N° 2282 - Rapport de M. Édouard Courtial sur le projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes (2214)




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N° 2282

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 mai 2005.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI (n° 2214) relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes

PAR M. Edouard COURTIAL

Député.

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INTRODUCTION 7

I.- LA LONGUE MARCHE VERS L'ÉGALITÉ DE RÉMUNÉRATION 11

A. DE NOMBREUSES LOIS À PARTIR DE 1972 11

1. Le droit préexistant à la loi du 22 décembre 1972 11

2. La loi du 22 décembre 1972 ou l'établissement (déjà) d'un socle garantissant, en plusieurs strates successives, l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes 12

3. La loi « Roudy » du 13 juillet 1983 ou l'introuvable définition de la « valeur égale » du travail ? 16

4. La loi du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes 18

a) Le dispositif de la loi 18

b) Les premiers bilans de la loi du 9 mai 2001 19

5. La loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations 20

B. L'ÉTAT DES LIEUX AUJOURD'HUI : LA DISTORSION PERSISTANTE ENTRE LE DROIT ET LES FAITS 21

C. LES MESURES PROPOSÉES PAR LE PRÉSENT PROJET DE LOI 25

II.- L'EXERCICE PAR LES FEMMES DE LEUR ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE 27

A. LA QUESTION PRÉOCCUPANTE DE LA CONCILIATION ENTRE L'ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE ET L'EXERCICE DE LA RESPONSABILITÉ FAMILIALE 27

1. Des efforts ont d'ores et déjà été entrepris pour rendre plus aisée la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale 27

2. L'état des lieux : 40 % des actifs interrogés considèrent que la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale est difficile 28

3. Les mesures proposées par le présent projet de loi 28

B. L'ACCÈS DES FEMMES À DES INSTANCES DÉLIBÉRATIVES ET JURIDICTIONNELLES 29

1. L'état des lieux 29

a) L'accès des femmes aux fonctions dirigeantes dans les secteurs privé et public 30

b) L'accès des femmes aux fonctions juridictionnelles 31

2. Les mesures proposées 32

C. L'ACCÈS DES FEMMES À LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET À L'APPRENTISSAGE 32

1. L'état des lieux 32

a) La formation professionnelle initiale 32

b) La formation professionnelle continue 33

c) L'apprentissage 34

2. Les mesures proposées 35

III.- LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION 37

TRAVAUX DE LA COMMISSION 39

I.- AUDITION DE LA MINISTRE 39

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE 51

III.- EXAMEN DES ARTICLES 53

TITRE IER : SUPPRESSION DES ÉCARTS DE RÉMUNÉRATION 53

Article 1er : Prise en compte de l'incidence de la prise d'un congé de maternité ou d'adoption sur la rémunération du salarié à la suite de son congé 53

Article 2 : Égalité salariale en matière d'intéressement ou de distribution d'actions - Inclusion de l'état de grossesse dans la liste des motifs de discriminations 58

Après l'article 2 63

Article 3 : Relance avant le 31 décembre 2010 de la négociation collective dans les branches en vue de la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes 64

Après l'article 3 72

Article 4 : Relance avant le 31 décembre 2010 de la négociation collective dans les entreprises en vue de la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes 72

Après l'article 4 78

TITRE II : CONCILIATION DE L'EMPLOI ET DE LA PARENTALITÉ 81

Article 5 : Rapport sur la situation comparée des conditions d'emploi et de formation des femmes et des hommes dans l'entreprise 81

Après l'article 5 86

Article 6 : Prise en compte de l'égalité professionnelle dans l'établissement d'un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences 86

Après l'article 6 88

Article 7 : Aide de l'Etat au remplacement d'un salarié en congé de maternité ou d'adoption dans les petites entreprises 89

Après l'article 7 93

Article 8 : Majoration de l'allocation de formation des salariés pour favoriser la garde d'un enfant pendant une période de formation hors du temps de travail 94

Article 9 : Extension du champ d'application du « crédit d'impôt famille » pour faciliter l'accès à la formation des salariés revenant d'un congé parental d'éducation et changeant d'employeur 96

Article 10 : Aménagement de la charge de la preuve au bénéfice des salariées discriminées en raison de leur état de grossesse 98

Article 11 : Droit à demander des dommages-intérêts en cas d'inobservation de dispositions relatives à la protection de la maternité et à l'éducation des enfants 102

Après l'article 11 104

Article 12 : Garantie pour les salariés au retour d'un congé de maternité ou d'adoption d'un droit à l'indemnité de congés payés 104

Article additionnel après l'article 12 : Prolongation du congé parental au-delà des trois ans de l'enfant 106

Article additionnel après l'article 12 : Exclusion de l'effectif de l'entreprise des salariés remplaçant des personnes en congés de maternité, d'adoption ou parental d'éducation 107

Article additionnel après l'article 12 : Prise en compte de la période d'absence du salarié du fait d'un congé de maternité ou d'adoption pour la détermination du droit individuel à la formation 107

Titre II 107

TITRE III : ACCÈS DES FEMMES À DES INSTANCES DÉLIBÉRATIVES ET JURIDICTIONNELLES 108

Avant l'article 13 108

Article 13 : Représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d'administration des entreprises publiques 108

Après l'article 13 112

Article additionnel après l'article 13 : Respect de la proportion d'hommes et de femmes dans les collèges électoraux pour l'élection des délégués du personnel 112

Article additionnel après l'article 13 : Respect de la proportion d'hommes et de femmes dans les collèges électoraux pour l'élection des délégués des comités d'entreprise 113

Article additionnel après l'article 13 : Parité dans les conseils d'administration et de surveillance des entreprises publiques visées à l'article 5 de la loi du 26 juillet 1983 113

Article additionnel après l'article 13 : Parité dans les conseils d'administration et de surveillance des entreprises publiques visées à l'article 6 de la loi du 26 juillet 1983 113

Article 14 : Parité dans les élections prud'homales 114

TITRE IV : ACCÈS À LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET À L'APPRENTISSAGE 118

Article 15 : Égalité dans l'accès à la formation professionnelle et à l'apprentissage 118

Après l'article 15 122

Article additionnel après l'article 15 : Formation à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes 122

TABLEAU COMPARATIF 123

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 145

ANNEXES 153

ÉTUDE SUR L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES DANS DES PAYS DE L'UNION EUROPÉENNE ET AUX ÉTATS-UNIS 153

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 183

INTRODUCTION

Aux frontières des champs sociaux, économiques et politiques, la discussion du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, qui s'engage aujourd'hui en première lecture devant l'Assemblée nationale, a des enjeux multiples.

Enjeux sociaux bien sûr, conformément à l'annonce effectuée par le Président de la République au début de l'année 2005, lors de la cérémonie des vœux aux forces vives de la Nation, à l'occasion de laquelle il a affirmé que serait présenté sans tarder un projet de loi pour que les accords d'entreprise fixent des objectifs chiffrés en vue de parvenir à l'égalité salariale dans un délai maximum de cinq ans.

Enjeux économiques aussi, comment l'ignorer ? Les débats sur la relance de l'emploi sont trop prégnants pour qu'aucune piste puisse être sérieusement écartée - et notamment au regard des nouveaux équilibres démographiques, liés aux nombreux départs à la retraite dans les années à venir. Favoriser, comme le propose le présent projet, la conciliation entre emploi et exercice de la parentalité, c'est œuvrer, au moins indirectement, à cette cause.

Enjeu politique et symbolique, car la présente discussion dépasse les querelles de chiffres. La place de la femme dans notre société, dans la vie de la cité, doit être toujours et encore au cœur des débats contemporains. C'est beaucoup plus le cas aujourd'hui qu'il y a vingt ans - il faut s'en réjouir. Mais ce mouvement peut encore être renforcé et pérennisé.

