N° 1216 - Rapport de Mme Christine Boutin sur le projet de loi , adopté avec modification par le Sénat, portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité (884)




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mis en distribution

le 18 novembre 2003

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N° 1216

(1ère partie)

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 novembre 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT (n° 884), portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité,

PAR Mme Christine BOUTIN

Députée.

--

Voir les numéros :

Sénat : 282, 304, 305 et T.A. 114 (2002-2003).

Assemblée nationale : 884

Travail et Emploi.

INTRODUCTION 7

I.- LES PRINCIPES D'UNE POLITIQUE D'INSERTION COHÉRENTE ET GÉNÉREUSE 9

A. LA NÉCESSAIRE SOLIDARITÉ 9

B. L'AIDE À L'INSERTION : UNE PRIORITÉ 10

1. Revaloriser le travail jusque dans son rôle d'insertion 10

2. Rappeler la valeur de l'insertion sociale 11

3. Sanctionner les abus 11

C. UN OBJECTIF À NE PAS PERDRE DE VUE : LE DROIT UNIVERSEL À UN REVENU MINIMUM 12

II.- L'ARCHITECTURE DE LA RÉFORME PROPOSÉE 13

A. LA DÉCENTRALISATION DU RMI ET LA RÉFORME DU PILOTAGE DE L'INSERTION 13

1. Le transfert aux départements du financement du RMI et aux présidents de conseils généraux des prérogatives des préfets 13

2. La séparation de l'instruction « administrative » et de l'instruction « sociale » des dossiers 15

3. Le « recentrage » des commissions locales d'insertion et des conseils départementaux d'insertion 16

4. La redéfinition du contenu et du suivi du contrat d'insertion 18

B. L'INSTITUTION DU REVENU MINIMUM D'ACTIVITÉ 19

1. Un contrat de travail atypique 19

2. Un contrat de travail attractif pour l'employeur 20

3. Un contrat de travail maximisant les avantages immédiats du retour à l'emploi pour le bénéficiaire 20

4. Le maintien d'un « filet de sécurité » pour les bénéficiaires du RMA et leurs proches 21

III.- UNE RÉFORME À COMPLÉTER ET À METTRE EN COHÉRENCE 23

A. LES AMÉNAGEMENTS NÉCESSAIRES 23

1. Clarifier les conditions financières de la décentralisation du RMI 23

2. Conforter la politique d'insertion 23

3. Assurer la transparence et la légitimité des procédures relatives au RMI 23

4. Renforcer l'efficacité du contrat insertion-revenu minimum d'activité tout en évitant les effets d'aubaine 24

5. Conforter les droits des bénéficiaires du RMA 24

B. LA NÉCESSAIRE COHÉRENCE AVEC LES AUTRES RÉFORMES EN COURS 24

1. Le programme CIVIS 24

2. Le projet de loi de décentralisation 26

TRAVAUX DE LA COMMISSION 29

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 29

II.- EXAMEN DES ARTICLES 41

TITRE IER : DÉCENTRALISATION EN MATIÈRE DE REVENU MINIMUM D'INSERTION 41

Article 1er (article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles) : Périodicité de la revalorisation du montant du RMI 41

Article 2 : Transfert du financement de l'allocation de RMI aux départements 42

Article 3 : Conditions financières de la décentralisation du RMI et de la création du RMA 44

Article 3 bis (article L. 1614-3-1 du code général des collectivités territoriales) : Extension des compétences de la commission consultative d'évaluation des dépenses résultant des transferts de compétences 55

Article 4 (articles L. 262-14, L. 262-17, L. 262-19, L. 262-21, L. 262-23, L. 262-24, L 262-27, L. 262-28, L. 262-35, L. 262-36 et L. 262-44 du code de l'action sociale et des familles) : Attribution au président du conseil général des pouvoirs de décisions individuelles en matière de RMI 56

Après l'article 4 57

Article 5 (articles L. 262-9 et L. 262-9-1 [nouveau] du code de l'action sociale et des familles) : Règles applicables aux ressortissants de l'Union européenne et de l'Espace économique européen en matière de revenu minimum d'insertion 58

Article 6 (article L. 262-13 du code de l'action sociale et des familles) : Information des allocataires du RMI 60

Article 7 (article L. 262-14 du code de l'action sociale et des familles) : Liste des organismes habilités à instruire les demandes de RMI 61

Article 8 (article L. 262-15 du code de l'action sociale et des familles) : Instruction administrative des dossiers de RMI 62

Article 9 (article L. 262-18 du code de l'action sociale et des familles) : Domiciliation des demandeurs de RMI 64

Article additionnel après l'article 9 (article L. 262-19 du code de l'action sociale et des familles) : Conditions de résidence pour l'attribution du RMI et procédure de suspension de l'allocation pour non-signature du contrat d'insertion 67

Article 10 (article L. 262-20 du code de l'action sociale et des familles) : Renouvellement du droit à l'allocation 67

Article additionnel après l'article 10 (article L. 262-21 du code de l'action sociale et des familles) : Avis conforme de la commission locale d'insertion en cas de suspension de versement du RMI pour non-renouvellement du contrat d'insertion 70

Article 11 (article L. 262-23 du code de l'action sociale et des familles) : Révision du contrat d'insertion et suspension de l'allocation en cas de non-respect de ce contrat 70

Article 12 (article L. 262-24 et L. 262-28 du code de l'action sociale et des familles) : Clôture du droit au RMI et reprise du versement de l'allocation 71

Article 13 (article L. 262-30 du code de l'action sociale et des familles) : Service de l'allocation 73

Article 14 (article L. 262-31 du code de l'action sociale et des familles) : Neutralisation des flux de trésorerie entre les départements et les organismes payeurs 73

Article 15 (article L. 262-32 du code de l'action sociale et des familles) : Délégation aux organismes payeurs des décisions individuelles 75

Article 16 (article L. 262-33 du code de l'action sociale et des familles) : Contrôle des déclarations des bénéficiaires 77

Article 17 (article L. 262-35 du code de l'action sociale et des familles) : Mise en œuvre du caractère subsidiaire de l'allocation 78

Article 18 (article L. 262-37 du code de l'action sociale et des familles) : Élaboration et conclusion du contrat d'insertion 79

Article 19 (article L. 262-38 du code de l'action sociale et des familles) : Contenu du contrat d'insertion 82

Article 20 (articles L. 262-38-1 et L. 262-38-2 [nouveaux] du code de l'action sociale et des familles) : Mise en œuvre et suivi des actions d'insertion professionnelle 86

Article 21 (article L. 262-39 du code de l'action sociale et des familles) : Recours contentieux contre les décisions relatives à l'allocation 88

Article 22 (article L. 262-43 du code de l'action sociale et des familles) : Récupération des sommes servies au titre de l'allocation 89

Article 23 (article L. 262-44 du code de l'action sociale et des familles) : Mandatement de l'allocation à un organisme agréé 90

Article 24 (article L. 263-1 du code de l'action sociale et des familles) : Fin du co-pilotage du dispositif local d'insertion 91

Article 25 (article L. 263-2 du code de l'action sociale et des familles) : Composition et rôle du conseil départemental d'insertion 91

Article 26 (article L. 263-3 du code de l'action sociale et des familles) : Programme départemental d'insertion 92

Article 27 (article L. 263-4 du code de l'action sociale et des familles) : Programmes locaux d'insertion 93

Article 28 (articles L. 263-5 à L. 263-9 du code de l'action sociale et des familles) : Crédits départementaux d'insertion 95

Article 29 (article L. 263-10 du code de l'action sociale et des familles) : Commission locale d'insertion 98

Article 30 (article L. 263-11 du code de l'action sociale et des familles) : Composition de la commission locale d'insertion 100

Article 31 (article L. 263-12 du code de l'action sociale et des familles) : Coordination 101

Article 32 (article L. 263-13 du code de l'action sociale et des familles) : Bureau de la commission locale d'insertion 101

Article 32 bis (nouveau) (article L. 263-14 du code de l'action sociale et des familles) : Élaboration du programme local d'insertion 102

Article 33 (articles L. 522-1 à L. 522-3, L. 522-5, L. 522-6, L. 522-9, L. 522-11 à L. 522-13, L. 522-15 et L. 522-17 du code de l'action sociale et des familles) : Décentralisation du RMI dans les départements d'Outre-mer 102

Article 34 (articles L. 531-2 et L. 531-5-1 [nouveau] du code de l'action sociale et des familles) : Décentralisation du RMI à Saint-Pierre-et-Miquelon 106

TITRE II : CRÉATION DU REVENU MINIMUM D'ACTIVITÉ 108

Article additionnel avant l'article 35 : Inclusion dans les conventions de branche du thème de l'insertion des publics en contrat aidé et des bénéficiaires du RMA 108

Article 35 (articles L. 322-4-15 à L. 322-4-15-9 [nouveaux] du code du travail) : Création du contrat insertion-revenu minimum d'activité 109

Article L. 322-4-15 nouveau du code du travail 110

Article L. 322-4-15-1 nouveau du code du travail 111

Article L. 322-4-15-2 nouveau du code du travail 115

Article L. 322-4-15-3 nouveau du code du travail 118

Article L. 322-4-15-4 nouveau du code du travail 120

Article L. 322-4-15-5 nouveau du code du travail 125

Article L. 322-4-15-6 nouveau du code du travail 127

Article L. 322-4-15-7 nouveau du code du travail 129

Article L. 322-4-15-8 nouveau du code du travail 131

Article L. 322-4-15-9 nouveau du code du travail 131

Après l'article 35 132

Article 36 (articles L. 322-4-2, L. 322-4-14, L. 422-1, L. 432-4-1 du code du travail) : Dispositions de coordination au sein du code du travail avec la mise en place du contrat insertion-revenu minimum d'activité 133

Article additionnel avant l'article 37 (article L. 262-10 du code de l'action sociale et des familles) : Exclusion du RMA du calcul des ressources servant à l'établissement du RMI 135

Article 37 (articles L. 262-6-1 et L. 262-12-1 [nouveau] du code de l'action sociale et des familles) : Maintien des droits afférents au bénéfice du RMI pour les signataires d'un contrat insertion-revenu minimum d'activité 135

Article 38 (article L. 522-18 du code de l'action sociale et des familles) : Compétences des agences départementales d'insertion en matière de contrat insertion-revenu minimum d'activité 138

Article 39 (article 81 du code général des impôts) : Exonération du RMA de l'impôt sur le revenu 139

TITRE III : SUIVI STATISTIQUE, ÉVALUATION ET CONTRÔLE 139

Article 40 (articles L. 262-33, L. 262-48 et L. 262-49 à L. 262-55 [nouveaux] du code de l'action sociale et des familles) : Suivi, évaluation et contrôle du RMI et du RMA 139

Article 40 bis (nouveau) : Rapport d'évaluation 141

Après l'article 40 bis 141

Article 41 : Entrée en vigueur de la loi 142

[Pour en faciliter la consultation en ligne, ce rapport a été scindé en deux parties]

ACCES A LA DEUXIEME PARTIE

TABLEAU COMPARATIF

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE

INTRODUCTION

L'Assemblée nationale est appelée à examiner le projet de loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité déposé sur le bureau du Sénat le 7 mai 2003 et adopté par celui-ci dans sa séance du 28 mai 2003.

L'examen par le Sénat, s'il a incontestablement amélioré le texte, n'en a pas fondamentalement modifié les équilibres essentiels. Les dispositions les plus notables adoptées par le Sénat consistent en l'abrogation de l'obligation pour les départements d'inscrire à leur budget des crédits équivalents à 17 % des sommes versées l'année précédente au titre de l'allocation du RMI et en l'assouplissement de la durée hebdomadaire du contrat insertion-revenu minimum d'activité.

Il convient tout d'abord de rappeler le contexte dans lequel s'inscrit cette réforme. Celui-ci se caractérise par la volonté de maintenir le RMI dont la nécessité n'est remise en question par personne. Il se traduit également par le constat de l'insuffisance de son volet « insertion » et la nécessité de prendre des mesures rendant plus attractif le retour à l'emploi et plus efficace la politique d'insertion.

Dans ce réexamen, certains principes forts, inhérents à une vraie politique d'insertion, doivent être rappelés. Il convient de prendre conscience que d'autres solutions auraient pu être retenues et que le présent texte ne signifie pas qu'il faille définitivement y renoncer.

Le présent rapport propose ensuite une analyse sommaire des principales dispositions proposées, centrées autour de deux axes : la décentralisation du RMI et une dynamisation accrue de son volet insertion par une réforme de son pilotage, d'une part ; la mise en place d'un revenu minimum d'activité (RMA) destiné à favoriser le retour des bénéficiaires du RMI à l'emploi, d'autre particle

Enfin, le rapport présente les projets d'amélioration que la rapporteure souhaite apporter au texte et les conditions préalables à sa mise en œuvre.

Cette démarche s'inscrit bien sûr dans une volonté de réhabiliter le travail au détriment de « l'assistance », mais aussi de reconnaître que tous ne peuvent pas accéder à ce travail et qu'il ne s'agit pas de les stigmatiser ; par ailleurs, il convient de sanctionner les « profiteurs », qu'ils soient employeurs ou bénéficiaires. La décentralisation et sa mise en œuvre doivent respecter ces principes.

En 2002, le nombre de personnes éloignées du marché du travail a connu une nette augmentation. La pauvreté la plus forte rencontrée par nos concitoyens se situe dans le Nord, le Nord-Est et les régions géographiquement isolées comme le Massif-central. Les familles monoparentales sont les plus fragiles. Par ailleurs, la fragilité des foyers dépend plus du nombre d'adultes présents au foyer que du nombre d'enfants. La source de la pauvreté est bien liée au défaut d'activité auquel ce projet tente d'apporter des solutions efficaces.

I.- LES PRINCIPES D'UNE POLITIQUE D'INSERTION COHÉRENTE
ET GÉNÉREUSE

Pour être efficace, une politique d'insertion doit reposer sur un ensemble cohérent de dispositifs permettant d'accompagner la sortie de l'exclusion dans ses différentes phases et d'offrir une réelle incitation au retour dans la société, puis dans l'activité, enfin dans l'emploi « normal ».

A. LA NÉCESSAIRE SOLIDARITÉ

L'exclusion, ce sont d'abord des personnes en grande difficulté. Il existe bien sûr des fraudeurs ou des « profiteurs » du RMI mais il est scandaleux de laisser entendre, ce qui est trop souvent le cas, que beaucoup de ces personnes s'accommodent finalement très bien d'une situation présentée comme « confortable » ; presque tous veulent sortir du dispositif, nous devons les accompagner. S'il y a une politique qui doit être généreuse, c'est bien celle d'insertion.

On ne doit pas laisser se développer l'idée selon laquelle le RMI constituerait une solution de facilité comme donne à le penser le sondage réalisé en 2001.

graphique

Le RMI a fait la preuve de sa nécessité. Après une montée en charge assez lente, le dispositif n'a cessé de prouver de façon croissante qu'il répond à un besoin social majeur. Le nombre des allocataires a augmenté de façon continue depuis la création du RMI jusqu'à aujourd'hui (avec une légère inflexion en 2000). Le RMI est versé à plus d'un million d'allocataires et contribue à faire vivre leurs proches.

On peut d'ailleurs observer que la croissance des années 1997-2000 n'a pas réduit l'exclusion, comme le rappelle le rapport 2001-2002 de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale. La baisse du nombre de bénéficiaires du RMI a profité aux bénéficiaires du RMI les plus jeunes et non à la population des plus exclus. Le nombre de bénéficiaires du RMI de plus de trente-cinq ans a encore augmenté.

Le présent projet de loi confirme l'existence du RMI et ne remet aucunement en cause ses conditions d'attribution. Il vise seulement à aider ses bénéficiaires à en sortir.

B. L'AIDE À L'INSERTION : UNE PRIORITÉ

L'échec parfois évoqué du RMI ne réside pas dans son volet allocation mais dans l'insuffisante efficacité de la dimension relative à l'insertion. En dépit de la subordination de la première à la seconde, force est d'admettre que celle-ci est insuffisante, voire parfois absente. Nul ne saurait contester le jugement formulé par le Cour des comptes dans son rapport public 2001 : « la contractualisation demeure le point faible du dispositif ».

Plusieurs indicateurs viennent étayer ce constat : la faiblesse du taux de contractualisation qui atteint à peine 50 %, le faible taux de mesures de suspension tirant les leçons de cette absence d'insertion, la faiblesse et la disparité du contenu des contrats d'insertion, la faiblesse de la consommation des crédits d'insertion.

1. Revaloriser le travail jusque dans son rôle d'insertion

Le préambule de la Constitution de 1946 dispose que « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ». Malheureusement, certains phénomènes concourent à défavoriser le retour à l'activité des bénéficiaires du RMI :

- Le premier d'entre eux tient à la nature des emplois proposés aux titulaires du RMI : il s'agit en très grande majorité d'emplois précaires (contrat à durée déterminée, contrats aidés), souvent à temps partiel. Cette précarité, outre qu'elle contraste avec la certitude d'un revenu que constitue le bénéfice du RMI, pose le problème des conséquences de la venue à terme du contrat. La période séparant celle-ci de la nouvelle attribution du RMI peut créer des ruptures de revenus aux conséquences dramatiques.

- Le second élément de désincitation réside dans le faible différentiel, voire le différentiel négatif, existant entre le RMI et les revenus tirés d'une activité salariée, notamment lorsque celle-ci est exercée à temps partiel. Ce différentiel est encore détérioré du fait des frais liés à la reprise d'une activité professionnelle.

Il convient de réaffirmer le caractère central de la valeur travail et de lui donner un sens concret en lui conférant une véritable attractivité. Cette affirmation est au cœur du présent projet de loi.

Le travail doit être valorisé, l'activité rendue attractive, les mesures d'incitation en ce sens privilégiées. Tel est l'objet du contrat d'insertion-revenu minimum d'activité qui doit être un vrai contrat de travail assorti des droits sociaux corollaires de tout contrat de travail.

Dans le même esprit, il conviendrait que le gouvernement renforce le dispositif dit d'intéressement mis en place en 1998 - dont les conditions sont fixées par voie réglementaire - afin de permettre une sortie plus facile du RMI et du RMA en maintenant le bénéfice du minimum social dans les premiers temps de la reprise d'activité.

Notre politique vis-à-vis des personnes en situation d'exclusion doit toutefois être dictée par un souci de justice et d'équilibre : tous les bénéficiaires du RMI ne peuvent être concernés par ces mesures de soutien à l'insertion professionnelle.

2. Rappeler la valeur de l'insertion sociale

Pour certaines personnes en situation de grande exclusion, la réponse que doit apporter la collectivité réside d'abord dans des actions d'insertion sociale. Celles-ci ne doivent pas être considérées comme une alternative de moindre valeur aux actions d'insertion professionnelle, mais comme une préparation nécessaire à ces actions, voire parfois comme une fin en soi, toutes les personnes en situation d'insertion n'étant pas forcément capables d'exercer une activité salariée, même minime.

Dès lors, la réforme du RMI ne saurait consister en une seule promotion du retour à l'emploi. Les départements devront maintenir leur effort en faveur de l'insertion sociale qui devra continuer de figurer en bonne place dans les contrats d'insertion. De même, la décentralisation doit être mise au service d'une approche plus humaine, personnalisée du bénéficiaire.

La réunification, au niveau du département, des dépenses d'allocations de RMI et des dépenses d'insertion des allocataires, ainsi que la concentration des pouvoirs de décision entre les mains du président du conseil général répondent à un souci de responsabilisation des acteurs. Il conviendra de veiller à ce que cette responsabilité nouvelle soit bien envisagée sous tous ses aspects, sociaux notamment, et pas seulement sous l'angle financier.

Il ne faudrait cependant pas nous leurrer, certains bénéficiaires du RMI sont et resteront durablement exclus de l'emploi, bien davantage en raison d'une réelle incapacité à prendre cette voie, qu'en raison d'une mauvaise volonté durable ou d'une intention frauduleuse ; il n'y a pas là de jugement de valeur, mais un simple constat.

3. Sanctionner les abus

La réponse de la collectivité aux situations difficiles ne doit pas faire l'économie d'une action spécifique à l'égard de ceux qui profitent de ce système, ainsi que de ceux qui fraudent.

Il ne s'agit pas ici d'exagérer la proportion de ces « pique-assiette » sociaux, très minoritaires dans une population dont les difficultés économiques (et souvent psychologiques dans le même temps) sont incontestables.

Mais d'abord, de telles actions sont une exigence de justice. Elles sont ensuite une exigence de cohérence : qui pourrait effectivement prétendre revaloriser le travail et la place de l'insertion sociale en maintenant dans le RMI des personnes qui n'ont rien à y faire ?

Elles sont enfin une condition d'efficacité, un des points de passage permettant de consacrer effectivement les mesures humaines et financières à l'accompagnement des personnes effectivement désireuses de sortir de l'exclusion.

Un tel objectif peut sembler difficile à atteindre, la notion de « profiteur » étant très difficile à appréhender et sa définition par le droit presque impossible. Mais dans chaque commission locale d'insertion, les membres connaissent des situations personnelles qui, tout en répondant aux critères du droit, ressortissent en fait d'un détournement de l'esprit de la loi. Les fraudeurs, quant à eux, rassemblent des critères suffisamment objectifs pour que les instances compétentes décident de cesser leurs versements : il semble pourtant que ce ne soit pas une décision fréquente. Il faudra veiller à ce que ces comportements injustes soient sanctionnés : la rapporteure fera des propositions dans ce sens.

C. UN OBJECTIF À NE PAS PERDRE DE VUE : LE DROIT UNIVERSEL À UN REVENU MINIMUM

Ces observations sur les situations différentes des bénéficiaires du RMI conduisent à préconiser la distinction claire de trois niveaux de revenus correspondant à l'assistance, l'insertion en cours, l'insertion réussie ; en d'autres termes, le revenu minimum, le revenu minimum d'activité, le salaire minimum de droit commun (le SMIC). Ces trois revenus doivent être bien hiérarchisés, le retour à la situation « normale » de l'activité professionnelle classique devant être attractif.

Le revenu minimum constitue une ressource de survie pour ses allocataires ; il convient donc d'éviter les ruptures dans son versement et d'entourer son éventuelle suspension de toutes les garanties possibles. Cela n'exclut pas la plus grande rigueur à l'encontre des fraudeurs, ni l'adoption de mesures visant à dissuader ceux qui voudraient « profiter » du système, qu'il s'agisse au demeurant d'allocataires ou, dans le cadre du nouveau contrat insertion-revenu minimum d'activité, d'employeurs. Il n'est pas envisageable de ne rien demander en échange d'une allocation d'insertion : il faut absolument mettre fin à l'assistanat total, méprisant pour les allocataires comme pour tout le monde. La gestion de proximité décentralisée devrait avoir notamment pour intérêt de permettre de définir des mesures ciblées, non stigmatisantes, de lutte contre les abus.

Cependant, le RMI tel qu'il existe aujourd'hui se distingue d'un véritable revenu minimum. Il en constitue les prémices mais en diffère par son caractère conditionnel. Il conviendra, à la faveur de la reprise de la croissance et du creusement du différentiel entre RMI et RMA, de mettre en œuvre un droit universel à un revenu minimum, à une vie digne.

Dans le même esprit, la rapporteure rappelle son attachement à redonner une espérance à tous par l'accès au logement dans la perspective d'en devenir propriétaire.

II.- L'ARCHITECTURE DE LA RÉFORME PROPOSÉE

La réforme qui nous est proposée répond, sous réserve d'aménagements, aux principes fondateurs que la rapporteure a souhaité rappeler.

Sans prétention à l'exhaustivité, on peut rattacher les principales dispositions du projet de loi, qui font par ailleurs l'objet d'une analyse détaillée dans le commentaire de chacun de ses articles, à quelques idées-force.

A. LA DÉCENTRALISATION DU RMI ET LA RÉFORME DU PILOTAGE DE L'INSERTION

1. Le transfert aux départements du financement du RMI et aux présidents de conseils généraux des prérogatives des préfets

L'article 2 du présent projet transfère de l'État aux départements la charge de l'allocation de RMI.

Les conditions de la compensation en ressources nouvelles de ce transfert sont renvoyées à la loi de finances par l'article 3, qui en pose seulement le principe.

La rapporteure considère que la compensation de ce transfert doit être assurée dans des conditions de grande transparence et de grande équité : l'ensemble des charges liées au RMI doivent être prises en compte, c'est-à-dire non seulement l'allocation elle-même, mais aussi le supplément « facultatif » que constitue la traditionnelle « prime de Noël », les frais de gestion par les organismes payeurs (caisses d'allocations familiales et de mutualité sociale agricole), qui doivent être remboursés, l'incidence probable de mesures telles que la réforme envisagée de l'allocation de solidarité spécifique. De plus, cette compensation doit être évolutive, pour répondre à l'évolution difficilement prévisible de la charge, et comporter un mécanisme de péréquation au profit des départements qui seraient confrontés à une évolution particulièrement rapide de leurs effectifs d'allocataires du RMI. Le dispositif de compensation prévu dans le projet de loi de finances pour 2004 ne répond pas à ces principes ; la rapporteure y reviendra dans le commentaire consacré à l'article 3 du présent projet.

En conséquence du transfert de la charge financière, le président du conseil général remplace le préfet comme auteur de l'ensemble des décisions individuelles en matière de RMI. C'est l'objet de l'article 4 et, de manière incidente, d'autres articles du présent projet. Le président du conseil général « héritera » de l'ensemble des prérogatives du préfet, notamment en matière d'attribution de l'allocation et de suspension de son versement pour non-respect de la condition d'insertion (non conclusion, non-respect ou non-renouvellement du contrat d'insertion par le fait du bénéficiaire).

Dans la même logique, il sera mis fin au « copilotage » du dispositif d'insertion entre l'État et le département (article 24 du projet), par suite à la coprésidence et à la conomination des membres du comité départemental d'insertion par le préfet et le président du conseil général (article 25 du projet) et à la conomination des membres de la commission locale d'insertion (articles 30 et 31 du présent projet).

Il subsistera une seule compétence du préfet dans la gestion du RMI, compétence au demeurant nouvelle, introduite par l'article 9 du présent projet : celui-ci prévoit un pouvoir de substitution du représentant de l'État, en cas de carence du président du conseil général, pour désigner dans le ressort de chaque commission locale d'insertion un organisme tenu de recevoir toute déclaration d'élection de domicile (pour le bénéfice du RMI).

La logique du présent projet est celle d'une concentration des pouvoirs au niveau du conseil général et surtout de son président, puisque par ailleurs le rôle des conseils départementaux d'insertion et commissions locales d'insertion sera fortement réduit, tant en ce qui concerne la gestion des dossiers individuels que la définition de la politique d'insertion (voir infra). Il s'agit d'une démarche de responsabilisation : financeurs de l'allocation, les départements auront un intérêt financier direct à la réussite de la démarche d'insertion, qui a pour objet, à court ou à plus long terme, de faire sortir les personnes du RMI.

Les limites des politiques d'insertion menées jusqu'à présent sont bien connues. La stagnation du taux d'allocataires en cours de contrat d'insertion en constitue une manifestation statistique fruste1, mais révélatrice.

Taux de contrats d'insertion

(en %)

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

51

53

52

50

49

49

49

49

Les disparités départementales en matière de signature de contrats d'insertion sont importantes.

Le nombre de contrats signés demeure très insuffisant dans une dizaine de départements où le taux de contractualisation est inférieur à 30 %. Il s'agit principalement de départements urbains et où la population brute de bénéficiaires est importante (Seine-Saint-Denis, Paris, Haute-Garonne, par exemple), ou encore de départements où le nombre moyen d'allocataires par commission locale d'insertion (CLI) est important. A l'opposé, dans certains départements ruraux tels que l'Aube, la Creuse ou la Vendée, la quasi-totalité des allocataires possède un contrat en cours de validité. Il existe également des exceptions aux corrélations entre taux de contractualisation et nombre d'allocataires ou degré d'urbanisation.

Même si la différence des publics joue, de tels écarts en termes de contractualisation traduisent sans doute un investissement très insuffisant dans certains départements, qui plaide sans doute pour la responsabilisation que permettra la décentralisation, mais aussi pour le maintien de l'obligation légale, pour les départements, de consacrer au moins l'équivalent de 17 % des dépenses de RMI dans leur ressort à des actions d'insertion (obligation que le Sénat, allant à l'extrême de la logique de responsabilité des départements, a supprimé : cf. article 28 du présent projet).

La rapporteure tient à souligner deux dérives possibles - et qu'il conviendra d'éviter - de la responsabilisation financière des départements à travers le transfert du financement de l'allocation :

- la recherche d'« économies » sur les dépenses de RMI ne doit pas conduire à une application aveugle des règles légales permettant de suspendre le versement de l'allocation en cas de non-respect des conditions d'insertion (signature, respect et renouvellement du contrat d'insertion). Des garanties supplémentaires pourraient être apportées aux bénéficiaires du RMI par l'institution d'un avis conforme de la commission locale d'insertion sur les différents cas de décisions de suspension, l'introduction d'un caractère suspensif des recours dirigés contre ces décisions (il s'agit d'éviter les ruptures dans le versement du RMI) et l'autorisation donnée aux associations de lutte contre l'exclusion d'agir en justice, le cas échéant, en lieu et place des allocataires, qui ne sont pas facilement en mesure de faire face aux frais et aux exigences (exercice des actes de procédure dans les délais) d'une procédure judiciaire ;

- si l'objectif d'un département est d'obtenir rapidement que le plus grand nombre d'allocataires sortent du RMI, il aura intérêt à concentrer son action d'insertion sur l'insertion professionnelle des personnes les moins éloignées de l'emploi, seule à même d'amener rapidement des bénéficiaires du RMI à disposer de revenus propres. Une telle évolution serait extrêmement préjudiciable : les actions d'insertion doivent aussi, voire surtout, concerner les personnes les plus exclues, même s'il ne peut s'agir, dans un premier temps, que d'insertion « sociale » ne débouchant pas immédiatement sur un retour à l'activité.

2. La séparation de l'instruction « administrative » et de l'instruction « sociale » des dossiers

Selon l'article L. 262-15 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction actuelle, « l'instruction administrative et sociale du dossier est effectuée par l'organisme devant lequel la demande [de RMI] a été déposée » : l'objectif du législateur, en instituant cette instruction à la fois sociale et administrative, était une prise en charge sociale très précoce, vision sans doute « idéale » vu l'encombrement des organismes instructeurs. L'organisme instructeur, selon le même article, élabore le contrat d'insertion et désigne à des fins de coordination des actions d'insertion un « accompagnateur ».

On rappelle que l'ouverture des droits au RMI s'effectue quant à elle en deux phases, ce que le projet ne modifie pas : l'allocation est attribuée dans un premier temps pour trois mois, puis prorogée au vu du contrat d'insertion signé justement, en principe, durant cet intervalle. De fait, pour l'ouverture initiale des droits, seule une instruction administrative centrée sur l'appréciation des ressources est strictement nécessaire et de fait seule cette instruction est, le plus souvent, effectuée.

Les articles 7, 8 et 18 du présent projet de loi réorganisent donc la phase d'instruction :

- Selon l'article 8 du projet, l'instruction initiale assurée par l'organisme qui a reçu la demande ne sera plus qu'administrative. De manière cohérente, l'article 7 autorise le dépôt des demandes directement auprès des organismes payeurs de l'allocation, c'est-à-dire les caisses d'allocations familiales et de mutualité sociale agricole. Ces caisses instruiront administrativement ces dossiers, ce pour quoi elle sont parfaitement armées (elles ont notamment l'habitude d'apprécier les ressources de demandeurs pour l'ouverture des droits aux prestations familiales et aides au logement sous condition de ressources qu'elles servent), ce qui ne serait a priori pas le cas pour une instruction sociale et la préparation d'un contrat d'insertion.

- L'article 18 confie désormais au président du conseil général, qui sera le signataire du contrat d'insertion, la mission de désigner l'« accompagnateur ». La phase d'instruction sociale est reportée à la mise en paiement de l'allocation : c'est à cette date que cet accompagnateur devra être désigné.

Il est essentiel que les départements jouent à cet égard le nouveau rôle que leur confiera la loi, et que les organismes instructeurs n'ont pas su jouer jusqu'à présent, en se dotant de suffisamment de travailleurs sociaux « accompagnateurs » pour que ceux-ci servent de référent à un nombre raisonnable d'allocataires qu'ils pourront effectivement aider.

3. Le « recentrage » des commissions locales d'insertion et des conseils départementaux d'insertion

Le fonctionnement des commissions locales d'insertion (CLI) a été critiqué par la Cour des comptes, dans son rapport public 2001, qui relevait un découpage géographique souvent déséquilibré, d'où des commissions au nombre de ressortissants parfois très excessif. La Cour constatait que « les CLI se sont (...) souvent cantonnées (...) à l'enregistrement des contrats ».

De même, la Cour a critiqué les conseils départementaux d'insertion (CDI) : effectifs parfois pléthoriques, difficulté à adopter le programme départemental annuel d'insertion (PDI)...

Le projet réduit le rôle des CLI en les recentrant sur leur mission générale d'élaboration, d'animation et d'évaluation de la politique d'insertion, avec, même dans ce domaine, une fonction plus consultative que décisionnelle.

Alors que dans le droit en vigueur, les CLI établissent le contrat d'insertion et interviennent chaque fois que sa mise en œuvre doit être appréciée, leur intervention dans les relations individuelles avec les allocataires sera réduite :

- Actuellement, la CLI « établit » (article L. 262-37 du code de l'action sociale et des familles) et/ou « approuve » (article L. 263-10 de ce code) les contrats d'insertion. Cette compétence disparaîtra, les contrats d'insertion étant désormais signés par le président du conseil général (article 18 du présent projet).

- Le président de la CLI peut demander, dans le droit en vigueur, la révision du contrat d'insertion s'il n'est pas respecté (article L. 262-23 du code précité) ; en conséquence de la disparition du rôle de la commission dans l'élaboration du contrat, cette demande relèvera désormais du président du conseil général et du « référent » désigné par ce dernier pour élaborer et suivre le contrat d'insertion - elle pourra toujours, également, être émise par l'allocataire lui-même (articles 4 et 11 du présent projet tels qu'adoptés par le Sénat).

- La CLI, selon l'article L. 262-20 actuel du code précité, donne un avis sur la mise en œuvre du contrat d'insertion lors de chaque renouvellement de l'allocation ; l'absence de cet avis du fait de l'attitude de l'allocataire constitue un cas de suspension du versement du RMI. Cet avis ne sera plus sollicité et ce cas de suspension possible disparaîtra donc (article 10 du présent projet).

- Enfin, l'avis de la CLI préalable au mandatement éventuel de l'allocation, prévu à l'article L. 262-44 du code, « à un organisme agréé à cet effet, à charge pour celui-ci de la reverser au bénéficiaire, éventuellement de manière fractionnée, et le cas échéant d'acquitter le montant du loyer restant imputable à l'allocataire », sera supprimé (article 23 du présent projet).

- En revanche, l'avis de la CLI restera sollicité dans les trois cas maintenus de suspension éventuelle de l'allocation : la non-signature, du fait de l'allocataire, d'un contrat d'insertion au terme des trois premiers mois de RMI (article L. 262-19 du code précité), le non-renouvellement du contrat arrivé à échéance (article L. 262-21) et le non-respect du contrat par l'allocataire (article L. 262-23).

En ce qui concerne la politique générale d'insertion, le conseil général approuvera à l'avenir les programmes locaux d'insertion, les CLI n'étant plus chargées des les élaborer, mais seulement de les proposer (articles 27 et 29 du projet modifiant les articles L. 263-4 et L. 263-10 du code de l'action sociale et des familles).

De même, s'agissant du conseil départemental d'insertion, les articles 25, 26 et 27 du projet (articles L. 263-2, L. 263-3, L. 263-4 et L. 263-14 du code de l'action sociale et des familles) réduisent son rôle : l'adoption du programme départemental d'insertion et l'examen des programmes locaux d'insertion relèveront désormais du conseil général, le CDI n'émettant plus qu'un avis sur le programme départemental.

Cette diminutio capitis ne portant pas sur une procédure de décisions individuelles, mais sur la définition de la politique générale d'insertion, peut surprendre, puisque le recentrage des CLI et des CDI a justement pour objet de leur permettre de mieux jouer leur rôle dans ce domaine. Le transfert au conseil général de la détermination du programme d'insertion et de l'examen des programmes locaux en vue de leur affecter des moyens, avec leurs incidences budgétaires, peut toutefois se comprendre dans l'optique de responsabilité soulignée supra.

Quant aux CLI, peut-être leur engorgement implique-t-il une intervention moins systématique de leur part dans la gestion individuelle des dossiers. Mais, dans l'autre sens, la concentration très grande des prérogatives en matière de décisions individuelles sur le RMI dans les mains du président du conseil général justifierait le maintien de contrepoids : un avis conforme de la CLI pourrait être exigé en cas de suspension du RMI et les recours contre cette décision rendus plus opérationnels grâce à l'ouverture aux associations oeuvrant dans le domaine de l'insertion de la possibilité d'être parties à ces recours et à l'instauration d'un caractère suspensif de ces recours.

Les contrats d'insertion et leur contenu ont fait l'objet d'une intéressante analyse des services du ministère des affaires sociales qui a croisé, sur un échantillon de 2 000 ménages de bénéficiaires du RMI en février 2000 interrogés à l'automne 20012, ce qui ressort des statistiques des commissions locales d'insertion et des déclarations des intéressés. Il y apparaît notamment que, dans le système en vigueur déjà, les règles de suspension du RMI pour non-signature ou non-respect du contrat d'insertion sont appliquées, même si c'est assez minoritairement : 15,9 % des personnes ayant signé un contrat ou entendu parler du contrat d'insertion dans l'échantillon précité déclarent avoir été convoquées par la commission locale d'insertion à propos de ce contrat ; 3,6 % auraient vu leur allocation suspendue pour un problème lié au contrat. Cette question est donc loin d'être théorique

4. La redéfinition du contenu et du suivi du contrat d'insertion

Par ailleurs, l'étude précitée confirme en premier lieu le non respect des règles existantes et plus généralement le caractère incertain, en termes de suivi et de formalisme, de la procédure des contrats d'insertion telle qu'elle est jusqu'à présent mise en œuvre :

- le taux d'environ 50 % d'allocataires seulement signant un contrat (alors que c'est une obligation) est confirmé ; plus de 20 % déclarent même n'avoir jamais entendu parler du contrat d'insertion ;

- 59 % des allocataires bénéficiaires d'un contrat d'insertion déclarent l'avoir signé dans les six premiers mois de versement du RMI, les autres ultérieurement ou ne se souviennent plus (légalement, cela doit être fait dans les trois premiers mois) ;

- de nombreux contrats ne sont pas renouvelés à temps : à la date « photographiée » par l'enquête, soit février 2000, 58 % des contrats recensés étaient en cours et 17 % étaient expirés depuis plus de neuf mois ;

- selon les déclarations des intéressés, aucun document ne leur a été remis dans 20 % des cas, il n'y a pas eu de bilan du contrat dans plus de 42 % des cas et le contrat n'a pas apporté d'aide (il s'agit d'un jugement subjectif) dans 43 % des cas...

Le croisement entre les déclarations des allocataires et les fichiers administratifs montre aussi de très importantes discordances : 19 % de personnes enregistrées comme ayant signé un contrat d'insertion ne le mentionnent pas lors de l'enquête et l'ont donc oublié (ou omis), ce taux d'oubli étant plus élevé chez les allocataires âgés (cinquante et plus).

Il ressort de l'analyse que dans le système tel qu'il fonctionne, l'obligation d'insertion formalisée par un engagement contractuel réciproque n'est que très imparfaitement mise en œuvre. Au vu du taux d'oubli du contrat qu'ils ont signé par les signataires, on peut même s'interroger sur l'adéquation du principe même de l'engagement contractuel à la situation psychologique ou psychique de certains bénéficiaires du RMI.

L'article 18 du présent projet redéfinit les conditions d'élaboration et de conclusion du contrat d'insertion. Dans le sens du respect des personnes et de la responsabilité de l'administration, la rapporteure estime qu'il doit bien apparaître dans la loi que le contrat d'insertion est librement débattu et conclu et qu'il comporte des engagements réciproques de l'allocataire mais aussi de la collectivité, laquelle doit réellement se doter des moyens d'accompagnement nécessaires.

L'article 19 du projet tend à redéfinir le contenu du contrat d'insertion dans un sens qui se veut à la fois plus directif sur la nature des actions d'insertion, plus concret et plus orienté vers l'insertion professionnelle. Dans la rédaction initiale du gouvernement, tout contrat d'insertion aurait dû comporter une mesure orientée vers l'emploi. Le Sénat a toutefois amendé ce texte, ce qui permettra d'avoir, le cas échéant, des contrats d'insertion s'en tenant à l'accompagnement social. L'étude précitée fait apparaître que 54,4 % seulement des contrats d'insertion pris en compte comportaient une (au moins) mesure en lien avec l'emploi, 14,2 % une mesure en lien avec la formation, 13,1 % une mesure en lien avec la santé et 32,5 % une mesure d'action sociale (plus d'un quart des contrats combinant des mesures dans les différents champs, le total est supérieur à 100) : imposer une mesure « emploi » dans tout contrat d'insertion aurait été irréaliste. Certains allocataires ne peuvent de fait bénéficier réellement que de mesures d'accompagnement social, qui sont le préalable nécessaire d'une action d'insertion dans l'emploi. Le caractère essentiel et préalable de l'accompagnement social doit être mis en valeur dans le texte législatif.

L'article 20 tend à établir un suivi des mesures d'insertion dans l'emploi : des conventions entre le département et les organismes de formation professionnelle ou l'ANPE régiront la mise en œuvre de ces mesures ; une attestation trimestrielle de suivi des actions par l'allocataire devra être adressée à son « référent » social.

B. L'INSTITUTION DU REVENU MINIMUM D'ACTIVITÉ

1. Un contrat de travail atypique

Le titre II du projet de loi met en place un nouveau contrat de travail au profit des bénéficiaires du RMI les plus éloignés de l'emploi, le contrat insertion-revenu minimum d'activité. Il vise à combiner l'exercice d'une activité professionnelle rémunérée dans des conditions attractives tant pour l'employeur que pour le bénéficiaire, à aider celui-ci à sortir de la logique d'assistance et à maintenir parallèlement à son profit un « filet de sécurité ». Celui-ci lui permet de surmonter les craintes de situation de rupture que provoque le retour à l'emploi, ordinairement associé à une sortie du dispositif protecteur des minima sociaux.

L'article 35 crée ce contrat de travail spécifique dénommé contrat insertion-revenu minimum d'activité. Il s'agit d'un contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel, d'une durée maximale de dix-huit mois.

