N° 2151 - Rapport de M. Daniel Paul sur la proposition de résolution de M. Daniel PAUL et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'ouverture à la concurrence des services publics dans les secteurs de l'énergie, des postes et télécommunications et des transports ferroviaires (2121)




Document

mis en distribution

le 15 mars 2005

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N° 2151

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 mars 2005

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 2121) de M. DANIEL PAUL ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'ouverture à la concurrence des services publics dans les secteurs de l'énergie des postes et télécommunications et des transports ferroviaires,

PAR M. DANIEL PAUL,

Député.

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INTRODUCTION 5

LES SERVICES PUBLICS ET L'EUROPE 9

A.- UN MODÈLE FRANÇAIS 9

B.- LA REMISE EN CAUSE EUROPÉENNE 10

C.- UN PROCESSUS CONÇU COMME INEXORABLE 12

L'IMPASSE DE LA LIBÉRALISATION DES ACTIVITÉS DE RÉSEAU 17

A.- LA STRATÉGIE DESTRUCTRICE DU « MARCHÉ UNIQUE » 17

B.- L'INTRODUCTION EN FORCE DE LA CONCURRENCE DANS LES RÉSEAUX 18

C.- L'ENVERS D'UNE LIBÉRALISATION À MAUVAIS ESCIENT 20

1. La convergence vers le monopole privé 20

2. La détérioration de la qualité des prestations 22

3. La destruction des mécanismes de solidarité 24

4. L'apparition de risques nouveaux 26

LES SERVICES PUBLICS FACE AU DROIT EUROPÉEN 28

A.- UN CONCEPT FONDATEUR DU DROIT ADMINISTRATIF FRANÇAIS 28

1. Le périmètre des « services publics » 29

2. Les principes du « service public » 29

B.- L'APPROCHE JURIDIQUE EUROPÉENNE 30

1. Une difficulté d'appréhension 30

2. Un régime de surveillance 31

C.- UNE PRISE EN COMPTE EMBRYONNAIRE 32

1. Une reconnaissance purement symbolique 33

2. Une protection juridique effective à la marge 35

EXAMEN EN COMMISSION 39

ANNEXE 1 : ACTE UNIQUE EUROPÉEN  45

ANNEXE 2 : MEMORANDUM DE 1993 48

ANNEXE 3 : RÉSOLUTION DE 1995 51

ANNEXE 4 : MEMORANDUM DE 1996 56

MESDAMES, MESSIEURS,

Si le groupe des députés communistes et républicains a décidé de consacrer une de ses « niches » parlementaires à l'examen d'une résolution tendant à demander la création d'une commission d'enquête sur l'impact de l'ouverture à la concurrence sur les secteurs jusque-là gérés dans le cadre de ce que nous appelons avec fierté, en France, les « services publics », c'est que cette question lui apparaît aujourd'hui absolument fondamentale et pourtant incroyablement occultée.

Inlassablement, à l'occasion de chacune des transpositions législatives des directives européennes qui nous font avancer inexorablement dans la voie de la disparition de cette composante essentielle de notre spécificité française que sont les « services publics », nous n'avons cessé d'alerter la Représentation nationale sur les conséquences désastreuses, en termes d'emploi, de cohésion sociale et d'équilibre territorial, qui pourraient en résulter pour nos concitoyens.

Nos appels à des analyses préalables, à des études d'impact, sont restés vains. Au nom d'une construction européenne libérale, l'un après l'autre, nos services publics ont été minés : ceux des postes et des télécommunications, avec France Télécom et La Poste, ceux de l'énergie, avec EDF et GDF, celui des chemins de fer, avec la SNCF.

Le processus est toujours le même, pernicieusement progressif, en quatre étapes : d'abord, on réduit les moyens des services publics, on les met en difficulté face aux attentes des citoyens et aux missions à accomplir ; ensuite, on ouvre le secteur à la concurrence, en indiquant que c'est une évolution nécessaire pour assurer les meilleures conditions de la modernisation du service public ; après, on change le statut de l'opérateur historique pour en faire une société anonyme, on casse les solidarités et les cohérences internes en prétextant la nécessité de lui permettre de passer des alliances stratégiques ; enfin, on n'a plus qu'un petit pas à faire pour réaliser la privatisation.

Il ne reste plus alors aux citoyens qu'à se résigner à la perte d'un fleuron national, passé entre les mains des grands investisseurs en bourse, et à vivre avec un nouveau prestataire privé qui les traite, non plus comme des usagers ayant des droits, mais comme des clients ayant des porte-monnaie. Quand on n'assiste pas, au surplus, à des réductions d'emplois, dans le cadre de plans d'assainissement que ne tardent pas à exiger les nouveaux actionnaires au nom de la rentabilité immédiate.

On peut presque dresser une carte de l'emplacement de chacun des grands services publics français sur le chemin de ce processus : pour France Télécom, depuis la privatisation de septembre dernier, le parcours est complet, et c'est l'Etat qui demande désormais à l'entreprise, contre rémunération, de bien vouloir rendre cet « ersatz » de service public qu'est le « service universel ». Pour la SNCF et La Poste, on en est tout juste à la première étape, qui permettra aux opérateurs concurrents de venir faire de l'écrémage sur le marché français. Quant à EDF et GDF, elles viennent d'entrer dans le grand club des Sociétés Anonymes, avec bien sûr la promesse que leur capital restera détenu à 70% par l'Etat !

La commission d'enquête demandée par le groupe des députés communistes et républicains vise à répondre à l'attente légitime des Français qui veulent voir leurs élus nationaux réagir avec eux face à une évolution qu'on ne saurait accepter passivement comme inexorable.

Toutes les conditions prévues par l'article 140 de notre règlement intérieur qui sont nécessaires à la mise en place d'une commission d'enquête sont réunies. Cet article 140 indique que la proposition de résolution « doit déterminer avec précision, soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la commission doit examiner la gestion ». Demander quelles sont les conséquences de l'ouverture à la concurrence des services publics, c'est à la fois viser des faits précis, c'est-à-dire les processus juridiques en cours d'ouverture à la concurrence, et inviter à un examen des conditions de la gestion des services publics dans le contexte créé par cette ouverture à la concurrence.

La commission d'enquête aura notamment pour objectif d'analyser l'impact de l'ouverture à la concurrence sur le respect des principes juridiques fondamentaux qui organisent le service public français : à savoir le principe d'égalité, en termes d'accès sur l'ensemble du territoire mais aussi de péréquation tarifaire ; le principe d'adaptabilité, en termes d'investissement et d'innovation ; le principe de continuité, qui joue un rôle essentiel au niveau de la qualité mais aussi de la sécurité. Il s'agira de dresser le bilan des réformes dont les conséquences peuvent déjà être observées en France, et de recueillir l'expérience de nos partenaires européens qui se sont engagés plus tôt que la France dans le processus d'ouverture à la concurrence.

Les résultats obtenus devraient permettre d'éclairer et d'infléchir la position de la France sur la poursuite du processus de libéralisation.

Soucieux de promouvoir une construction européenne fondée sur d'autres critères que la concurrence, la marchandisation, le groupe des députés communistes et républicains souhaite faire valoir d'autres modalités d'organisation des services publics en Europe, comme par exemple, la mise en place d'un dispositif de coopération rapprochée entre opérateurs européens, laissant à chacun l'originalité de son mode de fonctionnement national, et offrant néanmoins tous les avantages d'un fonctionnement intégré, pouvant aller jusqu'à l'organisation de véritables services publics à l'échelle de la communauté européenne.

Pour mieux mettre en évidence la nécessité d'une commission d'enquête, ce rapport se propose de décliner la problématique des contradictions entre le processus de libéralisation européen et la logique des services publics français aux trois niveaux historique, économique et juridique.

LES SERVICES PUBLICS ET L'EUROPE

La construction européenne s'est faite depuis le milieu des années quatre-vingt sur la base d'« un marché dans lequel la concurrence est libre et non faussée ». Or, la France a fait le choix d'appuyer son développement d'après-guerre sur des dispositifs nouveaux de gestion de ses services publics. Leur singularité en a fait, pour les promoteurs du marché unique, un particularisme faisant obstacle à l'harmonisation nécessaire à l'intégration libérale européenne, fondée sur la primauté du marché financier.

A.- UN MODÈLE FRANÇAIS

Les services publics ont toujours su s'illustrer dans les moments critiques de notre histoire :

- d'abord, ils se sont souvent constitués dans un contexte de reprise en main par l'Etat de secteurs que les intérêts privés se montraient incapables de gérer de façon performante : la nationalisation des chemins de fer du 31 août 1937, celle des producteurs, transporteurs et distributeurs d'électricité et de gaz le 8 avril 1946, sont intervenues pour rationaliser l'organisation d'activités absolument stratégiques pour le développement de l'économie, qui ont ainsi pu jouer un rôle essentiel dans la reconstruction et l'industrialisation de la France au cours des « trente glorieuses » ;

- ensuite, les services publics ont permis de relever les défis difficiles auxquels la France s'est trouvée confrontée au début des années soixante-dix : France Télécom l'a fait passer en une dizaine d'années à l'ère des satellites de télécommunications ; EDF a conquis dans la même période l'indépendance énergétique du pays par la mise en place d'un parc de centrales nucléaires qui a conduit au développement d'une filière technologique nationale totalement maîtrisée ;

- enfin, les services publics ont démontré à plusieurs reprises leur capacité à occuper le premier rang de l'innovation dans le monde : la SNCF, avec le TGV, a ainsi repoussé jusqu'à des niveaux extraordinaires les limites de vitesse du voyage totalement sécurisé sur rail.

Les services publics ont tiré leur force du mixage harmonieux de trois engagements :

- l'engagement de l'Etat, qui, en assumant totalement la responsabilité patrimoniale des entreprises concernées, a conféré à leur gestion un horizon de long terme qui, seul, permet de mener à bien de vastes programmes d'infrastructures, ou de réaliser des percées technologiques nécessitant une forte accumulation préalable de capitaux, protégeant ces secteurs de la loi de la rentabilité financière ;

- l'engagement d'un personnel très impliqué, conscient de travailler au service de la collectivité nationale, et montrant à ce titre une capacité de mobilisation supplémentaire lorsque les événements dramatiques l'exigeaient, comme lorsqu'il s'est agi de rétablir les lignes aériennes coupées suite à la tempête de décembre 1999 (3,5 millions et demi d'abonnés ont été privés d'électricité, mais 90 % d'entre eux ont été reconnectés au bout de 5 jours) ;

- l'engagement du potentiel de modernisation et d'innovation que constituent les grands corps techniques de l'Etat légués à la France par la Révolution, qui ont trouvé dans le service de l'intérêt général un aboutissement conforme à leur vocation.

Ces composantes de base des services publics se sont accompagnées de modalités de fonctionnement interne contribuant à leur efficacité par le renforcement de leur cohésion interne. A cet égard, on peut mettre en avant la place particulière qu'y occupe la promotion interne dans la sélection des cadres, mais également la participation des salariés aux instances de direction, dans le cadre notamment des dispositions de la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.

Nul doute que la qualité des services publics, et leur adéquation au souci d'égalité de la société française, ont joué un rôle dans l'attachement que la population française leur a toujours manifesté - tout en souhaitant leur modernisation continue -, et dans l'inquiétude qu'elle exprime aujourd'hui devant le processus de démantèlement qui les touche l'un après l'autre.

B.- LA REMISE EN CAUSE EUROPÉENNE

Le processus de démantèlement des services publics a eu pour point de départ l'Acte unique des 17 et 28 février 1986. L'Acte unique a en effet introduit dans les institutions européennes les deux mordants du piège :

- d'un côté, un objectif : le « marché intérieur », plus tard appelé « marché unique », défini comme un « espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée » ;

- de l'autre, un instrument : le vote à la majorité qualifiée au sein du conseil des ministres : « Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission en coopération avec le Parlement européen et après consultation du Comité économique et social, arrête les mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres qui ont pour objet l'établissement et le fonctionnement du marché intérieur. ».

Le traité de Maastricht sur l'Union européenne de 1992, en introduisant la procédure de codécision conférant véritablement un pouvoir normatif au Parlement européen, n'a fait que consolider ce mécanisme.

Une telle orientation politique générale ne pouvait qu'aboutir à une remise en cause des services publics, présentés par les tenants du libéralisme comme gaspilleurs, inefficaces et rétrogrades, pour tenter de faire oublier leurs performances techniques, scientifiques, sociales.

La construction européenne a intégré et amplifié ce mouvement hostile et destructeur. La Commission s'est ainsi livrée à une critique radicale des services publics dans son 22ème rapport sur la politique de la concurrence (1992), estimant que ce mode d'organisation « du fait qu'il repose sur une division du marché commun selon des frontières nationales, est a priori incompatible avec les règles communautaires de la concurrence, ce qui ressort de plus en plus clairement de la jurisprudence de la Cour. Il s'agit donc d'une structure qui a tendance à favoriser les abus de position dominante. Elle restreint ainsi la libre prestation des services et la libre circulation des marchandises. Elle s'accompagne en outre souvent de discriminations fondées sur la nationalité. ».

Par voie de directives, la Commission s'est engagée dans une politique accélérée d'ouverture des marchés organisés sur un mode monopolistique, se traduisant d'abord par la libéralisation des services de télécommunications, entamée dès le début des années 1990, puis celle du marché intérieur de l'électricité et du gaz, enfin, dans un troisième temps, celle des services postaux et du transport ferroviaire. Au-delà des spécificités propres à chaque secteur, ces processus de libéralisation obéissent à des principes communs : abrogation des monopoles légaux, accès des tiers aux réseaux, séparation comptable entre les différentes activités des entreprises monopolistiques, mise en place d'autorités de régulation distinctes des opérateurs comme des administrations de tutelle, ce qui signifie la fin du rôle de l'Etat.

Au cours des années quatre-vingt-dix, les autorités politiques françaises ont perçu le danger, et ont tenté d'infléchir le mouvement à l'occasion de la Conférence intergouvernementale chargée en 1996 de préparer ce qui allait devenir le traité d'Amsterdam de 1997. La France a alors demandé, dans son memorandum, d'une part l'inclusion dans le traité d'une Charte européenne des services, et d'autre part l'abrogation de la disposition conférant à la Commission européenne un pouvoir d'initiative pour des directives soumettant « les entreprises chargées de la gestion de service d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal » aux règles de concurrence (troisième alinéa de l'article 86 du traité instituant la communauté européenne).

Cette seconde revendication figurait notamment, en 1995, dans la proposition de résolution qui concluait un rapport d'information de M. Franck Borotra au nom de la délégation des affaires européennes de l'Assemblée nationale intitulé : « Le service public dans le cadre de l'Union européenne ».

Mais aucune de ces deux propositions françaises n'a pu emporter l'approbation d'une majorité des Etats membres au Conseil de l'Union européenne, le traité d'Amsterdam se contentant tout juste de reconnaître « la place qu'occupent les services d'intérêt économique général parmi les valeurs communes de l'Union ».

L'article III-166 du traité établissant une constitution pour l'Europe reprend à l'identique le contenu de l'article 86, et notamment son troisième alinéa : « La Commission veille à l'application du présent article et adopte, en tant que de besoin, les règlements ou décisions européens appropriés. », laissant ainsi intact le mécanisme de destruction des services publics.

C.- UN PROCESSUS CONÇU COMME INEXORABLE

La remise en cause des services publics s'est effectuée selon des rythmes différents suivant les secteurs, mais d'une manière constante, la Commission n'hésitant pas à engager des recours devant la Cour de justice des communautés européennes en cas de retard dans la transposition, voire à rapprocher les échéances dans de nouveaux « paquets » pour accélérer le mouvement de libéralisation.

·  C'est dans le secteur des télécommunications que la libéralisation a commencé, et qu'elle est aujourd'hui le plus avancé. La dernière étape en a été marquée en mars 2002 par l'adoption du « paquet télécoms » désormais transposé en France grâce aux deux lois du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public et à France Télécom, et du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communications audiovisuelles.

