N° 2232 - Rapport de M. Maurice Giro sur: - la proposition de résolution de MM. Jean-Marc AYRAULT et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires, sociales, économiques et juridiques de l'exposition des personnes à l'amiante et sur les conditions d'une meilleure prévention de l'ensemble des questions de santé publique liées aux risques industriels et aux pollutions industrielles (2044) - la proposition de résolution de M. Maxime GREMETZ tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires, sociales et économiques de l'exposition professionnelle et des particuliers à l'amiante (2049) - la proposition de résolution de M. Maxime GREMETZ et plusieurs de ses collègues sur les conséquences sanitaires, sociales et économiques de l'exposition professionnelle aux esthers de glycol (2050) - la proposition de résolution de M. Jean LEMIÈRE et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur les facteurs risques et les conséquences juridiques, sanitaires, politiques, sociales et économiques de l'exposition professionnelle à l'amiante (2091)




Document

mis en distribution

le 11 avril 2005

graphique

N° 2232

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 avril 2005.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LES PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION :

- (n° 2044) tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires, sociales, économiques et juridiques de l'exposition des personnes à l'amiante et sur les conditions d'une meilleure prévention de l'ensemble des questions de santé publique liées aux risques industriels et aux pollutions industrielles présentée par M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues ;

- (n° 2049) tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires, sociales et économiques de l'exposition professionnelle et des particuliers à l'amiante présentée par M. Maxime Gremetz et plusieurs de ses collègues ;

- (n° 2050) tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires, sociales et économiques de l'exposition professionnelle aux éthers de glycol présentée par M. Maxime Gremetz et plusieurs de ses collègues ;

- (n° 2091) tendant à la création d'une commission d'enquête sur les facteurs risques et les conséquences juridiques, sanitaires, politiques, sociales et économiques de l'exposition professionnelle à l'amiante présentée par M. Jean Lemière et plusieurs de ses collègues

PAR M. MAURICE GIRO,

Député.

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INTRODUCTION 5

I.- SUR LA RECEVABILITÉ DES QUATRE PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION 7

II.- SUR L'OPPORTUNITÉ DE LA CRÉATION DES COMMISSIONS D'ENQUÊTE 9

A. L'EXPOSITION À L'AMIANTE EST UN SUJET DÉSORMAIS BIEN DOCUMENTÉ ET QUI FAIT L'OBJET DE MÉCANISMES D'INDEMNISATION EFFICACES 9

B. LES ÉTHERS DE GLYCOL PRÉSENTENT DES RISQUES ET DES DANGERS QUI ONT ÉTÉ PRIS EN COMPTE 12

C. LA SANTÉ AU TRAVAIL EST UNE PRIORITÉ DE LA MAJORITÉ 15

TRAVAUX DE LA COMMISSION 19

INTRODUCTION

En l'espace d'une dizaine de jours, quatre propositions de résolution de création d'une commission d'enquête sur des sujets proches ont été déposées sur le bureau de l'Assemblée nationale :

- M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste et apparentés ont déposé le 26 janvier 2005 une proposition de résolution (n° 2044) tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires, sociales, économiques et juridiques de l'exposition des personnes à l'amiante et sur les conditions d'une meilleure prévention de l'ensemble des questions de santé publique liées aux risques industriels et aux pollutions industrielles ; les auteurs de la résolution souhaitent que la commission d'enquête se penche d'une part sur les lacunes dans la législation relative à l'indemnisation des victimes et à l'utilisation de l'amiante et d'autre part sur les conditions d'une meilleure prise en compte des risques sanitaires induits par l'industrie.

- M. Maxime Gremetz et l'ensemble de ses collègues constituant le groupe des députés-e-s constituant le groupe communiste et républicain ont déposé le 2 février une proposition de résolution (n° 2049) tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires, sociales et économiques de l'exposition professionnelle et des particuliers à l'amiante ; cette proposition vise à ce qu'une commission d'enquête ainsi créée étudie l'ampleur réelle des conséquences de l'exposition à l'amiante, des efforts entrepris pour y remédier et indemniser les victimes, ainsi que l'identification des responsabilités.

- M. Maxime Gremetz et l'ensemble de ses collègues constituant le groupe des députés-e-s constituant le groupe communiste et républicain ont déposé le 2 février une proposition de résolution (n° 2050) tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires, sociales et économiques de l'exposition professionnelle aux éthers de glycol ; relevant qu'aucune enquête d'ensemble n'a été réalisée sur le sujet, les auteurs de la proposition souhaitent que la commission d'enquête procède à une analyse d'ensemble du problème soulevé par l'exposition des salariés aux éthers de glycol.

- M. Jean Lemière et plusieurs de ses collègues ont déposé le 9 février une proposition de résolution (n° 2091) tendant à la création d'une commission d'enquête sur « les facteurs risques et les conséquences juridiques, sanitaires, politiques, sociales et économiques de l'exposition professionnelle à l'amiante » ; les auteurs de la proposition entendent que la commission d'enquête fasse la transparence sur les dommages résultant de l'exposition à l'amiante et évalue l'efficacité du dispositif d'indemnisation et de suivi sanitaire des personnes contaminées, et de manière générale, propose toute amélioration au dispositif existant.

I.- SUR LA RECEVABILITÉ DES QUATRE PROPOSITIONS
DE R
ÉSOLUTION

La recevabilité de ces quatre propositions de résolution doit s'apprécier au regard des dispositions conjointes de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale.

- La première condition de recevabilité est relative à la définition précise, soit des faits qui donnent lieu à enquête, soit des services publics ou des entreprises nationales dont la commission doit examiner la gestion. Or toutes les propositions ne semblent pas répondre à cette première exigence.

La proposition de résolution n° 2044 de M.  Jean-Marc Ayrault poursuit deux buts. L'un est d'analyser les lacunes existantes dans la législation relative à l'indemnisation des victimes de l'amiante et à l'utilisation de ce matériau. En revanche, le rapporteur considère que l'autre but, effectuer un travail d'ensemble sur les conséquences sanitaires de l'activité industrielle, ne relève pas, en raison du caractère excessivement large de cette tâche, d'une mission de commission d'enquête.

La proposition de résolution n° 2049 de M.  Maxime Gremetz définit avec précision le champ d'investigation de la commission d'enquête dont la constitution est proposée.

La proposition de résolution n° 2050 de M.  Maxime Gremetz appelle à la réalisation d'une étude épidémiologique sur l'exposition professionnelle aux éthers de glycol. Il ne s'agit pas d'examiner des faits précis ou des entreprises publiques particulières. Cela ne ressort donc pas vraiment du champ d'investigation d'une commission d'enquête parlementaire.

La proposition de résolution n° 2091 de M.  Jean Lemière porte sur les dommages résultant de l'exposition à l'amiante et leurs perspectives d'évolution. Le champ d'investigation paraît bien défini.

- La seconde condition de recevabilité est relative au respect du principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire, qui interdit à l'Assemblée nationale d'enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Les auteurs de ces résolutions sont conscients des problèmes que peut susciter le respect de cette exigence ; ainsi, la proposition de résolution n° 2049 évoque des « milliers de procédures civiles » ayant trait à l'exposition à l'amiante. La proposition de résolution n° 2050 évoque également une action en justice relative aux éthers de glycol.