2. Un contrat de travail attractif pour l'employeur

Il est ouvert, sous réserve d'un conventionnement avec le département, aux employeurs du secteur marchand et du secteur non-marchand. Tous voient le coût de l'emploi du bénéficiaire du RMA allégé par une aide du département équivalente au montant du RMI pour une personne isolée. Cette partie du revenu d'activité réservée au bénéficiaire ne donne par ailleurs pas lieu au versement de cotisations patronales de sécurité sociale.

Pour les employeurs du secteur non marchand, cet allégement du coût du travail est complété par une exonération totale de cotisations sociales patronales sur l'ensemble du revenu versé au bénéficiaire du RMA. Au total, pour un contrat RMA de vingt heures hebdomadaires, l'employeur marchand assume 47 % du coût total de ce revenu et l'employeur non marchand 37 % seulement.

Les employeurs peuvent en outre bénéficier d'aides du département compensant les frais d'embauche et de formation des bénéficiaires du RMA.

On a pu évoquer à ce propose l'effet d'aubaine que constituerait ce coût du travail pour les employeurs. Il convient de relever qu'en contrepartie ces employeurs embauchent des salariés souvent faiblement qualifiés, longtemps éloignés du travail, dont la productivité risque - tout au moins dans un premier temps - d'être faible et qui impliquent de la part de l'employeur un effort particulier en termes de suivi et d'accompagnement.

3. Un contrat de travail maximisant les avantages immédiats du retour à l'emploi pour le bénéficiaire

Le bénéficiaire du RMA bénéficiera d'un contrat d'une durée hebdomadaire minimale de vingt-heures3 qui ouvre droit à un revenu minimal d'activité au moins équivalent au montant du SMIC horaire multiplié par le nombre d'heures travaillées. Le revenu comprend deux composantes, toutes deux versées par l'employeur : le première consiste en un montant forfaitaire équivalent à l'aide versée par le département, soit le montant du RMI pour une personne isolée ; la seconde consiste en un salaire différentiel dont le coût est assumé par l'employeur.

Outre l'assurance d'un revenu garanti équivalent au SMIC, ce dispositif dispense le bénéficiaire du RMA du versement de cotisations salariales sur la partie forfaitaire et lui assure donc une rémunération nette supérieure à celle du SMIC net.

Joint à l'exonération d'impôt sur le revenu, prévue par l'article 39, au bénéfice de la prime pour l'emploi, ce dispositif crée une puissante incitation financière pour le bénéficiaire, un différentiel important avec le RMI.

4. Le maintien d'un « filet de sécurité » pour les bénéficiaires du RMA et leurs proches

On sait que l'un des principaux obstacles au retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI réside dans la crainte de la perte des droits assurés par le bénéfice du RMI que ne suffit pas toujours à apaiser la perspective d'un emploi ressenti comme incertain. Les bénéficiaires du RMI redoutent la sortie de ce contrat, une éventuelle rupture anticipée et la suspension des droits connexes.

L'article 37 apporte de ce point de vue une réponse forte. Il affirme en effet le maintien des droits connexes au RMI, notamment celui de la couverture maladie universelle (CMU) et de la CMU complémentaire, pour le bénéficiaire, les membres de son foyer et les personnes à sa charge.

Il maintient également, en neutralisant l'impact du RMA, le droit à allocation, pour ceux-ci et le statut juridique d'allocataire du RMI du bénéficiaire du RMA, garantie essentielle en cas de sortie provisoire ou définitive du RMA.

L'article 35 met également en place un dispositif particulièrement favorable de maintien du revenu minimum en cas de suspension du contrat insertion-revenu minimum d'activité.

Enfin, le même article prévoit la mise en œuvre de mesures d'insertion professionnelle au profit des bénéficiaires du RMA afin que ceux-ci s'insèrent durablement et puissent au terme du contrat insertion-revenu minimum d'activité accéder à un emploi durable.

III.- UNE RÉFORME À COMPLÉTER ET À METTRE EN COHÉRENCE

Si le projet proposé correspond pour l'essentiel à la philosophie qui anime la rapporteure, à savoir l'aide au retour à dignité des bénéficiaires du RMI par une politique d'insertion dynamique, une sortie par le haut de l'assistance, il n'en demeure pas moins qu'il peut être amélioré et que sa mise en œuvre appelle une réflexion et une concertation approfondies, assurant notamment sa cohérence avec d'autres éléments de la politique gouvernementale.

A. LES AMÉNAGEMENTS NÉCESSAIRES

1. Clarifier les conditions financières de la décentralisation du RMI

La rapporteure propose à cet effet :

- de préciser que les charges de gestion administrative du RMI sont remboursées, pour celles qui les concernent, aux organismes payeurs et comprises dans la compensation financière au bénéfice des départements ;

- de mettre en œuvre une compensation intégrale et plus dynamique du transfert de charges que celle prévue par le projet de loi de finances pour 2004, et de l'assortir d'un réexamen annuel.

2. Conforter la politique d'insertion

La rapporteure propose :

- de réaffirmer l'importance des mesures d'insertion sociale, souvent préalable nécessaire au retour à l'emploi ;

- de maintenir les moyens nécessaires à la mise en œuvre de l'insertion, par le rétablissement de l'obligation pour les départements d'inscrire à leur budget 17 % des crédits consacrés l'année précédente à l'allocation du RMI, obligation supprimée par le Sénat ;

- d'inclure la création (ou la reprise) d'entreprise parmi les formes d'insertion.

3. Assurer la transparence et la légitimité des procédures relatives au RMI

La rapporteure propose :

- de préciser, afin d'assurer l'accès rapide à l'allocation, les règles de résidence pour la première attribution du RMI ;

- de clarifier les conditions du renouvellement trimestriel de l'allocation ;

- de réaffirmer certaines caractéristiques du contrat d'insertion : participation du bénéficiaire à sa définition, liberté de l'engagement, caractère réciproque des engagements ;

- de lier la suspension du RMI pour non-respect des clauses d'insertion à un avis conforme de la commission locale d'insertion ;

- de prévoir le caractère suspensif du recours exercé contre une décision de suspension pour ces motifs ;

- d'ouvrir ce droit de recours aux associations ;

- de clarifier les conditions de suspension et de reprise de versement du RMI.

4. Renforcer l'efficacité du contrat insertion-revenu minimum d'activité tout en évitant les effets d'aubaine

La rapporteure propose :

- d'abaisser la durée minimale d'ancienneté dans le RMI requise pour entrer dans le RMA ;

- d'ouvrir le dispositif aux entreprises de travail temporaire d'insertion ;

- d'instaurer un délai de carence entre deux contrat insertion-revenu minimum d'activité et leurs contingentements ;

- de renforcer les mesures destinées à éviter les effets de substitution.

5. Conforter les droits des bénéficiaires du RMA

La rapporteure propose enfin :

- d'étendre la protection sociale des bénéficiaires en l'alignant sur le droit commun ;

- d'affirmer de façon plus précise que le bénéficiaire du RMA continue de bénéficier de la qualité de bénéficiaire du RMI ;

- de clarifier les conditions de versement du RMI, à l'issue du RMA.

B. LA NÉCESSAIRE COHÉRENCE AVEC LES AUTRES RÉFORMES EN COURS

D'autres réformes en cours touchent aux questions d'insertion.

1. Le programme CIVIS

Le programme CIVIS (contrat d'insertion dans la vie sociale) a pour ambition de diversifier les parcours d'insertion offerts aux jeunes. C'est pourquoi il comprendra trois volets : un volet « accompagnement vers l'emploi » ; un volet « accompagnement d'un projet de création ou de reprise d'activité non salariée » ; un volet « mise en œuvre d'un projet à vocation sociale ou humanitaire ».

Ce troisième volet a été mis en place par décret le 11 juillet 2003. Il permet à un jeune âgé de seize à vingt-deux ans d'être embauché sur un contrat à durée déterminée de trois ans maximum dans un organisme privé à but non lucratif conduisant des activités d'utilité sociale. Ce contrat est aidé par l'État à hauteur de 33 % ou de 66 % du SMIC selon la nature de l'activité.

En vue de la mise en place des deux autres volets - qui se distinguent par leur objet mais relèvent du même dispositif juridique -, l'Assemblée a adopté le 5 novembre dernier un amendement du gouvernement au projet de loi de finances visant à leur donner un fondement législatif. Le gouvernement escompte plus de 60 000 entrées dès 2004.

Réservé aux jeunes de seize à vingt-quatre ans titulaires au plus d'un diplôme de fin de second cycle de l'enseignement général, technologique ou professionnel, le CIVIS sera un contrat sui generis, que le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a comparé en séance au contrat d'insertion des allocataires du RMI.

Il existe effectivement une parenté : la conclusion du CIVIS pourra être précédée d'une période d'orientation de trois mois rappelant la période d'élaboration du contrat d'insertion RMI ; il ouvrira droit, pour les périodes où les intéressés ne percevraient pas d'autre rémunération ou allocation, à une allocation qui pourrait être de 300 €/mois, donc inférieure au RMI (411,70 € pour une personne isolée) ; cette allocation pourra être suspendue pour non respect du contrat...

Le dispositif CIVIS se distingue cependant fondamentalement du dispositif RMI-RMA sur plusieurs points :

- le fait que le versement éventuel de l'allocation soit la conséquence du contrat, alors que le versement du RMI précède le contrat d'insertion, dont, en pratique sinon en droit, la non-conclusion n'entraîne pas de suspension de l'allocation ;

- l'orientation exclusive du CIVIS vers l'insertion professionnelle, les actions qu'il pourra prévoir ayant toutes cet objet ;

- les droits sociaux complets qu'il apportera, non pas directement, mais à travers l'accès aux actions susmentionnées, qui donnent droit à un statut de salarié (contrats aidés, apprentissage) ou de stagiaire de la formation professionnelle (mesures d' « accompagnement personnalisé » correspondant à l'ex-programme « TRACE ») ;

- et, surtout, son caractère limité dans le temps (deux ans au plus).

Son orientation stricte vers l'insertion professionnelle et sa durée limitée ne paraissent pas faire du CIVIS un instrument accessible à l'ensemble des jeunes en grande difficulté, en particulier à ceux qui sont les plus exclus.

Du point de vue institutionnel, le CIVIS sera conclu, financé et géré, dès 2004, par les régions, ce qui est justifié par leurs compétences présentes et futures en matière de formation professionnelle. Les régions reprendront également les actions d'accompagnement personnalisé correspondant au programme TRACE (trajectoire d'accès à l'emploi).

2. Le projet de loi de décentralisation

Le projet de loi relatif aux responsabilités locales en cours d'examen au Sénat prévoit notamment, à compter du 1er janvier 2005, le transfert aux départements de la pleine responsabilité et du financement intégral de deux dispositifs qu'ils cofinancent et cogèrent actuellement avec l'État et qui présentent une évidente connexité avec le dispositif RMI :

- les fonds d'aide aux jeunes en difficulté (article 41 du projet susmentionné) ;

- les fonds de solidarité pour le logement (article 50 du projet).

·  Les fonds d'aide aux jeunes (FAJ) ont été institués en 1989 et généralisés en 1992 pour constituer une réponse partielle au non-accès des moins de vingt-cinq ans au RMI.

D'un point de vue formel, les dispositions législatives qui les définissent ont été intégrées à la loi n° 88-1088 relative au RMI, puis codifiées dans le code de l'action sociale et des familles à l'intérieur du chapitre III « Actions d'insertion » du titre sixième du livre deuxième de ce code, lequel chapitre définit aussi le dispositif d'insertion des bénéficiaires du RMI.

Selon la nouvelle définition de leurs missions dans le projet de loi précité, ils dispensent des aides destinées à favoriser l'insertion sociale et professionnelle et éventuellement des secours temporaires. En pratique, les FAJ accordent essentiellement, jusqu'à présent, des secours de faible montant unitaire : en 2002, plus de 100 000 jeunes ont reçu en moyenne 224 €, l'aide alimentaire étant le premier motif de demande ; environ 40 M€ d'aides sont distribués chaque année.

·  Les fonds de solidarité pour le logement (FSL) accordent des aides financières aux personnes éprouvant des difficultés pour les aider à entrer dans un logement locatif ou à s'y maintenir en cas d'impayés de charges locatives. Près de 300 000 ménages sont aidés annuellement, dont près de 30 % d'allocataires du RMI ; le montant global des interventions des fonds est estimé à 252 M€ en 2002.

Dans le cadre de la décentralisation, leur compétence sera étendue aux impayés d'énergie, d'eau et de téléphone (les fonds ad hoc existants étant fusionnés).

*

La rapporteure s'interroge sur la coexistence de dispositifs visant des publics différents (plus et moins de 25 ans), mais dont la coordination devra cependant être assurée, voire de dispositifs visant les mêmes publics mais avec des optiques différentes (fonds d'aide aux jeunes et CIVIS).

Du point de vue institutionnel, les transferts aux collectivités territoriales envisagés auraient lieu soit en 2004 (RMI-RMA, CIVIS ex-TRACE), soit en 2005 (fonds d'aide aux jeunes et fonds de solidarité pour le logement), en direction soit des régions (CIVIS ex-TRACE), soit des départements (RMI-RMA, fonds d'aide aux jeunes et fonds de solidarité pour le logement). Ces collectivités vont devoir se préparer à gérer de nombreuses nouvelles compétences et ce très vite dans le cas des transferts prévus au 1er janvier 2004.

Le législateur aurait pu se donner quelque recul afin de s'assurer de la cohérence de l'ensemble de ses votes en rapport avec la réforme de fond que constitue le mouvement de décentralisation, notamment en matière sociale.

Et ce d'autant qu'en ce qui concerne le revenu minimum et l'insertion des personnes en situation d'exclusion, de nombreuses pistes alternatives ont été suggérées par ceux qui agissent sur le terrain et reprises, notamment, dans des travaux du Conseil économique et social : l'harmonisation des « minima sociaux », l'individualisation du RMI, son extension aux jeunes, l'unification des contrats de travail destinés aux publics en difficulté (contrats emploi solidarité, emplois consolidés, initiative économique, etc.).

L'individualisation du droit au revenu minimum, qui ne serait plus alors subordonné aux revenus, notamment de prestations familiales, dont jouit le foyer, ni à la mise en œuvre préalable des obligations alimentaires, constitue de toute évidence une piste de simplification. Malheureusement, son coût budgétaire serait vraisemblablement très élevé. Il est cependant regrettable que cette option n'ait pu être expérimentée, car le caractère « familial » du RMI est aujourd'hui un élément de destruction de la solidarité familiale : la mise en oeuvre des obligations alimentaires crée des conflits ; le décompte, pour le calcul du RMI, des petits revenus occasionnels amenés, par exemple, par les enfants les décourage...

A défaut d'un report du débat législatif, la rapporteure plaidera vigoureusement pour un report de l'entrée en vigueur de la décentralisation du RMI, afin de laisser aux départements le temps d'organiser le dispositif d'accompagnement par les « référents » sociaux qu'ils devront mettre en place et en cohérence avec les autres transferts de compétences prévus pour 2005 par la loi de décentralisation. Si cela n'était pas retenu, il conviendrait de fixer la date d'application au 1er janvier 2005 avec la possibilité pour les départements volontaires d'en faire l'expérimentation au cours de l'année 2004.

Les efforts engagés aujourd'hui pour instaurer la décentralisation du RMI et la création par le RMA d'une nouvelle incitation à employer des personnes en recherche d'insertion auraient pu être l'occasion de rassembler les mesures qui œuvrent pour l'insertion. La pluralité de minima sociaux et d'emplois aidés répond à des situations variées auxquelles s'adaptent des mesures particulières, mais il est à chaque fois mis en œuvre une allocation particulière. Un rapport récent du Conseil économique et social propose la création d'un minimum social unique par une harmonisation des minima sociaux actuels. C'est une réflexion qu'il faudra bien un jour mener et vers laquelle le présent projet de loi nous conduit.

Il faut signaler également que l'évolution législative de ces dix dernières années en matière de politique tournée vers les plus fragiles nous entraîne de plus en plus vers l'instauration d'un revenu garanti pour tous. Ce texte en est l'illustration puisque, et c'est une excellente orientation, la rupture du RMA n'entraînera pas la rupture du versement du RMI ; bien au contraire, sa pérennité est assurée en toutes circonstances. C'est ainsi que la France se dirige sans en être consciente vers le versement d'un revenu minimal pour tous. Il faut se souvenir qu'aujourd'hui, en France, 40 % des revenus sont des revenus de transferts.

Le pas à franchir vers l'installation d'un dividende universel, attribué de la naissance à la mort de chaque personne, sans condition, pour tous et d'un égal montant, n'est plus très loin. Encore faudra-t-il, sur tous les bancs de l'Assemblée nationale, réfléchir à la société que nous voulons construire et proposer à nos concitoyens pour le XXIe siècle.

Le projet de loi de décentralisation du RMI et de création du RMA, tel qu'il est proposé de l'amender, va dans le bon sens.

*

Lors de ses deux réunions du jeudi 13 novembre 2003, la commission a examiné 136 amendements. Elle en a adopté 46, dont 43 de la rapporteure qui ont été cosignés, pour 13 d'entre eux, par des députés appartenant aux différents groupes de l'Assemblée nationale.

Les amendements les plus importants sont les suivants :

- la détermination plus précise des conditions de la compensation financière (article 3) ;

- le renforcement des garanties entourant la suspension du RMI (articles additionnels après les articles 9 et 10, articles 10, 11, 21, 29 et 32) ;

- le rétablissement de l'obligation pour les départements d'inscrire à leur budget 17 % des sommes versées l'année précédente pour le RMI en faveur de l'insertion (article 28) ;

- la qualification de salaire accordée à l'ensemble du RMA (article 35) ;

- l'assujettissement de ce salaire aux règles de droit commun de la protection sociale et le maintien de l'attractivité du dispositif par une exonération de cotisations sociales (article 35) ;

- l'application de la loi au 1er janvier 2005 avec une expérimentation ouverte aux départements qui le souhaitent dès le 1er janvier 2004 (article 41).

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La commission a examiné, sur le rapport de Mme Christine Boutin, le présent projet de loi, au cours de ses séances des mercredi 12 novembre et jeudi 13 novembre 2003.

Le président Jean-Michel Dubernard a tout d'abord indiqué qu'il s'agit d'un projet très important qui introduit plus de justice dans la prise en charge de ceux de nos concitoyens qui, durablement ou à un moment de leur vie, se trouvent dans une situation de grande difficulté. Il faut lutter contre le quasi-enfermement dans l'assistance, veiller au différentiel entre le RMI et les bas salaires - pour que ceux qui travaillent n'aient pas le sentiment de « travailler pour rien » - mais aussi redonner confiance aux plus démunis, leur rendre une utilité sociale et donc une véritable reconnaissance ainsi que le prône M. Jacques Freyssinet dans son ouvrage consacré au chômage.

Adopté en conseil des ministres le 7 mai 2003 et examiné les 26 et 27 mai dernier par le Sénat, ce texte comporte 44 articles dont trois articles additionnels ajoutés par le Sénat. Mme Christine Boutin, rapporteure, a l'année dernière consacré son avis budgétaire relatif aux crédits de l'action sociale et de la lutte contre l'exclusion à la création d'un revenu minimum d'activité et a également déposé une proposition de loi en ce sens, ce qui traduit sa très forte implication sur la question de l'insertion.

Un débat a suivi l'exposé de la rapporteure.

Mme Nadine Morano a jugé que le « I » de RMI est stigmatisé car il ne fonctionne pas. De fait, 20 % des allocataires n'ont jamais été concernés par une démarche d'insertion. Ainsi, dans la 5e circonscription de Meurthe-et-Moselle, le taux de contractualisation est seulement de 30 %. La démarche du gouvernement vise à faire de l'insertion par l'emploi le premier volet de la décentralisation et à associer le « A » du RMA au « I » du RMI. Il s'agit d'une volonté de responsabilisation des élus locaux. En effet, le « A » de RMA nécessite un accompagnement personnalisé et pousse à la recherche de l'efficacité.

On ne peut pas parler d'effet d'aubaine. Il faut en effet tenir compte des difficultés rencontrées par les entreprises qui sont prêtes à prendre leur part dans le défi que constitue le retour à l'emploi. À cet égard, le dispositif des contrats jeune en entreprise est une victoire et illustre le bien-fondé d'une politique axée sur l'insertion professionnelle. On peut souhaiter que le RMA soit la deuxième réussite dans cette démarche.

M. Denis Jacquat, porte-parole de son groupe pour le projet de loi sur le RMI en 1988, a rappelé qu'à l'époque le volet insertion avait été facteur de division. Le texte présenté aujourd'hui apporte une réponse positive en le décentralisant, ce qui permet d'espérer une gestion de proximité plus efficace. Cependant, le risque demeure du développement d'inégalités entre les départements comme cela a été le cas pour la PSD.

Si le « I » du RMI ne fonctionne pas ou pas assez bien, la réussite du RMA suppose qu'il soit ouvert aux intéressés dès qu'ils perçoivent le RMI, sur une période longue et non sur des périodes de six mois, et que le cumul avec une activité supplémentaire soit possible. Il faut par ailleurs que l'obligation des 17 % soit maintenue.

De nombreuses associations se plaignent par ailleurs de ne pas avoir été entendues lors de l'élaboration du projet. De fait, le texte est loin d'être parfait ; il est même décevant en ce qu'il est décliné ni comme il était voulu, ni comme il était prévu.

M. Maxime Gremetz a estimé qu'il s'agit d'un projet important qui pose des questions inédites. En effet, jamais un contrat n'a été aussi atypique : il ne constitue ni un contrat de travail, ni un contrat aidé et ne donnera pas lieu à une couverture sociale complète. Un autre aspect est très choquant : une allocation à la personne sera versée à l'employeur. Cette formule ne sera pas sans soulever des problèmes de constitutionnalité.

Il a ensuite formulé les observations suivantes :

- La récupération sur succession absente du RMI est rétablie dans le RMA.

- La CLI perd toutes ses compétences puisqu'elle est seulement consultée par le département lorsqu'il envisage la suppression du versement de l'allocation.

- Par ailleurs, le RMA, bien que versé par l'employeur, n'est pas un salaire ; de ce fait, les charges sociales ne sont prélevées que sur la partie différentielle réellement à la charge de l'employeur. Ainsi, un an de RMA permettra la validation d'un seul trimestre de retraite. Quant à la question des cotisations de chômage, elle n'est pas réglée.

- Il faut rappeler que la France compte 2,6 millions de chômeurs déclarés, 1,8 million de salariés en situation précaire et que 75 % des embauches se font en CDD.

- Les départements ont insisté pour être gestionnaires du RMA alors même qu'ils se sont plaints de ne pas parvenir à financer l'APA. De plus, le dispositif du RMA, forfaitaire, aura un coût supérieur à celui du RMI moyen. Dans ces conditions, les CAF et les caisses de la MSA pourraient être conduites à demander aux conseils généraux le paiement de frais de gestion nouveaux.

- Depuis longtemps, le MEDEF se bat pour avoir des CES dans le secteur marchand : le RMA lui apporte une réponse encore plus satisfaisante. Ainsi, pour vingt heures au SMIC pendant dix-huit mois, renouvelables tous les six mois, le coût est de 4 081 francs et le montant des cotisations, après allègement, est de 816 francs. Avec une subvention du conseil général de 2 371 francs, l'employeur ne verse plus que 1 506 francs et le montant des cotisations s'élève à 426 francs. Au total, l'employeur dispose d'un salarié pour 2 132 francs, soit un cadeau de 60 %.

- L'extinction progressive des CES et leur remplacement par le RMA sera très défavorable aux associations ainsi qu'aux collectivités.

- Il est indéniable que le « I » du RMI n'a pas fonctionné. Cependant quelles seront les perspectives de formation des « bénéficiaires » du RMA ? Ils n'auront pas droit aux vingt heures de formation prévues par l'accord national interprofessionnel de septembre dernier, d'autant plus que celle-ci est déjà aujourd'hui pratiquement réservée à l'encadrement.

En plus d'encourir des risques d'inconstitutionnalité, ce texte concentre tous les défauts et ne peut servir qu'à faire bénéficier les employeurs d'un effet d'aubaine au détriment des intérêts de la collectivité.

M. Christian Estrosi a estimé que deux questions doivent être posées d'emblée : le revenu minimum d'insertion (RMI) institué par M. Michel Rocard a-t-il été une bonne réforme ? À l'évidence oui, puisque le bilan de ce dispositif permet aujourd'hui de mesurer le chemin parcouru, de façon constructive, afin de venir en aide aux plus démunis. Près de quinze ans après son institution, faut-il pour autant le laisser en l'état ? La réponse est non et c'est pourquoi le gouvernement propose de le réformer dans l'esprit des lois de décentralisation de Gaston Defferre.

Il appartient donc aux parlementaires de s'engager dans cette voie avec volontarisme et optimisme, afin de rechercher un meilleur équilibre entre les différents paramètres de cette réforme. La proposition de la rapporteure visant à reporter son entrée en vigueur au 1er janvier 2005 semble toutefois peu opportune, dans la mesure où les départements sont d'ores et déjà en train d'anticiper l'application du projet de loi, dans le cadre de la préparation des budgets primitifs et de la mise en œuvre de la norme comptable M 52. Les départements sont-ils vraiment prêts ? On peut le penser au regard par exemple de la politique d'insertion professionnelle menée dans les Alpes-Maritimes, puisque, selon un rapport récent de la chambre régionale des comptes, les résultats observés dans ce département sont parmi les meilleurs au niveau national.

Le projet de loi permet, d'autre part, de responsabiliser davantage les élus locaux, acteurs de terrain. En effet, tant que l'Etat payait, le département pouvait laisser faire. Dès lors que les conseils généraux seront chargés de gérer et de financer ce dispositif, même les plus récalcitrants d'entre eux seront incités à mettre en oeuvre une politique de résultats, afin de ne pas augmenter la fiscalité locale, et c'est bien là tout l'intérêt du projet de loi.

Le RMA constitue par ailleurs une formidable avancée pour les plus démunis, pour les accidentés de la vie, en leur redonnant par le travail la dignité et la fierté qu'ils ont perdues.

Si la gestion de ce dispositif par le président du conseil général présente l'avantage de mieux responsabiliser les départements et de donner un interlocuteur unique aux usagers et aux partenaires, le problème de la compétence de l'Etat demeure cependant puisque le préfet conserve le pouvoir de radiation du droit à l'allocation. C'est pourquoi un amendement sera présenté afin de confier celui-ci au président du conseil général, qui disposera ainsi d'une compétence totale en la matière.

Dans l'esprit des lois de décentralisation de 1982, il est par ailleurs contestable d'affirmer que l'absence d'application de ces dispositions au niveau national conduirait à accroître les risques de disparités entre les départements. A titre d'exemple, le budget consacré aux collèges dans le département des Alpes-Maritimes est de 20 % supérieur à la moyenne nationale et il n'apparaît évidemment pas souhaitable de réduire ces dotations de 20  % au nom du principe d'égalité. Ainsi, l'application de ces dispositions au niveau départemental permettra au contraire de tirer par le haut les politiques d'insertion professionnelle.

Quant à la situation des entrepreneurs, en tant que partenaires, il semble préférable de parler d'« effet d'efficacité », plutôt que d'« effet d'aubaine », dans la mesure où les entreprises jouent un rôle majeur dans ce dispositif, en offrant aux plus démunis la possibilité de se réintégrer, au bénéfice de l'ensemble de la collectivité. En conséquence, un amendement sera proposé afin de permettre aux employeurs du secteur marchand de bénéficier des exonérations de cotisations sociales patronales prévues à l'article 35.

Conformément à la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, il convient de veiller à ce que le transfert de compétences aux départements s'accompagne effectivement de l'ensemble des moyens financiers, matériels et humains, comme le ministre délégué aux libertés locales s'y est engagé, lors de son audition par la commission des lois. Or, fixer la date de référence des transferts au 31 décembre 2003 risque de modifier le comportement des acteurs et de fausser l'ensemble des calculs des dotations de l'Etat. Il semble donc plus équitable de fixer cette date au 1er janvier 2002, en prenant en compte la moyenne des trois dernières années. Une attention particulière devra également être portée aux moyens humains transférés aux départements. Dans le département des Alpes-Maritimes, les personnels de l'Etat ont par exemple « disparu » de l'organigramme des commissions locales d'insertion (CLI). Il convient par ailleurs de prendre en compte l'entrée en vigueur de la réforme de l'allocation de solidarité spécifique (ASS). Enfin, une « clause de revoyure » aux 1er juillet et 31 décembre 2004, afin de réviser, en tant que de besoin, le montant des dotations accordées aux conseils généraux, est nécessaire.

M. Bernard Perrut a rappelé que ce texte s'inscrit dans un processus de réforme engagé par le gouvernement et visant à modifier profondément la politique de l'emploi et de l'insertion. La philosophie du gouvernement est de promouvoir l'emploi et de valoriser le travail. La création des dispositifs du type CIVIS, la baisse des charges pesant sur les bas salaires ainsi que la revalorisation des SMIC participent de cette démarche. Le texte s'inscrit en outre dans le processus de décentralisation. Le projet mentionne qu'un rapport d'évaluation du dispositif sera fait avant 2006. Il faudrait que le Parlement dispose d'un rapport annuel faisant le point sur les crédits transférés (y compris au titre de l'ASS), le coût pour les départements ainsi que le nombre de personnes concernées.

La place des entreprises d'insertion doit être précisée. Ces entreprises effectuent un énorme travail. Il faut donc les soutenir, au besoin en incitant les collectivités locales à ouvrir leurs appels d'offres à ces acteurs. Enfin, s'agissant des plans locaux d'insertion, le texte prévoit une délégation aux communes et aux structures intercommunales, ce qui est particulièrement opportun compte tenu de l'expérience des élus locaux en la matière.

Après avoir remercié la rapporteure pour la qualité de son exposé, Mme Hélène Mignon a estimé que les termes du débat n'avaient pas changé depuis la loi de 1988 : la discussion porte toujours sur l'insertion par le travail. Il est à noter que les associations réclament le retrait du projet car elles s'estiment insuffisamment impliquées dans sa préparation.

Alors même que les textes relatifs à la décentralisation ne sont pas encore adoptés, la décentralisation qu'organise le projet n'apportera rien au dispositif. Certains départements n'ont jamais utilisé leurs crédits d'insertion. On peut également se demander comment les allocataires vont rejoindre le secteur marchand sans passer par un stage d'insertion. S'agissant des « référents », il faudrait préciser le nombre de personnes traitées par référent ainsi que les conditions de leur formation. Quant aux supposés « tricheurs », leur nombre est marginal : la plupart des allocataires du RMI ont envie de travailler, mais peu sont aptes à le faire immédiatement.

Des représentants locaux du MEDEF laissent entendre que les populations en insertion ne sont pas le public recherché par les entreprises qui veulent des salariés immédiatement opérationnels. Il faut de plus insister sur le fait que certains départements sont dépourvus de tissu économique, ce qui est de nature à engendrer de grandes inégalités. Dans ce contexte, l'Etat devra être le garant de la solidarité nationale.

Les associations s'interrogent sur l'opportunité de créer un nouveau contrat de nature à altérer la cohérence globale de la politique d'insertion et regrettent que l'on n'ait pas procédé à la refonte des différents dispositifs dans le contrat unique d'insertion.

Deux questions doivent par ailleurs trouver réponse :

- si, dans une famille, deux personnes souhaitent bénéficier du dispositif RMA, l'employeur a-t-il droit au versement du RMI pour personne isolée pour chacune d'entre elles ?

- quelles sont les garanties que le président du conseil général ne suspende pas le versement du RMI en cas de rupture du CI-RMA ?

Après avoir relevé que la rapporteure avait exprimé avec prudence ses doutes sur le dispositif, M. Jean Le Garrec a souhaité replacer la discussion dans la perspective de la situation de l'emploi depuis 1978. Après vingt-cinq ans de chômage de masse, les créations d'emplois, au nombre de deux millions sous le précédent gouvernement, n'ont pas réussi à infléchir durablement le nombre d'allocataires du RMI. Il s'agit donc d'une population complètement cassée par le chômage de masse, ce qu'on peut particulièrement constater dans le département du Nord.

Il a ensuite formulé les observations suivantes :

- Il s'agit d'un texte bâti à la hâte qui ne prend pas en compte les travaux réalisés sur ce sujet (par exemple ceux de M. Jean-Michel Bélorgey ou ceux de la DARES) et fait l'impasse sur la nécessité pour les allocataires de retrouver une activité, seul gage d'un statut social digne de ce nom. Dénoncer les « tricheurs » est un procès dangereux pour la cohésion de notre pays.

- Il est également dangereux d'exclure les associations de la préparation du projet : en raison de leur expérience, elles peuvent apporter beaucoup.

- Les conditions de la décentralisation sont telles qu'il s'agit d'un saut vers l'inconnu. Certains départements risquent de se retrouver dans des impasses financières. Cela est d'autant plus important à relever que les amendements éventuels sur ce sujet ne pourront pas être discutés en séance en raison de l'application de l'article 40 de la Constitution. Ce processus exige un regard attentif de l'Etat qui sera le seul garant de la péréquation. Celle-ci est indispensable pour remédier aux écarts entre départements.

- L'insertion professionnelle est un problème ancien. Il est lié au manque de dynamisme de l'offre d'emploi. Peu d'entreprises sont prêtes à employer les allocataires du RMA. En particulier, le MEDEF n'est pas demandeur. Les entreprises ne sont pas outillées pour l'insertion et elles ont besoin de personnels opérationnels. Seules les entreprises de la grande distribution et du nettoyage industriel seront susceptibles de recourir au RMA.

- L'absence d'accompagnateurs renforcerait le risque de cassure. Qui seront ces « accompagnateurs » ? De quelle formation bénéficieront-ils ? Le risque de cassure est d'autant plus grand que le RMA vaudra contrat d'insertion.

- Le projet consiste à plaquer un système tout fait sur une réalité sociale complexe. Une remise à plat de l'ensemble de la politique d'insertion aurait été nécessaire. Le projet propose un dispositif mal fait qui risque d'être contre-productif. Il aurait mérité des mois de travail. En tous les cas, son application au 1er janvier 2004 semble impossible.

M. Yves Boisseau a rappelé que tout le monde s'accorde sur la nécessité de dynamiser le « I » du RMI dans les départements. A cet égard, prévoir une durée de deux ans dans le RMI avant de pouvoir bénéficier d'un RMA semble trop long. Une autre inquiétude à lever concerne les personnels chargés du RMI dans les DDASS, qui ont quelques réticences à être transférés aux départements.

Mme Martine Billard a considéré que ce projet de loi est une véritable occasion ratée d'améliorer le RMI. Le bilan du dispositif actuel a été fait par de nombreuses associations qui ont souligné ses insuffisances, par exemple concernant le manque d'insertion réelle ou les lacunes du dispositif d'intéressement. Les associations et entreprises d'insertion n'ont pourtant pas été conviées à la concertation pour préparer ce projet de loi qui est donc un texte bâclé, à tel point que le Sénat et la rapporteure estiment indispensable de le revoir largement, notamment en vue de prévoir une véritable couverture sociale pour les personnes concernées.

Il faut améliorer ce qui n'est pas satisfaisant dans le RMI en tenant compte des différents publics concernés. En ce qui concerne tout d'abord certaines personnes, souvent jeunes, dans les grandes villes, on constate un aller-retour permanent entre RMI et contrats de travail précaires en l'absence d'ouverture de droits suffisante pour l'assurance chômage. Ces personnes ont besoin d'aides momentanées et ponctuelles plutôt que d'un accompagnement social lourd. Deuxième public concerné, les femmes, souvent seules et en fin d'allocation de parent isolé (API), apparaissent complètement oubliées par le projet de loi. Comment en effet permettre à ces femmes de retrouver un emploi après la naissance d'un enfant lorsque le coût de la garde empêche en pratique toute reprise d'activité ? Aucune solution n'est apportée à ce problème. Le troisième type de population concerné est constitué par les personnes les plus éloignées de l'emploi ; pour ces personnes, le RMA n'est pas une réponse, d'autant plus que la durée de deux ans pour en bénéficier risque de les éloigner encore plus de l'emploi. On peut enfin se demande quel sort sera réservé aux intermittents du spectacle qui risquent de basculer sur le RMI avec la modification de leur régime d'assurance chômage, ce qui risque notamment d'avoir un coût important pour les départements comportant de grands centres culturels.

L'approfondissement du volet d'insertion sociale est également oublié.

La sortie du RMA pose enfin problème : être obligé de trouver un contrat à durée indéterminée (CDI) ou un contrat à durée déterminée (CDD) de six mois ne semble pas très réaliste dans la mesure où la majorité des CDD offerts sont de trois mois. Il y a donc un risque important qu'à l'issue du RMA, les personnes concernées se retrouvent sans rien. Aucune articulation n'est également prévue avec les contrats emploi solidarité (CES) : le RMA est un CES pour le secteur privé qui va engendrer des effets d'aubaine, notamment pour les supermarchés ou les entreprises de nettoyage. En effet, des branches avaient passé des accords avec des structures d'insertion pour employer des personnes en situation d'exclusion ; quelle aubaine pour elles d'être subventionnées grâce au RMA pour faire ce qu'elles faisaient sans subvention ! De plus, les personnes qui ont refusé un CES l'ont souvent fait en raison de la totale inadéquation entre le travail proposé et leur qualification, mais cela ne leur sera plus possible avec le RMA et les entreprises vont en profiter.

Pour l'ensemble de ces raisons, il faut suspendre la discussion de ce projet de loi et retravailler l'ensemble du problème avec les associations concernées.

M. Francis Vercamer a précisé que les deux aspects essentiels du texte, décentralisation et insertion sociale, correspondent à des préoccupations majeures du groupe UDF, qui souhaite toutefois voir lever quelques inquiétudes.

La décentralisation du RMI répond à une juste logique de proximité. Pour autant, il faut s'assurer qu'elle n'augmentera pas les inégalités entre départements qui doivent avoir les moyens de faire face aux transferts de charges. Pour cela, la compensation par l'Etat doit être réelle et tenir compte notamment de la suppression de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) qui va générer de nouveaux flux d'allocataires. Enfin, il faut se demander comment les départements auront les moyens d'assurer un accompagnement et un suivi des allocataires.

La création du RMA doit permettre de dynamiser l'insertion des allocataires du RMI mais il faut obtenir des garanties des entreprises car leur rôle premier n'est pas de faire de l'insertion sociale mais du profit ; les actions de tutorat doivent être suivies avec soin. Il s'agit ainsi d'éviter notamment que les personnes concernées ne passent d'un contrat précaire à l'autre ; il faut également réduire la durée de deux ans préalable à l'entrée dans le dispositif du RMA pour éviter un plus grand décrochement par rapport à l'emploi. Pour favoriser l'embauche par l'entreprise à l'issue du RMA, le groupe UDF propose une intégration immédiate en CDI à l'issue du RMA. Enfin, on peut légitimement se demander si 100 000 RMA budgétés seront suffisants pour mener une véritable politique d'insertion compte tenu du nombre actuels de bénéficiaires du RMI et de l'ASS.

M. Simon Renucci a rappelé la nécessité d'une certaine humilité compte tenu de l'échec de la société à insérer socialement les personnes exclues du travail. La vision décentralisatrice que propose ce projet risque de conduire au clientélisme car elle ne s'appuie pas sur un État fort, garant de la solidarité nationale. La péréquation financière à mettre en œuvre devra notamment éviter que ne s'accroissent les inégalités Nord-Sud entre départements.

De même, la mise en œuvre du RMA risque de se faire trop rapidement, sans prendre le temps de faire un bilan social complet des personnes concernées, ne se limitant pas au seul facteur travail. On peut ainsi regretter qu'aucun rôle ne soit confié aux acteurs de terrain que sont les conseillers en économie familiale et sociale. Au delà du rôle des entreprises, aucune formation ou remise à niveau n'est prévue pour les allocataires qui risquent donc de rester dans une situation précaire vis-à-vis de l'emploi.

Ce manque de préparation d'ensemble justifie de reporter l'entrée en vigueur de la réforme à 2005.

M. Maxime Gremetz a rappelé que les chiffres officiels évaluent à 3,1 millions de personnes le nombre de travailleurs en emplois précaires. Les fins de contrat à durée déterminée représentent 31,6  % des causes d'entrée à l'ANPE et les fins de missions d'intérim 7,7  %. Il y a donc un véritable risque que le RMA bénéficie, pour l'essentiel, à ces personnes, qui sont certes en situation de précarité, mais sont tout à fait aptes à l'emploi. Les personnes les plus éloignées de l'emploi, c'est-à-dire celles qui sont visées par le nouveau dispositif, pourraient donc en demeurer exclues. En effet, les employeurs auront tout intérêt à substituer un RMA à un contrat à durée déterminée puisque cela leur coûtera moins cher.

M. Rodolphe Thomas s'est félicité que le projet de loi permette de mettre en place une véritable passerelle entre les personnes exclues du monde du travail et les emplois dans le secteur marchand. On peut toujours critiquer le dispositif proposé mais il n'est plus acceptable de continuer à paupériser toute une population et il convient de proposer des solutions pour leur permettre un retour à l'emploi. Il semble aujourd'hui que ce soit les petites entreprises artisanales et commerciales qui soient les plus prêtes et les mieux à même de s'engager dans la voie de la réinsertion et de la formation des publics les plus désocialisés. Mais il convient pour cela de leur en donner les moyens. Les avantages concédés par le projet aux secteurs non marchand et marchand doivent être rééquilibrés. Enfin, il est important psychologiquement pour les personnes exclues de bénéficier non plus d'une allocation mais bien d'un revenu du travail. Cela permettra tout à la fois de les valoriser et de les responsabiliser.

En ce qui concerne, d'autre part, les interrogations formulées à de nombreuses reprises en matière de financement du dispositif, il semble en effet qu'un démarrage en janvier 2004 soit prématuré ; les conseils généraux ne seront pas prêts, les fonds ne seront pas disponibles et il serait vraiment préférable d'attendre le 1er juillet 2004 si l'on souhaite que cette réforme soit un succès. Il convient d'être concret et proche du terrain. La possibilité de déléguer la mise en œuvre des programmes locaux d'insertion aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale doit être affirmée.

En réponse aux différents intervenants, la rapporteure a tout d'abord souhaité souligner la tonalité positive et constructive de la discussion en commission. Il s'agit là d'un texte important qui nécessite un véritable travail parlementaire complémentaire. Beaucoup de questions devront être réglées par des amendements afin que ce texte soit une réussite et il s'agit là d'une véritable chance pour un débat parlementaire de qualité.

Ce texte est très attendu, et c'est peut-être pour cela que certains se disent déçus : en réalité, le projet de loi affirme clairement que le travail est une voie de réinsertion et ouvre le RMA à tous, mais ne permet pas de répondre à toutes les attentes, à toutes les questions et aux besoins de tous en matière d'insertion. Selon le regard, positif ou négatif, que l'on porte sur ce texte, on trouvera donc qu'il constitue un progrès ou un marché de dupes. Il semble en tout cas que tous les parlementaires se retrouvent sur la nécessité de sortir de l'exclusion des personnes en grande souffrance et sur le caractère incontournable de l'insertion sociale pour parvenir à cet objectif. Il s'agit là clairement d'une évolution par rapport à 1988, qui s'explique sûrement par l'installation d'un chômage de masse dans notre pays, ce qui n'est pas sans poser la question de l'évolution de la signification du travail dans notre société.