Ce « paquet » s'est substitué à tout un ensemble de textes précédents, dans une démarche de mise en ordre, qui s'est apparentée à celle d'une codification. En effet, depuis l'adoption des deux directives 90/387/CEE et 90/388/CEE du 28 juin 1990, relatives respectivement « à l'établissement du marché intérieur des services de télécommunications par la mise en œuvre de la fourniture d'un réseau ouvert de télécommunications » et « à la concurrence dans les marchés des services de télécommunications », la Communauté européenne n'a cessé d'affiner sa démarche de réglementation en vue d'instituer un véritable marché intérieur dans ce secteur monopolisé au départ par le groupe restreint des opérateurs historiques nationaux.

Une vingtaine de directives et recommandations sont venues compléter ou modifier le dispositif initial, en partie pour l'adapter aux développements des technologies survenus entre-temps. C'est la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications qui en a effectué en bloc la transposition en France. Au 1er janvier 1998, les marchés des télécommunications ont été totalement libéralisés dans presque tous les Etats membres.

Le « paquet télécoms » de 2002 a simplifié et clarifié sensiblement le cadre réglementaire actuel en ramenant le nombre d'instruments législatifs communautaires de vingt-huit à huit. Il a visé à adapter la réglementation au nouveau contexte technologique créé par la convergence entre les télécommunications, les technologies de l'information et les médias, qui permet de plus en plus de fournir les mêmes services via des plates-formes techniques différentes, et à destination de terminaux très variés.

·  Le secteur de l'énergie a fait l'objet de deux vagues de directives.

La première comprenait d'une part la directive 96/92/CE du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité, qui a été transposée par la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, et d'autre part, la directive 98/30/CE du 22 juin 1998 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel, qui a été transposée par la loi du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie.

Cette première vague de directives a imposé une ouverture progressive des marchés à la concurrence en créant la notion de « clients éligibles », qui sont les clients pouvant choisir d'être approvisionnés par un fournisseur autre que l'opérateur historique. L'éligibilité d'un consommateur dépendait de sa consommation, les directives imposant de rendre au moins éligibles selon un échéancier précis les clients dont la consommation dépassait des seuils qu'elles fixaient.

L'approvisionnement de ces clients par de nouveaux fournisseurs a été rendu possible par l'ouverture des réseaux à tous selon le principe dit de l'accès des tiers aux réseaux. En conséquence, une séparation comptable des gestionnaires de réseaux a été imposée tandis que, s'agissant de l'électricité, la séparation fonctionnelle de l'entité de gestion des réseaux de transport a été organisée, ce qui a conduit à la création, au sein d'EDF, d'un service indépendant sur le plan de la gestion appelé RTE. La gestion des réseaux reste donc un monopole local.

La deuxième vague était composée des directives 2003/54/CE du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et 2003/55/CE du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel. En application de ces directives, qui ont modifié les précédentes, l'éligibilité n'est plus définie en fonction de la consommation, mais en fonction de l'usage : tous les clients professionnels devaient être éligibles au 1er juillet 2004, et tous les clients doivent l'être en 2007.

En outre, la séparation des gestionnaires de réseaux vis-à-vis des opérateurs historiques intégrés a été accrue, puisque ces nouvelles directives imposent la séparation juridique des gestionnaires de réseaux de transport, c'est-à-dire, au minimum, leur filialisation.

Leur transposition a été effectuée dans le cadre de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

Au total, l'articulation générale du marché imposée par les directives est donc la suivante :

- l'acheminement de l'énergie, confié aux gestionnaires de réseaux de transport et de distribution reste un monopole local. Les gestionnaires de réseaux, qui doivent prendre la forme de filiales, sont indépendants des fournisseurs. Ils doivent traiter tous les clients de façon non discriminatoire;

- en revanche, la fourniture d'énergie aux clients éligibles est ouverte à la concurrence. Les prix et les offres sont négociés entre clients et fournisseurs.

·  Le secteur postal a fait l'objet de deux directives organisant une ouverture par étapes du marché à la concurrence. La France ayant tardé à les transposer, elle est déférée depuis le 17 décembre 2003 par la Commission européenne devant la Cour de justice des communautés européennes au titre de chacune des deux directives :

- le premier recours concerne la directive 97/67/CE du 15 décembre 1997, et le retard à la mise en place d'une autorité de régulation du secteur postal juridiquement distincte et fonctionnellement indépendante de l'opérateur postal, conformément à l'article 22 de cette directive ;

- le second recours concerne la directive 2002/39/CE du 10 juin 2002, et le retard à l'inscription dans la loi française de l'abaissement à 100 grammes du plafond des courriers relevant du domaine réservé, qui aurait dû intervenir avant le 1er janvier 2003.

Comme cela s'est produit pour la Belgique, l'adoption du projet de loi relatif à la régulation des activités postales, en cours de discussion devant le Parlement, devrait ipso facto conduire la commission européenne à clore ces deux procédures en infraction devant la Cour de justice des communautés européennes.

Un début de transposition de la directive de 1997 était déjà intervenu dans le cadre de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, dont l'article 19 a institué le service universel postal.

L'achèvement de la transposition doit conduire à définir un régime d'autorisation pour le traitement des envois de correspondance, et à permettre aux opérateurs alternatifs de bénéficier d'un accès aux moyens indispensables à l'activité postale détenus pour l'instant exclusivement par l'opérateur public, qui a dû les mettre en place au cours de l'histoire pour ses besoins propres : la distribution en boîtes postales, par exemple, ou les données relatives aux changements d'adresse.

·  La directive 91/440/CEE du 29 juillet 1991 relative au développement des chemins de fer communautaires a constitué la première étape du processus de libéralisation du secteur ferroviaire. Elle reconnaissait aux groupements internationaux d'entreprises ferroviaires, en matière de transport international de voyageurs et de marchandises, un droit d'accès et de transit sur le territoire de l'Etat où celles-ci étaient établies, et un droit de transit sur le territoire des autres Etats membres.

C'est la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l'établissement public « Réseau ferré de France » en vue du renouveau du transport ferroviaire qui a opéré la transposition, en France, de cette directive, et notamment de son article 6 prévoyant la séparation, au moins comptable, des activités relatives à l'exploitation des services de transport de celles relatives à la gestion de l'infrastructure ferroviaire, cette séparation pouvant conduire à la mise en place d'entreprises totalement distinctes.

Marquant une étape supplémentaire dans la voie de la libéralisation, le premier « paquet ferroviaire », comprenant notamment la directive 2001/12/CE du 26 février 2001 modifiant la directive 91/440/CEE, a autorisé l'accès à la partie des réseaux nationaux comprise dans le réseau trans-européen de fret ferroviaire (RTEFF) aux entreprises ferroviaires souhaitant effectuer des services de fret internationaux, et ce à partir du 15 mars 2008 au plus tard.

Le RTEFF, institué à cette occasion, est un réseau d'une longueur de 50 000 kilomètres dédié au fret et représentant environ 80 % du trafic de fret européen. Il reprend les axes principaux de trafic ferroviaire jusqu'aux limites de l'Union européenne en tenant compte du dernier élargissement. Il comprend également l'accès à des terminaux et à des ports importants, ainsi que la prestation des services dans ces terminaux et ports.

Bien qu'une majorité d'Etats n'aient pas encore transposé les dispositions de ce premier « paquet ferroviaire », un deuxième « paquet ferroviaire » incluant la directive 2004/51/CE du 29 avril 2004 modifiant la directive 91/440/CEE, a prévu l'ouverture du transport international de marchandises à la concurrence sur l'ensemble du réseau (et non plus uniquement sur le RTEFF), au plus tard le premier janvier 2006, soit deux ans avant le terme fixé par la directive 2001/12/CE, ainsi que l'ouverture totale à la concurrence du transport de marchandises (international et national) au premier janvier 2007.

Ce deuxième « paquet ferroviaire » bousculait ainsi le calendrier en rapprochant les échéances et en généralisant une ouverture à la concurrence qui ne devait être initialement que progressive et partielle.

Au surplus, ce deuxième « paquet ferroviaire » fut adopté sans qu'aucun bilan des premières étapes de la libéralisation n'ait été mené, et alors même que le Conseil européen de Barcelone, les 15 et 16 mars 2002, avait invité la Commission à publier un rapport « concernant le fonctionnement du premier train de mesures relatives au chemin de fer ».

Restant dans sa logique d'accélération de la mise en place d'un marché unifié du transport ferroviaire, la Commission a pris l'initiative de proposer la libéralisation du trafic international de voyageurs à partir de 2008 dans le cadre d'un troisième « paquet ferroviaire », alors qu'elle n'a toujours pas présenté le rapport souhaité par le Conseil européen, que les avantages pratiques de la libéralisation sont loin d'être démontrés, et que les deux premiers « paquets ferroviaires » ne sont pas encore transposés !

Menant la démarche à son terme, le Parlement européen propose même de libéraliser entièrement le trafic « voyageurs » : la proposition de directive COM (2004) 139 du 03/03/2004 « ouvrant à la concurrence le transport international de passagers à compter du 1er janvier 2010 et autorisant le cabotage » irait, en l'état actuel des discussions, jusqu'à permettre le cabotage national, ce qui aboutirait de fait à une ouverture à la concurrence du transport national de passagers.

Ainsi, entre le premier et le troisième « paquet ferroviaire », soit en l'espace de quatre ans, le calendrier de la libéralisation a été bousculé au point qu'on envisage aujourd'hui d'ouvrir de fait l'ensemble du transport de passagers à la concurrence en 2008, alors qu'au départ (en 2001), et à cette échéance, seul devait être libéralisé le transport international de marchandises sur le RTEFF.

Cette fuite en avant témoigne des pressions qui s'exercent pour pousser au maximum les remises en cause des services publics, pour tenter de rendre plus difficile tout retour en arrière, en profitant de majorités libérales voire ultralibérales dans les instances européennes comme dans une majorité de pays européens.

L'IMPASSE DE LA LIBÉRALISATION
DES ACTIVITÉS DE RÉSEAU

La relance de la construction européenne décidée en 1986 à travers l'Acte unique s'est appuyée sur une stratégie d'intensification de la concurrence, censée renforcer l'interdépendance économique entre les Etats membres de la Communauté. Si cette stratégie a pu avoir certaines contreparties bénéfiques pour les consommateurs dans des secteurs purement marchands, où la confrontation des producteurs peut se traduire effectivement par une incitation à améliorer la qualité des produits et à diminuer les prix, elle est manifestement contreproductive dans les activités de réseau qui évoluent spontanément vers le monopole, à tel point qu'on parle à leur propos de monopole « naturel ».

A.- LA STRATÉGIE DESTRUCTRICE DU « MARCHÉ UNIQUE »

L'Acte unique a poursuivi le projet de construction européenne par le biais indirect du renforcement de l'interdépendance économique, selon la démarche préconisée par Robert Schuman et Jean Monnet, mais en prenant le contre-pied de la stratégie adoptée par ceux-ci.

En effet, alors que la Communauté européenne du charbon et de l'acier, la CECA, créée le 9 mai 1950, se fondait sur une « coopération » entre les six pays fondateurs pour gérer les deux secteurs qui constituaient les piliers de l'économie de l'époque, en mettant en place à Luxembourg une Haute Autorité chargée de superviser et de répartir la production de charbon et d'acier entre les industries nationales, l'Acte unique a promu à l'inverse une stratégie de « concurrence ». Ainsi, là où la CECA visait au bénéfice mutuel d'une coordination, l'Acte unique a encouragé un mécanisme de compétition.

Sur le fond, il s'agissait d'homogénéiser l'espace économique en utilisant la technique de la « table rase », c'est-à-dire en faisant disparaître tous les particularismes nationaux sous prétexte de lever les obstacles à la constitution du marché « unique » : « La Communauté arrête les mesures destinées à établir progressivement le marché intérieur au cours d'une période expirant le 31 décembre 1992 » (article 13). La concurrence avait vocation à araser les différences.

Cette technique a déjà été mise en œuvre historiquement par l'Assemblée constituante pour constituer l'unité nationale française, en faisant disparaître tous les privilèges, y compris les privilèges locaux, lors de la nuit du 4 août 1789, pour faire place nette à des normes juridiques nouvelles fondées sur l'égalité.

Mais alors que la nuit du 4 août n'a lésé que l'« ordre noble » dont Sieyès dénonçait la « fainéantise » dans son pamphlet « Qu'est-ce que le Tiers-Etat ? », la vague destructrice de l'Acte unique a atteint tous les travailleurs européens en prétendant profiter à tous les consommateurs.

En effet, les lendemains radieux promis par le rapport Cecchini sur le « coût de la non-Europe », présenté en mars 1988, et qui évaluait à quelque chose compris entre 4,25 % et 6,5 % du PIB le manque à gagner pour la Communauté, faisait bon marché du processus de « destruction créatrice » inhérent à l'intensification de la concurrence : l'année 1993, première année de fonctionnement du marché « unique », a été de fait marquée, pour les pays européens, par la récession la plus forte de leur histoire d'après la Seconde Guerre mondiale, le PIB reculant de presque un demi point, et le taux de chômage culminant à un taux sans précédent de 11 %.

Ce désaveu de prévisions trop optimistes, reposant sur une confiance aveugle dans les vertus du marché, n'a pas empêché la Commission européenne de poursuivre le mouvement de libéralisation, celui-ci étant étendu dans les années quatre-vingt-dix aux activités de réseau, alors qu'il n'était même pas certain cette fois que les consommateurs pourraient en retirer un avantage.

B.- L'INTRODUCTION EN FORCE DE LA CONCURRENCE DANS LES RÉSEAUX

Les activités de réseau ont pour caractéristiques communes d'imposer de fortes barrières à l'entrée, sous forme d'équipements d'infrastructure (centrales nucléaires, gazoducs, câbles à haut débit, voies ferrées, centres de tri du courrier) et de générer d'importantes économies d'échelle. Ces caractéristiques conduisent mécaniquement à une concentration des entreprises, le plus gros producteur sur le marché ayant un avantage en termes de coût que la dynamique de la concurrence ne tend qu'à consolider.

C'est la raison pour laquelle nombre de pays développés avaient fait le choix d'une exploitation de ces activités sous le régime du monopole public, permettant un fonctionnement sur le périmètre le plus large possible, et donc une optimisation de l'avantage en termes de coût, tout en évitant l'inconvénient d'un comportement de prédateur, la propriété publique du capital donnant au contraire la possibilité de faire profiter la collectivité nationale d'une péréquation des prix.

En France, le principe de nationalisation des activités en situation de monopole a même valeur constitutionnelle, puisqu'il est inscrit dans le préambule de la constitution de 1946, auquel la constitution de 1958 s'est explicitement rattachée : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. »

Face à des monopoles publics, la stratégie de libéralisation pouvait prendre techniquement deux formes, qui ont été toutes deux utilisés par la Commission européenne à l'encontre des services publics :

- la première repose sur le modèle dit du « common carrier », et consiste à séparer l'infrastructure utilisée du service fourni, en ouvrant un droit général d'accès à l'infrastructure et en libéralisant la fourniture du service. C'est une transposition du système d'organisation des transports routiers : la route est libre d'accès, et la circulation est ouverte à tous les détenteurs de véhicule. Assez naturellement, ce modèle a été appliqué au domaine ferroviaire, avec la mise en place en 1997 de Réseau ferré de France. C'est aussi le modèle appliqué dans le domaine du téléphone fixe, avec l'obligation faite à France Télécom de donner accès à la « boucle locale », ou encore dans l'électricité, avec la création au sein d'EDF de l'entité « Réseau de transport d'électricité » ;

- la seconde manière de libéraliser une activité de réseau jusque-là sous monopole public consiste à encourager la mise en place de réseaux concurrents, en obligeant l'opérateur public à continuer à fournir le même service à destination de toute la collectivité. Les nouveaux entrants rentabilisent alors leurs investissements d'infrastructure en ciblant leur activité sur les segments les plus profitables, selon une démarche dite « d'écrémage ». La libéralisation du gaz a ainsi été organisée sur le modèle de la concurrence des réseaux, que l'on retrouve également à l'œuvre dans le secteur de la téléphonie mobile. Mais c'est dans le secteur postal que la logique d'écrémage est la plus encouragée, par une réduction par étape du plafond du domaine réservé : cent grammes depuis le 1er janvier 2003 ; 50 grammes à partir du 1er janvier 2006.

