N° 1964 - Rapport de M. Bruno Bourg-Broc sur le projet de loi , adopté sans modification par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française, d'une part, et le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la Communauté française, le Gouvernement de la Région wallonne et le Gouvernement flamand, d'autre part, sur la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales et organismes publics locaux (1331)




Document

mis en distribution

le 9 mars 2005

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N° 1964

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er décembre 2004.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française, d'une part, et le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la Communauté française, le Gouvernement de la Région wallonne et le Gouvernement flamand, d'autre part, sur la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales et organismes publics locaux,

PAR M. BRUNO BOURG-BROC,

Député

--

Voir les numéros :

Sénat : 220, 357 (2002-2003) et T.A. 39 (2003-2004)

Assemblée nationale : 1331

INTRODUCTION 5

I - LA CONVENTION DE MADRID FIXE LE CADRE JURIDIQUE SUR LEQUEL S'APPUIE LE PRÉSENT ACCORD 7

A - UN ACCORD INTERÉTATIQUE PEUT CONSTITUER UN PRÉALABLE À UNE CONVENTION DE COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE ENTRE COLLECTIVITÉS PUBLIQUES ÉTRANGÈRES 7

B - LE PRÉSENT ACCORD COMPLÈTE LE CADRE JURIDIQUE OFFERT PAR LA CONVENTION DE MADRID 8

II - UN NOUVEAU CADRE JURIDIQUE EST INSTAURÉ POUR LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE 11

A - LE PRÉSENT ACCORD RECONNAÎT AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES FRANÇAISES LA CAPACITÉ JURIDIQUE DE CONCLURE DES CONVENTIONS DE COOPÉRATION AVEC LEURS HOMOLOGUES ÉTRANGERS 11

B - LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET LES ORGANISMES PUBLICS LOCAUX FRANÇAIS POURRONT ÊTRE AMENÉS À SE SOUMETTRE AU DROIT DE L'AUTRE PARTIE CONTRACTANTE 12

1) Le droit applicable aux conventions de coopération 12

2) Le droit applicable aux procédures de gestion 12

a) Le mandat 12

b) La concession ou délégation de service public 13

c) La passation de marchés publics 14

III - UN NOUVEL INSTRUMENT JURIDIQUE EST CRÉÉ QUI EST PORTEUR D'INTERROGATIONS 15

A - UN NOUVEL ORGANISME DE COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE SUI GENERIS EST CRÉÉ : LE GROUPEMENT LOCAL DE COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE 15

1) Des organismes sans personnalité juridique 15

2) Des organismes dotés d'une personnalité juridique 15

3) Un Groupement local de coopération transfrontalière 15

B - CETTE CRÉATION SUSCITE QUELQUES INTERROGATIONS 16

1) Le droit au recours pour l'administré français ? 16

2) Les interrogations soulevées par la création d'organismes de coopération transfrontalière 16

3) Le contrôle administratif sur les actes pris par un Groupement local de coopération transfrontalière de droit belge 18

IV - DES DISPOSITIONS TRANSITOIRES SONT PRÉVUES POUR ADAPTER LES FORMULES EXISTANTES AUX DISPOSITIONS DU PRÉSENT ACCORD 21

A - POUR LE NORD-PAS-DE-CALAIS 21

B - POUR LA CHAMPAGNE-ARDENNE 21

C - POUR LA LORRAINE 22

D - POUR LA PICARDIE 22

CONCLUSION 23

ANNEXE 1 CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS (PARTIE LÉGISLATIVE) ARTICLES L. 1115-4 (VERSION AU 1ER JANVIER 2005) ET L. 1115-4-1 25

ANNEXE 2 ARTICLE DE M. BERNARD DOLEZ (EXTRAIT) 27

EXAMEN EN COMMISSION 29

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser l'approbation d'un accord portant sur la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales et organismes publics locaux et signé le 16 septembre 2002 entre cinq Parties :

- le Gouvernement français,

- le Gouvernement du Royaume de Belgique,

- le Gouvernement de la Communauté française de Belgique,

- le Gouvernement de la Région wallonne de Belgique,

- et le Gouvernement flamand de Belgique (commun à la Communauté flamande et à la Région flamande).

Cette pluralité des Parties signataires est imposée par l'organisation institutionnelle du Royaume de Belgique qui confère un certain nombre de compétences aux six entités fédérées que sont les trois Communautés (française, flamande, germanophone) et les trois Régions (Bruxelles-Capitale, flamande, wallonne), compétences qui sont partagées en France entre l'Etat et les différents niveaux de collectivités territoriales.

Cet accord répond à une demande déjà ancienne des responsables locaux, tant belges que français, de disposer d'un outil fonctionnel pour faciliter leurs activités communes.

Parmi les obstacles ou les freins à la conclusion d'un tel accord figuraient, d'une part, les réticences des Gouvernements des Régions et des Communautés belges à inclure dans les Parties contractantes le Gouvernement du Royaume, dans la mesure où la Constitution belge, modifiée en 1993, les a autorisés à conclure des traités avec des Etats étrangers dans les domaines qui relèvent de leurs compétences, contrairement à la législation française. Les compétences des collectivités territoriales françaises en matière de coopération décentralisée ont été énumérées par le législateur et sont aujourd'hui codifiées dans le Code général des collectivités territoriales. Ainsi, celles-ci ne peuvent conclure de convention avec un Etat souverain, ni avec une collectivité territoriale étrangère dans des domaines de compétences relevant exclusivement de l'Etat au sens de l'ordonnancement juridique français1.

D'autre part, le Gouvernement fédéral belge a pendant longtemps considéré qu'il n'était pas concerné par les questions transfrontalières, au motif qu'elles relevaient de la compétence des entités fédérées constituées par les Régions et les Communautés.

Aujourd'hui, ces obstacles semblent levés avec la conclusion du présent accord qui, tout en s'appuyant sur la Convention-cadre de Madrid, offre de nouveaux instruments juridiques, qui n'en soulèvent pas moins des interrogations.

I - LA CONVENTION DE MADRID FIXE LE CADRE JURIDIQUE
SUR LEQUEL S'APPUIE LE PRÉSENT ACCORD

A - Un accord interétatique peut constituer un préalable à une convention de coopération transfrontalière entre collectivités publiques étrangères

L'article 3-2 de la Convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales du 21 mai 19802, dite « Convention de Madrid » et considérée comme le texte fondateur de la coopération décentralisée transfrontalière en Europe, stipule qu'un Etat peut décider que les « arrangements » entre collectivités publiques étrangères doivent être précédés par des accords interétatiques. Celui-ci s'assure de cette façon que ses principes constitutionnels et législatifs seront respectés en cas de coopération transfrontalière.