Enfin, l'utilisation du terme « RMAste » doit être fermement rejetée car elle reviendrait à renvoyer une nouvelle fois vers l'exclusion des personnes qui souffrent aujourd'hui d'une véritable stigmatisation sociale du fait de leur statut de « RMIste ». Faute de mieux, il convient donc de s'en tenir à l'expression « bénéficiaires du RMA ».

La rapporteure a ensuite donné les informations suivantes :

- La décentralisation du RMI est effectivement fondée sur la volonté d'une responsabilisation des élus.

- On a beaucoup parlé de l'effet d'aubaine mais si aubaine il y a, celle-ci est tout à la fois pour les employeurs et pour les bénéficiaires du RMA. Celui-ci constitue en effet une chance de s'en sortir pour les personnes les plus exclues grâce à un retour vers le travail assorti d'une formation. Mais donner du temps à la formation pour une entreprise dont l'objectif est essentiellement la production et la rentabilité n'est pas quelque chose de naturel et il est normal de prévoir une compensation.

- Il est clair que l'Etat doit rester le garant de la solidarité sociale. Ce principe de responsabilité républicaine est notamment garanti par le fait que le RMI est défini par la loi au niveau national. Mais encore faut-il que ce caractère universel de la prestation soit garanti par une égalité de traitement entre les départements. C'est pourquoi un amendement proposera de rétablir une disposition supprimée par le Sénat qui prévoit qu'un montant égal à 17  % au moins des dépenses d'allocation de RMI par département est consacré à l'insertion des allocataires.

- De nombreux échanges ont également eu lieu au sujet du délai prévu pour pouvoir bénéficier du RMA. Le projet de loi initial prévoyait deux années de RMI, ce qui pouvait sembler excessif ou inutile. Après réflexion cependant, il semble qu'un accès immédiat au RMA pourrait recéler des effets pervers et notamment inciter les entreprises à faire effectivement porter leurs choix sur les personnes les plus directement employables et non pas sur les publics les plus exclus. On pourrait donc envisager de prévoir un délai d'un an entre l'inscription au RMI et l'accès au RMA tout en laissant ouverte une possibilité de dérogation.

- Les associations se sont effectivement plaintes de ne pas avoir été consultées par le gouvernement. Après vérification, il s'avère qu'elles ont bien été auditionnées mais que leurs propositions n'ont pas toujours été retenues, ce qui bien entendu ne les satisfait pas.

- La question de la nature juridique du RMA est complexe. Selon le point de vue, on y verra un contrat de travail ou un travail aidé.

- En ce qui concerne l'éventuelle inconstitutionnalité de certaines dispositions de ce texte, les consultations de plusieurs spécialistes permettent d'incliner vers la négative.

- La récupération sur succession est prévue dans la loi instituant le RMI. Mais cette mesure n'a jamais été appliquée pour la simple raison que les mesures d'applications nécessaires n'ont pas été prises. Il n'y a donc pas de novation dans le texte en ce domaine. Il paraît toujours peu probable que le décret d'application voie le jour.

- Les missions des CLI font l'objet d'un incontestable recentrage. L'animation de réseau est la seule mission appelée à se développer dans l'avenir, ce qui, pour n'être pas négligeable, traduit bien leur moindre rôle.

- Afin d'éviter que le dispositif proposé par le texte en matière de charges sociales ne crée une rupture d'égalité, il sera proposé de qualifier ce revenu de salaire.

- Les entreprises peuvent effectivement avoir la tentation de recourir aux CDD plutôt qu'à l'insertion des plus démunis, c'est pourquoi un amendement visant à limiter de telles pratiques sera déposé.

- Il y a en effet pour des contrats RMA d'une durée de vingt heures un avantage comparatif de 50 à 60 %, pour les employeurs, par rapport à un SMIC classique.

- La réduction du nombre de CES traduit la volonté du gouvernement de privilégier la réinsertion par le travail dans le secteur marchand.

- La formation fera l'objet d'une convention de l'employeur avec le président du conseil général, qui doit être personnalisée et non générale.

- Pour contrebalancer l'intérêt pour l'employeur de recruter deux bénéficiaires du RMA plutôt qu'un salarié à temps complet, la rapporteure proposera un amendement permettant aux bénéficiaires du RMA d'exercer une deuxième activité.

- Les inquiétudes exprimées au sujet des transferts de financement et de personnels militent en faveur de l'application du dispositif à compter de 2005.

- Le pouvoir de radiation appartiendra au président du conseil général et non au préfet.

- Il convient d'évoluer vers plus d'égalité entre les secteurs marchands et non marchands.

- La compensation financière devra faire l'objet d'une réévaluation annuelle.

- Un amendement sera présenté pour ouvrir le RMA aux entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI).

- Seules des tâches de gestion pourront faire l'objet d'une délégation au bénéfice des communes ou des établissements publics intercommunaux, les pouvoirs de décision restant au président du conseil général.

- Il est nécessaire de réévaluer la préoccupation sociale de ce texte car il faut s'insérer socialement avant d'entrer dans une entreprise.

- Il faut faire confiance aux présidents des conseils régionaux pour que les emplois proposés ne soient pas uniquement des emplois non qualifiés.

- L'absence dans ce texte du « contrat unique » d'insertion, pourtant souhaité par les associations, s'explique par la date de publication, postérieure à l'examen du texte en conseil des ministres, du rapport du Conseil économique et social.

- Ce projet est un texte important qui permet la mise en place de passerelles vers le monde du travail, pour autant il n'a pas vocation à résoudre tous les problèmes.

- Deux personnes d'un même foyer pourront toucher le RMA.

- Le texte sera précisé par amendement afin que le maintien du RMI en cas de rupture ou de fin de RMA soit clairement la règle. Quant à la conclusion d'un contrat RMA, elle doit, non moins clairement, être volontaire.

- Le nombre de fraudeurs est tout à fait marginal. Si cette question doit être évoquée, c'est pour « couper la tête à ce canard ».

- Les accompagnateurs ou référents constituent effectivement une charge supplémentaire pour les collectivités locales.

- Le fait qu'il n'y ait plus de personnel affecté au RMI au sein des DDASS pose un véritable problème.

- L'instauration du RMA ne doit pas conduire à oublier qu'il y a un public qui ne pourra intégrer ce dispositif en raison de sa trop faible employabilité.

- Il n'est pas possible de procéder ici à l'approfondissement du contenu de l'accompagnement qui ressortira de la compétence des présidents de conseil généraux.

- Il n'existe pas de moyens d'incitation à l'embauche en fin de RMA, mais un amendement proposera de rendre publics à cette occasion tous les postes vacants.

MM. Maxime Gremetz et Jean Le Garrec on demandé qui déterminerait le nombre de RMA par département et comment seraient compensés les abattements de cotisations sociales.

La rapporteure a indiqué que les conseils généraux décideraient du nombre de RMA, chaque décision d'attribution faisant l'objet d'une convention passée par le conseil général. La compensation des exonérations de cotisations sociales prévues pour le seul secteur non marchand est inscrite au budget du travail.

II.- EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER

DÉCENTRALISATION EN MATIÈRE DE REVENU MINIMUM D'INSERTION

Article 1er

(article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles)

Périodicité de la revalorisation du montant du RMI

Cet article, que le Sénat n'a pas modifié, a pour objet d'inscrire dans la loi le principe d'une revalorisation du RMI « une fois par an » au lieu de deux.

En 1988, en effet, le législateur, soucieux de garantir le pouvoir d'achat d'une allocation destinée aux plus démunis, avait prévu une revalorisation bisannuelle du RMI, par exception aux règles applicables à l'ensemble des prestations et minima sociaux. Cette règle n'a pas été appliquée, le RMI ayant toujours été revalorisé une fois par an. Dans un souci de « sécurisation juridique », il est proposé d'aligner la loi sur la pratique à défaut d'aligner la pratique sur la loi...

Il est à noter toutefois que le principe d'une seule revalorisation annuelle ne pose pas de problème en période de faible inflation, mais en poserait dans l'hypothèse inverse, il est vrai en principe exclue du fait des engagements européens.

Par ailleurs, cette révision annuelle resterait, comme c'est déjà le cas, opérée par décret « en fonction de l'évolution des prix ».

Cette formulation est moins précise que celles retenues pour les revalorisations applicables aux principales prestations sociales. À la limite, l'expression « en fonction » permettrait, même si ce n'est évidemment l'intention de personne, de ne prendre en compte qu'une partie de l'évolution de l'indice des prix. A contrario, s'agissant notamment des prestations familiales fixées par référence à la « base mensuelle » et des pensions de retraite (du régime général), des règles beaucoup plus détaillées de revalorisation existent4 : il est prévu dans les deux cas que la revalorisation est effectuée conformément à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation hors tabac inscrite dans le rapport économique, social et financier annexé à la loi de finances et qu'un ajustement a lieu en cas d'écart de l'inflation effective avec l'inflation prévisionnelle.

Toutefois, jusqu'à présent, les allocataires du RMI n'ont pas eu à souffrir du non-respect de la règle de révision bisannuelle, ni de la formulation vague de la référence à l'évolution des prix, puisque les gains de pouvoir d'achat cumulés (écarts positifs entre la revalorisation et l'indice des prix) de l'allocation depuis les origines sont d'environ 6 %. Ils dépassent légèrement 3 % depuis 1995.

Revalorisations du RMI et indice des prix

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

RMI en euros

361,99

366,33

370,36

381,47

389,10

397,66

405,62

411,70

Revalorisation (en % par rapport à n -1)

2,1

1,2

1,1

3

2

2,2

2

1,5

Indice des prix à la consommation en moyenne annuelle (constaté sauf en 2003 : prévision)5

2

1,2

0,7

0,5

1,7

1,7

1,9

2

Écart

0,1

-

0,4

2,5

0,3

0,5

0,1

- 0,5

*

La commission a rejeté un amendement de suppression de l'article présenté par Mme Martine Billard.

La commission a examiné un amendement de Mme Hélène Mignon tendant à faire réévaluer le RMI deux fois par an au lieu d'une seule.

Mme Hélène Mignon a estimé que le RMI doit évoluer comme les autres minima sociaux et, partant, être réévalué deux fois par an à l'instar des allocations familiales.

Mme Christine Boutin, rapporteure, a rappelé que le RMI, de fait, a toujours été réévalué une fois par an.

La commission a rejeté l'amendement.

Elle a ensuite examiné un amendement de Mme Muguette Jacquaint tendant à indexer le RMI sur les salaires et non pas sur les prix.

Après que la rapporteure a rappelé que la plupart des prestations sociales sont aujourd'hui indexées sur l'évolution de l'inflation, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a adopté l'article 1er sans modification.

Article 2

Transfert du financement de l'allocation de RMI aux départements

Cet article opère le transfert de la charge du financement de l'allocation de RMI de l'État aux départements.

Pour ce faire, il abroge les deux dispositions qui mettaient explicitement le RMI à la charge de l'État, le 3° de l'article L. 121-7 du code de l'action sociale et des familles et l'article L. 262-4 du même code. Le RMI est une prestation légale d'aide sociale et ces prestations relèvent, sauf exceptions, du département en application de l'article L. 121-1 du code précité ; la suppression des dispositions mentionnant le RMI comme à la charge de l'État suffit donc à le transférer aux départements.

Il va de soi que les conditions d'accès à l'allocation de RMI, son montant, l'évolution de celui-ci, continueront à être fixés nationalement, en application des dispositions du code de l'action sociale et des familles et, en particulier, de son article L. 262-2, qui renvoie au décret la fixation du montant du RMI et au pouvoir réglementaire la détermination des majorations selon la composition des foyers d'allocataires.

Le tableau ci-après donne une idée de ce que pourra représenter, par rapport aux budgets d'aide sociale des départements, le transfert du financement du RMI, soit près de 5 milliards d'euros, qui viendra s'ajouter à des dépenses d'aide sociale départementale de plus de 12 milliards d'euros (avant l'instauration de l'allocation personnalisée d'autonomie).

Les dépenses d'aide sociale des départements

En Md€

1989

2001

Aide sociale à l'enfance

2,56

4,46

Aide sociale aux personnes âgées

1,42

1,76

Aide sociale aux personnes handicapées (de moins de 60 ans)

1,17

2,68

Aide médicale

0,38

-

Insertion des bénéficiaires du RMI

0,01

0,53

Autres

1,36

2,7

Total

6,9

12,13

Source : Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS).

*

La commission a examiné deux amendements de suppression de l'article 2 présentés par Mme Hélène Mignon et par Mme Martine Billard.

Mme Hélène Mignon a précisé que la plupart des amendements qu'elle présente tende à maintenir le rôle de l'Etat au détriment d'une décentralisation excessive.

Mme Martine Billard a considéré que le projet présenté ne fournit pas les garanties suffisantes en matière de financement décentralisé ; il est donc prématuré de laisser l'Etat se désengager du financement.

M. Maxime Gremetz a précisé que, dans la mesure où son groupe est globalement opposé au projet de loi, l'ensemble de ses amendements tendra à diminuer les effets d'aubaine.

La rapporteure a jugé que l'effet d'aubaine est nécessaire et qu'il est partagé par l'employeur et le bénéficiaire ; elle a indiqué qu'elle avait déposé des amendements tendant à mieux protéger celui-ci.

La commission a rejeté les amendements.

La commission a adopté l'article 2 sans modification.

Article 3

Conditions financières de la décentralisation du RMI et de la création du RMA

Cet article pose le principe de la compensation des « charges résultant, pour les départements, des transfert et création de compétence réalisés par la présente loi » par l'attribution aux départements d'une partie du produit d'un impôt d'État « dans les conditions fixées par la loi de finances ».

1. Les normes juridiques supérieures

La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a introduit dans la Constitution un article 72-2 dont les quatrième et cinquième alinéas disposent que :

« Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi.

« La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ».

Il est à noter que des dispositions antérieures (1996-1997) et de valeur seulement législative, mais plus précises, du code général des collectivités territoriales régissent en principe la compensation des transferts de compétences : selon les articles L. 1614-1 et suivants de ce code, ces transferts de l'État aux collectivités territoriales doivent être compensés par les ressources « nécessaires à l'exercice normal de ces compétences. Ces ressources sont équivalentes aux dépenses effectuées, à la date du transfert, par l'État au titre des compétences transférées et évoluent chaque année, dès la première année, comme la dotation globale de fonctionnement ». Les charges nouvelles résultant de modifications réglementaires (opérées par le Gouvernement) des conditions d'exercice des compétences transférées sont compensées dans les mêmes conditions. Il est prévu une commission d'évaluation des dépenses transférées chargée de rendre un avis avant que le montant de ces dépenses ne soit « constaté » par un arrêté interministériel. Enfin, les ressources transférées prennent, selon la loi, trois formes : impôts transférés, dotation générale de décentralisation, ressources et subsides d'un « fonds de compensation de la fiscalité transférée » alimenté par les collectivités territoriales « gagnantes » aux transferts d'impôts au profit de celles qui sont « perdantes »...

Ces dispositions du code général des collectivités territoriales ne sont toujours opérantes que dans la mesure où elles ne sont pas contraires à la nouvelle norme constitutionnelle. La principale contradiction éventuelle porte sur le recours nécessaire à la loi, selon la Constitution, pour déterminer les ressources de compensation, alors que le code renvoie à une procédure réglementaire pour constater les variations de dépenses ; cependant, le recours obligatoire à un texte législatif est prévu par la Constitution dans le seul cas des créations ou extensions de compétences, alors que le code traite des transferts, ce qui est différent.

Par ailleurs, l'article 36 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (article entré en vigueur par anticipation au 1er janvier 2002), prenant la suite de l'article 18 de l'ordonnance organique relative aux lois de finances du 2 janvier 1959 tel qu'il avait été interprété par le Conseil constitutionnel6, dispose que « l'affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'Etat ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances ».

Il ressort de ces normes que la décentralisation du RMI et l'instauration du RMA, pour autant qu'elle entraîne des charges supplémentaires, doivent être compensées, mais que cette compensation, si elle est effectuée par le transfert (partiel) d'un impôt d'État - solution retenue en l'espèce - ne peut être mise en place que par une disposition de loi de finances, ce qui conduit à écarter la solution réglementaire autorisée par le code général des collectivités territoriales.

La présente loi n'étant pas une loi de finances, elle ne peut comporter en matière de transfert de ressources qu'une disposition formelle renvoyant à la loi de finances, ce qui est le cas en l'espèce.

2. Les conditions de la compensation prévue par le projet de loi de finances

Le 21 octobre, l'Assemblée a adopté la première partie de la loi de finances pour 2004, dont l'article 40, tel que voté, dispose que « les ressources attribuées au titre des transferts de compétences prévus par [la présente loi RMI-RMA] sont équivalentes au montant des dépenses exécutées par l'État en 2003 au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion et de l'allocation de revenu de solidarité prévu à l'article L. 522-14 du code de l'action sociale et des familles.

« Ces ressources sont composées d'une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers [dite TIPP]. Cette part est obtenue, pour l'ensemble des départements, par application d'une fraction du tarif de la [TIPP] aux quantités de carburants vendues sur l'ensemble du territoire national.

« La fraction de tarif mentionnée à l'alinéa précédent est calculée de sorte qu'appliquée aux quantités de carburants vendues sur l'ensemble du territoire en 2003, elle conduise à un produit égal au montant des dépenses exécutées par l'État en 2003 au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion et de l'allocation de revenu de solidarité (...) ».

On rappelle en premier lieu que le revenu de solidarité est une prestation alternative offerte, dans les départements d'outre-mer, aux allocataires du RMI depuis plus de deux ans et âgés de cinquante au moins « qui s'engagent à quitter définitivement le marché du travail et de l'insertion ». L'inscription budgétaire pour le revenu de solidarité s'élève à 39,7 M€ en 2003 et ne représente qu'à peine 1 % de la dépense RMI. On doit toutefois observer que, curieusement, le projet de loi de finances compense au profit des départements d'outre-mer des dépenses afférentes au revenu de solidarité alors qu'aucune disposition du présent projet de loi ne prévoit le transfert de la charge de cette allocation à ces départements.

Pour en revenir au dispositif d'ensemble, il s'agit donc de faire en sorte que les départements perçoivent, en 2004, une part du produit de la TIPP « équivalente » aux « dépenses exécutées » par l'État, en 2003, au titre du RMI et du revenu de solidarité.

La variable d'ajustement de l'équation réside dans le tarif (ou plutôt les tarifs applicables aux différents carburants7) de TIPP « départementalisée », la consommation de carburants et la dépense de RMI étant des données exogènes. Ces données n'étant, par définition, pas encore connues pour 2003, la loi de finances fixe à titre provisoire, sur des bases prévisionnelles, ces tarifs et prévoit que « le niveau définitif de cette fraction sera arrêté par la plus prochaine loi de finances ». Cette plus prochaine loi de finances ne saurait être la loi de finances rectificative pour 2003 (la consommation de carburants et la dépense de RMI ne seront pas plus connues) et sera donc vraisemblablement la loi de finances pour 2005, qui figera, sur la base des règles de calcul définies par la loi de finances pour 2004, la fraction des tarifs de la TIPP affectée aux départements.

De la même manière, il est prévu une répartition de cette fraction de TIPP entre les départements sur la base de leur part dans les dépenses de RMI en 2003. Il y aura là aussi une répartition provisoire prévisionnelle, puis une répartition définitive à partir des résultats de l'année 2003.

3. Les points d'interrogation

a) La non-compensation de la création de la compétence RMA

Le texte de l'article 72-2 de la Constitution précité prévoit le cas des transferts de compétences, mais aussi celui de la création de compétences nouvelles pour les collectivités locales, qui doit être accompagnée de ressources déterminées par la loi.

Le présent article 3 mentionne effectivement la compensation des « transferts et création » de compétences réalisés par la loi, renvoyant les deux à la loi de finances. Mais l'article 40 du projet de loi de finances ne vise, quant à lui, que les transferts de compétences et fixe le montant des ressources de compensation au seul regard du RMI et du revenu de solidarité des DOM décentralisés. Qu'en est-il du revenu minimum d'activité ?

On peut soutenir qu'il est pris en compte, dans la mesure où le financement du RMA, pour les départements, consistera à verser à l'employeur l'équivalent du RMI (ou d'une part de celui-ci) qu'ils devaient aux personnes ayant signé un CI-RMA, personnes qui, à défaut, seraient très vraisemblablement restées, au moins à court terme, allocataires du RMI.

Cependant, comme l'a observé la commission des finances du Sénat, l'instauration du RMA entraînera mécaniquement des coûts supplémentaires pour les départements. En effet, du point de vue des départements, la conclusion par un allocataire d'un contrat RMA aura pour conséquence la substitution, à une allocation de RMI qui constitue un revenu différentiel (réduit à due concurrence des autres ressources des allocataires), d'un versement forfaitaire égal au plafond du RMI dont peut bénéficier une personne isolée diminué du « forfait aides au logement » ; en d'autres termes, le coût sera identique si la personne concernée n'avait aucun revenu propre pris en compte pour la calcul du RMI, et supérieur (du montant de ce revenu) sinon. Un chiffrage de ce surcoût réalisé par l'administration à la demande du Sénat aboutissait pour 2004 à 14 M€ ; les nombreux postulats que suppose cette estimation (sur le nombre de contrats RMA et la répartition de ces contrats parmi les allocataires du RMI) ne permettent pas de la valider, mais l'existence d'un surcoût mécanique immédiat de probablement quelques dizaines de millions d'euros n'est pas contestable, étant entendu qu'à moyen terme la réussite en termes d'insertion de la politique RMA devrait se traduire par une diminution du nombre d'allocataires et donc des économies budgétaires.

b) L'incidence éventuelle de mesures réglementaires

L'article L. 1614-2 du code général des collectivités territoriales dispose que « toute charge nouvelle incombant aux collectivités territoriales du fait de la modification par l'État, par voie réglementaire, des règles relatives à l'exercice des compétences transférées est compensée (...) ».

Cette disposition vise les modifications réglementaires directes de régimes d'interventions publiques transférées comme le sera le RMI. Mais se pose aussi la question des modifications d'autres régimes d'interventions qui auraient une incidence sur un dispositif décentralisé. On pense là, bien sûr, à la réforme envisagée de l'allocation de solidarité spécifique. Le Gouvernement escompte une économie budgétaire, pour l'État, de 130 M€ en 2004 et 600 M€ à terme de la limitation (sauf pour les allocataires de plus de 55 ans) de la durée de versement de l'allocation à trois ans pour les actuels bénéficiaires et deux pour les futurs, mais un nombre important des personnes concernées basculeront vraisemblablement dans le dispositif RMI, sans que la compensation financière de cet effet ait été prévue au bénéfice des départements.

Il est à noter que d'autres évolutions légales ou réglementaires, par exemple en matière d'allocation aux adultes handicapés, seraient également susceptibles d'avoir un fort impact sur les effectifs d'allocataires du RMI.

c) La notion de « dépenses exécutées par l'État »

La rédaction du projet de loi de finances pose un deuxième problème : qu'entend-t-on par « dépenses exécutées par l'État » ?

En premier lieu, on ne sait pas à quelle phase du circuit de la dépense publique renvoie la notion d'« exécution ». S'agit-il de dépenses engagées dans l'année ? mandatées ? payées ?

Deux questions (liées) ont sans doute plus d'enjeu financier :

- Parle-t-on de décaissements ou de charges « comptables » en droits constatés (l'écart correspondant notamment aux opérations sur les indus, dont la récupération incertaine donne lieu à des écritures comptables sur créances) ?

- Les organismes payeurs du RMI (caisses d'allocations familiales et de mutualité sociale agricole) sont-ils « transparents » pour la détermination des dépenses prises en considération ? En d'autres termes, la dépense de l'État pour le RMI, est-ce la somme des paiements effectués par ces organismes ou celle des paiements de l'État à ces organismes ? Dans quelle mesure tiendra-t-on compte des régularisations en « n + 1 » et des restes à verser ou recouvrer, selon le point de vue, ultérieurs ? À cet égard, le tableau ci-après, extrait du rapport 2003 de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, montre à quel point cette question est importante.

Évolution des restes à recouvrer des organismes de sécurité sociale
sur l'Etat au titre du RMI

1999

2000

2001

2002

421,5 M€

653,4 M€

817,9 M€

656,2 M€

Ce tableau retrace l'évolution des sommes dues par l'Etat, en fin d'année et au titre du RMI, aux caisses d'allocations familiales ou de mutualité sociale agricole qui servent l'allocation, bref des retards de remboursements ; encore ces créances sur l'Etat sont-elles évaluées hors premier versement de l'année « n + 1 » au titre de l'année « n » (régularisation). Le niveau de ces restes à recouvrer a fortement varié ces dernières années. Or, ces variations traduisent a priori des écarts entre la dépense effective de RMI pour les caisses et les versements de l'État : par exemple, si les restes à recouvrer ont progressé de plus de 232 M€ de fin 1999 à fin 2000, cela veut dire qu'en 2000, l'État a versé 232 M€ de moins à celles-ci qu'elles n'ont dépensé pour le RMI. Raisonnons dans l'absurde : si la compensation d'un transfert du RMI opéré en 2001 avait alors été effectuée sur la base de la dépense exécutée en 2000 par l'État à ce titre, cette base aurait été inférieure de plus de 200 M€ à la réalité de la dépense. Dans l'hypothèse où ces arriérés pour le moins conséquents ne seraient pas résorbés fin 2003, on peut aussi se demander, l'État n'ayant prévu aucune inscription budgétaire pour le financement du RMI en 2004, comment il assumera sa dette.

Par ailleurs, le texte du projet de loi de finances ne prévoit pas explicitement de compensation de la traditionnelle majoration dite « prime de Noël ». Cette prime instituée fin 1998 n'est pas pérennisée dans le droit, mais a été systématiquement versée depuis lors ; depuis fin 1999, elle est fixée, pour une personne seule, à 1 000 F, devenus 152,45 €. Le coût est de 230 à 250 M€ par an. Ce geste envers les plus démunis n'a certes pas de fondement légal et les départements seront juridiquement libres de le poursuivre ou non (sauf à ce que les décrets annuels de revalorisation du RMI décentralisé le prévoient cependant à l'échelon national), mais sa remise en cause n'est ni souhaitable, ni vraisemblable ; il risque donc de rester à la charge des départements...

Enfin, il en est de même des dépenses administratives liées à la gestion du RMI par les DDASS et les caisses sociales. Devant la commission des affaires sociales du Sénat, Mme Nicole Prud'homme, présidente de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) a chiffré le coût du service de l'allocation par les caisses d'allocations familiales à 193 M€ (ce coût n'étant actuellement pas remboursé par l'État). La Cour des comptes indique, dans son rapport public 2001, que les crédits de gestion du RMI par les services déconcentrés de l'État représentaient 23 M€ en 1997.

Le tableau ci-après montre l'enjeu financier attaché notamment à la prime de Noël et aux opérations sur créances. Il semblerait que les secondes soient prises en compte pour la détermination de la compensation, mais pas la première.

Dépenses du RMI en 2002

(en m€)

RMI versé

4 492

Prime exceptionnelle

241

Frais de tutelle

7

Indus transférés au préfet

77

Remises sur créances

38

Annulations de créances

5

Total du fonds

4 861

d) La question des « termes de l'échange »

Qui sera - financièrement s'entend - « gagnant » de l'État et des départements de l' « échange » RMI/ TIPP ? Tout dépendra naturellement des évolutions comparées des dépenses de RMI et de la consommation de carburants.

À très court terme, on relève que le texte du gouvernement permettra aux départements de bénéficier dès 2004 de l'évolution spontanée du rendement de la TIPP, évaluée à 1,7 % : les tarifs de TIPP « départementalisée » seront fixés sur la base des dépenses de RMI 2003, mais aussi de la consommation de carburants 2003, et dès 2004, si cette consommation augmente comme l'anticipe le gouvernement, le montant transféré sera supérieur aux dépenses de RMI 2003.

Pour ce qui concerne le moyen terme, un calcul fictif rétroactif peu encourageant a été effectué par la commission des finances du Sénat : si le RMI avait été départementalisé en 1993, année où il a coûté 2,4 milliards d'euros, et compensé par une quote-part de TIPP, dix ans plus tard, en 2003, les départements auraient à tarif constant perçu 3 milliards d'euros de TIPP pour couvrir près de 4,5 milliards de dépenses de RMI... Le tableau et le graphique ci-après fournissent quelques éléments de comparaison, sur deux références décennales (1992-2002 et 1993-prévisions 2003), sur le RMI, la TIPP et quelques autres grandeurs.

RMI, PIB, inflation, TIPP et DGF sur dix ans

Données monétaires en milliards d'euros

1992

1993

2002

2003 (prévisions révisées)

2002/1992 (en %)

2003/1993 (en %)

Dépenses de RMI

2,12

2,49

4,738

4,949

123,3

98,4

Nombre d'allocataires

671 242

792 944

1 090 348

n.d.

62,4

n.d.

PIB (en valeur)

1 067

1 079

1 521

1 559

42,6

44,5

Indice des prix (moyenne annuelle, base 100 en 1992)

100

102,1

116,3

118,6

16,3

16,2

Recettes de TIPP

18,13

19,27

23,96

24,67

32,2

28

Consommation globale de carburants routiers (millions d'hectolitres)

458,2

464,8

516,9

517,3

12,8

11,3

DGF (en loi de finances initiale)

14,06

14,67

18,54

18,9

31,8

28,9

Évolution de quelques grandeurs significatives

(base 100 en 1992)

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Les dépenses de RMI ont doublé sur une décennie, que l'on prenne la référence 1992-2002 ou la référence 1993-2003, du fait d'une augmentation de plus de 60 % du nombre d'allocataires et des revalorisations (évolution des prix + « coups de pouce ») de l'allocation. L'arrivée « à maturité » de la prestation RMI et l'inversion démographique prévisible à court terme sur le marché du travail peuvent faire espérer à l'avenir une évolution plus favorable du nombre d'allocataires.

Le produit de la TIPP a connu, sur une décennie, une évolution d'un peu moins ou un peu plus de 30 %, selon la référence que l'on prend, en partie du fait des hausses des tarifs ; cette évolution est inférieure à celle du PIB en valeur (supérieure à 40 %).

Si l'on s'en tient aux seules quantités consommées de carburants routiers, dont l'évolution déterminera celles des ressources affectées aux départements (puisque le texte du projet de loi de finances instaure pour chaque catégorie de ces carburants un tarif de la fraction affectée aux départements, tarif d'abord provisoire, mais qui aura vocation à être ensuite « figé » en fonction des résultats 1993 en termes de consommation pétrolière et de dépenses de RMI), l'évolution a été moindre : 11 % à 13 % selon la référence (le tableau globalise la consommation des carburants routiers, car l'analyse par carburant n'est pas pertinente vus les effets de substitution de consommation importants des dernières années, avec la disparition des carburants « plombés » et la poussée du gazole). Le « problème » que pose les accises, ou impôts fonctionnant avec un tarif appliqué à des quantités consommées, et non avec un taux appliqué à des montants monétaires, c'est que le produit de ces accises ne répercute pas mécaniquement l'inflation ; il ne le fait que si le tarif est explicitement modifié régulièrement pour ce faire, alors que le projet de loi de finances prévoit au contraire une fixation « définitive », dès l'année prochaine, de la fraction de tarif de TIPP affectée aux départements au titre du RMI.

En outre, la consommation de carburants dépendant largement de l'activité économique, alors que la dépense de RMI évolue a priori d'autant plus que la conjoncture est morose, la recette TIPP et les charges qu'elle est destinée risquent de connaître des évolutions conjoncturelles systématiquement décalées.

La référence à la dotation globale de fonctionnement est justifiée par les dispositions précitées de l'article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales selon lesquelles les ressources de compensation des transferts de compétences doivent évoluer comme cette dotation (principe qui ne paraît pas explicitement remis en cause du seul fait de la révision constitutionnelle de mars 2003). Les montants inscrits au titre de la DGF doivent sans doute être pris avec une certaine prudence du fait d'effets de périmètre. Il est toutefois clair que l'évolution de la DGF sur dix ans est voisine de celle de la TIPP et donc inférieure à celle de la richesse nationale, mais supérieure à celle de la consommation de carburants.

En fait, alors que l'évolution de l'« enveloppe normée » des concours de l'État aux collectivités locales (inscrite successivement dans le « pacte de stabilité » puis le « contrat de croissance et de solidarité ») correspond à l'inflation et une fraction de la croissance en volume du PIB, celle de la consommation de carburants a été en moyenne ces dernières années inférieures à l'inflation. Elle n'aurait pas suffi à couvrir les revalorisations annuelles du RMI à nombre d'allocataires constant.

Si l'évolution future des dépenses de RMI est difficilement prévisible, il est en revanche clair que l'assiette de la ressource de compensation, la consommation de carburants routiers, est à priori l'une des plus stables, ce qui constitue une garantie, mais aussi l'une des moins « dynamiques » qui soient, d'autant que la France s'est engagée à maîtriser cette consommation afin de lutter contre l'« effet de serre ».

e) La répartition entre départements

Dernier point sensible : la répartition du produit de TIPP transféré entre départements, que le projet de loi de finances propose de « figer » en fonction de la situation 2003.

L'analyse de l'évolution des effectifs d'allocataires du RMI sur une année révèle pourtant des évolutions très contrastées selon les départements, parfois dans des départements voisins et de structures sociologique et économique également voisines. Comme le savent bien les associations de terrain, le RMI, s'adressant notamment à des personnes sans domicile fixe, connaît des effets de report entre départements selon le caractère plus ou moins accueillant, au-delà de la seule allocation, de la politique qui y est menée vis-à-vis des exclus. La pratique « généreuse » de certaines collectivités, qui leur coûte déjà en dépenses facultatives, risque de leur coûter aussi en allocations de RMI supplémentaires non compensées.

La carte ci-jointe montre l'évolution au cours de 2002, avec des taux qui s'étagent de - 6,9 % à + 11,6 %.

L'Assemblée nationale a manifesté sa préoccupation devant cet état de fait en amendant la loi de finances de sorte qu'à partir de 2006 soit déposé un rapport trisannuel faisant apparaître « l'évolution annuelle, pour chaque département, d'un ratio harmonisé rapportant le nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion, des allocataires du revenu de solidarité et des bénéficiaires du revenu minimum d'activité au montant de la dépense [globale, le] bilan de la gestion (...) de ces politiques publiques par chaque département (...), l'analyse des variations annuelles selon les départements du nombre des allocataires (...) ».

Lors d'un colloque organisé le 27 février 2003 par l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée, M. Adrien Zeller, président de la région Alsace, après s'être déclaré favorable à une décentralisation du RMI, précisait : « Bien entendu, les moyens donnés aux départements doivent être différenciés pour tenir compte des situations. Dans le cas de l'évolution du taux de chômage de longue durée, par exemple, c'est extrêmement facile de trouver des clés de répartition à condition que ceux qui en décident ne soient pas juges et partie ».

Lors du débat au Sénat, la commission des finances a défendu un amendement prévoyant la possibilité d'une modulation départementale de la ressource qui serait transférée (dont il était déjà acquis que ce serait une fraction de TIPP). Cet amendement a été retiré.

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4. Les modifications apportées par le Sénat

Le texte initial du gouvernement visait les charges financières et qualifiait les ressources attribuées en compensation d'équivalentes. Ces deux qualificatifs ont été supprimés à l'initiative de la commission des finances du Sénat. M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de celle-ci, a produit les explications suivantes en séance publique (le 26 mai 2003) :

- l'expression « charges financières » ne figure ni dans la Constitution, ni dans le code général des collectivités territoriales ;

- la notion de « charges » tout court est moins restrictive et permettra d'intégrer à la compensation la totalité des charges, y compris les charges de personnel ;

- dans la mesure où le texte crée de nouvelles charges, en matière de RMA, dont le montant n'est par définition pas connu, il n'est pas possible d'identifier des ressources « équivalentes ».

5. Les garanties souhaitées par la rapporteure

Afin d'apporter des garanties aux départements, tout en respectant la règle organique réservant aux lois de finances la détermination des ressources transférées, qui n'ont pas nécessairement à être constituées d'une fraction d'un impôt d'État existant, la rapporteure considère qu'il est nécessaire de préciser la rédaction de cet article. Il s'agirait de faire apparaître :

- la nécessité de compenser également les charges de gestion administrative du RMI, afin que les départements soient en mesure de les rembourser aux organismes payeurs, c'est-à-dire essentiellement les caisses d'allocations familiales. La branche famille n'a pas à financer la gestion d'un minimum social ;

- la nécessité d'une compensation plus « dynamique » qu'un prélèvement assis sur la consommation de carburants et réexaminée lors de rendez-vous périodiques, compte tenu de la très grande incertitude sur l'évolution de la grande pauvreté et sur les reports entre minima sociaux pouvant résulter de modifications de ces différents dispositifs (allocation de solidarité spécifique, allocation adultes handicapés...), incertitude qui est encore plus grande au niveau de chaque département qu'au niveau national.

*

La commission a examiné en discussion commune :

- un amendement présenté par la rapporteure tendant à préciser les conditions de la compensation financière du transfert du RMI et de la création du RMA afin d'apporter des garanties aux départements, notamment en visant les charges de gestion administratives du RMI pour que les départements soient en mesure de les rembourser aux organismes payeurs, c'est-à-dire essentiellement les caisses d'allocations familiales et en imposant un réexamen annuel des conditions de la compensation ;

- un amendement présenté par M. Maxime Gremetz visant à garantir une compensation intégrale pour chaque département des charges résultant de la présente loi.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est interrogé sur la compatibilité des dispositions de l'amendement de la rapporteure avec l'article 72-2 de la Constitution relatif à la compensation des compétences transférées.

Mme Martine Billard a demandé si les charges de gestion visées incluaient les personnels, puisque de nombreux postes ont récemment été supprimés dans les administrations d'Etat.

En réponse à ces questions, la rapporteure a apporté les précisions suivantes :

- le transfert doit inclure le transfert des personnels des DDASS vers les conseils généraux ;

- les dispositions du présent article vont au-delà de l'article 72-2 de la Constitution mais n'y sont pas contraires.

M. Maxime Gremetz a observé que son amendement a globalement le même objet mais précise que la compensation est intégrale ; il a proposé une modification en ce sens à l'amendement de la rapporteure.

La commission a adopté ce sous-amendement, puis l'amendement de la rapporteure ainsi modifié, cosigné par M. Maxime Gremetz. En conséquence, l'amendement déposé par M. Maxime Gremetz est devenu sans objet.

La commission a rejeté un amendement de Mme Muguette Jacquaint tendant à prévoir la compensation d'éventuelles revalorisations du RMI ou primes exceptionnelles.

La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 3 bis

(article L. 1614-3-1 du code général des collectivités territoriales)

Extension des compétences de la commission consultative d'évaluation des dépenses résultant des transferts de compétences

Cet article additionnel, issu des débats du Sénat, est dû à l'initiative de sa commission des finances.

L'article L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales institue une commission consultative, présidée par un magistrat de la Cour des comptes et comprenant des représentants des catégories de collectivités territoriales. Cette commission est chargée par la loi :

- de donner un avis dans le cadre de la procédure réglementaire qui permet, en principe, de « constater » pour chaque collectivité les variations de dépenses liées aux transferts de compétences ;

- de produire un bilan annuel de l'évolution des charges transférées à chaque catégorie de collectivités locales.

En 2002, dans le cadre de la loi dite de « démocratie de proximité » (n° 2002-276 du 27 février 2002), a été introduit un article L. 1614-3-1 étendant la compétence de la commission à « l'évolution des charges résultant des modifications par voie législative des conditions d'exercice des compétences transférées », évolution qui doit désormais être retracée dans le bilan annuel précité, et ce pour chaque collectivité lorsqu'il s'agit de régions ou de départements. Comme le montrent les débats parlementaires, c'est la question de la dérive financière de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) que visait cette rédaction.

Le présent article ajoute aux compétences de « constat » de la commission consultative et au champ de son bilan annuel les charges résultant des créations ou extensions de compétences : ce rapport retracerait en conséquence, notamment, les charges résultant, département par département, des nouvelles compétences en matière de RMA. S'agissant du RMI, charge transférée, il est déjà couvert par l'article L. 1614-3 du code précité, à la différence que le bilan présenté au titre de cet article est opéré par catégorie de collectivités locales. Sauf à considérer le transfert du RMI comme une « extension » des compétences départementales (ce qu'est tout transfert vu du point de vue de la collectivité, mais ne semble pas être l'esprit du texte de l'article 72-2 de la Constitution, qui distingue bien le cas des transferts de compétences de celui des créations ou extensions), la commission ne sera pas formellement missionnée à l'évaluer pour chaque département.

Par ailleurs, la commission des finances du Sénat a également présenté un amendement tendant à introduire dans le code général des collectivités territoriales le principe de la compensation des créations et extensions de compétences par les ressources nécessaires à leur « exercice normal » et à placer cette compensation dans le champ de la procédure existant pour les transferts de compétences (intervention de la commission consultative, puis d'un arrêté interministériel). Cet amendement a été retiré : la Constitution impose désormais, a fait valoir le gouvernement, un recours à la loi pour fixer les ressources de compensation des compétences nouvellement créées.

*

La commission a adopté l'article 3 bis sans modification.

Article 4

(articles L. 262-14, L. 262-17, L. 262-19, L. 262-21, L. 262-23, L. 262-24, L. 262-27, L. 262-28, L. 262-35, L. 262-36 et L. 262-44 du code de l'action sociale et des familles)

Attribution au président du conseil général des pouvoirs de décisions individuelles en matière de RMI

Cet article, que le Sénat n'a pas modifié (sinon de manière strictement rédactionnelle), tire les conséquences juridiques du transfert de la compétence et de la charge financière du RMI aux départements en confiant au président du conseil général les prérogatives antérieurement dévolues au préfet en matière de décisions individuelles relatives à :

- l'agrément des organismes à but non lucratif pouvant recueillir des demandes de RMI (article L. 262-14 du code de l'action sociale et des familles) ;

- la transmission obligatoire par les centres communaux d'action sociale (CCAS) d'informations sur la situation des demandeurs (article L. 262-17 du code précité) ;

- l'attribution initiale pour trois mois de l'allocation de RMI, sa prorogation au vu du contrat d'insertion ou sa suspension en l'absence de signature de ce contrat « du fait de l'intéressé et sans motif légitime » dans le délai de trois mois précité (article L. 262-19) ;

- la suspension facultative de l'allocation en cas de non-renouvellement du contrat d'insertion expiré « du fait de l'intéressé et sans motif légitime » (article L. 262-21) ;

- la demande (qui peut être effectuée également par le président de la commission locale d'insertion ou le bénéficiaire) de révision du contrat d'insertion qui n'est pas respecté et la suspension facultative de l'allocation si ce non respect incombe à l'allocataire (article L. 262-23) ;

- la reprise du versement d'une allocation suspendue en cas de signature d'un (nouveau) contrat d'insertion (article L. 262-24) ;

- la demande (qui peut également être présentée par l'organisme payeur ou le bénéficiaire) de révision du montant de l'allocation en cas de changement de situation de l'allocataire (article L. 262-27) ;

- la fermeture du droit au RMI suite à une suspension ou une interruption de versement (article L. 262-28) ;

- la dispense de faire valoir les créances d'aliments dont le demandeur est éventuellement titulaire (article L. 262-35) ;

- le versement éventuel d'acomptes ou avances sur droit supposés (article L. 262-36) ;

- le mandatement éventuel (avec l'accord du bénéficiaire) de l'allocation à un intermédiaire qui la lui reverse et peut régler directement son loyer (article L. 262-44).