Bien sûr, dans la pratique, les deux modalités de libéralisation peuvent se mêler, et dans les télécommunications, France Télécom fait office de « common carrier » tout en ayant à faire face à des opérateurs déployant leur propre réseau physique terrestre dans le cadre de ce qu'on appelle le « dégroupage total » ; certains opérateurs de télécommunications commencent même à contourner le réseau de téléphonie fixe en utilisant la possibilité nouvelle qu'offre la technologie de la WiFi (l'Internet sans fil) pour établir des « boucles locales radio » raccordées par satellite.

Ce processus de libéralisation se présente comme neutre vis-à-vis du statut des opérateurs historiques, a priori garanti par l'article 295 du traité instituant la communauté européenne : « Le présent traité ne préjuge en rien le régime de la propriété dans les Etats membres. ». De fait, la Commission européenne saisit toute occasion pour exercer une pression en faveur de la banalisation du statut juridique de ces opérateurs.

Ainsi, la Commission a engagé une procédure formelle d'examen en avril 2003 à l'encontre de la garantie illimitée de l'Etat dont bénéficiait EDF à travers ce statut, qui se traduisait par un risque d'insolvabilité quasiment nul, permettant à l'entreprise d'obtenir des conditions de financement plus favorables que ses concurrents ne bénéficiant pas de telles garanties, garanties qu'on aurait pourtant pu considérer comme un « avantage » correspondant aux missions générales de l'opérateur public. L'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières a en conséquence organisé la transformation d'EDF et de GDF en sociétés anonymes avant la fin de l'année 2004, comme la Commission le réclamait.

C.- L'ENVERS D'UNE LIBÉRALISATION À MAUVAIS ESCIENT

En confrontant l'analyse théorique avec les faits résultant des expériences déjà engagées, on peut opposer quatre formes d'objection à la libéralisation forcée des activités en réseau, touchant à la stabilité de l'organisation mise en place, aux résultats pour les consommateurs, à l'atteinte aux dispositifs de solidarité, et aux risques pour la société.

1. La convergence vers le monopole privé

En premier lieu, il faut en effet constater que l'introduction de la concurrence par la remise en cause juridique des monopoles publics ne change en rien la nature des forces économiques spontanées qui sont à l'œuvre dans les activités concernées. Quel que soit le contexte normatif, les activités de réseau génèrent des effets de réseau, et notamment des économies d'échelle. Cette caractéristique fondamentale pousse mécaniquement à la concentration des entreprises. En ligne de mire, c'est donc l'apparition de monopoles privés qui se profilent là où le dogme du marché « unique » a remis en cause les monopoles publics nationaux.

Ce risque de reconstitution de monopoles privés est évident dans les cas de mise en concurrence des réseaux, comme l'a montré l'évolution des télécommunications aux Etats-Unis : le démantèlement judiciaire d'ATT en 1984 n'y a pas fait long feu, la loi de déréglementation de 1996 ayant déclenché une immense vague de concentration par fusions et acquisitions dans l'ensemble du secteur.

Au surplus, la concurrence des réseaux est très coûteuse en ressources financières : elle tend à produire une suraccumulation de capital sous forme d'infrastructures redondantes fonctionnant en parallèle sur les segments les plus rentables du marché, c'est-à-dire en pratique dans les milieux urbains, alors que d'autres zones plus rurales restent « blanches » ; de ce gâchis, la téléphonie mobile donne un exemple flagrant.

La nécessité d'une interconnexion entre les différents réseaux génère également un surcoût qui n'existe pas en situation de monopole public. Ce surcoût tient à l'obligation pour les fournisseurs de respecter des normes d'interopérabilité, mais surtout à la nécessité de mettre en place une autorité de régulation (ART, CRE) dont la première fonction est de régler les conflits entre opérateurs ne s'entendant pas sur les conditions d'un raccordement entre eux. Or ce raccordement est essentiel pour permettre la communication entre clients de différents réseaux dans les télécommunications, ou pour assurer une liberté de choix de son fournisseur dans le cas d'un approvisionnement en gaz ou en électricité.

Lorsque, dans un contexte de concurrence des réseaux, une absorption d'entreprises se produit finalement, la partie surabondante du capital est perdue, et des compressions d'effectif ajoutent le désespoir social au gaspillage financier.

Le modèle du « common carrier » n'est pas exempt non plus d'inefficacités inhérentes à ses principes même, car si l'on admet que la fourniture de services déchargés de l'entretien d'une infrastructure peut se faire sans économies d'échelle, et donc dans un contexte de concurrence stabilisée, en revanche la gestion de la totalité de l'infrastructure par un opérateur en monopole déconnecté du client final prive celui-ci de l'information directe lui permettant de gérer au mieux sa politique d'investissement : il n'a aucune incitation à développer le réseau là où une demande finale nouvelle se fait jour, surtout si sa rémunération repose sur un tarif. Quand, par surcroît, ce gestionnaire d'infrastructure passe sous le contrôle d'intérêts privés, à la suite d'une ouverture de capital ou d'une privatisation, celui-ci va avoir tendance à maximiser son prélèvement en profitant de l'opacité sur ses charges réelles pour réclamer en permanence des hausses des tarifs.

Au passage, on peut observer que l'idée selon laquelle la performance, supposée inhérente à la concurrence, peut être atteinte au niveau du gestionnaire d'infrastructure par le recours à une procédure de désignation par appel d'offre, n'est qu'une fiction : comme la durée du mandat de gestion est nécessairement longue, compte tenu des capitaux en jeu, aucune entreprise privée ayant perdu le premier appel d'offre ne peut se maintenir en attendant la prochaine remise en concurrence, sauf si elle exerce le même métier dans un pays voisin. L'alternative est donc, soit que le premier titulaire devienne le titulaire ad vitam aeternam, se sentant ainsi libéré de toute obligation d'efficacité, soit qu'une concentration des gestionnaires de réseaux des différents pays membres s'opère, débouchant sur des groupes privés à l'échelle européenne en position d'échapper totalement au contrôle de chaque Etat. Dans tous les cas, une mise en concurrence pour la désignation du gestionnaire d'infrastructure se retournerait donc contre l'objectif d'une gestion efficace du réseau.

De même que la concurrence des réseaux génère des coûts d'interconnexion, le modèle du « common carrier » génère des coûts de coordination entre le gestionnaire d'infrastructure et les fournisseurs de service. On peut en donner l'illustration dans le secteur du transport ferroviaire, en reprenant les propos du président de la SNCF, Louis Gallois, le 30 juin 2004, devant la mission d'évaluation et de contrôle(1). Prenant en exemple la gare de Lyon, il a expliqué : « Toutes les quatre minutes, un TGV démarre de cette gare, l'objectif dans un proche avenir étant d'en faire partir un toutes les trois minutes. Cela suppose que nous soyons en mesure d'acheminer les rames [...], de trouver les quais disponibles et de faire repartir ces rames dans un délai extrêmement minuté. S'il y a une séparation complète entre le gestionnaire d'infrastructure et l'opérateur qui exerce l'essentiel des circulations, nous ne serons pas en mesure de faire partir un train toutes les trois minutes, mais peut-être toutes les sept ou huit minutes, car nous serons, chacun dans notre rôle, amenés à prendre les marges de temporalité nécessaires. »

2. La détérioration de la qualité des prestations

Au-delà de ces incohérences internes des modèles de concurrence dans les activités de réseau, la seconde objection pouvant être formulée à l'encontre du processus de libéralisation forcée de ces activités tient à ce qu'elle a pour effet, à la lumière des premiers retours d'expérience, de diminuer la qualité de la prestation au consommateur final.

En premier lieu, cette baisse de la qualité de la prestation va résulter de la mise en place rapide, sur le chemin du processus de reconstitution d'un monopole privé, d'une structure capitaliste en oligopole ayant des comportements d'entente implicite, du fait de la poursuite d'objectifs communs.

Cette situation d'entente implicite est illustrée par le schéma dit de « la courbe de la demande coudée » que l'on peut décrire ainsi : l'offre cumulée des entreprises se cale, comme s'il s'agissait de l'offre d'une seule entreprise, au niveau de celui d'un monopole maximisant son profit, c'est-à-dire à un niveau inférieur à celui que permettrait la concurrence ; mais aucune entreprise n'a intérêt à engager une guerre sur le prix pour augmenter son offre, car sitôt que l'une baisserait son prix, les autres ne pourraient que suivre pour protéger leur part de marché, et celle qui aurait baissé la première ne pourrait donc retrouver, au niveau des quantités vendues, la compensation du sacrifice qu'elle aurait initialement consenti au niveau du prix ; au terme de la guerre, toutes se retrouveraient in fine avec la même part de marché, avec un prix plus bas, donc perdantes. En conséquence, la diminution d'offre liée à l'écart entre l'équilibre d'entente « implicite » et l'équilibre de concurrence perdure, comme perdure la frustration du consommateur qui résulte de cette offre moindre.

Ainsi, la libéralisation des activités de réseau conduit à terme à un freinage de l'investissement de capacité, qui entretient un déséquilibre entre l'offre et la demande et favorise une remontée des prix.

Ce mécanisme est particulièrement préoccupant dans l'électricité, où la libéralisation place les consommateurs face à un oligopole européen : EDF, l'italien Enel, le belge Electrabel (propriété de Suez), les allemands E.ON et RWE et les espagnols Endesa et Iberdrola. Les industriels européens, gros consommateurs éligibles, sont d'ores et déjà confrontés à une nette hausse des prix de gros de l'électricité, de l'ordre de 30 % en 2003. La SNCF a enregistré une augmentation de 50 % de sa facture depuis l'ouverture à la concurrence en 2001. Cette hausse va poser à terme le problème de la pérennité des activités électro-intensives en Europe, comme celles liées à la production d'aluminium.

En France, la remontée risque d'être particulièrement forte, car la production à 78 % d'origine nucléaire, et à 12 % d'origine hydraulique permettait d'offrir, en marché fermé, un des niveaux de prix d'électricité les plus bas d'Europe. Le rattrapage sur la moyenne des prix européens, selon une logique imparable des « vases communicants », risque donc d'y être particulièrement sensible. De fait, il est prévu qu'à terme, l'électricité européenne, et donc en particulier l'électricité française, se vendra au niveau de prix correspondant à une production d'électricité par une centrale à cycle combiné à gaz, prix qui sera gonflé par l'achat nécessaire de droits à polluer, puisque ce procédé produit des émissions de gaz carbonique.

Dans le secteur du gaz, un autre phénomène va s'ajouter au déséquilibre de marché entre les consommateurs et l'oligopole implicitement coordonné des fournisseurs, pour faire monter les prix : ce phénomène résulte de ce que les fournisseurs communautaires s'approvisionnent tous aux mêmes quatre grandes sources mondiales : la Russie (GazProm), la Norvège (GFU), l'Algérie (Sonatrach), et le gaz naturel liquéfié en provenance du Nigéria ou du Moyen-Orient. Achetant tous aux mêmes producteurs, les fournisseurs européens ne sont guère en mesure, sauf circonstances particulières créant par exemple des excédents à « brader », de revendre à des prix très différents. Or la libéralisation européenne, en encourageant la multiplication des fournisseurs, et donc en renforçant, par le simple effet mécanique d'augmentation du nombre des solliciteurs, le pouvoir de négociation des détenteurs des sources d'approvisionnement mondiales, va conférer à ceux-ci des marges de manœuvre plus importantes pour accroître leurs prix.

L'ajustement à la baisse de l'effort d'ajustement des capacités va avoir un autre effet à terme, jouant sur la continuité de la fourniture d'électricité : c'est en effet précisément une faible incitation à investir qui est à l'origine des grandes coupures d'électricité de Californie en 2000 et 2001, les producteurs, après avoir restreint leurs investissements pendant plusieurs années, ne disposant plus d'aucune réserve de capacité face aux brutaux pics de demande.

Dans le schéma d'adaptation mécanique d'une organisation de marché en oligopole en situation de libéralisation, la restriction de l'effort d'investissement ne concerne d'ailleurs pas seulement les investissements de capacité, mais aussi les investissements immatériels de recherche et développement. En effet, la perspective de pouvoir augmenter ses profits par le simple fait de pouvoir bénéficier de la hausse des prix liés à la raréfaction de l'offre n'engage pas à faire des efforts particuliers d'innovation. Et lorsque ces efforts sont néanmoins conduits, les concurrents de l'oligopole s'engagent immédiatement dans la même direction pour maintenir leur offre à niveau, ce qui a pour effet d'entraîner un gaspillage de ressources, puisque des investissements parallèles aboutissent au même résultat sans que le consommateur puisse retirer aucun gain qualitatif additionnel de la somme de ces dépenses effectuées en ordre dispersé. A l'inverse, la répartition des ressources financières disponibles entre les concurrents empêche leur cumul sur un seul projet d'ambition plus importante, qui pourrait déboucher sur une percée technologique majeure. Le secteur des télécommunications voit constamment à l'œuvre ce type d'efforts de recherche en parallèle, dont le lancement simultané de l'UMTS par plusieurs opérateurs à la fin de l'année 2004 a fourni encore un exemple.

3. La destruction des mécanismes de solidarité

Les consommateurs sont certes tous lésés par la diminution de la qualité des prestations, mais il en est qui sont plus touchés que les autres par la libéralisation des activités de réseau : ceux qui bénéficiaient des dispositifs de solidarité, dans le cadre des missions de service public dévolues à l'opérateur historique.

Car la libéralisation restreint automatiquement les possibilités de financement par péréquation de ces missions, en encourageant, voire en organisant délibérément l'écrémage des segments les plus profitables du marché.

Le mécanisme par lequel les recettes prélevées sur les segments les plus fructueux sous couvert d'un régime de monopole peuvent servir à financer les activités déficitaires a pourtant été mis en avant, au plus haut niveau des instances européennes, par l'arrêt Corbeau du 19 mai 1993 de la Cour de justice des communautés européennes, qui concernait les « droits exclusifs » reconnus à la Régie des postes belge.

Le dispositif de l'arrêt Corbeau précise que le principe d'ouverture à la concurrence de « services spécifiques », c'est-à-dire de services « dissociables du service d'intérêt général, qui répondent à des besoins particuliers des opérateurs économiques et qui exigent certaines prestations supplémentaires » ne se justifie que « dans la mesure où ces services ne mettent pas en cause l'équilibre économique du service d'intérêt général assumé par le titulaire du droit exclusif ».

L'attendu 17 de l'arrêt observe en effet que « l'obligation, pour le titulaire de cette mission [d'intérêt général], d'assurer ses services dans des conditions d'équilibre économique, présuppose la possibilité d'une compensation entre les secteurs d'activités rentables et des secteurs moins rentables et justifie, dès lors, une limitation de la concurrence, de la part d'entrepreneurs particuliers, au niveau des secteurs économiquement rentables ».

La directive postale de 2002, en restreignant le « domaine réservé » au courrier de moins de 100 grammes au 1er janvier 2003, puis au courrier de moins de 50 grammes au 1er janvier 2006, et en créant les conditions d'une éventuelle décision de libéralisation totale ensuite, va à l'encontre de la reconnaissance par la Cour de justice de la justification des droits exclusifs pour le financement des missions d'intérêt général. Elle pousse les opérateurs historiques postaux à restreindre la surface de leur activité en abandonnant la partie structurellement déficitaire de leurs prestations, jusque-là assumée au nom de la solidarité sociale et territoriale.