Il existe - pourquoi ne pas le reconnaître - des sceptiques. Que n'a-t-on entendu sur l'impuissance de la loi à faire évoluer les mentalités ! Comme si celle-ci était d'emblée disqualifiée dès lors qu'elle entrait dans le jeu du social. Sans ouvrir une discussion dont le caractère philosophique ou sociologique dépasserait quelque peu le cadre ici imparti, comment ne pas rappeler que l'intervention du législateur, si souvent décriée en cette matière, date de plus de trente ans, et que, si elle n'a pas produit tous ses effets, elle en a toutefois produit certains, comme l'atteste la constante diminution des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes depuis une cinquantaine d'années, jusqu'au milieu des années quatre-vingt-dix ?

Entre volontarisme naïf et défaitisme, il y a une voie à trouver, que le présent projet trace. Celui-ci se donne certes un objectif ambitieux. Mais si l'objectif est unique et singulier, les moyens sont nombreux et la méthode originale.

La méthode découle en premier lieu du cheminement qui a permis la naissance de ce projet de loi, cheminement jalonné de nombreuses étapes depuis près de trois ans déjà.

Les réunions périodiques, en particulier sous forme de tables rondes, avec les partenaires sociaux, ont permis un travail commun et fructueux. Le 1er mars 2004, la signature à l'unanimité des partenaires sociaux de l'accord national interprofessionnel relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes a constitué une étape importante et le 8 mars avait lieu la remise officielle au Premier ministre de la charte de l'égalité entre les hommes et les femmes - forme de feuille de route de l'ensemble des acteurs qui y adhèrent -, cependant que le ministère de la parité et de l'égalité professionnelle travaillait au lancement du « label égalité », officialisé le 28 juin 2004, qui vise à valoriser tout organisme ayant mis en œuvre des actions exemplaires en matière d'égalité professionnelle.

Le législateur n'a pas été en reste puisque la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 a permis de consacrer deux dispositions qui figuraient dans l'accord national interprofessionnel, destinées à favoriser la reprise de l'activité professionnelle à l'issue d'un congé de maternité ou d'un congé parental d'éducation. Plusieurs mois avant, la loi du 4 mai 2004 avait consacré l'existence d'un indicateur de progression du taux d'accès des femmes aux différents dispositifs de formation.

Ce ne sont là que quelques-unes des étapes apparentes de ce qui constitue un chemin. Ce projet ne peut se lire qu'au travers de cette ligne plus générale même s'il est aussi porteur d'une certaine singularité, par la méthode qu'il propose, laissant place à la fois à la confiance envers les partenaires sociaux et à l'intervention nécessaire de l'Etat.

Afin de supprimer les écarts salariaux entre les femmes et les hommes - objectif qui se distingue par sa radicalité, et auquel est consacré le titre Ier du projet -, le projet contient des mesures à la fois particulières (concernant notamment la progression de la rémunération des femmes pendant le congé de maternité) et générales, puisque les branches comme les entreprises sont incitées à conclure des accords destinés à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, incitation qui comporte de nombreux « verrous » en assurant l'effectivité, jusqu'à l'établissement, à moyen terme, d'une contribution assise sur les salaires en cas d'inobservation de ces règles.

Au profit du développement de l'activité professionnelle des femmes ensuite, de nombreuses mesures visent, dans le titre II, à faciliter la conciliation de l'emploi et de la parentalité, qu'il s'agisse de la prise en compte de cet objectif dans la négociation collective, d'aides à l'attention des salariés pour faciliter les conditions de suivi d'une formation professionnelle, de la prise de congés payés en cas de maternité, ou encore de l'attribution d'une aide aux employeurs pour remplacer un salarié en congé de maternité ou d'adoption.

Mais les titres III et IV du projet comprennent deux dimensions supplémentaires, que constituent l'accès des femmes à des instances délibératives et juridictionnelles, au premier rang desquelles les conseils d'administration des entreprises publiques et les conseils de prud'hommes, ainsi que l'accès à la formation professionnelle et à l'apprentissage.

Telles sont donc les principales mesures contenues dans ce projet de loi : dispositions prometteuses qui ne constituent pas une fin en soi, mais dont il faut souhaiter qu'elles continuent d'inspirer encore de nombreuses réalisations sur la voie d'une égalité salariale et professionnelle qui, comme tout chemin, est le fruit d'un équilibre qui doit en permanence être redéfini.

*

I.- LA LONGUE MARCHE VERS L'ÉGALITÉ DE RÉMUNÉRATION

L'égalité salariale constitue un objectif poursuivi par le législateur depuis plus d'une trentaine d'années. Il importe, avant d'envisager la situation qui prévaut aujourd'hui, ainsi que les mesures contenues dans le présent projet, de revenir sur cette évolution qui contribue très largement à faciliter la compréhension de l'état des lieux de l'égalité salariale ainsi que des outils disponibles pour la favoriser.

A. DE NOMBREUSES LOIS À PARTIR DE 1972

De 1972 à 2001, de nombreuses lois ont contribué, d'une manière ou d'une autre, à favoriser l'égalité salariale. On ne reviendra ici que sur les principales : la loi du 22 décembre 1972, la loi du 13 juillet 1983, et les lois du 9 mai et 16 novembre 2001, en privilégiant les dispositions de ces lois qui rejoignent les thèmes abordés par le présent projet.

1. Le droit préexistant à la loi du 22 décembre 1972

La loi n° 72-1143 du 22 décembre 1972 relative à l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes a posé des principes essentiels en matière d'égalité de rémunération. Mais il existait déjà des règles de droit en cette matière.

Aux termes du troisième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme ».

-  L'article 1er de la loi n° 50-205 du 11 février 1950 introduisait dans le code du travail un article 31 g aux termes duquel les conventions collectives nationales devaient contenir obligatoirement des dispositions concernant les éléments du salaire applicable par catégories professionnelles, compte tenu des « modalités d'application du principe "à travail égal, salaire égal″, pour les femmes et les jeunes ».

Il est à noter que la loi du 13 juillet 1971 relative aux conventions collectives ajoutait même à cette nécessité l'obligation pour la convention de prévoir « les procédures de règlement des difficultés pouvant naître à ce sujet ».

Plus encore, ce sont des sources de droit international qui, en cette matière, donnaient le la.

C'est ainsi que la convention de l'Organisation internationale du travail n° 100 est sans équivoque intitulée « Convention sur l'égalité de rémunération ». Elle a été adoptée dès le 29 juin 1951 et comporte quatorze articles organisant la mise en œuvre de ces principes.

Elle a été suivie de l'adoption, le 25 juin 1958, de la convention n° 111 concernant la discrimination, dont l'objet est, comme son nom l'indique, plus large, mais qui pose l'obligation pour tout Etat membre d'« appliquer une politique nationale visant à promouvoir, par des méthodes adaptées aux circonstances et aux usages nationaux, l'égalité des chances et de traitement en matière d'emploi et de profession, afin d'éliminer toute discrimination en cette matière ».

Le droit communautaire est également, dès l'origine, prolixe sur ces questions. L'article 119 du traité de Rome (devenu aujourd'hui article 141 du traité instituant la Communauté européenne) dispose ainsi : « Chaque Etat membre assure, au cours de la première étape, et maintient par la suite, l'application du principe de l'égalité de rémunération entre les travailleurs féminins et masculins pour un même travail ». Les directives seront ensuite nombreuses à détailler les modalités d'application de ce principe.

La loi du 22 décembre 1972 trouve son inspiration dans l'ensemble de ces règles. Comme le note alors la rapporteure Mme Solange Troisier (1), « la convention n° 100 comme l'article 119 du Traité [de Rome] ont dans notre pays force de loi, en vertu de l'article 55 de notre Constitution qui prévoit que "les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur application, une autorité supérieure à celle des lois sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie″ ».

Déjà en 1972, la démarche se veut pragmatique : parce que, pour reprendre les termes du rapport précité, « l'affirmation réitérée d'un principe ne suffit pas à assurer son application », le projet « s'efforce de dégager les moyens juridiques pratiques de mise en œuvre de ce principe » : à savoir la mise en œuvre de sanctions en cas de non-respect du principe (nullité de plein droit ou sanctions pénales) ainsi qu'établissement de procédures de contrôle.