*

La commission a rejeté un amendement de suppression de l'article 4 présenté par Mme Hélène Mignon.

La commission a examiné un amendement de Mme Martine Billard tendant à laisser au préfet la compétence d'agréer les associations chargées de recevoir et d'instruire les demandes de RMI.

Mme Martine Billard a indiqué qu'il s'agit de maintenir un élément de régulation par les services déconcentrés de l'Etat afin de garantir une certaine stabilité pour les associations, notamment en cas d'alternance politique.

La rapporteure s'est prononcée contre cet amendement qui va à l'encontre du processus de décentralisation caractérisant le présent projet de loi.

La commission a adopté l'article 4 sans modification.

Après l'article 4

La commission a examiné un amendement de Mme Martine Billard tendant à maintenir le statu quo pour l'accès des étrangers au RMI.

La rapporteure a rappelé que le texte proposé ne modifie pas les modalités d'attribution du RMI mais, qu'en revanche, il prend en compte l'adoption par le Parlement de la récente loi relative à la maîtrise de l'immigration et au droit de séjour des étrangers en France.

La commission a rejeté cet amendement.

Article 5

(articles L. 262-9 et L. 262-9-1 [nouveau] du code de l'action sociale et des familles)

Règles applicables aux ressortissants de l'Union européenne et de l'Espace économique européen en matière de revenu minimum d'insertion

Cet article vise à adapter les conditions relatives au séjour applicables aux ressortissants étrangers pour l'accès au revenu minimum d'insertion aux ressortissants de l'Union européenne et de l'Espace économique européen.

L'ajout d'un nouvel alinéa à l'actuel article L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles par le 1° du présent article dispense ces ressortissants des règles applicables aux ressortissants étrangers en matière de titre de séjour pour l'accès au revenu minimum d'insertion.

L'actuel article L. 262-9 prévoit en effet que ceux-ci doivent satisfaire aux obligations prévues par l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Frances dans ses articles 12 et 14. Concrètement, outre les conditions applicables aux nationaux, les ressortissants des Etats tiers doivent donc pour bénéficier du RMI être titulaire de l'un des titres suivants :

- carte de résident ;

- carte de séjour temporaire soit à validité professionnelle justifiant d'au moins trois années de résidence régulière en France, soit portant la mention « vie privée et familiale » ;

- d'un certificat de résidence de ressortissant algérien de dix ans, soit d'une durée d'un an à validité professionnelle justifiant d'au moins trois ans de résidence régulière en France ou d'un récépissé de demande de l'un de ces titres ;

- d'un récépissé de demande de titre de séjour valant autorisation de séjour portant la mention « reconnu réfugié » d'une durée supérieure à six mois ou d'un récépissé portant la mention « reconnu réfugié » d'une durée supérieure à trois mois ;

- d'un certificat de réfugié ;

- d'un titre d'identité andorran ;

- d'un passeport monégasque ;

- d'un titre équivalent.

Les ressortissants de l'Union européenne et de l'Espace économique européen étaient jusqu'à présent soumis au même régime même si la procédure de délivrance de ces titres était pour eux simplifiée. La délivrance d'un titre de séjour n'était obligatoire qu'au-delà de trois mois et consistait le plus souvent en la simple constatation du fait qu'ils résidaient habituellement en France.

En effet, les actifs, en application de l'article 9-1 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée, sous réserve qu'ils ne représentent pas une menace à l'ordre public10, recevaient une carte de séjour de dix ans, qui devenait permanente lors du premier renouvellement. Les étudiants bénéficiaient d'un régime comparable sous réserve d'un engagement sur l'honneur de bénéficier de ressources suffisantes. Quant aux inactifs, le droit de séjour prenait la forme d'un titre d'une validité de une à cinq années sous réserve qu'ils justifient de ressources suffisantes et d'une couverture maladie.

Toutefois, l'application de ce régime simplifié se heurtait à deux difficultés. La première tenait à la lourdeur d'une procédure largement formelle : 120 000 titres (soit 20 % des titres délivrés en métropole) étaient ainsi délivrés chaque année à des ressortissants d'Etats membres de l'Union européenne, nombre appelé à augmenter avec la mobilité croissante des citoyens de l'Union et l'élargissement de celle-ci. La seconde difficulté tenait au caractère restrictif de ces règles au regard de l'évolution du droit communautaire. On rappellera qu'au-delà même du principe de libre circulation posé par l'article 18 du Traité sur l'Union européenne, la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 23 mai 200111 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leur famille de circuler et séjourner librement sur le territoire des Etats membres, en attente d'une position commune du Conseil12, prévoit un droit de séjour inconditionnel sans titre de séjour pendant une durée de six mois, un droit de séjour conditionnel au-delà de six mois de résidence mais sans obligation de titre de séjour et enfin un droit de séjour permanent après quatre ans de résidence dans un autre Etat membre.

Dès lors, l'article 14 de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité en cours d'examen par le Conseil constitutionnel a anticipé cette modification du droit européen et celle de l'article L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles proposée par le 1° du présent article en découle directement. Cet article pose en effet, dans son premier alinéa, le principe d'une dispense de tout titre de séjour pour les ressortissants communautaires ou de l'Espace économique européen.

Le 2° du présent article vise par l'insertion d'un article L. 262-9-1 au sein du code de l'action sociale et des familles à préciser que le bénéfice du RMI implique cependant pour ces ressortissants de répondre aux conditions afférentes au droit de séjour.

Ces conditions sont les suivantes :

- soit exercer une activité professionnelle ou salariée, avoir exercé une telle activité pendant dix ans ou être le conjoint, l'enfant de moins de vingt et un ans ou l'ascendant à charge d'une personne répondant à ces conditions ;

- soit, s'agissant des pensionnés, retraités ou inactifs, disposer de ressources suffisantes et d'une couverture maladie.

Le Sénat en a tiré la conclusion que : « L'articulation de ces nouvelles dispositions avec les conditions générales d'attribution du RMI conduit, de fait, à restreindre le bénéfice de l'allocation aux seuls ressortissants communautaires ayant exercé en France une activité professionnelle ou salariée et aux personnes à leur charge âgées de plus de 25 ans. »

La rapporteure ne partage pas cette opinion. Si l'article 21 de la proposition de directive précitée plaide certes par son paragraphe 2 en faveur d'une restriction du bénéfice des prestations sociales aux ressortissants exerçant une activité professionnelle et à leurs familles, d'une part, cette restriction ne serait applicable qu'avant l'acquisition du droit de séjour permanent, d'autre part, la proposition de directive n'est pas encore adoptée.

En conséquence, c'est pour l'instant l'interprétation faite du principe de non discrimination par le Cour de justice des Communautés européennes 13 qui semble devoir prévaloir. La Cour juge ainsi que la condition de ressources posée au droit de séjour est licite mais qu'elle ne peut être appréciée qu'au moment de l'octroi de celui-ci ; elle admet que la situation du bénéficiaire peut changer dans le temps pour des raisons indépendantes de sa volonté et en déduit que « les dispositions relatives à la non-discrimination et à la citoyenneté s'opposent à ce que le bénéfice d'une prestation sociale d'un régime non contributif soit subordonné à une condition dont le respect n'est pas exigé des ressortissants de l'Etat membre d'accueil ». Il n'y a donc pour l'heure aucune condition d'activité professionnelle opposable aux ressortissants d'autres Etats de l'Union s'agissant du droit à bénéficier du RMI.

En dépit de cette divergence d'interprétation, la rapporteure constate, comme l'a fait le Sénat, que cet alinéa ne modifie pas les conditions d'ores et déjà applicables aux ressortissants communautaires et que les conditions relatives au droit de séjour subordonnant l'ouverture du droit au RMI ne sont pas modifiées.

En conséquence, la rapporteure propose d'adopter cet article sans modification.

*

La commission a adopté l'article 5 sans modification.

Article 6

(article L. 262-13 du code de l'action sociale et des familles)

Information des allocataires du RMI

Actuellement, l'article L. 262-13 du code de l'action sociale et des familles prévoit l'obligation pour le demandeur, dès le dépôt d'une demande de RMI, de souscrire l'engagement de participer à une action d'insertion.

Le présent article ajoute en préalable que l'intéressé reçoit à cette occasion une « information complète sur [ses] droits et obligations ».

Informer avant d'exiger un engagement relève d'une démarche d'accès aux droits que la rapporteure ne peut que saluer dans son principe. L'adhésion à une démarche d'insertion ne peut se produire que si elle a été expliquée. Encore faudra-t-il s'assurer que :

- comme l'a souligné la commission des affaires sociales du Sénat, les organismes instructeurs se donnent les moyens d'assurer cette prestation d'information et de l'adapter à un public parfois illettré ;

- qu'en aucun cas cette mission ne soit effectuée dans l'optique de décourager les demandeurs, ou simplement d'une manière « administrative » susceptible, même involontairement, de décourager des personnes fragiles qui ont surtout besoin d'écoute.

*

La commission a rejeté un amendement de suppression de cet article présenté par Mme Hélène Mignon.

La commission a adopté l'article 6 sans modification.

Article 7

(article L. 262-14 du code de l'action sociale et des familles)

Liste des organismes habilités à instruire les demandes de RMI

Cet article, adopté sans modification par le Sénat, donne compétence aux organismes payeurs du RMI, c'est-à-dire aux caisses d'allocations familiales et de mutualité sociale agricole, pour recevoir les demandes d'allocation, sous réserve de l'agrément du président du conseil général.

D'ores et déjà, les demandes peuvent être déposées auprès des centres communaux ou intercommunaux d'action sociale, des services sociaux départementaux ou d'associations agréées à cet effet. Cette multiplicité des « guichets » d'entrée a pour objet d'assurer l'effectivité de l'accès aux droits à des personnes a priori peu au fait de l'organisation administrative. Le présent article ajoute donc un « guichet » supplémentaire qui a l'avantage d'être bien connu de nombreux allocataires potentiels, déjà bénéficiaires de prestations et/ou d'aides au logement.

*

La commission a examiné un amendement de Mme Hélène Mignon tendant à laisser au préfet la mission d'agréer les organismes payeurs habilités à recevoir des demandes de RMI.

Mme Danièle Hoffman-Rispal a rappelé les propos tenus par M. Christian Estrosi qui a indiqué que son département a mieux réussi que beaucoup d'autres dans le domaine de l'insertion. De même, les avatars de la prestation spécifique dépendance (PSD) et de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) ont montré la nécessité d'une régulation au niveau national.

La rapporteure a rappelé que la commission venait d'adopter les article 1er et 3 du présent projet, qui garantissent la revalorisation nationale du RMI et la compensation des charges transférées.

M. Maxime Gremetz s'est déclaré surpris de constater, qu'en fonction des divers textes portant des mesures de décentralisation, le représentant de l'Etat dans le département ou la région se voit attribuer ou retirer des pouvoirs.

Mme Martine Billard a estimé que, s'il est justifié de créer un guichet supplémentaire auprès des caisses de mutualité sociale agricole (CMSA), l'intérêt d'en créer auprès des caisses d'allocations familiales (CAF) n'apparaît pas clairement. Bien au contraire, la multiplication des guichets risque d'être de nature à désorienter les intéressés.

La rapporteure a observé que l'implication des CAF constitue une ouverture supplémentaire ; en effet, ces caisses sont bien connues des usagers.

M. Maurice Giro s'est étonné des nombreuses références faites par l'opposition à la nécessaire implication de l'Etat dans le RMI, alors que l'expérience prouve que, dans le domaine de l'insertion, les départements ont des moyens supérieurs à ceux du seul représentant de l'Etat.

La commission a rejeté l'amendement et adopté l'article 7 sans modification.

Article 8

(article L. 262-15 du code de l'action sociale et des familles)

Instruction administrative des dossiers de RMI

Cet article, que le Sénat n'a pas modifié, réforme substantiellement les conditions d'instruction des demandes de RMI en distinguant l'instruction « administrative », seule visée dans la nouvelle rédaction proposée de l'article L. 262-15 du code de l'action sociale et des familles, de l'instruction « sociale ».

Dans le droit en vigueur, l'instruction « administrative et sociale » des dossiers et l'élaboration des contrats d'insertion relèvent du même organisme, qui est celui auprès duquel le dossier a été déposé.

Le présent article limite l'intervention de l'organisme de dépôt du dossier à l'instruction administrative, ce qui est cohérent avec les dispositions de l'article précédent élargissant aux organismes payeurs la possibilité de recevoir et donc d'instruire administrativement les dossiers : les caisses d'allocations familiales sont certainement parmi les mieux organisées pour réaliser une telle instruction tant qu'elle s'en tient à la collecte de renseignements précis et à l'appréciation de conditions de ressources. Les organismes payeurs conserveront par ailleurs l'obligation, comme dans le droit en vigueur, d'apporter leur concours aux autres organismes instructeurs pour l'appréciation des ressources des demandeurs.

Quant aux nouvelles conditions d'élaboration du contrat d'insertion, elles sont précisées à l'article 18 du présent projet de loi (voir infra). Le lancement de l'instruction « sociale » ne sera plus concomitant de celui de l'instruction « administrative », mais aura lieu au moment de la mise en paiement de l'allocation, l'instruction « administrative » étant suffisante pour déterminer si les droits à l'ouverture de l'allocation sont réunis.

À supposer que les organismes instructeurs se soient jusqu'à présent efforcés de conduire de front l'instruction administrative et l'instruction sociale, ce recentrage sur la première de ces missions devrait accélérer la mise en paiement initiale du RMI pour les demandeurs.

*

La commission a examiné deux amendements identiques présentés par Mme Hélène Mignon et Mme Martine Billard, précisant que l'instruction des dossiers des allocataires du RMI comporte également une dimension sociale.

Mme Martine Billard a défendu son amendement en s'opposant à ce que l'on réduise les exclus à un simple dossier administratif.

La rapporteure s'est opposée aux amendements en expliquant que la séparation entre l'instruction administrative des dossiers et le suivi social des bénéficiaires a simplement pour objectif d'accélérer le versement de l'allocation, souvent vitale pour les demandeurs. Tout le monde sait qu'une enquête sociale prend beaucoup de temps et retarde d'autant le versement du RMI.

Mme Catherine Génisson a observé qu'il n'est pas possible de traiter les demandes d'accès au RMI avec une démarche strictement administrative.

La rapporteure a souligné qu'au moment du versement du RMI, il faut avant tout faire preuve d'efficacité et de rapidité. Ensuite, le président du conseil général désignera une personne chargée d'assurer le suivi social du bénéficiaire. La dimension sociale n'est donc pas écartée, mais les deux étapes sont distinguées pour plus d'efficacité.

Mme Catherine Génisson a alors demandé qu'une formation spécifique soit donnée aux agents administratif chargés de traiter ces dossiers.

Mme Martine Billard a considéré que le dispositif décrit par la rapporteure sera effectivement un progrès pour la plupart des dossiers, mais il y aura toujours des cas plus complexes pour lesquels une instruction administrative ne sera pas suffisante et risquera même de conduire à des décisions iniques. Par exemple, comment apprécier si une cohabitation correspond à un ménage, dont l'ensemble des ressources doit être pris en compte pour le calcul du RMI, ou au simple partage d'un logement ? Toujours sur ce sujet, on doit s'inquiéter que l'article 18 du projet prévoie que l'instruction administrative sera assurée par une seule personne. Une gestion des dossiers de RMI par des agents administratifs dépourvus de la moindre compétence sociale serait vraiment dangereuse.

M. Maxime Gremetz a approuvé la position de la rapporteure en rappelant que les enquêtes sociales sont toujours très longues et que cela reporte d'autant le versement de la prestation à des personnes qui en ont vraiment besoin. La séparation entre l'accession au RMI sur critères administratifs et l'accompagnement social est plutôt une bonne chose.

La rapporteure a considéré que la nécessité d'accorder une formation spécifique aux agents administratifs chargés de traiter les dossiers de demande du RMI n'est pas contradictoire avec le contenu de l'article et que, par ailleurs, on peut faire confiance aux demandeurs pour signaler et expliquer la spécificité de leur situation.

La commission a rejeté les amendements.

Elle a ensuite adopté un amendement de Mme Nadine Morano ajoutant les services départementaux d'action sociale à la liste des organismes qui peuvent apporter leur concours à l'instruction des dossiers de RMI par l'organisme ayant reçu la demande, la rapporteure ayant donné un avis favorable.

La commission a ensuite adopté l'article 8 ainsi modifié.

Article 9

(article L. 262-18 du code de l'action sociale et des familles)

Domiciliation des demandeurs de RMI

Le bénéfice de l'allocation de RMI est subordonné à une condition de résidence, celle-ci déterminant le lieu où la demande peut être déposée et le droit ouvert. Les personnes sans résidence stable doivent donc, dans le dispositif en vigueur, élire domicile auprès d'un organisme à but non lucratif agréé à cet effet. Un organisme par ressort de commission locale d'insertion (CLI) est tenu de recevoir toute déclaration d'élection de domicile.

Le présent article, que le Sénat n'a pas amendé, modifie le dispositif de l'article L. 262-18 du code de l'action sociale et des familles sur quatre points.

1. L'agrément des organismes de domiciliation, donné, dans le droit existant, conjointement par le préfet et le président du conseil général, relèvera exclusivement de ce dernier, conséquence logique de la décentralisation du RMI (a) du 1° du I de l'article 9).

2. Outre les associations agréées à cette fin, les centres communaux et intercommunaux d'action sociale (CCAS et CIAS) auront désormais la mission d'assurer la domiciliation de ceux qui le demanderont, et ce sans agrément préalable (b) du 1° du I de l'article 9).

3. Il est institué une dérogation explicite à la règle de la commune de rattachement s'agissant de l'accès au RMI des personnes « circulant en France sans domicile ni résidence fixe au sens de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 », c'est-à-dire les « gens du voyage », qui pourront, pour bénéficier du RMI, élire domicile auprès d'un organisme agréé ou d'un CC(I)AS (2° du I de l'article 9).

On rappelle que la loi précitée de 1969 impose aux gens du voyage d'être « rattachés » à une commune, par décision préfectorale sur avis motivé du maire, afin d'être inscrits sur les listes électorales et pour l'application de diverses législations (fiscale, sociale, de service national...). Ce régime spécifique a été battu en brèche par des dispositions législatives ultérieures qui, sans y prévoir de dérogation explicite, ont établi d'autres règles de domiciliation pour l'accès aux droits des personnes « sans domicile fixe » en général, donc à la fois les gens du voyage et les « SDF » au sens commun du terme :

- la loi de 1988 instituant le RMI d'où sont issues les présentes dispositions en vigueur de l'article L. 262-18 du code de l'action sociale et des familles ;

- la loi du 27 juillet 1999 instaurant la couverture maladie universelle (CMU), qui est à l'origine de l'article L. 161-2-1 du code de la sécurité sociale, lequel dispose que toute personne qui déclare ne pas bénéficier de prestations d'assurance maladie en nature doit être affiliée sans délai et que, pour ce faire, les personnes sans domicile fixe élisent domicile auprès d'un organisme agréé ou d'un CC(I)AS.

Afin d'assurer une certaine cohérence législative, l'article 79 de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a autorisé les personnes sans domicile fixe à faire élection de domicile auprès d'un organisme agréé ou d'un CC(I)AS pour l'application de la législation sur la sécurité sociale et de la législation sur l'aide aux travailleurs sans emploi en instituant explicitement une dérogation à la règle de la commune de rattachement de la loi de 1969.

En explicitant une dérogation identique à la loi de 1969 dans le cas particulier du RMI et en prévoyant les mêmes organismes de domiciliation (CC(I)AS ou organismes agréés) que dans les textes précités, le présent projet assure donc une certaine cohérence, au moins formelle, de la législation.

Encore faut-il espérer que, « sur le terrain », les organismes agréés désignés pour la domiciliation au titre de ces différentes législations soient les mêmes, afin d'assurer un accueil global des personnes concernées, qui sont souvent en situation de grande exclusion.

4. Les conditions de désignation de l'organisme tenu de recevoir toute déclaration d'élection de domicile dans chaque ressort de CLI sont précisées : cette désignation relèvera du président du conseil général, auquel le préfet se substituera en cas de carence (3° du I de l'article 9).

Le premier moyen, assez connu, dont dispose un service public pour écarter des personnes sans domicile fixe qu'il est peu désireux de prendre en charge consiste en effet à faire en sorte qu'elles ne puissent être domiciliées dans son ressort.

Afin d'assurer une répartition équitable de la charge du RMI entre départements, pour sa part correspondant aux personnes sans domicile fixe, il est donc essentiel que des règles de domiciliation homogènes et assez contraignantes pour les administrations soient mises en œuvre (tout en laissant aux personnes sans domicile fixe une liberté à laquelle elles sont attachées), d'où l'obligation de désigner, dans chaque ressort de CLI, un organisme de domiciliation tenu de recevoir toutes les déclarations et le pouvoir de substitution du préfet pour sa désignation.

La commission des affaires sociales du Sénat s'est toutefois interrogée sur l'opportunité de maintenir le principe de la désignation de cet organisme tenu de recevoir toute domiciliation, puisque les CCAS, de fait ou de droit (dans le dispositif en vigueur, seul l'agrément des organismes agréés peut prévoir les cas où une demande de domiciliation peut être refusée ; or les CCAS ne seront pas agréés), devront accepter toutes les déclarations d'élection de domicile.

5. Enfin cet article établit, pour le cas du RMI, une dérogation explicite à la règle posée à l'article L. 111-3 du code de l'action sociale et des familles selon laquelle l'accès aux prestations d'aide sociale des personnes sans domicile fixe est décidée par la commission d'admission à l'aide sociale. Il s'agit, là aussi, de mettre fin à la contradiction formelle qui existait entre cette disposition de portée générale s'agissant des prestations d'aide sociale, dont le RMI fait partie, et la législation particulière au RMI prévoyant d'ores et déjà un dispositif spécifique d'accès aux droits pour les personnes sans domicile fixe.

La rapporteure considère que les dispositions du présent article, conçues dans un esprit de respect des droits des personnes et d'harmonisation législative, doivent être approuvées, même si le risque d'effets de reports d'allocataires sans domicile fixe vers les départements « généreux » en termes de prestations extralégales ou simplement « accueillants » existe.

*

La commission a examiné un amendement présenté par Mme Hélène Mignon rétablissant l'agrément conjoint de l'Etat et du conseil général pour les organismes de domiciliation.

La rapporteure s'est opposé à l'amendement en expliquant que le présent article prévoit déjà qu'en cas de carence du président du conseil général pour la désignation de l'organisme obligé de recevoir toute domiciliation dans le ressort de chaque commission locale d'insertion, cette désignation sera assurée par le représentant de l'Etat dans le département.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement présenté par Mme Hélène Mignon disposant que l'organisme de domiciliation obligatoire dans le ressort de chaque commission locale d'insertion est uniquement désigné par le représentant de l'Etat dans le département.

Mme Catherine Génisson a expliqué que cet amendement a pour objectif d'assurer la présence de l'Etat afin de garantir l'égalité entre les individus.

Après que la rapporteure a donné un avis défavorable, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné deux amendements identiques, présentés par Mme Hélène Mignon et Mme Martine Billard, tendant à supprimer le paragraphe II de l'article.

Mme Martine Billard a précisé que l'article L. 111-3 du code de l'action sociale et des famille prévoit les conditions de versement des prestations sociales aux personnes dont la présence sur le territoire résulte de circonstances exceptionnelles et n'ont pu de ce fait choisir librement leur résidence ainsi qu'aux personnes sans domicile fixe. Or, le paragraphe II de l'article exclut le RMI du champ d'application de cet article, ce qui n'est pas acceptable.

La rapporteure a considéré que la portée du paragraphe incriminé n'avait pas été comprise par les auteurs des amendements car, bien loin d'écarter le versement du RMI aux personnes visées, son objet est de le faciliter en évitant de le subordonner à une décision de la commission d'admission à l'aide sociale.

La commission a rejeté ces amendements.

Elle a ensuite adopté l'article 9 sans modification.

Article additionnel après l'article 9

(article L. 262-19 du code de l'action sociale et des familles) 

Conditions de résidence pour l'attribution du RMI et procédure de suspension de l'allocation pour non-signature du contrat d'insertion

La commission a examiné un amendement de la rapporteure précisant, dans la législation propre au RMI, les conditions de domicile exigibles pour sa première attribution et subordonnant la suspension du versement de l'allocation pour non-signature du contrat d'insertion à un avis conforme de la commission locale d'insertion.

La rapporteure a souligné que la première partie de cet amendement a vocation à clarifier la réglementation actuelle pour accélérer le versement du RMI et que la seconde disposition est destinée à améliorer les garanties données aux allocataires. M. Jean Le Garrec a approuvé l'amendement en constatant que la rapporteure faisait son maximum pour améliorer un mauvais texte.

Le président Jean-Michel Dubernard a demandé si le conseil général est lié par la décision de la commission locale d'insertion. La rapporteure a souligné que l'amendement prévoit un avis conforme, ce qui signifie que celui-ci doit être suivi, et a estimé que cela n'était pas gênant compte tenu des pouvoirs du président du conseil général.

La commission a adopté l'amendement.

Article 10

(article L. 262-20 du code de l'action sociale et des familles)

Renouvellement du droit à l'allocation

Cet article modifie les conditions de renouvellement du droit à l'allocation de RMI en conséquence de la décentralisation de celui-ci et de la redéfinition voulue du rôle des commissions locales d'insertion :

- le pouvoir de décision pour le renouvellement de l'allocation est transféré du préfet au président du conseil général ;

- l'avis de la commission locale d'insertion (CLI) sur la mise en œuvre du contrat d'insertion, actuellement demandé en préalable au renouvellement de l'allocation, est supprimé ;

- par conséquent, un cas de suspension possible du versement de l'allocation disparaît : celui où, du fait de l'allocataire, la CLI était incapable d'émettre cet avis.

Le RMI continuera à être attribué, et donc renouvelé, pour une période comprise entre trois mois et un an.

Le président du conseil général décidera des renouvellements d'allocation « compte tenu de la mise en œuvre du contrat d'insertion », formule assez floue. La rédaction en vigueur, faisant référence à l'avis de la CLI sur la mise en œuvre du contrat d'insertion, n'était pas plus précise sur le fond de ce que l'on exige des allocataires, mais prévoyait de fait une garantie procédurale avec l'intervention de cette commission.

La nouvelle rédaction proposée par le projet peut donner lieu à des lectures contradictoires :

- Signifie-t-elle que le président du conseil général pourra refuser le renouvellement de l'allocation de manière discrétionnaire, sans consultation d'une autre instance ni respect du contradictoire et sur la base d'une appréciation non encadrée de la mise en œuvre du contrat d'insertion, dont, littéralement, il devrait seulement « tenir compte » ?

- Ou bien l'interruption de versement du RMI ne sera-t-elle possible, en dehors des cas où le bénéficiaire sort du dispositif « naturellement » (amélioration des revenus, décès...), que dans un cas de suspension explicitement prévu par la loi : c'est ce qu'implique la rédaction actuelle de l'article L. 262-20 du code de l'action sociale et des familles, puisqu'elle prévoit explicitement un cas de « suspension » de l'allocation à l'occasion d'une procédure de renouvellement (lorsque, du fait de l'allocataire, la CLI ne peut rendre son avis sur ce renouvellement), ce qui signifie que le non-renouvellement doit être considéré comme une « suspension » et ne peut donc survenir que dans les cas de suspension prévus par la loi et avec les garanties de procédure afférentes.

Le Sénat, se rangeant implicitement à la deuxième interprétation, a amendé cet article pour préciser que le renouvellement serait opéré « sans préjudice des dispositions prévues aux articles L. 262-21 et L. 262-23 », c'est-à-dire les cas de suspension de l'allocation explicitement prévus (non-renouvellement ou non-respect du contrat d'insertion du fait de l'allocataire), afin, selon le rapport de sa commission des affaires sociales, de rappeler « le lien qui existe entre l'appréciation portée sur la mise en œuvre du contrat et la procédure de suspension qui peut être engagée [et de ne pas] donner l'impression d'un droit automatique au renouvellement ».

Afin de lever toute ambiguïté et d'afficher clairement que la suspension du RMI pour non respect des engagements d'insertion ne peut être opérée que dans le cadre protecteur (respect des droits de la défense, l'intéressé pouvant faire valoir ses observations et être assisté d'un tiers ; avis de la commission locale d'insertion...) des articles L. 262-19, L. 262-21 et L. 262-23 du code précité, il serait souhaitable de faire disparaître la mention de la prise en compte de la mise en œuvre du contrat d'insertion lors du renouvellement périodique de l'allocation. Ce dernier n'aurait dès lors pour objet que d'apprécier le respect de la condition de ressources et d'ajuster (ou supprimer) l'allocation en conséquence.

*

La commission a examiné un amendement de suppression de l'article 10 présenté par Mme Hélène Mignon.

Mme Danièle Hoffman-Rispal a rappelé que les actions d'insertion sont menées conjointement par le représentant de l'Etat dans le département et par le président du conseil général. Il est donc important de maintenir le rôle de la commission locale d'insertion (CLI) car il s'agit d'une instance neutre de discussion, représentant l'ensemble des acteurs et examinant très sérieusement les dossiers.

M. Maxime Gremetz a estimé souhaitable de ne pas laisser au seul président du conseil général la décision du renouvellement du droit à l'allocation de RMI, mais de conserver un avis des CLI.

La rapporteure a estimé que cette préoccupation est satisfaite par l'amendement qu'elle présente à l'article 10. En conséquence, l'amendement a été retiré.

La commission a examiné en discussion commune :

- un amendement présenté par la rapporteure supprimant la mention de la « prise en compte de la mise en œuvre du contrat d'insertion » lors du renouvellement périodique de l'allocation ;

- deux amendements présentés par M. Maxime Gremetz et Mme Martine Billard prévoyant un avis de la commission locale d'insertion avant ce renouvellement.

La rapporteure a indiqué que, selon le texte proposé par le projet de loi, le président du conseil général décidera des renouvellements d'allocation compte tenu de la mise en œuvre du contrat d'insertion, formule assez floue. Cela signifie-t-il qu'il pourrait refuser le renouvellement de l'allocation de manière discrétionnaire, sans consultation d'une autre instance ni respect du contradictoire et sur la base d'une appréciation non encadrée de la mise en œuvre du contrat d'insertion, dont, littéralement, il devrait seulement « tenir compte » ? Ou bien la suspension du RMI pour non-respect des engagements d'insertion n'est-elle possible que dans le cadre protecteur des procédures des articles L. 262-19, L. 262-21 et L. 262-23 du code de l'action sociale et des familles ? Cet amendement vise à lever toute ambiguïté en privilégiant cette seconde interprétation.

La commission a adopté l'amendement, cosigné par M. Jean Le Garrec et M. Maxime Gremetz. En conséquence, les amendements présentés par M. Maxime Gremetz et Mme Martine Billard sont devenus sans objet.

La commission a rejeté un amendement de Mme Muguette Jacquaint précisant que la non-conclusion d'un contrat d'insertion n'est pas un motif exclusif de suspension de versement de l'allocation, après que la rapporteure a indiqué que cette préoccupation est satisfaite par l'amendement portant article additionnel après l'article 9 adopté par la commission.

La commission a adopté l'article 10 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 10

(article L. 262-21 du code de l'action sociale et des familles)

Avis conforme de la commission locale d'insertion en cas de suspension de versement du RMI pour non-renouvellement du contrat d'insertion

La commission a examiné un amendement de la rapporteure subordonnant à un avis conforme de la CLI la suspension du versement du RMI en cas de non-renouvellement du contrat d'insertion.

La rapporteure a estimé nécessaire de donner des garanties supplémentaires aux bénéficiaires du RMI, tout en recentrant les CLI sur leurs missions essentielles.

M. Jean Le Garrec a constaté que cet amendement, allant de pair avec l'obligation de consacrer un certain pourcentage à l'insertion, va dans un sens non souhaité par le Sénat et le gouvernement.

La commission a adopté l'amendement, cosigné par M. Jean Le Garrec et M. Maxime Gremetz.

Article 11

(article L. 262-23 du code de l'action sociale et des familles)

Révision du contrat d'insertion et suspension de l'allocation
en cas de non-respect de ce contrat

En cas de non-respect du contrat d'insertion, l'article L. 262-23 du code de l'action sociale et des familles prévoyait une possibilité de révision de ce contrat, à la demande du président de la CLI, du préfet ou de l'allocataire lui-même.

La combinaison des dispositions de l'article 4 du présent projet et des paragraphes 1° et 2° (introduit par le Sénat) du présent article 11 conduit à remplacer, parmi ces personnes habilitées à demander la révision du contrat, le préfet par le président du conseil général et le président de la CLI par la personne de référence qui sera chargée d'élaborer le contrat d'insertion et de coordonner sa mise en œuvre (en vertu de l'article L. 262-37 du code précité modifié par l'article 18 du présent projet de loi).

Ces modifications sont la stricte conséquence de la décentralisation du RMI et de la réduction du rôle de la CLI voulue par le présent projet : celle-ci ne devant plus intervenir dans l'élaboration et la conclusion du contrat d'insertion (cf. article 18 du présent projet précité), il est naturel qu'elle n'intervienne plus dans son éventuelle révision, mais soit remplacée à ce titre par le « référent » qui sera chargé du contrat d'insertion.

Le Sénat a d'autre part (au 3° de cet article) précisé le cas de non-respect du contrat d'insertion pouvant donner lieu à suspension de l'allocation : ce non-respect devra être le fait de l'allocataire et, a ajouté la Haute Assemblée, dépourvu de « motif légitime ». Cette dérogation du « motif légitime » étant déjà présente pour les autres cas de suspension possible de l'allocation (non-signature ou non-reconduction du contrat d'insertion), il s'agit d'une harmonisation dans un sens favorable aux bénéficiaires du RMI. Le rapport de la commission des affaires sociales du Sénat cite comme « motifs légitimes » de non-respect du contrat des raisons de santé, des motifs familiaux ou le caractère irréaliste de ce contrat.

Par ailleurs, la rapporteure considère que la suspension du versement du RMI devrait être, de même d'ailleurs que les autres cas de suspension, subordonnée à un avis conforme de la commission locale d'insertion, afin d'apporter des garanties supplémentaires aux bénéficiaires. Cette mesure irait dans le sens, voulu par le projet, d'un recentrage des CLI sur leurs missions essentielles.

*

La commission a rejeté un amendement de suppression de l'article 11 présenté par Mme Hélène Mignon, puis un amendement de suppression du deuxième alinéa de cet article présenté par Mme Martine Billard, après que celle-ci a estimé nécessaire de ne pas laisser tous les pouvoirs au président du conseil général, qui ne peut pas apprécier la validité de tous les contrats d'insertion au niveau du département, et après que la rapporteure a indiqué que cette préoccupation est satisfaite par l'amendement suivant qu'elle propose.

La commission a adopté un amendement de la rapporteure subordonnant à un avis conforme - et non plus seulement motivé - de la CLI la suspension du versement du RMI pour non-respect du contrat d'insertion, amendement cosigné par M. Jean Le Garrec, Mme Martine Billard et M. Maxime Gremetz.

La commission a adopté l'article 11 ainsi modifié.

Article 12

(article L. 262-24 et L. 262-28 du code de l'action sociale et des familles)

Clôture du droit au RMI et reprise du versement de l'allocation

L'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles traite des conditions et notamment de la date de la reprise du versement de l'allocation de RMI après une suspension de ce versement, cette date étant dans la rédaction en vigueur celle de la conclusion du contrat d'insertion ou de l'avis de la commission locale d'insertion.

Le 1° du présent article 12 supprime dans le corps de l'article L. 262-24 :

- la référence au cas de la suspension de l'allocation en application de l'article L. 262-20 de ce code, pour absence d'avis de la CLI sur la mise en œuvre du contrat d'insertion en vue d'un renouvellement de l'allocation, car ce cas de suspension est supprimé par l'article 10 du présent projet ;

- pour la détermination de la date de reprise du versement, la référence à « l'avis de la CLI », cette référence étant devenue soit superfétatoire si l'avis ici visé est bien celui mentionné à l'article L. 262-20 précité, avis qui est supprimé, soit ambiguë si elle laisse penser que la reprise du versement d'un RMI suspendu pourrait être conditionnée par un avis de la CLI. Après une suspension due à la non-signature, à la non-reconduction ou au non-respect du contrat d'insertion, la reprise du service de l'allocation sera donc uniquement subordonnée à la signature d'un (nouveau) contrat d'insertion ; en l'absence, dans le nouveau dispositif, d'intervention des CLI dans l'élaboration des contrats d'insertion, il n'y a plus lieu, effectivement, de mentionner ici leur avis.

L'article L. 262-28 du code précité traite des conditions de la clôture du droit au RMI. Le 2° du présent article 12 y supprime pour les mêmes raisons la référence à l'article L. 262-20 de ce code.

Il convient par ailleurs de s'interroger sur l'incidence de l'instauration du contrat d'insertion - revenu minimum d'activité (CI-RMA) sur la procédure de clôture du droit au RMI prévue à l'article L. 262-28 précité. Selon cet article, cette clôture a lieu en cas de suspension de l'allocation ou « d'interruption du versement », sans autre précision. Or, la conclusion d'un CI-RMA entraînera l'interruption du versement du RMI dans le cas d'une personne isolée, le revenu RMA étant supérieur (dans le cas d'un couple ou d'une famille, une allocation différentielle égale à la différence entre le RMI individuel et le RMI « familial » continuera d'être versée). Donc, en cas de conclusion d'un CI-RMA par une personne seule, ses droits au RMI, en l'état actuel du droit, devraient être clos, l'obligeant, en fin de CI-RMA ou en cas de rupture anticipée, quelle qu'en soit la cause, à refaire la démarche de demande du RMI si elle n'a pas trouvé un emploi.

S'agissant d'un revenu de survie, une rupture de versement n'est pas acceptable. Au demeurant, l'intention du gouvernement est clairement d'éviter ce genre de situations.

Il faudrait donc envisager un aménagement de même nature que celui déjà prévu à l'article L. 262-24, selon lequel le versement d'une allocation suspendue suite à la non-signature du contrat d'insertion, au non-respect de celui-ci ou à son non-renouvellement peut être repris à compter de la date de la conclusion de ce contrat : le versement du RMI serait repris à titre conservatoire en fin de RMA jusqu'à ce que le droit au RMI ait été formellement renouvelé.

*

La commission a rejeté un amendement de suppression de l'article 12 présenté par Mme Hélène Mignon.

Elle a également rejeté un amendement de Mme Martine Billard maintenant la mention d'un avis de la CLI préalable à la reprise du versement du RMI après une suspension, après que la rapporteure a indiqué que cette mention est devenue sans objet.

La commission a adopté l'article 12 sans modification.

Article 13

(article L. 262-30 du code de l'action sociale et des familles)

Service de l'allocation

L'article L. 262-30 du code de l'action sociale et des familles confie, dans sa rédaction actuelle, le service de l'allocation de RMI aux caisses d'allocations familiales (CAF) et, « le cas échéant », aux caisses de mutualité sociale agricole (CMSA). Il est prévu une convention entre ces caisses et le préfet.

Le présent article précise ces dispositions sans les modifier fondamentalement :

- le service de l'allocation restera confié aux CAF et aux CMSA, la délimitation des compétences des unes et des autres étant précisée. Les CMSA ne serviront plus, selon la loi, que leurs ressortissants (les agriculteurs et les salariés agricoles), alors que la formule en vigueur, leur donnant compétence « le cas échéant », était moins explicite. Cette délimitation correspond à la pratique actuelle et à la logique : c'est parce qu'elles connaissent leurs ressortissants en tant que bénéficiaires d'aides au logement ou de prestations familiales que les différentes caisses ont vocation à leur verser également le RMI ;

- le statut des conventions passées entre les caisses et, désormais, le département est explicité : les « règles générales » auxquelles elles devront être conformes seront fixées par décret ; les conventions concerneront les conditions du service de l'allocation, mais aussi le délégations de compétences complémentaires en matière de décisions individuelles vis-à-vis des allocataires (voir infra : article 15).

*

La commission a adopté l'article 13 sans modification.

Article 14

(article L. 262-31 du code de l'action sociale et des familles)

Neutralisation des flux de trésorerie entre les départements
et les organismes payeurs

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 262-31 du code de l'action sociale et des familles prévoit la passation d'une convention entre l'État d'une part, la Caisse nationale des allocations familiales et la Caisse centrale de mutualité sociale agricole d'autre part, pour « préciser » les conditions du service par ces caisses de l'allocation de RMI.

En vertu de l'article L. 262-30 du code précité modifié par l'article 13 du présent projet (voir supra), les conventions seront désormais passées entre les caisses locales (CAF et CMSA) et les départements.

Le présent article 14 propose une nouvelle rédaction de l'article L. 262-31 précité en apportant à la définition du régime des conventions avec les organismes payeurs deux compléments importants :

- Lesdites conventions devront assurer « la neutralité des flux financiers pour la trésorerie de chacune des parties dans des conditions prévues par décret » (premier alinéa de l'article L. 262-31 dans sa nouvelle rédaction). Le comportement récurrent de « mauvais payeur » de l'État vis-à-vis des caisses de sécurité sociale, régulièrement relevé par la Cour des comptes dans ses rapports sur la sécurité sociale, a conduit le législateur à affirmer (sans grand effet...) le principe de neutralité des flux financiers entre l'État et la sécurité sociale pour la trésorerie de celle-ci (article L. 139-2 du code de la sécurité sociale) ; il est normal que les relations entre les départements et les organismes payeurs du RMI soient régies par le même principe.

- Le cas de l'absence de convention est prévu : les organismes payeurs assureront le service de l'allocation et seront financés par le département selon le système des douzièmes provisoires, c'est-à-dire qu'ils recevront chaque mois le douzième des dépenses de RMI de l'année précédente (deuxième alinéa de l'article L. 262-31 dans sa nouvelle rédaction). Le Sénat a précisé cette disposition en spécifiant que le service de l'allocation, dans le cas donc de l'absence de convention, serait assuré dans les conditions réglementaires « prévues au présent article », afin, selon le rapporteur de sa commission des affaires sociales, que le principe de neutralité vaille également en l'absence de convention et que le décret prévu au premier alinéa puisse concerner le régime des douzièmes provisoires et le régir dans le sens de la neutralité de trésorerie.