Les trois courriers envoyés par M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, à M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, relatifs aux propositions n° 2044, 2049 et 2091, indiquent que « vingt informations judiciaires concernant l'exposition à l'amiante sont actuellement ouvertes sur le territoire national des chefs d'empoisonnement, d'homicide ou de blessures involontaires » et que « deux procédures d'information judiciaire ouvertes de ces chefs et clôturées par des ordonnances de non-lieu, confirmées en appel, sont soumises à l'examen de la Cour de cassation ». Le ministre mentionne également « sept procédures relatives à des manquements à la réglementation propre à l'amiante, souvent commis dans le cadre d'opérations de déflocage et assorties ou non d'une mise en danger d'autrui  ».

L'exposition à l'amiante est donc source de très nombreuses actions devant différentes juridictions. Il conviendrait donc de restreindre très significativement le champ d'investigation des commissions d'enquête pour que les propositions de résolution soient recevables.

S'agissant de la proposition de résolution n° 2050, le garde des sceaux, ministre de la justice, M. Dominique Perben, a fait connaître à M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale qu'une information judiciaire concernant l'emploi d'éthers de glycol dans le cadre professionnel est ouverte au tribunal de grande instance de Paris du chef d'administration de substances nuisibles.

II.- SUR L'OPPORTUNITÉ DE LA CRÉATION
DES COMMISSIONS D'ENQUÊTE

Sans sous-estimer les difficultés d'ordre juridique qui s'attacheraient à la création des commissions d'enquête en raison des problèmes de recevabilité évoqués plus haut, le rapporteur ne souhaite toutefois pas proposer le rejet de ces propositions de résolution pour des seules raisons de recevabilité. Il juge nécessaire de préciser pourquoi il ne semble en tout état de cause pas opportun de créer des commissions d'enquête sur les sujets évoqués.

A. L'EXPOSITION À L'AMIANTE EST UN SUJET DÉSORMAIS BIEN DOCUMENTÉ ET QUI FAIT L'OBJET DE MÉCANISMES D'INDEMNISATION EFFICACES

L'utilisation de l'amiante est interdite par voie réglementaire (1) depuis
janvier 1997, à la suite de la publication d'un rapport de l'INSERM, d'un rapport sur la gestion du risque rédigé par le Professeur Claude Got (2) et plus généralement des problèmes de santé publique posés par l'amiante en France. Huit ans après l'interdiction de l'utilisation de l'amiante en France, les conséquences de l'exposition à l'amiante semblent bien documentées, la réglementation a été durcie et les mécanismes d'indemnisation correspondants ont été mis en place. En revanche, l'identification des responsabilités fait encore l'objet de procédures judiciaires.

L'information relative à l'amiante et ses dangers s'est considérablement améliorée. Dès 1998, le gouvernement a mis en place un programme national de surveillance du mésothéliome (PNSM) et une base de données dénommée « Evalutil » regroupant les données disponibles sur les niveaux d'exposition, en fonction des situations de travail. Ces programmes contribuent à améliorer la sensibilisation des acteurs sur le terrain chargés du dépistage précoce et du suivi sanitaire des travailleurs. En mars 2004, le ministère chargé du travail a organisé, conjointement avec la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), une campagne de contrôle des chantiers de désamiantage sur l'ensemble du territoire.

Le dispositif réglementaire relatif à l'amiante est sévère. Il fixe des mesures générales de prévention s'appliquant à toute activité pouvant exposer les travailleurs à l'amiante. Il vise à maintenir à un niveau d'exposition le plus bas possible et, en tout état de cause, en deçà de la valeur limite d'exposition et aménage une obligation de formation et d'information des travailleurs. L'utilisation et l'entretien d'équipements de protection adaptés sont prescrits. Ces mesures générales de prévention sont complétées par des mesures spécifiques à l'activité concernée. Par exemple, les entreprises de désamiantage doivent respecter une réglementation technique particulière. De plus, elles ont l'obligation de soumettre chaque plan de retrait aux services de l'inspection du travail ainsi qu'au médecin du travail. Seules peuvent intervenir des entreprises ayant obtenu un certificat de qualification, délivré par un organisme accrédité, pour effectuer les travaux de retrait de matériaux friables contenant de l'amiante. La transposition à venir de la directive 2003/18/CE du 27 mars 2003 pourrait renforcer le dispositif existant en matière de protection, notamment en ce qui concerne la formation des travailleurs et certaines activités de retrait d'amiante.

Les mécanismes d'indemnisation mis en place visent à assurer une juste réparation des préjudices causés par l'exposition à l'amiante.

Comme le rappelle le rapport n° 1876 de M. Jean-Pierre Door, député, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 pour l'assurance maladie et les accidents du travail, la prise en charge des maladies liées à l'amiante a donné lieu à la mise en place de deux fonds spécifiques. Pour ces deux fonds, les dotations de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (branche accidents du travail-maladies professionnelles) pour l'année 2005 atteignent 800 millions d'euros.

Le Fonds de cessation anticipée des travailleurs amiante (FCAATA), créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, permet un départ anticipé en préretraite pour les salariés concernés. Du fait de l'accélération très vive du nombre de ses allocataires, les charges du FCAATA ont augmenté de 59 % en 2003 et sont estimées à 750 millions d'euros en 2005. La loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005 aménage et pérennise les modalités de financement du FCAATA, qui reposait sur une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles et sur une part des droits sur la consommation du tabac. Il s'agit de mettre en place une contribution spécifique pour les entreprises qui ont exposé leurs salariés à l'amiante. Cette opération, neutre pour les salariés, dont les droits ne sont pas modifiés, semble avoir recueilli un certain consensus politique.

Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, indemnise les victimes de maladies professionnelles liées à l'amiante. Le FIVA a reçu 5 453 dossiers de victimes en mai 2003. Il a enregistré près de 10 000 nouveaux dossiers d'indemnisation en un an et le rythme mensuel de demandes continue d'augmenter. Il a été signalé que quelques personnes, refusant l'indemnisation proposée par le FIVA, ont réussi à obtenir une indemnisation plus importante devant les tribunaux. Pourtant, selon le ministre chargé de l'emploi (3), le taux d'acceptation des offres d'indemnisation du FIVA atteint 95 % : « L'examen des arrêts des cours d'appel rendus en ce domaine tend à démontrer un rapprochement certain des indemnisations ainsi obtenues sur les offres proposées par le FIVA aux victimes en fonction de son barème. Si une certaine disparité des indemnisations accordées par les cours d'appel existe, celle-ci est en grande partie inhérente à l'obligation législative faite au FIVA d'assurer la réparation intégrale des préjudices subis et par là même de prendre en compte la situation particulière du requérant. »

Le Parlement est bien informé. D'abord, en vue de renforcer son information, l'article 6 de la loi n° 2002-1487 du 20 décembre 2002 de financement de la sécurité sociale pour 2003 a prévu que le Gouvernement « déposera avant le 15 octobre 2003 un rapport présentant l'impact financier de l'indemnisation des victimes de l'amiante pour l'année en cours et pour les vingt années suivantes ». Ce rapport a évalué le coût de la prise en charge des victimes de l'amiante (indemnisation et cessation anticipée d'activité) à une somme comprise entre 1,3 et 1,9 milliard d'euros par an et entre 26,8 et 37,2 milliards d'euros pour la période 2003-2023. En outre, le conseil d'administration du FIVA établit un rapport annuel d'activité au Parlement et au gouvernement. Le FCAATA rédige également un rapport annuel de gestion.

L'identification des responsabilités des dommages causés par l'exposition de l'amiante est l'enjeu de procédures judiciaires, qui, malgré leur intérêt, ne sauraient faire l'objet d'investigation d'une commission d'enquête. Ces procédures auront un impact sur les procédures d'indemnisation.

