N° 1933 - Rapport de M. Bernard Schreiner sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre les Etats membres de l'Union européenne relatif au statut du personnel militaire et civil détaché auprès des institutions de l'Union européenne, des quartiers généraux et des forces pouvant être mis à la disposition de l'Union européenne dans le cadre de la préparation et de l'exécution des missions visées à l'article 17, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne, y compris lors d'exercices, et du personnel militaire et civil des Etats membres mis à la disposition de l'Union européenne pour agir dans ce cadre (SOFA UE) (1781)




Document

mis en distribution

le 26 novembre 2004

graphique

N° 1933

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 23 novembre 2004.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 1781, autorisant l'approbation de l'accord entre les Etats membres de l'Union européenne relatif au statut du personnel militaire et civil détaché auprès des institutions de l'Union européenne, des quartiers généraux et des forces pouvant être mis à la disposition de l'Union européenne dans le cadre de la préparation et de l'exécution des missions visées à l'article 17, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne, y compris lors d'exercices, et du personnel militaire et civil des Etats membres mis à la disposition de l'Union européenne pour agir dans ce cadre (SOFA UE),

PAR M. BERNARD SCHREINER,

Député

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SOMMAIRE

________

INTRODUCTION 5

I - LES PROGRÈS DE LA POLITIQUE EUROPÉENNE
     DE SECURITÉ ET DE DÉFENSE (PESD)
5

A - LA PESD, UNE RÉALITÉ INSTITUTIONNELLE 5

1) Les structures 5

2) La stratégie 9

3) Les moyens 10

B - LA PESD, UNE RÉALITÉ OPÉRATIONNELLE 11

1) De Concordia à Althéa : les opérations militaires
    de l'Union européenne
11

2) L'Union européenne, une force d'intervention civile 13

II - UNE CONVENTION GAGE D'UNE RÉELLE SÉCURITÉ
     JURIDIQUE DES PERSONNELS CONCOURANT
     À LA PESD
15

A - LE CHAMP DE LA CONVENTION 15

1) Une convention limitée au territoire
     de l'Union européenne
15

2) Les personnes visées par la convention 17

B - LE DISPOSITIF DE LA CONVENTION 18

1) Les dispositions communes à l'ensemble
    des personnes visées
18

2) Les dispositions spécifiques à certaines
    catégories de personnes
19

3) L'application de ce nouveau dispositif aux Etats
    et organisations tiers.
22

CONCLUSION 23

EXAMEN EN COMMISSION 25

Mesdames, Messieurs,

« Il y a dix ans, l'Europe de la défense était une utopie. Il y a cinq ans, c'était un beau projet entouré de beaux discours. Mais depuis deux ans et demi, c'est une réalité ! Oui, une réalité, avec ces soldats portant sur le terrain le drapeau étoilé et réussissant des opérations difficiles ». Comme l'a tout récemment rappelé le Ministre de la défense, Mme Michèle Alliot-Marie, lors du débat sur les crédits de la défense dans le projet de budget pour 2005, que ce soit en Macédoine, en Congo ou en Bosnie, les théâtres d'intervention des forces placées sous la bannière de l'Union se multiplient.

Que le Ministre de la défense ait placé le projecteur sur les acteurs de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) ne doit rien au hasard. Une politique de défense, ce sont, en effet, certes des structures, une stratégie, des moyens mais ce sont, surtout et avant tout, des hommes et des femmes. De fait, au-delà de la mise en place des organes de la PESD, de la construction d'un référentiel d'analyse et d'objectifs commun et de l'émergence de moyens opérationnels et industriels de dimension européenne, ce sont eux qui, au jour le jour, en temps de paix comme dans les situations de crise, feront vivre l'Europe de la défense.

Ils doivent, pour ce faire, exercer leur mission dans un cadre clair stable et uniforme. Que ceux qui oeuvrent pour la sécurité de l'Europe - soit plus de 200 personnes -, et, au-delà, puissent mener leurs missions en toute sécurité juridique, constitue précisément l'enjeu de la convention aujourd'hui soumise à l'examen de notre Assemblée. Alors qu'en ce mois de décembre 2004, l'Union européenne s'apprête à prendre le relais de l'opération menée sous commandement de l'OTAN en Bosnie, qui peut nier l'urgence de l'entrée en vigueur d'une convention fixant le statut des personnels qui participent à la PESD ? Plus encore, pour qui se place dans une perspective de plus long terme, elle est même nécessaire, représentant la condition sine qua non de l'approfondissement de la politique de défense que la France appelle de ses vœux dans l'Europe de demain.

I - LES PROGRÈS DE LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE SECURITÉ ET DE DÉFENSE (PESD)

C'est un long chemin qui a été parcouru depuis l'accord franco-britannique de Saint-Malo, en 1998, acte fondateur de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD). Celle-ci est aujourd'hui une réalité, étant, en effet, dotée de structures de décision et de conduite d'opérations permanentes et complètes, d'un concept de sécurité et de capacités. Autant d'éléments qui permettent aujourd'hui à l'Union européenne de mener des opérations militaires et civiles sur des théâtres extérieurs, y compris non européens.

A - la pesd, une réalité institutionnelle

1) Les structures

C'est le Conseil européen de Nice qui, en décembre 2000, a validé le dispositif institutionnel de la PESD, défini lors du Conseil européen de Helsinki un an plus tôt, en décembre 1999. Trois organes sont créés et placés sous la responsabilité du Conseil Affaires générales (CAG) : le Comité Politique et de Sécurité (COPS), le Comité militaire de l'Union européenne (CMUE) et l'état-major de l'Union européenne (EMUE). L'Union européenne dispose aujourd'hui d'un ensemble cohérent de structures nécessaires à la définition et à la mise en oeuvre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), y compris, pour sa partie de sécurité et de défense, à la direction stratégique et au contrôle politique des opérations de gestion de crise. Cet ensemble s'articule autour de deux axes principaux :

- les structures de décision et de contrôle du Conseil de l'Union européenne, réunissant les représentants des Etats membres (1) ;

- la structure européenne placée sous l'autorité de M. Javier Solana, secrétaire général du Conseil, haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (2).