La portée de cet ajout n'est toutefois pas évidente et il n'est pas certain qu'il réponde à l'observation justifiée de la commission des affaires sociales du Sénat selon laquelle le principe de neutralité en trésorerie des flux financiers n'est affirmé qu'en cas de passation d'une convention, non en cas d'application du régime des douzièmes. Or, le fait est qu'un financement sur la base des dépenses de l'année précédente, qui implique donc des régularisations a posteriori en cas d'évolution des effectifs d'allocataires, est naturellement assez peu compatible avec la neutralité des flux de trésorerie : si le nombre de bénéficiaires augmente, il faudra bien que les caisses sociales avancent le surplus et la neutralité en trésorerie ne sera assurée que s'il est prévu un remboursement de la charge de trésorerie liée à cette avance.

Par ailleurs, la commission des affaires sociales du Sénat a considéré que la recherche d'une neutralité de trésorerie (des opérations liées au RMI) au niveau de chaque caisse d'allocations familiales entrait en contradiction avec le principe de l'unité de gestion de la trésorerie du régime général de la sécurité sociale : selon l'article L. 225-1 du code de la sécurité sociale, la trésorerie de l'ensemble des caisses est gérée de manière commune par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). En conséquence, les difficultés de paiement de caisses locales qui seraient dues à des retard de remboursement du RMI par les départements seraient couvertes par l'ACOSS, sans que celle-ci soit « partie aux conventions, c'est-à-dire sans être assurée de la neutralité du dispositif sur la trésorerie dont elle assure la gestion ».

Un amendement a donc été déposé au Sénat pour instituer un dispositif de remontée d'information à l'ACOSS, mais retiré en séance.

Enfin, il convient de signaler que l'affirmation d'une neutralité en trésorerie ne présume pas d'une éventuelle rémunération des CAF et CMSA au titre des frais de gestion du RMI, rémunération toujours refusée par l'État. Il n'existe aucune raison légitime pour que les moyens destinés à la politique familiale soient ponctionnés pour financer la gestion d'une politique d'insertion. Il serait donc opportun d'affirmer, outre le principe de la neutralité de trésorerie des flux des départements aux organismes payeurs, celui du remboursement des frais de gestion de l'allocation.

*

La commission a examiné un amendement de la rapporteure prévoyant la couverture des frais de gestion du service de l'allocation dans le cadre de la convention entre les départements et les caisses d'allocations familiales.

La rapporteure a indiqué que l'affirmation d'une neutralité en trésorerie des flux financiers entre les départements et les organismes payeurs doit être saluée, mais ne présume pas d'un éventuel défraiement de ces organisme (les caisses d'allocations familiales et de mutualité sociale agricole) au titre des frais de gestion du RMI, rémunération toujours refusée par l'État. Il n'existe aucune raison légitime pour que les moyens destinés à la politique familiale soient ponctionnés pour financer la gestion d'une politique d'insertion. Il convient donc d'affirmer, outre le principe de la neutralité de trésorerie, celui du remboursement des frais de gestion de l'allocation.

La commission a adopté l'amendement cosigné par M. Jean Le Garrec, M. Maxime Gremetz et Mme Martine Billard.

La commission a rejeté un amendement de Mme Nadine Morano prévoyant notamment la signature des conventions entre les départements et les caisses d'allocations familiales avant le 1er janvier 2005, après que la rapporteure a indiqué qu'il n'est pas possible de préjuger à ce stade de la date d'application de la loi que retiendra in fine la commission.

La commission a adopté l'article 14 ainsi modifié.

Article 15

(article L. 262-32 du code de l'action sociale et des familles)

Délégation aux organismes payeurs des décisions individuelles

Cet article procède à une nouvelle rédaction de l'article L. 262-32 du code de l'actions sociale et des familles, qui régit actuellement les délégations de compétences du préfet aux organismes payeurs en matière de RMI.

Dans sa rédaction en vigueur, cet article inscrit ces délégations dans une convention et renvoie les autres questions, notamment celle des compétences susceptibles d'être déléguées, aux textes réglementaires d'application. L'article 36-1 du décret n° 88-1111 du 12 décembre 1988 modifié, qui définit le régime du RMI, détermine les compétences du préfet qui ne peuvent être déléguées : il s'agit notamment des différents cas de suspension de l'allocation, de la dispense éventuelle pour un demandeur de faire valoir ses créances d'aliments, du mandatement éventuel de l'allocation à un organisme qui la reverse ensuite au bénéficiaire et couvre directement certains de ses frais, etc.

Le dispositif législatif proposé, qui concerne naturellement non plus la délégation de compétences du préfet mais de compétences du président du conseil général, est plus précis :

- il est indiqué qu'il s'agit en l'espèce des compétences en matière de décisions individuelles ;

- la délégation est exclue s'agissant des décisions de suspension de versement de l'allocation, qui sont par nature les plus préjudiciables à l'allocataire ;

- les « conditions de mise en œuvre et de contrôle » de la délégation seront inscrites dans la convention générale passée avec les organismes payeurs (article L. 262-30 du code précité nouvelle rédaction).

La rédaction proposée comporte toutefois une ambiguïté qui devrait être clarifiée : il est indiqué que le département peut déléguer les compétences (en matière de décisions individuelles hors suspension) et non des compétences, ce qui pourrait être interprété comme excluant que le président du conseil général fasse un choix parmi les compétences qu'il peut déléguer.

*

La commission a rejeté un amendement de suppression de l'article 15 présenté par Mme Hélène Mignon.

La commission a examiné un amendement de la rapporteure laissant la possibilité au président du conseil général de choisir les compétences qu'il entend déléguer aux organismes payeurs.

La rapporteure a rappelé que l'article 15 procède à une nouvelle rédaction de l'article L. 262-32 du code de l'actions sociale et des familles, qui régit actuellement les délégations de compétences du préfet aux organismes payeurs en matière de décisions individuelles dans le champ du RMI. La rédaction proposée comporte une ambiguïté qui doit être clarifiée : il est indiqué que le département peut déléguer les compétences (en matière de décisions individuelles hors suspension) et non des compétences. Cet emploi de l'article défini pourrait être interprété comme excluant que le président du conseil général puisse faire un choix parmi les compétences qu'il peut déléguer et imposant une délégation en bloc. Il est donc proposé une rédaction laissant explicitement au président du conseil général la faculté de faire le tri dans les compétences qu'il souhaite déléguer.

La commission a adopté l'amendement cosigné par M. Jean Le Garrec, M. Maxime Gremetz et Mme Martine Billard.

La commission a adopté l'article 15 ainsi modifié.

Article 16

(article L. 262-33 du code de l'action sociale et des familles)

Contrôle des déclarations des bénéficiaires

Dans sa rédaction en vigueur, l'article L. 262-33 du code de l'action sociale et des familles, relatif au contrôle des déclarations des bénéficiaires de RMI, dispose notamment :

- à son premier alinéa, que les organismes payeurs du RMI peuvent se faire communiquer par l'ensemble des administrations « toutes les informations nécessaires » à la vérification de ces déclarations ;

- au deuxième alinéa, que les informations demandées par les organismes instructeurs aussi bien que par les organismes payeurs du RMI doivent être limitées « aux données nécessaires à l'identification de la situation du demandeur en vue de l'attribution de l'allocation et de la conduite des actions d'insertion » ;

- au troisième alinéa, que les informations ainsi recueillies ne peuvent ensuite être transmises qu'au préfet, au président du conseil général et au président de la CLI.

La rédaction initiale du présent article 16 se bornait à supprimer, au deuxième alinéa précité, la mention des organismes payeurs, le gouvernement soutenant qu'elle est superfétatoire dès lors que ces organismes payeurs (les CAF et CMSA) deviennent également organismes instructeurs (cf. articles 7 et 8 du présent projet). Toutefois, sur un dossier donné, l'organisme instructeur et l'organisme payeur pourront rester différents et la nouvelle rédaction aurait pu laisser penser que les limitations au droit de communication prévues au deuxième alinéa de l'article L. 262-33 du code précité ne s'appliqueraient alors qu'à l'organisme instructeur, tandis que l'organisme payeur bénéficierait des pouvoirs largement définis au premier alinéa sans aucune restriction.

Le Sénat n'a donc pas retenu cette modification du deuxième alinéa de l'article L. 262-33.

En revanche, il a décidé de supprimer la possibilité de transmission d'informations au préfet prévue au troisième alinéa, devenue sans objet avec le transfert au président du conseil général de l'ensemble de ses compétences en matière de RMI.

La rapporteure approuve cette disposition de coordination et rappelle à cette occasion son attachement à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales, qui implique des moyens juridiques adéquats.

*

La commission a examiné un amendement de suppression de l'article 16 présenté par Mme Hélène Mignon.

Mme Catherine Génisson a expliqué que cet amendement s'inscrit dans la philosophie des amendements présentés précédemment par le groupe socialiste.

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite adopté l'article 16 sans modification.

Article 17

(article L. 262-35 du code de l'action sociale et des familles)

Mise en œuvre du caractère subsidiaire de l'allocation

L'article L. 262-35 du code de l'action sociale et des familles traite de l'obligation pour les demandeurs de RMI de faire valoir préalablement leurs droits à toutes autres formes de prestations et aux aliments dont ils sont éventuellement créanciers.

Pour ce faire, ils sont, selon le troisième alinéa de l'article L. 262-35, assistés dans leurs démarches par les organismes instructeurs et les organismes payeurs du RMI. Pour les mêmes motifs qu'à l'article 16, le gouvernement proposait dans sa rédaction initiale (I du présent article 17) de supprimer la référence aux organismes payeurs, ce que le Sénat n'a pas retenu, l'identité des uns et des autres n'étant pas totale.

Le II du présent article dispose, en stricte conséquence de la décentralisation du RMI, que c'est pour le compte du département et non plus de l'État que l'organisme payeur ayant versé à titre d'avance le RMI sera subrogé dans les droits de l'allocataire sur les créances dont il est titulaire.

*

La commission a examiné un amendement de Mme Nadine Morano, précisant que les organismes payeurs du RMI sont chargés de veiller à la mise en œuvre des obligations d'assistance entre ascendants, descendants et collatéraux (obligations alimentaires), et peuvent saisir le président du conseil général si le demandeur de RMI ne fait pas valoir ses droits.

La rapporteure s'est déclarée favorable à l'amendement, dans la mesure où il permet de renforcer la lutte contre les fraudeurs, qui se heurte actuellement à de nombreuses difficultés.

Le président Jean-Michel Dubernard a fait part de ses réserves, en soulignant qu'il s'agit de confier aux caisses d'allocations familiales une nouvelle mission, qui relève de l'initiative des conseils généraux.

La rapporteure a répondu que l'amendement semble au contraire aller dans la bonne direction, puisque le projet de loi se fonde une plus grande synergie entre les partenaires. La lutte contre la fraude vise à éviter la stigmatisation des allocataires du RMI ; les fraudeurs sont très minoritaires mais contribuent à fausser le regard porté par l'ensemble de la population sur les bénéficiaires de ce revenu.

Mme Martine Billard s'est opposée à l'amendement, en soulignant son caractère abusif, dans la mesure où les problèmes liés au respect de l'obligation alimentaire renvoient surtout à la désunion des familles. Rejoignant les propos tenus par Mme Martine Billard, M. Maxime Gremetz a jugé préférable d'intervenir au niveau du contrôle. M. Jean Le Garrec s'est également opposé à cet amendement.

En réponse aux différents intervenants, la rapporteure, a jugé que la portée de cet amendement est sans doute surestimée, tout en se déclarant sensible aux arguments avancés.

Après que la rapporteure s'en est remis à la sagesse de la commission, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite adopté l'article 17 sans modification.

Article 18

(article L. 262-37 du code de l'action sociale et des familles)

Élaboration et conclusion du contrat d'insertion

Cet article procède à la réécriture de l'article L. 262-37 du code de l'action sociale et des familles relatif à l'élaboration du contrat d'insertion.

Le principe de la conclusion du contrat d'insertion dans les trois mois suivant la première mise en paiement de l'allocation de RMI est maintenu par cette nouvelle rédaction, que le Sénat n'a amendé que formellement. De même, le contrat restera conclu non seulement par l'allocataire, mais aussi par les membres de son foyer pris en compte pour la détermination de l'allocation et répondant à une condition d'âge. Enfin, le principe de la désignation d'un « référent » chargé d'élaborer le contrat d'insertion et d'en coordonner les différents aspects, actuellement prévu à l'article L. 262-15 du code, est ici repris.

Les modifications proposées par le présent article sont les suivantes :

- Le président du conseil général remplacera la commission locale d'insertion en tant que signataire du contrat et l'organisme chargé de l'instruction initiale de la demande de RMI en tant qu'autorité de désignation du « référent » (cf. supra le commentaire de l'article 8 relatif à la séparation de l'instruction « administrative » et de l'instruction « sociale »). Toutefois, la compétence de désignation du « référent » pourra être confiée, par convention, soit à une autre collectivité territoriale, soit à un autre organisme, « notamment » à un organisme instructeur, ce qui reviendrait à maintenir la situation actuelle (avant-dernier alinéa du présent article 18) ; l'emploi de l'adverbe « notamment » laisse en fait une totale liberté au président du conseil général dans la délégation éventuelle de la compétence de désignation du « référent » et donc d'élaboration du contrat d'insertion. Par ailleurs, on peut s'interroger sur la coordination entre la délégation de compétences prévue au présent article et celles, instaurées par les articles 26 et 27 du projet, portant sur la mise en œuvre du programme départemental d'insertion et des programmes locaux d'insertion.

- Une date de désignation du référent est fixée - « dès la mise en paiement de l'allocation » - et l'allocataire devra être informé de cette désignation ou de l'organisme auquel elle est déléguée (dernier alinéa de l'article).

- Il est précisé que le contrat d'insertion est élaboré avec l'allocataire et les autres membres de son foyer.

Le système des « référents » désignés par les organismes instructeurs n'a pas fonctionné jusqu'à présent. Dans son rapport précité, la Cour des comptes citait le constat désabusé d'un audit interne dans un département : « nombreux sont les allocataires présents depuis plusieurs années dans le dispositif qui n'ont jamais rencontré de référent social ».

Le présent article s'inscrit dans la logique d'ensemble du projet, consistant à concentrer les responsabilités sur le président du conseil général, et propose des avancées, telles que la fixation d'une date à laquelle le « référent » doit être désigné et l'information de l'allocataire. Il appartiendra aux départements de se doter des moyens humains suffisants (en travailleurs sociaux) pour disposer d'un nombre satisfaisant de « référents » ou, en cas de délégation, de vérifier la mise en œuvre de leurs obligations par les délégataires.

La nouvelle rédaction fait par ailleurs disparaître les dispositions relatives au contenu du contrat d'insertion qui sont inscrites dans la rédaction en vigueur de l'article L. 262-37 du code précité. Certaines de celles-ci sont reprises, sous une forme ou une autre, dans la nouvelle rédaction de l'article L. 262-38 issue du Sénat (voir infra le commentaire de l'article 19 du présent projet), notamment les notions de projet d'insertion (devenu parcours d'insertion) et d'évaluation, mais d'autres non, telle celle d'engagements réciproques assortis d'un calendrier.

Dans l'enquête de la DREES citée au début du présent rapport, portant, on le rappelle, sur 2 000 allocataires en l'an 2000, 61 % des signataires de contrats d'insertion déclaraient que le contenu du contrat avait été discuté, mais 15 % qu'ils en avaient décidé eux-mêmes et 23 % qu'« on avait tout décidé pour eux ». Même s'il s'agit de perceptions subjectives, il est anormal que le contenu d'un contrat semble avoir été décidé dans près de 40 % des cas par une seule des deux parties, soit que le désintérêt de l'administration l'ait conduit à avaliser ce que voulait le demandeur, soit que le contrat lui ait au contraire été imposé.

Il convient de réaffirmer, en premier lieu et même si c'est une évidence, que le contrat d'insertion repose sur des engagements réciproques, en second lieu qu'il est conclu dans le respect de la liberté de la partie la plus faible, qui doit avoir la parole.

*

La commission a examiné deux amendements de suppression de l'article 18 présentés par Mme Martine Billard et Mme Hélène Mignon. Mme Martine Billard a également présenté un amendement précisant que le référent social est proposé par la commission locale d'insertion.

Mme Martine Billard a tout d'abord souligné la nécessité de confier le suivi des contrats à des personnes ayant des compétences sociales, c'est-à-dire aux assistantes et aux travailleurs sociaux. Le terme de « personne » retenu par le projet de loi soulève en effet plusieurs inquiétudes, en raison de son imprécision, et sa portée juridique paraît en outre mal assurée. Il semble donc préférable de conserver la rédaction de l'actuel article L. 262-37 du code de l'action sociale et des familles ou, à défaut, d'amender le projet de loi afin de lui substituer la notion de « référent social ».

La rapporteure s'est opposée à l'amendement, qui soulève en réalité le problème de l'appréciation que l'on porte sur la décentralisation, en faisant valoir que le président du conseil général aura tout intérêt, tant d'un point de vue humain que financier, à choisir la personne la plus compétente pour exercer ces fonctions. En outre, l'amendement conduirait à priver de souplesse le dispositif prévu par le projet de loi, en définissant de façon trop restrictive la personne chargée du suivi du contrat d'insertion. La notion de « personne » présente en effet l'avantage d'inclure des personnes qui ne sont pas des travailleurs sociaux diplômés, mais qui disposent de facultés dans un domaine précis, par exemple en matière de désintoxication alcoolique. Il convient donc de garder la philosophie du projet de loi qui vise à mettre en place un accompagnement personnalisé des allocataires du RMI, de façon aussi fine que de la dentelle de Tulle.

M. Jean Le Garrec a estimé que la valeur juridique de la notion de « personne » est pour le moins contestable et qu'il semble préférable de lui substituer celle de « référent social », qui joue un rôle déterminant dans ce dispositif.

La rapporteure a répondu que, si le terme de personne présentait en effet certaines imperfections au niveau juridique, il est préférable, à ce stade, de conserver la rédaction actuelle de l'article, qui permet d'instituer un accompagnement personnalisé et un interlocuteur unique pour les allocataires du RMI.

Tout en partageant cet objectif d'individualisation, qui constitue en effet une des clés du succès de l'insertion, Mme Catherine Génisson a proposé d'amender l'article afin de préciser qu'il s'agit d'une personne « ayant des compétences sociales ».

M. Maurice Giro a pour sa part proposé de viser plutôt « les personnes » chargées d'élaborer les contrats d'insertion, au pluriel.

La rapporteure s'est opposée à ces modifications et a notamment souligné le caractère très générique de la notion de « compétences sociales ».

Le président Jean-Michel Dubernard a jugé préférable de conserver l'esprit et la rédaction du projet de loi et de procéder à des améliorations, si nécessaire, lors de la réunion de la commission au titre de l'article 88 du Règlement.

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission a ensuite rejeté ces trois amendements.

La commission a examiné un amendement de la rapporteure visant à rappeler dans la loi que le contenu du contrat d'insertion est débattu entre la personne chargée de son élaboration et l'allocataire, qu'il est librement conclu et qu'il repose sur des engagements réciproques entre les parties.

La rapporteure a indiqué qu'il s'agit d'un amendement de précision visant à souligner le caractère bilatéral du contrat.

Le président Jean-Michel Dubernard a estimé que cet amendement présente également un intérêt du point de vue humain.

La commission a adopté cet amendement, cosigné par M. Jean Le Garrec, puis a adopté deux amendements de précision présentés par la rapporteure : l'un rédactionnel, l'autre visant à spécifier clairement que seuls l'élaboration et le suivi du contrat d'insertion, et non sa signature, peuvent être délégués par le conseil général à une autre collectivité ou un autre organisme.

La commission a ensuite rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz ouvrant explicitement la possibilité au président du conseil général de déléguer l'élaboration du contrat d'insertion aux commissions locales d'insertion (CLI), après que la rapporteure a émis un avis défavorable.

Puis la commission a adopté l'article 18 ainsi modifié.

Article 19

(article L. 262-38 du code de l'action sociale et des familles)

Contenu du contrat d'insertion

Cet article très important réécrit l'article L. 262-38 du code de l'action sociale et des familles, relatif au contenu du contrat d'insertion, dans un sens qui se veut à la fois plus directif sur la nature des actions d'insertion, plus concret et plus orienté vers l'insertion professionnelle.

1. Le nouveau contenu du contrat d'insertion

En premier lieu, formellement, l'article L. 262-38 précité ne définirait plus les formes de « l'insertion proposée », sans mention explicite du contrat d'insertion (défini par l'article précédent du code et donc implicitement visé), comme dans la rédaction en vigueur, mais le contenu de ce contrat.

Par ailleurs, alors que la rédaction actuelle n'est absolument pas impérative, puisqu'elle vise les formes que « peut, notamment, » prendre l'insertion, la nouvelle rédaction impose que le contrat comporte « une ou plusieurs des actions concrètes suivantes [suit une liste] » : une de ces actions au moins sera donc obligatoirement présente dans le contrat. D'autres actions gardent leur caractère facultatif.

La liste des types d'actions d'insertion serait en fait assez peu modifiée, les principales évolutions étant la disparition de la mention de l'offre possible d' « activités d'intérêt général » et un développement plus succinct de la notion d'accès à l'autonomie sociale et d'accompagnement social : disparaîtrait la mention des moyens de cet accès constitués par « la participation à la vie familiale et civique ainsi qu'à la vie sociale, notamment du quartier ou de la commune, et à des activités de toute nature, notamment de loisir, de culture et de sport ».

En revanche, cette liste serait désormais hiérarchisée, avec la distinction entre les actions dont l'une au moins devra être présente dans tout contrat d'insertion et les autres qui restent pleinement facultatives. Dans la rédaction initiale du gouvernement, on trouvait parmi les premières : l'orientation vers le service public de l'emploi ; les activités ou stages destinés à améliorer les compétences professionnelles ou à favoriser l'insertion en milieu de travail. Dans cette rédaction, tout contrat d'insertion aurait donc dû comporter une mesure orientée vers l'emploi.

2. Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a enrichi la liste précitée des mesures alternatives « obligatoires » du contrat d'insertion en y ajoutant : l'accès à un emploi aidé, notamment un contrat insertion - revenu minimum d'activité, ce qui permet d'établir un lien entre les deux volets du présent projet ; des prestations d'accompagnement social ou visant à l'autonomie sociale, ce qui permettra d'avoir, le cas échéant, des contrats d'insertion s'en tenant à ce volet « social » (dans la rédaction initiale du projet, l'accompagnement social était renvoyé aux mesures facultatives). Dans l'esprit de bien adapter les contrats aux capacités des allocataires et d'anticiper la fin de certaines des actions (stages, emplois aidés...) qui y sont inscrites, fin qui ne doit pas entraîner de rupture du parcours d'insertion, le Sénat a également précisé que le contenu du contrat était établi « selon la nature du parcours d'insertion [que les allocataires] sont susceptibles d'envisager ou qui peut leur être proposé ».

Le Sénat a enfin institué une « évaluation semestrielle [des contrats] donnant lieu éventuellement à un réajustement des actions », disposition dont l'application changera profondément la gestion des contrats d'insertion, si l'on en croit l'étude de la DREES, citée au début du présent rapport, où il apparaît que 42 % des contrats d'insertion, pour un échantillon de 2 000 « contractants » en 2000, n'ont donné lieu à aucun bilan.

3. La nécessité d'affirmer la légitimité des actions d'insertion sociale

Cette étude faisait également apparaître que 54,4 % seulement des contrats d'insertion pris en compte comportaient (au moins) une mesure en lien avec l'emploi, 14,2 % une mesure en lien avec la formation, 13,1 % une mesure en lien avec la santé et 32,5 % une mesure d'action sociale (plus d'un quart des contrats combinant des mesures dans les différents champs, le total est supérieur à 100).

De même, l'accès global des allocataires du RMI aux mesures « emploi » de tous genres (stages, contrats aidés, prestations ANPE...) apparaît faible et très inégal selon les départements, comme il ressort de la carte ci-après. Il ne dépasse jamais 45 % et est parfois inférieur à 10 %.

Dès lors qu'un tiers des contrats existants ne comportent de mesures ni d'accès à l'emploi, ni de formation, que les deux tiers des allocataires (plus de 90 % dans certains départements) n'accèdent pas pour l'heure à des mesures « emploi », la rédaction initiale du gouvernement aurait été excessivement directive et inadaptée à ceux des allocataires du RMI qui ne sont pas en état de répondre à des mesures de ce type.

graphique

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L'analyse de la répartition des dépenses départementales d'insertion montre de même le poids des dépenses d'insertion sociale, presqu'aussi importantes que celles d'insertion professionnelle.

L'affirmation de l'importance des mesures d'accompagnement, auxquelles les conseils généraux devront être convaincus d'accorder les moyens nécessaires et qui constituent, pour les personnes en grand exclusion, le préalable à toute insertion ultérieure dans l'emploi, justifierait même qu'elles soient placées en tête de la liste législative des mesures des contrats d'insertion.

Par ailleurs, la création ou la reprise d'une entreprise peut constituer, dans certains cas, une forme d'insertion réussie. Le programme CIVIS comportera un volet ayant cette orientation. La rapporteure considère que l'assistance à ce type de projets doit aussi être prévue dans le cadre du dispositif d'insertion du RMI.

*

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission a rejeté un amendement de suppression de l'article présenté par Mme Martine Billard.

La commission a ensuite examiné un amendement de rédaction globale présenté par Mme Hélène Mignon, visant notamment à valoriser, parmi les mesures d'insertion proposées aux bénéficiaires du RMI, les mesures sociales d'accompagnement, l'accès aux soins et l'accès au logement.

Mme Danièle Hoffman-Rispal a souligné que les mesures d'accompagnement social constituent un préalable important à la reprise d'une activité professionnelle. La rapporteure a répondu que l'amendement qu'elle proposait au même article permettait de répondre à ces préoccupations sociales.

Mme Catherine Génisson a toutefois jugé utile de reprendre les mentions relatives aux soins médicaux et à l'accès au logement. La rapporteure a indiqué que ces mentions sont déjà présentes dans le projet de loi.

La commission a ensuite rejeté l'amendement.

La commission a examiné en discussion commune :

- un amendement présenté par la rapporteure plaçant l'accompagnement social au premier rang des mesures d'insertion et précisant que le contrat d'insertion peut également comporter une assistance à la création ou à la reprise d'entreprise ;

- un amendement présenté par Mme Martine Billard visant à mieux prendre en compte le rôle du secteur associatif dans l'insertion.

La commission a adopté l'amendement de la rapporteure, cosigné par Mme Hélène Mignon, M. Maxime Gremetz et Mme Martine Billard, ce qui a rendu sans objet celui de Mme Martine Billard.

La commission a rejeté un amendement présenté par Mme Martine Billard mentionnant les différentes formes d'accompagnement social proposé de manière à ce que l'action d'insertion prenne la personne dans son ensemble.

La commission a enfin adopté un amendement de précision de la rapporteure prévoyant une évaluation régulière des contrats d'insertion.

Puis elle a adopté l'article 19 ainsi modifié.

Article 20

(articles L. 262-38-1 et L. 262-38-2 [nouveaux] du code de l'action sociale et des familles)

Mise en œuvre et suivi des actions d'insertion professionnelle

Cet article crée deux nouveaux articles du code de l'action sociale et des familles, numérotés L. 262-38-1 et L. 262-38-2, afin de préciser et d'étendre à l'ANPE le dispositif, pour l'heure prévu assez vaguement à l'article L. 262-38, des conventions passées avec des organismes de formation professionnelle dans le cadre des actions d'insertion.

Il est proposé d'inscrire, dans des conventions passées entre le département et les organismes chargés de l'emploi (ANPE et autres) et de la formation professionnelle, les modalités de mise en œuvre des mesures d'orientation vers le service public de l'emploi et des stages de formation ou d'insertion inscrits au contrat d'insertion.

Ces conventions traiteront notamment, selon le texte législatif, des données nominatives qui pourront être échangées dans ce cadre et une attestation trimestrielle de suivi de l'action d'insertion par l'allocataire sera adressée au « référent » d'insertion (cf. nouvelle rédaction de l'article L. 262-37 du code précité résultant de l'article 18 du présent projet).

Dans la rédaction initiale du présent projet, il était prévu que cette attestation vaille contrat d'insertion, cela étant présenté comme une simplification des formalités. Le Sénat l'a refusé. Le rapporteur de sa commission des affaires sociales a apporté des éléments d'explication convergents :

- accepter de considérer comme tel une attestation réduirait considérablement la portée du contrat d'insertion, faisant disparaître la notion de parcours d'insertion et remplaçant un ensemble de démarches diverses destinées à atteindre un résultat, l'insertion, par une obligation ponctuelle ;

- cela mettrait fin, de fait, à la réciprocité des engagements entre la collectivité et l'allocataire, qui porterait seul la responsabilité d'un échec.

Le Sénat a par ailleurs aménagé les conséquences du non-suivi de l'action d'insertion, en prévoyant le respect des « droits de la défense » et en coordonnant la rédaction avec celle de l'article L. 262-23 du code précité tel que votée par le Sénat (article 11 du présent projet) : le bénéficiaire sera convoqué et mis en demeure de présenter ses observations ; ensuite, soit la révision du contrat d'insertion pourra être demandée par le « référent » si le non-suivi de l'action d'insertion par l'allocataire a des « motifs légitimes », soit la procédure de suspension pour non-respect du contrat d'insertion pourra être engagée.

*

La commission a rejeté un amendement de suppression de l'article 20 présenté par Mme Hélène Mignon.

La commission a ensuite examiné en discussion commune :

- un amendement de suppression de l'article L. 262-38-2 nouveau du code de l'action social présenté par la rapporteure ;

- un amendement de Mme Nadine Morano visant à ce que le « référent » soit informé le plus rapidement possible de l'interruption éventuelle de l'action d'insertion.

La rapporteure a indiqué que le dispositif d'attestation trimestrielle de suivi des actions d'insertion professionnelle constituerait une formalité inutile dès lors qu'un dispositif d'alerte immédiate du « référent social » en cas de non-suivi de ces actions serait instauré, ce que propose l'amendement présenté par Mme Nadine Morano, qu'elle approuve donc.

Mme Martine Billard s'est déclarée défavorable à l'amendement de Mme Nadine Morano, estimant qu'il s'agit d'un véritable couperet. La procédure est en outre inapplicable en raison du manque de moyens des administrations et des associations.

Mme Hélène Mignon s'est étonnée que l'amendement puisse sous-entendre qu'il n'y ait aucun contact pendant un mois entre le « référent » et l'allocataire.

M. Maxime Gremetz a jugé que le dispositif proposé relevait d'une bureaucratie tatillonne.

La commission a adopté l'amendement de la rapporteure.

Par conséquent, l'amendement de Mme Nadine Morano est devenu sans objet.

La commission a ensuite adopté l'article 20 ainsi modifié.

Article 21

(article L. 262-39 du code de l'action sociale et des familles)

Recours contentieux contre les décisions relatives à l'allocation

Cet article supprime la composition particulière de la commission départementale d'aide sociale (CDAS) lorsqu'elle statue sur un recours contre une décision en matière de RMI.

Actuellement, cette commission, composée normalement du président du tribunal de grande instance ou de son représentant, de trois conseillers généraux et de trois représentants des services de l'État, comprend également pour les affaires de RMI, selon le deuxième alinéa de l'article L. 262-39 du code de l'action sociale et des familles, deux représentants du conseil départemental d'insertion.

Cette règle particulière peut apparaître comme potentiellement contraire aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme sur la notion de procès équitable devant un « tribunal indépendant et impartial », dont l'interprétation par la Cour européenne éponyme proscrit toute situation de « juge et partie ». Or, les membres du conseil départemental d'insertion peuvent se trouver être membres de commissions locales (le président de chaque CLI étant membre de droit du conseil départemental), lesquelles émettent un avis dans les procédures de suspension de l'allocation ensuite déférées éventuellement à la CDAS.

Plus généralement, le fondement de cette composition spécifique de la CDAS pour les affaires de RMI n'apparaît pas clairement.

Afin d'apporter aux bénéficiaires du RMI de meilleures garanties, la rapporteure estime par ailleurs qu'il serait utile de :

- donner aux recours présentés par les allocataires devant la CDAS un caractère suspensif, le maintien du RMI présentant pour eux un caractère vital ;

- permettre aux associations œuvrant dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion d'agir en justice en lieu et place des allocataires, parfois peu conscients de leurs droits et peu aptes à suivre les différentes phases d'une procédure.

*

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission a rejeté un amendement de suppression de l'article 21 présenté par Mme Hélène Mignon.

La commission a ensuite examiné un amendement de la rapporteure visant d'une part à donner aux recours présentés par les allocataires contre des décisions de suspension du RMI un caractère suspensif et d'autre part à permettre aux associations d'agir en justice en lieu et place des allocataires.

Après avoir déclaré qu'il partage l'esprit de l'amendement, le président Jean-Michel Dubernard s'est demandé si cette disposition a sa place dans le présent texte et ne relève pas plutôt de la procédure civile. Mme Martine Billard a demandé si, en cas de confirmation de la décision de suspension de l'allocation, l'allocataire devrait rendre les sommes versées.

Après que la commission a adopté l'amendement, cosigné par Mme Hélène Mignon, M. Maxime Gremetz et Mme Martine Billard, elle a adopté l'article 21 ainsi modifié.

Article 22

(article L. 262-43 du code de l'action sociale et des familles)

Récupération des sommes servies au titre de l'allocation

L'article L. 262-43 du code de l'action sociale et des familles pose le principe de la récupération éventuelle du RMI sur succession ou cession de l'actif (mais pas en cas de retour à meilleure fortune, ce que prévoit également l'article L. 132-8 du même code pour l'ensemble des prestations d'aide sociale), récupération qui ne doit être exercée que sur la fraction de l'actif net dépassant un seuil fixé par décret.

En l'absence de prise de ce décret, le RMI ne fait pas l'objet, jusqu'à présent, de récupérations sur succession.

Le présent article se borne à modifier le deuxième alinéa de l'article L. 262-43 précité, relatif non à l'assiette de la récupération, mais à ses modalités de recouvrement : il n'y a plus lieu de prévoir un recouvrement au profit de l'État, mais d'aligner ces modalités sur le régime de recouvrement de l'ensemble des prestations légales d'aide sociale.

Cette modification ne préjuge pas de la fixation ou non, par voie réglementaire, d'un seuil de recours sur succession en matière de RMI, qui permettrait la mise en application de la disposition législative précitée.

*

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission a rejeté deux amendements de suppression de l'article 22, l'un présenté par Mme Hélène Mignon, l'autre par Mme Muguette Jacquaint.

M. Maxime Gremetz a relevé que le projet de loi fait basculer le RMI du statut d'aide d'Etat au statut de prestation d'aide sociale départementale. Par conséquent, il subit le même sort que les autres prestations en matière de récupération sur succession. Or, la récupération sur succession, quasiment jamais entreprise par l'Etat, risque de devenir une réalité pour les allocataires en passant dans le champ de l'aide sociale départementale. Il faut donc garantir que cette récupération ne pourra jamais être mise en place. Dans l'état actuel du droit, un simple décret pourrait la créer.

La rapporteure a confirmé que le droit en vigueur prévoit qu'un décret institue cette récupération. Le décret n'a jamais été signé. Le projet de loi n'y change rien : les présidents de conseils généraux ne pourront à eux seuls mettre en place la récupération sur succession.

La commission a adopté l'article 22 sans modification.

Article 23

(article L. 262-44 du code de l'action sociale et des familles)

Mandatement de l'allocation à un organisme agréé

Le quatrième alinéa de l'article L. 262-44 du code de l'action sociale et des familles institue une possibilité de mandatement de l'allocation de RMI non à l'allocataire, mais « à un organisme agréé à cet effet, à charge pour celui-ci de la reverser au bénéficiaire, éventuellement de manière fractionnée, et le cas échéant d'acquitter le montant du loyer restant imputable à l'allocataire ». Il s'agit d'une mesure de protection pour des personnes qui ont des difficultés particulières de gestion d'un budget sans relever d'une mesure lourde et contraignante de tutelle aux prestations sociales.

Conformément à la philosophie générale de « recentrage » des commissions locales d'insertion, cet article tend à supprimer l'avis préalable de la CLI à ce mandatement, qui sera décidé par le président du conseil général, mais restera subordonné à l'accord du bénéficiaire. Ce dernier point paraît en effet constituer une garantie suffisante.

Le Sénat a adopté cet article sans l'amender.

*

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission a rejeté un amendement de suppression de l'article présenté par Mme Hélène Mignon et un amendement présenté par Mme Nadine Morano visant à instituer un avis préalable du « référent social » aux demandes de mandatement du RMI à un tiers.

La commission a adopté l'article 23 sans modification.

Article 24

(article L. 263-1 du code de l'action sociale et des familles)

Fin du co-pilotage du dispositif local d'insertion

L'article L. 263-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction en vigueur, pose le principe d'un « co-pilotage » du dispositif d'insertion des allocataires du RMI par l'État (représenté par le préfet) et le département, qui s'assurent le « concours » des autres collectivités territoriales et des autres personnes morales, notamment les associations, qui concourent à la lute contre la pauvreté et l'exclusion.

L'inefficacité de ce co-pilotage a été souvent dénoncée, la Cour des comptes évoquant par exemple, dans son rapport public précité, l'incapacité des départements du Nord et du Pas-de-Calais à adopter un programme départemental d'insertion pour la plupart des exercices qu'elle analysait (années 1990).

Le présent article 24 procède à une réécriture de cette disposition qui place la conduite de la politique d'insertion des bénéficiaires du RMI sous la responsabilité exclusive du président du conseil général, l'État n'apportant plus que son « concours », au même titre que les autres collectivités ou les associations.

Le Sénat a amendé la version initiale du projet pour :

- faire mention du concours des organismes chargés de l'emploi et de la formation professionnelle ;

- modifier la définition des associations appelées à concourir à la politique d'insertion, lesquelles, selon le projet d'origine, devaient être celles « concourant à l'insertion sociale et professionnelle », et sont devenues dans le texte sénatorial celles « oeuvrant dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion ».

Cette formulation se réfère à celle employée dans la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions (n° 98-657 du 29 juillet 1998) et, en insistant non seulement sur les actions d'insertion, mais aussi sur celles de lutte contre l'exclusion, nous rappelle que les allocataires du RMI peuvent être des personnes traversant « une mauvaise passe », mais aussi des « grands exclus » qui justifient des actions de nature particulière. La rapporteure l'approuve donc.

*

La commission a adopté l'article 24 sans modification.

Article 25

(article L. 263-2 du code de l'action sociale et des familles)

Composition et rôle du conseil départemental d'insertion

L'article L. 263-2 du code de l'action sociale et des familles définit la composition et certaines modalités de fonctionnement du conseil départemental d'insertion (CDI).

Le présent article 25 procède à une réécriture partielle de ces dispositions :

- La composition du CDI est modifiée afin d'être calée sur la nouvelle rédaction de l'article L. 263-1 (cf. supra le commentaire de l'article 24 du présent projet), mais reste définie, comme dans le droit en vigueur, de manière assez vague. Le dernier alinéa de l'article apporte cependant une précision significative : les représentants au CDI des différents organismes seront désignés par ces organismes, le président du conseil général se bornant à en arrêter la liste.

- Dans la rédaction en vigueur, les membres du CDI sont nommés conjointement par le préfet et le président du conseil général, qui coprésident également le conseil. Cette co-nomination et cette coprésidence sont supprimées ; le président du conseil général présidera le CDI.

- Enfin, l'avant dernier alinéa du présent article 25 introduit une nouvelle définition des compétences du CDI, également traitées par l'article 26 et commentées en conséquence infra.

Les deuxième et troisième alinéas en vigueur de l'article L. 263-2 précité, disposant respectivement que les présidents des commissions locales d'insertion sont membres de droit du CDI et que ce dernier se réunit au minimum deux dois par an, ne sont pas modifiés.

Le Sénat a procédé dans cet article à une modification de cohérence avec celles effectuées à l'article 24, en y introduisant la mention des organismes chargés de l'emploi et de la formation professionnelle et des associations oeuvrant dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion.

*

La commission a examiné un amendement présenté par Mme Hélène Mignon visant à renforcer le rôle des associations dans l'élaboration du programme départemental d'insertion. La rapporteure a émis un avis défavorable.

La commission a rejeté cet amendement.

Puis elle a adopté l'article 25 sans modification.

Article 26

(article L. 263-3 du code de l'action sociale et des familles)

Programme départemental d'insertion

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 263-3 du code de l'action sociale et des familles définit de manière assez détaillée la procédure d'élaboration, d'adoption et de suivi du programme départemental d'insertion (PDI), missions qui relèvent du conseil départemental d'insertion : il est ainsi prescrit la transmission de prévisions sur les actions d'insertion par le préfet et le président du conseil général avant le 31 décembre (de l'année « n - 1 »), la tenue d'une réunion pour évaluer la mise en œuvre et éventuellement réviser le PDI dans les six mois suivant son adoption, la transmission de rapports...

La combinaison de la nouvelle rédaction de l'article L. 263-2 du code précité par l'article 25 du présent projet (avant-dernier alinéa) et de la nouvelle rédaction de l'article L. 263-3 de ce code par le présent article 26 conduisait, dans le projet de loi initial, à un dispositif différent et beaucoup plus sommaire :

- le rôle du conseil départemental d'insertion était réduit à donner un avis sur le programme départemental d'insertion et à suivre son exécution, l'adoption de ce programme relevant désormais du conseil général ;

- en ce qui concerne la procédure, la seule règle était celle de l'adoption du PDI de l'année par le conseil général avant le 31 mars.

Le Sénat a avalisé cette nouvelle architecture, mais a souhaité préciser quelque peu le contenu et les conditions de mise en œuvre du PDI :

- le PDI, selon la rédaction issue du Sénat, recensera en particulier les besoins de la population et l'offre locale d'insertion, formulation visant, selon le rapport de sa commission des affaires sociales, à souligner l'importance de s'intéresser aussi à l'offre d'insertion et de prendre en compte les besoins d'insertion d'un public plus large que les seuls bénéficiaires du RMI ;

- il est fait mention de la possibilité de mise en œuvre du PDI à travers des conventions avec les différents organismes, collectivités et associations concernés.

Par ailleurs, le rapport du Sénat s'interroge sur le « paradoxe » qu'il semble y avoir à vouloir recentrer CDI et CLI sur la définition de la politique générale d'insertion et à réduire en même temps le rôle du CDI dans ce dernier domaine. Il justifie cette option par l'inefficacité, jusqu'à présent, des CDI, instances souvent pléthoriques, et espère que le transfert de la compétence d'élaboration du programme d'insertion aux conseils généraux permettra plus d'efficacité et une meilleure programmation budgétaire.

