'homme [...] constitue un élément essentiel du présent accord », et l'exposé des motifs précise que leur « violation peut aller jusqu'à la suspension de ce dernier ».

2) La libéralisation progressive des échanges de marchandises

Le titre II (articles 6 à 29) fixe les conditions de la libéralisation progressive des échanges de marchandises. Il s'agit de réaliser progressivement, sur une période de transition de douze ans au maximum après l'entrée en vigueur de l'accord, en conformité avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC)3, une zone de libre-échange.

L'Algérie éliminera progressivement les droits sur ses importations de biens industriels et appliquera des droits réduits à ses importations de produits agricoles. En contrepartie, la Communauté appliquera le régime préférentiel aux exportations algériennes avec des nuances : le libre accès (exemption de droits de douane et taxes d'effet équivalent) au marché communautaire sera accordé aux produits industriels algériens (article 8), alors que des concessions seront faites pour les produits agricoles. La libéralisation de leurs échanges réciproques de produits agricoles se fera progressivement et une clause de « rendez-vous » est prévue. Dans un délai de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur du présent accord, la situation sera réexaminée en vue de fixer les mesures de libéralisation à appliquer par la Communauté et l'Algérie après la sixième année suivant l'entrée en vigueur du présent accord (article 15). Par ailleurs, une clause d'anti-dumping figure à l'article 22.

La question du démantèlement tarifaire s'est révélée délicate pour l'Algérie. Celle-ci a adopté en août 2001, selon une procédure exceptionnelle, un tarif douanier harmonisé limité à quatre positions tarifaires, dont la plus élevée devrait être ramenée à 30 %. En matière agricole, un compromis a facilement été trouvé sur la base des propositions algériennes, qui prévoient notamment d'ouvrir un certain nombre de contingents supplémentaires pour les produits communautaires. Il convient toutefois de noter que, à la différence du Maroc et, dans une moindre mesure, de la Tunisie, l'Algérie connaît un déficit structurel dans ses échanges agricoles avec l'Union européenne. Elle importe pour 1 milliard d'euros de produits agricoles communautaires et n'exporte en retour que 22 millions d'euros.

3) L'instauration d'un dialogue en matière sociale, culturelle, d'éducation et de formation

C'est une des spécificités de cet accord : il comporte un chapitre consacré aux droits des travailleurs algériens, qui est transposé de l'accord de coopération de 1976.

Avec le titre VI (articles 67 à 78), il est convenu d'instituer un dialogue entre les parties sur les questions sociales, portant notamment sur les conditions de vie et de travail des travailleurs employés légalement, les migrations et l'immigration clandestine, l'égalité de traitement entre ressortissants algériens et communautaires.

Une coopération culturelle doit être mise en place ; elle portera plus particulièrement sur les programmes en faveur de la conservation du patrimoine, les échanges d'artistes et d'œuvres d'art, la formation des personnes travaillant dans le domaine de la culture.

4) Le développement de la coopération dans le domaine « Justice et Affaires intérieures » (JAI)

Le titre VIII (articles 82 à 91) est spécialement consacré aux questions de justice et d'affaires intérieures, pour lesquelles un compromis d'ensemble a pu être trouvé. Il se traduit par l'inclusion, pour la première fois dans un accord d'association euro-méditerranéen, d'un chapitre JAI complet. La circulation des personnes constituait la demande centrale de l'Algérie. Il a, de façon assez prudente, été convenu que les parties « veilleront à une application et à un traitement diligents des formalités de délivrance des visas » afin de faciliter la circulation des personnes. De leur côté, les Algériens ont accepté, non sans difficultés, le principe d'un accord de réadmission UE/Algérie étendu aux ressortissants des pays tiers.

L'article 83 (circulation des personnes) stipule que les parties veilleront « en conformité avec les législations communautaires et nationales en vigueur » à un traitement diligent des formalités de délivrance des visas. Par ailleurs, les parties conviennent d'examiner la simplification et l'accélération des procédures de délivrance des visas pour les personnes qui participent à la mise en œuvre du présent accord.