Le Gouvernement français, lors de la signature, avait subordonné l'application de la Convention à la conclusion préalable d'un accord interétatique, par souci de cohérence avec l'article 65 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions. Celle-ci autorisait en effet dans des conditions restrictives la coopération transfrontalière menée par les régions après accord du Gouvernement. La France n'a pas été la seule à s'engager dans cette voie : l'Italie et l'Espagne ont également assorti leur ratification d'une déclaration subordonnant l'application de la Convention de Madrid à la conclusion d'accords interétatiques. De tels accords sont intervenus avec l'Allemagne, la Suisse, le Luxembourg, la Belgique -c'est l'objet du présent projet de loi- et le Royaume-Uni : ils permettent, selon une circulaire du 26 mai 1994, « de fixer un cadre juridique clair pour la mise en œuvre des actions de coopération [...] et ils sont susceptibles dès lors de constituer un outil précieux pour les collectivités locales désireuses de s'engager dans ces actions ».

Toutefois, en janvier 1994, la France a levé sa réserve3 à la suite de l'adoption de la loi d'orientation du 6 février 1992 relative à l'organisation territoriale de la République qui autorise, dans son titre IV, toutes les formes de la coopération décentralisée. Depuis cette date, un accord interétatique n'est donc plus nécessaire pour que les collectivités locales françaises réalisent des opérations de coopération décentralisée. Il est en effet apparu que ce type de coopération ne présentait pas de risque de dérives ou d'empiètement sur les compétences de l'Etat.

Néanmoins, des accords interétatiques peuvent toujours être signés, soit parce que des pays comme l'Espagne ou l'Italie n'ont pas levé cette même réserve, soit pour stabiliser juridiquement la coopération transfrontalière, à l'exemple de l'Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne concernant la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales, signé à Rome le 26 novembre 19934, ou du présent accord.

B - Le présent accord complète le cadre juridique offert par la Convention de Madrid

L'objet du présent accord est de faciliter et de promouvoir la coopération transfrontalière franco-belge en complétant le cadre juridique offert par la Convention-cadre européenne du 21 mai 1980 précitée, dont les principes essentiels inspirent cette coopération. Il est entendu que ce cadre juridique s'inscrit dans l'ordre juridique des Parties contractantes, dans leurs domaines de compétences et dans le respect du droit interne, en particulier le Code général des collectivités territoriales pour la France, et de leurs engagements internationaux, comme le rappelle l'article 1er.

L'article 2 est consacré au champ d'application du présent accord. Le champ géographique, du côté français, couvre l'intégralité de la frontière avec la Belgique puisque les dispositions de l'accord sont applicables aux régions Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Champagne-Ardenne et Lorraine. Une liste non limitative des collectivités territoriales et organismes publics locaux compris sur le territoire desdites régions et concernés par le présent accord est donnée : cette liste peut être étendue dans la mesure où le droit interne le permet (article 2 paragraphe 2).

En France, ce sont les représentants de l'Etat dans les régions et départements français qui suivent la mise en œuvre du présent accord, selon le paragraphe 3 de l'article 2.

Une disposition complémentaire a été introduite à l'article 17 pour tenir compte de la demande des Communautés et Régions belges qui n'ont pas le statut de collectivités territoriales et qui, en conséquence, n'auraient pas été soumises aux stipulations de l'article 2 du présent accord. Ainsi les Parties au présent accord - le Gouvernement de la Communauté française de Belgique, le Gouvernement de la Région wallonne de Belgique et le Gouvernement flamand de Belgique, commun à la Communauté flamande et à la Région flamande - pourront participer aux conventions conclues entre collectivités territoriales.

Les stipulations de l'article 17 rejoignent celles du paragraphe 3 de l'article 2, aux termes desquelles les représentants de l'Etat dans les régions et départements français frontaliers avec la Belgique peuvent étudier, avec les autorités de l'Etat fédéral, des Communautés et des Régions belges concernées, les questions de coopération transfrontalière qui relèvent, en France, de la compétence de l'Etat et qui sont partagées, du côté belge, entre l'Etat fédéral, les Communautés et les Régions. De cette manière, ces questions pourront être réglées localement sans nécessiter la mise en place d'une commission intergouvernementale frontalière, comme c'était le cas jusqu'à présent.

Plusieurs accords portant création de ces commissions intergouvernementales frontalières chargées de traiter les questions de voisinage, c'est-à-dire les questions d'intérêt commun ou litigieuses entre Etats dans les zones frontalière, existent :

- Commission internationale des Pyrénées (France-Espagne), instituée par l'échange de lettres du 19 juillet 1875 et dont le champ géographique couvre toute la frontière ;

- Commission mixte franco-suisse créée en 1973 pour l'espace franco-genevois, dont le champ géographique couvre, en France, les départements de l'Ain et de la Haute-Savoie ;

- Commission franco-germano-suisse pour le Rhin supérieur, créée en 1975 et dont les compétences ont été redéfinies en 2000, qui couvre, du côté français, la région Alsace ;

- Commission franco-germano-luxembourgeoise « Saar-Lor-Lux-Trèves-Palatinat occidental » créée en 1980, qui sera prochainement élargie à la Wallonie et qui couvre, du côté français, la région Lorraine ;

- Commission franco-italienne, créée en 1981, dont le champ géographique couvre, côté français, les régions Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur et la Corse ;

- Commission franco-brésilienne créée en 1996 qui traite notamment des questions transfrontalières entre la Guyane et l'Etat d'Amapa.

Ces commissions font des recommandations aux Gouvernements, mais elles ne sont pas destinées à régler des questions opérationnelles. En outre, elles ne se réunissent généralement que lorsque plusieurs questions sont à l'ordre du jour. Certaines de ces commissions intergouvernementales disposent, par ailleurs, d'une commission régionale (espace franco-genevois, Rhin supérieur, Saar-Lor-Lux-Trèves-Palatinat occidental). Ce sont les Préfets de régions concernés qui président les délégations françaises au sein de ces commissions. Du côté allemand et suisse, l'Etat fédéral a généralement un statut d'observateur, car ce sont les Länder allemands et les Cantons suisses qui président les délégations.