2. La loi du 22 décembre 1972 ou l'établissement (déjà) d'un socle garantissant, en plusieurs strates successives, l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes

Il est important de revenir sur le détail des dispositions de ce projet, qui subsiste en effet aujourd'hui intégralement dans le chapitre préliminaire du titre quatrième consacré au salaire dans le livre Ier du code du travail, dédié aux conventions relatives au travail.

- L'article 1er de la loi de 1972 (devenu l'article L. 140-2 du code du travail) pose le principe : « Tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes ».

Ce texte constitue une synthèse entre deux expressions : celle de l'article 119 du traité de Rome (pour un même travail) et celle de la convention n° 100 de l'Organisation internationale du travail (pour un travail de valeur égale).

Le choix de la reprise de ce dernier terme était ainsi justifié dans le rapport de 1972 : sans doute est-il vrai que « cette dernière expression est plus extensive et en même temps plus délicate à manier puisqu'elle suppose déjà une opération complexe comportant un jugement de valeur et non pas une simple constatation d'identité. » Mais, dans le même temps, « elle est nécessaire si l'on veut supprimer les facteurs de discrimination indirecte ». L'avenir montrera l'insuffisance de cette solution : la loi du 13 juillet 1983 devra introduire expressément dans le code du travail des éléments permettant d'apprécier cette « valeur égale ».

Le texte donne ensuite une définition de la rémunération : à savoir « le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier ».

Cette définition était - et reste aujourd'hui - la reprise de celle figurant au deuxième alinéa de l'article 119 du traité de Rome (devenu article 141 du traité instituant la Communauté européenne), elle-même identique à celle posée par l'article 1er de la convention de l'Organisation internationale du travail n° 100.

Autrement dit, l'idée générale est la suivante : l'égalité de rémunération doit être entendue dans un sens aussi large que possible.

Néanmoins, certaines questions d'interprétation ont pu, dès l'origine, se poser : fallait-il considérer cette définition comme renvoyant de façon large à tous les éléments du salaire réel effectivement perçu (y compris des éléments subjectifs), ou alors plutôt seulement à l'ensemble des éléments objectivement mesurables du salaire ? Au motif que la prise en compte des éléments subjectifs semble difficile (2), le rapport de 1972 précité privilégiait la seconde voie : « (...) en ce domaine comme dans bien d'autres, le mieux est l'ennemi du bien et à vouloir la perfection nous risquerions d'aboutir à une loi inappliquée et inapplicable ».

La jurisprudence n'en est pas moins venue ensuite préciser, au cas par cas, quels éléments de la rémunération pouvaient ou non être pris en considération dans l'appréciation du principe d'égalité. C'est ainsi que les congés payés constituent un élément de la rémunération, selon la jurisprudence de la Cour de cassation (3).

La Cour de cassation a aussi considéré, dans un arrêt du 8 octobre 1996, que les allocations de garde d'enfants et les primes de naissance, dans la mesure où elles ne sont pas destinées à protéger la grossesse ou la maternité ou à promouvoir l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, constituent un élément de la rémunération destiné à compenser les dépenses liées à la présence d'un enfant au foyer auxquelles l'homme doit également faire face.

Il faut y ajouter la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, selon laquelle, par exemple, une prime de Noël versée volontairement par l'employeur et destinée principalement ou exclusivement à encourager le travail futur et/ou la fidélité de l'entreprise constitue une rémunération si la prestation est accordée en relation avec l'emploi (4).

-  L'article 2 de la loi du 22 décembre 1972 figure aujourd'hui à l'article L. 140-3 du code du travail.

Sa vocation est pragmatique. Il vise à préciser les moyens d'éliminer dans l'établissement des rémunérations les causes de discrimination entre les hommes et les femmes, en se plaçant sur deux plans : la corrélation entre rémunération et quantité de travail d'une part, la corrélation entre rémunération et qualité de travail ensuite.

Aux termes du premier alinéa, « les différents éléments composant la rémunération doivent être établis selon des normes identiques (5) pour les hommes et pour les femmes ». Ces normes peuvent être de deux ordres, liées au rendement ou liées au temps.

On retrouve par cette disposition l'esprit de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne selon lequel « l'égalité de rémunération sans discrimination fondée sur le sexe implique :

a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ;

b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail ».

Quant au deuxième alinéa, il pose que « les catégories et les critères de classification et de promotion professionnelles ainsi que toutes les autres bases de calcul de la rémunération, notamment les modes d'évaluation des emplois, doivent être communs aux travailleurs des deux sexes ».

Il s'agit ainsi de favoriser, autant que faire se peut, l'« objectivisation » de l'appréciation de la valeur du travail et donc de la rémunération y afférente. Comme le rappelait fort à propos le rapport précité, « traditionnellement, l'employeur revendique le pouvoir d'apprécier la valeur du travail et, partant, de la rémunération correspondante. La tendance du droit moderne est de réduire cette marge de souveraineté. La difficulté étant bien entendu de trouver un étalon de valeurs par voie conventionnelle ».

Sans doute, en théorie, peut-on calculer le salaire soit en fonction de la qualification, c'est-à-dire de l'aptitude individuelle du travailleur, soit en fonction de l'emploi, c'est-à-dire du poste de travail considéré objectivement. Mais la pratique n'est pas aussi simple.

-  L'article 3 (devenu depuis l'article L. 140-4), dans l'esprit du législateur de 1972, doit garantir l'effectivité de l'ensemble du dispositif. Par-delà le principe (article 1er) et les moyens (article 2), les sanctions sont présentées comme une garantie supplémentaire.

Aux termes du dispositif proposé, est établie une nullité de plein droit à l'encontre de toute disposition contractuelle ou conventionnelle qui aboutirait à une discrimination dans la rémunération à l'égard de l'un ou l'autre sexe, en violation des règles posées aux articles 1er et 2.

L'intérêt du dispositif est qu'il fonctionne comme « à double détente ». La nullité n'entraîne pas un vide juridique, puisque le même article prévoit expressément que dans un pareil cas, « la rémunération plus élevée dont bénéficient ces derniers travailleurs est substituée de plein droit à celle que comportait la disposition entachée de nullité ».

Naturellement, la déclaration de la nullité suppose l'intervention du juge. Comme pressenti dans le rapport de 1972, « les difficultés dans la pratique proviendront sans doute, si litige il y a, de l'appréciation de la « valeur égale » du travail ».

-  Les articles 5 et 6 (devenus respectivement articles L. 140-6 et L. 140-7 du code du travail) viennent parachever cette construction.

L'article 5 confère aux inspecteurs du travail et aux fonctionnaires de contrôle assimilés la tâche de contrôler l'application de ces dispositions. Le rapport de 1972 notait que les inspecteurs du travail disposaient d'ores et déjà d'une compétence générale en matière de contrôle de l'application des dispositions du code du travail, et que cette disposition n'était pas nécessaire, tout en concédant son mérite de « bien montrer que désormais les conditions de fixation des salaires féminins sont sous le contrôle de l'inspection du travail ».

L'article 6 prévoit l'affichage de l'ensemble de ces dispositions dans les établissements occupant du personnel féminin.

Dès 1972, un socle qui apparaît donc solide, puisque constitué de plusieurs couches, semble à même de garantir l'égalité de rémunération.

Ce socle va prévaloir une dizaine d'années durant, avant de faire l'objet de certains compléments.

3. La loi « Roudy » du 13 juillet 1983 ou l'introuvable définition de la « valeur égale » du travail ?

Conformément aux prévisions faites au moment de l'élaboration de la loi de 1972, des difficultés sont apparues, en pratique, pour la détermination de la « valeur égale » du travail.