(1) Le comité politique et de sécurité (COPS), le comité militaire et le comité pour les aspects civils de la gestion des crises représentent les trois organes de la PESD réunissant les représentants des Etats membres.

Le COPS a pour tâche de suivre la situation internationale dans les domaines relevant de la PESC et de contribuer à la définition des politiques en émettant des avis à l'intention du Conseil, à la demande de celui-ci ou de sa propre initiative. Il surveille également la mise en œuvre des politiques convenues, sans préjudice des compétences de la Présidence et de la Commission.

S'agissant plus spécifiquement de la gestion de crise, ses missions sont de quatre ordres :

- adresser des directives au comité militaire, les avis et les recommandations de ce dernier lui étant communiqués ;

- recevoir des informations, des recommandations et des avis du comité pour les aspects civils de la gestion de crises et adresser à celui-ci des directives pour les sujets relevant de la PESC ;

- être l'instance privilégiée de dialogue sur la PESD avec les alliés européens non membres de l'Union, les pays candidats, ainsi qu'avec l'OTAN ;

- assumer, sous l'autorité du Conseil, la responsabilité de la direction politique du développement des capacités militaires;

Enfin, en temps de crise, le COPS est l'instance du Conseil qui traite des situations de crise et examine toutes les options de réponse de l'Union envisageables, dans un cadre institutionnel unique, mais sans préjudice des procédures de décision et de mise en œuvre propres à chaque pilier. Afin de préparer la réponse de l'UE à la crise, il appartient au COPS de proposer au Conseil les objectifs politiques devant être poursuivis par l'Union et de recommander un ensemble cohérent d'options visant à contribuer au règlement de la crise. Le COPS exerce le contrôle politique et la direction stratégique de la réponse militaire de l'UE à la crise.

Le comité militaire, composé des chefs d'état-major des armées, représentés la plupart du temps par leurs délégués militaires, est chargé de donner des avis militaires, de formuler des recommandations destinées au COPS et de fournir des directives militaires à l'état-major.

Enfin, le comité pour les aspects civils de la gestion des crises, qui fonctionne comme un groupe de travail du Conseil, a pour mission de préparer les travaux du COPS et des autres instances appropriées du Conseil sur les aspects civils de la gestion des crises.

(2) Ces institutions réunissant les représentants des Etats membres sont appuyées, dans leur travail, par les structures du secrétariat général du Conseil.

Tout d'abord, en son sein, la direction générale affaires extérieures et politico-militaires (DGE), suit l'ensemble des travaux du Conseil relatifs aux relations extérieures de l'Union et des Communautés. Les deux directions traitant de PESD d'une part, des opérations et de la gestion civile des crises d'autre part, emploient 44 personnes. Ces personnes sont des fonctionnaires du Secrétariat général du Conseil ou des experts nationaux détachés (END).

Par ailleurs, un centre de situation, fonctionnant en permanence, a été installé : vingt personnes y travaillent, dont dix sont affectées exclusivement au centre. Ce centre comprend notamment une cellule de renseignement.

Par ailleurs, lors du Conseil européen d'Amsterdam, les chefs d'Etat ou de gouvernement ont décidé de créer une unité de planification de la politique et d'alerte rapide (UPPAR), placée sous la responsabilité du Secrétaire général, Haut représentant pour la PESC. Afin de renforcer en amont la cohérence de l'action extérieure de l'Union, il a été décidé que le personnel constituant l'unité proviendrait du Secrétariat général du Conseil, des Etats membres, de la Commission et de l'UEO. L'Unité politique comprend aujourd'hui 25 diplomates. Cette unité a notamment pour mission de « fournir des évaluations des intérêts de l'Union » en matière de PESC, de « fournir en temps utile des évaluations et de donner rapidement l'alerte lorsque se produisent des événements ou des situations susceptibles d'avoir des répercussions importantes » pour la PESC, et, enfin, d'établir « des documents présentant, d'une manière argumentée, des options concernant la politique à suivre et de les soumettre, sous la responsabilité de la Présidence, comme contribution à la définition de la politique au sein du Conseil ».

Les recommandations de l'UPPAR sont rendues à la demande de la Présidence de l'UE, du Conseil ou adoptées de sa propre initiative. Les Etats membres ou la Commission peuvent également faire des suggestions. En pratique, elles doivent être examinées au préalable, pour avis, par les instances compétentes de l'Union, en l'occurrence le comité politique et de sécurité.

En outre, lors du Conseil européen du 18 juin 2004, le Secrétaire général du Conseil, Haut représentant pour la PESD, a proposé, au Conseil européen, conformément aux demandes de ce dernier, les orientations pour intégrer, au sein du Secrétariat général du Conseil, des capacités de renseignement sur tous les aspects de la menace terroriste, tant intérieurs qu'extérieurs, afin de nourrir la politique de l'Union. M. Javier Solana doit présenter l'état de la mise en œuvre de cette réforme lors du Conseil européen de décembre 2004.

Sur le plan opérationnel, un état-major de l'Union européenne (EMUE) a été mis en place, composé de plus d'une centaine d'officiers et experts militaires des Etats membres détachés auprès du Secrétariat général du Conseil, au total, de 150 personnes. Il est dirigé, depuis le 9 avril 2004, par le général de corps d'armée français Jean-Paul Perruche. Expert militaire de l'Union, l'EMUE met ses compétences militaires au service de la politique européenne de sécurité et de défense, notamment de la conduite des opérations militaires de gestion des crises menées par l'UE. L'état-major est chargé de l'alerte rapide, de l'évaluation des situations et de la planification stratégique pour les missions dites de Petersberg, y compris l'identification des forces européennes nationales et multinationales. Il reçoit des directives du Comité militaire. Il identifie, en coordination avec les équipes nationales de planification, les forces nationales ou multinationales qui pourraient participer à d'éventuelles opérations conduites par l'Union et assiste le commandant d'opération dans les échanges techniques avec les pays tiers qui offrent des contributions militaires dans le cadre de la « conférence de génération de forces ». Il suit les aspects militaires des opérations et effectue des analyses stratégiques en liaison avec le commandant d'opération, afin de fournir de nouvelles options au CMUE.