De même, l'ouverture à la concurrence dans le transport ferroviaire va conduire à un abandon des lignes les moins rentables, les opérateurs historiques étant amenés à cibler leurs efforts sur le maintien et l'amélioration de leur offre sur les segments de voies les plus profitables, convoités par les nouveaux entrants poursuivant une logique d'écrémage.

En l'absence de péréquation, le service public va ainsi se dégrader, s'exerçant sur un maillage toujours plus restreint du territoire. En France, la SNCF argue déjà de l'ouverture prochaine à la concurrence du transport de voyageurs pour se désengager des liaisons interrégionales (Nantes-Lyon, Nantes-Bordeaux, Bordeaux-Lyon, Lille-Strasbourg) ; la branche « Voyage France Europe » n'a ainsi plus vocation à combler le déficit de l'activité « Corail ».

S'agissant du fret, le plan engagé par la SNCF a d'ores et déjà conduit à la suppression d'un certain nombre de services, au motif qu'il convient de densifier les flux afin de rendre l'activité rentable. Cette stratégie contradictoire en vertu de laquelle le sauvetage du fret passe par une diminution de l'activité a été encouragée par la Commission européenne qui a subordonné l'approbation du volet financier de ce plan à un engagement de la SNCF à réduire, dans les trois ans, le volume transporté de 10 %, le parc de locomotives de 22 %, et les sillons utilisés de 18 % !

Dans le secteur des télécommunications aussi, les consommateurs les moins bien lotis subissent également l'inconvénient de la disparition, du fait de la libéralisation, des mécanismes de financement par péréquation qui auraient permis, à l'époque où France Télécom était encore un exploitant public, dans le cadre d'une véritable politique d'aménagement du territoire, de financer les investissements nécessaires à la couverture des « zones blanches » de téléphonie mobile, ainsi qu'à la généralisation de l'accès à l'Internet à haut débit.

Face aux restrictions en termes de revenu qu'impose aux opérateurs historiques la disparition de leurs « droits exclusifs », on assiste inéluctablement à une montée en puissance des collectivités locales dans le soutien financier aux mécanismes de solidarité.

Dans le secteur postal, cela prend déjà la forme de moyens mis à la disposition des « agences postales communales » s'appuyant sur l'article 30 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, indiquant : « Une convention ... peut être conclue par une personne morale chargée d'une mission de service public avec l'Etat, une collectivité territoriale ou une autre personne morale chargée d'une mission de service public afin de maintenir la présence d'un service public de proximité. »

Dans le secteur ferroviaire, l'article 21-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs prévoit que : « la région, en tant qu'autorité organisatrice des transports collectifs d'intérêt régional, est chargée, à compter du 1er janvier 2002, de l'organisation des services ferroviaires régionaux de voyageurs, qui sont les services ferroviaires de voyageurs effectués sur le réseau ferré national, à l'exception des services d'intérêt national et des services internationaux ».

Dans le secteur des télécommunications, l'article 52 de la loi n  2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique organise la participation des collectivités locales au dispositif de couverture des « zones blanches » de téléphonie mobile, participation qui prend par ailleurs la forme d'une contribution financière à hauteur de l'engagement de l'Etat, soit 44 millions d'euros. L'article 50 de la même loi a ajouté un article L. 1425-1 au code général des collectivités locales, organisant la possibilité pour celles-ci d'établir et exploiter des réseaux de télécommunications, en vue particulièrement de raccorder leur territoire à l'Internet à haut débit.

Dans tous les cas, ce sont les collectivités locales qui subissent les handicaps les plus importants en termes de développement économique qui sont appelées à fournir l'effort le plus important pour compenser le retrait des services publics.

4. L'apparition de risques nouveaux

A côté des inconvénients qu'elle fait supporter aux consommateurs destinataires des mécanismes de solidarité, et de la surcharge qu'elle crée ainsi pour les collectivités locales, la libéralisation des activités de réseau génère aussi des risques nouveaux pour les personnes, car la mise en place de procédures sécurisées s'accompagne d'un surcoût que les opérateurs ne sont guère incités à assumer dans un contexte concurrentiel.

Dans le secteur de l'énergie, la course à la rentabilité ne peut se traduire à terme que par des économies sur les moyens de maintenance, et les conséquences pouvant en résulter sont potentiellement dramatiques lorsque le bon fonctionnement d'une centrale nucléaire, ou le bon état d'une canalisation d'acheminement du gaz, sont en jeu.

Dans le transport ferroviaire, la libéralisation crée également des situations à risque de plusieurs manières :

- ainsi, le deuxième paquet ferroviaire aborde la question de la sécurité, en indiquant qu'elle ne peut être améliorée que lorsque cela est « raisonnablement réalisable » ! Les efforts des Etats membres en ce domaine font l'objet d'une suspicion de création de restriction à l'accès au réseau, obligeant à ce que chaque mesure nouvelle soit notifiée à la Commission ;

- le principe de séparation entre les gestionnaires d'infrastructure et les exploitants conduit à des renvois réciproques de responsabilité en cas d'incidents, voire d'accidents, comme cela s'est déjà produit en Grande-Bretagne, alors que l'identification claire des responsabilités est une condition essentielle de l'incitation à créer un cadre bien sécurisé ;

- bien que le « premier paquet ferroviaire » ait prévu, avec l'institution du « réseau transeuropéen de fret ferroviaire », une mobilité implicite des agents entre plusieurs Etats, aucune harmonisation des conditions de travail, avec les conséquences que cela implique au niveau de la sécurité, n'est actuellement à l'étude ;

- la recherche d'économies conduit à limiter l'effort de formation des agents, les compagnies de chemin de fer britanniques allant jusqu'à embaucher des cheminots français à leur départ en retraite pour acquérir des compétences à moindre frais. Or la faiblesse de la qualification joue évidemment à l'encontre de la sécurité.

On peut constater en outre que la libéralisation du transport de fret, et la limitation de l'utilisation du rail qui en résulte, a pour effet d'aggraver les atteintes à l'environnement, en détournant une partie des trafics vers la route.

LES SERVICES PUBLICS FACE AU DROIT EUROPÉEN

Au niveau du droit européen, la notion française de « service public » est appréciée exclusivement à l'aulne des règles de la concurrence, et des deux concepts mentionnés au deuxième alinéa de l'article 86 du traité instituant la Communauté européenne : « les entreprises chargées de la gestion de service d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal ».

Ainsi, comme l'a indiqué le Conseil d'Etat dans son « Rapport public » sur le service public de 1994 : « L'Europe n'instruit pas le procès du ou des services publics ; elle fait pire ; elle ignore largement la notion de service public et l'existence de service public, ayant tendance à n'identifier aucune zone intermédiaire entre les services régaliens ou sociaux qui sont certes placés sous un régime social, mais non pas en tant que service public, à raison pour l'essentiel de leur participation aux prérogatives de puissance publique, et les entreprises ordinaires ». (p. 38).

De fait, une divergence radicale existe entre le droit français et le droit européen sur la manière de traiter l'exception aux principes du droit privé que représente l'exercice d'une activité économique respectant les principes d'égalité, de neutralité et d'adaptabilité. Alors qu'en France, cette exception a donné naissance à une branche entière de l'organisation de la justice, « l'ordre juridique administratif », la Communauté européenne n'a fait qu'à la marge des concessions à son approche obstinément concurrentielle, ces concessions prenant les deux formes du « service universel » et des « obligations de service public ».

A.- UN CONCEPT FONDATEUR DU DROIT ADMINISTRATIF FRANÇAIS

Le concept de « service public » relève depuis l'arrêt du tribunal des conflits « Blanco », du 8 février 1873, d'une construction jurisprudentielle du Conseil d'Etat, dont certains éléments ont été portés au niveau des « principes généraux du droit » de valeur constitutionnelle par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

D'emblée, cette construction jurisprudentielle s'est conçue comme dérogatoire au droit commun : « Considérant que la responsabilité, qui peut incomber à l'Etat pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu'il emploie dans le service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le code civil, pour les rapports de particulier à particulier ; que cette responsabilité n'est ni générale, ni absolue ; qu'elle a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l'Etat avec les droits privés ...  ».

Elle a donné naissance à un nouveau droit, le droit administratif que le doyen Hauriou définissait en 1897 comme « l'ensemble des règles qui président à l'organisation et au fonctionnement des services publics ».

Il s'agit d'un droit concret, pratique, réglant des différents soulevés par des citoyens confrontés à des difficultés dans leur vie quotidienne.

Le droit administratif, en s'enrichissant au fur et à mesure des progrès de la jurisprudence, a permis de définir plus précisément les deux éléments conditionnant sa mise en œuvre, à savoir d'une part, l'implication effective d'un « service public », et d'autre part, l'atteinte à l'un des principes qui doivent régir une activité reconnue comme telle.

1. Le périmètre des « services publics »

L'instauration par une autorité publique d'un contexte de « service public » suffit pour entraîner la compétence du juge administratif en cas de litige, car, depuis l'arrêt du Conseil d'Etat « Thérond », du 4 mars 1910, il est établi que la création d'un « service public » n'a même pas besoin d'être explicite : il suffit que l'autorité publique, législateur ou commune, ait marqué son intention d'en instituer un, en créant notamment des obligations ou des prérogatives dérogatoires au droit privé :

« Considérant qu'en traitant dans les conditions ci-dessus rappelées avec le sieur Théron, la ville de Montpellier a agi en vue de l'hygiène et de la sécurité de la population et a eu, dès lors, pour but d'assurer un service public ... ».

A fortiori, le simple fait de viser dans la loi une activité comme relevant d'un « service public » la fait entrer dans le champ du droit administratif, et donc la soumet aux principes jurisprudentiels afférents au « service public ».

S'agissant par exemple du transport et de la distribution du gaz naturel, la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie, puis la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, ont clairement établi qu'ils relèvent d'un régime de « service public ».

2. Les principes du « service public »

Une fois qu'il a défini une situation comme mettant en jeu un « service public », le juge administratif veille automatiquement à ce que tous les principes juridiques du « service public » soient respectés.

Il n'est donc nullement nécessaire, en droit français, de repréciser ces principes dans la loi. De surcroît, si la loi venait à enfreindre certains de ces principes, il est fort probable qu'elle encourrait la sanction du Conseil constitutionnel en cas de saisine.

Ces principes sont :

- la continuité du service public ;

- la mutabilité (ou adaptabilité) du service public, qui se traduit par la possibilité pour l'administration de modifier unilatéralement les règles d'organisation du service public pour en améliorer le fonctionnement ;

- l'égalité devant le service public, qui s'oppose à toute discrimination entre usagers placés dans des situations identiques.

Certains de ces principes ont valeur constitutionnelle.

Ainsi, le principe de continuité a été reconnu de valeur constitutionnelle par la décision du Conseil constitutionnel n° 79-105 du 25 juillet 1979 sur le droit de grève à la radio et à la télévision.

Le principe d'égalité devant le service public, qui n'est qu'une des modalités de l'égalité entre les citoyens, est inscrit dans la déclaration de 1789, et dans l'article 1er de la constitution de 1958.

La décision du Conseil constitutionnel n° 78-874 du 12 juillet 1979 Avice contre de la Malène a donné une valeur constitutionnelle à l'interprétation de ce principe selon laquelle une différentiation peut être effectuée entre des personnes se trouvant dans des situations différentes au regard du service public.

B.- L'APPROCHE JURIDIQUE EUROPÉENNE

Alors que le droit administratif français envisage le service public sous l'angle pragmatique de la prestation qu'il doit fournir aux usagers, le droit communautaire l'appréhende sous l'angle de ses relations avec les entreprises, en le considérant comme une forme particulière d'entreprise bénéficiant d'avantages spécifiques reconnus par l'Etat, et susceptibles en conséquence de générer des distorsions de concurrence à l'échelle du marché intérieur. En France, l'exception du service public a justifié l'apparition d'un nouvel ordre de juridiction ; au niveau communautaire, l'exception du service public continue à être perçue comme une hétérogénéité au regard des règles de la concurrence.

1. Une difficulté d'appréhension

Le « livre vert » de la Commission du 21 mai 2003 sur les services d'intérêt général illustre à la fois la volonté et la difficulté qu'a la Commission à faire rentrer la notion de « service public » dans une nomenclature de type purement économique : « l'expression "service public" ... peut avoir différentes significations et être ainsi source de confusion. Elle peut se rapporter au fait qu'un service est offert au grand public ou qu'un rôle particulier lui a été attribué dans l'intérêt public, ou encore se référer au régime de propriété ou au statut de l'organisme qui fournit le service en question ».

Le même « livre vert » met au contraire en avant la notion de « services d'intérêt économique général » :

« L'expression "services d'intérêt économique général" est utilisée aux articles 16 et 86, paragraphe 2, du traité. Elle n'est pas définie dans le traité ou dans le droit dérivé. Cependant, dans la pratique communautaire, on s'accorde généralement à considérer qu'elle se réfère aux services de nature économique que les Etats membres ou la Communauté soumettent à des obligations spécifiques de service public en vertu d'un critère d'intérêt général. La notion de services d'intérêt économique général couvre donc plus particulièrement certains services fournis par les grandes industries de réseau comme le transport, les services postaux, l'énergie et les communications. Toutefois, l'expression s'étend également aux autres activités économiques soumises elles aussi à des obligations de service public. »

Cette définition utilise la notion d' « obligations de service public » qui est elle-même ainsi définie :

« L'expression "obligations de service public" est utilisée dans le présent document. Elle désigne les obligations spécifiques imposées par les autorités publiques à un fournisseur de service afin de garantir la réalisation de certains objectifs d'intérêt public, par exemple dans le secteur du transport aérien, ferroviaire ou routier et dans le domaine de l'énergie. Ces obligations peuvent être imposées au niveau communautaire, national ou régional. »

En fait, le « service public » est perçu en droit européen comme une activité économique d'intérêt général ayant un lien particulier avec les autorités publiques, soit sous l'angle du régime de propriété, comme dans le cas des entreprises publiques, soit sous l'angle du contrôle exercé sur la gestion, même si celle-ci est déléguée à un opérateur (public ou privé) extérieur à l'administration. Cette approche est retenue plus particulièrement pour les activités dites de réseau, en particulier distribution d'électricité, de gaz et d'eau, transports publics, postes, télécommunications.

2. Un régime de surveillance

En principe, le traité ne prévoit pas de réserver un traitement spécial aux entreprises publiques, et plus largement aux services publics. Il est neutre à l'égard de la nature, publique ou privée, des entreprises, à l'égard des nationalisations comme des privatisations: c'est la conséquence de l'article 295.

Les entreprises publiques sont soumises aux mêmes règles que les autres, en particulier celles de non-discrimination nationale et de concurrence, et les Etats ont l'obligation expresse de s'abstenir de toute mesure qui tendrait à les en affranchir (article 86, §1).

Comme le « Livre vert » l'indique : « le fait que les fournisseurs de services d'intérêt général soient publics ou privés n'a pas d'importance dans le droit communautaire; ils jouissent de droits identiques et sont soumis aux mêmes obligations. »

L'article 86 du traité instituant la communauté européenne confirme que « Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. »

Mais il est à noter que pour assurer le respect des prescriptions de l'article 86, le traité confie à la Commission, au paragraphe 3 de cet article, une responsabilité spéciale, et lui confère le pouvoir de prendre des décisions et des directives. Comme la Cour de justice l'a confirmé, ces directives peuvent être de nature réglementaire.

Les liens qui existent entre les autorités publiques et les services publics sont tels que le respect des règles du traité par ceux-ci, et particulièrement par les entreprises publiques, fait l'objet d'une attention particulière. La Commission s'est préoccupée avant tout des aides publiques que pouvaient recevoir ces entreprises.