Dans son rapport (6), Mme Marie-France Lecuir, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, établit un lien entre l'absence d'égalité de rémunération et les difficultés pour définir la « valeur égale » du travail : « malgré l'existence de [la loi de 1972], les inégalités et discriminations salariales subsistent, qu'on n'arrive pas à démontrer devant les tribunaux : ainsi la jurisprudence admet-elle que pour apprécier la « valeur égale » d'un travail, il faille tenir compte de la diversité des qualités humaines, ainsi que de la fatigue physique ou nerveuse découlant des travaux comparés de l'homme et de la femme ; ainsi des différences de salaires peuvent-elles exister entre vendeuses et vendeurs d'un grand magasin selon qu'ils travaillent dans des rayons exclusivement féminins ou masculins, car ils sont censés effectuer des tâches différentes ou de valeur inégale ; de même des tâches identiques exécutées dans des établissements différents peuvent-elles entraîner des différences de rémunération ».

- L'article 5 de la loi du 13 juillet 1983 s'attache donc - entre autres - à apporter des critères permettant d'apprécier concrètement la « valeur égale » des travaux, en complétant l'article L. 140-2 du code du travail par la phrase suivante : « sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse ».

Quatre critères sont ainsi retenus : les connaissances professionnelles ; l'expérience ; les responsabilités ; la charge physique ou nerveuse.

Il convient de relever que, même ainsi, les difficultés d'interprétation subsistent. La « texture ouverte du droit », pour reprendre l'expression du juriste britannique Herbert L. A. Hart, laisse subsister une marge d'appréciation du juge.

C'est ainsi par exemple que, la charge physique ou nerveuse n'étant qu'un des éléments de comparaison prévus par la loi, le juge doit vérifier si la différence de rémunération ne se justifie pas par la polyvalence et la durée de formation des ouvriers masculins (7).

De même, la Cour de cassation a considéré, dans un arrêt en date du 19 février 1992, que le mari et la femme d'un couple de gardiens d'immeuble doivent recevoir une rémunération identique dès lors qu'aucun document ne comporte la spécification de leurs tâches, les époux accomplissant en la même qualité le même travail.

Par ailleurs, ce même article 5 de la loi du 13 juillet 1983 complète l'article L. 140-2 par un nouvel alinéa selon lequel « les disparités de rémunération entre les établissements d'une même entreprise ne peuvent pas, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, être fondées sur l'appartenance des salariés de ces établissements à l'un ou l'autre sexe ».

Mais il convient de noter qu'il n'existe pas pour autant un principe d'égalité de rémunération entre deux établissements différents : le niveau des salaires dépend en effet de la convention collective applicable dans chacun de ces établissements. Néanmoins, ces différences éventuelles ne peuvent trouver leur raison d'être dans l'appartenance des salariés à l'un ou l'autre des sexes, ainsi qu'il résulte d'une déclaration ministérielle faite à l'occasion de la discussion de la loi devant le Sénat le 21 juin 1983 (8).

Enfin, l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983 insère un nouvel article L. 140-8 dans le code du travail (le précédent devenant article L. 140-9), relatif à la résolution des litiges en matière d'égalité de rémunération. Cet article posait, car il a aujourd'hui disparu du code du travail, l'obligation pour l'employeur de justifier devant le juge l'inégalité de rémunération invoquée. Il précisait par ailleurs qu'en cas de doute, celui-ci profitait au salarié. La rédaction de cet article a été modifiée par la loi du 16 novembre 2001, qui procède par renvoi, en cas de litige, aux dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 123-1 du code du travail.

- Autre innovation importante : l'article 9 de la loi du 13 juillet 1983 introduit dans le code du travail un nouvel article L. 154-1, toujours en vigueur, qui pose le principe de l'applicabilité des dispositions des articles L. 152-1-1 et L. 152-1-2 du code du travail en cas d'infraction aux principes relatifs à l'égalité de rémunération tels qu'ils résultent des articles L. 140-2 à L. 140-4 du même code : il s'agit aujourd'hui de peines d'emprisonnement d'un an et/ou d'une amende de 3 750 euros ainsi que des mesures de publicité de la peine (article L. 152-1-1).

D'une certaine façon, la loi du 13 juillet 1983 ajoute encore à l'édifice déjà bâti aux termes de la loi du 22 décembre 1972. Pourtant, comme en est bien consciente alors la rapporteure dans le rapport précité de 1982, « il ne faut cependant pas oublier qu'en pareille matière la sociologie, la psychologie et l'incitation ont au moins autant d'importance que l'édiction de normes juridiques (...) ».

Il faut noter que cette loi insère par ailleurs d'autres dispositions dans le code du travail (en particulier l'article L. 123-1 actuel), dans la mesure où elle procède également à la transposition de la directive 76/207 du 9 février 1976 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail. Mais ces dispositions concernent de façon générale l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, plus que l'égalité salariale entendue au sens strict.

En 2001, deux lois de caractère plus général sont intervenues en matière d'égalité professionnelle.

4. La loi du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

a) Le dispositif de la loi

On ne reviendra ici que sur les principales dispositions de la loi, rappelées ci-après.

- La loi du 9 mai 2001 rend obligatoire la négociation collective sur l'égalité professionnelle au niveau de l'entreprise : l'employeur doit engager une négociation annuelle sur les objectifs en matière d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans l'entreprise et sur les mesures permettant de les atteindre.

Cette négociation s'ouvre à partir du rapport annuel de situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes dans l'entreprise, remis par le chef d'entreprise au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel - rapport dont il est précisé qu'il est établi sur la base d'indicateurs pertinents, reposant notamment sur des éléments chiffrés.

L'employeur qui se soustrait à ces obligations est passible de sanctions pénales (en application des règles relatives au « délit d'entrave »).

En outre, la loi a intégré dans la négociation annuelle obligatoire prévue à l'article L. 132-27 du code du travail l'objectif d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Au niveau de la branche, une négociation doit désormais également porter, tous les trois ans, sur les mesures tendant à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et sur les mesures de rattrapage tendant à remédier aux inégalités constatées, notamment pour ce qui concerne les conditions d'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelle et pour ce qui est des conditions de travail et d'emploi.

Ces négociations ont lieu sur la base d'un rapport présentant la situation comparée des hommes et des femmes dans ces domaines et sur la base d'indicateurs pertinents, reposant sur des indicateurs chiffrés, pour chaque secteur d'activité (article L. 132-12 du code du travail).

Comme pour les entreprises, la loi a également intégré dans la négociation obligatoire (au moins une fois par an pour négocier sur les salaires et une fois tous les cinq ans pour examiner la nécessité de réviser les classifications) la nécessité de prendre en compte l'objectif d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (article L. 131-12-1 du code du travail).

- La loi du 9 mai 2001 institue aussi, dans les entreprises d'au moins 200 salariés, l'obligation pour le comité d'entreprise de constituer une commission de l'égalité professionnelle, chargée de préparer les délibérations du comité d'entreprise sur le rapport de situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des hommes et des femmes au sein de l'entreprise (article L. 434-7 du code du travail).

- Enfin, la loi du 9 mai 2001 a modifié le régime de l'aide financière de l'Etat pouvant être accordée à l'entreprise de moins de 300 salariés qui met en œuvre une action visant à établir l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les femmes.

Cette action peut être consignée dans un plan d'égalité professionnelle ou être prévue dans le cadre d'un accord collectif.

A l'origine, cette aide était attribuée aux entreprises mettant en œuvre des plans relatifs à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Elle a été étendue d'une part à tous les employeurs entrant dans le champ de la réglementation relative aux conventions collectives et aux associations, d'autre part aux entreprises qui prennent des mesures immédiates et exemplaires pour favoriser l'égalité professionnelle par simple voie d'accord collectif.

Par ailleurs, la loi du 9 mai 2001 comprenait deux autres séries de mesures, les unes relatives à l'encadrement du travail de nuit, les autres à la fonction publique.

b) Les premiers bilans de la loi du 9 mai 2001

La loi du 9 mai 2001 n'a pas - au moins jusqu'ici - produit tous les effets attendus, ainsi que l'illustre un bilan récent établi par la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes à partir d'un sondage téléphonique effectué sur un échantillon de 2000 responsables de ressources humaines d'entreprises de cinquante salariés et plus (9).