L'article 84, portant sur la réadmission, stipule, en particulier, que l'Algérie accepte de réadmettre tous ses ressortissants illégalement présents sur le territoire d'un Etat membre de l'Union européenne, à la demande de ce dernier. La réadmission des ressortissants de pays tiers devra faire l'objet d'accords bilatéraux spécifiques, conclus à la demande de l'une ou l'autre des parties après l'entrée en vigueur du présent accord.

Enfin, une autre particularité de cet accord d'association euro-méditerranéen réside dans l'article 90 qui instaure une coopération dans la lutte contre le terrorisme. C'est précisément sur ce thème que la position communautaire a évolué au cours des négociations pour se rapprocher des attentes algériennes. Il s'agit, à l'instar de ce qui est prévu dans l'accord d'association avec l'Egypte, d'échanger des informations sur les moyens et méthodes employés par chacune des parties dans ce domaine. Par ailleurs, suite aux événements du 11 septembre 2001, la position initiale de l'Union européenne a été revue. Il a ainsi été accepté de donner suite à la demande de l'Algérie qui souhaitait que cette coopération porte aussi sur des « échanges d'informations sur les groupes terroristes et leurs réseaux de soutien » dans le respect des principes de l'Etat de droit, des conventions internationales dont les parties sont signataires et de leurs législations internes.

II - L'ALGÉRIE

A - La situation en Algérie

1) La situation intérieure

La situation politique intérieure est conditionnée par l'élection présidentielle d'avril 2004. L'Algérie est entrée dans une phase de tension politique avec la montée en puissance de l'affrontement entre le Président Abdelaziz Bouteflika et son ancien Premier ministre, Ali Benflis, l'actuel secrétaire général du Front de Libération Nationale (FLN). Tous deux sont membres de ce parti et candidats à l'élection présidentielle. L'armée reste pour l'instant en position d'arbitre. Si elle s'est clairement démarquée du Président Abdelaziz Bouteflika, elle s'en tient à une position officielle de neutralité et semble n'avoir pas encore fait son choix.

Les principales réformes structurelles restent au point mort (les réformes de l'Etat, de la loi sur les hydrocarbures, du système bancaire, les privatisations, le code de la famille). Un certain nombre de dossiers économiques et sociaux sensibles ont toutefois été traités, comme la liquidation de l'empire Khalifa ou encore la mobilisation de l'Etat dans la reconstruction après le séisme du 21 mai 2003 dans la région d'Alger.

Néanmoins le malaise social reste profond. Il est alimenté par de nombreux facteurs, parmi lesquels figurent l'érosion du pouvoir d'achat, qui a été divisé par deux en dix ans, et la médiocrité du cadre de vie. Les services publics sont défaillants aux niveaux des transports, de l'alimentation en électricité ou en eau potable, du réseau téléphonique. La pénurie de logements est importante. Les classes moyennes se paupérisent, elles sont souvent obligées de cumuler plusieurs activités. La pression démographique est énorme : 70 % de la population a moins de trente ans. Le séisme du 21 mai 2003 et les crises sanitaires survenues à l'été, ainsi que les affaires de corruption révélées par la presse ont exacerbé le sentiment de délaissement et de mépris de la part des classes dirigeantes. Le PIB par habitant s'est effondré entre 1990 et 2002, passant de 3 524 dollars américains en 1990 à 1 600 dollars américains aujourd'hui, en raison d'une croissance démographique supérieure à celle du PIB (1,6 % par an environ contre 0,5 % en moyenne sur les dix dernières années). Plus de 190 000 ménages, soit environ 1,6 million de personnes (5,7 % de la population active) vivraient en deçà du seuil de pauvreté alimentaire qui est de 185 euros par an. Aujourd'hui 27,8 % de la population active est au chômage. Ce sont évidemment les jeunes qui sont particulièrement touchés par le phénomène.