Récemment, quatre arrêts du Conseil d'Etat ont confirmé la responsabilité de l'Etat (4), du fait de sa carence fautive dans la prévention des risques liés à l'exposition des travailleurs aux poussières d'amiante. Comme le ministre chargé de la santé l'a précisé lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 (5), « (...) les arrêts du conseil d'Etat de février dernier ont eu des effets importants sur les procédures d'indemnisation. C'est pourquoi le Gouvernement invite les partenaires sociaux à engager une réflexion sur les voies d'indemnisation, les modalités de recours contre les entreprises et contre l'Etat, et la question d'une participation pérenne de l'Etat aux dépenses du FIVA ».

A la suite de plaintes déposées en 1997, le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Dunkerque a rendu le 16 décembre 2003 une ordonnance de non-lieu, confirmée par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai le 15 juin 2004. Comme l'indique le garde des sceaux, ministre de la justice, M. Dominique Perben, dans une réponse à une question d'un député (6), « Il revient en effet à la Cour de cassation, saisie du pourvoi formé par les parties civiles, de déterminer s'il a été fait une exacte application des règles de droit, et en particulier de la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à réprimer les délits non intentionnels, dans le cadre de cette affaire. Il convient par ailleurs de rappeler que la loi du 10 juillet 2000, adoptée à l'unanimité par le Parlement, a modifié l'article 121-3 du code pénal afin de limiter la pénalisation excessive et stigmatisante des faits causant un préjudice à autrui, lorsqu'ils sont dus à une maladresse, une imprudence, une inattention ou une négligence imputable à une personne physique. »

B. LES ÉTHERS DE GLYCOL PRÉSENTENT DES RISQUES ET DES DANGERS QUI ONT ÉTÉ PRIS EN COMPTE

Les éthers de glycol constituent une famille d'une quarantaine de substances chimiques volatiles et peu odorantes, utilisées dans la composition ou la fabrication de produits très variés en raison de leurs propriétés de solvant. Chaque dérivé possède des propriétés toxicologiques particulières, ce qui rend l'analyse d'ensemble difficile. Leur usage, qui s'est nettement réduit, a concerné des produits cosmétiques, pharmaceutiques ou ménagers. Cette diversité multiplie les occasions d'exposition des personnes aux éthers de glycol.

Saisi au début de l'année 1998, le ministère chargé du travail a demandé à l'INSERM de réaliser une expertise collective sur ce sujet. Les résultats de cette expertise indépendante ont été rendus publics en octobre 1999.

Les études scientifiques ont mis en évidence des effets toxiques pour l'homme de certains éthers de glycol, principalement en ce qui concerne la fonction de reproduction. Un agent est classé comme toxique pour la reproduction quand il peut présenter des effets sur la fertilité masculine ou féminine (altération des fonctions ou de capacité de reproduction) ou induire des effets néfastes, non héréditaires, sur le développement de la descendance. A ce jour, neuf éthers de glycol sont classés comme toxiques pour la reproduction en catégorie 2, au sens de la classification européenne (7).

Le Conseil supérieur d'hygiène publique de France a donné un avis relatif aux éthers de glycol dans les produits de consommation du 7 novembre 2002. Sur la base de cet avis, et avec l'aide des agences et ministères concernés, la Direction générale de la santé (DGS) a élaboré un plan d'action, présenté lors du comité national de sécurité sanitaire du 26 février 2003. Il comprend trois volets : les études et la recherche, le renforcement de la réglementation et l'information de la population (8).

S'agissant des études et des recherches, l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE) a été saisie par les ministères en charge de la santé et de l'environnement en octobre 2003 afin de mettre en œuvre certaines des dispositions du plan d'action gouvernemental. Des études sur l'exposition aux éthers de glycol sont entreprises. Par ailleurs, une collaboration de l'AFSSE avec l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) permettra d'actualiser l'expertise collective réalisée par l'INSERM en 1999. Concernant les éthers de glycol dans les produits cosmétiques, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) suit les évaluations des produits, notamment dans le cadre de la commission de cosmétologie. En ce qui concerne les éthers de glycol dans les produits de santé, l'agence a demandé des études sur le DEGEE (excipient commercialisé sous le nom de transcutol), suite aux cas d'accidents à une consommation abusive d'une spécialité dont l'autorisation de mise sur le marché a été suspendue en juin  2003. Dans l'attente des résultats, il a été demandé aux laboratoires pharmaceutiques de ne plus utiliser le transcutol dans la formulation des produits administrés par voie orale.

Les travaux européens de classification et d'évaluation de risques (règlement européen n° 793-93, pour quatre éthers de glycol) sont réalisés en France par l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Le ministère chargé du travail finance, depuis 2001, deux études épidémiologiques (coordonnées par l'Institut national de veille sanitaire - InVs - et réalisées par l'INSERM) sur les éthers de glycol en milieu professionnel, pour évaluer le risque d'anomalies du développement intra-utérin chez les femmes exposées aux éthers de glycol pendant la grossesse et pour mesurer les conséquences de l'exposition sur la fertilité masculine. Les résultats de l'étude sur la fertilité masculine montrent que « l'exposition professionnelle à des produits contenant des éthers de glycol est associée à une atteinte de la qualité séminale sans modification des niveaux circulants d'hormones de la reproduction ». Ces effets sont observés chez les hommes exposés avant 1995, ce qui est cohérent avec l'importante réduction d'éthers de glycol reprotoxiques constatée dans les préparations à usage professionnel au cours de la première moitié des années 1990.

Concernant les mesures réglementaires, il faut distinguer d'une part la présence d'éthers de glycol dans les produits destinés au grand public et d'autre part l'exposition dans un cadre professionnel.

Le gouvernement a renforcé l'interdiction des éthers de glycol reprotoxiques dans les produits destinés au grand public. Les éthers de glycol interdits à plus de 0,5 % dans les produits de consommation destinés au grand public sont ceux classés « Toxiques pour la reproduction de catégorie 2 ». Neuf éthers de glycol sont interdits dans les produits de consommation destinés au grand public. Dans le cadre du plan d'action, un arrêté a été publié le 28 octobre 2004 (9) afin d'interdire dans les produits de consommation destinés au public deux éthers de glycol, EGDME et TEGDME, classés plus récemment toxiques pour la reproduction de catégorie 2. Des mesures réglementaires d'interdiction concernant ces éthers de glycol récemment classés reprotoxiques ont également été prises pour les produits cosmétiques (décisions de l'AFSSAPS du 5 mai 2003) et pour les produits à usage vétérinaire (arrêté du 7 août 2003 concernant les préparations et les autovaccins).

En milieu professionnel, les éthers de glycol reprotoxiques de catégorie 2 sont soumis au régime juridique des agents cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction, régime défini par le décret n° 2001-97 du 1er février 2001. Ce régime n'est pas un régime d'interdiction ; d'ailleurs, aucun éther de glycol n'a été interdit dans un cadre professionnel dans un pays de l'Union européenne (10). Le décret comporte l'obligation de substitution d'un tel agent par un produit non dangereux ou moins dangereux, sauf impossibilité technique. L'organisation d'un suivi médical renforcé et l'organisation de la traçabilité des expositions sont les deux autres axes de cette réglementation.

Afin de compléter ces dispositions réglementaires par des démarches volontaires, deux chartes d'engagement ont été établies et signées en mars 2003 par les syndicats d'industriels (11) dans lesquelles ces industriels listent les actions menées pour supprimer l'utilisation des éthers de glycol reprotoxiques et réaffirment leur engagement à ne plus utiliser ces éthers dans les produits destinés au public.