S'agissant de la tenue de négociations spécifiques dans l'entreprise, ce sondage révèle que 72 % des entreprises n'auraient jamais organisé de négociations spécifiques sur le thème de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Il est vrai que les négociations qui se tiennent dans les branches sont plus nombreuses, même si souvent les directeurs de ressources humaines interrogés ne connaissent pas précisément l'état des négociations sur cette question dans la branche dont leur entreprise dépend.

Pour ce qui concerne l'inclusion de la thématique de l'égalité entre les hommes et les femmes dans les négociations obligatoires déjà existantes, il s'avère que plus de la moitié de l'ensemble des entreprises n'ont pas introduit le thème de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Néanmoins, à l'échelle de l'entreprise, l'inclusion de la thématique de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est plus systématique que l'organisation de négociations spécifiques. En tout état de cause, cette inclusion est plus fréquente au niveau de la branche qu'au niveau de l'entreprise.

Enfin, dans 60 % des entreprises, le rapport de situation comparée n'a jamais été écrit depuis 2002, compte tenu en outre de ce que la rédaction du rapport de situation comparée fait l'objet d'une application variable selon les entreprises.

A la lecture de cette enquête, les efforts sur la voie de l'égalité professionnelle doivent indéniablement être poursuivis.

5. La loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations

Cette loi a pour objet de manière très générale la lutte contre les discriminations. Seules certaines dispositions concernent expressément la question de la discrimination en raison du sexe.

- La loi du 16 novembre 2001 crée, de manière générale, une possibilité pour les organisations syndicales d'engager une procédure en cas de discrimination à la place du salarié. Elle institue également au profit des délégués du personnel un droit d'alerte en la matière.

- Le champ de l'article L. 122-45 du code du travail a été étendu et vise désormais les « mesures discriminatoires, directes ou indirectes, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat », notamment en raison de l'identité sexuelle du salarié.

- La loi modifie en outre le régime de la charge de la preuve en cas de discrimination fondée sur le sexe.

En principe, la preuve, en matière prud'homale, est libre : la question de la légalité de la preuve ne se pose pas, dès lors qu'elle est recevable en tant qu'elle n'a pas été obtenue par des moyens illicites.

Jusqu'à la fin des années 1990, le salarié avait la charge de la preuve en matière de discrimination.

La directive communautaire du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve dans les cas de discriminations fondées sur le sexe est venue renverser cette charge, en posant qu'il revient à « la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement ».

En conséquence, par un arrêt du 23 novembre 1999, la Cour de cassation opère ce renversement de la charge de la preuve au profit du salarié, tout en limitant les éléments de preuve que l'employeur peut fournir au juge pour combattre la présomption en exigeant des éléments « objectifs ».

C'est cette solution qu'entérine la loi du 16 novembre 2001 en modifiant l'article L. 122-45 du code du travail, qui dispose désormais : « en cas de litige (...), le salarié concerné (...) présente des éléments [de fait]. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».

Autrement dit, le rôle du juge n'est plus limité à l'analyse des seuls éléments recueillis par le salarié. De plus, l'employeur doit apporter la preuve que la mesure qu'il a prise est justifiée par des motifs légitimes, c'est-à-dire des motifs professionnels objectifs. En cas de doute, celui-ci profite au salarié.

Dans les faits, force est de constater que cette abondante législation n'a pas produit tous les effets attendus.

B. L'ÉTAT DES LIEUX AUJOURD'HUI : LA DISTORSION PERSISTANTE ENTRE LE DROIT ET LES FAITS

L'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes est encore loin d'être atteinte, ainsi que l'attestent un certain nombre d'études.

Les analyses récentes de l'INSEE montrent qu'en 2002, le salaire mensuel net moyen d'un homme travaillant à temps complet s'élève à 1 905 euros, tandis que celui d'une femme est de 1 534 euros : le salaire féminin est donc en moyenne inférieur de 19,5 % à celui des hommes, mais on peut dire aussi que le salaire des hommes est supérieur de 24 % à celui des femmes. Il convient de noter, conformément aux résultats exposés dans le tableau présenté ci-après, que l'écart le plus important concerne les cadres : le salaire moyen des cadres féminins est inférieur de 23 % à celui de leurs homologues masculins, qui est donc supérieur de 30 %. En revanche, le salaire moyen des employées est inférieur de 7 % à celui des employés.

Salaire net annuel moyen selon le sexe et la catégorie
socioprofessionnelle dans le secteur privé et semi-public

Femmes

Hommes

Rapport des salaires femmes/hommes (en  %)

Cadres*

35 062

45 651

77

Professions intermédiaires

20 383

23 300

87

Employés

14 970

16 069

93

Ouvriers

13 483

16 313

83

Ensemble

18 730

23 315

80

* Y compris les chefs d'entreprise salariés.

Champ : Salariés à temps complet du secteur privé et semi-public.

Source : Insee, Déclarations annuelles des salaires 2003 (fichier au 1/12e semi-définitif).

Mais l'analyse peut être encore affinée, en fonction des secteurs d'activité, de la taille d'entreprise, de l'âge des salariés ou encore de la région concernée, comme l'illustre le tableau suivant (10).

Répartition et salaire net fiscal annuel moyen par sexe des cadres

Proportion de femmes (en %)

Salaire net annuel
(milliers d'euros)

Différence de salaires H/F (en %)

Femmes

Hommes

Secteur d'activité

Industrie

21,5

35,4

44,2

24,9

Construction

10,7

28,3

38,1

34,6

Commerce

27,1

32,0

42,9

34,1

Services

30,3

35,1

45,1

28,5

Effectif déclaré dans l'entreprise (au 31/12/1999)

Moins de 10 salariés

29,8

30,3

39,2

29,4

10 à 199 salariés

26,4

33,7

43,0

27,6

200 et plus salariés

26,6

36,4

46,6

28,0

Age

Moins de 30 ans

34,7

26,3

28,7

9,1

30 à 49 ans

27,0

35,5

44,1

24,2

50 ans et plus

22,0

38,4

51,8

34,9

Région

Ile-de-France

30,8

37,5

49,6

32,3

Province

23,3

30,0

39,0

30,0

Ensemble

27,0

34,2

43,9

28,4

Lecture : En 2001, 21,5 % des cadres travaillant dans l'industrie sont des femmes. Leur salaire net fiscal est en moyenne de 35,4 milliers d'euros par an. Celui de leurs homologues masculins est supérieur de 24,9 %.

Champ : les cadres travaillant à temps complet.

Source : Insee, Déclarations annuelles des salaires 1998 à 2001.

Un regard sur l'évolution de long terme est également riche d'enseignements. Ainsi, en 1969, peu avant l'adoption de la première loi sur l'égalité de rémunération, le salaire annuel féminin est inférieur de 35 % au salaire masculin. Le rapport précité établi par Mme Solange Troisier au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales mettait en évidence une nette tendance à la diminution de l'écart moyen des salaires horaires sur la période allant du 1er juillet 1966 au 1er juillet 1972.

Le rapport de Mme Marie-France Lecuir établi au début des années quatre-vingt rappelle qu'en 1977, le montant moyen des salaires féminins était inférieur de 30 % à celui des salaires masculins.

Au milieu des années 1980, ce taux n'est plus que de 20 % ou 19 %.

Comme le notent certaines études (11), il est donc indéniable que « la tendance longue est au rattrapage des salaires féminins ». Pourquoi alors revenir aujourd'hui sur cette question ?

C'est que, selon les mêmes études, « depuis le milieu des années 1990, le phénomène s'essouffle et l'écart de salaire entre les femmes et les hommes ne se réduit plus, et ceci alors même que leur niveau de diplôme devient en moyenne plus élevé que celui des hommes ».

Face à ce constat, toute la question est de déterminer, dans cet écart, la part qui revient à des facteurs que l'on pourrait dire « objectifs » et la part qui résulterait de ce que l'on peut appeler une forme de discrimination « pure ».