Pour répondre au mécontentement social grandissant, le gouvernement a mis en place un ambitieux plan de relance de l'économie. Un plan de relance budgétaire prévoit une reprise des dépenses d'investissement de l'Etat pour un montant total d'environ 6,9 milliards d'euros sur la période 2001-2004. Cependant il repose sur la capacité des autorités algériennes à dégager des recettes suffisantes pour le financer, soumettant ainsi son exécution à la stabilité des recettes pétrolières qui représentaient 65 % des recettes budgétaires en 2001. C'est la conjoncture pétrolière favorable des dernières années qui tire l'activité. Ainsi pour 2002, la croissance serait d'environ 3 % grâce aux revenus plus élevés que prévu du secteur des hydrocarbures.

2) L'intégration régionale

Dans le cadre de l'Union du Maghreb Arabe (UMA), créée en 1989, un certain nombre d'instruments ont été mis en place, visant à une intégration économique progressive du Maghreb, tels que :

- la mise en œuvre en 1990 d'une stratégie commune de développement invitant à l'élaboration de politiques communes afin d'instaurer une zone de libre-échange, une union douanière et finalement une union économique globale ;

- la signature d'une convention commerciale et tarifaire (1991) ;

- la signature d'une convention en vue de la création d'une Banque maghrébine d'investissement et de commerce extérieur (1991) ;

- la signature d'une convention sur les échanges de produits agricoles (1993).

La tenue de rencontres institutionnelles, notamment au niveau ministériel, à caractère spécialisé (emploi et affaires sociales, postes et télécommunications, ressources humaines...) ou général n'a pas permis à l'organisation de donner un contenu véritable à l'activité de l'UMA. L'Union du Maghreb arabe, dont l'Algérie assure la présidence depuis 1994, reste dans l'impasse, comme l'a encore confirmé l'annulation en juin dernier du sommet prévu à Alger. Ses ambitions d'intégration et de coopération régionale, politique et économique, sont restées un vœu pieux : le commerce intra-zone ne dépasse pas 5 % des échanges extérieurs des pays membres et le projet de création d'une banque maghrébine n'a pas encore vu le jour. La raison principale de cet échec est politique : en particulier, les différends entre l'Algérie et le Maroc et la fermeture de la frontière entre ces deux pays empêchent toute avancée réelle.

La question du Sahara occidental constitue l'un des principaux points de tension entre l'Algérie et son voisin marocain. Alger a confirmé à New-York, lors du vote de la résolution 1359 en juin 2001, son ouverture à une solution politique. Toutefois, l'Algérie rejette le projet d'accord-cadre proposé par l'ancien Secrétaire d'Etat américain James Baker, représentant personnel du Secrétaire général des Nations unies. La méfiance réciproque entre les deux pays demeure.

S'agissant de ses relations inter-arabes, l'Algérie reste attachée à un traitement de la question iraquienne dans le cadre de la légalité internationale et porte un jugement très positif sur la position française dans ce dossier. Les autorités algériennes s'expriment peu, publiquement, sur la question palestinienne qui ne mobilise guère la rue algérienne.

B - Les relations bilatérales avec la France

Les relations bilatérales franco-algériennes ont fait l'objet d'une refondation avec la « Déclaration d'Alger » signée par les deux Chefs d'Etat à l'occasion de la visite d'Etat du Président de la République en Algérie, du 2 au 4 mars 2003.

1) La délivrance des visas

L'article 83 du présent accord est consacré à la circulation des personnes. Il recommande aux parties « une application et un traitement diligents des formalités de délivrance des visas ». C'est chose en partie faite en France puisque des améliorations pour le moins non négligeables ont été apportées aux conditions de délivrance des visas.

Sur les dernières années, le nombre de visas délivrés a été en augmentation constante entre 1996 et 1999. Cette évolution s'est poursuivie en 2000 et 2001. En 2002, le nombre global de visas délivrés s'est tassé avec un chiffre de 180 000 pour une demande annuelle de 830 000. C'est essentiellement la mauvaise qualité des dossiers présentés qui explique cette baisse. En revanche, pour certaines catégories, l'augmentation en 2002 est significative par rapport à 2001 avec une augmentation de 32 % pour les visas étudiants (6 000 ont été délivrés en 2002) et une hausse de 23 % pour les visas de long séjour au titre du « regroupement familial » et, dans une moindre mesure, de « travailleur salarié ». Le taux de visas de circulation, valables un an ou plus, atteint désormais 15 % des visas de court séjour délivrés. Plus des deux tiers des visas de court séjour sont délivrés pour des visites familiales et privées.