Lors du sommet de Bruxelles (11 et 12 décembre 2003), la création d'une cellule civilo-militaire au sein de l'EMUE a été décidée, afin de renforcer sa capacité à assurer l'alerte rapide, l'analyse des situations, la planification stratégique et la coordination des instruments civils et militaires au cours d'une opération. Cette cellule est également chargée de créer un centre d'opérations non permanent, qui sera activé sous certaines conditions, afin de planifier et de conduire l'ensemble d'une opération de gestion de crise de l'Union qui ne serait pas de la responsabilité d'un état-major national. Parallèlement, une cellule de l'Union au quartier général des forces alliées en Europe (SHAPE), ainsi que des arrangements de liaison entre SHAPE et l'EMUE, seront mis en place afin d'augmenter la transparence entre l'Union et l'OTAN en matière de gestion militaire de crises. Conformément aux décisions du Conseil européen de Bruxelles des 17 et 18 juin 2004, cette cellule devrait être opérationnelle d'ici à la fin de l'année 2004 au plus tard.

Enfin, prévue par le projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe, la création d'une Agence européenne de défense (AED) a déjà fait l'objet d'une mise en œuvre anticipée, l'action commune concernant la création de l'Agence ayant été adoptée le 12 juillet 2004. Par ses activités dans les domaines du développement des capacités de la défense, de la recherche, des acquisitions et de l'armement, cette Agence apportera une contribution cruciale à l'approfondissement et à la systématisation de la démarche capacitaire européenne, en permettant la conduite d'une politique plus cohérente et une approche à long terme. Après la nomination de son directeur et des principaux responsables sectoriels, l'Agence devrait être pleinement opérationnelle en 2005.

2) La stratégie

Des structures, certes, mais pour quoi faire ? Telle était la critique récurrente faite sur la PESD depuis la validation du dispositif opérationnel de cette dernière, à Nice, en décembre 2000. Cette lacune a été comblée lors du Conseil européen de Bruxelles des 11 et 12 décembre 2003 : désormais - et c'est une première dans son histoire -, l'Union européenne est dotée d'une vision commune de sa sécurité, rassemblée dans un document de stratégie, intitulé Une Europe plus sûre dans un monde meilleur1 et élaborée sous l'égide du Secrétaire général/Haut Représentant, M. Javier Solana. Il s'agit d'un outil de référence politique qui contribue à l'identification des priorités stratégiques de l'Union et concourt à l'élaboration de ses activités en matière de politique étrangère et de sécurité.

L'apport majeur de cette stratégie commune de sécurité tient dans la perspective adoptée, qui va au-delà de la seule dimension militaire : ce sont les ambitions politiques de l'Union qui y sont affichées, les ambitions d'un acteur majeur sur la scène internationale qui entend démontrer sa détermination à assumer pleinement sa responsabilité pour affronter les défis sécuritaires du XXIème siècle.

Les grands axes de ce document, qui sera adapté en tant que de besoin pour refléter les changements dans l'environnement stratégique. concernent notamment :

- les nouvelles menaces au sein d'un environnement de sécurité changeant (le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive, les conflits régionaux, la déliquescence des Etats et le crime organisé) ;

- la définition d'objectifs stratégiques de l'Union pour faire face à ces nouvelles menaces, notamment l'extension de la zone de sécurité autour de l'Europe et la promotion d'un multilatéralisme efficace s'articulant autour des Nations unies ;

- les implications politiques qui en résultent pour l'Europe, l'Union devant devenir plus cohérente et plus active, notamment par le biais du développement de ses capacités, tandis qu'elle devra renforcer la coopération avec ses partenaires.

Le Conseil européen de décembre 2003 a invité la future présidence, le Secrétaire général et Haut Représentant, ainsi que la Commission, à présenter des propositions concrètes en vue de la mise en œuvre de la stratégie de sécurité. Les implications opérationnelles de cette dernière concernent plus particulièrement la lutte contre le terrorisme, le Moyen-orient, la Bosnie-Herzégovine et la lutte contre les armes de destruction massive. A cet égard, une déclaration sur la solidarité contre le terrorisme a été adoptée par le Conseil européen le 24 mars 2004, au cours duquel M. Gijs De Vries a été nommé coordinateur de l'Union dans la lutte contre le terrorisme. En outre, le Conseil européen de Bruxelles de juin 2004 a adopté un plan d'action révisé sur la lutte contre le terrorisme. Par ailleurs, un partenariat stratégique est en cours d'élaboration avec le Moyen-Orient. Enfin, la stratégie européenne de sécurité a été complétée par une stratégie contre la prolifération des armes de destruction massive en décembre 2003.

3) Les moyens

Lors du sommet d'Helsinki de décembre 1999, les chefs d'Etat et de gouvernement ont exprimé la volonté de doter l'Union européenne, à partir de 2003, d'une force d'intervention de l'ordre de cinquante à soixante mille hommes, déployable en 60 jours, pour une durée d'au moins un an, afin d'être en mesure d'effectuer les missions de gestion de crises dites de Petersberg (aide humanitaire, évacuation de ressortissants, maintien de la paix et rétablissement de la paix). Cet engagement constitue l'objectif global d'Helsinki ou Helsinki Headline goal. Pour l'atteindre, les Etats membres ont décidé de « déterminer rapidement des objectifs collectifs de capacité » afin de doter ces forces des moyens de commandement et de contrôle, de renseignement, de transport stratégique, d'appui au combat et des éléments aériens et navals nécessaires, ainsi que du soutien logistique approprié.