II - UN NOUVEAU CADRE JURIDIQUE EST INSTAURÉ
POUR LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE

A - Le présent accord reconnaît aux collectivités territoriales françaises la capacité juridique de conclure des conventions de coopération avec leurs homologues étrangers

L'article 3 reconnaît la capacité des collectivités territoriales et organismes publics locaux à conclure, par écrit, des conventions de coopération afin de coordonner leurs décisions, de réaliser et de gérer ensemble des équipements ou des services publics d'intérêt local commun. Ces conventions peuvent prévoir à cette fin la création d'organismes de coopération dotés ou non de la personnalité juridique par le droit interne de la Partie concernée.

Les règles applicables à ces conventions sont définies à l'article 4.

Ainsi, préalablement à son engagement, chaque collectivité territoriale ou organisme public local qui conclut une convention de coopération doit respecter les procédures et les contrôles résultant du droit interne applicable. Il s'agit en particulier pour la France du Code général des collectivités territoriales. De la même façon, les actes pris pour mettre en œuvre ladite convention sont soumis à ces mêmes procédures et contrôles.

Le paragraphe 2 de l'article 4 stipule que la convention précise la durée pour laquelle elle est conclue et définit les conditions à remplir pour mettre fin à la coopération.

Par ailleurs, des restrictions sont énoncées dans le but d'éviter que les collectivités locales n'incluent dans la convention de coopération décentralisée des compétences relevant de l'Etat (par exemple l'état-civil) ou qui touchent aux pouvoirs de police et de réglementation (par exemple en matière d'ordre public et de création de normes). En revanche, tous les autres champs relevant de la compétence des autorités locales peuvent faire l'objet d'une convention de coopération transfrontalière (développement économique, aménagement et voirie, équipements publics sanitaires, culturels ou sportifs, etc.) (article 4 paragraphe 3).

En outre, la convention de coopération transfrontalière ne peut avoir pour effet de modifier le statut, ni les compétences des collectivités territoriales ou des organismes publics locaux qui y sont Parties (article 4paragraphe 4). Il ne s'agit nullement de transférer des compétences, mais de s'entendre pour encourager des opérations de coopération locales d'intérêt commun.

Toute convention de coopération devra définir le régime de la responsabilité civile ou pénale des personnes morales de droit public vis-à-vis des tiers, pouvant être engagée dans le cadre, par exemple, de travaux ou de la gestion d'un équipement (article 4 paragraphe 5). Ainsi, dans le cas d'un dommage causé par un équipement transfrontalier, c'est la convention de coopération transfrontalière qui devra avoir défini, au préalable, quelle entité en assumera la responsabilité et, de ce fait, quelle législation sera applicable.

Sous réserve de l'application de l'article 17, l'article 7 décharge les Parties signataires du présent accord de toute responsabilité découlant des obligations contractuelles contenues dans les conventions de coopération qui seront conclues par des collectivités territoriales ou organismes publics locaux. Les conventions de coopération n'engageront donc que leurs signataires.

B - Les collectivités territoriales et les organismes publics locaux français pourront être amenés à se soumettre au droit de l'autre Partie contractante

1) Le droit applicable aux conventions de coopération

Les conventions de coopération transfrontalières conclues en application du présent accord déterminent le droit applicable aux obligations de chacune des Parties. En application de l'article 4 paragraphe 6, il s'agira en l'occurrence pour les personnes publiques signataires de ces conventions de décider soit de les soumettre au droit public français, soit de leur appliquer le droit belge (flamand ou wallon). Ainsi, en cas de litige, les collectivités territoriales françaises pourraient voir leurs obligations juridiques, définies par la convention de coopération, être appréciées au regard du droit belge.

2) Le droit applicable aux procédures de gestion

Pour permettre la mise en œuvre des opérations de coopération prévues par la convention de coopération, les Parties signataires peuvent recourir au mandat, à la délégation ou à la concession de service public (article 5 de l'accord), mais aussi à la passation de marchés publics (article 6 de l'accord).

a) Le mandat

L'une des Parties à la convention de coopération peut donner mandat à son cocontractant -collectivité territoriale ou organisme public local- pour que ce dernier agisse en son nom et sur ses directives (article 5 paragraphe 1). Le droit applicable sera le droit de la Partie qui aura donné mandat. Autrement dit, les actes accomplis par un organisme public local français qui agirait en tant que mandataire pour effectuer « des tâches incombant » à une collectivité publique belge, relèveraient du droit belge et inversement.

b) La concession ou délégation de service public

Les Parties signataires d'une convention de coopération peuvent également recourir à la procédure de la concession ou à celle de la délégation de service public pour la Partie française. Quel sera le droit applicable dans ce cas ? L'article 5 paragraphe 2 de l'accord indique que ces opérations « sont soumises aux dispositions et procédures définies par la législation interne de chacune des Parties intéressées ». Votre Rapporteur a jugé cette rédaction obscure et a demandé des précisions sur l'interprétation qu'il convenait d'en faire.

Le ministère des Affaires étrangères a adressé la réponse suivante :

« Les dispositions du paragraphe 2, si elles peuvent paraître plus ambiguës, doivent être interprétées dans le même sens [que pour le mandat]. La formule "sont soumises aux dispositions et procédures définies par la législation interne de chacune des Parties", en dépit de son ambiguïté, ne saurait, en effet, être interprétée comme signifiant que plusieurs droits nationaux s'appliquent concurremment à l'exécution de la concession/délégation de service public.

« Lorsque, dans le cadre d'une convention de coopération, une collectivité ou un organisme d'une Partie concède (ou délègue) la gestion ou l'exécution d'un service public à une collectivité ou à un organisme de l'autre Partie, la concession ou la délégation, en tant que telle, est octroyée en respectant les règles de forme, de compétence, de procédure et de contrôle de chacune des Parties.

« En revanche, on doit estimer que seul le droit de la Partie dont relève la collectivité ou l'organisme public local concédant ou délégant, sur le territoire duquel est exécuté le service public, est applicable à l'exécution du service public ainsi délégué ou concédé.

« Ainsi, en cas de dommage résultant de l'exécution en Belgique d'un service public concédé à une collectivité française, c'est à un juge belge qu'il appartiendrait le cas échéant de se prononcer sur le fondement du droit belge. »

Si ces éléments de réponse apportent des clarifications utiles, il n'en demeure pas moins que le système reste complexe puisqu'il conviendrait de distinguer, d'une part, ce qui relève des conditions d'octroi de la concession ou de la délégation du service public -dans ce cas les règles de compétence et de procédure de chacune des Parties s'appliqueront-, d'autre part l'exécution du service public ainsi délégué ou concédé -dans ce cas c'est le droit de l'autorité délégante qui s'appliquera.