L'information de la population et particulièrement des professionnels concernés constitue un axe supplémentaire de la politique du gouvernement. L'INPES a prévu de mettre en place en 2005, en collaboration avec les ministères concernés, un dispositif d'information du grand public et des utilisateurs professionnels sur les risques liés aux produits chimiques en général et sur les moyens de prévention dans le cadre du plan d'action gouvernemental. Cette campagne visera à informer la population générale sur les risques qu'elle encourt lors de l'utilisation de produits chimiques en milieu domestique et sur les moyens de les prévenir. Un dépliant présentera les différents pictogrammes indiquant le degré de toxicité d'un produit, et les règles d'utilisation de ces produits. Il indiquera également les précautions à prendre à la maison lors de l'utilisation d'un produit chimique. Une mention spéciale pour les femmes enceintes est prévue. Ce dépliant sera diffusé dans les grandes surfaces et dans les magasins de bricolage. Des partenariats avec la presse féminine et la presse prénatale seront mis en place. Les professionnels utilisateurs de produits contenant des éthers de glycol, seront informés sur les risques d'exposition déclenchés pour la population lors de l'utilisation de ces produits dans un cadre domestique et les moyens à mettre en œuvre pour limiter ces risques.

C. LA SANTÉ AU TRAVAIL EST UNE PRIORITÉ DE LA MAJORITÉ

L'action du gouvernement est marquée par une extrême vigilance en matière de santé et de sécurité au travail. La sensibilisation de l'opinion publique par les médias, l'impact de certaines décisions de justice, l'évolution rapide des connaissances scientifiques et techniques, l'influence des normes issues de la construction européenne et la prise en compte accrue des problématiques d'environnement par notre ordre juridique (12) ont renforcé la nécessité d'une approche globale, cohérente et dynamique de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Deux rapports importants avaient souligné les carences des pouvoirs publics en la matière et la nécessité d'agir : le rapport de la Cour des comptes de février 2002 sur « La gestion du risque accidents du travail et maladies professionnelles » et le rapport annuel 2003 de l'Inspection générale des affaires sociales (13).

Il convient d'abord de souligner que la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique comprend un objectif relatif à la réduction des effets sur les travailleurs de l'exposition à des agents cancérogènes par la diminution des niveaux d'exposition.

Le ministère chargé du travail s'est également engagé dans la voie d'une réforme de structures visant à rénover la politique de prévention des risques professionnels. Le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, M. Jean-Louis Borloo, et le ministre délégué aux relations du travail, M. Gérard Larcher, ont présenté en février dernier le « Plan santé au travail » du gouvernement, qui porte sur les années 2005-2009 et qui a été présenté aux partenaires sociaux à l'occasion d'une séance plénière exceptionnelle du conseil supérieur de prévention des risques professionnels.

Il prévoit la création d'une agence publique chargée de la santé au travail, susceptible de fournir une expertise scientifique indépendante sur l'évaluation des risques en milieu professionnel. Les travaux des scientifiques sur le champ de la santé au travail dans contribuant à faire progresser les connaissances des risques professionnels seront encouragés. Le plan prévoit le renforcement de l'efficacité du contrôle du respect de la réglementation, par une présence accrue des services de l'Etat sur le terrain et des efforts de formation à leur intention. Enfin, des actions viseront à promouvoir la culture de prévention en entreprise, en concertation étroite avec les acteurs et les partenaires sociaux. Un effort budgétaire significatif en faveur de la santé au travail est prévu : pour la seule année 2005, 30 postes sont créés pour le contrôle par l'Etat de la réglementation sur le terrain et une dotation de 5,7 millions d'euros est affectée à la réalisation d'un programme d'expertises prioritaires dans le cadre de la création du « pôle de sécurité sanitaire en santé travail », qui sera doté de dix postes de scientifiques de haut niveau.

Les partenaires sociaux sont quant à eux à l'origine de l'accord interprofessionnel sur la santé au travail du 13 septembre 2000 et gèrent eux-mêmes de nombreux dispositifs, notamment les caisses régionales d'assurance maladie, l'Agence nationale d'amélioration des conditions de travail (ANACT) ou l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS). Conformément à l'article 54 de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, le plan santé au travail appelle par ailleurs les partenaires sociaux à faire des propositions au gouvernement et au Parlement sur l'évolution des cotisations versées auprès de la branche accidents du travail/maladie professionnelle de l'assurance maladie afin de restaurer leur fonction préventive.

Le rapporteur souligne que le succès de cette politique d'ensemble est notamment subordonné à la mobilisation des services de l'inspection du travail et au ciblage des contrôles sur les petites et moyennes entreprises, notamment les entreprises sous-traitantes, dont les salariés sont particulièrement exposés et dont les comités d'hygiène et de sécurité, quand ils existent, ne sont pas assez efficaces.

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Le rapporteur souhaite rappeler que la commission a rejeté, lors de sa réunion du mardi 21 janvier 2003, la proposition de résolution (n° 390) de M. Georges Hage et plusieurs de ses collègues, tendant à la création d'une commission d'enquête afin d'évaluer les risques présentés par certains produits toxiques utilisés dans les entreprises et menaçant la santé des salariés. Le texte de la proposition de résolution concernait l'exposition à l'amiante et aux éthers de glycol. La commission a suivi les conclusions M. Pierre-Louis Fagniez, qui, au terme d'une réflexion nourrie (14), a démontré l'inutilité de la création de la commission d'enquête. Plus de deux ans après la décision de la commission, il semble qu'aucun élément nouveau ne soit en mesure de modifier de manière significative les raisons qui ont poussé les commissaires à refuser la création de cette commission d'enquête. Certaines des questions posées lors de cette réunion ont d'ailleurs depuis trouvé une réponse : par exemple, le conseil d'administration du FIVA a fixé le 21 janvier 2003 le barème indicatif d'indemnisation.

Dans sa séance du mercredi 2 février 2005, le Sénat a autorisé, en application de l'article 21 de son règlement, la création d'une mission d'information commune sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante. Il lui appartient d'effectuer un bilan de la contamination par l'amiante et d'évaluer ses conséquences, ce qui implique, notamment, de s'intéresser à la prévention du risque et à la réparation du préjudice subi par les victimes. Le rapporteur note que le Sénat n'a pas jugé opportun de créer une commission d'enquête. On peut s'interroger sur l'opportunité de « doublonner » cette mission en créant une structure identique au sein de notre assemblée.

Créer une commission d'enquête n'est de toute façon pas le moyen le plus approprié pour procéder à des études épidémiologiques. Il revient plutôt au nouvel Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 ou à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), qui peut être saisi par la commission, de procéder à de telles études. Le rapporteur rappelle que l'OPECST a d'ailleurs été saisi par la commission des affaires économiques et du Plan du Sénat des « problèmes posés par la fabrication industrielle des éthers de glycol, notamment du point de vue des enjeux économiques et de la protection des consommateurs ». Une rapporteure, Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, a été désignée.