Selon l'INSEE, cet écart « est dû pour partie à des différences de structure des qualifications : ainsi, en 2002, 18,5 % des hommes salariés sont des cadres, contre seulement 12,1 % des femmes ».

Les analyses économiques détaillent les facteurs explicatifs de l'écart de rémunération. Selon des études récentes de l'Observatoire français de conjoncture économique (12), « l'écart de salaire expliqué » peut résulter de quatre éléments : le capital humain, autrement dit le niveau de diplôme et l'expérience professionnelle acquise ; le nombre d'heures de travail ; le secteur et la qualification des emplois ; une composante « secteur public ».

Aux termes de cette étude, le plus important de ces quatre critères est le nombre d'heures travaillées. De ce point de vue, le développement du temps partiel peut être regardé comme un élément d'évolution défavorable, dans la mesure où il va affecter prioritairement le salaire des femmes, le plus souvent embauchées dans ce cadre.

Vient ensuite le secteur et la qualification, dans la mesure où les filières investies par les filles ne sont pas les plus rémunératrices, les sciences dites « dures » étant des secteurs d'activité peu féminisés.

Les composantes « secteur public » et « capital humain » n'expliqueraient que faiblement l'écart de salaire entre les sexes.

Concernant en revanche la part de « l'écart de salaire inexpliqué », il faut considérer qu'elle s'élève au quart de l'écart de salaire entre les femmes et les hommes. Ce résultat, encore trop important, est toutefois plutôt faible par rapport à la situation qui prévaut dans les autres pays européens : en Allemagne par exemple, le niveau moyen du salaire féminin est inférieur de 40 % à celui du salaire masculin, la discrimination pure correspondant à près de 40 % de cet écart.

Ainsi peuvent être résumés les principaux apports de l'analyse économique. Mais encore faut-il garder à l'esprit la fragilité de ces analyses, mise en évidence en particulier tout récemment (13).

Ces analyses ont montré que la mesure de la discrimination, par exemple celle réalisée selon la méthode dite d'Oaxaca-Blinder, n'est pas dépourvue de certains biais. Ces biais résultent notamment de la constitution des échantillons, ainsi que de la manière dont sont mesurées certaines variables. Ainsi, « mesurer l'expérience sans tenir compte des interruptions de carrière (chômage, congés maternité, etc.) ou de l'ancienneté dans l'entreprise aboutit à une sous-évaluation du coefficient de l'expérience pour les femmes (Bayet, 1996 ; Meurs et Ponthieux, 2000), ce qui aura tendance à surévaluer la part de l'écart de salaire dû à la discrimination ».

Par ailleurs, il est désormais établi que la prise en considération de seules variables individuelles, qu'elles visent le diplôme, l'expérience, l'âge ou la catégorie socio-professionnelle, ne peut suffire : « seulement 50 % en moyenne de la variance des salaires est expliquée par ce type de variables ». Il est important de prendre en compte « un ensemble d'éléments qui vont des conditions de la concurrence à des considérations internes de gestion de la main d'œuvre en passant par le taux de syndicalisation ».

Plus encore, il est désormais avéré que le taux de féminisation d'un secteur d'activité peut « capturer » des comportements discrétionnaires à l'embauche : autrement dit, la différence de rémunération observée doit être établie compte tenu d'une forme de correctif excluant ce facteur. Cela est toutefois peu aisé car la discrimination à l'embauche est elle-même difficilement quantifiable.

Naturellement, ces limites, si elles ont le mérite de faire apparaître la complexité des choses, n'en remettent pas pour autant en cause les conclusions principales des évolutions constatées, en particulier sur le long terme, et moins encore la nécessité de diminuer le niveau des discriminations.

Que dire pour expliquer ?

« Schématiquement, deux registres d'analyse sont en présence, mais aucun n'épuise la réflexion.

- Du côté de la statistique et de l'économie, les travaux économétriques sur les déterminants du salaire ont tenté d'isoler la « variable sexe » et de mesurer son influence « toutes choses égales par ailleurs ». Et en effet, à niveaux de formation, catégorie socioprofessionnelle, âge, expérience égaux, dans des établissements de la même taille et du même secteur, un écart entre salaires masculins et féminins demeure. Et cet écart est loin d'être négligeable. En France, par exemple, il est de l'ordre de 10 % à 15 %. En raisonnant « toutes choses égales par ailleurs », il reste donc un « résidu », sorte de boîte noire dans laquelle se niche la discrimination. Mais la boîte noire, elle, reste à expliquer. Comme le demande [le sociologue] Christian Baudelot : « le sexe est-il un résidu » ?

- A ce type d'analyse, d'autres, sociologues et économistes, rétorquent qu'on ne peut raisonner « toutes choses égales par ailleurs » lorsque l'on sait précisément que tout est inégal - que le vieux précepte est désormais inscrit dans la loi, selon lequel « à travail égal, salaire égal » est inopérant dans des sociétés où le « travail égal » n'existe quasiment pas. De ce point de vue, c'est dans la non-mixité de la structure des emplois qu'il faut chercher les éléments d'explication : la ségrégation horizontale et verticale constitue la clé du problème. (...)

Source : Margaret Maruani, « Travail et emploi des femmes », Editions la Découverte, 2003.

C. LES MESURES PROPOSÉES PAR LE PRÉSENT PROJET DE LOI

Trois mesures visent, dans le présent projet, à permettre la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.

Les deux premières ont un caractère particulier - qui n'est pas pour autant anecdotique, loin s'en faut.

- La première mesure concerne la question des augmentations des salariés en congé de maternité ou d'adoption (article 1er). Souvent, en effet, les salariées au retour de leur congé de maternité se voient privées des augmentations individuelles qui ont eu lieu pendant leur absence. Le projet prévoit qu'en l'absence d'accord collectif de travail déterminant des garanties d'évolution pour ces salariés, leur rémunération est majorée, à l'issue de leur congé, des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée de ces congés par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle (ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l'entreprise).

- La deuxième mesure concerne l'ensemble des salariés : elle vise à inclure dans la liste des discriminations telle qu'elle figure à l'article L. 122-45 du code du travail l'intéressement et la distribution d'actions (article 2). Trop souvent, ces « accessoires » du salaire sont le moyen de discriminations salariales indirectes, par les critères qui leur sont attachés - critères liés à la présence du salarié par exemple.

- La troisième mesure (articles 3 et 4) constitue le cœur du présent projet. Elle correspond à un point d'équilibre entre le respect de la négociation collective et l'intervention de l'Etat. Son point de départ est constitué du dispositif de négociation que l'on peut dire « général » déjà existant, tant au niveau de la branche qu'au niveau de l'entreprise.

L'objectif est d'utiliser ces négociations pour définir et programmer les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes avant le 31 décembre 2010. Cette négociation est soumise à l'établissement d'un diagnostic préalable des écarts existants, dont l'objectif est qu'il puisse résulter du rapport de situation comparée, qui se verrait ainsi redynamisé.

L'originalité de ce dispositif tient à son caractère incitatif. Tant pour les négociations de branche que pour les négociations d'entreprise, en effet, le déclenchement automatique des négociations peut avoir lieu à la demande d'une organisation représentative en l'absence d'initiative de la partie patronale dans l'année suivant la promulgation de la loi. Par ailleurs, en l'absence de négociations de branche, le ministre chargé du travail peut convoquer une commission mixte à cette fin, et les conventions collectives conclues qui ne comprendraient pas de clause relative à la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes ne pourront pas être étendues. S'agissant des négociations d'entreprise sur la suppression des écarts de rémunération, leur existence conditionne la validité des accords plus généraux sur les salaires.

Enfin, après la tenue, à mi-parcours, d'une conférence nationale sur l'égalité salariale, le gouvernement pourra présenter un projet instituant une contribution assise sur les salaires, à la charge des entreprises qui ne satisferaient pas à ces obligations d'ouverture des négociations.