Si c'est au sommet de Laeken2 (décembre 2001) que l'Union a été déclarée « opérationnelle », l'objectif d'Helsinki a, pour sa part, été atteint à la fin de l'année 2003, les instruments civils et militaires de gestion de crise (structures, concepts, capacités) étant depuis cette date, réalisés et opérationnels3.

L'objectif de 2003 a constitué une étape importante du processus engagé en 1999. Les efforts doivent toutefois être poursuivis pour supprimer toutes les limitations résiduelles : il s'agit maintenant de combler les lacunes capacitaires en application des propositions formulées par les groupes de projet. Ces recommandations visent à l'acquisition en coopération de nouveaux équipements, mais aussi, à la satisfaction de critères qualitatifs : concepts et doctrines opérationnels ; structures et organisation ; personnel, formation et entraînement. Quinze groupes de projets sont déjà créés. La France en pilote deux, relatifs aux drones et aux systèmes spatiaux. Tout l'enjeu de ces groupes réside désormais dans la capacité de l'Union à entretenir la dynamique du processus et à prolonger la démarche capacitaire. D'ores et déjà, l'inclusion des contributions des dix nouveaux Etats membres au Catalogue de force 2004 a permis d'entretenir la dynamique. Par ailleurs, la construction d'une capacité de réponse rapide de l'UE représente un nouvel objectif structurant de la démarche de l'Union en matière opérationnelle.

B - la pesd, une réalité opérationnelle

Depuis 2003, la capacité opérationnelle de l'Union a quitté le champ des déclarations politiques pour le terrain des opérations extérieures. L'Union est aujourd'hui une force d'intervention militaire et civile.

1) De Concordia à Althéa : les opérations militaires de l'Union européenne

L'opération Concordia en Macédoine et l'opération Artémis en République Démocratique du Congo sont les deux premières opérations militaires de gestion de crise lancées par l'Union européenne, toutes deux au cours de l'année 2003. Elles représentent la concrétisation de la capacité de l'Union à gérer une crise de façon globale. Qui plus est, le lancement de ces opérations a permis de valider les procédures et les concepts qui avaient progressivement été élaborés dans le cadre de la PESD : procédure de gestion de crise ; concepts logistiques, de nation cadre et de commandement des opérations ; arrangements sur le financement des opérations. Au-delà de la validation de ces outils, elles ont confirmé la pertinence de l'architecture de la PESD dans le cadre de la gestion militaire des crises : rôle central du comité politique et de sécurité (COPS) dans les phases de montée en puissance, de préparation et de contrôle politique, réactivité et compétence du comité militaire de l'UE pouvant s'appuyer sur les travaux de l'état-major de l'UE, sérieux des productions du centre de situation, fonctionnement du comité des contributeurs.

Exprimant toutes deux une volonté politique forte des Etats membres de l'UE, les opérations Concordia et Artémis diffèrent quant aux moyens et capacités qu'elles ont utilisés, provenant en partie de l'OTAN dans le premier cas et exclusivement de l'UE dans le second :

prenant la suite de l'opération Allied harmony de l'OTAN, l'Union européenne a lancé, avec Concordia, sa première opération militaire en ARYM, dans le cadre des arrangements permanents UE-OTAN (dits « Berlin plus »4), sur le fondement de la résolution 1371 du Conseil de Sécurité des Nations unies (2001). Le transfert d'autorité entre l'OTAN et l'UE a eu lieu le 31 mars 2003, l'opération s'étant achevée le 15 décembre 2003.

L'objectif de Concordia était de contribuer à la mise en place d'un environnement sécurisé afin de permettre au gouvernement de l'ARYM de mettre en œuvre l'accord-cadre conclu à Ohrid en août 2001. Outre que ces objectifs ont été pleinement atteints et que les résultats sur le terrain ont été remarquables, Concordia a permis de tester la validité des accords entre l'Union et l'OTAN dans le domaine de la gestion militaire des crises. En outre, l'expérience acquise lors de la mise sur pied de cette opération fut particulièrement utile pour préparer la relève imminente par l'Union européenne de l'OTAN en Bosnie-Herzégovine.

- L'opération Artémis, en République démocratique du Congo, a été lancée, à la demande du Secrétaire général des Nations Unies, par l'Union européenne le 12 juin 2003. Fondée sur la résolution 1484 du Conseil de sécurité des Nations Unies, cette opération, dont le rôle était d'apporter une aide à la Mission des Nations unies au Congo (MONUC) visant à prévenir les affrontements interethniques à Bunia, s'est achevée en septembre 2003.

Il s'agissait de la première opération militaire autonome de l'Union européenne, sans recours aux moyens et capacités de l'OTAN, opération dans laquelle la France a tenu un rôle essentiel dans le dispositif tant par sa contribution (1750 personnes sur un total de 2000 personnes) que par sa responsabilité en tant que nation cadre. Sur les 17 Etats qui ont participé à l'opération, 11 étaient membres de l'Union européenne. Les principaux contributeurs étaient, outre la France, le Royaume-Uni (95 personnes), la Suède (80 personnes) et la Belgique (65 personnes).