Cette construction subtile risque fort d'échapper aux simples administrés, gageons que les juges compétents en matière de droit des collectivités locales, belges comme français, auront la même interprétation des stipulations du présent accord.

Il est vrai, comme l'a fait observer le ministère de l'Intérieur que, dans de nombreux domaines, les collectivités territoriales des pays membres de l'Union européenne sont désormais liées par les mêmes règles du droit communautaire. C'est ainsi le cas en matière d'appels d'offres et de marchés publics.

c) La passation de marchés publics

L'article 6 du présent accord définit les conditions de passation des marchés publics passés dans le cadre des conventions de coopération qui seront conclues entre les collectivités territoriales.

Le droit applicable à ces marchés sera le droit applicable à la collectivité territoriale ou l'organisme public local qui assumera la responsabilité de ce marché. S'il s'agit du droit flamand ou wallon, le juge compétent, en cas de conflit, sera en l'occurrence le juge belge. En effet, si l'on se réfère à la décision du Conseil d'Etat de 1999 n° 183648/TEGOS : « Considérant que le juge administratif français n'est pas compétent pour connaître d'un litige né de l'exécution d'un contrat qui n'est en aucune façon régi par le droit français », le juge français se déclarera probablement incompétent.

En revanche, les règles du droit français relatives à la publicité, à la mise en concurrence et au choix des entreprises sont applicables aux collectivités territoriales ou aux organismes publics locaux français qui participent au financement de ce marché public.

Sur ce point également il faut espérer la même interprétation de cet article par les juges belges et français qui auraient à se prononcer sur le droit applicable.

III - UN NOUVEL INSTRUMENT JURIDIQUE EST CRÉÉ
QUI EST PORTEUR D'INTERROGATIONS

A - Un nouvel organisme de coopération transfrontalière sui generis est créé : le groupement local de coopération transfrontalière

Si l'article 3 paragraphe 2 du présent accord stipule que les conventions de coopération transfrontalière peuvent prévoir la création d'organismes de coopération dotés ou non de la personnalité juridique par le droit interne de la Partie concernée, les articles 8, 9, 10 et 11 en précisent les règles. Trois types d'organismes de coopération transfrontalière peuvent être créés dans le cadre d'une convention de coopération transfrontalière.

1) Des organismes sans personnalité juridique

Selon l'article 9, ce sont des conférences, des groupes de travail intercommunaux, des groupes d'étude et de réflexion, des comités de coordination pour étudier des questions d'intérêt commun, formuler des propositions de coopération, échanger des informations ou encourager l'adoption par les organismes concernés de mesures nécessaires pour mettre en œuvre les objectifs définis.

2) Des organismes dotés d'une personnalité juridique

L'article 10 prévoit qu'ils pourront être ouverts aux collectivités territoriales étrangères si le droit interne des Parties le prévoit. En France il s'agit des groupements d'intérêt public de coopération transfrontalière (GIP), des groupements d'intérêt public chargés de la mise en œuvre de politiques de développement social urbain, des sociétés d'économie mixte locales (SEML).

Mais cette liste n'est pas limitative. En effet, le paragraphe 3 de l'article 10 prévoit que le présent accord sera applicable aux organismes de coopération non prévus par celui-ci qui seraient ouverts aux collectivités territoriales étrangères par le droit français ou par le droit belge postérieurement à la date d'entrée en vigueur du présent accord.

3) Un Groupement local de coopération transfrontalière

C'est l'article 11 qui prévoit la création d'un Groupement local de coopération transfrontalière (GLCT). Il est soumis au droit interne applicable aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de la Partie où il a son siège (article 11 paragraphe 1). Pour la France, il s'agit en l'occurrence de l'article L. 1115-4 du Code général des collectivités territoriales qui permet aux collectivités territoriales et à leurs groupements d'adhérer à un organisme public de droit étranger ou de participer au capital d'une personne morale de droit étranger, mais aussi de l'article L. 1115-4-1 qui permet à ces mêmes collectivités territoriales et à leurs groupements de créer, avec leurs homologues étrangers, un GLCT alors dénommé « district européen » et soumis au droit français. Ces deux articles sont reproduits à l'annexe 1 du présent rapport.

La personnalité juridique lui est reconnue à partir de la date d'entrée en vigueur de la décision de création. Le GLCT est ainsi doté de la capacité juridique et de l'autonomie financière (article 11 paragraphe 2). Ses statuts sont définis à l'article 12, alors que ses organes sont institués à l'article 13.

Aux termes de l'article 14, le financement du GLCT est assuré par les contributions de ses membres qui constituent pour ceux-ci des dépenses obligatoires, mais il peut également l'être par des recettes perçues au titre des prestations qu'il assure. Le GLCT est en outre autorisé à recourir à l'emprunt. Ses membres restent responsables de ses dettes jusqu'à extinction de celles-ci.

Le GLCT peut être dissous selon les dispositions prévues à l'article 15 : soit de plein droit à l'expiration de la durée pour laquelle il a été institué, soit à la fin de l'opération qu'il avait pour objet de conduire, ou encore par décision à l'unanimité de ses membres.

B - Cette création suscite quelques interrogations

1) Le droit au recours pour l'administré français ?

L'administré français qui s'estimerait lésé par un acte pris par un GLCT de droit belge devra vraisemblablement ester en justice en Belgique. S'il introduisait un recours devant une juridiction française, pour ce qui relève du juge administratif, ce dernier devrait probablement se déclarer incompétent pour connaître d'un litige régi par un droit étranger, conformément à la décision du Conseil d'Etat de 1999 n° 183648/TEGOS citée plus haut.

2) Les interrogations soulevées par la création d'organismes de coopération transfrontalière

Votre Rapporteur note tout d'abord que la législation française est silencieuse sur les obligations des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à l'égard de leurs communes membres, lorsqu'ils adhèrent ou participent à un GLCT, alors même qu'une telle décision peut avoir un impact important sur les finances et l'administration communales.

Interrogés sur ce point par votre Rapporteur, les services compétents du ministère de l'Intérieur ont confirmé que l'adhésion d'un EPCI à un Groupement local de coopération transfrontalière ne saurait modifier le champ des compétences de cet EPCI qui ne procède pas à « une subdélégation de compétence » en décidant de participer à un GLCT.