Ces améliorations sont en partie le fait de la réactualisation de l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens en France, dont l'objectif était de permettre aux ressortissants algériens de bénéficier des avantages de la loi « RESEDA » du 11 mai 1998 et d'adapter le dispositif de l'accord aux réalités d'aujourd'hui. Un troisième avenant à cet accord a ainsi été signé le 11 juillet 2001. Il est entré en vigueur le 1er janvier 20034. Il transpose au profit des ressortissants algériens les dispositions favorables de la loi du 11 mai 1998, notamment le bénéfice des nouveaux titres de séjour créés par cette loi : « vie privée et familiale », « scientifique », « profession artistique et culturelle » et « retraité ». Le nouveau dispositif « vie privée et familiale » a pour conséquence essentielle de permettre aux conjoints et aux enfants de ressortissants français de demander un titre de séjour en France sur la base d'un visa de court séjour, pour lesquels les délais de délivrance sont relativement rapides, au lieu d'un visa de long séjour. Une nouveauté importante concerne les retraités d'un régime français, qui peuvent déposer une première demande, ou un renouvellement, de carte de résident auprès des consulats. Après instruction par les préfectures, les cartes valables dix ans sont remises aux retraités par les postes consulaires.

Le 1er janvier 2003 a également été introduite une nouvelle procédure relative au paiement des frais de dossiers. Elle fait suite à la décision du Conseil de l'Union européenne du 20 décembre 2001 qui a posé, en matière de visas, le principe de « droits à percevoir correspondant aux frais administratifs de traitement de la demande de visa ». Les droits de chancellerie perçus en matière de visa s'inscrivent dans une logique de paiement de frais de dossier lors du dépôt des demandes5, indépendamment de la délivrance ou non du visa. En matière de formalités administratives, cette procédure est fréquemment utilisée : droits d'inscription à un examen, inscription aux épreuves du permis de conduire... Elle était déjà appliquée par certains de nos partenaires (Allemagne, Belgique, Danemark, Finlande, Pays-Bas, Suède). Au 1er janvier 2003, la Grèce et le Luxembourg l'ont également mise en œuvre. En dehors de l'espace Schengen, d'autres Etats, dont les Etats-Unis, appliquent une procédure similaire, ce dernier pays cumulant les frais de dossier et une taxe sur les visas. En évitant les demandes de visas fantaisistes et multiples, de plus en plus nombreuses, cette procédure ne pourra avoir qu'un effet positif sur les demandeurs de bonne foi et sur les conditions d'accueil du public dans nos services, qui ont par ailleurs été réformées avec la mise en service des nouvelles infrastructures, intervenue en février 1999.

La France continue à travailler à l'amélioration des conditions de délivrance. Ainsi le consulat général d'Annaba a rouvert ses portes en janvier 2001. La réouverture du consulat d'Oran est en préparation.

Le ministère des Affaires étrangères annonce également que de nouveaux efforts seront engagés dans les prochains mois pour améliorer les conditions d'accueil du public et réduire les délais de délivrance qui sont aujourd'hui de 4 semaines en moyenne.

2) La coopération bilatérale franco-algérienne

La France et l'Algérie entretiennent des liens étroits de coopération aux niveaux scientifique et technique, dans les domaines culturel et linguistique, et également en matière économique.

Tout d'abord, la coopération française vise à soutenir les autorités algériennes dans leurs efforts de réforme (Etat, justice, économie, système scolaire). Un Fonds de Solidarité prioritaire (FSP) en matière de soutien au développement du secteur économique privé a été mis en place. D'autres FSP sont en cours de préparation, pour un montant total de 20 millions d'euros environ, dans de nombreux domaines, tels que la formation professionnelle, la réforme des institutions administratives et judiciaires, le développement agricole, la réforme du système éducatif et du secteur de la recherche, la culture.