C'est désormais en Bosnie que l'Union va exercer ses capacités opérationnelles. En effet, les chefs d'Etat et de gouvernement ont décidé, lors du sommet de l'OTAN à Istanbul de juin 2004, de mettre fin, le 2 décembre 2004, à la SFOR, opération de l'OTAN en Bosnie, et de laisser à l'Union le soin de prendre la relève de la SFOR. Il s'agira de la première opération de cette ampleur (7000 hommes) dans le cadre de la PESD La mission d'Althéa, dans la continuité de la SFOR, est d'assurer la stabilité en Bosnie-Herzégovine, et l'application du volet militaire de l'accord de Dayton. L'enjeu est aussi de promouvoir le modèle européen de gestion de crise (recours conjoint aux instruments militaires et civils). Le commandement sera assuré par un général britannique. Avec près de 450 hommes sur le terrain, la France sera le huitième contributeur à la force. Précisons que L'OTAN maintiendra une présence militaire d'environ 470 hommes à Sarajevo, notamment pour assurer des missions d'arrestation des criminels de guerre. Une fois encore, l'Union recourra, pour conduire Althéa, aux moyens collectifs de l'OTAN (capacités de planification et de commandement, principalement), au titre des arrangements OTAN/Union européenne dits « Berlin Plus ». Conformément à ces accords, la planification a donc été réalisée par SHAPE et des moyens et capacités (notamment de communication) de l'Alliance ont été mis à disposition de l'Union. Enfin les structures de commandement à Bruxelles, Naples, et Sarajevo sont fournies par l'OTAN.

2) L'Union européenne, une force d'intervention civile

Au titre de force d'intervention civile, l'Union est déjà présente en Bosnie, depuis le premier janvier 2003, où elle mène une mission de police (MPUE). La MPUE a succédé à la mission de police des Nations unies (IPTF), conformément à la résolution 1396 du Conseil de sécurité, et constitue la première opération de police de l'Union Européenne. Elle vise à rendre la police macédonienne conforme aux standards européens et à l'aider à contribuer au processus de reconstruction politique en Bosnie. Plus particulièrement, elle a pour objet d'encadrer la police bosniaque dans ses missions (présence sur le terrain), son organisation (recrutements, transmission de l'information) et son articulation avec les autres services de l'Etat (justice). La MPUE a, enfin, un mandat particulièrement étendu en matière de criminalité organisée.

Par ailleurs, depuis le 15 décembre 2003, l'Union conduit une opération de police en Macédoine, l'opération Proxima, qui fait suite à l'opération militaire Concordia et dont l'objectif est de développer une police efficace et professionnelle, conforme aux standards européens. Les policiers européens forment, encadrent et inspectent les policiers macédoniens. Leurs domaines d'action privilégiés sont le maintien de l'ordre public, la lutte contre la criminalité organisée et la sécurité des frontières.

Enfin, depuis le 15 juillet 2004, l'Union mène une mission « Etat de droit » en Géorgie dont l'objectif est de contribuer à la réforme du secteur judiciaire et pénitentiaire. Il s'agit d'une mission resserrée (15 personnes), d'une durée prévisionnelle d'un an. Le chef de la mission est une magistrate française.

II - UNE CONVENTION GAGE D'UNE RÉELLE SÉCURITÉ JURIDIQUE DES PERSONNELS CONCOURANT À LA PESD

Le statut juridique des militaires et du personnel civil détachés auprès de l'État-major de l'Union européenne, des quartiers généraux et des forces pouvant être mis à la disposition de l'Union européenne dans le cadre de la préparation et de l'exécution des missions de Petersberg, y compris lors d'exercices, et des militaires et du personnel civil des Etats membres mis à la disposition de l'Union européenne pour agir dans ce cadre est aujourd'hui lacunaire.

Concernant les personnels militaire et civil détachés auprès de l'État-major de l'Union européenne, il n'existe à ce jour aucune disposition leur octroyant des immunités et privilèges comparables aux fonctionnaires et agents des Communautés européennes. La décision du Conseil du 16 juin 2003, relative au régime applicable aux experts et militaires nationaux détachés auprès du Secrétariat général du Conseil (2003/479/CE), n'a, en effet, que pour seul objet de déterminer les conditions de travail, telles que les horaires de travail ou les congés, de définir les droits et obligations auxquels sont soumis les personnels détachés et de préciser le régime applicable aux indemnités et dépenses.

S'agissant par ailleurs des quartiers généraux, des forces et du personnel travaillant pour eux, c'est le lancement de l'opération militaire de l'Union européenne en République démocratique du Congo - première opération sans recours aux moyens de l'OTAN, rappelons-le - qui a fait apparaître la nécessité de disposer d'un texte proprement européen afin, en particulier, de régler les questions liées à la présence des personnels détachés par les Etats participants à l'opération auprès du quartier général d'opération, situé à Paris.

La convention aujourd'hui soumise à notre ratification vient combler ces lacunes. Ce qu'il est convenu d'appeler le SOFA de l'Union européenne (SOFA UE), par référence à la terminologie usuelle en matière d'accords sur le statut des forces armées (Status Of Forces Agreement), a été signé le 17 novembre 2003.

A - le champ de la convention

1) Une convention limitée au territoire de l'Union européenne

Si c'est l'opération Artémis en République démocratique du Congo qui a fait apparaître l'absence de statut des personnels des quartiers généraux et des forces pouvant être mis à disposition de l'Union européenne, c'est, non en raison de l'intervention de forces en dehors du territoire de l'Union, mais parce que le problème s'est posé du statut des personnels présents à Paris, où était situé le quartier général de la force. La présente convention n'a donc pas pour objet de régler la question du statut des forces déployées sur le territoire d'un Etat tiers mais uniquement des forces présentes sur le territoire d'un autre Etat membre.

Le SOFA UE n'étant applicable que sur le territoire de ses signataires, il ne règle donc pas la question du statut des quartiers généraux et des forces en déploiement en dehors de l'Union européenne. Or, le bon déroulement d'une opération sur un théâtre extérieur implique la conclusion de dispositions destinées à faciliter le séjour des membres des forces sur le territoire étranger (facilités en matière d'entrée et de sortie du territoire, d'exonérations de taxes et de droits de douane), et à garantir la protection des membres des forces (dispositions en matière juridictionnelle et relatives au règlement des dommages).