S'agissant des éventuelles incidences financières qui résulteraient de l'adhésion à un GLCT, la réponse suivante a été apportée à votre Rapporteur : « du point de vue financier, l'EPCI dispose de l'autonomie financière. Il convient de distinguer les EPCI à fiscalité propre de ceux qui reposent sur les contributions des communes. Dans le premier cas, le contrôle des communes s'exerce par le biais du vote du budget de l'EPCI par leur délégué au sein du conseil communautaire. L'information des communes sur les projets envisagés par l'EPCI est assurée par le même biais. Les finances communales ne peuvent être affectées par les conséquences d'une action d'un EPCI dans la mesure où le budget de ce dernier n'est pas abondé par les budgets communaux. Lorsque les actions de l'EPCI sont financées par les contributions budgétaires des communes, on peut estimer que le contrôle des communes est total : il est difficile d'envisager qu'un EPCI puisse se lancer dans une action qui ne recueillerait pas l'accord des communes ».

La discussion et le vote du budget de l'EPCI permettent incontestablement aux communes membres de cette entité d'exercer leur contrôle sur les actions menées par l'EPCI. Toutefois, compte tenu du caractère nouveau et spécifique des actions de coopération transfrontalière qui pourront être engagées par l'adhésion d'un EPCI à un GLCT, votre Rapporteur estime qu'il serait de bonne méthode de prévoir une information spécifique des communes membres sur les actions menées par l'EPCI au sein du GLCT.

Par ailleurs, le quatrième alinéa de l'article L. 1115-4-1 du Code général des collectivités territoriales consacré au Groupement local de coopération transfrontalière de droit français, dénommé « district européen », dispose que « sauf stipulation internationale contraire, les dispositions du titre II du livre VII de la cinquième partie sont applicables au district européen ». Il s'agit, entre autres, des dispositions relatives au contrôle de légalité et au contrôle budgétaire5. Votre Rapporteur s'interroge sur la conformité de cette disposition avec l'article 72 de la Constitution dans la mesure où le district européen, dont on nous dit qu'il est obligatoirement de droit français, pourrait éventuellement ne pas faire l'objet d'un contrôle de légalité si une stipulation d'une convention internationale le précisait.

En outre, l'adhésion d'une collectivité territoriale étrangère ou d'un groupement étranger à un syndicat mixte français existant entraîne de plein droit, sans nécessiter aucune autorisation, sa transformation en district européen, ce qui écarte toute autorisation préfectorale en pareil cas.

Enfin, il convient de signaler que cette adhésion ou cette participation, qui était auparavant autorisée par décret en Conseil d'Etat, conformément à l'article L. 1115-4 du Code général des collectivités territoriales, est, depuis le 1er janvier 2005, autorisée par un arrêté du Préfet de région, ce qui peut ainsi apparaître comme un recul en termes de garanties juridiques.

3) Le contrôle administratif sur les actes pris par un Groupement local de coopération transfrontalière de droit belge

« Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'Etat, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. ». En application de ce dernier alinéa de l'article 72 de la Constitution, il appartient au Préfet d'exercer un contrôle administratif et de respect des lois sur les actes pris par les collectivités territoriales françaises.

Votre Rapporteur s'est interrogé, en l'espèce, sur l'exercice de ce contrôle lorsque de tels actes seront pris dans le cadre d'un GLCT de droit belge auquel auront adhéré des collectivités françaises. Sur ce point, la réponse fournie par le Gouvernement est très nette : « Demeure le cas des organismes de coopération dont le siège est situé à l'étranger. Le Préfet n'exerce pas de contrôle administratif. C'est le principe même de réciprocité à l'œuvre dans le domaine de la coopération décentralisée qu'il convient de respecter : le contrôle des actes de ces organismes ressort de la compétence des autorités nationales concernées dans le respect de leur législation interne. »

Ainsi, des décisions importantes en matière de gestion d'équipements publics collectifs ou de services publics locaux échapperaient à tout contrôle de légalité en France alors qu'elles auront été prises par un GLCT composé en partie de collectivités publiques françaises.

Ce principe est toutefois tempéré par des procédures d'information et de publicité. Ainsi, en matière budgétaire, l'article L. 1115-4 du Code général des collectivités territoriales prévoit que « les comptes, certifiés par un commissaire aux comptes, ainsi que le rapport d'activité des personnes morales de droit étranger aux capitaux desquels participent les collectivités territoriales et leurs groupements sont chaque année annexés au budget de ces personnes publiques. Il en est de même des comptes et du rapport d'activité des organismes publics de droit étranger auxquels adhèrent les collectivités territoriales et leurs groupements. Cette annexe précise le montant de la participation de chacune de ces personnes publiques. »

Par ailleurs, en application de l'article 8 paragraphe 3 du présent accord, l'autorité chargée du contrôle de l'organisme de coopération transfrontalière « communique toute information sollicitée par les autorités compétentes pour le contrôle de ces collectivités territoriales et organismes publics locaux. Elle les informe des dispositions qu'elle envisage de prendre et des résultats de son contrôle dans la mesure où cette information peut avoir une incidence sur la coopération des collectivités territoriales ou des organismes publics locaux participant à cette coopération. ». Peut-on considérer qu'à travers cette procédure d'échange d'informations, le Préfet exerce les pouvoirs de contrôle sur la légalité des actes pris par les collectivités territoriales, qu'il tient de l'article 72 de la Constitution ?

Egalement interrogés sur ce point, les articles des ministères compétents ont considéré que la procédure ainsi décrite allait au-delà du simple échange d'informations et constituait « des garanties pour le contrôle des organismes de coopération dont le siège se trouve sur le territoire d'une autre Partie ».

En conclusion, le principe de l'adhésion ou de la participation de collectivités territoriales ou de leur groupement à des structures de droit étranger a été reconnu conforme à notre Constitution. La décision du Conseil constitutionnel n° 94-358 DC du 26 janvier 1995 a ainsi validé la constitutionnalité de ces dispositions en indiquant de « de telles adhésions à un organisme de droit public étranger ou de telles participations au capital d'une personne morale de droit étranger ne sont pas de nature à porter atteinte aux conditions essentielles de l'exercice de la souveraineté ».