Deux mécanismes d'évaluation complètent ce dispositif : s'agissant des négociations d'entreprise, la commission nationale de la négociation collective aura la charge d'établir le bilan de l'application de ces mesures chaque année. Il est par ailleurs prévu que six ans après la promulgation de la loi, le gouvernement présente au parlement un rapport d'évaluation, après consultation du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

II.- L'EXERCICE PAR LES FEMMES DE LEUR ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE

Le projet de loi tend à favoriser l'exercice par les femmes d'une activité professionnelle d'une triple façon.

D'une part, en favorisant la conciliation entre l'activité professionnelle et l'exercice de la responsabilité familiale - à cet égard, il faut préciser que les femmes ne sont pas les seules concernées, et que les hommes également se trouvent confrontés à ce type de difficultés, ce qui explique que les mesures pour y remédier ne visent pas seulement les femmes.

D'autre part, en favorisant l'accès des femmes à l'exercice de fonctions délibératives et juridictionnelles, fonctions dont elles sont le plus souvent absentes.

Enfin, il est un fait que l'accès des femmes et des hommes aux dispositifs de formation professionnelle et tout particulièrement d'apprentissage est encore trop inégalitaire, ce qui n'est pas sans incidences, naturellement, sur l'exercice d'une activité professionnelle.

A. LA QUESTION PRÉOCCUPANTE DE LA CONCILIATION ENTRE L'ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE ET L'EXERCICE DE LA RESPONSABILITÉ FAMILIALE

Le constat suivant, qui figure dans l'annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2005 consacré aux états des crédits qui concourent aux actions en faveur des droits des femmes, pose bien les termes du débat : « Si aujourd'hui 80 % des femmes entre vingt-cinq et cinquante ans travaillent, elles sont confrontées à des difficultés quotidiennes pour concilier leur vie familiale et leur vie professionnelle, car elles continuent d'assumer majoritairement les soins aux enfants et aux personnes dépendantes et les charges domestiques, tout en menant de front une carrière, une vie sociale et associative. Une participation des femmes accrue aux activités civiques et sociales et à la prise de décision est d'abord directement liée à l'allègement des contraintes qui pèsent sur elles ».

1. Des efforts ont d'ores et déjà été entrepris pour rendre plus aisée la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale

L'annexe « jaune » précitée recense les axes d'intervention privilégiés ces dernières années par les pouvoirs publics :

- l'établissement de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 ;

- la création d'un crédit d'impôt famille par la loi de finances pour 2004 ;

- la mise en œuvre, à partir de 2004 et jusqu'à 2007, d'un plan de création de 20 000 places en crèches, qui a fait l'objet d'un avenant à la convention d'objectifs et de gestion entre la Caisse nationale d'allocations familiales et l'Etat ;

- la revalorisation du statut des assistants maternels et familiaux, par voie législative, mais également par la signature de la convention collective des assistants maternels employés par des particuliers le 1er juillet 2004 ;

- la mise en place du congé de paternité, qui aurait concerné plus de 330 000 pères en 2002 (première année de la mise en place) soit près de deux tiers des salariés concernés du secteur privé - les données relatives à la fonction publique n'étant à ce jour pas connues.

Néanmoins, la situation actuelle ne semble pas entièrement satisfaisante.

2. L'état des lieux : 40 % des actifs interrogés considèrent que la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale est difficile

Une étude récente établie par la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale (14) a mis en évidence le constat selon lequel près de 40 % des actifs ayant un emploi considèrent qu'il est difficile de concilier vie professionnelle et vie familiale.

Cette même étude souligne l'existence de ce que l'on peut appeler les facteurs aggravants de cette situation, à savoir : la présence d'un, et plus encore de plusieurs enfants, au foyer ; la jeunesse des parents ; la situation professionnelle des travailleurs indépendants ; le caractère atypique des horaires ; le secteur d'activité.

Aux termes de cette analyse, ces difficultés semblent ressenties de la même manière par les hommes et par les femmes, ce dont commencent par s'étonner les auteurs : « Le fait que les femmes ne semblent pas mentionner plus de difficultés que les hommes est surprenant car ce sont elles qui assurent très majoritairement les tâches domestiques et familiales, en particulier les soins et l'éducation des enfants ». Mais ils apportent aussi l'élément d'explication décisif suivant : « Cela s'explique par le fait qu'un certain nombre de femmes s'est retiré du marché du travail et est devenu femmes au foyer, sans doute pour éviter d'être confrontées à ces difficultés de conciliation ».

3. Les mesures proposées par le présent projet de loi

Ces mesures se caractérisent par leur diversité, même si elles tendent toutes au même but : favoriser la conciliation entre parentalité et vie professionnelle.

La première a une vocation très générale : elle vise à inscrire dans le rapport de situation comparée la nécessité de la prise en compte de la conciliation entre l'activité professionnelle et l'exercice de la responsabilité familiale (article 5).

D'autres ont une vocation très précise d'aide pratique pour le salarié : majoration de l'allocation de formation pour aider le salarié à faire face aux coûts de garde hors temps de travail (article 8), établissement d'un crédit d'impôt relatif aux dépenses de formation engagées pour un salarié ayant démissionné de son entreprise d'origine pendant un congé parental d'éducation (article 9), garantie de l'effectivité des droits aux congés payés indépendamment du congé de maternité (article 12).

D'autres mesures encore doivent conduire les entreprises à prendre en considération les impératifs de la maternité : l'aide accordée pour la mise en œuvre d'un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences pourra valoir désormais dans la perspective d'établissement d'actions visant à faciliter l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (article 6) ; une aide forfaitaire est destinée à aider les entreprises recrutant des personnes en remplacement de salariés en congés de maternité ou d'adoption (article 7).

Enfin, la vocation de deux de ces mesures est prioritairement juridique (même si elles ont toutes deux des répercussions très concrètes sur les salariés) : l'état de grossesse permettra désormais à la salariée de bénéficier d'un régime de la charge de la preuve plus favorable, qui prévalait déjà de façon générale en matière de discrimination professionnelle, et qui oblige l'employeur à apporter la preuve de l'absence de discriminations (article 10) ; en outre, le droit à des dommages-intérêts au profit du salarié en application de l'article L. 122-30 du code du travail, qui prévalait dans le cadre du congé de maternité ou du congé parental d'éducation, est étendu au congé en cas d'enfant malade, au congé de présence parentale et au congé d'adoption internationale (article 11).

B. L'ACCÈS DES FEMMES À DES INSTANCES DÉLIBÉRATIVES ET JURIDICTIONNELLES

Le constat n'est pas nouveau : l'accès des femmes aux instances délibératives et juridictionnelles est particulièrement restreint. Ce même constat avait déjà présidé aux travaux de la loi du 9 mai 2001. Mais une fois encore, l'ouvrage, comme le montre l'état des lieux en cette matière, est à remettre sur le métier.

1. L'état des lieux

L'accès restreint des femmes aux principaux postes dans le secteur privé comme dans le secteur public est une réalité. L'existence d'un « plafond de verre » constitue une donnée récurrente des débats sur l'égalité professionnelle des femmes et des hommes. Il convient de revenir sur ce constat, en distinguant la situation dans les entreprises de celle qui prévaut dans les juridictions, en particulier les conseils de prud'hommes.

Qu'est-ce que le « plafond de verre » ?

« Le plafond de verre est à l'origine une expression d'origine anglo-saxonne qui désigne l'ensemble des obstacles visibles et invisibles que rencontrent les femmes quand il s'agit d'accéder à la sphère du pouvoir aux niveaux supérieurs des hiérarchies organisationnelles. Ainsi on a pu définir le plafond de verre comme « a barrier so subtle that it is transparent yet so strong that it prevents women and minorities from moving up in the management hierarchy » [Morrison and Von Glinow, 1990].