*

La commission a adopté l'article 26 sans modification.

Article 27

(article L. 263-4 du code de l'action sociale et des familles)

Programmes locaux d'insertion

L'article L. 263-4 du code de l'action sociale et des familles prévoit, dans sa rédaction actuelle, l'examen des programmes locaux d'insertion (PLI) par le conseil départemental d'insertion (CDI), lequel propose, le cas échéant, d'affecter des moyens à leur exécution. L'article L. 263-14 du même code détermine le contenu des PLI et prévoit leur transmission au CDI aux fins susmentionnées.

Le présent article 27, dans la version initiale du gouvernement, prévoyait :

- le transfert du CDI au conseil général de la compétence d'examen des PLI et d'affectation éventuelle de moyens à leur exécution ;

- l'instauration d'une délégation de compétences facultative, par voie de convention, du département aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale pour la mise en œuvre des PLI.

Le Sénat a revu la rédaction du gouvernement, sans en modifier le fond mais dans une optique de cohérence rédactionnelle. Il a renvoyé à un article spécifique du présent projet (en l'espèce l'article 32 bis : voir infra) la modification (de pure coordination) de l'article L. 263-14 du code de l'action sociale et des familles et il a précisé :

- que le conseil général non seulement « examine », mais « approuve » ensuite les programmes locaux d'insertion, en cohérence avec l'article 29 du présent projet, qui réduit le rôle des commissions locales d'insertion de l'« élaboration » à la simple « proposition » des programmes locaux d'insertion au conseil général ;

- que le conseil général ne propose pas d'affecter des moyens à l'exécution des PLI, mais les affecte directement, puisque cela fait partie de ses prérogatives budgétaires ;

- enfin, que la délégation de la mise en œuvre des PLI ne peut concerner un établissement public de coopération intercommunale que s'il est « compétent » (en matière sociale).

En matière d'insertion des bénéficiaires du RMI, le présent projet prévoit donc trois types de délégations facultatives de compétences par le département :

- pour la désignation du « référent » chargée d'élaborer le contrat d'insertion et de coordonner les différents aspects de sa mise en œuvre, opérée au profit d'une autre collectivité territoriale ou d'un « organisme », notamment un organisme instructeur des demandes de RMI (article 18 du présent projet) ;

- pour la mise en œuvre de mesures du programme départemental d'insertion, au profit de toute collectivité ou organisme concourant à la politique d'insertion (article 26 du présent projet) ;

- pour celle d'un programme local d'insertion au profit de communes ou d'établissements publics de coopération intercommunale en application du présent article 27.

*

Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la commission a adopté un amendement présenté par M. Rodolphe Thomas visant à identifier et reconnaître le rôle des collectivités locales, en particulier des régions, en matière d'insertion.

La commission a ensuite adopté l'article 27 ainsi modifié.

Article 28

(articles L. 263-5 à L. 263-9 du code de l'action sociale et des familles)

Crédits départementaux d'insertion

Cet article prévoit l'abrogation d'articles du code de l'action sociale et des familles relatifs aux crédits départementaux d'insertion.

1. Le projet de loi prévoit l'abrogation des articles L. 263-6 à L. 263-8 du code de l'action sociale et des familles afin, notamment, de tenir compte de la décentralisation de la gestion du revenu minimum d'insertion.

Seule l'abrogation de l'article L. 263-6 du code de l'action sociale et des familles relève d'une logique différente. En effet, cet article ouvrait la possibilité pour le département d'imputer les crédits concourant à la création d'un emploi jeune - dès lors que le bénéficiaire était allocataire du revenu minimum d'insertion à la date d'embauche de ce contrat - sur les crédits d'insertion départementaux. La mise en extinction du dispositif « Nouveaux services emplois jeunes » - qui se traduit par l'absence en 2003 de création de nouveaux postes14 et donc, compte tenu des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 263-6 limitant la durée de l'aide départementale à un an, par l'absence d'inscription de tels crédits aux budgets départementaux à compter du 1er janvier 2004 - justifie pleinement l'abrogation de cet article.

L'abrogation des articles L. 263-7 et L. 263-8 du code de l'action sociale et des familles vise à tirer les conséquences de la décentralisation de la gestion du RMI et de la logique de responsabilisation des départements portées par le texte.

L'article L. 263-7 du code de l'action sociale et des familles prévoit un dispositif de conventionnement relatif aux modalités, notamment financières, de mise en œuvre du programme départemental d'insertion, d'une part de façon impérative entre l'Etat et le département, d'autre part, de façon facultative, par des conventions avec la région, les communes, les associations et les autres personnes morales de droit public ou privé concourant à l'insertion, à la formation professionnelle et à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion.

De fait, compte tenu de la décentralisation, le conventionnement obligatoire entre l'Etat et le département n'a plus de raison d'être. En revanche, il y a intérêt à conserver la faculté pour les départements de mettre en place une démarche contractuelle avec les acteurs de l'insertion précités et l'article L. 263-1 du code de l'action sociale et des familles modifié par l'article 24 du projet répond à ce souci.

L'article L. 263-8 du code de l'action sociale et des familles se prête sans équivoque à une abrogation pure et simple. Il confie en effet au pouvoir réglementaire (ministères en charge de l'intérieur, de l'action sociale et de l'emploi) les compétences de pilotage en matière d'insertion lorsqu'il y a désaccord entre le président du conseil général et le préfet sur l'exercice des compétences d'insertion et, plus généralement, lorsqu'il y a carence dans leur mise en œuvre. L'exercice par le seul département de l'ensemble des compétences en matière d'insertion rend cet article sans objet.

2. Le Sénat a en outre, sur proposition de la commission des finances saisie pour avis - le gouvernement s'en étant remis à la sagesse du Sénat - , étendu la démarche d'abrogation portée par le présent article aux articles L. 263-5 et L. 263-9 du code de l'action sociale et des familles.

On rappellera que l'article L. 263-5 prévoit l'inscription obligatoire au budget du département dans un chapitre individualisé de crédits équivalents à 17 % des sommes versées aux bénéficiaires du RMI dans le départements l'année précédente, ces crédits étant destinés au financement des structures et des actions d'insertion. L'article L. 263-9 prévoit quant à lui le report automatique sur l'exercice suivant des crédits non engagés au titre de cette obligation ainsi qu'un mécanisme de substitution du représentant de l'Etat pour une fraction de ces crédits.

La commission des finances du Sénat a proposé d'abroger ces deux articles pour deux raisons : le présent projet de loi encadre la décentralisation du RMI puisque c'est l'Etat qui fixe le montant de l'allocation et les conditions objectives y ouvrant droit ; la suppression de l'obligation de 17 % constituerait selon les termes de M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances, une forme de reconnaissance de la « bonne volonté des conseils généraux », un « regain de (...) confiance dans les départements ».

Par ailleurs, cette obligation serait « inopérante » dans la mesure où la reconduction des crédits ne serait pas obligatoire et ne permettrait pas le financement du plan départementale d'insertion.

La rapporteure de L'Assemblée nationale ne peut pas partager pleinement ce jugement. Il convient tout d'abord de rappeler que l'obligation des 17 % ne constitue pas une nouveauté mais au contraire la reconduction d'une obligation existante, issue du transfert à l'Etat par l'institution du RMI des dépenses d'aide sociale obligatoires précédemment assurées par les départements. L'idée était que ceux-ci devaient continuer de s'impliquer dans la politique d'insertion en dépit de l'institution du RMI. Il ne s'agit donc ni d'une charge nouvelle, ni d'une charge indue et la disposition permet au contraire de décentraliser la gestion du RMI toutes choses égales par ailleurs.

Le maintien de cette obligation constituerait-il un signe de défiance à l'égard des départements ? Telle n'est pas l'opinion de la rapporteure. La défiance constituerait à quantifier une obligation de versement de fonds au titre du RMI. Tel n'est pas le cas. Il ne s'agit pas de prévoir une somme minimale en faveur des actions d'insertion mais d'instaurer un rapport minimum entre le versement du RMI et les actions d'insertion : la mesure constitue en réalité une garantie pour les départements qui ne pourront être réduits au rôle de guichetiers du RMI et se doteront des moyens nécessaires à une réelle insertion des bénéficiaires, à leur sortie du dispositif.

Protectrice des intérêts à long terme du département, l'obligation de 17 % est-elle « inopérante » ? M. Michel Mercier a rappelé les critiques formulées par la Cour des comptes à l'encontre de la mise en œuvre concrète de l'obligation. La Cour a effectivement relevé « une grande difficulté des départements, même les plus concernés par les phénomènes d'exclusion, à utiliser les crédits ainsi inscrits à leur budget ». Cette difficulté se traduit par le fait qu'aucun des départements figurant dans l'échantillon étudié par la Cour ne parvient à utiliser ces crédits et par le caractère contestable de certaines des dépenses effectuées, la qualité de bénéficiaires du RMI des personnes ainsi aidées n'étant pas suffisamment contrôlée.

Ces difficultés ne semblent pas insurmontables. La sous-consommation des crédits est en effet largement imputable à la montée en charge du dispositif RMI et aux reports cumulés dans les premières années de mise en œuvre de ce dispositif. Peut-être serait-il opportun d'envisager une opération d'apurement de ces reports. Par ailleurs, les départements seront désormais directement intéressés à la réalisation d'actions d'insertion efficaces au profit des bénéficiaires du RMI dont l'efficacité permettrait une économie sur les futures dépenses d'allocation.

En conséquence, la rapporteure propose de revenir - sous réserve d'adaptations liées à la décentralisation et de la reprise dans ce même article de certaines des dispositions de l'article L. 263-9 - sur l'abrogation de l'article L. 263-5 du code de l'action sociale et des familles souhaitée par le Sénat, ce qui constituerait en outre un signal fort en direction des acteurs de l'insertion.

*

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz de suppression de l'article.

M. Maxime Gremetz a précisé que cet amendement vise à rétablir pour les départements l'obligation d'inscription d'un crédit d'insertion équivalent à 17 % des sommes versées au titre du RMI.

Quoique partageant cette intention et ayant déposé un amendement en ce sens, la rapporteure s'est déclarée défavorable à l'amendement, la seule suppression de l'article laissant persister des dispositions juridiquement incohérentes avec la décentralisation.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de la rapporteure de rédaction globale de l'article visant à rétablir, après sa suppression par le Sénat, l'obligation pour les départements d'inscrire à leur budget 17 % des sommes consacrées l'année précédente au financement de l'allocation du RMI et de les consacrer au financement d'action d'insertion en faveur des allocataires.

La rapporteure a rappelé les raisons militant en faveur d'un tel rétablissement : il n'est que le maintien de l'obligation existante ; il garantit que les départements se doteront ainsi de moyens nécessaires à une réelle insertion des bénéficiaires et constitue de ce point de vue un signal fort en direction des acteurs de l'insertion. Par ailleurs, l'amendement procède à un apurement des reports antérieurs qui permet de démarrer la décentralisation sur des bases saines.

M. Maxime Gremetz a rappelé qu'il existe de grandes disparités entre les départements face à la précarité économique et sociale. Ainsi certains départements dans le Nord ou la Picardie ont un budget social peu élevé pour un nombre de bénéficiaires du RMI important. Le texte devrait tenter de mettre en œuvre un rééquilibrage entre ces départements. L'égalité est une bonne chose mais elle ne suffit pas lorsque les situations sont trop disparates.

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné que ce rétablissement de l'obligation pour les départements d'inscrire à leur budget 17 % des sommes consacrées l'année précédente au financement de l'allocation du RMI est sans conteste un progrès, cette obligation contribuant à une plus grande homogénéité des situations.

La rapporteure a indiqué la difficulté de mettre fin aux disparités. Toutefois, une étude de la direction des recherches, des études, de l'évaluation et de la statistique d'octobre 2003 montre que le RMI est le dispositif d'aide sociale le moins marqué par ces inégalités, probablement du fait de l'obligation des 17 %.

Mme Danièle Hoffman-Rispal a déclaré ne pas entièrement comprendre le sens de l'amendement. En effet, il existe une sous-consommation des crédits par les conseils généraux. Or, cet amendement propose un apurement de ces reports constatés à la fin de l'année 2003, ce qui constitue incontestablement une mesure défavorable financièrement au RMI et aux politiques d'insertion.

Mme Martine Billard a jugé contradictoire le rétablissement de l'obligation de 17 % et la suppression du mécanisme de report des crédits. Ces crédits non consommés pourraient être utilisés pour des mesures d'insertion, par exemple à Paris le plan d'humanisation des CHRS.

M. Pierre-Louis Fagniez a estimé que cette mesure avait un sens en terme de responsabilisation des départements dans le cadre de la décentralisation du RMI.

La rapporteure a indiqué qu'il existe en effet une grande difficulté des départements, même les plus concernés par les phénomènes d'exclusion, à utiliser ces crédits inscrits à leur budget. Elle est largement imputable aux reports cumulés dans les premières années de montée en charge du dispositif du RMI. Il convient donc d'apurer ces reports constatés, afin que la décentralisation démarre sur des bases saines et claires. La mesure proposée n'empêchera en aucune façon de reporter les crédits de 2003 sur 2004. Pour cet exercice, il est juste proposé de rendre le report facultatif.

M. Maxime Gremetz a déclaré qu'il aurait été préférable de donner « un coup de pouce » aux départements les plus pauvres plutôt que d'apurer des crédits.

La commission a adopté l'amendement et l'article 28 ainsi modifié.

Article 29

(article L. 263-10 du code de l'action sociale et des familles)

Commission locale d'insertion

Cet article vise à modifier les dispositions relatives aux commissions locales d'insertion afin de tenir compte du fait que le pilotage de l'insertion est confié au conseil général (paragraphes I et IV), de recentrer les commissions locales d'insertion sur leur mission d'animation en les déchargeant de l'examen des contrats d'insertion (paragraphe II), de confirmer leur rôle en matière de suspension du RMI (paragraphe III).

Le paragraphe I modifie les 3° et 4° de l'article L. 263-10 du code de l'action sociale et des familles pour tenir compte du fait que le présent projet de loi confie au conseil général le pilotage de l'insertion. La commission locale d'insertion adressera ses propositions en vue de l'élaboration du plan départemental d'insertion non plus au conseil départemental d'insertion mais au président du conseil général.

Par ailleurs, dans le même esprit, la commission locale d'insertion n'élaborera plus le programme local d'insertion mais transmettra au conseil général des propositions en vue de son élaboration. La commission locale d'insertion est donc recentrée sur un rôle de proposition et non plus de mise en œuvre directe.

Le paragraphe II répond au même objectif. En lieu et place du 6° actuel de l'article L. 263-10, le texte propose de confier à la commission locale d'insertion la mission de proposer les mesures propres à favoriser ou à conforter l'insertion et simultanément de la débarrasser de la tâche d'approuver les contrats d'insertion liés au RMI. Le maintien du 5° actuel qui charge la commission locale d'insertion de l'animation de la politique locale d'insertion et le 6° ainsi modifié contribuent à recentrer la commission locale d'insertion sur sa fonction de réflexion, de prospective et de proposition étouffée dans le dispositif actuel par la lourdeur du processus d'approbation des contrats d'insertion.

Le paragraphe III confirme la compétence de la commission locale d'insertion pour émettre un avis sur les suspensions du versement du RMI. Il fait ainsi figurer de façon explicite dans les missions de la commission locale d'insertion sous la forme d'une compétence générale les avis suivants déjà existants :

- avis sur la suspension du RMI en l'absence d'établissement du contrat d'insertion dans le délai de trois mois, suivant la demande initiale, prévu à l'article L. 262-19 du code de l'action sociale et des familles ;

- avis sur la suspension à l'échéance du contrat d'insertion précédent lorsqu'il n'est pas renouvelé ou lorsqu'un nouveau contrat n'a pu être établi, prévu à l'article L. 262-21 ;

- avis motivé sur la suspension en cas de non respect du contrat d'insertion, prévu à l'article L. 262-23 du code de l'action sociale et des familles - du code de l'action sociale et des familles.

La rapporteure estime nécessaire de renforcer le poids de l'avis de la commission locale dans tout ou partie de ces procédures compte tenu des conséquences d'une suspension pour les bénéficiaires et de la lourdeur et des délais des procédures de recours contre les décisions de suspension.

Le paragraphe IV, cohérent avec la philosophie du texte consistant à confier le pilotage de l'insertion au conseil général, modifie le 9° de l'article L. 263-10 du code de l'action sociale et des familles, en confiant au seul président du conseil général la compétence pour décider du nombre et du ressort des commissions locales d'insertion du département.

Sous réserve de la modification évoquée au paragraphe III, la rapporteure propose d'adopter, à l'instar du Sénat, le reste de cet article sans modification.

*

La commission a adopté un amendement de la rapporteure, faisant de l'avis rendu par les commissions locales d'insertion (CLI) dans les procédures de suspension du RMI, un avis conforme.

La commission a adopté l'article 29 ainsi modifié.

Article 30

(article L. 263-11 du code de l'action sociale et des familles)

Composition de la commission locale d'insertion

Cet article procède à une nouvelle rédaction de l'article L. 163-11 du code de l'action sociale et des familles fixant la composition et les modalités de désignation des membres de la commission locale d'insertion.

La rédaction du nouvel article L. 263-11 proposée par le projet de loi laissait une totale liberté au président du conseil général pour désigner les membres de la commission locale d'insertion, y compris son président.

Le Sénat, sur proposition de sa commission des affaires sociales malgré l'avis défavorable du gouvernement qui souhaitait que « le conseil général dispose d'une grande liberté d'appréciation », a réécrit cet article qui comporte désormais deux alinéas.

Le premier alinéa du nouvel article L. 263-11 traite de la composition de la commission locale d'insertion. Il s'apparente à la rédaction actuelle de l'article en ce qu'il prévoit la présence de représentants des services de l'Etat, des communes situées dans le ressort de la commission locale d'insertion, des organismes chargés de l'emploi et de la formation professionnelle et des personnes agissant dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion.

Il s'en distingue par plusieurs points :

- tout d'abord, il prévoit la présence de représentants des établissements publics de coopération intercommunale compétents en la matière ;

- ensuite, il ne fait plus explicitement mention de certains membres de droit actuels, tel le maire de la commune siège de la commission locale d'insertion ;

- on observera que la disparition de certains des membres antérieurement cités n'aura pas nécessairement de conséquences puisque le président du conseil général peut choisir les membres de la commission locale d'insertion « notamment » parmi les catégories énoncées et peut donc le faire en dehors de celles-ci ;

- enfin, cette énonciation des catégories ne lie pas le président du conseil général quant au poids de la présence de chacune à la différence du droit actuel qui prévoit par exemple une représentation à parité des services de l'Etat et de ceux du conseil général.

Le second alinéa du nouvel article L. 263-11 du code de l'action sociale et des familles précise les modalités de désignation des membres de la commission locale d'insertion. Cette compétence est confiée au seul président du conseil général chargé d'arrêter la liste des membres, éventuellement désignés par la collectivité ou la personne morale qu'ils représentent, et de désigner le président.

La rapporteure propose d'adopter cet article dans la rédaction du Sénat.

*

La commission a adopté l'article 30 sans modification.

Article 31

(article L. 263-12 du code de l'action sociale et des familles)

Coordination

Le présent article prévoit l'abrogation de l'article L. 263-12 du code de l'action sociale et des familles relatif à la fixation de la liste des membres de la commission locale d'insertion et à la désignation de son président.

L'abrogation de cet article se justifie par le traitement de ces questions dans l'article L. 263-11 du code de l'action sociale et des familles issu de l'article 30 du projet de loi.

La rapporteure propose donc, à l'instar du Sénat, d'adopter cet article sans modification.

*

La commission a adopté l'article 31 sans modification

Article 32

(article L. 263-13 du code de l'action sociale et des familles)

Bureau de la commission locale d'insertion

Cet article, adopté sans modification par le Sénat, modifie les dispositions de l'article L. 263-13 du code de l'action sociale et des familles relatives à la composition et aux attributions du bureau de la commission locale d'insertion.

Le du présent article modifie la composition du bureau de la commission locale d'insertion pour l'adapter à la décentralisation. Comprenant autrefois un représentant de l'Etat parmi ses sept membres précisément énumérés, le bureau de la commission locale d'insertion est désormais composé librement par celle-ci.

Le du présent article tire les conséquences de la modification de l'actuel article L. 263-10 par les II et III de l'article 29 du projet de loi en mettant fin à la possibilité pour la commission locale d'insertion de déléguer à son bureau le pouvoir d'approuver les contrats d'insertion (compétence confiée au président du conseil général) et en lui octroyant celui d'émettre par délégation des avis sur les suspensions envisagées du RMI.

La rapporteure propose d'adopter cet article en l'état sous réserve d'une modification de coordination avec l'article 29 (précision sur le caractère conforme de l'avis).

*

La commission a adopté un amendement de la rapporteure faisant de l'avis rendu, par délégation, par le bureau de la commission locale d'insertion dans les procédures de suspension du RMI, un avis conforme.

La commission a adopté l'article 32 ainsi modifié.

Article 32 bis (nouveau)

(article L. 263-14 du code de l'action sociale et des familles)

Élaboration du programme local d'insertion

Cet article, créé par le Sénat sur proposition de sa commission des affaires sociales avec avis favorable du gouvernement, vise à adapter les modalités d'élaboration du programme local d'insertion aux dispositions des articles 27 et 29 du projet de loi.

L'article 29 du projet de loi prévoit dans son paragraphe I que le programme local d'insertion fait l'objet de « propositions » de la commission locale d'insertion adressées au président du conseil général. Dès lors, il convient de supprimer la référence à son « adoption » par la commission locale d'insertion dans l'article L. 263-14 du code de l'action sociale et des familles. Il convient également de prévoir que la vérification de sa conformité au plan départemental d'insertion ne serait plus assurée par le conseil départemental d'insertion mais par le conseil général.

Par ailleurs, l'article 27 du projet de loi a prévu dans la nouvelle rédaction de l'article L. 263-4 du code de l'action sociale et des familles que le conseil général affecte, le cas échéant, les moyens nécessaires à l'exécution du programme local d'insertion. Dès lors, les dispositions de l'actuel article L. 263-14 du même code prévoyant que le conseil départemental d'insertion affecte des moyens au programme local d'insertion deviennent sans objet et le présent article propose à juste titre de les supprimer.

La rapporteure propose d'adopter cet article dans la rédaction du Sénat.

*

La commission a adopté l'article 32 bis sans modification.

Article 33

(articles L. 522-1 à L. 522-3, L. 522-5, L. 522-6, L. 522-9, L. 522-11 à L. 522-13,
L. 522-15 et L. 522-17 du code de l'action sociale et des familles)

Décentralisation du RMI dans les départements d'Outre-mer

Le présent article vise à étendre, en tenant compte de leur spécificité, les dispositions relatives à la décentralisation du RMI aux départements d'outre-mer par la modification de plusieurs articles du chapitre II du titre II du livre V du code de l'action sociale et des familles.

Le paragraphe I modifie les missions des agences départementales d'insertion (ADI).

Par la suppression du deuxième alinéa de l'article L. 522-1 du code de l'action sociale et des familles, le du présent paragraphe tire les conséquences de l'alignement du RMI versé outre-mer sur le niveau de la métropole prévu par la loi n° 2000-1207 d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000, alignement effectif au 1er janvier 2002. Dès lors, le cofinancement par l'Etat et l'agence départementale d'insertion de programmes de logements sociaux pour les bénéficiaires du RMI - contrepartie du fait que le RMI dans les départements d'outre-mer ne représentait antérieurement que 80 % de celui versé en métropole - n'a plus lieu d'être.

Le du présent paragraphe confie en revanche aux agences départementales d'insertion une compétence nouvelle, celle relative aux décisions individuelles concernant l'allocation du RMI. A la différence de la métropole, où la décision d'attribution de l'allocation est transférée du préfet au président du conseil général, la compétence en outre-mer est dévolue à l'agence départementale d'insertion. Il convient toutefois de préciser que ces décisions ne concernent que l'octroi du RMI et non son éventuelle suspension qui, en vertu de l'article L. 522-13 modifié par le IX du présent article, relève la seule compétence du président du conseil général.

On peut s'interroger sur la cohérence d'un tel dispositif.

Le paragraphe II modifie l'article L. 522-2 du code de l'action sociale et des familles en tirant les conséquences de la décentralisation sur le fonctionnement de l'agence départementale d'insertion. Son président devient ainsi, en vertu du 1° du présent paragraphe, l'ordonnateur des recettes et dépenses de l'agence, fonction jusqu'à présent assumée par le directeur de celle-ci. Le 2°, en supprimant les trois derniers alinéas de l'article L. 522-2 met fin au statut de commissaire du gouvernement exercé par le préfet auprès de l'agence. Ce contrôle étendu (droit à la communication de l'ensemble des actes, nouvelle délibération du conseil d'administration de l'agence départementale d'insertion de droit à sa demande) n'a plus lieu d'être dans un dispositif décentralisé.

Le paragraphe III opère une nouvelle rédaction de l'article L. 522-3 du code de l'action sociale et des familles relatif à la composition du conseil d'administration de l'agence départementale d'insertion.

Si la qualité des représentants n'est pas modifiée, leur poids respectif l'est de façon notable puisque le conseil comprenait jusqu'à présent en nombre égal des représentants des services de l'Etat, des collectivités territoriales et des personnalités qualifiées et que la rédaction proposée prévoit que la majorité des membres sera constituée de représentants du département. Par ailleurs, c'est le président du conseil général qui arrête la liste des membres.

Le paragraphe IV modifie l'article L. 522-5 du code de l'action sociale et des familles, là encore pour l'adapter à la décentralisation du RMI, en prévoyant que la nomination du directeur de l'agence départementale d'insertion relève désormais du seul président du conseil général qui ne disposait jusqu'à présent que d'un pouvoir de proposition, la décision relevant d'un arrêté interministériel. Il tire en outre les conséquences du transfert par le 1° du II du présent article de la fonction d'ordonnateur au président de l'agence départementale d'insertion en en déchargeant le directeur qui l'exerçait jusque là.

Le paragraphe V modifie la composition du comité d'orientation visé à l'article L. 522-6 du code de l'action sociale et des familles, placé auprès du directeur de l'agence départementale d'insertion et consulté sur l'élaboration du plan départemental d'insertion ainsi que sur celle du programme annuel de tâches d'utilité sociale. Sa composition reste inchangée - représentants des organisations syndicales représentatives et des institutions, organismes ou associations intervenant dans le domaine économique et social ainsi que, novation du présent article, en matière de formation professionnelle - si l'on excepte les présidents des commissions locales d'insertion ou leurs représentants qui ne sont plus mentionnés. De fait, l'article L. 522-7 du code de l'action sociale et des familles prévoyant que les agences départementales d'insertion « exercent les missions dévolues aux commissions locales d'insertion dans les départements d'outre-mer », il s'agit là d'une disposition de cohérence qui ne fait qu'entériner la suppression des commissions locales d'insertion dans les départements d'outre-mer. Par ailleurs, conséquence de la décentralisation, la désignation de ces représentants relève désormais du seul président du conseil général.

A la différence des précédents, le paragraphe VI, relatif au financement des actions d'insertion, a fait l'objet de modifications par le Sénat, sur proposition de sa commission des affaires sociales avec avis favorable du gouvernement.

En effet, le texte initial du projet de loi se contentait de prévoir, en cohérence avec la décentralisation des crédits d'insertion et le 1° du I du présent article, d'abroger le premier alinéa de l'article L. 522-9 du code de l'action sociale et des familles relatif au versement par l'Etat de sa contribution aux actions d'insertion.

Le Sénat a, par coordination avec l'abrogation de l'obligation d'inscription des crédits d'insertion par les départements au sein de leur budget introduite à l'article 28 (cf. supra le commentaire de cet article), abrogé les deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article L. 522-9. Il les a remplacés par une contribution du département au budget de l'agence définie dans des conditions fixées au IX bis nouveau introduit par lui au présent article.

Sensible à l'argumentation du Sénat sur la difficulté pour le département d'être financeur de la dépense d'allocation du RMI et des dépenses d'insertion afférentes sans maîtriser l'octroi de ces crédits confiés à l'agence départementale d'insertion, la rapporteure n'en estime pas moins que le rétablissement de l'obligation d'inscription sur le budget départemental15doit valoir dans les DOM comme en métropole et un amendement sera proposé en ce sens. La résolution de cette difficulté pour le département passe plus vraisemblablement par l'alignement du mode de pilotage de l'insertion dans les départements d'outre-mer sur celui proposé pour la métropole.

Le paragraphe VII consiste en une simple adaptation à la décentralisation de l'article L. 522-11 du code de l'action sociale et des familles, en confiant en particulier au président du conseil général la compétence d'agrément des organismes instructeurs des dossiers.

Le paragraphe VIII propose d'abroger l'article L. 522-12 du code de l'action sociale et des familles qui prévoit l'obligation pour l'organisme instructeur d'informer le demandeur de l'allocation des droits et obligations liés au RMI. La disposition apparaît tout à fait utile et son abrogation ne résulte que de l'extension de ce dispositif à l'ensemble des départements prévue par l'article 6 du projet de loi (cf. supra le commentaire de cet article).

Le paragraphe IX répond à un double objectif. Il substitue la compétence du président du conseil général à celle du préfet dans la procédure de suspension du RMI prévue à l'article L. 522-13 du code de l'action sociale et des familles et tire les conséquences de la suppression de l'une des procédures de suspension du RMI (prévue à l'article L. 262-20 du code de l'action sociale et des familles) par l'article 10 du projet de loi.

Ce paragraphe appelle deux observations de la part de la rapporteure. La coordination faite avec les dispositions de l'article 10 ne vaut que si la décision de renouvellement de l'allocation par le président du conseil général constitue une compétence liée. La rédaction adoptée par le Sénat pour cet article ne fait pas ressortir clairement ce point (cf. supra le commentaire de l'article 10).

Par ailleurs, le transfert en apparence logique de la compétence en matière de suspension ou de radiation du préfet au président du conseil général ne semble pas si évident. Comment justifier le fait que le droit à l'allocation serait octroyé par l'agence départementale d'insertion tandis que sa suspension ou sa suppression relèverait de la compétence du président du conseil général ? Soit on estime, comme le Sénat, que l'ensemble de la compétence devrait revenir au président du conseil général, soit on estime comme l'a fait le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité devant le Sénat qu' « il ne convient pas d'obliger le président du conseil d'administration de l'agence départementale d'insertion, qui est le président du conseil général, à statuer lui-même sur les décisions individuelles. Il faut que le législateur ne vise que la personne morale », auquel cas, il semble que la décision de renouvellement, de suspension ou de radiation devrait également revenir à l'agence départementale d'insertion. Une clarification s'impose sur ce point et devrait établir une cohérence avec le paragraphe I.

Le paragraphe IX bis introduit par le Sénat, sur proposition de sa commission des affaires sociales avec avis favorable du gouvernement, est une disposition de coordination avec la rédaction adoptée par le Sénat sur le paragraphe VI du présent article. Compte tenu de sa position sur l'obligation d'inscription sur le budget départemental, la rapporteure propose donc par cohérence de revenir au texte actuel de l'article L. 522-15 du code de l'action sociale et des familles, modifié par le présent paragraphe, sous réserve d'une modification de coordination.

Le paragraphe X constitue une mesure de coordination avec l'extinction de la créance de proratisation entérinée par le 1° du I du présent article.

*

La commission a adopté deux amendements de la rapporteure : l'un rétablissant l'obligation d'inscription des crédits d'insertion au budget du département dans les départements d'outre-mer (DOM), à l'instar de ce qui a été fait pour la métropole ; le second visant à aligner le régime de suspension du RMI dans les départements d'outre-mer sur celui applicable en métropole.

La rapporteure a évoqué la persistance de différences dans le pilotage du dispositif d'insertion entre la métropole et les DOM. Dans ceux-ci, la compétence en matière de décisions individuelles est conférée non pas au président du conseil général mais à l'agence départementale d'insertion (ADI) dont le président du conseil général préside par ailleurs le conseil d'administration. Faut-il en rester là ? On pourrait envisager un amendement de clarification afin que le régime juridique soit le même en métropole et dans les départements d'outre-mer. Cependant le ministère de l'outre-mer semble réticent à un tel alignement qu'il juge superfétatoire dans la mesure où l'agence départementale d'insertion est présidée par le président du conseil général.

M. Maxime Gremetz a rappelé que des référendums doivent avoir lieu dans les départements d'outre-mer. Si le résultat de ces référendums va dans le sens de l'unification et de la simplification administrative, il n'y aura plus logiquement de conseils généraux à moyen terme en outre-mer.

Mme Juliana Rimane a indiqué que contrairement aux Antilles, le référendum sur ce sujet n'était pas d'actualité en Guyane. Il conviendrait d'obtenir du ministère et des députés d'outre-mer plus de renseignements sur le régime juridique et surtout sur les pratiques locales en matière de RMI, les dispositions du texte n'ayant probablement pas fait l'objet d'une concertation.

La commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel de la rapporteure et un amendement du même auteur de cohérence avec le rétablissement de l'obligation d'inscription des crédits d'insertion au budget du département.

La commission a adopté l'article 33 ainsi modifié.

Article 34

(articles L. 531-2 et L. 531-5-1 [nouveau] du code de l'action sociale et des familles)

Décentralisation du RMI à Saint-Pierre-et-Miquelon

Cet article adapte les règles relatives à la gestion du RMI et au pilotage de l'insertion à la spécificité de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le 1° du présent article met fin, par la modification de l'article L. 531-2 du code de l'action sociale et des familles, à la situation atypique de Saint-Pierre-et-Miquelon, s'agissant des crédits départementaux d'insertion obligatoirement inscrits au budget départemental en vertu de l'article L. 263-5 du même code. En effet, alors que les départements métropolitains sont astreints à une obligation représentant 17 % des crédits attribués l'année antérieure au titre du RMI, elle est pour la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon jusqu'à présent de 20 %. Par la suppression de cette disposition antérieure à la mise en place de la couverture maladie universelle, Saint-Pierre-et-Miquelon se voit appliquer les règles de droit commun de l'article L. 263-5.

Le 2° du présent article insère un article L. 531-5-1 nouveau dans le code de l'action sociale et des familles, créant une commission territoriale d'insertion.

Le projet de loi crée dans le premier alinéa de ce nouvel article une commission territoriale d'insertion. Celle-ci exerce les missions dévolues dans les départements métropolitains :

- au conseil départemental d'insertion : la commission territoriale élabore et adopte un programme territorial d'insertion, équivalent du programme départemental d'insertion défini à l'article L. 263-3 du code de l'action sociale et des familles ;

- à la commission locale d'insertion : la commission territoriale exerce donc les missions définies à l'article L. 263-10 du code de l'action sociale et des familles modifié par l'article 29 du projet de loi, c'est-à-dire notamment l'animation du réseau d'insertion.

Toutefois, il convient d'observer que la commission territoriale d'insertion - comparable au bureau des commissions locales d'insertion en métropole - exerce en vertu du quatrième alinéa du présent article, la compétence d'examen des contrats d'insertion dont ne disposent plus les commissions locales d'insertion en métropole en vertu de l'article L. 263-10 précité.

Il conviendrait donc soit d'affirmer la compétence expresse de la commission territoriale d'insertion sur ce point, soit d'harmoniser le régime applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon avec celui de la métropole en confiant cette compétence au président du conseil général de Saint-Pierre-et-Miquelon.

On observera par ailleurs que la composition de la commission territoriale d'insertion proche de celle du conseil départemental d'insertion métropolitain en diffère par la présence d'acteurs plus socio-économiques que strictement sociaux : il est ainsi fait référence aux entreprises et aux acteurs « intervenant dans le domaine économique et social » et non à ceux œuvrant dans le domaine « de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion ».

Le Sénat, outre l'interrogation partagée sur la compétence de la commission territoriale d'insertion en matière d'examen des contrats qui n'a pas donné lieu à amendement, a modifié le texte sur deux points avec l'avis favorable du gouvernement en adoptant deux amendements : l'un rédactionnel, l'autre affirmant de façon claire la compétence de la commission territoriale d'insertion en matière d'adoption du programme territorial d'insertion.

*

La commission a adopté l'article 34 sans modification.

TITRE II

CRÉATION DU REVENU MINIMUM D'ACTIVITÉ

Article additionnel avant l'article 35

Inclusion dans les conventions de branche du thème de l'insertion
des publics en contrat aidé et des bénéficiaires du RMA
.

La rapporteure a présenté un amendement visant à inclure dans les conventions de branche des dispositions relatives à l'insertion des publics en contrat aidé et plus spécifiquement à celles des bénéficiaires du RMA.

Mme Martine Billard s'est déclarée défavorable à un tel amendement. Il ne faut pas stigmatiser les publics à contrat aidé dans les conventions de branche mais bien plutôt considérer les bénéficiaires du RMA en poste dans les entreprises comme des salariés à part entière faisant partie des effectifs de ces entreprises.

M. Maxime Gremetz s'est déclaré également défavorable à cet amendement. Les publics en contrat aidé, et plus spécifiquement les bénéficiaires du RMA, sont des salariés à part entière et ne doivent donc pas faire l'objet de mesures discriminantes.

La rapporteure a précisé que son but est également de considérer les publics en insertion dans les entreprises comme des salariés et de les traiter comme tels. Cet amendement ne vise pas à les stigmatiser mais à discuter au niveau de la branche des moyens de favoriser leur insertion de manière durable dans l'emploi. Une telle disposition est d'ailleurs comparable à celles existant sur l'insertion des handicapés dans l'entreprise. Il ne s'agit donc pas de discriminer ces publics mais de compléter la longue liste, prévue à l'article L. 133-5 du code du travail, des thèmes négociés dans la branche qui comprend, par exemple, l'emploi des jeunes, des femmes enceintes ou allaitantes, etc.

M. Maxime Gremetz a déclaré ne pas comprendre la logique de la rapporteure. Les salariés bénéficiant de contrats aidés et les bénéficiaires du RMA sont des « salariés de droit commun ». Cet amendement en fait, au contraire, des salariés différents.

Mme Martine Billard a indiqué que les conventions collectives servent jusqu'à maintenant à améliorer le code du travail. Est-il logique d'inscrire dans ces conventions des salariés qui seront payés au rabais ? En réalité cette disposition est très grave.

La rapporteure a objecté qu'elle considère bien les bénéficiaires du RMA comme des salariés à part entière puisqu'elle a déposé plus loin dans le texte un amendement qualifiant l'ensemble du RMA de « salaire ».

La commission a adopté l'amendement.

Article 35

(articles L. 322-4-15 à L. 322-4-15-9 [nouveaux] du code du travail)

Création du contrat insertion-revenu minimum d'activité

Cet article insère dix articles dans le code du travail portant création d'un nouveau contrat de travail, dénommé contrat insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA), destiné à favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI, et précisant les modalités de ce contrat.

Il prévoit ainsi :

- le principe de la création de ce contrat de travail (article L. 322-4-15 nouveau du code du travail) ;

- les conditions applicables aux employeurs signataires de ce contrat (article L. 322-4-15-1 nouveau du code du travail) ;

- la subordination de la conclusion du contrat insertion-revenu minimum d'activité à la signature d'une convention entre l'employeur et le département et le contenu de celle-ci (article L. 322-4-15-2 nouveau du code du travail) ;

- les conditions applicables aux bénéficiaires du contrat insertion-revenu minimum d'activité (article L. 322-4-15-3 nouveau du code du travail) ;

- les modalités de conclusion et les clauses du contrat insertion-revenu minimum d'activité (article L. 322-4-15-4 nouveau du code du travail) ;

- les conditions de rupture du contrat insertion-revenu minimum d'activité (article L. 322-4-15-5 nouveau du code du travail) ;

- les modalités de calcul du RMA (article L. 322-4-15-6 nouveau du code du travail) ;

- le régime de protection sociale applicable au signataire du contrat insertion-revenu minimum d'activité (article L. 322-4-15-7 nouveau du code du travail) ;

- les actions d'aide au retour à l'emploi des signataires du contrat insertion-revenu minimum d'activité (article L. 322-4-15-8 nouveau du code du travail) ;

- le financement des embauches et des actions de formation en faveur des signataires (article L. 322-4-15-9 nouveau du code du travail).

*

La commission a examiné trois amendements de suppression de cet article présentés par Mme Hélène Mignon, M. Maxime Gremetz et Mme Martine Billard.

M. Maxime Gremetz a réaffirmé son opposition à la création du contrat d'insertion-RMA qui est rejeté par l'ensemble des associations œuvrant contre l'exclusion en raison de son caractère précaire et atypique.

M. Martine Billard a estimé préférable d'améliorer les dispositifs existants plutôt que d'inventer un nouveau statut.

La commission a rejeté ces amendements.

La commission a examiné un amendement de Mme Claude Greff de coordination avec des amendements constituant un dispositif dit « initiative insertion-revenu minimum d'activité » aidant les bénéficiaires du RMI à créer leur propre entreprise.

M. Yves Fromion a rappelé qu'un bénéficiaire du RMA se trouve dans une situation plus favorable qu'un bénéficiaire du RMI voulant créer son entreprise, notamment au regard de la CSG et de la CRDS. L'adoption de cet amendement favoriserait l'initiative individuelle et une voie d'insertion dynamique. Elle serait par ailleurs de nature à lutter contre le travail clandestin.

Tout en se déclarant en accord avec la volonté exprimée par cet amendement, la rapporteure a toutefois indiqué qu'il ne permet pas, sur un plan juridique, de répondre au problème soulevé et rappelé qu'elle a déposé un amendement qui satisfait cette préoccupation légitime permettant le cumul du RMA et du contrat d'appui au projet d'entreprise.

L'amendement de Mme Claude Greff a été retiré après que M. Yves Fromion a indiqué que l'initiative de la rapporteure va dans le sens souhaité.

La commission a rejeté quatre amendements de M. Rodolphe Thomas de coordination avec des dispositifs à venir.

Article L. 322-4-15 nouveau du code du travail

Cet article crée un nouveau contrat de travail dénommé contrat insertion-revenu minimum d'activité. L'objectif de ce contrat, atypique en ce qu'il est régi par les articles L. 322-4-15-1 à L. 322-4-15-9 nouveaux du code du travail, est de favoriser l'insertion des personnes bénéficiaires du RMI. Il est important de noter que cette insertion est non seulement professionnelle mais sociale, elle s'inscrit dans le cadre des parcours d'insertion visé à l'article L. 262-37 du code de l'action sociale et des familles.

Cette précision, introduite par un amendement de la commission des affaires sociales du Sénat avec avis favorable du gouvernement, est importante. Le contrat insertion-revenu minimum d'activité offre d'abord une insertion de nature professionnelle mais celle-ci n'est pas exclusive et des actions d'insertion à caractère social devront vraisemblablement venir en appui. De ce point de vue, le contrat insertion-revenu minimum d'activité diffère notablement des autres contrats aidés tels le contrat emploi solidarité ou le contrat initiative emploi.