Cette préoccupation s'est tout d'abord traduite dans la directive 80/723 du 25 juin 1980 sur la transparence des relations financières entre les Etats membres et les entreprises publiques. Usant des pouvoirs particuliers qu'elle tient du paragraphe 3 de l'article 86, la Commission obligeait les Etats membres à communiquer des informations sur les apports financiers consentis aux entreprises publiques, informations qui peuvent faciliter les actions de contestation de ces apports sur la base des règles applicables aux aides d'Etat. La directive a été modifiée en juillet 2000 par la directive 2000/52, qui précise la nature des relations financières et autres que les Etats membres doivent communiquer en ce qui concerne les entreprises publiques.

La Commission a modifié la directive de 1980 en 1993 et en l'an 2000 de manière à inclure explicitement l'obligation pour les Etats membres de lui présenter les rapports annuels de toutes les entreprises publiques du secteur manufacturier ayant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros.

C.- UNE PRISE EN COMPTE EMBRYONNAIRE

A l'occasion des négociations au long cours qui ont conduit à l'adoption du traité d'Amsterdam en 1997, les Gouvernements français, toutes tendances successives confondues, ont milité activement au sein des instances européennes pour une reconnaissance à part entière de la situation particulière des services publics. Ainsi M. Alain Juppé, alors Premier ministre, expliquait à l'Assemblée nationale, le 5 décembre 1995 :

« J'ai été le premier à déclarer ici même que le gouvernement défendrait les "services publics à la française" à Paris comme à Bruxelles. La pugnacité des ministres qui expriment nos positions dans les instances communautaires ne saurait être mise en doute. Elle ne l'est en tout cas pas par nos partenaires européens ! S'il le faut, nous inscrirons la notion de "service public" dans nos textes fondamentaux, qu'ils soient nationaux ou européens. »

En pratique, cependant, cette reconnaissance en est restée essentiellement à un niveau symbolique, et la place faite aux aspects caractéristiques des services publics est demeurée marginale dans le cadre du processus de libéralisation européen.

1. Une reconnaissance purement symbolique

Durant les deux premières décennies de la construction européenne, les institutions communautaires n'ont montré aucune intention d'intervenir dans le champ des activités de service public, dans le double souci de ne pas enfreindre l'obligation de neutralité à l'égard de la propriété des entreprises imposée par le traité (article 295), et de ne pas contrarier les Etats membres qui pouvaient considérer les services publics comme relevant de leur compétence exclusive.

Les velléités de réinscription forcée des services publics dans le cadre juridique communautaire n'ont commencé, on l'a vu, qu'avec le lancement du projet de marché « unique », suite à l'adoption de l'Acte unique en 1986. La réalisation complète de la liberté de circulation des biens et des services a conduit à remettre en cause ce que la Commission jugeait comme des « droits spéciaux ou exclusifs » accordés par les Etats membres à leurs entreprises de service public, alors qu'elle avançait par ailleurs l'idée qu'il serait souhaitable de créer des conditions concurrentielles pour la fourniture des biens et des services fournis par les réseaux.

Au début des années 90, l'action de remise en cause par la Commission est devenue systématique et générale, celle-ci faisant usage :

- soit de son pouvoir de contrôle (article 226) : « Si la Commission estime qu'un Etat membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du présent traité, elle émet un avis motivé à ce sujet, après avoir mis cet Etat en mesure de présenter ses observations. Si l'Etat en cause ne se conforme pas à cet avis dans le délai déterminé par la Commission, celle-ci peut saisir la Cour de justice. » ;

- soit de son pouvoir d'initiative en matière de libéralisation (article 86, alinéa 3) : « La Commission veille à l'application des dispositions du présent article et adresse, en tant que de besoin, les directives ou décisions appropriées aux Etats membres. ».

Une réaction s'est exprimée de la part de certains Etats membres, illustrée par deux recours formés devant la Cour de justice des Communautés européennes respectivement par la France et l'Espagne à l'encontre de ce pouvoir d'initiative :

- l'arrêt du 19 mars 1991, « République française c/Commission des Communautés européennes », par lequel la Cour a jugé que le troisième alinéa de l'article 86 (numéroté « 90 » à l'époque) conférait effectivement à la Commission "le pouvoir d'édicter des règles générales précisant les obligations résultant du traité, qui s'imposent aux Etats membres en ce qui concerne les entreprises visées aux deux paragraphes précédents du même article (art. 90)" ;

- l'arrêt du 17 novembre 1992, « Espagne c/Commission des Communautés européennes » qui a confirmé le premier jugement, et précisé que "le pouvoir de la Commission ne se limite donc pas à la simple surveillance de l'application des règles communautaires existantes".

A l'occasion des discussions préparatoires à l'adoption du traité d'Amsterdam, la Commission a dû prendre en compte les réticences des Etats souhaitant préserver leur conception des services publics, et a ainsi été amenée à prendre une position d'ensemble sur les services publics par sa communication du 11 septembre 1996 sur "les services d'intérêt général en Europe", dans laquelle elle reconnaissait la notion de service public aussi bien dans sa justification que dans ses principes, et proposait de consacrer la notion dans le traité, de créer des instruments d'évaluation, de coordonner les instances nationales de régulation et de développer les réseaux transeuropéens. Une autre communication du 20 septembre 2000 sur les services d'intérêt général confirmait cette conception, en particulier en arrêtant l'approche de la Commission sur la position des services publics dans le cadre du marché unique.

Le traité d'Amsterdam a fait effectivement une place à la notion de service public dans les principes communautaires, en insérant à cet effet un nouvel article dans le traité de la Communauté européenne, l'article 16, ainsi rédigé:

« Sans préjudice des articles 73, 86 et 87, et eu égard à la place qu'occupent les services d'intérêt économique général parmi les valeurs communes de l'Union ainsi qu'au rôle qu'ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union, la Communauté et ses Etats membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d'application du présent traité, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions qui leur permettent d'accomplir leurs missions ».

Le traité établissant une constitution pour l'Europe confirme cette reconnaissance symbolique au niveau des principes :

- d'une part, en réaffirmant cette reconnaissance au niveau de l'article II-96 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union : « L'Union reconnaît et respecte l'accès aux services d'intérêt économique général tel qu'il est prévu par les législations et pratiques nationales, conformément à la Constitution, afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l'Union. » ;

- d'autre part, en reprenant le contenu de l'article 16 dans son article III-122, complété néanmoins d'une phrase ouvrant la voie à une « loi européenne » sur les services d'intérêt économique général : « La loi européenne établit ces principes et fixe ces conditions, sans préjudice de la compétence qu'ont les Etats membres, dans le respect de la Constitution, de fournir, de faire exécuter et de financer ces services. ».

Cette « loi européenne » devrait enfin permettre de concrétiser l'idée d'une « charte des services publics », demandée notamment par la France dans son mémorandum de 1993. Cette « charte » devait exposer les droits fondamentaux et les principes gouvernant la prestation des services aux usagers. Parmi ces principes, devaient figurer : la continuité du service, la qualité, la sécurité d'approvisionnement, l'égalité d'accès, un prix abordable, l'acceptabilité sociale, culturelle et environnementale.

2. Une protection juridique effective à la marge

Toutes ces avancées au niveau des principes se font « conformément à la Constitution », et « sans préjudice des articles ... III-165 et III-166 ... », c'est-à-dire sans préjudice des pouvoirs de contrôle et d'initiative de la Commission. C'est dire que les concessions apparemment faites à une meilleure prise en compte juridique de la particularité des services publics ne sont que déclaratoires, et que rien n'est changé quand au droit européen concrètement applicable.

A cet égard, les quelques réels progrès qui ont pu être effectivement enregistrés l'ont été grâce à l'intervention de la Cour de justice des communautés européennes.

Dans ses arrêts « Corbeau » du 19 mai 1993 (Cf supra), et « Commune d'Almelo » du 27 avril 1994, celle-ci s'est en effet appuyée sur la dérogation prévue par l'alinéa 2 de l'article 86 pour protéger les activités de service public d'une application aveugle des règles de la concurrence. Ce deuxième arrêt indique explicitement : « L'article 90 [ancienne numérotation de l'article 86], paragraphe 2, du traité CEE doit être interprété en ce sens que l'application, par une entreprise régionale de distribution d'énergie électrique, d'une telle clause d'achat exclusif échappe aux interdictions des articles 85 et 86 [81 et 82] du traité CEE, dans la mesure où cette restriction à la concurrence est nécessaire pour permettre à cette entreprise d'assurer sa mission d'intérêt général. »

Plus récemment, dans l'arrêt « Ferring » du 22 novembre 2001, la Cour a jugé que les compensations octroyées à des entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ne sont des aides d'Etat au sens de l'article 87, alinéa 1, du traité, « que dans la mesure où l'avantage qu'ils tirent [de ces compensations] excède les surcoûts qu'ils supportent pour l'accomplissement des obligations de service public qui leur sont imposées par la réglementation nationale ». En outre, « L'article 90, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 86, paragraphe 2, CE) doit être interprété en ce sens qu'il ne couvre pas un avantage fiscal dont bénéficient des entreprises chargées de la gestion d'un service public telles que celles en cause au principal, dans la mesure où cet avantage excède les surcoûts du service public. »

Ces arrêts ont ouvert la voie à deux formes concrètes, mais imparfaites, de prise en compte du service public dans le cadre juridique communautaire, à savoir d'un côté les « obligations de service public », de l'autre le « service universel ».

·  Les « obligations de service public » sont imposées uniformément à l'ensemble des entreprises d'un secteur en dérogation à la libre circulation des biens et des services. Leur justification tient en ce que, si tous les concurrents subissent un même handicap sur le marché intérieur, alors ce handicap ne peut plus être considéré comme créant une distorsion de concurrence. Elles peuvent être imposées à titre gratuit, ou faire l'objet d'une compensation, dans le cadre du régime jurisprudentiel de la Cour de justice.

Ainsi la directive 2003/55/CE du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel prévoit en son article 3 : « les Etats membres peuvent imposer aux entreprises opérant dans le secteur du gaz, dans l'intérêt économique général, des obligations de service public qui peuvent porter sur la sécurité, y compris la sécurité d'approvisionnement, la régularité, la qualité et le prix de la fourniture, ainsi que la protection de l'environnement, y compris l'efficacité énergétique et la protection du climat. Ces obligations sont clairement définies, transparentes, non discriminatoires. »

Toutes les obligations de service public doivent avoir un fondement juridique dans le droit européen, et l'on peut citer à cet égard certains aspects particuliers de l'intérêt général, comme la sécurité et la santé publiques, visés aux articles 30 et 46 du traité, et diverses considérations d'intérêt général aux articles 81, §3 et 87 justifiant l'exemption des règles de concurrence, auxquels l'Acte unique et le traité de Maastricht ont ajouté la cohésion économique et sociale, la protection des consommateurs, et les réseaux transeuropéens.

En particulier, l'article 30 du traité indique : « Les dispositions des articles 28 et 29 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation, d'exportation ou de transit, justifiées par des raisons de moralité publique, d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle et commerciale. »

On ajoutera que les dispositions applicables au secteur des transports, à l'article 73, admettent les aides publiques visant à compenser des "servitudes inhérentes à la notion de service public", seul cas où cette expression soit employée en toutes lettres dans le traité.

·  Par ailleurs, dans le secteur des postes et des télécommunications, la législation communautaire a par ailleurs approché partiellement le dispositif du service public sous la forme d'un « service universel » au contenu limité.

Le « service universel » est présenté comme répondant au souci d'assurer partout un service de qualité à un prix abordable pour tous. Il repose, apparemment comme le service public, sur un certain nombre de principes : universalité, continuité, adaptation.

Le financement, et donc l'existence du « service universel », bénéficie du couvert de la jurisprudence de la Cour de justice, et notamment, le mécanisme des « services réservés » prévu à l'article 7 de la directive postale de 1997 pour compenser les charges du service universel postal formalise l'acquis de la jurisprudence « Corbeau ».

Cependant, ni les « obligations de service public », ni le « service universel » ne permettent au droit européen de garantir le niveau de qualité des prestations que permet d'atteindre la conception française du « service public ».

Les « obligations de service universel » sont en effet laissées à la charge de chaque entreprise. Or le jeu de la concurrence pousse chacune d'elle à essayer de s'en exempter, ou du moins de s'en acquitter au moindre coût, afin de dégager un avantage compétitif par rapport à ses concurrentes. Les directives imposent aux Etats membres de mettre en place un dispositif de contrôle. Mais ce contrôle a lui-même un coût, et il peut être effectué d'une manière plus ou moins rigoureuse suivant les ressources qui sont mobilisées pour le mettre en œuvre, les impératifs de finances publiques pouvant être mis en balance avec la probabilité d'accidents suite au relâchement du contrôle.

Au total, un régime d'« obligations de service public » imposé à des entreprises en concurrence risque d'être bien moins efficace, notamment au regard des questions de santé et de sécurité publiques, qu'une gestion en monopole public intégrant le respect de ces mêmes « obligations » dans une « culture de service public » partagée par l'ensemble des agents du service public concerné.

Quant au « service universel », il s'agit plutôt d'un « service minimum » (ou de base) dans un environnement concurrentiel que d'un véritable service public entendu dans sa conception extensive.

En outre, les principes qui régissent le « service universel » ne recouvrent pas, loin s'en faut, ceux du « service public ». Ainsi le principe d'« universalité », qui traduit la possibilité d'un accès pour tous, est de portée plus restreinte que le principe d'« égalité », qui tient compte de la condition de chacun, et n'exclut pas certaines discriminations positives. Par ailleurs, alors que le principe de « mutabilité » dépend de la réactivité du monopole public en charge de la gestion du service public, et l'on a évoqué précédemment la capacité des services publics français à se tenir au premier rang de l'innovation technologique mondiale, le principe d'« adaptation » du service universel est subordonné à une lourde procédure de réexamen des directives, dont le meilleur exemple est fourni par l'article 15 de la directive 2002/22/CE du 7 mars 2002 concernant le service universel des télécommunications, qui prévoit : « Ce réexamen est conduit à la lumière des évolutions sociale, économique et technologique, compte tenu, notamment, de la mobilité et des débits de données à la lumière des technologies les plus couramment utilisées par la majorité des abonnés. ... La Commission présente un rapport au Parlement européen et au Conseil concernant le résultat de ce réexamen. »

La procédure d'« adaptation » du « service universel » des télécommunications explique ainsi qu'il n'intègre pas dans son champ la téléphonie mobile et l'accès à l'Internet à haut débit, alors qu'il s'agit là de produits en voie de banalisation, dont le manque se fait d'autant plus sentir pour les personnes les moins favorisées qu'une partie très importante de l'environnement de la vie quotidienne s'appuie désormais sur ces technologies.

Le Rapport public du Conseil d'Etat de 1994 avait déjà observé (p.115) : « Ne risque-t-on pas également d'être sans cesse en retard sur l'évolution technologique et sociale en ne reconnaissant que tardivement, ou pas du tout, comme susceptibles de relever du service universel ainsi compris de nouvelles catégories de services rendus disponibles par le progrès des technologies, mais qui mettront du temps à apparaître comme des éléments essentiels de la présence au monde, et de l'établissement de relations sociales normales, en l'état du développement économique et social, et cela au prix d'une dualisation ou d'une segmentation accrue de la société ? »

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné, le mercredi 9 mars 2005, sur le rapport de M. Daniel Paul, la proposition de résolution de M. Daniel Paul et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'ouverture à la concurrence des services publics dans les secteurs de l'énergie, des postes et télécommunications et des transports ferroviaires (n° 2121).