Le soutien aux autorités algériennes dans la mise en œuvre des réformes économiques engagées passe par la signature le 17 décembre 2002 d'un accord bilatéral de conversion de dette en investissements privés. Il porte sur 61 millions d'euros. En 2000, la France a assoupli sa politique d'assurance-crédit à l'intention de l'Algérie. Le protocole de sécurité a été supprimé. Les conditions d'aide pour les exportateurs ont été normalisées (assurance-foire, assurance-prospection). L'Algérie est éligible à la Réserve Pays Emergents (RPE) : deux dossiers RPE sont en cours d'examen dans le secteur de l'eau. Outre le FSP, l'Algérie est éligible au Fonds d'études et d'aide au secteur privé (FASEP) qui finance, par l'intermédiaire du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, des études en amont de projets ou de coopération institutionnelle (financement d'une étude relative à la réhabilitation de raffineries). L'Algérie est avec le Maroc, la Tunisie et le Vietnam l'un des quatre pays au monde à bénéficier de tous nos outils financiers d'aide au développement.

Le soutien institutionnel aux réformes économiques passe également par l'aide technique que les administrations françaises apportent dans de nombreux domaines à leurs partenaires algériennes (développement des partenariats secteur public/secteur privé, soutien dans les négociations de la partie algérienne avec l'OMC, assistance technique dans les domaines du développement durable et de l'aménagement du territoire). Un FSP relatif à l'appui au développement du secteur privé en Algérie a été adopté au printemps 2002.

Au niveau culturel, beaucoup a été fait depuis trois ans. Le centre culturel français d'Alger a rouvert ses portes le 15 janvier 2000. Les centres culturels d'Annaba et d'Oran ont rouvert en mars 2002 et 2003 est l'« Année de l'Algérie » en France.

La coopération dans le domaine de l'éducation et de la formation professionnelle s'est renforcée ; un lycée international a été ouvert à Alger le 2 octobre 2002 avec des classes de seconde et de première ; l'ouverture de classes de terminale est prévue pour septembre 2003.

Enfin, à l'occasion de sa visite d'Etat en Algérie, le Président de la République a annoncé que de nouveaux projets de coopération allaient être engagés. Il s'agit de l'ouverture à Alger de l'Institut supérieur algérien des affaires, de la création d'un Haut Conseil de coopération universitaire et de recherche, du renforcement de la coopération institutionnelle (modernisation des administrations algériennes), du renforcement de la coopération dans le domaine culturel (un protocole d'accord a été signé à Alger le 2 mars par les Ministres de la Culture) et du développement de la coopération dans le domaine du développement durable. L'Agence française de développement (AFD) a signé trois conventions d'un montant total de 95 millions d'euros (secteur bancaire, habitat, eau). La France apportera, entre autres, son appui à la modernisation des infrastructures de transports (métro d'Alger, réseaux ferroviaires), à la modernisation des réseaux de distribution d'eau potable et au développement du secteur de l'habitat.

3) La présence économique française

Le bilan des relations économiques franco-algériennes pour l'année 2001 laisse apparaître une progression sensible par rapport aux années précédentes.

Les relations commerciales se sont densifiées en 2000-2001 pour atteindre un flux croisé d'environ 6,4 milliards d'euros. La France a dégagé en 2001 un excédent commercial de 400 millions d'euros, contre 800 millions d'euros en 1999. Les exportations françaises se sont ainsi accrues de 40 % en deux ans pour dépasser désormais 3,4 milliards d'euros. Nos importations se sont accrues de 70 % en raison essentiellement de la hausse du prix des hydrocarbures qui constituent la quasi-totalité de nos importations d'Algérie. Elles ont atteint près de 3 milliards d'euros en 2001.

Surtout, les investissements français en Algérie, s'ils demeurent modestes, ont néanmoins progressé en 2000-2001. Ils concernent essentiellement le secteur pétrolier. Le montant total des grands contrats (supérieurs à 3 millions d'euros) est estimé à 565 millions d'euros, contre 106 millions d'euros en 1999. Près d'une centaine d'entreprises françaises opère aujourd'hui sur le marché algérien, employant près de 6 000 personnes.