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, le rapporteur conclut au rejet des quatre propositions de résolution n° 2044, 2049, 2050 et 2091.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 6 avril 2005, la commission a examiné sur le rapport de M. Maurice Giro : la proposition de résolution de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires, sociales, économiques et juridiques de l'exposition des personnes à l'amiante et sur les conditions d'une meilleure prévention de l'ensemble des questions de santé publique liées aux risques industriels et aux pollutions industrielles - n° 2044 ; la proposition de résolution de M. Maxime Gremetz et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires, sociales et économiques de l'exposition professionnelle et des particuliers à l'amiante - n° 2049 ; la proposition de résolution de M. Maxime Gremetz et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires, sociales et économiques de l'exposition professionnelle aux éthers de glycol - n° 2050 ; la proposition de résolution de M. Jean Lemière et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur les facteurs risques et les conséquences juridiques, sanitaires, politiques, sociales et économiques de l'exposition professionnelle à l'amiante - n° 2091.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Jean-Marie Le Guen a déclaré que le rapport et la décision de rejet qu'il préconise constituent à la fois un défaut d'appréciation de l'ampleur de la catastrophe de l'amiante et une erreur politique grave. L'avis défavorable du rapporteur va en effet à rebours de la démarche entreprise par tous les groupes politiques présents à l'Assemblée nationale depuis plusieurs mois.

L'amiante est à l'origine de la plus grande crise sanitaire que la France ait connue. On estime à 3 000 le nombre des personnes qui meurent chaque année des suites de l'exposition à cette fibre et à 100 000 le nombre total des victimes. La création d'une commission d'enquête s'avère donc être un élément nécessaire dans la prise en charge de la douleur des victimes et de leurs familles.

Mais au-delà du symbole, la création d'une commission d'enquête est nécessaire dans la poursuite d'un triple objectif : la compréhension des événements, l'évaluation de la prise en charge des victimes et les conséquences à tirer de ces événements pour l'avenir en matière de santé publique. Même si des avancées notables en matière d'indemnisation ont été réalisées, notamment par le précédent gouvernement, il reste encore beaucoup à faire, d'autant que les victimes sont des personnes fragiles.

Par le passé, des forces économiques se sont employées à limiter l'impact du problème posé par l'amiante. Aujourd'hui, le refus du rapporteur de vouloir donner une suite favorable à la demande de commission d'enquête ravive ce spectre et laisse à tout le moins une impression désagréable. Face à l'ampleur du drame, la constitution de cette commission apparaît comme un minimum et la refuser va relancer le doute et la colère à l'égard des pouvoirs publics.

Une telle position est donc une erreur politique. Des procès sont en cours, pour le moment incertains, mais la justice ne sera pas toujours tenue sous le boisseau d'intérêts locaux. La représentation nationale regrettera alors de ne pas s'être saisie de la question et de ne pas avoir conduit des travaux approfondis dans la sérénité.

M. Patrick Roy a jugé l'exposé du rapporteur surréaliste et a indiqué que, face à de tels propos, il lui est difficile de contenir sa colère. Cela fait désormais cinquante ans, voire cent ans, que l'on connaît, études scientifiques à l'appui, les dangers de l'amiante. Or, en dépit de cette expertise et sous la pression des lobbys, on a continué à employer de l'amiante en préférant sauvegarder les profits des entreprises plutôt que protéger la santé des salariés. Et aujourd'hui, le rapporteur affirme que tout va bien.

Pour refuser la création d'une commission d'enquête, il avance trois séries d'arguments. Premièrement, la commission d'enquête ne se justifie pas car la définition de son champ d'action est imprécise et embrasse un problème trop vaste : n'est-ce pas là justement la raison d'être d'une commission d'enquête ? Deuxièmement, des procédures judiciaires en cours interdisent la création d'une commission d'enquête sur les mêmes sujets ; ces procédures n'aboutissent pas et toutes les victimes ne prennent pas le chemin des tribunaux car elles sont démunies et déstabilisées par l'âge ou la maladie. Troisièmement, le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) fonctionnerait bien ; on peut s'interroger sur le bien-fondé d'une telle affirmation lorsque l'on sait que des tribunaux indemnisent les victimes à des montants trois fois supérieurs.

Surtout, on peut se poser des questions sur le mode de fonctionnement de ce fonds et sur les motifs qui guident ses décisions. Les décisions du conseil d'administration relatives au barème de l'indemnisation sont en effet révisées à la baisse d'une réunion à l'autre, en l'espace de quelques mois. Entre-temps, la composition du conseil a été opportunément modifiée par l'adjonction de deux nouveaux membres issus des rangs du Medef, ce qui apparente la procédure suivie à un véritable « coup d'Etat ».

L'annonce du rapporteur de s'en remettre au groupe d'études sur l'amiante suscite une grande stupéfaction : sans remettre en cause le travail, bien réel, fourni par le rapporteur, il ne constitue pas à l'évidence le cadre convenable pour résoudre un problème aussi important. La majorité et le gouvernement devraient prendre garde à ce que la décision qu'ils s'apprêtent à prendre ne se retourne pas demain contre eux.

Après avoir indiqué avoir été lui-même été exposé à l'amiante et indiqué qu'il enterre chaque semaine un ami victime de ce drame, M. Maxime Gremetz a fait part de sa grande tristesse. Les propos du rapporteur démontrent que tous ne mesurent pas à sa juste valeur le drame de l'amiante, non pas seulement dans sa dimension financière, mais dans les situations personnelles et familiales dramatiques qu'il entraîne. Il faut absolument tirer les enseignements de ce drame qui a conduit, sous la précédente législature, à instituer des procédures d'indemnisation et notamment le FIVA.

Pourquoi, pendant plus de trente ans, alors que les dangers de l'amiante étaient connus, les pouvoirs publics n'ont-ils rien fait ? Et si l'indemnisation existe, des remarques sont toutefois à apporter. Il y a d'une part les victimes qui ont travaillé dans une entreprise dont le nom figure sur la liste nationale recensant les établissements à risque : pour celles-là, la prise en charge est de droit et se traduit par un droit à une année de retraite supplémentaire pour trois années passées dans l'entreprise. Pour les autres victimes, en revanche il leur est très difficile de se voir reconnaître le préjudice subi. C'est notamment le cas des dockers de Dunkerque, lesquels ont pourtant été amenés à décharger des bateaux entiers de fibres d'amiante en provenance d'Afrique du sud.

Plus grave encore, faute d'avoir bien pris la mesure de la catastrophe de l'amiante, les pouvoirs publics s'apprêtent à reproduire les mêmes erreurs avec les éthers de glycol, à cette différence près, importante, que les effets sur la santé de ces produits ne se font pas uniquement sentir auprès des professionnels mais également auprès des consommateurs, étant donné la très grande diffusion de ces produits que l'on retrouve aussi bien dans les peintures que dans les produits de beauté.

Il faut bien avoir à l'esprit que les décisions de justice concernent des plaintes émanant de personnes. Si, sur un problème aussi fondamental pour la santé publique et d'une telle ampleur, une commission d'enquête n'est pas créée, c'est à croire qu'aucune structure de cette sorte ne verra le jour à l'avenir. Cette décision est de nature à alimenter le « non » lors du référendum relatif à la constitution européenne. Que les députés ne se donnent pas à eux-mêmes cette possibilité de s'informer et d'aborder le problème en profondeur est à désespérer du Parlement.

Mme Cécile Gallez a tout d'abord souligné que, s'il ne leur semble pas opportun de créer une commission d'enquête, les commissaires de la majorité sont très loin d'être insensibles à ce problème. Dans le Valenciennois, par exemple, les activités de l'entreprise Eternit ont été à l'origine du décès prématuré de nombreux salariés exposés à l'amiante. De prime abord, il pourrait donc sembler utile d'approfondir cette question dans le cadre d'une commission d'enquête.