A titre préliminaire, M. Daniel Paul a rappelé que le groupe des député-e-s communistes et républicains a régulièrement demandé que soit réalisé un bilan précis et exhaustif des conséquences, dans les domaines industriel, social, scientifique, financier et territorial, de l'ouverture à la concurrence des entreprises de réseau exerçant leur activité dans les secteurs énergétiques, postaux et ferroviaires, depuis que la libéralisation de ces secteurs s'est accélérée au niveau national et communautaire.

Il a en effet rappelé que ces secteurs ont une influence spécifique dans la vie quotidienne des Français, qui sont attachés à leur prise en charge par des entreprises publiques, comme par exemple la SNCF dont chacun doit reconnaître l'excellence au plan mondial, et dont le TGV incarne l'exemplaire réussite, malgré les difficultés que peut connaître par ailleurs cette entreprise.

De même, il a estimé qu'Electricité de France était l'une des meilleures entreprises électrique du monde, dont la réussite est attestée par le formidable développement de la filière nucléaire. Cette réussite est également vérifiée, a-t-il indiqué, dans le secteur des postes et télécommunications.

Il a jugé que tous les Français étaient attachés à cette spécificité française, ce que démontraient les différentes interventions, issues de toutes les sensibilités politiques, tendant au maintien de la présence de ces entreprises publiques de réseau au niveau des différentes collectivités territoriales, que ce soit sous la forme d'un bureau de poste ou d'une gare. Plus récemment, la manifestation de Guéret en faveur de la présence des services au public en milieu rural constituait selon lui une expression claire de cet attachement, mais aussi de l'inquiétude grandissante de nos concitoyens sur l'avenir de ces entreprises publiques de réseau, en milieu rural comme en milieu urbain connaissant des difficultés sociales.

Rappelant que le Conseil d'Etat avait défini la notion de service public autour des trois principes de continuité, d'égalité et d'adaptabilité, il a estimé que, sous l'impulsion de l'Union européenne, la prise en charge de ces missions de service public par des entreprises publiques avait été progressivement remise en cause par l'introduction systématique de la concurrence via diverses directives ; la reconnaissance formelle des services d'intérêt économique général par l'article 16 du traité instituant la Communauté européenne ne serait, a-t-il estimé, qu'une prise en compte très partielle de la spécificité française.

A l'heure où émerge un débat sur les conditions, en Corse, de la prestation du service public de l'électricité par l'opérateur historique, dont la situation a été précarisée récemment par la modification de son statut, il est apparu nécessaire au rapporteur d'engager une réflexion de fonds avant de poursuivre toute ouverture à la concurrence des secteurs ferroviaire, postal et énergétique.

Il a par ailleurs estimé que le principe d'égalité devant les services publics était désormais remis en cause, notamment par l'augmentation des tarifs pratiqués par Electricité de France, augmentation destinée à rétablir les fonds propres de l'entreprise, alors que l'instauration de la concurrence aurait dû en théorie permettre d'abaisser les tarifs au public. Il a jugé que, corrélativement, la qualité des réseaux était en train de se dégrader, certaines entreprises publiques décidant progressivement de ne plus assumer la gestion des sections les moins rentables, à l'instar de la SNCF qui ferme certaines lignes de fret ferroviaire parce que toute péréquation avec le transport de passagers lui est désormais interdite.

Il a donc estimé qu'il y avait une réflexion à mener quant à la poursuite de l'ouverture à la concurrence des secteurs publics, rendant nécessaire une réponse préalable claire à la question de savoir si cette libéralisation était profitable à tous les territoires, usagers et salariés.

Il a, pour sa part, estimé que les populations locales et leurs élus étaient aujourd'hui inquiets face à l'évolution à la hausse des tarifs pour des prestations progressivement revues à la baisse, et que les personnels des entreprises concernées avaient l'impression de ne plus pouvoir assurer la fourniture de leurs services dans des conditions satisfaisantes. A cet égard, il a estimé regrettable que la dernière rétribution des actionnaires de France Télécom corresponde au montant de l'économie de la masse salariale obtenue par la réduction de l'emploi.

Il a donc estimé que ces inquiétudes justifiaient la création d'une commission d'enquête, qui a toujours été désirée par le groupe des député-e-s communistes et républicains, mais aussi par des élus d'autres sensibilités, à en juger par les freins qu'ils mettent à la disparition des services publics au niveau local. Il a ajouté que cette commission d'enquête permettrait de faire le point sur les évolutions de l'entreprise France Télécom, sur les implications du changement récent de statut d'EDF, au moment où la Poste et le secteur ferroviaire, notamment celui du fret, sont également contraints de faire évoluer leur activité sur le chemin de la libéralisation. Cette commission d'enquête permettrait également, selon lui, de tirer un bilan national et communautaire de l'évolution de ces secteurs, dans l'intérêt de nos territoires, des usagers et des salariés.

S'exprimant au nom du groupe socialiste, M. Pierre Ducout a d'abord constaté que, depuis soixante ans, la mise en place de services publics à l'échelle nationale avait permis de mettre en place de grands services publics de réseau, par exemple dans le domaine de l'énergie, dans le respect de la qualité du service fourni ainsi que des grands principes du service public : continuité, égalité, adaptabilité.

Il a ensuite rappelé que l'ouverture de ces services à la concurrence, décidée au niveau communautaire, avait été justifiée par l'idée que les prix de ces services baisseraient. Il a constaté qu'au contraire, les prix avaient tendance à augmenter, que les préoccupations d'aménagement du territoire étaient moins prégnantes, que l'investissement en recherche et en nouvelles technologies baissait et que l'investissement dans les réseaux était devenu insuffisant, comme la récente pénurie d'électricité en Corse pouvait en témoigner. Il a donc estimé que l'ouverture à la concurrence avait été la cause d'une détérioration de la qualité du service, d'une hausse des prix et d'un risque non négligeable de constitution, à terme, de monopoles privés.

Il a rappelé que la précédente majorité avait veillé à ce que, dans le cadre de l'ouverture à la concurrence des grands monopoles publics, les missions de service public des opérateurs soient garanties. Il a cité en exemple la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation du service public de l'électricité.

Il a ensuite reconnu qu'il n'était pas encore envisageable aujourd'hui de définir des services publics européens, soulignant que l'organisation de ces services diffère selon les Etats et que certains d'entre eux les organisent d'une façon qu'il a jugée ultralibérale. Regrettant qu'il ne soit donc pas possible d'adopter une directive-cadre sur les services d'intérêt économique général au niveau européen, il a estimé qu'il appartenait à l'Etat de veiller à la garantie du service public au niveau national.

Il a rappelé qu'un bilan général devrait être dressé avant la deuxième phase de l'ouverture du marché électrique et gazier à la concurrence, le 1er juillet 2007. Il a donc souhaité que soit dressé un premier bilan, à l'échelle nationale, dont il a estimé qu'il pourrait nourrir utilement le débat européen. Il a rappelé en outre que le groupe socialiste avait souhaité qu'un moratoire soit établi avant l'ouverture à la concurrence de la fourniture d'énergie aux collectivités et aux petites et moyennes entreprises ; il a indiqué que tel était toujours le souhait de son groupe.

Il a ensuite constaté que les forces socialistes à l'échelle européenne avaient réussi à faire adopter certaines dispositions favorables aux services publics dans le traité constitutionnel européen, mais il a estimé que l'ultralibéralisme qui anime la Commission européenne ne donnait pas aux défenseurs des services publics des perspectives très encourageantes.

Pour toutes ces raisons, il a jugé opportune la création d'une commission d'enquête sur les services publics.

Intervenant au nom du groupe UMP, M. Alfred Trassy-Paillogues a d'abord rappelé l'attachement de son groupe aux principes de continuité, d'égalité et d'adaptabilité du service public, ainsi qu'à la prise en compte d'impératifs d'aménagement du territoire et à la qualité du service rendu au public.

S'agissant de la création d'une commission d'enquête sur les services publics, il a estimé que celle-ci n'était pas nécessaire, dans la mesure où divers dispositifs législatifs garantissent déjà l'information du Parlement sur l'activité des services publics.

S'agissant des télécommunications, il a ainsi relevé que l'article L. 35-7 du code des postes et des communications électroniques disposait que le Gouvernement devait remettre au Parlement, tous les trois ans, un rapport analysant, pour chaque catégorie d'usagers, le coût de l'ensemble des services de communications électroniques, y compris la téléphonie mobile et l'accès à Internet.

Il a noté en outre que l'ouverture des marchés des télécommunications à la concurrence avait permis une évolution considérable du service rendu au public au cours de dix dernières années, notant en revanche que le monopole du téléphone fixe avait mis près de soixante ans pour couvrir l'ensemble du territoire.

S'agissant du secteur postal, il a rappelé que l'article 7 du projet de loi relatif à la régulation des activités postales confiait au Gouvernement le soin de faire un rapport au Parlement analysant le besoin d'un fonds de compensation du service universel postal, notamment au regard de la capacité du prestataire du service universel à assurer ce service, alors que la surface de son « secteur réservé » se restreint.

S'agissant de l'électricité, il a rappelé que la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation du service public de l'électricité prévoyait en son article 5 que la Commission de régulation de l'électricité évalue chaque année le fonctionnement du service public de production d'électricité. Il a noté en outre que l'article 6 de la même loi disposait que le Ministre chargé de l'électricité arrête et publie la programmation pluriannuelle des investissements de production.

S'agissant du secteur du gaz, il a rappelé que le Ministre chargé de l'énergie devait présenter chaque année au Parlement un rapport prenant en compte la programmation pluriannuelle des investissements, en regard de l'évolution prévisible de la demande nationale d'approvisionnement en gaz naturel et sa répartition géographique.

S'agissant du secteur ferroviaire, il a relevé que, cinq ans après les transferts de compétences de l'Etat aux régions, soit le 1er janvier 2007, un bilan qualitatif et quantitatif du service ainsi transféré devait être dressé par le Gouvernement et présenté au Parlement.

Il a rappelé en outre que la Commission européenne publiait régulièrement des études d'impact de ses directives, établissant un parallèle entre le degré de libéralisation des services en question et la qualité du service rendu.

Il a conclu en constatant qu'il existait déjà des dispositifs permettant d'évaluer la portée de l'ouverture à la concurrence au regard du service rendu au public, et qu'il n'y avait donc pas lieu de créer la commission d'enquête proposée.

M. Jean-Claude Sandrier a estimé qu'à une période du « tout Etat » avait succédé une période du « tout concurrence », qui permettait certes à un petit nombre de personnes de jouir de certaines libertés, mais imposait des coûts importants au plus grand nombre.

Il a regretté qu'aucun bilan des coûts et des avantages de cette orientation n'ait été établi, alors que son impact sur l'évolution des prix, la sécurité, la stratégie et le résultat de grandes entreprises comme EDF ou France Télécom, l'aménagement du territoire, ne faisait aucun doute.

Il a précisé que le Traité constitutionnel européen, qui doit être prochainement soumis au référendum, stipule que les services d'intérêt économique général seront soumis à une concurrence libre et non faussée ; citant les précédents américain ou britannique, il a estimé que cette situation recelait de nombreux dangers pour les services publics, et a observé que dans ces pays, la renationalisation de certaines entreprises était d'ailleurs de nouveau à l'étude.

Il a ensuite regretté que la piste d'une coopération des services publics à l'échelle européenne n'ait pas été explorée, et a fait part de son incompréhension devant le refus de la majorité de soutenir la proposition de résolution soumise à son examen, quand elle avait par ailleurs demandé et obtenu la création d'une commission d'enquête sur la gouvernance des entreprises publiques.

M. François Brottes a estimé que la création d'une commission d'enquête sur ce sujet ne lui paraissait pas déraisonnable au regard des précédents en la matière, et que son intérêt résidait dans la démarche globale qu'elle se proposait d'adopter. Il a en effet indiqué que les évaluations auxquelles procédait la Commission européenne ne permettaient pas de tenir compte des spécificités économiques, sociales, géographiques de chacun des Etats et relevaient au surplus d'une démarche sectorielle. Il a également souligné que les résultats de la commission d'enquête demandée nourriraient utilement la réflexion sur une directive-cadre sur les services d'intérêt économique général.

Enfin, il a réitéré sa demande d'audition du Président de la Commission de régulation de l'énergie, demande pour laquelle le Président Patrick Ollier lui a donné toutes assurances quant à sa volonté de la voir aboutir.

M. Dominique Le Mèner a précisé que la très grande diversité des sources d'information sur cette question nuisait à la clarté de l'appréciation globale que l'on pouvait en faire. Il s'est dit partisan d'une approche globale propre à rendre compte du devenir des grands services publics mis en place à la Libération. Il a néanmoins estimé que l'absence d'efficacité que l'on pouvait parfois leur prêter tenait, dans certains cas, à leur résistance aux adaptations qu'impliquent les conditions actuelles de la concurrence.

M. Patrick Ollier a pour sa part jugé qu'une commission d'enquête était inadaptée au sujet traité, et a fait observer qu'il en avait bien volontiers convenu s'agissant de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les 35 heures. En outre, il a indiqué que le précédent gouvernement avait exercé sa tutelle sur les entreprises publiques dans des conditions qui pouvaient expliquer le mauvais état financier d'EDF, en ne lui permettant pas de faire face à la concurrence européenne. Il a estimé que l'actuelle majorité avait pour sa part veillé à ce que, tout en préservant le statut des personnels, la péréquation tarifaire et la fixation de tarifs raisonnables pour les clients non éligibles, le statut de l'entreprise lui permette d'affronter ses concurrents à armes égales.

Il a par ailleurs ajouté que l'adoption du Traité constitutionnel européen lui paraissait une garantie de la protection des services publics, citant son article III-122, ainsi que l'article 96 de la Charte européenne des droits fondamentaux.

M. Daniel Paul, rapporteur, a rappelé qu'il était inutile de créer une commission d'enquête sur la gestion des grandes entreprises publiques, et qu'il aurait suffi de laisser la tutelle s'exercer ; pour autant, il a rappelé que l'Assemblée nationale avait néanmoins choisi cette solution afin d'envisager cette question d'un point de vue non pas technique, mais plutôt politique, et que cette attitude n'était pas moins légitime s'agissant de l'objet de la présente proposition de résolution.

Il a en outre estimé que la délégitimation des services publics avait constitué le préalable des tentatives de démantèlement constatées aujourd'hui, et que ce démantèlement suscitait des inquiétudes traversant l'ensemble du champ politique et du corps social. Il a jugé ces inquiétudes justifiées au regard du fait que 90 milliards d'euros avaient été consacrés au rachat des parts du capital des grandes entreprises de l'électricité, sans que cela ne se traduise par une augmentation des volumes produits.

Citant le troisième alinéa de l'article 86 du traité instituant la Communauté européenne, il a estimé que cette disposition était au cœur du mécanisme de production des directives portant atteinte aux services publics, et que c'était sans doute la raison pour laquelle la France en avait en vain demandé la suppression en 1996, au cours des négociations d'Amsterdam, la même demande ayant été formulée dans le cadre d'un rapport d'information rédigé en 1995 par M. Franck Borotra.

La Commission a ensuite rejeté la proposition de résolution n° 2121 tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'ouverture à la concurrence des services publics de l'énergie, des postes et télécommunications et des transports ferroviaires.

ANNEXE 1 : ACTE UNIQUE EUROPÉEN (2)

L'Acte unique européen a été signé à Luxembourg et ratifié par les parlements nationaux en 1986. Il est entré en vigueur le 1er juillet 1987.

Réponse à l'enlisement de l'Europe des 10 années précédentes, il doit dynamiser la construction européenne en achevant le marché intérieur le 1er janvier 1993.

Il renforce également le rôle du Parlement européen afin de pallier le déficit démocratique de la Communauté.

Enfin, il améliore la capacité de décision du Conseil des ministres.

L'Acte unique européen est important, d'une part parce qu'il amende plusieurs dispositions du Traité de Rome et d'autre part, parce qu'il introduit une nouvelle forme de coopération en matière de politique étrangère.