C'est la raison pour laquelle le préambule de l'accord précise la nécessité, pour les Etats membres, de conclure « des accords spécifiques (...) avec les pays tiers concernés dans le cas d'exercices ou d'opérations se déroulant hors du territoire des Etats membres. » A cet égard, les Etats membres ont engagé une réflexion commune visant à aboutir à un « SOFA externe » ou « SOFA police », qui serait un accord-type de statut des forces pour les opérations se déroulant en dehors de l'Union. Précisons que, lors de l'intervention de l'Union au Congo, un SOFA spécifique avait été conclu avec l'Ouganda, pays hôte de la base de soutien à vocation interarmées et de l'état-major de forces. Celui-ci contenait notamment des dispositions relatives à la libre entrée sur le territoire, au port de l'uniforme et des armes, aux droits et taxes sur les importations et les réexportations, au règlement des dommages et aux privilèges de juridictions. En bref, il reprenait toutes les stipulations traditionnelles d'un SOFA. De même, un SOFA spécifique a été négocié avec la Macédoine.

Il est certain que, lorsque les accords particuliers préalablement conclus entre un Etat de l'Union européenne membre de la force et l'Etat sur le territoire duquel se déroule l'opération ou l'exercice contiennent des dispositions de type SOFA (cas de certains accords de défense, accords de coopération militaire ou accords d'assistance militaire conclus entre la France et certains pays africains), la conclusion, par l'Union, d'un SOFA ad hoc devra être conciliée avec l'existence préalable d'un tel accord particulier. Cette difficulté devrait être résolue par l'insertion, dans ces accords ad hoc, de dispositions prévoyant leur primauté sur les dispositions des accords préalablement conclus, lorsque celles-ci présentent le même champ d'application. L'accord signé par l'Union sur le fondement de l'article 24 du traité sur l'Union européenne devrait en effet primer, puisqu'il engloberait l'ensemble des personnels mis à disposition par les Etats membres de l'Union, et non pas seulement ceux de l'Etat signataire de l'accord particulier.

Précisons par ailleurs que le SOFA UE est circonscrit au seul territoire métropolitain des Etats membres. Toutefois, les Etats concernés ont la possibilité d'étendre l'application de l'accord à d'autres territoires dont les relations internationales sont placées sous leur responsabilité. La France devrait, pour sa part, notifier au Secrétaire général du Conseil de l'Union européenne que le SOFA UE s'appliquera également aux collectivités régies par les articles 73 et 74 de sa Constitution, ainsi qu'à la Nouvelle-Calédonie et aux Terres australes et antarctiques françaises.

2) Les personnes visées par la convention

Trois catégories de personnes sont visées par le SOFA.

(1) Il s'agit tout d'abord du personnel militaire, catégorie qui, elle-même, recouvre des réalités hétérogènes dont nous verrons d'ailleurs qu'elles sont régies par des dispositions différentes. La convention distingue ainsi entre :

- le personnel militaire détaché par les Etats membres auprès du Secrétariat général du Conseil en vue de constituer l'état-major de l'UE (EMUE) ;

- le personnel militaire autre que celui issu des institutions de l'Union européenne, auquel l'EMUE peut faire appel dans les Etats membres en vue d'assurer un renfort temporaire qui serait demandé par le Comité militaire de l'Union européenne (CMUE) aux fins d'activités dans le cadre de la préparation et de l'exécution des missions de Petersberg, y compris lors d'exercices ;

- le personnel militaire des Etats membres détaché auprès des quartiers généraux et des forces pouvant être mis à la disposition de l'Union, ou le personnel de ces forces et quartiers généraux, dans ce même cadre.

(2) Il s'agit ensuite du personnel civil soit détaché par les Etats membres auprès des institutions de l'Union européenne, soit travaillant pour les quartiers généraux ou les forces, à l'exception du personnel recruté localement, soit mis à tout autre titre à la disposition de l'UE par les Etats membres pour les mêmes activités.

(3) Enfin, un nombre limité de dispositions couvre également les personnes à charge, définies comme « toute personne définie ou admise comme membre de la famille ou désignée comme membre du ménage du membre du personnel militaire ou civil par la législation de l'Etat d'origine ». La convention précise en outre que, dans l'hypothèse où « cette législation ne considère comme membre de la famille ou du ménage qu'une personne vivant sous le même toit que le membre du personnel militaire ou civil, cette condition est réputée remplie lorsque la personne en cause est principalement à la charge dudit membre du personnel militaire ou civil ».

B - le dispositif de la convention 

1) Les dispositions communes à l'ensemble des personnes visées

Quels que soient leur rôle et leur statut au sein de la PESD, les personnes qui y concourent bénéficient de protections définies par les articles 2 à 6 de la convention.

Ainsi, le principe de libre circulation est posé à l'article 2 : jusqu'alors prévu par le droit général communautaire au bénéfice des seuls civils, il est étendu aux personnels militaires. Un aménagement particulier est toutefois prévu, tenant compte des règles de fonctionnement propres aux armées : les personnels militaires doivent, pour bénéficier de ce principe, et en faire bénéficier les personnes à leur charge, disposer d'un ordre de mission individuel ou collectif ou d'une décision de détachement auprès des institutions de l'Union européenne.

En outre, le personnel militaire et civil, ainsi que les personnes à sa charge, sont tenus de respecter les lois de l'Etat de séjour et de s'abstenir de toute activité incompatible avec l'esprit du présent accord.

L'accord pose par ailleurs le principe de la reconnaissance du permis de conduire délivré par les autorités militaires de l'Etat d'origine et l'obligation, pour les véhicules ayant une immatriculation spécifique, de porter une marque distincte de leur nationalité.

Le rôle des services de santé des armées est également reconnu : ainsi, le personnel habilité de tout Etat membre peut dispenser des soins médicaux et dentaires au personnel des forces et des quartiers généraux de tout autre Etat membre.

Enfin, le personnel militaire et tout le personnel civil concerné ont le droit de porter leur uniforme selon les règlements en vigueur dans l'Etat d'origine

2) Les dispositions spécifiques à certaines catégories de personnes

· Le SOFA UE prévoit également des dispositions applicables uniquement au personnel militaire ou civil détaché auprès des institutions de l'Union .