Toutefois, les plans annoncés par le ministre chargé de la cohésion sociale, M. Jean-Louis Borloo, et par le ministre délégué aux relations du travail, M. Gérard Larcher, comportent de nombreuses mesures tendant à renforcer significativement la sécurité et les contrôles sanitaires en milieu professionnel. En outre, la vente de logement doit faire désormais l'objet de diagnostics visant à détecter et à mesurer la présence de plomb ou d'amiante et à en informer l'éventuel acquéreur.

Il s'agit d'un problème grave puisque l'amiante provoque un grand nombre de décès. Pour autant, il est difficile de comprendre ce que changerait la création d'une commission d'enquête, à présent que l'encadrement réglementaire est significativement renforcé et alors que rien n'a été fait sur ce sujet au cours de la précédente législature.

M. Christian Kert, président, a jugé souhaitable que les commissaires ne se renvoient pas à la figure les responsabilités des gouvernements précédents.

M. Alain Néri s'est déclaré stupéfait devant la réaction de la majorité. Cette question transcende les clivages politiques, ce dont témoigne le dépôt concomitant de plusieurs propositions de création d'une commission d'enquête par trois groupes politiques différents. Dans le même sens, la création d'un groupe d'études sur l'amiante au sein de l'Assemblée nationale a suscité un grand espoir quant au sort réservé à ces propositions de résolution.

La position du rapporteur est donc difficilement compréhensible : pour quelles raisons voudrait-on en effet bloquer une initiative parlementaire, qui pourrait pourtant permettre de faire avancer les choses et remédier à plusieurs problèmes dans ce domaine ? A titre d'exemple, le Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA), créé en 1999, et le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), créé en 2001, sont aujourd'hui victimes du désengagement de l'Etat, puisque la loi de finances pour 2005 ne prévoit aucune mesure particulière en leur faveur. Alors que 50 à 60 000 décès supplémentaires sont à prévoir, le Parlement ne saurait se dessaisir de ce problème. Même si des procédures judiciaires sont actuellement engagées, il faut en appeler à la conscience et à l'humanité de l'ensemble des commissaires.

Après avoir exprimé le souhait que l'on ne se trompe pas de débat, M. Pascal Ménage a indiqué qu'en tant que médecin clinicien il est tout à fait conscient des risques et des conséquences liés à l'exposition à l'amiante. Ces risques sont par ailleurs bien connus aujourd'hui. Le principal problème concerne désormais l'avenir et la nécessité de soumettre les entreprises à une obligation de transparence totale quant aux risques sanitaires présentés par leurs activités. A cet égard, le projet de directive de l'Union européenne appelé « REACH » constitue une amélioration majeure.

Il s'agit bien d'un drame et l'on aurait tort de penser que les députés de la majorité n'accordent aucune attention à ce problème. Pour autant, on ne comprend pas bien en quoi une commission d'enquête permettrait d'apporter de nouveaux éléments épidémiologiques et sanitaires sur cette question.

M. Ghislain Bray a déclaré que tous les matins il se lève en ayant peur car il a travaillé dans un établissement scolaire où ont été constatés plusieurs cancers causés par l'exposition à l'amiante. Il est impossible de faire l'impasse sur le drame de l'amiante qui dépasse les clivages politiques. Eluder ce problème reviendrait à commettre une grave erreur de fond.

M. Jean-Marie Le Guen a estimé qu'il est d'abord nécessaire de considérer cette question d'un point de vue humain : le refus de créer cette commission d'enquête risque d'être très mal ressenti par les victimes de l'amiante . Ensuite, l'objet de cette commission d'enquête ne serait aucun cas de stigmatiser, voire de diaboliser, le rôle des uns ou des autres dans cette situation. Il serait bon de reconnaître que toutes les conséquences de ce drame n'ont pas été tirées, puisque par exemple, la question de l'amiante continue d'être soumise à la tutelle du ministère du travail alors que les intérêts en termes de santé publique devraient naturellement prévaloir.

Enfin, la commission n'aurait pas non plus pour principal objet d'étudier la dimension épidémiologique de ce problème, mais d'évaluer et de renforcer l'organisation des pouvoirs publics, dont tous sont responsables. Personne n'a encore réussi à mettre en place des structures adaptées, efficaces et indépendantes pour faire face à ce problème. Jusqu'à présent, les arbitrages en matière de santé, en raison de l'organisation même des pouvoirs publics, ne servent justement pas la santé. Le refus de créer la commission d'enquête constitue une preuve supplémentaire du manque d'indépendance des pouvoirs publics à ce sujet.

De nombreux problèmes demeurent en effet en suspens, notamment l'absence d'abondement du FIVA par l'Etat, alors même que celui-ci a des responsabilités directement liées à son statut d'employeur public. En outre, les conditions de reconnaissance et de réparation des victimes de l'amiante sont parfois insatisfaisantes. En tout état de cause, il faut souligner que le Parlement n'est pas là pour protéger des intérêts catégoriels ou d'une personne en particulier. D'ailleurs, le groupe majoritaire disposerait de la majorité au sein de cette commission d'enquête, qui permettrait de remettre à plat l'ensemble des procédures actuelles et de mettre en évidence les éléments qui ont conduit à une telle faillite du système sanitaire.

En définitive, refuser la création de cette commission d'enquête serait une grave faute politique, car on ne peut pas éluder de la sorte un problème de cette nature. L'opposition n'entend d'ailleurs pas renoncer à cette proposition de résolution et plus largement à l'ouverture de ce débat. Les députés de la majorité doivent en conséquence être conscients qu'ils devront assumer toutes leurs responsabilités sur ce sujet, le cas échéant prochainement par un vote en séance publique.

M. Maxime Gremetz a rappelé que les propositions de résolution qu'il souhaite défendre concernent à la fois l'amiante et les éthers de glycol. S'agissant en premier lieu de l'amiante, il est très important de faire le point sur l'état des connaissances actuelles et sur la nature des conséquences à en tirer pour les pouvoirs publics. Cette question, qui ne doit pas être envisagée de façon politicienne, concerne en réalité tout le monde. Il est très grave que rien n'ait été fait pendant vingt ans, alors que les terribles risques sanitaires présentés par l'exposition à l'amiante étaient connus de tous. Quant aux risques sanitaires liés aux éthers de glycol ils constituent un phénomène nouveau, dont il est important de prévenir le développement afin d'éviter qu'un drame tel que celui de l'amiante ne se reproduise au cours des prochaines années. Il est évident que les exigences de santé publique doivent dépasser toute forme de querelle politicienne.

M. Patrick  Roy a également rappelé que l'objet de la commission d'enquête ne serait certainement pas de mettre en cause un gouvernement. Il est temps en revanche, après une telle faillite collective, que l'Assemblée nationale se saisisse enfin de cette question. Alors que le dépôt de propositions de résolution par trois groupes politiques différents, la création du groupe d'études sur l'amiante et l'investissement important de son président, M. Jean Lemière, ont suscité de grandes espérances quant à la possible création de cette commission, le refus opposé par la majorité ne peut que susciter un sentiment de profonde tristesse, voire de colère.

La création de cette commission serait également une preuve de respect vis-à-vis des victimes de l'amiante et les propos tenus par le rapporteur ne peuvent qu'être très mal perçus par celles-ci. Il est aujourd'hui essentiel d'apporter des réponses concrètes à ce problème qui nous concerne tous. C'est donc à un vote historique que va procéder la commission. Ceux qui s'opposeront à la création de cette commission d'enquête parlementaire auront à l'avenir une lourde responsabilité à assumer.