ACHEVEMENT DU MARCHE INTERIEUR

L'Acte unique européen a pour objectif de mener à terme la réalisation du marché intérieur avant fin 1992, "espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée" (article 7 A).

Pour atteindre cet objectif déjà fixé par le Traité de Rome en 1957, le Conseil des ministres de l'Union européenne décide désormais à la majorité qualifiée dans les domaines stratégiques pour l'achèvement du marché intérieur: tarif douanier extérieur, libre prestation des services, libre circulation des capitaux, transports maritimes et aériens, harmonisation des législations.

Certaines garanties sont consenties aux Etats membres :

- des dérogations temporaires sont accordées aux Etats les moins développés;

- des clauses de sauvegarde sont instaurées dans le cadre du rapprochement des dispositions législatives internes.

NOUVELLES POLITIQUES COMMUNES

En signant l'Acte unique européen, les Etats membres de l'Union européenne délèguent une partie de leur pouvoir de décision aux institutions européennes dans de nouveaux domaines :

- la compétence communautaire est ainsi élargie au domaine de la recherche et du développement technologique, de l'environnement et de la politique sociale ;

- le traité codifie la coopération en matière de politique économique et monétaire et prévoit les réformes institutionnelles qui conduiront au Traité de Maastricht instituant l'Union monétaire ;

- pour répondre à l'objectif de cohésion économique et sociale, le traité décide que les Fonds structurels qui appuient financièrement le développement des régions et des actions en faveur des publics en difficulté (FEOGA-Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, FEDER-Fonds européen de développement régional, FSE-Fonds social européen) doivent être réformés ;

- la réglementation concernant la santé et la sécurité des travailleurs est désormais décidée à la majorité qualifiée.

MODIFICATIONS INSTITUTIONNELLES

Pour atteindre ces nouveaux objectifs et développer des actions concrètes, une réforme institutionnelle est envisagée.

* Extension du vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil

Le recours plus fréquent au vote à la majorité qualifiée rend l'adoption des décisions du Conseil des ministres de l'Union européenne plus facile. L'unanimité n'est plus requise en matière de marché intérieur. Dans les autres secteurs, les décisions initiales ou de principe sont prises à l'unanimité et les décisions d'application le sont à la majorité qualifiée.

* Renforcement des pouvoirs du Parlement européen

Ses compétences sont élargies. D'une part, l'avis conforme du Parlement européen est nécessaire avant l'adoption des accords d'élargissement de la Communauté et des accords d'association avec les pays tiers.

D'autre part, la nouvelle procédure dite de "coopération" confère un pouvoir accru au Parlement tout en renforçant le rôle d'arbitre de la Commission européenne et en maintenant le pouvoir de décision final au Conseil de l'Union européenne. Elle concerne le marché intérieur, la politique sociale, la cohésion économique et sociale, la recherche, le développement technologique.

* Institutionnalisation du Conseil européen

L'Acte unique consacre l'existence du Conseil européen. Il en fixe la composition: chefs d'Etat et de gouvernement des Etats membres, Président de la Commission européenne assistés par les ministres des Affaires étrangères et un membre de la Commission.

* Création du Tribunal de première instance

Un Tribunal de première instance vient assister la Cour de justice des Communautés européennes. Il est compétent en première instance pour les recours en annulation, carence ou réparation déposés par les personnes physiques ou morales, les recours contre la Commission européenne déposés par les entreprises, les litiges entre l'Union européenne et ses fonctionnaires et agents. Toutes les affaires peuvent être transférées à ce Tribunal, exceptées les affaires préjudicielles.

RENFORCEMENT DE LA COOPERATION
POLITIQUE EUROPEENNE

Les Etats membres s'engagent à poursuivre une politique étrangère commune: chaque Etat doit prendre en compte les positions de ses partenaires ainsi que l'intérêt européen commun avant d'arrêter sa propre politique. Une politique commune devra émerger progressivement par la définition de principes et d'objectifs. Il est envisagé d'étendre ensuite la coopération entre Etats membres au domaine de la sécurité, notamment dans ses aspects politiques, économiques et technologiques, sans qu'il soit porté atteinte à l'Union de l'Europe occidentale (UEO) ni à l'Alliance atlantique (OTAN).

La coopération politique est présidée par l'Etat qui exerce la présidence de l'Union européenne. Celle-ci veille, avec la Commission européenne, à la cohérence de la politique extérieure. Elle prend des initiatives de coordination et représente l'ensemble des Etats membres.

APPLICATION DU TRAITE

L'Acte unique s'interprète comme un prolongement du Traité de Rome de 1957 instituant la Communauté économique européenne. Il permet la transformation, le 1er janvier 1993, du Marché commun issu du traité de Rome en un marché unique sans frontières intérieures.

Il ouvre la voie à l'Union européenne qui prendra forme avec le Traité de Maastricht.

ANNEXE 2 : MEMORANDUM DE 1993

MEMORANDUM DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS

17 MARS 1993

Dans une économie de marché, la réponse aux différents besoins des particuliers ou des entreprises relève généralement de l'initiative privée. Elle s'exprime dans le cadre des règles de la concurrence et de différentes législations sociales, fiscales et techniques. Il en résulte une offre adaptée à la diversité des demandes. avec une bonne qualité de services et des prix ajustés. Certains besoins d'intérêt général nécessitent cependant des dispositions particulières en raison de leurs spécificités et des limites naturelles d'efficacité du marché. Chaque pays européen, en fonction de son histoire, de sa géographie et de ses traditions, y a apporté des réponses variables, mais qui recouvrent en réalité, au-delà des apparences, quatre préoccupations communes et voisines. Ces préoccupations se retrouvent quelle que soit l'étendue du secteur public dans les Etats membres, les services publics étant dans de nombreux cas confiés à des acteurs privés.

1) Les services de base, comme les transports, les communications, l'énergie ou l'eau, impliquent souvent de lourds investissements n'ayant qu'une rentabilité à moyen ou long terme et présentent des effets d'échelle ou de " club ". Ces facteurs, caractéristiques des réseaux d'infrastructures, justifient fréquemment l'attribution de droits spéciaux ou exclusifs.

2) L'exigence d'un service universel, assurant l'accès des services de base à l'ensemble des usagers et clients à un niveau de prix et de qualité jugés raisonnables, est susceptible de figurer clairement dans la mission d'un service public.

Le respect de cette exigence pose parfois un problème d'équilibre financier. Il peut y être remédié par le maintien d'un périmètre d'activité suffisant ou par le versement de subventions.

3) Le marché, par ailleurs, est généralement indifférent à des objectifs de solidarité, de cohésion, ou d'équité que certaines péréquations tarifaires peuvent aider à atteindre. L'éloignement ou l'exclusion de catégories sociales de quelques services de base, essentiels à la vie quotidienne (éducation, santé, transport, logement, eau, électricité...), peuvent entraîner des difficultés sociales.

4) Enfin, le marché ne répond pas spontanément à certaines exigences d'intérêt général et de développement durable, tels que la protection de l'environnement et l'aménagement du territoire, y compris européen. Les transports et les communications conditionnent la localisation des activités, de l'emploi et de l'habitat de manière durable. Une mauvaise anticipation de ces effets peut induire des coûts élevés de fonctionnement et d'investissement, de graves dysfonctionnements économiques et une détérioration de l'environnement et de la qualité de la vie.

Pour toutes ces raisons, le marché et la concurrence ne peuvent répondre en toutes circonstances aux besoins d'intérêt général. C'est pourquoi le traité de Rome se réfère explicitement en son article 90-2 à des missions d'intérêt économique général. Il énonce, par ailleurs, dans son article 77 à propos de la politique commune des transports que " sont compatibles avec le présent traité les aides [ ... ] qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public ".

Pour réaliser le marché intérieur et la libre circulation, l'accent a surtout été mis sur l'ouverture à la concurrence et l'harmonisation, ce qui a contribué à renforcer la compétitivité de l'économie européenne.

Le traité sur l'Union européenne a retenu une série d'actions complémentaires : le titre XI relatif à la protection des consommateurs, le titre XII sur les réseaux transeuropéens, et les dispositions relatives au fonds de cohésion venant compléter les fonds structurels, le titre XIII relatif à l'industrie sont de nature à contribuer puissamment à la compétitivité et à la cohésion de la Communauté dans une vision élargie. La constitution d'un territoire européen, qui résulte d'interdépendances accrues, nécessite le développement de réseaux transeuropéens dans le secteur des transports, des communications et de l'énergie.

C'est tout particulièrement le sens du titre XII du traité sur l'Union européenne.

Pour atteindre cet objectif, l'interconnexion, l'interopérabilité et la réalisation de projets d'intérêts communs sont indispensables, la sécurité des personnes et des réseaux étant assurée de façon adéquate. Il faut donc établir une référence commune pour conduire les différentes politiques concernant ces réseaux et ces services publics.

Deux buts distincts doivent ainsi être poursuivis, dans le respect du principe de subsidiarité :

- favoriser le développement de véritables réseaux transeuropéens à vocation de service public, dans un souci d'intérêt général européen, sans que cela implique une harmonisation des règles ;

- créer un cadre européen reconnaissant la spécificité des services publics nationaux et leur diversité.

C'est pourquoi les autorités françaises prient la Commission de bien vouloir présenter au Conseil un projet de Charte européenne relative aux principes des services publics.

Une telle Charte pourrait comprendre :

- d'une part, l'énoncé des principes concernant les missions respectives des régulateurs et des opérateurs, quel que soit le statut de ces derniers (public, mixte ou privé), et la transparence de leurs relations mutuelles ;

- d'autre part, les principes généraux communs à l'ensemble des services publics : continuité de service, égalité d'accès ou équité ce qui implique neutralité et transparence, adaptation à des besoins évolutifs et diversifiés, le cas échéant universalité. Les consommateurs, les salariés, et plus généralement les citoyens pourront en outre être consultés pour la définition et l'organisation du service.

ANNEXE 3 : RÉSOLUTION DE 1995

RÉSOLUTION DE L'ASSEMBLEE NATIONALE
RELATIVE AUX SERVICES PUBLICS

30 NOVEMBRE 1995

sur des propositions et un projet de directives communautaires relatives aux services publics (COM [91] 548 final/n°E211, COM [95] 379/n°E467, n° E474, COM [95] 379 final/n°E507 corrigendum au E467, n°E508, COM [95] 337 final/n°E510)

L'assemblée nationale a adopté, en application de l'article 151-3 du Règlement, la résolution dont la teneur suit :

Article unique.

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 3B, 37, 77, 90 (2) et (3) du traité instituant la Communauté européenne,

Vu les propositions de directives du Conseil concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel (COM [91] 548 final/n°E211),

Vu les propositions modifiées de directives du Parlement européen et du Conseil concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel (COM [93] 643 final),

Vu sa résolution du 21 juin 1995 (T.A. n°368) sur les propositions de directives concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'interconnexion dans le secteur des télécommunications. Garantir le service universel et l'interopérabilité en appliquant les principes de fourniture d'un réseau ouvert (ONP) (COM [95] 379 / n°E467 et corrigendum n°E507),

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les règles communes pour le développement des services postaux communautaires et l'amélioration de la qualité du service (n°E474),

Vu le projet de directive de la Commission modifiant la directive de la Commission 90/388/CEE et concernant l'ouverture complète du marché des télécommunications à la concurrence (n°E508),

Vu la communication de la Commission sur le développement des chemins de fer communautaires - application de la directive 91/440/CEE - nouvelles mesures pour le développement des chemins de fer, et la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 91/440/CEE relative au développement des chemins de fer communautaires (COM [95] 337 final/n°E510),

Considérant que la législation communautaire tend à remettre en cause la notion française de service public ;

Considérant cependant que, si les principes du service public doivent être sauvegardés, leur défense ne doit pas se confondre avec celle du statu quo ;

Considérant, en effet, que des adaptations à la réalité économique et sociale s'imposent et que le service du public doit rester l'objectif premier du service public ;

Considérant que, si les principes régissant le service public sont intangibles, ainsi l'égalité d'accès et la péréquation des prix, il n'en est pas de même pour ses modalités, nécessairement contingentes ;

Considérant que seul le peuple français est légitimement habilité à définir ces principes et à en tirer les conséquences en termes d'organisation ;

Considérant que les services publics ne doivent plus souffrir dune approche de la Commission européenne privilégiant le droit de la concurrence ;

Considérant enfin que la Conférence intergouvernementale de 1996 constitue la dernière occasion institutionnelle de faire appliquer le principe de subsidiarité aux services publics et de faire admettre à nos partenaires la notion de service public à la française ;

I. Sur les réformes institutionnelles nécessaires dans le cadre de la conférence intergouvernementale de 1996

1. Se félicite que le Conseil européen de Cannes ait unanimement garanti la mise en oeuvre des missions d'intérêt général par la déclaration suivante : "L'Union garantit en particulier la mise en oeuvre des missions d'intérêt économique général en Europe, en vue d'assurer l'égalité de traitement des citoyens en Europe - y compris l'égalité des droits et l'égalité des chances entre les hommes et les femmes -, un aménagement équilibré du territoire, la qualité, la continuité et l'adaptabilité du service rendu ainsi que la préservation d'intérêts stratégiques à long terme" ; souhaite que cette déclaration figure à l'article F du Traité de l'Union européenne ;

2. Souligne la nécessité de construire une doctrine européenne du service public, notamment en intégrant les principes de service public aux articles 3, 37 et 90 (2) du Traité instituant la Communauté européenne et relève l'intérêt qu'il y aurait à donner sa pleine portée à son article 77 ;

3. Réaffirme la nécessité de limiter les possibilités de recours à l'article 90 (3) du Traité instituant la Communauté européenne, instrument de déréglementation auquel la Commission européenne fait de plus en plus souvent appel, sans disposer de la légitimité nécessaire pour faire oeuvre législative ;

II. Sur les propositions de réformes présentées par la Commission européenne

4. Estime que les conséquences sociales des libéralisations, notamment en matière d'emploi, doivent désormais être prises en compte ;

· Le service postal

5. Se félicite de l'avancée que constituent, dans la proposition de directive n°E474, la définition d'un "service postal universel" et l'affirmation de la viabilité économique de ce service, et ce, grâce à l'existence de services réservés ;

6. Approuve les seuils de poids et de prix retenus pour délimiter les secteurs réservés ;

7. Demande que deux éléments essentiels de l'équilibre économique, la distribution du courrier transfrontalier entrant et le publipostage, soient considérés définitivement comme des services réservés ;

8. Demande en outre que les envois recommandés soient également considérés comme un service public réservé compte tenu de leur rôle dans les procédures administratives et judiciaires ;

9. S'oppose à ce qu'une séparation comptable des activités de collecte, de transport, de tri et de distribution soit le prétexte à un futur démantèlement du service public réservé ;

10. Demande, pour limiter les détournements de trafic, que la rémunération versée au service public pour la distribution du courrier en provenance de l'étranger ("frais terminaux") soit évaluée en fonction du coût réel et de la qualité du service offert ;

11. Exige que la Commission retire le projet de communication qui accompagne la proposition de directive ; en effet, ce texte est axé uniquement sur la concurrence, avec le risque d'introduire des doutes sur le droit applicable du fait de la dualité de textes sur un même sujet ;

· Les télécommunications

12. Déplore que la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil n°E467 soit accompagnée d'un projet de directive de la Commission n°E508, fondé sur l'article 90 (3) du Traité instituant la Communauté européenne, et renouvelle son opposition à l'utilisation de cet instrument juridique, ce dernier projet étant axé uniquement sur la concurrence, avec le risque d'introduire des doutes sur le droit applicable du fait de la dualité de textes sur un même sujet ;

13. Se félicite que la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil n°E467 précise les modalités de calcul des contributions au service universel mais s'inquiète de l'absence de prise en compte explicite de l'amortissement des infrastructures publiques ;