Il répond pleinement à la préoccupation d'équilibre de la rapporteure entre les deux dimensions de l'insertion. Il constitue bien la première marche d'un parcours d'insertion pour les plus exclus et c'est à raison que l'article L. 322-4-15-5 prévoit qu'il peut être rompu avant son terme afin de permettre au bénéficiaire d'accéder à un contrat à durée déterminée qui pourrait par exemple consister en un contrat initiative emploi, deuxième marche de ce parcours.

L'article apporte en outre deux informations sur la nature des publics éligibles au dispositif : en visant les personnes « bénéficiaires de l'allocation » du RMI, il ouvre droit au contrat insertion-revenu minimum d'activité non seulement à l'allocataire lui-même mais aux personnes formant son foyer ; par ailleurs, il vise les bénéficiaires du RMI « rencontrant des difficultés particulière d'accès à l'emploi » et préfigure ainsi la condition d'ancienneté minimale dans le RMI requise pour accéder au contrat insertion-revenu minimum d'activité. Cette seconde caractéristique explique certains traits particuliers de ce contrat, notamment la singularité de sa protection sociale. Le public visé est en butte à des difficultés particulières qui justifieraient un traitement particulier sur certains points.

La rapporteure propose d'adopter cet article sans modification.

*

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Rodolphe Thomas visant à substituer au sigle RMA celui de CIRMA dans le but de ne pas stigmatiser les bénéficiaires de cette allocation à l'instar de ceux du RMI.

La rapporteure, tout en partageant le souci exprimé, a observé que l'amendement ne semble pas de nature législative.

La commission a rejeté cet amendement.

Article L. 322-4-15-1 nouveau du code du travail

Cet article, adopté par le Sénat avec un amendement rédactionnel et deux amendements de précision auxquels le gouvernement ne s'est pas opposé, précise le champ des employeurs aptes à conclure un contrat insertion-revenu minimum d'activité et la convention avec le département préalable à la signature d'un tel contrat.

Les employeurs doivent en effet, en vertu du premier alinéa, conclure une convention avec le département. Cette convention, dont le régime est détaillé par l'article L. 322-4-15-2 du code du travail, répond à un double objectif. Elle assure d'abord la maîtrise du département sur la gestion des sommes versées au titre du RMI, à l'allocataire lui-même lorsqu'il est simplement bénéficiaire du RMI, à l'employeur du bénéficiaire du RMA dans le cadre d'un contrat insertion-revenu minimum d'activité. Elle lui permet également de contrôler l'éligibilité de l'employeur au dispositif et l'éventuel mauvais usage des contrats insertion-revenu minimum d'activité (enchaînement de contrats insertion-revenu minimum d'activité sur le même poste, emploi de bénéficiaires du RMA en nombre excessif eu égard à l'accompagnement nécessaire). Il semble nécessaire de prévoir que chaque contrat suppose la conclusion préalable d'une telle convention.

Le champ de l'éligibilité est assez largement ouvert. On peut distinguer deux catégories principales d'employeurs.

En vertu du 1° du présent article, peuvent être signataires du contrat insertion-revenu minimum d'activité les employeurs intervenant dans le secteur non-marchand (collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs, personnes morales de droit public à l'exception des établissements publics à caractère industriel et commercial, les personnes morales de droit privé chargées de la gestion d'un service public, organismes de droit privé à but non lucratif).

Toutefois, ces employeurs sont assujettis à deux conditions :

- Tout d'abord, afin d'éviter qu'ils ne concurrencent le secteur marchand, les activités proposées dans le cadre du contrat insertion-revenu minimum d'activité doivent répondre « à des besoins collectifs non satisfaits ». La disposition est classique en droit du travail.

- La seconde condition est propre au contrat insertion-revenu minimum d'activité compte tenu de son financement : le droit à signature n'est pas ouvert aux services de l'Etat (il serait pour le moins paradoxal que l'Etat bénéficie ainsi d'une forme d'aide financière du département) non plus qu'à ceux des départements et des agences départementales d'insertion (financeurs et instances décisionnaires en matière de RMA respectivement en métropole et dans les départements d'outre-mer).

Le 2°  de l'article concerne quant à lui les employeurs du secteur marchand habilités à signer un contrat insertion-revenu minimum d'activité. Ils sont définis de façon large puisqu'ils sont désignés en creux comme « autres que ceux désignés au 1° » 16. On relèvera que figurent par exemple explicitement dans cette catégorie les professions libérales. Seuls sont exclus les particuliers employeurs.

On rappellera que l'intérêt de cette distinction entre les employeurs marchands et non-marchands est double : primo, les employeurs non-marchands se voient limités dans la nature des emplois susceptibles d'être exercés dans le cadre d'un contrat insertion-revenu minimum d'activité (cf. supra) ; secundo, ces mêmes employeurs bénéficient en revanche d'un avantage consistant en une exonération de cotisations sociales patronales en vertu de l'article L. 322-4-15-7.

Tous ces employeurs doivent remplir l'ensemble des conditions suivantes, classiques en droit du travail pour les contrats aidés :

- Ne pas avoir procédé à un licenciement pour motif économique dans les six derniers mois. La clause mériterait d'être complétée par une autre clause usuelle, la sanction des licenciements consécutifs à une embauche en contrat insertion-revenu minimum d'activité par la résiliation de celui-ci.

- Ne pas avoir licencié un salarié en contrat à durée indéterminée pour procéder à une embauche en contrat insertion-revenu minimum d'activité, que ce licenciement soit pour motif économique ou pour motif personnel.

- Être à jour du versement de leurs cotisations sociales.

La rapporteure propose d'ajouter une nouvelle condition : celle que les salariés embauchés en contrat insertion-revenu minimum d'activité ne représentent pas plus de 5 % des effectifs de l'entreprise. Cette clause permettrait non seulement d'éviter les effets d'aubaine pour des employeurs peu scrupuleux mais aussi qu'un employeur, peu conscient de la lourdeur des obligations liées à l'emploi d'un bénéficiaire du RMA, ne s'engage dans une démarche peu réaliste.

*

La commission a examiné un amendement de M. Rodolphe Thomas visant à limiter les effets d'aubaine pour les employeurs en imposant un délai égal au tiers de la durée du contrat insertion-revenu minimum d'activité avant de pouvoir de nouveau recourir à ce dispositif.

La rapporteure a indiqué qu'elle partage cette préoccupation mais qu'elle a déposé un amendement moins contraignant afin de ne pas empêcher outre mesure les entreprises prêtes à recourir à ce dispositif de le faire.

M. Rodolphe Thomas a retiré son amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement de la rapporteure précisant que chaque contrat insertion-revenu minimum d'activité doit faire l'objet d'une convention préalable entre le département et l'employeur et qu'il n'est pas possible pour un employeur d'embaucher plusieurs salariés sur la base d'une même convention.

M. Maxime Gremetz s'est interrogé sur l'absence de l'intéressé à cette convention et sur son contenu en matière de formation.

Après que la rapporteure a indiqué qu'il s'agit d'une convention spécifique entre le président du conseil général et l'entreprise pour chaque RMA et que le contenu de la formation est détaillé aussi bien dans la convention que dans le contrat de travail, la commission a adopté cet amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz tendant à étendre de six mois à un an l'interdiction, pour un employeur, de recourir à un contrat insertion-revenu minimum d'activité lorsqu'il a procédé, durant cette période, à un licenciement pour motif économique.

M. Maxime Gremetz a indiqué que cet amendement se fonde sur les mêmes préoccupations que celles qui sous-tendaient les amendements de M. Rodolphe Thomas précédemment examinés par la commission mais qu'il envisage le cas où le licenciement précéderait le recours à ce contrat.

M. Martine Billard a rappelé que le code du travail prévoit que tout salarié victime d'un licenciement économique peut être réintégré dans l'entreprise dans le délai d'un an au cas où celle-ci serait amenée à réembaucher.

La rapporteure a précisé que le délai classiquement inscrit dans le code du travail durant lequel une entreprise ne peut procéder à de nouvelles embauches en contrats aidés suite à un licenciement économique est de six mois et que cela ne fait pas obstacle à la priorité de préembauchage.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Maxime Gremetz visant à interdire l'embauche d'un RMA dès lors qu'il y a rupture d'un contrat à durée déterminée dans les six mois précédant cette embauche.

M. Maxime Gremetz a rappelé que la précarisation de l'emploi est en constante progression : 38,2 % des personnes qui s'inscrivent à l'ANPE le font au terme d'un contrat à durée déterminée. Il ne convient donc pas d'inciter encore un peu plus les entreprises à multiplier les contrats précaires dont elles ont naturellement tendance à abuser.

La rapporteure a déclaré comprendre l'esprit de l'amendement. Elle a toutefois émis un avis défavorable à son adoption. En effet, trois motifs peuvent conduire à interrompre un contrat à durée déterminée. Soit le contrat arrive à son terme et dès lors aucune raison ne s'oppose à ce que l'employeur embauche un bénéficiaire du RMA. Deuxième cas de figure, le contrat est rompu avant terme par l'employeur ; étant donné le coût pour ce dernier d'une telle opération, il est peu probable qu'il y ait recours pour embauche en RMA. Enfin, troisième possibilité, le contrat est rompu avant terme par l'employé ; dans ce cas, il ne saurait être question de sanctionner l'employeur.

Mme Martine Billard a estimé que l'argumentation de la rapporteure s'inscrit dans une vision théorique. En effet, le code du travail prévoit que le recours au contrat à durée déterminée a uniquement pour objet de répondre à une surcharge de travail exceptionnelle ou au remplacement d'un employé en congé maternité. Dans les faits pourtant, cette forme de contrat est utilisée comme un mode normal de gestion des ressources humaines de l'entreprise.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de la rapporteure visant à prévenir l'emploi de bénéficiaires du RMA en lieu et place de salariés de l'entreprise.

Tout en se déclarant favorable à l'adoption de cet amendement, M. Maxime Gremetz a fait valoir qu'il doutait de son applicabilité. En effet, il apparaît difficile d'établir, juridiquement, un lien de cause à effet entre l'embauche d'un bénéficiaire du RMA et le licenciement consécutif d'un autre salarié.

Mme Martine Billard a demandé des précisions quant à la nature des condamnations encourues par l'employeur au cas où le caractère abusif d'une telle embauche serait démontré. Par ailleurs, les délais de jugement étant très longs - plusieurs années en cas d'appel - la sanction risque d'être de nul effet.

La rapporteure a rappelé qu'il existe devant les prud'hommes une procédure en référé permettant un jugement rapide.

La commission a adopté l'amendement.

La commission a ensuite examiné en discussion commune trois amendements de la rapporteure, de M. Maxime Gremetz et de M. Rodolphe Thomas, visant à contingenter l'emploi de bénéficiaires du RMA dans une même entreprise.

La rapporteure a déclaré que les bénéficiaires de ce contrat requièrent un suivi et un accompagnement particulièrement lourds. Dès lors, il n'apparaît ni réaliste, ni souhaitable, dans l'intérêt des deux parties, de permettre à un employeur de procéder à des embauches simultanées en nombre important sur ce type de contrat. Si, dans un premier temps et à l'instar des auteurs des autres amendements, il a pu lui paraître envisageable de permettre à une entreprise d'embaucher en contrat insertion-revenu minimum d'activité jusqu'à 10 % de ses effectifs, ce taux semble en fait irréaliste et celui de 5 % plus adapté.

M. Maxime Gremetz s'est rallié à cet amendement et a retiré le sien.

M. Rodolphe Thomas s'est également déclaré convaincu par l'argumentation de la rapporteure. Il s'est cependant interrogé sur le cas des petites entreprises pour lesquelles le taux de 5 % des effectifs correspond à un chiffre inférieur à l'unité.

Mme Martine Billard a indiqué qu'il serait souhaitable que cette limitation ne s'applique pas aux entreprises d'insertion.

La rapporteure a précisé que le taux de 5 % ne s'appliquerait qu'aux entreprises de plus de vingt personnes de sorte que celui-ci corresponde toujours à un chiffre au moins égal à une unité et a rectifié son amendement afin de tenir compte de la préoccupation de Mme Martine Billard.

En conséquence, M. Rodolphe Thomas a retiré son amendement.

La commission a adopté l'amendement de la rapporteure ainsi rectifié.

En conséquence, M. Rodolphe Thomas a retiré l'amendement suivant visant, dans le même esprit, à interdire des embauches consécutives en contrat insertion-revenu minimum d'activité sur le même poste.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz et un amendement de Mme Muguette Jacquaint visant à éviter la succession de salariés sous contrat insertion-revenu minimum d'activité sur un même poste.

M. Maxime Gremetz a indiqué qu'il convient de limiter les effets d'aubaine pour les employeurs et de favoriser le retour vers l'insertion. Ce but peut être atteint en obligeant l'employeur à observer un délai de carence de six mois entre l'embauche de deux salariés sous contrat insertion-revenu minimum d'activité ou en limitant le recours par l'employeur à des contrats insertion-revenu minimum d'activité sur un même poste.

La rapporteure a objecté que le délai de carence de deux mois apparaît tout à fait satisfaisant. De plus, l'embauche de personnes en voie de réinsertion demandant des procédures de suivi lourdes pour l'employeur, il ne convient pas de les décourager outre mesure en rendant le dispositif trop strict.

Article L. 322-4-15-2 nouveau du code du travail

Cet article traite de la convention entre le département et l'employeur, de son objet, de son contenu et de sa durée.

Il a été largement amendé - avec avis favorable du gouvernement - par le Sénat qui a souhaité qu'il ne débouche pas sur une obligation formelle et voulu clarifier l'articulation entre la convention et la mise en œuvre de son contenu par l'employeur.

Le premier alinéa rappelle l'objet de la convention conditionnant la conclusion d'un contrat insertion-revenu minimum d'activité visée à l'article L. 322-4-15-1 du code du travail. La convention entre le département et l'employeur « détermine les conditions de mise en œuvre du projet d'insertion professionnelle du salarié dans le cadre de son pouvoir d'insertion ».

Elle crée donc un cadre plus large que celui de la seule relation contractuelle unissant le bénéficiaire du RMA et son employeur. Elle permet d'articuler insertion sociale et insertion professionnelle, actions du département et de l'employeur. C'est par le biais de cette convention que le département teste la réalité de la volonté de l'entreprise et de sa capacité à mener les actions qui lui incomberont. Elle est le verrou que le département peut actionner pour fermer l'accès au dispositif aux employeurs indélicats ou aux moyens insuffisants pour assurer la réussite de l'insertion.

Le deuxième alinéa précise le contenu de la convention, qui sera en outre déterminé par voie réglementaire. Elle pourra ainsi comporter des actions :

- d'orientation professionnelle ;

- de tutorat ;

- de suivi individualisé ;

- d'accompagnement dans l'emploi ;

- de formation professionnelle ;

- de validation des acquis de l'expérience.

Il précise également que ces actions sont à la charge de l'employeur. L'engagement de celui-ci ne peut donc être formel. La durée de la convention ne peut excéder dix-huit mois, ce qui est donc cohérent avec la durée maximale du contrat insertion-revenu minimum d'activité.

La rapporteure propose d'adopter cet article sans modification.

*

La commission a examiné un amendement de M. Francis Vercamer dont M. Rodolphe Thomas a indiqué qu'il vise à garantir, au bénéficiaire du contrat insertion-revenu minimum d'activité, un niveau minimum de formation.

Mme Hélène Mignon a demandé si les clauses de formation visées sont individuelles ou collectives.

La rapporteure a indiqué qu'il s'agit bien de clauses individuelles de formation puisqu'un amendement précédemment adopté par la commission précise que chaque contrat insertion-revenu minimum d'activité doit donner lieu à une convention avec le département. Elle a estimé que l'amendement apporte une précision utile.

La commission a adopté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Francis Vercamer tendant à éviter les dérives de certains employeurs consistant à utiliser de façon permanente des contrats aidés et des fonds publics.

M. Rodolphe Thomas a indiqué que l'amendement vise à pérenniser les contrats dès lors que leur durée est supérieure à six mois. M. Maxime Gremetz a fait part de son soutien à cet amendement qui concourt à limiter le risque d'effets d'aubaine. Mme Hélène Mignon a considéré que l'adoption de cet amendement risque de conduire les employeurs à n'embaucher que pour les six premiers mois.

La rapporteure a estimé que l'adoption de l'amendement risque effectivement de produire cet effet pervers puisque l'employeur devra opter entre le non-renouvellement et l'embauche en contrat à durée indéterminée.M. Maxime Gremetz a objecté que le contrat doit de toute façon être renouvelé tous les six mois et que l'effet pervers se produira à ce moment.

M. Rodolphe Thomas a retiré l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz tendant à assurer un plan de formation pour les bénéficiaires du contrat insertion-revenu minimum d'activité et à garantir que la formation s'effectuera sur le seul temps de travail au titre du droit individuel à la formation professionnelle (DIF).

La rapporteure a indiqué qu'elle a déposé un amendement à l'article L. 322-4-15-9 du code du travail qui rappelle les obligations de l'employeur et satisfait donc l'amendement. S'agissant du DIF, les bénéficiaires du revenu minimum d'activité seront comme les autres salariés couverts par les dispositions légales transposant l'accord national interprofessionnel du 20 septembre dernier.

M. Maxime Gremetz a fait valoir que l'accord évoqué n'a pas encore été ratifié par le Parlement et sera discuté dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la démocratie sociale. Il s'agit là d'un accord historique créant un nouveau droit à la formation pour chaque salarié. Par ailleurs, les bénéficiaires du RMA ne sont pas, d'après le projet de loi, de vrais salariés : leur DIF sera-t-il calculé sur la base du seul salaire différentiel ?

La rapporteure a indiqué qu'elle a déposé un amendement tendant à ce que le RMA soit qualifié de salaire : si cet amendement est adopté il ne subsistera aucune ambiguïté sur les conditions d'application de l'accord.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Francis Vercamer tendant à ce que la formation des bénéficiaires du contrat insertion-revenu minimum d'activité soit garantie.

Après que la rapporteure a indiqué qu'elle a déposé un amendement satisfaisant à cette exigence, M. Rodolphe Thomas a retiré l'amendement.

Article L. 322-4-15-3 nouveau du code du travail

Cet article, adopté sans modification par le Sénat, reprend en les précisant les conditions relatives aux bénéficiaires du RMA annoncées à l'article L. 322-4-15 du code du travail.

Le premier alinéa rappelle que le contrat insertion-revenu minimum d'activité est réservé aux personnes susceptibles de conclure un contrat d'insertion visé à l'article L. 262-37 du code de l'action sociale et des familles, les bénéficiaires du RMI, c'est-à-dire « l'allocataire et les personnes prise en compte pour la détermination du montant de cette allocation qui satisfont à une condition d'âge ». Cette dernière était jusqu'à présent appréciée par les commissions locales d'insertion et le sera à l'avenir par le département.

Le second alinéa revêt une importance particulière puisqu'il réserve le bénéfice du contrat insertion-revenu minimum d'activité aux bénéficiaires du RMI les plus éloignés de l'emploi.

L'ouverture du dispositif aux membres du foyer rend en effet a priori éligibles au contrat insertion-revenu minimum d'activité non seulement plus de 1,1 million d'allocataires mais également une grande partie de leur proche. Le présent alinéa vise à restreindre ce public aux bénéficiaires les plus éloignés de l'emploi en posant une condition d'ancienneté minimale dans le RMI. En effet s'il ne s'agit pas de concurrencer par ce contrat les autres contrats aidés et de créer un effet d'aubaine s'agissant des bénéficiaires du RMI qui sortent du dispositif rapidement (21 % d'entre eux sortent en moins d'un an). Dès lors, la condition d'ancienneté minimale permet de réserve le dispositif à sa vraie cible : les plus exclus.

Si le Sénat a adopté la disposition sans modification, elle n'en a pas moins donné lieu à un long débat sur la durée à retenir, sachant que le texte proposé renvoie sa fixation au pouvoir réglementaire. On rappellera que certaines initiatives sénatoriales antérieures au projet de loi avaient retenu une ancienneté minimale de trois années.

Telle n'a pas été la position du Sénat sur le présent texte puisque plusieurs amendements, dont un à l'initiative de sa commission des affaires sociales, ont proposé de l'abaisser à une année.

La rapporteure estime pour sa part qu'un délai d'un an constitue un délai raisonnable. Toutefois, à la différence du Sénat, il ne lui semble pas opportun d'apprécier cette ancienneté dans le dispositif sur les dix-huit derniers mois : le dispositif doit être réservé à ceux qui n'arrivent pas à sortir du RMI par d'autres moyens.

La rapporteure souhaite néanmoins, tout en fixant dans la loi le principe d'une année d'ancienneté, préserver la souplesse du système en prévoyant la possibilité de déroger à cette durée minimale par voie réglementaire.

Cette dérogation pourrait notamment profiter aux anciens allocataires de l'allocation spécifique de solidarité (ASS) par définition éloignés de l'emploi depuis longtemps. Le dispositif adopté en projet de loi de finances va permettre à certains d'entre eux de bénéficier du RMI ; l'amendement proposé par la rapporteure leur permettra d'être immédiatement éligibles au RMA.

*

La commission a examiné en discussion commune : deux amendements de suppression du dernier alinéa de M. Maxime Gremetz et M. Francis Vercamer ; un amendement de la rapporteure rédigeant le dernier alinéa et fixant dans la loi à un an la durée minimale d'ancienneté exigible dans le dispositif du RMI pour accéder au RMA tout en prévoyant une éventuelle dérogation à cette durée par voie réglementaire ; un amendement de M. Francis Vercamer fixant à six mois cette durée.

La rapporteure a indiqué qu'elle était, au départ, favorable à la suppression de tout délai de carence entre l'accès au RMI et l'entrée dans le RMA alors que le gouvernement voulait initialement le fixer à deux ans et que le Sénat avait ouvert la voie à sa réduction. Cependant, après avoir pratiqué de nombreuses auditions, elle a constaté que cette suppression pouvait conduire à des effets pervers. De fait, sans ce délai, les employeurs risquent de ne prendre en contrat insertion-revenu minimum d'activité que les personnes les plus directement aptes à l'emploi, ce qui n'est pas l'objectif du dispositif. Le dispositif proposé par l'amendement prévoit néanmoins une certaine souplesse.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est interrogé sur l'éventuel caractère réglementaire de la disposition et a souligné le risque de rater la cible des bénéficiaires du RMI les moins employables.

Mme Catherine Génisson s'est interrogée sur les dérogations possibles puisque l'exposé sommaire prévoit une dérogation permettant aux anciens bénéficiaires de l'allocation spécifique de solidarité (ASS) d'entrer rapidement dans le dispositif du RMA. Le ministre avait garanti le passage direct de l'ASS au RMA via le RMI, or cette possibilité n'est pas dans le projet de loi.

La rapporteure a confirmé qu'aujourd'hui le passage de l'ASS au RMA n'est pas garanti pour tous. L'ASS est une allocation à caractère individuel tandis que le RMI est calculé sur les ressources du foyer. Certains bénéficiaires de l'ASS ne répondront donc pas aux conditions d'octroi du RMI. La dérogation proposée par l'amendement ne règle que le cas de ceux qui bénéficient du RMI.

Mme Hélène Mignon s'est interrogée sur le cas des personnes qui, avant de connaître une année de RMI, ont passé plusieurs années au chômage.

M. Maxime Gremetz a estimé que l'amendement de la rapporteure était porteur d'effets pervers. La réduction du délai de deux ans risque de faire passer à côté du public visé et de ce fait, même s'il présente un amendement supprimant la condition d'ancienneté, il y est, à tire personnel, défavorable. Il a observé que les moyens employés pour financer le RMA ne seront pas consacrés à lutter contre la précarité.

M. Rodolphe Thomas, compte tenu des précisions apportées par la rapporteure, a retiré les amendements de M. Francis Vercamer.

La commission a adopté l'amendement de la rapporteure et en conséquence rejeté l'amendement de M. Maxime Gremetz.

Article L. 322-4-15-4 nouveau du code du travail

Le présent article définit la nature juridique et les modalités de conclusion et de renouvellement du contrat insertion-revenu minimum d'activité et précise en outre les conditions relatives à sa durée.

Le premier alinéa détermine la nature juridique de ce nouveau contrat et les modalités afférentes liées à sa conclusion.

Il s'agit d'un contrat :

- A durée déterminée conclu sur le fondement de l'article L. 122-2 du code du travail qui autorise le recours au contrat à durée déterminée afin de « favoriser l'embauchage de certaines catégories de personnes sans emploi ».

On observera que la conclusion sur le fondement de cet article rend inapplicable aux contrats insertion-revenu minimum d'activité les dispositions relatives à l'indemnité de précarité 17 (article L. 122-3-4 du code du travail), au délai de carence (article L. 122-3-11 du code du travail) et celles relatives à la durée du droit commun des contrats à durée déterminée (article L. 122-122). On notera que le contrat insertion-revenu minimum d'activité doit cependant fixer le terme du contrat avec précision.

- A temps partiel conclu sur le fondement de l'article L. 212-4-2 du code du travail : cela implique en principe l'existence préalable d'une convention ou d'un accord collectif autorisant le recours au temps partiel.

Le présent alinéa précise en outre, à la suite de l'adoption par le Sénat d'un amendement de sa commission des affaires sociales avec avis favorable du gouvernement, le contenu du contrat de travail. Outre les clauses de droit commun, il doit fixer « les modalités de mise en œuvre des actions » définies par le département. Cette précision est utile : elle lie l'employeur, fait de ces dispositions des clauses contraignantes et assure que les engagements d'insertion de l'employeur ne resteront pas au stade de la déclaration d'intention.

La rapporteure propose de modifier cet alinéa sur trois points :

- Tout d'abord, même si l'exigence semble aller de soi, il convient de préciser - à l'instar de ce qui est fait pour d'autres dispositifs - que le contrat revêt une forme écrite.

- Il semble également nécessaire de fixer une durée minimale du contrat insertion-revenu minimum d'activité. Il s'agit là encore d'une disposition classique en droit du travail. Les salariés, en particulier les plus précaires, ont besoin d'un horizon stable, l'insertion requérant du temps. Un contrat insertion-revenu minimum d'activité conclu par exemple pour deux mois n'offrirait pas les garanties nécessaires et la rapporteure propose de fixer une durée minimale de six mois.

- Enfin, il paraît opportun d'ouvrir le dispositif aux entreprises de travail temporaire d'insertion dont l'expérience auprès des publics concernés est indéniable.

Les deuxième, troisième et quatrième alinéas fixent les conditions de renouvellement du contrat insertion-revenu minimum d'activité. Le deuxième alinéa prévoit qu'il peut être renouvelé deux fois - par dérogation au droit commun des contrats à durée déterminée - et fixe une condition propre aux contrats insertion-revenu minimum d'activité : le renouvellement du contrat insertion-revenu minimum d'activité est lié au renouvellement préalable de la convention avec le département. Cette condition assure le contrôle par celui-ci de la bonne exécution du contrat et notamment de la mise en œuvre des actions d'insertion par l'employeur. Le Sénat a d'ailleurs mis l'accent sur ce contrôle en le prévoyant de façon explicite dans le troisième alinéa introduit sur proposition de sa commission des affaires sociales avec avis favorable du gouvernement. Le quatrième alinéa dispose que la décision de renouvellement ou de non-renouvellement de la convention visé à l'article L. 322-4-15-1 du code du travail est notifiée à l'employeur et au salarié.

Le cinquième alinéa traite de la durée du contrat insertion-revenu minimum d'activité et de ses conditions de suspension et de renouvellement en prévoyant un renvoi au décret. Il précise uniquement sa durée maximale fixée à dix-huit mois, renouvellement compris. On rappellera que cet alinéa doit être lu à la lumière de l'amendement proposé au premier alinéa fixant la durée minimale du contrat insertion-revenu minimum d'activité à six mois.

Le sixième alinéa fixe la durée du travail hebdomadaire des bénéficiaires du contrat insertion-revenu minimum d'activité. Initialement fixée à vingt heures par le projet de loi, elle a fait l'objet d'un amendement essentiel du Sénat, adopté à l'initiative de sa commission des affaires sociales avec avis favorable du gouvernement. Elle est désormais au minimum de vingt heures. Elle peut donc être portée au-delà tant qu'elle reste inférieure à la durée collective applicable, c'est-à-dire à temps partiel. De fait, il est peu vraisemblable que l'emploi des bénéficiaires du RMA dépasse trente heures par semaine ; dans cette situation l'attractivité financière du dispositif ne paraît plus suffisante comparée à celle d'autres contrats comme le contrat initiative emploi alors que les obligations qui lui sont liées restent lourdes. Toutefois, la souplesse introduite par le Sénat semble de nature à rapprocher les bénéficiaires du RMA de l'emploi de droit commun.

La rapporteure estime cependant nécessaire d'abaisser la durée minimale à un mi-temps : pour les publics les plus éloignés de l'emploi, vingt heures de travail peuvent s'avérer trop lourdes 18 ; à l'inverse, la réussite de la démarche d'insertion peut - sous réserve du respect des conditions de cumul - conduire le bénéficiaires du RMA à exercer une autre activité, auquel cas le mi-temps peut s'avérer plus pratique qu'une durée de vingt heures.

Enfin le dernier alinéa prévoit une période d'essai de quinze jours pour le bénéficiaire du contrat insertion-revenu minimum d'activité, sous réserve de clauses conventionnelles plus favorables 19.

*

La commission a examiné un amendement de la rapporteure fixant une durée minimale de six mois pour le contrat insertion-revenu minimum d'activité.

La rapporteure a souligné qu'une démarche d'insertion ne peut s'inscrire que dans la durée. Or, la durée minimale du contrat insertion-revenu minimum d'activité n'est actuellement que sous-entendue par le projet de loi.

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné l'intérêt de cet amendement.

Mme Catherine Génisson a également jugé cette proposition intéressante mais s'est interrogée sur les moyens d'en garantir le respect et a souhaité obtenir des informations complémentaires sur l'amendement annoncé par la rapporteure visant à préciser la nature juridique du contrat insertion-revenu minimum d'activité.

La rapporteure a rappelé que la durée sera définie dans la convention signée entre le département et l'employeur et qu'elle figurera dans le contrat de travail. L'amendement clarifiant non pas la nature juridique du contrat, qui est un contrat de travail au regard du texte, mais la nature du RMA sera présenté ultérieurement.

La commission a adopté l'amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement de la rapporteure précisant les règles régissant la conclusion du contrat insertion-revenu minimum d'activité.

La rapporteure a expliqué qu'il s'agit là encore d'améliorer la protection des bénéficiaires du RMA, en précisant, d'une part, que le contrat est écrit et, d'autre part, qu'il peut prendre la forme d'un contrat de travail temporaire à la condition que l'employeur soit une entreprise de travail temporaire d'insertion.

Mme Hélène Mignon a souhaité savoir si ces dispositions visent uniquement les entreprises temporaires d'insertion.

La rapporteure a répondu que tel est effectivement le cas puisque les autres entreprises d'insertion sont déjà couvertes par le projet de loi.

La commission a adopté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de la rapporteure encadrant le recours au contrat insertion-revenu minimum d'activité, en instituant un délai de carence de deux mois entre deux contrats, sauf en cas de rupture du fait du bénéficiaire.

La rapporteure a expliqué que la durée de ce délai de carence semble raisonnable dans la mesure où ces contrats n'ont pas pour vocation de pourvoir les emplois permanents de l'entreprise. Il s'agit, ce faisant, de remédier aux possibles effets pervers des contrats d'insertion, en évitant que les entreprises procèdent à des recrutements successifs de bénéficiaires du RMA.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé qu'il reviendra au président du conseil général de repérer les abus via l'examen de la convention avec l'employeur.

La rapporteure a souscrit à cette observation mais a jugé utile de signifier clairement la volonté du législateur de renforcer la protection des bénéficiaires de cette démarche d'insertion.

M. Rodolphe Thomas s'est associé à cet amendement au profit duquel il a précédemment retiré un amendement à l'objet analogue.

Mme Catherine Génisson a jugé salutaire de lutter efficacement contre les effets d'aubaine mais a souligné que le dispositif proposé n'est pas assez dissuasif.

M. Maurice Giro a estimé que les petites et moyennes entreprises ont intérêt à conserver des personnels compétents.

M. Maxime Gremetz a souligné que la durée de six mois de ce contrat, renouvelable trois fois, ne paraît pas de nature à garantir la formation et l'insertion professionnelle des bénéficiaires dans des conditions pleinement satisfaisantes. Que fait-on par ailleurs de ceux-ci au bout de dix-huit mois ?

M. Edouard Landrain s'est déclaré favorable à l'amendement de la rapporteure, en soulignant qu'il s'inscrit au cœur de la philosophie du RMA, à laquelle on peut croire ou non, mais qui apporte un accompagnement et une formation essentiels à des publics très fragilisés.

En réponse aux intervenants, la rapporteure a tout d'abord précisé que la durée du délai de carence proposé correspond à un compromis entre la volonté d'éviter un « turn over » important, afin d'assurer la protection des bénéficiaires du RMA, et celle de ne pas décourager les entreprises qui souhaitent réellement s'inscrire dans une démarche d'insertion. Cet amendement est en en effet au cœur de la philosophie du RMA dans la mesure où ces mesures s'adressent à des populations fragilisées, requérant un accompagnement social et une formation professionnelle qui supposent une durée suffisante. Or, avec cet amendement, les entreprises auront tout intérêt à prolonger ces contrats jusqu'à dix-huit mois.

Mme Catherine Génisson a estimé que si tout le monde partage l'objectif de favoriser la réinsertion de ces populations dans un milieu économique ordinaire, le problème est en réalité celui du dispositif proposé. Il faut en effet veiller à ce que les bénéficiaires disposent d'un minimum de garanties quant à leur avenir professionnel. Aussi paraît-il préférable d'associer à un contrat de travail de droit commun des mesures d'accompagnement social, comme cela a été prévu par la loi relative à la lutte contre les exclusions.

C'est pour les mêmes raisons, c'est-à-dire l'insuffisance des mesures d'accompagnement et de formation, que le groupe socialiste a voté contre la loi du 29 août 2002 portant création des contrats jeunes en entreprise. Du reste, l'évolution du nombre de contrats signés depuis un an (84 000 sur les six premiers mois et 16 000 sur les quatre derniers) témoigne de la réalité de cet effet d'aubaine et de ce que les entreprises, si elles peuvent être un lieu d'accueil, ne peuvent en aucun cas assumer des missions sociales de réinsertion.

Le président Jean-Michel Dubernard a objecté que le second chiffre ne porte en réalité que sur trois mois : il faut tenir compte des variations saisonnières liées à la période estivale.

La commission a adopté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de Mme Muguette Jacquaint tendant, à l'issue du contrat insertion-revenu minimum d'activité, à rendre son bénéficiaire prioritaire sur les emplois vacants dans sa catégorie professionnelle au sein de l'entreprise.

M. Maxime Gremetz a indiqué que l'amendement vise à éviter les effets d'aubaine, les bénéficiaires n'étant pas des « kleenex » que l'on peut jeter après utilisation.

Se déclarant défavorable à l'amendement, la rapporteure a précisé que la fin du RMA peut déboucher sur trois possibilités : un recrutement, l'entrée dans un contrat aidé classique du type contrat initiative-emploi ou un retour dans le dispositif RMI. Bien sûr, chacun souhaite que la première hypothèse soit la plus fréquente. En tout état de cause, l'amendement proposé va à l'encontre de la liberté d'embauche de l'employeur et est en outre contraire au principe constitutionnel de la liberté d'entreprendre. En revanche, un amendement visant à rendre ces salariés prioritaires dans l'information sur les postes vacants sera proposé.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement de la rapporteure visant à permettre la conclusion d'un contrat insertion-revenu minimum d'activité pour une durée minimale équivalente à un mi-temps.

La rapporteure a d'emblée souligné que le dispositif est à double tranchant et peut donner lieu à débat. Cette modification du dispositif répond à deux objectifs : faciliter l'emploi de publics pour lesquels une durée de travail hebdomadaire de vingt heures peut déjà paraître lourde ; à l'inverse, lorsque le bénéficiaire progresse dans sa démarche d'insertion, le choix du mi-temps peut permettre de cumuler deux emplois de cette durée.

Le président Jean-Michel Dubernard a relevé que la durée minimale de vingt heures constitue une sorte de taquet qui permet d'éviter les effets d'aubaine.

M. Maxime Gremetz, après avoir jugé la proposition tentante, a estimé qu'elle conduit à transformer le contrat en un mi-temps systématique. Il deviendra difficile dans ces conditions d'assurer une formation adéquate. En outre il existe un risque que les bénéficiaires de ce cumul gagnent finalement plus que les salariés ordinaires rémunérés au SMIC.

M. Rodolphe Thomas a rappelé que l'essentiel est d'assurer une formation aux bénéficiaires, ce que l'amendement ne faciliterait pas.

Mme Nadine Morano a considéré que le dispositif proposé ne prend pas en compte la difficulté qu'il y aura à trouver un deuxième contrat insertion-revenu minimum d'activité.

La rapporteure a retiré l'amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Rodolphe Thomas visant à porter la période d'essai du bénéficiaire du contrat insertion-revenu minimum d'activité de quinze jours à un mois, afin de mieux prendre en compte la fragilité des populations concernées et d'augmenter leurs chances de réussite dans l'emploi.

La rapporteure a jugé que l'amendement ne conduit pas à protéger davantage le bénéficiaire du contrat mais au contraire à le maintenir dans une période d'incertitude.

M. Maxime Gremetz a rappelé que la durée de la période d'essai est fixée par le code du travail et que l'amendement n'a pas lieu d'être.

Mme Hélène Mignon a soutenu l'amendement et rappelé que les personnes engagées ont un besoin particulier d'accompagnement et de soutien au début de leur contrat.

La rapporteure a insisté de nouveau sur la situation précaire des salariés en période d'essai et rappelé, à titre de comparaison, que le code du travail fixe à deux semaines la durée de la période d'essai des salariés ayant conclu un contrat à durée déterminée de six mois.

La commission a rejeté l'amendement.

Article L. 322-4-15-5 nouveau du code du travail

Cet article définit les conditions de rupture anticipée du contrat insertion-revenu minimum d'activité et les conditions de cumul avec une autre activité.

On rappellera tout d'abord que, sauf dispositions dérogatoires, le droit commun du contrat à durée déterminée, c'est-à-dire l'article L. 122-3-8 du code du travail, s'applique en la matière aux contrats insertion-revenu minimum d'activité,. Le principe est celui de la non rupture du contrat de travail par l'employeur avant son terme sauf faute grave ou cas de force majeure. Le non respect de ce principe donne lieu à dommages et intérêts.

Se pose dans le cas du contrat insertion-revenu minimum d'activité une difficulté pratique d'application : ces dommages et intérêts doivent compenser « le préjudice subi », ils ne constituent pas un revenu de remplacement. Dès lors, faut-il calculer les dommages sur le seul salaire différentiel versé par l'employeur, en considérant que le rétablissement du RMI à son niveau antérieur compense le préjudice lié à la perte de revenu, ou faut-il considérer que la rupture portant atteinte à la démarche d'insertion doit intégrer à ce titre un dédommagement supplémentaire ? La rapporteure est d'avis qu'il faut en rester à la logique sous-tendue par la rédaction actuelle de l'article L. 322-4-15-7, à une appréciation directement financière des conséquences de la rupture, afin d'éviter les effets dissuasifs d'une relation trop contraignante.

En revanche, il convient d'assurer la continuité du revenu du bénéficiaire du RMA en prévoyant que l'employeur informe sans délais les organismes payeurs de la rupture du contrat insertion-revenu minimum d'activité.

Le premier alinéa prévoit une dérogation au droit commun de l'article L. 322-4-8 précité favorable au salarié. Il lui est en effet possible de rompre le contrat insertion-revenu minimum d'activité sans préavis dès lors qu'il peut justifier d'une embauche sur contrat à durée indéterminée, sur contrat à durée déterminée d'une durée supérieure à six mois ou de l'entrée dans une formation qualifiante. On rappellera que le droit commun prévoit une durée de préavis d'une journée par semaine calculée sur la durée totale du contrat avec un plafond de quinze jours.

Le deuxième alinéa offre une autre garantie au bénéficiaire du RMA. Le contrat insertion-revenu minimum d'activité n'est que suspendu durant la période d'essai préalable à l'embauche définitive sur l'un des contrats visés à l'alinéa précédent. A l'issue de la période de suspension, en cas d'embauche, le salarié se voit confirmer le droit de rompre le contrat insertion-revenu minimum d'activité sans préavis. En cas de non-embauche, la suspension du contrat insertion-revenu minimum d'activité est levée et son exécution reprend dans les conditions normales.

La combinaison de ces deux alinéas permet donc au bénéficiaire du RMA de saisir toute chance d'accéder à une situation professionnelle meilleure, de sauter des marches dans l'insertion, sans risque de redescendre de la première en perdant le bénéfice du contrat insertion-revenu minimum d'activité

Le dernier alinéa prévoit quant à lui les règles relatives au cumul du contrat insertion-revenu minimum d'activité avec une autre activité professionnelle rémunérée.

Alors que le projet de loi prévoyait qu'il n'était cumulable avec aucune autre activité, le Sénat a, sur proposition de sa commission des affaires sociales et avec l'avis favorable du gouvernement sous réserve d'un strict encadrement, ouvert une possibilité de cumul dans les conditions suivantes :

- le cumul doit être autorisé expressément par la convention signée entre le département et l'employeur ;

- il ne peut l'être qu'au terme d'un délai de quatre mois suivant la signature du contrat insertion-revenu minimum d'activité initial ;

- à défaut de respect de ces conditions, le président du conseil général peut - il ne s'agit là que d'une faculté - résilier la convention et donc entraîner la rupture du contrat insertion-revenu minimum d'activité ;

- dans ce cas, la rupture est réputée être le fait du salarié et n'entraîne pas le versement de dommages et intérêts.

*

La commission a examiné un amendement de la rapporteure prévoyant une information individualisée des salariés en contrat insertion-revenu minimum d'activité sur les postes vacants dans l'entreprise, afin de s'assurer que toutes les chances d'insertion durable leur sont offertes.

Mme Catherine Génisson a jugé que l'amendement conduirait malheureusement à renforcer le caractère dérogatoire du contrat.

La rapporteure a objecté que les amendements qu'elle propose ont pour but de donner aux allocataires des garanties supplémentaires par rapport au droit commun - qui leur est, sauf dispositions expresses, applicable - ce que leur fragilité particulière justifie.

La commission a adopté l'amendement.

La commission a ensuite adopté un amendement de la rapporteure visant à introduire la possibilité de cumuler une activité sous contrat insertion-revenu minimum d'activité et l'appui à la mise en œuvre d'un projet de création ou de reprise d'entreprise dans le cadre du contrat d'appui au projet d'entreprise institué par la loi pour l'initiative économique.

Article L. 322-4-15-6 nouveau du code du travail

Cet article définit la nature et les composantes du revenu versé au bénéficiaire du contrat insertion-revenu minimum d'activité (paragraphe I), les conditions de son maintien en cas de suspension du contrat (paragraphe II) et renvoie au décret pour plus de précisions sur ces points (paragraphe III).