Ce principe constitue la base permettant la mise en œuvre d'une politique de coopération transfrontalière qui verra la création d'organismes et d'actions communes se constituer ou se développer de part et d'autre de nos frontières. Quel droit appliquer aux actes issus de cette coopération transfrontalière ? En l'absence d'un droit commun, le principe de réciprocité applicable en matière de coopération veut que chacune des Parties dont le droit ne s'applique pas reconnaisse comme équivalent le droit interne de l'autre Partie. Il n'y a donc pas, par définition, identité entre le droit français et le droit flamand ou wallon.

Aussi est-il vrai que, du point de vue juridique, pourrait se poser, dans certains cas, un problème de contrôle de la légalité des actes tel qu'il a été soulevé notamment par Bernard Dolez, Maître de conférences à l'Université Panthéon-Sorbonne (Paris I) et Chercheur associé au Centre de recherches administratives politiques et sociales (CRAPS) à l'occasion de la publication du protocole additionnel à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales. Un extrait du commentaire figure à l'annexe 2 du présent rapport.

Votre Rapporteur tenait, sans le développer davantage, à signaler ce point.

En revanche, il convient de mettre l'accent sur les progrès que permettra la conclusion de ces conventions de coopération transfrontalière pour intensifier les échanges et développer les actions et projets communs d'intérêt local entre la France et la Belgique. L'objectif étant de favoriser ce type de coopération, des dispositions transitoires ont ainsi été prévues pour adapter les conventions de coopération transfrontalières déjà existantes entre différents Etats membres ou entités régionales ou locales de l'Union européenne.

IV - DES DISPOSITIONS TRANSITOIRES SONT PRÉVUES
POUR ADAPTER LES FORMULES EXISTANTES
AUX DISPOSITIONS DU PRÉSENT ACCORD

Des dispositions transitoires sont énoncées à l'article 16. Celles-ci prévoient que le présent accord s'appliquera également aux conventions de coopération transfrontalière qui ont été conclues antérieurement à son entrée en vigueur et que ces dernières devront faire l'objet d'une adaptation aux dispositions du présent accord dans un délai de cinq ans après son entrée en vigueur.

A - Pour le Nord-Pas-de-Calais

Trois accords sont concernés :

- la convention de coopération décentralisée conclue à Lille le 18 janvier 2001 avec le Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais et la Région flamande. Celle-ci prévoit différents domaines de coopération (coopération économique, recherche, développement des nouvelles technologies de l'information ; aménagement du territoire, environnement, mobilité, transports ; culture, enseignement, formation permanente ; politique de l'emploi et formation professionnelle) ;

- la communauté urbaine de Lille a conclu avec ses voisines wallonnes et flamandes des conventions portant sur les domaines des transports par autobus ou l'incinération de déchets. L'agglomération transfrontalière de Lille-métropole doit en effet régler des problèmes qui concernent 1,8 million d'habitants de part et d'autre de la frontière, dont 1,2 million pour les 87 communes de la communauté urbaine de Lille ;

- la communauté urbaine de Lille et les quatre structures intercommunales wallonnes et flamandes frontalières ont créé une structure de concertation, la Conférence permanente des intercommunales françaises, wallonnes et flamandes (COPIT), qui a pris la forme d'une association régie par la loi du 1er juillet 1901 en septembre 2000. Le présent accord devrait offrir des solutions juridiques pour que la COPIT devienne un véritable organisme de coopération transfrontalière, peut-être sous la forme d'un Groupement local de coopération transfrontalière.

B - Pour la Champagne-Ardenne

Le Conseil régional de Champagne-Ardenne et la Région wallonne ont conclu une convention de coopération décentralisée à Châlons-en-Champagne le 6 février 2001. Différents domaines de coopération sont prévus (aménagement du territoire, développement d'infrastructures transfrontalières, environnement et patrimoine, tourisme et valorisation des sites historiques, développement économique et technologique, formation professionnelle, coopération internationale en particulier vers les pays en développement).

C - Pour la Lorraine

Le Conseil régional de Lorraine et les Conseils généraux de Moselle et de Meurthe et Moselle coopèrent depuis 1995 avec le Luxembourg et les collectivités belges et allemandes frontalières au sein d'une structure informelle, la « Grande Région ».

D - Pour la Picardie

Si, pour l'instant, ni le Conseil régional de Picardie ni le Conseil général de l'Aisne, département ayant une frontière commune avec la Belgique sur vingt kilomètres, n'ont établi de liens directs avec des collectivités territoriales belges, des contacts se sont noués avec celles-ci dans le cadre du comité de suivi du programme européen INTERREG III. Par ailleurs, d'autres actions en collaboration sont menées. Il s'agit, par exemple, de l'organisation de saisons culturelles coordonnées entre les communes de Hirson dans l'Aisne et de Chimay en Belgique, de la mise en valeur du patrimoine dans le cadre d'un réseau de villes regroupant Laon dans l'Aisne, le Quesnoy dans le Nord, Tournai et Thuin en Belgique. Enfin, le développement du commerce transfrontalier est conjointement encouragé, ainsi que la promotion des petites et moyennes entreprises, par la communauté d'agglomération de Soissons et la province du Hainaut.

CONCLUSION

L'objectif de cet accord transfrontalier franco-belge est de permettre une meilleure coopération entre les autorités publiques locales et de faciliter le développement d'actions communes.

Actuellement, la situation n'est pas satisfaisante. L'étude d'impact, transmise par le Gouvernement publiée en annexe au rapport rédigé par le Sénateur Pierre Mauroy (6) sur le présent projet de loi, constate que, en l'absence de l'entrée en vigueur du présent accord, « les modalités d'exercice de la coopération décentralisée transfrontalière ne sont pas satisfaisantes pour les collectivités territoriales françaises frontalières avec la Belgique » parce qu'elles ne disposent pas d'un « cadre juridique adapté ». L'étude ajoute que « la situation est d'autant plus complexe que nos collectivités territoriales doivent parfois coopérer avec des collectivités territoriales qui relèvent de droits différents au sein d'un même pays : droit public flamand et droit public wallon ». Enfin, elle précise que ces modalités « ne sont pas non plus satisfaisantes pour l'Etat, dans la mesure où la situation de droit décrite ci-dessus rend difficile le contrôle de légalité des opérations de coopération décentralisée transfrontalière ». C'est, aux yeux de votre Rapporteur, une difficulté qui perdurera avec le nouveau cadre juridique proposé par le présent accord dans les cas où le siège du Groupement local de coopération transfrontalière serait situé en Belgique, tout au moins jusqu'à ce que soit institué le Groupement européen de coopération transfrontalière (GECT), véritable instrument de coopération au niveau communautaire prévu par la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil datée du 16 juillet 2004 et qui devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2007 (7).