14. Souhaite que la volonté, exprimée par la Commission dans son projet de directive n°E508, d'inciter à un rééquilibrage rapide des abonnements, des frais de raccordement au réseau et des tarifs des communications locales et longue distance tienne compte des conséquences d'un tel rééquilibrage pour les ménages ;

15. Relève avec inquiétude la volonté, exprimée avec les motifs du projet de directive de la Commission n°E508, de favoriser à tout prix les nouveaux entrants sur le marché, en allant jusqu'à les exonérer, le cas échéant, de toute contribution au financement du service universel ;

16. Salue l'évolution récente de la Commission, qui semble adopter une attitude plus positive à l'égard des accords entre France Télécom et ses partenaires allemand et américain, et souhaite désormais une prompte réponse positive ;

· Le marché intérieur du gaz

17. Rappelle que la séparation comptable entre les différentes activités de Gaz de France serait inacceptable si elle aboutissait à mettre cette entreprise en position de faiblesse face à des producteurs étrangers souvent en situation de monopole ;

18. S'oppose à l'accès généralisé des tiers au réseau de transport de gaz qui favoriserait l'"écrémage" du marché par des tiers ;

19. Se déclare favorable à l'assouplissement des dispositions législatives interdisant l'extension des activités des régies gazières communales à des collectivités voisines ;

· Le marché intérieur de l'électricité

20. Renouvelle avec fermeté son attachement au maintien des monopoles de distribution et de transport ;

21. Réaffirme sa totale opposition à l'accès généralisé des tiers au réseau ;

22. Accepte que l'accès négocié au réseau soit étendu :

- aux exportateurs,

- aux producteurs ou importateurs ayant passé contrat avec des gros consommateurs industriels ("consommateurs éligibles"); ces derniers devront être définis en fonction de l'intérêt économique essentiel qu'ils peuvent avoir à rechercher la fourniture la plus compétitive d'électricité ;

23. Refuse

- que soit supprimée la limite maximale des trois points de livraison dans le cadre des fournitures d'électricité entre entreprises d'un même groupe ;

- que les distributeurs non nationalisés, y compris les régies locales de distribution, soient considérés comme des consommateurs éligibles ;

24. Réaffirme son attachement au système d'un acheteur unique qui achèterait aux producteurs et importateurs toute l'électricité sauf celle directement fournie par des producteurs indépendants aux consommateurs éligibles ou celle soumise au système dit des "trois points" ; ces achats seraient effectués par l'acheteur unique, après évaluation des besoins et dans la limite de la satisfaction de ces besoins, par la signature de contrats à long terme avec les producteurs ou importateurs retenus dans le cadre d'une procédure d'appels d'offres ;

25. Approuve la mise en oeuvre d'une séparation purement comptable des activités d'Electricité de France, dans la mesure où elle est indispensable à la mise ne oeuvre du système de l'acheteur unique ;

· Le transport ferroviaire

26. Reconnaît que l'accès des tiers aux infrastructures pour le transport des marchandises, tel que prévu par la proposition de directive n°E510, pourrait avoir des effets bénéfiques sur le développement du transport combiné rail-route et du transport par train entier, donc sur l'ensemble du transport ferroviaire par rapport d'autres modes de transport, mais s'inquiète des conséquences notamment sociales sur le transport par wagon isolé ; demande donc une mise en oeuvre très prudente et beaucoup moins rapide que celle prévue par la proposition de directive de cet accès aux infrastructures ;

27. Refuse l'accès des tiers aux infrastructures de transport à grande vitesse, dans la mesure où il est peu probable qu'un droit de péage suffisant puisse compenser le coût de ces lourdes infrastructures.

Délibéré en séance publique à Paris le 30 novembre 1995

Le Président

Signé : Philippe SÉGUIN

Travaux préparatoires : Propositions d'actes communautaires (nosE 211, E 467, E 474, E 507, E 508 et E 510).- Rapport d'information de M. Franck Borotra, au nom de la délégation pour l'Union européenne (n° 2260).- Propositions de résolution (nos2261 et 2350 rectfié). - Rapport de M. Jacques Vernier, au nom de la commission de la production (n° 2371). - Discussion et adoption le 30 novembre 1995) (T.A. n° 428).

ANNEXE 4 : MEMORANDUM DE 1996

LES ORIENTATIONS DE LA FRANCE
POUR LA CONFÉRENCE INTERGOUVERNEMENTALE DE 1996

20 FÉVRIER 1996

La Conférence intergouvernementale (CIG) précédera une série d'échéances très importantes pour l'Union européenne, telles que l'élargissement à certains pays d'Europe de l'Est et du Sud, le passage à la troisième phase de l'Union économique et monétaire ou la révision du financement de la Communauté. Aussi son objectif est-il double : poursuivre l'approfondissement de l'Union européenne tout en adaptant ses institutions au futur élargissement.

Dans la grande négociation qui s'engage, il est temps que la France prenne position. Notre pays doit en effet adopter une attitude dynamique et ambitieuse en fixant un certain nombre d'objectifs de nature à faire avancer la construction européenne, quelles que soient les difficultés et les réticences prévisibles.

I.- OBJECTIFS PRIORITAIRES POUR LA FRANCE

Nos priorités devraient se concentrer sur quelques objectifs simples qui correspondent à l'attente de l'opinion publique et des Parlements nationaux, et qui répondent au souci de rendre les institutions plus efficaces, plus démocratiques, mieux adaptées à leur mission et mieux à même d'apprécier et de résoudre les problèmes concrets de nos compatriotes.

Ces objectifs pourraient être les suivants :

- mieux appliquer le principe de subsidiarité,

- mieux associer les Parlements nationaux à la construction européenne,

- rendre les institutions plus efficaces,

- donner corps à la politique étrangère et de sécurité commune,

- répondre à l'aspiration de sécurité de nos concitoyens en renforçant l'action de l'Europe dans le domaine de la sécurité intérieure et de la justice.

II.- PROPOSITIONS

Le réalisme commande de conserver, d'une manière ou d'une autre, la distinction entre les trois grands domaines de coopération existants qu'on appelle l'architecture « en piliers » : les questions communautaires, la politique étrangère et de sécurité commune, le domaine des affaires intérieures et de justice. En effet, les différences de régimes juridiques entre ces trois domaines correspondent à une réalité. Cela n'exclut pas la possibilité d'évolutions institutionnelles différenciées selon les matières concernées.

La Conférence ne doit ni rouvrir le dossier de l'Union économique et monétaire ni rediscuter les politiques communes. Dans ces conditions, les propositions suivantes peuvent être présentées.

1. Premier pilier

a) S'agissant du processus de décision au sein du Conseil, deux adaptations devraient être introduites, notamment pour tenir compte des élargissements récents et prochains.

- Premièrement, introduire une meilleure pondération des voix au Conseil, tenant compte des facteurs démographiques et économiques, et de la contribution financière des Etats membres.

- Deuxièmement, élargir le champ d'application des décisions pouvant être prises par vote. Dans une Europe élargie, l'exigence du consensus est trop souvent un facteur de blocage. Il va de soi que tout Etat membre pourrait continuer d'invoquer valablement, le cas échéant, l'existence d'un intérêt national très important justifiant de différer le vote et de poursuivre la négociation (cf le compromis « de Luxembourg »).

b) Dans le système communautaire, l'initiative revient à la Commission. Or, avec les élargissements successifs et l'augmentation du nombre des commissaires, les décisions au sein de cette institution peuvent de moins en moins facilement être prises collégialement. Cet état de fait a des conséquences sur l'ensemble du processus de décision communautaire.

Si l'on veut rendre toute sa portée à la capacité d'initiative et de décision de la Commission, les effectifs de celle-ci devraient être réduits.

Au surplus, la réduction du nombre des commissaires facilitera le retour à une grande cohérence et une plus grande discipline au sein de l'institution. Il conviendrait de conforter cette évolution en prévoyant aussi que des mandats précis et impératifs soient systématiquement donnés à la Commission de façon à mieux définir son rôle d'application des orientations du Conseil. Ainsi, la Commission ne serait plus conduite, comme elle le fait trop souvent actuellement, à aller au-delà des mandats de négociation parfois trop généraux que lui fixe le Conseil. Elle serait au contraire tenue de revenir devant le Conseil dès lors qu'elle ne pourrait, sans dépasser son mandat, poursuivre des négociations avec des pays tiers.

c) En ce qui concerne le Parlement européen, il conviendra de simplifier les procédures législatives sans modifier l'équilibre actuel des pouvoirs entre le Conseil et le Parlement.

Par ailleurs, l'idée a été exprimée de plafonner les effectifs du Parlement européen dans la perspective d'une Union très élargie. Le cas échéant, cette réforme devra être conduite en liaison avec la réalisation, jusqu'ici toujours différée, du projet de procédure électorale uniforme.

Il conviendra aussi de s'assurer du respect de la décision de 1992 sur les lieux de travail du Parlement européen, qui prévoit que les sessions plénières de cette assemblée se tiennent à Strasbourg.

d) Enfin, il faudra pleinement tenir compte de l'exigence des opinions publiques et des Parlements nationaux, qui veulent, face aux dangers d'une Europe trop tatillonne, un respect plus strict et mieux organisé du principe de subsidiarité.

Pour mettre en œuvre cette orientation, il est souhaitable de créer un organe regroupant des représentants des Parlements nationaux. Cette instance serait consultée sur le respect du principe de subsidiarité. Ce principe signifie que, lorsqu'un sujet est bien traité au niveau national, il n'y a pas de raison de le transférer au niveau communautaire. Les parlementaires nationaux sont, sur ce point, les meilleurs juges.

Cette formule d'un Haut Conseil parlementaire, comprenant par exemple deux représentants par Etat membre, pourrait être mise en œuvre à partir d'une institutionnalisation de la COSAC (Conférence des organismes spécialisés dans les affaires communautaires), qui réunit depuis 1988, semestriellement, les commissions compétentes des Parlements nationaux ainsi que des représentants du Parlement européen.

2. Deuxième pilier

Dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), qui n'appartient pas au domaine communautaire mais à celui de la coopération intergouvernementale, il importe de combler plusieurs lacunes dont souffre l'Union.

a) Le système actuel de rotation semestrielle de la présidence aboutit à priver l'Union de l'image forte qui lui est indispensable pour s'affirmer sur la scène internationale. Pour donner un visage à l'Union, une formule paraît s'imposer : celle d'instituer un haut représentant de l'Union avec mandat de plusieurs années (3 ans ou 5 ans) et un rôle d'animation et de représentation dans le domaine de la Pesc. Désigné par le Conseil européen, le titulaire de cette fonction serait chargé de mener à bien toute tâche qui lui serait confiée par le Conseil européen ou le Conseil (NDLR : des ministres). Par ailleurs, pour conforter la position du haut représentant et, plus généralement, pour faciliter l'émergence des positions de l'Union, les moyens nécessaires devraient être mis à la disposition de cette personnalité, de façon à lui permettre de soumettre les propositions appropriées aux Etats membres. Le secrétariat général du Conseil pourrait être renforcé à cette fin.

b) Il sera indispensable de clarifier la répartition des tâches entre la Pesc et les relations extérieures de la Communauté, c'est-à-dire le lien entre la coordination des politiques étrangères sur le mode intergouvernemental d'une part, et le volet externe des politiques communes d'autre part.

c) Enfin, la CIG devra fournir l'occasion de préciser les perspectives de définition d'une défense commune en liaison avec les travaux menés à ce sujet dans le cadre de l'UEO. Des propositions devront être faites dans trois directions : - préciser les modalités de la subordination de l'UEO à l'Union européenne ; - prévoir un mode de prise de décision spécifique sur les questions de sécurité, de manière à ne pas paralyser le Conseil ; - développer les capacités opérationnelles de l'UEO (commandement, satellites, armement) en y introduisant la flexibilité nécessaire pour permettre à certains Etats membres de s'unir dans des coopérations plus poussées.

3. Troisième pilier

La coopération dans le domaine des affaires intérieures et de la justice est essentielle, car elle touche aux préoccupations quotidiennes de nos concitoyens (criminalité, drogue, terrorisme, etc.). Elle recouvre en fait trois catégories d'activités qu'il y a lieu de distinguer.

S'agissant des questions relatives à l'asile et à l'immigration, des dispositions sont déjà prévues pour permettre un rapprochement avec la sphère communautaire. Il conviendrait d'y réfléchir en prenant les précautions nécessaires.

En matière de coopération policière, la situation actuelle - à savoir une coopération intergouvernementale et non communautaire - paraît la plus conforme à l'Etat de droit et des positions des Etats membres.

Reste la coopération judiciaire sur laquelle certaines améliorations devraient être apportées. En particulier, pour stimuler le rapprochement des législations civiles et pénales des Etats membres, trois propositions devraient être étudiées.

a) La capacité de proposition de la Commission, qui fait la force du premier pilier, pourrait être introduite dans le troisième, sachant qu'elle y agirait concurremment avec les Etats membres.

b) Dans le cours même de l'élaboration des textes, une participation des Parlements nationaux pourrait être organisée. En particulier, le Haut Conseil parlementaire précité pourrait être associé à la préparation des textes qui intéressent le droit civil ou pénal, de manière à permettre aux parlementaires nationaux de dire leur mot, en détail, sur chacune des dispositions envisagées, alors qu'actuellement, leur intervention, limitée au cadre de la procédure de ratification, ne leur permet de se prononcer qu'en bloc.

c) Il conviendrait enfin de réfléchir à une entrée en vigueur des textes sans attendre le dépôt des instruments de ratification de la totalité des Etats membres, formule existant en droit international classique.

4. Clause générale sur les coopérations renforcées

La Conférence intergouvernementale a notamment pour objet de préparer l'Union européenne à son futur élargissement et d'adapter à cet objectif les institutions actuelles. Il conviendrait donc d'introduire dans les traités une clause de caractère général permettant aux Etats qui en ont la volonté et la capacité de développer entre eux des coopérations renforcées. On peut imaginer, pour y parvenir, que certains Etats puissent présenter au Conseil des projets de coopération, qui, une fois approuvés par cette instance, seraient considérés comme entérinés par l'Union européenne. Un tel schéma présenterait l'avantage d'introduire dans les traités la souplesse nécessaire sans pour autant affaiblir la cohérence de l'Union.

Si l'ensemble de ces dispositions était adopté, l'Union européenne en sortirait renforcée et serait en mesure de faire face au futur élargissement, au terme duquel l'Europe changera de dimension.

Les propositions qui précèdent représentent une première contribution au débat. Elles seront, dans les semaines qui viennent, enrichies à la lumière des consultations engagées avec différentes personnalités politiques françaises. Il s'agit également d'une base de discussion avec l'Allemagne et avec nos autres partenaires. C'est en effet à partir d'une démarche franco-allemande, s'élargissant à tous les Etats membres qui le souhaitent, que nous réussirons la Conférence intergouvernementale de 1996.

Cette Conférence n'est qu'une étape, mais une étape importante dans le projet européen de la France, qui vise avant tout à rapprocher l'Europe des citoyens et à replacer l'homme au cœur de la construction européenne. L'Europe est aujourd'hui perçue comme trop éloignée des attentes quotidiennes des Européens. Elle doit apporter des réponses à leurs principales préoccupations : l'emploi, la paix, l'environnement et la sécurité.

N° 2151 - Rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'ouverture à la concurrence des services publics dans les secteurs de l'énergie des postes et télécommunications et des transports ferroviaires (rapporteur : M. Daniel Paul)

1 () Rapport d'information n° 1725 de M. Hervé Mariton déposé en application de l'article 145 du Règlement par la commission des finances en conclusion des travaux d'une mission d'évaluation et de contrôle sur la clarification des relations financières entre le système ferroviaire et ses partenaires publics, déposé le 8 juillet 2004.

2 () Centre d'information sur l'Europe - Sources d'Europe


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