Le paragraphe I porte création du revenu minimum d'activité que percevra le bénéficiaire du contrat insertion-revenu minimum d'activité.

Son premier alinéa définit les trois éléments essentiels du RMA.

Tout d'abord, il le qualifie de « revenu ». Le terme utilisé est essentiel : comme le confirme l'article L. 322-4-15-7, ce revenu n'est pas considéré comme une rémunération en dépit de l'existence d'une part salariale - comme l'indiquent la notion de « maintien du salaire » utilisée au paragraphe II du présent article et la qualification de « salarié » utilisée pour désigner le bénéficiaire à plusieurs reprises dans le texte. Le projet de loi entend faire de ce revenu un mixte entre une prestation sociale et un salaire, avec des conséquences en matière de protection sociale, volontaires puisqu'elles servent l'attractivité à court terme du dispositif.

Ensuite, il affirme que ce revenu constitue un « minimum ». Prolongement du RMI, le RMA ne peut être inférieur à un seuil donné - qui serait, compte tenu du niveau actuel du SMIC et du RMI, de 594,21 euros par mois (RMA brut) - dont le mode de calcul est précisé par le troisième alinéa. Il peut toutefois lui être supérieur.

Enfin, il lie au nombre d'heures travaillées, non pas le montant de ce revenu mais la répartition entre sa composante sociale et sa composante salariale.

La rapporteure estime que la confusion opérée entre la nature mixte des composantes du RMA et sa qualification juridique est une source d'ambiguïté majeure et contribuera à stigmatiser le bénéficiaire du RMA dans l'entreprise.

Il conviendrait, en dépit du fait que son coût réel n'est pas le coût total, de tirer les conséquence de son versement total par l'employeur en vertu du deuxième alinéa du présent article, en qualifiant le RMA de « salaire ».

La confusion opérée n'est en effet pas sans conséquences. Outre son impact sur la protection sociale du salarié déjà évoqué, on notera par exemple que ce revenu ne bénéficie par son statut sui generis ni de la protection attachée au salaire, ni de celle afférente aux prestations sociales. Il conviendrait de clarifier ce point de façon à protéger le revenu du bénéficiaire du RMA.

Cette confusion sur la nature du RMA ne peut être justifié par ses modalités de calcul définies au troisième alinéa du présent paragraphe. En effet, l'employeur ne fait que percevoir une aide du département équivalente au montant du RMI pour une personne isolée (411,70 euros) diminué du forfait logement (49,40 euros), soit 362,30 euros. Il ne s'agit donc pas là du versement du RMI par l'employeur, mais d'une aide publique classique.

La combinaison de la fixation d'un revenu minimum par le premier alinéa et son financement partiel indirect par le département laissent à la charge de l'employeur le différentiel qui a indéniablement, selon le texte même, la nature d'un salaire. Ce coût résiduel fait du RMA un contrat financièrement attractif, surtout en dessous d'une durée hebdomadaire de vingt-cinq heures.

Le dernier alinéa de ce paragraphe prévoit que le département peut déléguer le service de l'aide du département au RMA à un tiers. Cette faculté devrait de façon logique conduire à la confier aux organismes chargés du paiement du RMI.

Le paragraphe II prévoit un dispositif de maintien de « son salaire » au profit du bénéficiaire du RMA dans certains cas de suspension du contrat insertion-revenu minimum d'activité.

Ce paragraphe a fait l'objet d'un amendement de précision de la part du Sénat et a surtout donné lieu à un débat découlant une fois encore de la confusion créée par l'usage alternatif des notions de « revenu » et de « salaire »

Alors que le Sénat estimait que ce paragraphe mettait à la charge de l'employeur le maintien intégral du RMA, le gouvernement s'est inscrit en faux expliquant que « le terme de « salaire » vise, dans le projet de loi, le différentiel entre l'allocation et le montant global du revenu minimum d'activité ».

Dès lors, le maintien du salaire évoqué concerne le complément différentiel versé par l'employeur et non le RMI. Sur cette partie du revenu, la disposition reste avantageuse puisque les arrêts maladie, accident de travail, congé légal de maternité, de paternité ou d'adoption donnent lieu au versement d'indemnités journalières à hauteur du complément différentiel et sans délai de carence.

Toutefois, la suspension du contrat insertion-revenu minimum d'activité rend particulièrement essentiel, pour le maintien de la composante « sociale » du RMA, le second amendement adopté par le Sénat, sur ce paragraphe à l'initiative de M. Jean Chérioux avec avis favorable du gouvernement, prévoyant de façon explicite le versement direct et immédiat du RMI à un niveau équivalent à celui de l'aide départementale. En l'absence d'une telle disposition, la suspension eût entraîné des situations de rupture.

Le paragraphe III, adopté avec un amendement de précision par le Sénat, renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination : du montant du RMA ; du montant de l'aide départementale ; de leurs modalités de calcul et de versement en cas de suspension.

*

La commission a examiné un amendement de la rapporteure qualifiant le RMA de salaire.

La rapporteure a rappelé que le RMA est qualifié de « revenu » par le projet de loi qui lui dénie même la qualité de « rémunération ». Cependant, il recourt parfois à des formulations comme celle de « maintien du salaire » et à la qualification de « salarié » utilisée pour désigner le bénéficiaire du RMA. La confusion ainsi introduite sur le statut d'un revenu issu de l'activité d'un salarié n'est pas sans conséquences. On notera par exemple que ce revenu ne bénéficie, du fait de son statut sui generis, ni de la protection attachée au salaire, ni de celle afférente aux prestations sociales. Il convient, en dépit du fait que son coût réel n'est pas le coût total, de tirer les conséquence de son versement total par l'employeur en qualifiant le RMA de « salaire ».

Le président Jean-Michel Dubernard s'est demandé si l'amendement ne conduit pas à modifier l'équilibre même du revenu minimum d'activité.

M. Maurice Giro a souligné que l'amendement renforce le caractère de contrat de travail de droit commun du contrat insertion-revenu minimum d'activité.

Mme Hélène Mignon s'est déclarée favorable à l'amendement à la condition que les cotisations sociales afférentes soient versées sur l'ensemble de ce salaire.

Mme Catherine Génisson a soutenu la proposition de la rapporteure, estimant qu'il s'agit d'une juste application de l'adage « Toute peine mérite salaire » et du principe de droit du travail « A travail égal, salaire égal ».

M. Maxime Gremetz a considéré que l'application du droit commun doit conduire à au calcul des cotisations sociales sur l'ensemble du salaire.

Mme Nadine Morano a estimé que l'emploi du terme « salaire » est de nature à redonner une dignité aux bénéficiaires et correspond à l'esprit de la démarche d'insertion par l'emploi.

La commission a adopté l'amendement de la rapporteure.

Article L. 322-4-15-7 nouveau du code du travail

Cet article fixe les règles applicables au RMA en matière de cotisations sociales applicables.

Le paragraphe I formalise la distinction, sous-jacente jusqu'à présent dans l'article 35, entre les deux composantes du RMA.

Les cotisations sociales salariales et patronales sont assises sur le seul complément de salaire versé par l'employeur qui seul est considéré comme une rémunération au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.

Cette disposition a plusieurs avantages :

- L'absence de cotisations patronales réduit fortement le coût du travail puisque l'employeur n'assume plus que 47 % du coût total lié à l'emploi du bénéficiaire du RMA.

- Le dispositif est également attractif pour celui-ci qui bénéficie de l'absence de cotisations salariales, ce qui crée un gain de 49 euros par mois.

- Par ailleurs, le bénéficiaire du RMA bénéficie des droits connexes à la CMU (cf. infra le commentaire de l'article 37), ce qui atténue la faiblesse des droits constitués en matière de maladie.

- Elle permet enfin au bénéficiaire du RMA de se constituer des droits à retraite 20.

Elle présente malheureusement aussi de nombreux inconvénients, moins aisément perceptibles :

- Elle crée une inégalité de salaire au profit du bénéficiaire du RMA et au détriment du salarié de droit commun employé pour la même durée.

- Cette inégalité risque de poser problème non seulement au sein de l'entreprise mais lors de la sortie du bénéficiaire du RMA du dispositif : alors qu'il accéderait à un véritable emploi, il toucherait moins que sous CI-RMA ; ce n'est pas de nature à valoriser l'insertion.

- Le bénéficiaire du RMA ne se constitue que des droits à retraite réduits (deux trimestres au lieu de quatre pour un salarié ordinaire travaillant la même durée, soit vingt heures).

- Enfin, le bénéficiaire du RMA ne travaillant qu'une vingtaine d'heures ne se créera pas de droit à l'assurance chômage à la différence du salarié ordinaire dans la même situation.

Même si cette situation n'est que temporaire et vise à maximiser l'attractivité du dispositif - et donc de l'insertion - cette innovation en matière de protection sociale est, sinon juridiquement problématique au regard du principe d'égalité, à tout le moins dérangeante sur le plan de la symbolique. Le RMA crée des revenus différents, une protection sociale inégale, pour un travail équivalent.

On aurait pu parvenir à un résultat à peu près comparable par d'autres moyens (par exemple par une exonération de cotisations sociales patronales) et la rapporteure proposera un amendement en ce sens.

Le paragraphe II prévoit une exonération de cotisations sociales patronales totale sur le complément de rémunération servi par les employeurs non-marchands à hauteur du SMIC, ce qui réduit pour eux le coût du RMA à 37 % du coût total.

*

La commission a adopté un amendement de la rapporteure supprimant le premier alinéa de cet article en cohérence avec l'octroi au RMA de la qualité de salaire qui conduit à asseoir les cotisations sociales sur l'ensemble du RMA.

En conséquence, un amendement de M. Maxime Gremetz tendant au même résulat est devenu sans objet.

La commission a ensuite rejeté deux amendements : l'un de M. Maxime Gremetz tendant à supprimer les exonérations de cotisations sociales patronales sur les contrats insertion-revenu minimum d'activité conclus dans le secteur non marchand ; l'autre de M. Rodolphe Thomas visant à étendre le bénéfice de ces exonérations au secteur marchand.

La commission a examiné un amendement de la rapporteure exonérant le RMA de cotisations sociales patronales, dans la limite d'un montant de rémunération égal à 65 % du produit du salaire minimum de croissance par le nombre d'heures travaillées, en cohérence avec la qualification de salaire accordée au RMA, la rapporteure ayant souligné la nécessité que le RMA reste attractif.

Mme Hélène Mignon s'est interrogée sur les modalités de remboursement de ces exonérations.

La commission a adopté l'amendement.

Article L. 322-4-15-8 nouveau du code du travail

Cet article adopté sans modification par le Sénat, prévoit la mise en œuvre d'actions d'insertion professionnelle au profit des bénéficiaires du RMA par le département, actions menées conjointement avec d'autres partenaires (Etat, collectivités territoriales et employeurs, ANPE), éventuellement dans un cadre conventionnel.

Les conditions en seront, utilement, précisées par voie réglementaire.

Article L. 322-4-15-9 nouveau du code du travail

Cet article, adopté sans modification par le Sénat, prévoit que le département peut financer tout ou partie des frais afférents à l'embauche d'un bénéficiaire du RMA ainsi qu'à sa « formation complémentaire ».

La rapporteure proposera simplement de préciser cette notion en excluant de la prise en charge par le département ce qui relève obligatoirement de l'employeur, c'est-à-dire les formations d'adaptation.

*

La commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz visant à supprimer la prise en charge par le département des coûts afférents à l'embauche et des formations complémentaires sur le temps de travail dans le but de ne pas créer des inégalités entre les départements qui pourront mener des actions de formation et ceux qui ne le pourront pas.

La rapporteure a donné un avis défavorable estimant utile que les départements puissent contribuer à formation des bénéficiaires du RMA et indiqué qu'un amendement précisera les conditions de cette aide.

La commission a également rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz visant à associer l'employeur au financement de la formation complémentaire pendant la durée du temps de travail, afin que cette charge ne soit pas seulement supportée par les départements, la rapporteure ayant objecté que cette préoccupation est déjà couverte par le texte.

La commission a adopté un amendement de la rapporteure qui précise la nature des actions de formation que peut financer le département en excluant les formations d'adaptation des bénéficiaires du RMA à leur emploi qui doivent demeurer à la charge de l'employeur.

La commission a ensuite rejeté un amendement de Mme Claude Greff créant un dispositif de cumul du RMA et de revenus tirés d'une activité indépendante, la rapporteure ayant rappelé qu'il était satisfait par un amendement précédemment adopté.

La commission a ensuite rejeté deux amendements de M. Rodolphe Thomas visant respectivement :

- à mettre en place un dispositif favorisant la sortie des bénéficiaires d'un contrat insertion-revenu minimum d'activité en contrat à durée indéterminée ;

- à limiter l'aménagement hebdomadaire des heures de travail.

La commission a adopté l'article 35 ainsi modifié.

Après l'article 35

La commission a rejeté un amendement de M. Francis Vercamer tendant à instituer un fonds national de péréquation de l'insertion.

Article 36

(articles L. 322-4-2, L. 322-4-14, L. 422-1, L. 432-4-1 du code du travail)

Dispositions de coordination au sein du code du travail avec la mise en place
du contrat insertion-revenu minimum d'activité

Cet article vise à prendre en compte dans plusieurs articles du code du travail la création du contrat insertion-revenu minimum d'activité :

- ouverture du contrat initiative emploi aux bénéficiaires du RMA (paragraphe I) ;

- exclusion des bénéficiaires du RMA du calcul des effectifs (paragraphe II) ;

- information des représentants du personnel sur les contrats insertion-revenu minimum d'activité (paragraphes III et IV).

Le paragraphe I, qui a fait l'objet d'un amendement de précision adopté par le Sénat avec avis favorable du gouvernement, vise à ouvrir le droit d'accéder au contrat initiative emploi aux bénéficiaires du RMA. Si le RMA constitue la première étape du processus d'insertion professionnelle pour les publics les plus éloignés de l'emploi, le contrat initiative emploi peut à l'évidence être considéré comme une deuxième étape.

Le présent paragraphe propose donc d'ouvrir aux bénéficiaires du RMA l'accès au contrat initiative emploi réservé par l'article L. 322-4-2 du code du travail aux bénéficiaires de minima sociaux, aux personnes rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi et aux demandeurs d'emplois de longue durée. Pour cette dernière catégorie, une durée d'inscription comme demandeur d'emploi est exigée : le présent paragraphe propose que cette durée soit prolongée de la période passée en RMA.

La rapporteure comprend la logique de la disposition qui vise à ne pas exclure du dispositif les bénéficiaires du RMA au motif qu'ils exercent une activité. Toutefois, elle semble superfétatoire puisque les bénéficiaires du RMA continuent d'être allocataires du RMI - même si son montant peut être égal à zéro dès lors que l'employeur verse l'aide départementale équivalente au RMI - et sont à ce titre bénéficiaire d'un minimum social. En tout état de cause, elle ne saurait constituer une dénégation implicite de la qualité de bénéficiaire du RMI du signataire d'un RMA.

Le pararaghe II modifie l'article L. 322-4-14 du code du travail afin que les bénéficiaires du RMA ne soient pas pris en compte dans le calcul des effectifs de l'entreprise pour l'application de toutes les dispositions législatives et réglementaires relatives à une condition d'effectif. Cette disposition classique - elle est par exemple applicable aux contrats emploi-solidarité et aux contrats emploi-consolidé - se justifie : la question des seuils d'effectifs constitue pour les employeurs un frein puissant à l'embauche, même si des contrats de courte durée n'ont souvent qu'une faible incidence sur le calcul des effectifs, parfois lissé sur plusieurs années. De plus, cette non-prise en compte des bénéficiaires du RMA n'a pas de répercussion sur leurs droits, identiques à ceux des autres salariés : ils peuvent par exemple participer à l'élection des représentants du personnel.

Le paragraphe III étend le droit d'information dont disposent, en vertu de l'article L. 422-1-1 du code du travail, les délégués du personnel sur les contrats de travail portant mise à disposition d'intérimaires aux contrats insertion-revenu minimum d'activité.

Le paragraphe IV, en modifiant l'article L. 432-1 du code du travail, octroie également un droit d'information au comité d'entreprise sur le nombre de conventions conclues avec le département et celui des contrats insertion-revenu minimum d'activité conclus sur ce fondement et prévoit un rapport annuel au comité d'entreprise sur leur exécution.

La rapporteure partage la volonté de transparence et le souci d'information des représentants du personnel exprimés par ces deux paragraphes. Elle observe toutefois qu'il eût été plus simple d'inclure les contrats insertion-revenu minimum d'activité dans le champ de l'article L. 432-4-1-1.

Une telle inclusion aurait présenté l'avantage :

- d'associer de façon identique les représentants du personnel qu'ils soient membres du comité d'entreprise ou délégués du personnel ;

- d'éviter une double transmission au comité d'entreprise et aux délégués du personnel, ceux-ci n'étant dans ce cas informés qu'en cas d'absence du comité d'entreprise ;

- de prévoir une information plus complète puisque sa périodicité serait au minimum semestrielle.

*

La commission a rejeté un amendement de suppression de l'article de Mme Hélène Mignon.

La commission a examiné un amendement de la rapporteure visant à simplifier et améliorer l'information des représentants du personnel sur les contrats insertion - revenu minimum d'activité.

M. Maxime Gremetz a demandé si les personnels bénéficiaires de CI-RMA sont pris en compte pour le calcul des effectifs et s'ils ont accès aux prestations du comité d'entreprise.

Après que la rapporteure a indiqué que ces personnels seront traités de la même manière que les bénéficiaires de contrat d'insertion, la commission a adopté l'amendement.

La commission a adopté l'article 36 ainsi modifié.

Article additionnel avant l'article 37

(article L. 262-10 du code de l'action sociale et des familles)

Exclusion du RMA du calcul des ressources servant à l'établissement du RMI

La commission a adopté un amendement de la rapporteure visant à exclure le revenu minimum d'activité du calcul des ressources servant à l'établissement du RMI.

Article 37

(articles L. 262-6-1 et L. 262-12-1 [nouveau] du code de l'action sociale et des familles)

Maintien des droits afférents au bénéfice du RMI pour les signataires d'un contrat insertion-revenu minimum d'activité

Cet article constitue avec l'article 35 du projet de loi le cœur du dispositif du revenu minimum d'activité. L'article 35 est le moteur du retour vers l'emploi ; le présent article est le filet de sécurité garantissant au signataire d'un RMA le maintien des droits nés de la qualité de bénéficiaire du RMI.

L'article L. 262-1 nouveau du code de l'action sociale et des familles introduit par le paragraphe I prévoit le maintien des droits attachés au bénéfice du RMI en cas de signature d'un contrat insertion-revenu minimum d'activité.

Il convient de rappeler que le RMI constitue une allocation différentielle (article L. 262-3 du code de l'action sociale et des familles) ; dès lors, la conclusion d'un contrat insertion-revenu minimum d'activité par lequel le bénéficiaire du RMI perçoit à la fois le RMI garanti à une personne isolée et un salaire complémentaire de l'employeur devrait de façon logique conduire à une révision du montant du RMI sur le fondement de l'article L. 262-27 du code de l'action sociale et des familles et, si le RMA est supérieur au niveau de ressources requis en fonction de la situation de famille, à un risque de perte du bénéfice du RMI.

En l'absence de dispositions explicites, l'allocataire du RMI perdrait donc cette qualité et les droits qui en découlent pour lui-même, son foyer et les personnes à sa charge : il s'agit notament de la couverture maladie universelle (CMU), de la CMU complémentaire ou encore de l'exonération de taxe d'habitation. Le contrat insertion-revenu minimum d'activité perdrait une grande partie de son attractivité.

En conséquence, le présent article garantit pendant la durée du contrat insertion-revenu minimum d'activité le maintien de ces droits à chacun des membres du foyer et chacune des personnes à charge. Même si la notion de foyer inclut évidemment le bénéficiaire lui-même, la rapporteure estime opportun de le préciser par un amendement. En effet, la faiblesse de la couverture maladie offerte par l'article L. 322-4-15-7 du code du travail au bénéficiaire du contrat insertion-revenu minimum d'activité rend particulièrement nécessaire le maintien du bénéfice de la CMU et de la CMU complémentaire.

L'article L. 262-12-1 nouveau du code de l'action sociale et des familles introduit par le paragraphe II du présent article constitue le prolongement logique de cette disposition. Parmi les droits des bénéficiaires du RMI figure au premier chef le droit à l'allocation. Cet article réaffirme ce droit.

Le maintien du droit à l'allocation du RMI est évidemment important dans certaines situations familiales. Il est la condition de l'attractivité financière du RMA. En effet, le montant de l'aide du département versée au titre du RMA est forfaitaire et équivaut au RMI versé à une personne isolée, diminué du forfait logement. En conséquence, le RMA ne procure qu'un faible gain - vraisemblablement annulé par les frais de transport et d'habillement qu'entraîne l'exercice d'un emploi - lorsque le foyer compte deux personnes et est moins attractif dès lors qu'il en compte trois.

En conséquence, le premier alinéa de l'article L. 262-12-1 prévoit le versement d'un RMI résiduel consistant à défalquer le montant de l'aide départementale du RMI « résultant de l'application des dispositions de le présente section ». L'idée est évidemment de neutraliser le revenu tiré du contrat insertion-revenu minimum d'activité dans le calcul du RMI. Toutefois, la référence au mode de calcul du droit commun du RMI ne semble pas suffisante. En effet, l'article L. 262-10 du code de l'action sociale et des familles pose comme principe dans son premier alinéa que « L'ensemble des ressources des personnes retenues pour la détermination du montant du revenu minimum d'insertion est pris en compte pour le calcul de l'allocation ». Même si le deuxième alinéa du même article prévoit que « certaines prestations sociales à objet spécialisé » peuvent être exclues de la base de calcul, on peut douter que la disposition suffise à exclure la partie « aide départementale » du RMA versée par l'employeur : le versement par l'employeur en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 322-4-15-6 du code du travail ne permet pas de qualifier cette partie du RMA de « prestation sociale ». Par ailleurs, l'article L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles permet d'exclure les « rémunérations tirées d'activités professionnelles (....) qui ont commencé au cours de la période de versement de l'allocation ». Le fait que le premier alinéa de l'article L. 322-4-15-7 considère le seul complément de salaire comme une rémunération et non la partie équivalente à l'aide départementale ne permet pas de se fonder sur l'article L. 262-11 pour exclure l'ensemble du RMA de la base de calcul du RMI.

Dès lors, même si l'exclusion de la base de calcul du RMI de la totalité du RMA - nécessaire pour lui conserver son attractivité - est évidente, elle n'est qu'implicite et la rapporteure proposera un amendement pour la sécuriser.

Sous cette réserve, la neutralité du RMA est assurée et permet le versement d'un RMI résiduel positif pour les bénéficiaires non isolés.

Attractivité du RMA et RMI résiduel

(en euros)

RMI ACTUEL (1)

RMA

DIFFÉRENTIEL ENTRE RMI ET RMA

RMI RÉSIDUEL VERSÉ PENDANT LE RMA

PERSONNE ISOLÉE

362

545

183

0

COUPLE

519

545

26

157

FAMILLE MONOPARENTALE AVEC DEUX ENFANTS

619

545

- 74

257

COUPLE AVEC DEUX ENFANTS

742

545

- 197

380

(1) Hors forfait logement

Au final, le gain résultant du RMA est constant à 183 euros.

Si ce paragraphe est important pour la famille de l'allocataire, il l'est tout autant pour celui-ci. Il confirme le maintien du versement de l'allocation à son profit quand bien même son montant serait égal à zéro dans le cas d'un bénéficiaire isolé. La rapporteure proposera un amendement de précision sur cette question.

Ce maintien dans le dispositif RMI évite en effet tout risque de rupture du versement de l'allocation en cas de sortie du RMA. L'allocataire n'aura pas à formuler une demande d'ouverture du droit à l'allocation sur le fondement de l'article L. 262-19 du code de l'action sociale et des familles mais percevra de nouveau, sur le fondement de l'article L. 262-28 du même code, la part de l'allocation de RMI allouée à la personne isolée (en sus de l'éventuelle part familiale).

Ce maintien de la qualité de bénéficiaire du RMI le temps du RMA est essentiel : il apaise la crainte fréquente chez des personnes précarisées de changer de situation, par exemple en reprenant un emploi, au risque de perdre une prestation et des droits certains, fût-ce une rupture temporaire. Une telle rupture revêt en effet très rapidement une dimension dramatique.

Afin de garantir qu'elle ne se produira pas, le second alinéa du présent article revêt une importance particulière puisque les organismes chargés du servie de l'allocation du RMI sont destinataires des informations relatives au contrat insertion-revenu minimum d'activité. Les conditions de cette information seront précisées par voie réglementaire. Il conviendra qu'ils soient informés de sa conclusion, de son éventuelle suspension ainsi que de son renouvellement ou de sa rupture. Cette information devra en particulier permettre que la suspension de la fin du versement du RMA soit immédiatement, si besoin est, suivie du versement du RMI dans les conditions de droit commun. La rapporteure proposera un amendement en ce sens.

*

Mme Hélène Mignon a retiré un amendement de suppression de l'article.

La commission a adopté un amendement de la rapporteure visant à affirmer de façon explicite le droit du salarié signataire d'un contrat insertion - revenu minimum d'activité à conserver les droits connexes au RMI du fait du maintien de son statut de bénéficiaire de celui-ci.

La commission a ensuite rejeté un amendement de Mme Martine Billard visant à garantir le bénéfice de la CMU pendant la durée du contrat insertion-revenu minimum d'activité.

La commission a adopté deux amendements de la rapporteure :

- Le premier affirme de façon explicite le maintien de l'ensemble des droits liés au RMI pour le bénéficiaire du RMA y compris le droit à allocation, précision jugée fondamentale par le président Jean-Michel Dubernard

- Le second apporte un élément de sécurisation juridique en précisant que dès lors que le bénéficiaire du RMA sort du dispositif, le RMI se substitue immédiatement à l'aide du département afin d'éviter une rupture financière aux conséquences dramatiques et en précisant le montant temporaire.

La commission a adopté l'article 37 ainsi modifié.

Article 38

(article L. 522-18 du code de l'action sociale et des familles)

Compétences des agences départementales d'insertion en matière
de contrat insertion-revenu minimum d'activité

Cet article prévoit de confier, par cohérence avec l'article 33 octroyant certaines compétences en matière de RMI aux agences départementales d'insertion dans les départements d'outre-mer, certaines des attributions relatives au RMA à ces mêmes agences.

Ainsi l'agence exercerait dans les départements d'outre-mer les compétences suivantes, assignées au département en métropole :

- conclusion de la convention avec l'employeur préalable à la signature d'un contrat insertion-revenu minimum d'activité (article L. 322-4-15-1 du code du travail) ;

- renouvellement éventuel de cette convention après évaluation des compétences professionnelles du salarié et de sa participation à l'activité de l'établissement et notification de cette décision (article L. 322-4-15-4 du code du travail) ;

- versement à l'employeur signataire du contrat insertion-revenu minimum d'activité d'une aide d'un montant équivalent au RMI et éventuelle délégation du service de cette aide à un tiers par convention (article L. 322-4-15-6 du code du travail) ;

- réalisation d'actions d'insertion en faveur des bénéficiaires du RMA dans le cadre d'un partenariat avec les autres acteurs de l'insertion, éventuellement dans un cadre conventionnel (article L. 322-4-15-2 du code du travail) ;

- prise en charge d'action de formation au profit des bénéficiaires du RMA (article L. 322-4-15-9 du code du travail).

Cet article a été adopté par le Sénat avec un amendement, proposé par sa commission des affaires sociales et accepté par le gouvernement, qui étend la compétence de l'agence départementale d'insertion à la résiliation du contrat insertion-revenu minimum d'activité visée à l'article L. 322-4-15-5.

Cette modification soulève deux remarques : la compétence de résiliation du contrat insertion-revenu minimum d'activité ne relève pas en métropole du département mais du président du conseil général à la différence des autres compétences confiées à l'agence départementale d'insertion ; par ailleurs, la compétence en matière de suspension du RMI relève elle aussi du président du conseil général en métropole et non de l'agence départementale d'insertion.

*

La commission a adopté l'article 38 sans modification.

Article 39

(article 81 du code général des impôts)

Exonération du RMA de l'impôt sur le revenu

Cet article, adopté sans modification par le Sénat, prévoit que le revenu tiré de l'exécution d'un contrat insertion-revenu minimum d'activité n'est pas assujetti à l'impôt sur le revenu (paragraphe I) et étend cette exonération à Saint-Pierre-et-Miquelon (paragraphe II).

La rapporteure propose de l'adopter sans modification.

*

La commission a adopté l'article 39 sans modification.

TITRE III

SUIVI STATISTIQUE, ÉVALUATION ET CONTRÔLE

Article 40

(articles L. 262-33, L. 262-48 et L. 262-49 à L. 262-55 [nouveaux]
du code de l'action sociale et des familles)

Suivi, évaluation et contrôle du RMI et du RMA

Cet article met en place un dispositif de suivi, d'évaluation et de contrôle du RMI et du RMA.

Le paragraphe I tient compte de l'insertion par le paragraphe II d'une nouvelle section 6 au sein du chapitre II du titre VI du livre II du code de l'action sociale et des familles en transformant l'actuelle section 6 en section 7 et son article unique L. 262-48 en article L. 262-55.

Le paragraphe II insère donc sept articles (nouvel article L. 262-48 et articles L. 262-49 à L. 262-54 nouveaux du code de l'action sociale et des familles) formant une nouvelle section 6 intitulée « suivi statistique, évaluation et contrôle ».

La rapporteure ne peut qu'approuver la mise en place de ce dispositif d'informations croisées, d'analyse et de contrôle. L'une des faiblesses fréquemment relevée, notamment par la Cour des comptes, du RMI réside dans la faiblesse, voire l'absence d'évaluation. Le dispositif mis en place vise à pallier cette carence et à disposer rapidement d'instruments d'analyse de l'efficacité du RMA.

Le nouvel article L. 262-48 du code de l'action sociale et des familles prévoit une information du préfet par le président du conseil général sur le RMI et le RMA. Les conditions en sont précisées par voie réglementaire.

L'article L. 262-49 nouveau du même code prévoit la transmission par la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et la caisse centrale de mutualité sociale agricole (MSA) des informations relatives à l'allocation du RMI et à l'exécution des contrats d'insertion au ministre en charge de l'action sociale.

L'article L. 262-50 nouveau du même code prévoit un dispositif identique à celui de l'article précédent de transmission d'information au ministre chargé de l'action sociale par les organismes associés à la gestion du RMA visés à l'article L. 322-4-15-6 du code de l'action sociale et des familles.

L'article L. 262-51 nouveau du même code prévoit un système de remontée d'informations d'une nature quelque peu différente. L'ensemble des organismes associés à la gestion du RMI et du RMA transmettent à l'autorité compétence de l'Etat - celle-ci sera précisée par voie réglementaire - non plus des données statistiques agrégées mais des données relatives aux « personnes physiques » afin de permettre par la constitution d'un échantillon représentatif une analyse des situations et des parcours d'insertion des bénéficiaires du RMI et du RMA. Cette transmission est évidemment encadrée par les règles applicables à la protection des données à caractère personnel.

L'article L. 262-52 nouveau du code de l'action sociale et des familles précise les conditions d'application des articles L. 262-49 et L. 262-50 en confiant la consolidation des données transmises à la caisse des allocations familiales et à la caisse centrale de mutualité sociale agricole.

L'article L. 262-53 nouveau du code de l'action sociale et des familles prévoit un retour de l'analyse des informations collectées sur le fondement des articles L. 262-48 à L. 262-51 aux départements. Le ministre en charge de l'action sociale qui assure cette information en assure en outre la publication régulière.

Enfin, l'article L. 262-54 nouveau du code de l'action sociale et des familles donne compétence à l'inspection générale des affaires sociales pour contrôler l'application des dispositions relatives au RMI et au RMA.

Le Sénat a souhaité par trois amendements aux articles L. 262-48, L. 262-49 et L. 262-50, sur lesquels le gouvernement s'en est remis à la sagesse du Sénat, donner des indications sur la nature des informations transmises, qui devra de toute façon être précisée par voie réglementaire.

Le paragraphe III propose d'abroger le dernier alinéa de l'article L. 262-33 du code de l'action sociale et des familles qui constitue le cadre juridique actuel de l'analyse statistique du RMI et devient sans objet du fait de la création du nouvel appareil de suivi, d'évaluation et de contrôle par le paragraphe II du présent article.

La rapporteure propose d'adopter cet article sans modification.

*

La commission a adopté l'article 40 sans modification.

Article 40 bis (nouveau)

Rapport d'évaluation

Cet article, introduit par un amendement de la commission des affaires sociales du Sénat avec avis favorable du gouvernement sous réserve d'une rectification, prévoit la remise d'un rapport par le gouvernement au Parlement sur l'application de la présente loi avant le 1er juillet 2006.

La rapporteure ne peut qu'approuver une telle initiative qui permettra de disposer d'une synthèse des informations recueillies par le biais des différents dispositifs mis en place par l'article 40 du projet. Il apparaît en effet essentiel que l'Etat, garant de la solidarité nationale, se dote d'un instrument d'évaluation globale des effets de la présente loi.

On rappellera que ce rapport fera le point sur le dispositif RMI et sur la politique d'insertion. Sous réserve d'un aménagement rédactionnel, la rédaction adoptée par le Sénat sur ces deux points est satisfaisante sur le fond.

En revanche, la rectification de son amendement acceptée par le Sénat, à la demande du gouvernement qui estimait que la rédaction initiale préjugeait des évolutions futures du RMA, a fait disparaître toute référence à celui-ci.

La rapporteure propose donc de compléter cet article en prévoyant que le rapport fera le bilan du RMA.

*

La commission a adopté deux amendements de la rapporteure : l'un rédactionnel, l'autre incluant le RMA dans le bilan transmis au Parlement sur l'application du présent projet de loi.

La commission a rejeté un amendement de M. Francis Vercamer visant à introduire une clause d'actualisation sur la compensation attribuée par l'Etat à partir des bilans annuels réalisés, après que la rapporteure a indiqué que cette préoccupation est satisfaite par la nouvelle rédaction de l'article 3.

La commission a adopté l'article 40 bis ainsi modifié.

Après l'article 40 bis

La commission a rejeté un amendement de M. Francis Vercamer tendant à pallier les conséquences dommageables de la suppression du pourcentage de 17 % après que la rapporteure a indiqué que cet amendement est sans objet du fait du rétablissement dudit pourcentage.

Article 41

Entrée en vigueur de la loi

Cet article, adopté sans modification par le Sénat, prévoit que la présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2004 à la condition que le dispositif de compensation financière du transfert de charges qu'entraîne la décentralisation du RMI - prévu à l'article 3 du projet de loi - soit entré en vigueur.

Ces dispositions appellent plusieurs observations :

La mise en œuvre de la compensation financière apparaît délicate (cf. supra le commentaire de l'article 3), ce qui n'a rien d'étonnant si l'on considère l'importance de la matière et le fait qu'il s'agit du premier cas d'application des nouvelles dispositions constitutionnelles.

De nombreux autres éléments appellent une réflexion approfondie et une concertation entre les acteurs concernés. On peut ainsi penser à la mise en place des systèmes d'accompagnement et de référents sociaux, au transfert des personnels des services de l'Etat en charge de l'insertion, à la mise en œuvre des systèmes de gestion, d'information et de paiement entre le conseil général et les organismes chargés du paiement de allocation (CAF, MSA), les services de l'Etat, les organismes de recouvrement et les employeurs.

- Il convient d'ailleurs d'observer que des délais supérieurs sont prévus pour la mise en œuvre d'autres mesures de décentralisation ; ainsi, la loi de décentralisation prévoit par exemple une mise en œuvre à compter du 1er janvier 2005 du fonds de solidarité logement.

Eu égard à ces observations, la rapporteure estime que l'entrée en vigueur de la présente loi doit être repoussée au 1er janvier 2005. Il convient par ailleurs de faire référence dans cet article « aux lois de finances » visées à l'article 3 compte tenu de la modification proposée de celui-ci.

*

M. Maxime Gremetz a retiré un amendement de suppression de l'article après que la rapporteure a souligné les conséquences paradoxales d'une telle suppression.

La commission a ensuite examiné en discussion commune deux amendements de Mme Hélène Mignon et de la rapporteure visant à repousser la date d'entrée en vigueur de la présente loi au 1er janvier 2005.

La rapporteure a rappelé que la date d'application de ce nouveau dispositif est sujette à discussion et qu'il sera en tout état de cause difficile pour de nombreux conseils généraux d'être opérationnels au 1er janvier 2004 ainsi que le prévoit le texte. Elle a revanche observé que l'amendement de Mme Hélène Mignon, identique au sien dans l'objet, n'est pas satisfaisant dans sa rédaction en raison de l'absence de référence à la loi de finances, dont l'entrée en vigueur conditionne la compensation.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé l'accord de nombreux commissaires, également conseillers généraux, sur la date du 1er janvier 2004 et souhaité une forte mobilisation en faveur d'une mise en œuvre dans le délai prévu.

La rapporteure a proposé de rectifier son amendement en ouvrant un droit à l'expérimentation avant le 1er janvier 2005 pour les départements qui le souhaitent. Cette souplesse permettrait de satisfaire aussi bien ceux qui veulent aller vite que ceux qui n'en ont pas les moyens.

Mme Nadine Morano a rappelé la forte attente suscitée par ce nouveau dispositif et souhaité que la date du 1er janvier 2004 soit maintenue.

Mme Catherine Génisson s'est déclarée en accord avec le choix du 1er janvier 2005 et a souligné que la dérogation introduite par la nouvelle rédaction proposée par la rapporteure peut être source de dysfonctionnements en 2004 dans la mesure où les services de l'État se sont largement désengagés du RMI.

Mme Cécile Gallez a souhaité que la date de mise en vigueur du dispositif soit la même pour l'ensemble du pays.

M. Maxime Gremetz s'est déclaré favorable à la date du 1er janvier 2005. Il a estimé que les futures échéances électorales ne sont sans doute pas étrangères aux choix d'une mise en place rapide. Il a également souligné que la dérogation ouverte par la nouvelle rédaction de la rapporteure entraîne une rupture d'égalité entre les salariés de ce pays qui n'est pas acceptable.

M. Edouard Landrain a souhaité la mise en place rapide du dispositif. Il a rappelé qu'au-delà de la liberté ouverte à chaque département, c'est aussi aux entreprises qu'il convient de penser.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est interrogé sur la constitutionnalité de cette rupture d'égalité entre les salariés.

La rapporteure a rappelé que le Parlement a récemment adopté une loi constitutionnelle favorisant l'expérimentation et qu'il n'y a donc pas de problème de constitutionnalité. Elle a indiqué que des assurances ont été données en matière de compensation financière mais que des questions demeurent néanmoins en ce qui concerne les transferts de personnel.

La commission a adopté l'amendement ainsi rectifié. En conséquence, l'amendement de M. Rodolphe Thomas visant à repousser de six mois l'entrée en vigueur est devenu sans objet.

La commission a adopté l'article 41 ainsi modifié.

M. Maxime Gremetz a déclaré qu'en dépit des nombreux enrichissements apportés par la rapporteure, le groupe communiste est défavorable à l'adoption de ce texte.

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné la qualité et l'honnêteté intellectuelle de ce débat qui constitue un remarquable travail parlementaire. Il a félicité la rapporteure pour les améliorations qu'elle a permis d'apporter au texte.

La rapporteure a salué le caractère pacifié de ce débat ainsi que l'absence de reniement de la part de chacun. Elle a rappelé que l'objectif commun à l'ensemble des commissaires est bien l'insertion.

*

* *

La commission a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

En conséquence, et sous réserve des amendements qu'elle propose, la commission des affaires culturelles, familiales et sociale demande à l'Assemblée nationale d'adopter le projet de loi n° 884.

N° 1216 - Rapport de Mme Christine Boutin - revenu minimum d'insertion - revenu minimum d'activité

1 Le mode de calcul de ce taux entraîne des biais. Actuellement, il est obtenu en divisant le nombre de contrats en cours de validité par le nombre d'allocataires payés depuis plus de trois mois. Or, un bénéficiaire suspendu peut - la pratique est très courante dans certains départements - bénéficier d'un contrat en cours de validité. Autre pratique, relevée par la Cour des comptes : calculer le taux de contractualisation en rapportant le nombre de contrats signés dans l'année au nombre d'allocataires, alors qu'il peut y avoir plusieurs contrats successifs dans l'année pour un allocataire. Cela explique des taux supérieurs à l'unité dans certains départements. En outre, si l'insertion des bénéficiaires du RMI est le plus souvent formalisée par un contrat d'insertion, le nombre de contrats ne reflète qu'imparfaitement l'aide à l'insertion effective réalisée par les services sociaux ou l'ANPE, celle-ci ne donnant pas toujours lieu à contractualisation.

2 Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), « Études et résultats » n° 193, septembre 2002.

3 Le projet de loi prévoyait une durée de vingt heures. Cette ouverture au-delà de vingt heures résulte d'un amendement adopté par le Sénat.

4 Respectivement aux articles L. 551-1 et L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale, ce dernier introduit par la loi portant réforme des retraites du 21 août 2003.

5 Source : rapport économique, social et financier, projet de loi de finances pour 2004.

6 Décision 93-328 DC du 16 décembre 1993.

7 On rappelle que la TIPP est une accise : l'impôt est assis sur les quantités consommées, non sur une valeur monétaire.

8 « Prime de Noël » incluse.

9 Cette estimation correspond au montant prévisionnel transféré en 2004 aux départements, soit 5 027 M€, affecté (négativement) de l'évolution spontanée prévue du rendement de la TIPP en 2004 par rapport à 2003, selon les documents budgétaires.

10 Conformément aux dispositions de la directive n° 64/221/CE.

11 COM (2001) 257 final - JOUE C 270 E du 25 septembre 2001.

12 Après adoption et amendements par le Parlement européen en première lecture le 11 février 2003.

13 Affaire C - 184/99 du 20 septembre 2001 Rudy Grzelczyk et centre public d'aide sociale d'Ottignies-Louvain-la-Neuve

14 Lettre de M. François Fillon aux services sur l'évolution du programme « Nouveaux services emplois jeunes » du 8 novembre 2002.

15 Fixée à 16,23 % dans les départements d'outre-mer.

16 On notera que cette formulation exclut ceux déclarés éligibles par le 1° mais également ceux exclus du dispositif.

17 Sauf dispositions conventionnelles plus favorables.

18 Il n'est cependant pas souhaitable de descendre en deçà : il convient que le revenu reste nettement au-delà du RMI.

19 On notera que le Sénat a adopté, avec avis favorable du gouvernement, un amendement excluant un aménagement comparable sur une base « contractuelle ».

20 Ce qui n'est pas le cas dans le cadre du RMI.


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