Mme Pascale Gruny s'est déclarée concernée de près par le dossier de l'amiante, à la fois pour des raisons familiales et professionnelles. Depuis trois ans, une directive européenne relative à l'évaluation des risques en milieu professionnel s'applique mais les objectifs fixés par ce texte sont difficiles à imposer aux entreprises. Une grande avancée a néanmoins déjà été réalisée en matière de prévention des risques. Relevant le caractère très sensible du sujet, elle a suggéré une suspension de séance.

M. Christian Kert, président, a signalé que la question de l'amiante peut relever des questions susceptibles d'être traitées par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui peut être saisi par la commission.

En réponse aux intervenants, et après avoir souligné qu'il est lui aussi sensible au caractère éminemment délicat du dossier, le rapporteur a rappelé qu'il n'a pas instruit sur le fond le dossier de l'amiante. Il lui appartient d'éclairer les députés amenés à voter sur les quatre propositions de résolution proposant la constitution d'une commission d'enquête.

En effet, une commission d'enquête n'apportera rien à ce dossier. La justice était saisie de plaintes, le travail de la commission d'enquête sera donc susceptible d'être entravé tant que la justice n'aura pas statué ; en fait, les demandes de constitution de commission d'enquête arrivent trop tard.

Parallèlement, le groupe d'études de l'Assemblée nationale sur l'amiante a accompli un travail considérable. Mais il est nécessaire, à présent, d'apporter des solutions, notamment en matière d'indemnisation. Il est indispensable de passer à l'action. On connaît les causes et les voies de la contamination. Cela est particulièrement vrai en matière d'éthers de glycol puisque le ministère du travail a commandé sur la question des expertises qui ont été rendues en octobre 1999. Il faut maintenant assurer le suivi du dossier.

Une commission d'enquête sur l'amiante n'atteindra donc pas les buts recherchés. Même si chacun votera en son âme et sa conscience, il serait préférable de mettre en place une structure de suivi de ce qui a été réalisé. C'est d'ailleurs pour ces mêmes raisons qu'une proposition de commission d'enquête relative à l'amiante et aux éthers de glycol avait déjà été rejetée par la commission en 2003.

M. Jean Le Garrec a fait valoir la complexité de la question que les parlementaires suivent depuis plusieurs années. C'est la première fois que quatre groupes parlementaires, dont le groupe majoritaire, déposent une proposition de constitution d'une commission d'enquête sur un même sujet. Les députés devront s'expliquer devant la population sur les raisons du refus de donner suite à ces propositions.

Contrairement à ce qui a été avancé, des commissions d'enquête ont abouti à des résultats très positifs, comme ce fut le cas pour le financement des partis politiques. L'objet de la commission d'enquête n'est pas de rechercher des responsabilités juridiques mais de savoir, dans le cadre de la législation en vigueur et compte tenu des conditions de travail et des risques prévisibles, si toutes les précautions et toutes les conditions de maîtrise du problème de l'amiante sont prises. La commission d'enquête peut apporter des réponses à ces questions. Les députés connaissent des entreprises qui traitent ce problème avec légèreté ou sans précaution.

Ce travail ne relève pas de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, mais des prérogatives même de contrôle et d'enquête du Parlement. Ce serait une lourde erreur politique que de renoncer à exercer ce rôle.

M. Dominique Tian a demandé si la création d'une commission d'enquête conduirait à retarder les procédures en cours. Si ce n'est pas le cas, il conviendrait de réfléchir aux suites à donner à ces quatre propositions.

Le rapporteur a rappelé que le principe de séparation des pouvoirs interdit au Parlement de mener des enquêtes sur des affaires judiciaires en cours. Le Sénat en a pris acte et a renoncé à constituer une commission d'enquête au profit d'une mission d'information. Le travail d'une commission d'enquête aurait en effet été très difficile.

M. Christian Kert, président, a souligné l'impossibilité pour une commission d'enquête de procéder à des investigations sur les domaines dont est saisie la justice. La proposition de création d'une mission d'information est donc mieux adaptée à la situation.

M. Maxime Gremetz a objecté qu'à la différence des commissions d'enquête, les missions d'information ne peuvent pas procéder à des auditions sous serment. En outre, les commissions d'enquête doivent rendre rapidement leurs conclusions.

M. Laurent Wauquiez a souligné que la jurisprudence n'est pas stabilisée, notamment sur les conditions d'indemnisation. Il serait donc risqué pour la commission d'enquête de présenter des recommandations qui pourraient être prises en défaut par les décisions de la Cour de cassation. Ce contre-pied judiciaire pourrait décrédibiliser le travail parlementaire. Il serait donc préférable d'attendre les décisions de principe de la Cour de cassation qui devraient intervenir rapidement.

M. Maxime Gremetz a fait remarquer qu'on ne peut ainsi oublier le sort de milliers de morts.

Mme Catherine Génisson a souligné que chacun a, de près ou de loin, connu ce drame de l'amiante. Mais les arguments relatifs au caractère tardif de la création d'une commission d'enquête sont contraires aux propos tenus par ailleurs par le rapporteur.

Face au drame de la canicule, alors que de nombreuses enquêtes judiciaires étaient en cours, les parlementaires ont pu successivement créer une mission d'information puis une commission d'enquête sur cette question, qui ont toutes deux donné lieu à des propositions. Certes, il ne s'agit pas de rapprocher de manière indue ces deux drames mais il reste que, dans chacun des cas, les situations ont été extrêmement préoccupantes et les décès nombreux. Les commissaires ne doivent donc pas être réticents à l'adoption des résolutions qui, d'ailleurs, émanent de groupes politiques différents.

M. Frédéric Reiss a convenu qu'on peut se trouver mal à l'aise face à ce sujet. Mais il faut aussi souligner le sérieux du travail effectué par le rapporteur, qui n'a pas pris à la légère cette question. L'opposition comme la majorité ont pris conscience tardivement d'un problème qui remonte à trente, voire cinquante ans. La dimension émotionnelle du débat est indéniable : chacun est concerné, directement ou indirectement.

Toutefois, un certain nombre de mesures ont d'ores et déjà été mises en place. Elles touchent le secteur du bâtiment ; les exemples de l'université de Jussieu ou du « diagnostic amiante » peuvent aussi être donnés ; des dispositifs d'indemnisation ont été mis en place. Certes, le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) ne donne pas toujours entière satisfaction. Par ailleurs, des milliers de procès sont engagés, sans compter tous ceux qui pourraient l'être. Cette demande de création d'une commission d'enquête arrive très tard, le mal est fait. Mais les mesures mises en place aujourd'hui semblent à même d'assurer qu'un tel drame ne se reproduise plus à l'avenir.

M. Christian Kert, président, a souligné le fait que le travail du rapporteur n'est pas mis en cause.

M. Dominique Tian a demandé que le vote soit reporté et que la commission suspende ses travaux afin que les membres du groupe UMP puissent se réunir.

(La réunion est suspendue.)

M. Christian Kert, président, a indiqué qu'après délibération du groupe UMP le rapporteur maintient sa proposition de rejet de l'ensemble des demandes de création de commissions d'enquête et propose à la commission de se prononcer sur la création d'une mission d'information.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté les propositions de résolutions nos 2044, 2049 et 2091.

Préalablement au vote sur la proposition de résolution n° 2050, tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires, sociales et économiques de l'exposition professionnelle aux éthers de glycol, M. Maxime Gremetz a fait observer qu'il n'est pas justifié que la décision de la commission mêle ainsi les deux thèmes de l'amiante et des éthers de glycol. Les arguments utilisés, relatifs, en particulier, au caractère tardif de l'intervention parlementaire, ne valent pas pour le thème des éthers de glycol.