De manière générale, votre Rapporteur estime qu'il conviendrait d'accompagner le présent accord de dispositifs complémentaires précisant les conditions de sa mise en œuvre. On pourrait ainsi envisager la signature d'un protocole additionnel ou la rédaction d'une circulaire ministérielle.

Un protocole additionnel au présent accord pourrait être signé sous la forme d'un échange de lettres. Parmi les dispositions qu'il serait souhaitable d'y intégrer, figurerait l'obligation de satisfaire aux exigences de publicité sous forme d'affichage administratif dans la collectivité française concernée des actes pris par un GLCT de droit belge, et inversement si les autorités belges Parties au présent accord le souhaitent. Par ailleurs, les actes qu'un GLCT de droit belge envisage de prendre pourraient être systématiquement soumis pour accord aux assemblées délibérantes des collectivités territoriales ou organismes publics locaux concernés.

Néanmoins ce dispositif présente une certaine lourdeur et gomme quasiment tout l'intérêt de créer un GLCT. Dans ces conditions, une commission intergouvernementale dans laquelle siégerait chacun des représentants de l'Etat concerné pourrait se réunir mensuellement pour examiner les actes pris par le GLCT et demander leur annulation en cas d'illégalité constatée au regard du droit de l'un ou l'autre des Etats Parties.

A défaut d'un protocole additionnel, dont votre Rapporteur a bien conscience que la mise en œuvre présente une certaine lourdeur eu égard aux nombreuses Parties prenantes au présent accord, la solution la plus satisfaisante consisterait sans doute pour la France à émettre, à l'attention de tous les acteurs français concernés par ce type de coopération -collectivités territoriales et leurs groupements et autorités locales chargées du contrôle administratif et budgétaire- signataires, une circulaire d'interprétation des points les plus délicats. Celle-ci devrait expliciter clairement et dans les détails les articles du présent accord qui soulèvent des questions, alerter sur les risques qu'ils contiennent et recommander aux Préfets de région la plus grande vigilance concernant les conventions de coopération que les collectivités françaises concluront avec leurs homologues belges, et notamment lorsqu'elles solliciteront l'autorisation d'adhérer à un groupement local de coopération transfrontalière dont le siège sera situé en Belgique et donc soumis au droit belge (flamand ou wallon).

Toutefois, conscient de l'intérêt qu'il y a à promouvoir entre les collectivités publiques locales des actions de coopération transfrontalière, votre Rapporteur, sous réserve des observations présentées, vous recommande l'adoption du présent projet de loi.

ANNEXE 1

CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS
(PARTIE LÉGISLATIVE)
ARTICLES L. 1115-4 (VERSION AU 1ER JANVIER 2005) ET L. 1115-4-1

Article L. 1115-4

(Loi organique nº 2004-758 du 29 juillet 2004 art. 1 I 1º Journal Officiel du 30 juillet 2004)

(Loi nº 2004-809 du 13 août 2004 art. 137 Journal Officiel du 17 août 2004 en vigueur le 1er janvier 2005)

Dans le cadre de la coopération transfrontalière, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France, adhérer à un organisme public de droit étranger ou participer au capital d'une personne morale de droit étranger auquel adhère ou participe au moins une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales d'un Etat européen frontalier ou d'un Etat membre de l'union européenne. Cette adhésion ou cette participation est autorisée par arrêté du préfet de région.

Cette adhésion ou cette participation fait l'objet d'une convention avec l'ensemble des collectivités territoriales étrangères ou de leurs groupements adhérant à l'organisme public en cause ou participant au capital de la personne morale en cause. Cette convention détermine la durée, les conditions, les modalités financières et de contrôle de cette adhésion ou de cette participation. Le total de la participation au capital ou aux charges d'une même personne morale de droit étranger des collectivités territoriales françaises et de leurs groupements ne peut être supérieur à 50 p. 100 de ce capital ou de ces charges.

La convention prévue à l'alinéa précédent entre en vigueur dès sa transmission au représentant de l'Etat dans le département dans les conditions fixées aux articles L. 2131-1 et L. 2131-2. Les dispositions des articles L. 2131-6 et L. 2131-7 sont applicables à ces conventions.

Les comptes, certifiés par un commissaire aux comptes, ainsi que le rapport d'activité des personnes morales de droit étranger aux capitaux desquels participent les collectivités territoriales et leurs groupements sont chaque année annexés au budget de ces personnes publiques. Il en est de même des comptes et du rapport d'activité des organismes publics de droit étranger auxquels adhèrent les collectivités territoriales et leurs groupements. Cette annexe précise le montant de la participation de chacune de ces personnes publiques.

Article L. 1115-4-1

(inséré par Loi nº 2004-809 du 13 août 2004 art. 187

Journal Officiel du 17 août 2004)

Dans le cadre de la coopération transfrontalière, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements un groupement local de coopération transfrontalière dénommé district européen, doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière.

L'objet du district européen est d'exercer les missions qui présentent un intérêt pour chacune des personnes publiques participantes et de créer et gérer des services publics et les équipements afférents.

La personnalité juridique de droit public lui est reconnue à partir de la date d'entrée en vigueur de la décision de création. Cette création est autorisée par arrêté du représentant de l'Etat dans la région où le district européen a son siège.

Sauf stipulation internationale contraire, les dispositions du titre II du livre VII de la cinquième partie sont applicables au district européen.

Les collectivités territoriales étrangères et leurs groupements peuvent adhérer à des syndicats mixtes existants créés dans le cadre des dispositions du titre II du livre VII de la cinquième partie. Cette adhésion entraîne de plein droit la transformation de ces syndicats mixtes en districts européens dans les conditions fixées aux alinéas précédents.

ANNEXE 2

ARTICLE DE M. BERNARD DOLEZ, MAÎTRE DE CONFÉRENCE À L'UNIVERSITÉ PANTHÉON-SORBONNE (PARIS I) ET CHERCHEUR ASSOCIÉ AU CRAPS, PUBLIÉ DANS LA REVUE GÉNÉRALE DE DROIT INTERNATIONAL PUBLIC N° 100 (1996/4) ET PORTANT SUR LE PROTOCOLE ADDITIONNEL À LA CONVENTION-CADRE EUROPÉENNE SUR LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE DES COLLECTIVITÉS OU AUTORITÉS TERRITORIALES (EXTRAIT)

« Mais que se passe-t-il quand un acte est illégal dans l'un des deux ordres juridiques dont il relève ? Le Protocole additionnel ne fournit pas de détail supplémentaire. En conséquence, cette question relève des statuts de l'organisme. En fait, deux solutions sont concevables.