Plusieurs grands contrats ont été conclus récemment :

- GDF s'est engagé aux côtés de la Sonatrach dans l'exploration, l'exploitation et la commercialisation du champ gazier d'Ahnet, ce qui représente un investissement total de 2 milliards d'euros avec une participation de GDF à hauteur de 25 % ;

- SPIE-CAPAG a signé à la mi-décembre 2000 un contrat de 364 millions d'euros portant sur l'oléoduc reliant Ouargla au port d'Arzew ;

- la société Entrepose a remporté le premier lot d'un projet de développement d'un gisement de gaz pour 120 millions d'euros ;

- Total-Fina-Elf a conclu en octobre 2001 un contrat d'exploration d'un bloc au sud-est du pays, ce qui représente un investissement de 15 à 25 millions d'euros ;

- Danone s'est associé avec la société algérienne Djurdjura pour l'installation d'une usine de produits laitiers ;

- Castel s'est engagé dans la production en Algérie de boissons gazeuses ;

- Michelin s'est réimplanté en Algérie en août 2002, après huit années d'absence.

Par ailleurs, des groupes comme Yoplait, Vivendi, Lyonnaise des Eaux, Alcatel, EDF, CMA-CGM, BNP-Paribas, Crédit Lyonnais et Crédit Agricole-Indosuez développent aujourd'hui leurs investissements en Algérie ou envisagent de s'y implanter.

CONCLUSION

Si l'accord n'a pas encore été ratifié par l'Algérie, il a fait l'objet d'un avis conforme par le Parlement européen le 10 octobre 2002 et deux Etats membres de l'Union européenne l'ont déjà ratifié, l'Irlande le 27 janvier 2003 et la Suède le 22 juin 2003.

Compte tenu des liens particuliers qui unissent nos deux pays et au vu des efforts déployés par l'Algérie pour mettre en œuvre les réformes engagées, votre Rapporteur vous recommande l'adoption du projet de loi autorisant la ratification de l'accord d'association entre l'Algérie et la Communauté européenne.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du jeudi 13 novembre 2003.

Après l'exposé du Rapporteur, M. Richard Cazenave a demandé si des avancées pouvaient être attendues dans la constitution d'une zone de libre-échange entre les pays du Maghreb.

Le Président Edouard Balladur a demandé quel était le contenu de la participation des trois pays du Maghreb au NEPAD.

M. Henri Sicre a répondu qu'un certain nombre d'instruments visant à une intégration économique progressive du Maghreb avaient été mis en place dans le cadre de l'Union du Maghreb arabe (UMA), mais sans grand succès. Les différends entre l'Algérie et le Maroc, notamment sur la question du Sahara occidental, empêchent toute avancée réelle.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (no 948).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (n° 948).

 ____________

N° 1213 - Rapport de M. Henri Sicre : accord euro-méditerranéen - Algérie

1 Loi n° 2003-208 du 12 mars 2003.

2 Projet de loi n° 946, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen instituant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République libanaise, d'autre part (ensemble deux annexes, cinq protocoles, un acte final, treize déclarations communes et deux déclarations unilatérales) - M. Richard Cazenave, rapporteur.

3 Il s'agit des dispositions de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) et des autres accords multilatéraux sur le commerce de marchandises annexés à l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

4 Rapport N° 232 de M. Richard Cazenave sur le projet de loi autorisant l'approbation du troisième avenant à l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation et à l'emploi des ressortissants algériens et de leurs familles et à son protocole annexe (ensemble un échange de lettres - Loi n° 2002-1305 du 29 octobre 2002, décret n° 2002-1500 du 20 décembre 2002.

5 Compte tenu de la spécificité du traitement des demandes de visas par nos postes en Algérie, des modalités particulières de perception des frais de dossier ont été mises en œuvre avec le concours des banques algériennes


© Assemblée nationale