Deux types de problèmes sont ici concernés :

- la question du port d'armes.

Le SOFA prévoit la détention et le port d'arme de service, ce qui laisse présumer que les militaires et les civils étrangers, présents sur le territoire français, s'ils détiennent une arme, se seront vu confier celle-ci par leur pays d'origine. Une telle disposition signifie, au regard du droit des Etats membres, que l'arme aura été importée sur leur territoire. Or, l'importation d'armes fait l'objet de législations spécifiques dans les Etats membres.

Dans le cas de la France, l'importation de matériel de guerre est interdite par l'article 11 du décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions. Toutefois, il peut y être dérogé par un accord international, ce qui correspond à l'arrangement prévu avec les autorités de l'État de séjour à l'article 13 du SOFA UE. Il n'y a donc pas d'obligation de prendre une mesure de transposition, en prévoyant le recours à un accord international.

Plus encore, les dispositions de l'article 13 du SOFA UE renvoient, tant pour le port d'arme que pour sa détention à un arrangement préalable dans le cas du personnel militaire, et dans celui du personnel civil, à l'accord des autorités de l'État de séjour. Cette dernière disposition laissant une capacité d'appréciation aux autorités responsables, et en l'occurrence s'agissant d'une compétence dévolue à un ministre, l'accord visé peut prendre la forme d'un arrangement.

Au regard du droit français, le port d'armes des 1ère, 4ème et 6ème catégories est réglementé par l'article 20 du décret-loi du 18 avril 1939, qui autorise les militaires à porter leurs armes « dans les conditions définies par les règlements qui les concernent ». Toutefois, cela ne s'applique que pour les militaires des armées françaises. En conséquence, la procédure d'autorisation pour les militaires étrangers se fera par le biais d'un arrangement spécifique bilatéral. Pour les personnels civils, l'article 58 du décret du 6 mai 19955 prévoit que certains fonctionnaires et agents des administrations publiques sont autorisés à porter, dans l'exercice ou à l'occasion de leurs fonctions, des armes des 1ère et 4ème catégories. A nouveau, ce texte ne s'applique que pour les fonctionnaires ou agents de l'administration française. Les conditions de détention de ces armes, pour celles relevant des 1ère et 4ème catégories, prévues à l'article 25 du décret du 6 mai 1995, sont identiques à ce qui a été évoqué précédemment pour le port d'armes. Dans le cas des personnels civils, l'Etat d'accueil refuse ou donne son accord. Dans cette dernière hypothèse, la procédure prend la forme soit d'un acte unilatéral, soit d'un arrangement administratif.

Dans les deux cas, l'accord de l'Etat de séjour, qu'il soit consenti dans un arrangement ou autrement, reste une condition nécessaire à la possibilité de la détention et du port d'armes sur son territoire, tant pour le personnel militaire que pour le personnel civil.

- le régime des immunités.

Ces catégories de personnel militaire et civil bénéficient par ailleurs d'une immunité de juridiction pour les paroles prononcées ou écrites et pour les actes qu'elles accomplissent dans l'exercice de leurs fonctions ; elles continuent à bénéficier de cette immunité même après la fin de leur détachement. Accordée dans l'intérêt de l'Union, et non dans l'intérêt du personnel concerné, cette immunité est levée dès lors qu'elle entrave l'action de la justice et est régie par un mécanisme de contrôle des abus en la matière.

Ce régime d'immunités est identique à celui accordé, en vertu de l'article 12 du Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes du 8 avril 1965, aux fonctionnaires et autres agents des communautés européennes ; ces derniers jouissent en effet, sur le territoire de chacun des États membres et quelle que soit leur nationalité, de l'immunité de juridiction pour les actes accomplis par eux, y compris leurs paroles et écrits, en leur qualité officielle. Ils continuent, en outre, à bénéficier de cette immunité après la cessation de leurs fonctions.

En revanche, le personnel militaire ou civil détaché auprès des institutions de l'Union européenne ne bénéficie pas, en vertu du présent accord, des privilèges accordés en matière fiscale et douanière aux fonctionnaires et autres agents des communautés européennes (articles 12 et 13 du Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes du 8 avril 1965) : à savoir, le droit d'importer en franchise leur mobilier et leurs effets à l'occasion de leur première prise de fonctions dans le pays intéressé, le droit, à la cessation de leurs fonctions dans ledit pays, de réexporter en franchise leur mobilier et leurs effets, le droit d'importer en franchise leur automobile affectée à leur usage personnel et de la réexporter en franchise, l'exemption d'impôts nationaux sur les traitements, salaires et émoluments versés par les Communautés (cela étant, les fonctionnaires et autres agents des Communautés sont soumis au profit de celles-ci à un impôt sur les traitements, salaires et émoluments versés par elles).

· Le SOFA UE prévoit enfin des dispositions applicables uniquement aux quartiers généraux et aux forces, ainsi qu'au personnel militaire et civil travaillant pour eux.

Pour ces catégories de personnels, la question clé concerne les compétences juridictionnelles respectives de l'Etat d'origine et de l'Etat de séjour. L'article 17 du SOFA UE règle cette question fondamentale, en s'inspirant d'ailleurs très largement de celui de l'article VII de la convention entre les États parties au traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, signée à Londres le 19 juin 1951 (dite « SOFA OTAN »). Il prévoit ainsi que chaque État membre a une juridiction exclusive pour les infractions punies par ses lois et règlements et qui ne le sont pas par l'autre État membre. En cas de concurrence de juridiction, l'État d'origine exerce par priorité celle-ci pour les infractions portant atteinte uniquement à sa sûreté, à sa propriété ou à un de ses personnels, militaire ou civil, ou à une des personnes à charge, ou lorsque les infractions ont été accomplies dans l'exécution du service.