M. Jean Le Garrec a estimé que les arguments juridiques et d'opportunité utilisés pour repousser les propositions de résolution ne valent pas pour les conséquences de l'exposition professionnelle aux éthers de glycol.

M. Alain Néri a fait remarquer que dans une dissertation pour le baccalauréat, l'explication du rapporteur serait qualifiée de « hors sujet ».

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté la proposition de résolution n° 2050.

Le rapporteur a déclaré qu'à la suite des propos échangés, qui ont permis à chacun de se prononcer, il semble que la seule manière d'atteindre l'objectif fixé consiste à créer une mission d'information, comme cela a été fait au Sénat.

M. Jean-Marie Le Guen a fait observer que les demandes de commissions d'enquêtes discutées ce jour sont fondées sur des propositions de résolution qui en précisent le périmètre. Quelle serait l'étendue du mandat assigné à une telle mission d'information ? Il n'est pas sérieux de procéder ainsi : une telle méthode s'apparente à du bricolage.

Le président Jean-Michel Dubernard a déclaré qu'on ne peut qu'être sensible aux arguments techniques développés par le rapporteur, qui conclut au caractère inadéquat d'une commission d'enquête en l'espèce. Par ailleurs, la possibilité de la saisine de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques doit être gardée à l'esprit. En outre, c'est au bureau de la commission qu'il appartient de décider de la création d'une mission d'information et d'en définir les objectifs. Enfin, étant donné l'importance du problème, la question se pose de savoir si ce thème pourrait donner lieu à la création d'une mission d'information par la Conférence des Présidents en application du troisième alinéa de l'article 145 du Règlement de l'Assemblée nationale. Cette question pourrait être évoquée par les présidents de groupe avec le Président de l'Assemblée nationale.

M.  Jean-Marie Le Guen a approuvé cette dernière suggestion.

M. Alain Néri s'est également dit sensible à la proposition de création d'une mission d'information par la Conférence des Présidents. Il existe en effet de réelles inquiétudes en raison de l'absence de documents appuyant la création d'une mission d'information par la commission. L'approuver reviendrait à donner un « chèque en blanc » au rapporteur, dont le travail n'est pas pour autant remis en cause.

M. Maxime Gremetz a considéré que la création d'une mission d'information n'a pas de sens en l'absence de définition d'un périmètre d'étude, précisant en particulier quel traitement est réservé aux questions respectives de l'amiante et des éthers de glycol. Par ailleurs, la proposition relative à la saisine de la Conférence des Présidents paraît plus satisfaisante.

M.  Jean-Marie Le Guen a rappelé que, dans son rapport, le rapporteur conclut au rejet des propositions de création de commissions d'enquêtes en se fondant sur deux types d'arguments. Les premiers ont trait à l'existence d'informations judiciaires en cours sur cette question mais le rapporteur ne conclut pas pour autant à une impossibilité juridique absolue de créer une commission d'enquête. Les seconds ont trait à l'opportunité d'une telle création. Le rapporteur estime que l'exposition à l'amiante constitue un sujet désormais bien documenté et qui fait l'objet de mécanismes d'indemnisation efficaces, que les éthers de glycol présentent des risques et des dangers qui ont été pris en compte et que la santé au travail constitue l'une des priorités de la majorité, pour conclure qu'il n'est pas opportun de créer une commission d'enquête. Sur la base de cette argumentation, considérant que les difficultés juridiques ne sont pas insurmontables et que les préoccupations de fond ont déjà été prises en compte par la majorité, on peut se demander selon quelle logique il conviendrait de faire droit à la création d'une mission d'information, alors qu'on vient de repousser la création d'une commission d'enquête ! Cela dit, il est important que ce sujet soit traité et si la discussion permet d'accomplir des progrès sur la voie de la résolution de ces questions, c'est indéniablement une bonne chose.

Le rapporteur a précisé que la création d'une commission d'enquête n'est, en effet, pas impossible juridiquement. Néanmoins, cette commission verrait son champ d'investigation restreint puisque certaines personnes ne pourraient être auditionnées et que d'autres pourraient refuser de se rendre à ses convocations. A l'inverse, une mission d'information, dont le périmètre serait clairement fixé, serait beaucoup plus efficace et permettrait au moins de faire le point sur les mesures mises en place et les financements débloqués. Elle aurait donc un rôle plus positif.

M. Christian Kert, président, s'est félicité de la proposition du président Jean-Michel Dubernard, rappelant que les préoccupations exprimées sont toutes sincères et que personne n'est insensible au grave problème de société soulevé par l'exposition à l'amiante ou aux éthers de glycol.

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N° 2232 - Rapport tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences de l'exposition à l'amiante (éthers de glycol) (Maurice Giro)

1 () Décret n° 2002-839 du 3 mai 2002 modifiant le décret n° 96-97 du 7 février 1996 relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à une exposition à l'amiante dans les immeubles bâtis.

Décret n° 2001-1316 du 27 décembre 2001 modifiant le décret n° 96-1133 du 24 décembre 1996 relatif à l'interdiction de l'amiante, pris en application du code du travail et du code de la consommation.

Décret n° 2001-840 du 13 septembre 2001 modifiant le décret n° 96-97 du 7 février 1996 relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à une exposition à l'amiante dans les immeubles bâtis et le décret n° 96-98 du 7 février 1996 relatif à la protection des travailleurs contre les risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante.

Décret n° 97-855 du 12 septembre 1997 modifiant le décret n° 96-97 du 7 février 1996 relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à une exposition à l'amiante dans les immeubles bâtis.

Décret n° 96-1133 du 24 décembre 1996 relatif à l'interdiction de l'amiante, pris en application du code du travail et du code de la consommation.

Décret n° 96-97 du 7 février 1996 relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à une exposition à l'amiante dans les immeubles bâtis (modifié par les décrets du 3 mai 2002 et du 24 décembre 2002).

2 () « Rapport sur la gestion politique et administrative du problème de santé publique posé par l'amiante en France », Pr Claude Got.

3 () Réponse (JO du 15 février 2005) à la question n° 41687 de M. Patrick Roy, député.

4 () Assemblée du contentieux sur le rapport de la 2ème sous-section, n° 241153, séance du 20 février 2004 Lecture du 4 mars 2004, Ministre de l'emploi et de la solidarité c/ consorts Xueref.

5 () Assemblée nationale, 2e séance du jeudi 28 octobre 2004.

6 () Question n° 45700 de M. Yvon Lachaud, député, réponse publiée au Journal officiel le 25 janvier 2005.

7 () Les effets sont prouvés chez l'animal mais seulement présumés chez l'homme.

8 () Les développements qui suivent sont fondés sur la documentation donnée sur le site Internet du ministère des solidarités, de la santé et de la famille, « Ethers de glycol, le plan d'action interministériel », à jour de mars 2005.

9 () Arrêté du 28 octobre 2004 modifiant l'arrêté du 7 août 1997 modifié relatif aux limitations de mise sur le marché et d'emploi de certains produits contenant des substances dangereuses.

10 () Réponse ministérielle à une question orale de M. Roland Muzeau, Sénateur (JO Sénat du 16 février 2005).

11 () OSPA, Association européenne des producteurs de solvants oxygénés et FIPEC, Fédération des industries des peintures, encres, couleurs, colles et adhésifs.

12 () La loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement édicte la Charte de l'environnement et inscrit dans le Préambule de la Constitution une référence à celle-ci.

13 () IGAS, rapport annuel 2003, « Pour une politique de prévention durable ».

14 () Rapport n° 563 de M. Pierre-Louis Fagniez, 27 janvier 2003.


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