La première consiste à bâtir un système où les actes réglementaires ne seront légaux que s'ils sont considérés comme tels dans chaque ordre juridique ; inversement, les actes de l'organisme jugés illégaux dans un Etat seront réputés illégaux dans tous les Etats concernés. Ainsi, un acte de l'organisme public pourrait être parfaitement légal au vu du droit français et être néanmoins annulé s'il heurte le système juridique de l'Etat étranger. On déboucherait ici sur un paradoxe : la création d'un organisme public, loin de faciliter la gestion des affaires locales... les rendrait singulièrement plus compliquées ! En pratique, plus les deux systèmes juridiques seront différents, plus la proportion d'actes illégaux augmentera. [...]

La seconde solution consiste à bâtir un système qui préserve la cohérence de chaque ordre juridique : la délibération serait exécutée sur le territoire de la collectivité relevant de l'Etat qui la considère légale ; inversement, la délibération ne serait pas exécutée sur le territoire de la collectivité relevant de l'Etat où elle aurait été annulée. Mais, dans ce cas, on peut se demander si la coopération a encore un sens. »

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 1er décembre 2004.

Après l'exposé du Rapporteur, le Président Edouard Balladur, après avoir souhaité savoir si la France disposait d'une frontière commune avec les différentes parties signataires de l'accord, a fait observer que l'adoption de ce projet de loi par la Commission, assorti d'une recommandation au Gouvernement de résoudre les difficultés soulevées par l'accord, permettrait d'avancer et de répondre à l'attente des collectivités territoriales concernées.

M. Bruno Bourg-Broc a répondu que la France avait une frontière commune avec la Communauté française de Belgique, dont fait partie la Région wallonne à l'exception de la partie germanophone, et avec le Gouvernement flamand de Belgique qui est commun à la Communauté flamande et à la Région flamande.

M. Patrick Delnatte a précisé que le fédéralisme belge prévoyait l'attribution de compétences aux régions et aux communautés linguistiques. Dans les Flandres, ces deux entités ont fusionné. Hormis Bruxelles, qui constitue la Région de Bruxelles-Capitale, toutes ces entités sont concernées et cinq départements français sont frontaliers avec la Belgique. Il a ensuite fait observer que la France avait déjà signé des accords de coopération transfrontalière avec tous ses voisins et que la Belgique faisait figure d'exception. Les assemblées belges concernées et le Sénat français ont d'ores et déjà autorisé l'approbation de cet accord, seule l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée à ce jour. La Communauté urbaine de Lille est très intéressée par cet accord et elle envisage de créer un district européen avec quatre groupements intercommunaux belges. Le Premier ministre a pour sa part annoncé qu'un tel projet pouvait être mis en œuvre dans le cadre de l'expérimentation prévue par la dernière réforme de la décentralisation. Il a par ailleurs décidé de mettre en place un groupe de travail parlementaire franco-belge, qui serait chargé du suivi de la mise en œuvre de l'accord. A ce titre, il pourrait faire des propositions pour aplanir les difficultés posées par les différences des systèmes juridiques français et belges. Les collectivités concernées étant prêtes à appliquer l'accord, il serait regrettable que la Commission des Affaires étrangères en freine la mise en place.

Mme Martine Aurillac a émis le souhait que la Commission des Affaires étrangères soit représentée au sein du groupe de travail interparlementaire.

M. Patrick Delnatte a indiqué que, d'après ses informations, la mission interparlementaire devait comporter du côté français cinq membres, dont trois députés, un sénateur et un membre du Parlement européen. Compte tenu de la nécessité de représenter les différentes sensibilités politiques, il n'a pas été prévu qu'un membre de la Commission des Affaires étrangères participe au groupe de travail.

M. Bruno Bourg-Broc a déclaré qu'il n'avait pas été informé de la mise en place de ce groupe de travail. Afin de ne pas retarder l'entrée en vigueur de la présente convention, la Commission des Affaires étrangères pourrait toutefois adopter le présent projet de loi en insistant sur la nécessité de l'assortir d'une circulaire interprétative.

Le Président Edouard Balladur a conclu en proposant à la Commission d'adopter le projet de loi et en indiquant qu'il adresserait au Ministre des Affaires étrangères une lettre récapitulant les interrogations de la Commission, afin qu'il puisse donner à l'Assemblée nationale toutes les explications nécessaires en séance publique lors de la discussion de ce texte.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1331).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (n° 1331).

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N° 1964 - Rapport sur le projet de loi, adopté par le Sénat,autorisant l'approbation de l'accord France Belgique sur la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales et les organismes publics locaux (M. Bruno Bourg-Broc)

1 Code général des collectivités territoriales - « Art. L. 1115-1 - Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent conclure des conventions avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France. » et « Art. L. 1115-5 - Aucune convention, de quelque nature que ce soit, ne peut être passée entre une collectivité territoriale ou un groupement et un Etat étranger ».

2 Loi n° 83-1131 du 27 décembre 1983 - Décret n° 84-432 du 4 juin 1984.

3 Décret n° 95-913 du 5 août 1995 portant publication de la lettre française du 24 janvier 1994 relative au retrait d'une déclaration formulée par le gouvernement de la République française lors de l'approbation de la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales, ouverte à la signature le 21 mai 1980.

4 Décret n° 96-8 du 2 janvier 1996.

5 Article L. 5721-4 du Code général des collectivités territoriales : « -Les dispositions du titre II du livre Ier de la troisième partie relatives au contrôle de légalité et au caractère exécutoire des actes des autorités départementales sont applicables aux syndicats mixtes régis par le présent titre.

- Leur sont également applicables les dispositions des chapitres II et VII du titre unique du livre VI de la première partie relatives au contrôle budgétaire et aux comptables publics. ».

6 () Rapport fait au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française d'une part, et le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la Communauté française, le Gouvernement de la Région wallonne et le Gouvernement flamand, d'autre part, sur la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales et organismes publics locaux, n° 220 (2002-2003).

7 () Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'institution d'un groupement européen de coopération transfrontalière (GECT) - COM(2004) 496 final.


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