Le règlement des dommages, régi par l'article 18, s'inspire très largement, lui aussi, des dispositions de l'article VIII du SOFA OTAN. Notamment, la renonciation des États membres à toute demande d'indemnité à l'encontre d'un autre État membre a lieu dans des conditions classiques. En cas d'impossibilité de choisir un arbitre entre les États membres concernés par un différend lié à des demandes d'indemnité, chaque État membre concerné peut demander au président de la Cour de justice des Communautés européennes de désigner une personne occupant ou ayant occupé de hautes fonctions juridictionnelles.

Les autres questions spécifiques à ces catégories de personnels sont essentiellement d'ordre matériel : régime du transit et du déploiement temporaire sur le territoire d'un autre Etat membre, soins médicaux et dentaires d'urgence, procédures de mise à disposition par l'État hôte d'immeubles, de terrains et d'équipements nécessaires à l'accomplissement de la mission, police militaire à l'intérieur des camps et quartiers généraux, régime des interventions disciplinaires en dehors de ces enceintes, facilités de télécommunications et de transport fournies par l'État hôte, inviolabilité des archives.

3) L'application de ce nouveau dispositif aux Etats et organisations tiers.

Comme l'a montré l'opération Artémis au Congo, des Etats tiers peuvent être associés aux opérations militaires de l'Union européenne. C'est pourquoi le SOFA UE pourra s'appliquer, aux termes de l'article 19 § 7 du présent accord, aux Etats tiers qui participeraient à des opérations ou des exercices militaires réalisés sous l'égide de l'Union européenne pour la préparation et l'exécution de missions de Petersberg, sous réserve d'accords ou d'arrangements le prévoyant.

S'agissant des relations entre le SOFA UE et d'autres accords existant en matière de statut des forces, le présent accord pose le principe de son application subsidiaire. En effet, aux termes de l'article 19 § 6, le SOFA UE ne s'applique que dans le cas où les quartiers généraux et les forces, ainsi que leur personnel, sont mis à la disposition de l'Union européenne pour la préparation et l'exécution des missions de Petersberg et que leur statut n'est pas couvert par un autre accord.

C'est essentiellement la question de la coordination entre le SOFA UE et le SOFA OTAN qui est ici posée. Ce qui ressort de l'article précité, c'est donc que, dans l'hypothèse où l'ensemble des Etats d'envoi concernés par la mission ou l'exercice seraient membres de l'OTAN ou du Partenariat pour la Paix, c'est-à-dire d'un autre accord régissant le statut des personnels en cause, les dispositions du SOFA UE ne pourraient être applicables qu'à titre subsidiaire et dans la seule situation où un arrangement spécifique aurait été conclu à cette fin. A défaut, la convention entre les Etats parties au Traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, signée à Londres le 19 juin 1951, ou la convention entre les Etats parties au Traité de l'Atlantique Nord et les autres Etats participants au Partenariat pour la Paix sur le statut de leurs forces, du 19 juin 1995, demeureraient seules applicables.

Précisons toutefois que, sans préjuger de ce qui sera finalement décidé, les membres de la cellule de l'Union européenne à SHAPE, dans la mesure où ils devraient être nommés par le directeur général de l'EMUE, devraient être régis par le SOFA UE.

CONCLUSION

Témoignage de l'engagement sans faille - politique, budgétaire et humain - de la France en faveur de la PESD, la ratification rapide du présent accord devrait faire de notre pays l'un des pionniers en la matière dans l'Union. Seule l'Autriche l'a, en effet, ratifié à ce jour.

Au-delà de cette préoccupation nationale, il est dans l'intérêt de l'Union de donner à ceux qui incarnent la PESD une sécurité juridique leur permettant de mener à bien leurs missions. Il s'agit là d'une question de principe.

Dans le cadre de la relève très prochaine de l'OTAN par l'Union européenne en Bosnie, il s'agit même d'une nécessité : si le succès de l'Union dans ce pays est essentiel pour l'avenir de la PESD, il représente, en outre, une revanche sur l'histoire, dans un pays où, il y a seulement dix ans, l'Union assistait encore, impuissante, aux pires atrocités qu'ait connues le continent européen depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Nous nous devons de montrer in concreto aux populations de ces régions meurtries que les leçons de l'histoire auront, cette fois, été tirées.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 23 novembre 2004.

Après l'exposé de M. Jacques Remiller, Rapporteur suppléant, et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 1781).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (n° 1781).

N° 1933 - Rapport de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord européen relatif au statut du personnel militaire et civil détaché auprès des institutions de l'Union européenne, des quartiers généraux et des forces (SOFA UE) (rapporteur : M. Bernard Schreiner)

1 Document du Conseil de l'UE, n° 15849/1/03.

2 « Grâce à la poursuite du développement de la PESD, ainsi qu'à la création en son sein des structures appropriées, l'Union est désormais capable de conduire des opérations de gestion de crise. Le développement des moyens et capacités dont disposera l'Union lui permettra d'assumer progressivement des opérations de plus en plus complexes ».

3 La mission de police en Bosnie, l'opération militaire de l'UE en Macédoine, ayant recours aux moyens et capacités de l'OTAN dans le cadre des accords dits Berlin plus et l'opération militaire autonome en RDC sont autant de preuves du caractère opérationnel de l'UE.

4 Les accords dits de « Berlin plus », entérinés par le sommet de Washington (avril 1999), prévoient :

une garantie d'accès de l'UE, pour des opérations qu'elle dirige, aux capacités de planification de l'OTAN ;

une présomption de disponibilité au profit de l'UE de capacités et de moyens communs de l'Alliance (essentiellement moyens de communication et de surveillance aérienne) ;

l'identification d'options de commandement européen qui reconnaissent un rôle particulier à l'adjoint du SACEUR (D-SACEUR).

5 Décret n° 95-589 du 6 mai 1995 relatif à l'application du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions.


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