Les recherches sur le « plafond de verre » se sont d'abord inscrites dans le champ des recherches menées par les chercheuses et chercheurs anglo-saxons sur la situation des femmes dans le management. Désormais, on peut considérer que la question du « plafond de verre » couvre un ensemble très divers de situations, que ce soit du point de vue des pays où ont été menées les recherches que du point de vue des types d'organisations analysées : organisations publiques, organisations privées, partis politiques, organisations académiques, organisations syndicales ou associations. (...)

En France, l'introduction de la notion de « plafond de verre » pour décrire la rareté des femmes au sommet des hiérarchies organisationnelles ainsi que l'analyse des difficultés rencontrées par les femmes pour accéder en plus grand nombre aux positions de pouvoir dans les organisations a été tardive. D'une part, les recherches sur les femmes cadres et sur la place des femmes dans les sphères du pouvoir organisé sont relativement récentes [elles se sont surtout développées dans les années 1990 « avec la découverte des succès scolaires des filles et leur entrée massive dans les universités »]. Les recherches ont longtemps privilégié la situation des femmes moins qualifiées, ouvrières et employées, tandis que celles portant sur les femmes cadres n'ont fait l'objet que de peu de développement jusqu'aux années récentes. D'autre part, en France, les recherches sur le genre des professions se sont développées davantage que les recherche sur le genre des organisations (...) ».

Source : Jacqueline Laufer, « L'accès des femmes à la sphère de direction des entreprises : la construction du plafond de verre », Rapport de recherche financé par la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, octobre 2003.

a) L'accès des femmes aux fonctions dirigeantes dans les secteurs privé et public

Dans le secteur privé, il est avéré que les femmes demeurent très rares dans les états-majors des entreprises - cela est vrai de tous les pays. Selon des données qui remontent à la fin des années 1990, la proportion des femmes dans les équipes dirigeantes des entreprises en France serait de l'ordre de 7 % à 12 % (15). Il semble que les femmes apparaissent d'autant plus rares dans les états-majors que les entreprises sont grandes. Selon les secteurs d'activité, la part des femmes dirigeantes apparaît plus ou moins importante : les femmes sont relativement plus nombreuses dans l'hôtellerie et la restauration (16 %), dans les entreprises du luxe et de l'habillement (13 %), dans la pharmacie et les cosmétiques, dans la communication, les activités des jeunes, le sport et le loisir (12 %). Parmi les secteurs les plus « fermés » aux femmes dirigeantes (3 à 4 %), on trouve le secteur du bâtiment et des travaux publics, des matériaux de construction, et les secteurs de construction automobile, navale et aéronautique.

Ces inégalités sont présentes dans le secteur public également. Si en effet les femmes sont majoritaires dans la fonction publique de l'Etat, dont elles constituaient, en 2001, plus de 57 % des effectifs, elles ne seraient que 13 % dans les plus hautes fonctions, c'est-à-dire les emplois laissés à la discrétion du gouvernement. Il est à noter que pour les emplois de chef de service, de directeur-adjoint et de sous-directeur, la proportion atteint plus de 21 % en 2001. La proportion des effectifs féminins peut certes être considérée comme encourageante pour l'avenir, car il s'agit souvent de femmes assez jeunes et en milieu de carrière ; elle ne doit toutefois pas dissimuler le fait que ces chiffres restent encore très faibles.

Sans doute un certain nombre de mesures sont-elles mises en œuvre pour revenir sur ce déséquilibre, conformément, en particulier, aux conclusions du rapport de Mme Anne-Marie Colmou sur l'encadrement supérieur dans la fonction publique (1999). Il existe aujourd'hui un comité de pilotage pour l'égal accès des femmes et des hommes aux emplois supérieurs dans les fonctions publiques, ainsi qu'une journée annuelle d'échanges sur l'égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique.

En outre, un groupe de travail a été récemment constitué auprès de la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle qui a, en mars 2003, fait des propositions autour de quatre axes : l'amélioration de la connaissance des inégalités ; la réorganisation du temps de travail ; l'action sur les voies d'accès et les conditions de recrutement ; l'intervention sur le déroulement des carrières.

Enfin, il existe dans chaque ministère des plans pluriannuels d'amélioration de l'accès des femmes aux emplois et postes d'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat, ainsi que des chartes de gestion du temps.

b) L'accès des femmes aux fonctions juridictionnelles

La présence des femmes dans les différentes juridictions est encore insuffisante. Le présent projet, on le verra dans le détail à l'occasion de l'examen de l'article 14, tire argument du succès de la mesure inscrite dans la loi du 9 mai 2001 tendant à favoriser la parité dans les conseils de prud'hommes pour la renouveler. Il est indéniable, en effet qu'entre les élections générales prud'homales de 1997 et celles de 2002, une évolution notable s'est produite : en 1997, moins d'un conseiller prud'homal sur cinq était une femme ; près d'un quart d'entre eux l'était à l'issue des élections de décembre 2002.

Mais il faudrait aussi se poser la question de la parité dans l'ensemble des juridictions.

S'agissant des juridictions administratives, par exemple, la proportion des femmes dans les nominations aux emplois de direction de juridictions en 2002 est de 17 %. Fin 2002, elles représentent 14 % du total de ces emplois (dont 5 % des présidents de tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, et 12 % des présidents de chambres régionales des comptes). Il conviendrait par ailleurs d'étendre la réflexion à l'ensemble des juridictions.

2. Les mesures proposées

Le projet de loi a choisi de privilégier deux axes de réflexion. Le premier concerne les conseils d'administration ou de surveillance des entreprises publiques. L'article 13 propose que les personnalités qualifiées au sein de ces instances soient désignées de telle sorte que d'ici un délai de cinq ans, l'écart de représentation entre les femmes et les hommes soit supprimé.

Par ailleurs, l'article 14 du projet reconduit la mesure figurant dans la loi du 9 mai 2001 au sujet des conseils de prud'hommes pour prévoir que, lors des prochaines élections, l'écart entre la représentation du sexe sous-représenté sur les listes et sa part dans le corps électoral soit réduit par rapport au précédent scrutin.

C. L'ACCÈS DES FEMMES À LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET À L'APPRENTISSAGE

Un regard sur l'appareil de formation professionnelle initiale et continue, ainsi que sur l'apprentissage, conduit à dresser un état des lieux nuancé de la situation qui y prévaut au regard de la situation respective des hommes et des femmes(16). Cette question n'en reste pas moins un enjeu important en matière d'égalité entre les femmes et les hommes, qui motive les mesures qui y sont consacrées par le projet de loi.

1. L'état des lieux

Il convient de relever que l'accès à la formation initiale et professionnelle est moins inégalitaire aujourd'hui en France que l'accès à l'apprentissage, comme le montrent les données suivantes.

a) La formation professionnelle initiale

A la rentrée 2002, sur les 700 000 élèves que compte le second cycle professionnel en France, les filles représentent 46,1 % du total, comme le montre le tableau ci-dessous. Il convient de noter que ce phénomène est inversé dans l'enseignement privé, mais de garder à l'esprit, également, que ce secteur forme essentiellement à des métiers du tertiaire.

Répartition des élèves du second cycle professionnel par section

(rentrée 2002)

Public

Privé

Public et privé

% filles

Total

% filles

Total

% filles

Total

Total CAP en 3 ans

42,6

657

46,9

931

45,2

1 588

Total CAP en 2 ans

45,7

54 253

70,0

18 904

52,0

73 157

Total BEP en 2 ans

43,2

348 924

51,1

86 807

44,8

435 731

Total baccalauréat professionnel

44,7

136 230

50,0

36 871

45,8

173 101

Total second cycle professionnel

43,9

549 767

54,3

148 730

46,1

698 497

Champ : France métropolitaine et dom, hors établissements régionaux d'enseignement adapté (EREA).

Source : direction de l'évaluation et de la prévision du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

Ce constat doit être affiné en fonction des spécialités suivies. Si 30 % des filles ont pour spécialité le secrétariat-bureautique, ce n'est le cas que de 1 % des garçons, alors que 24 % des garçons se trouvent dans le groupe électricité-électronique, contre seulement 1 % des filles. Mais dans deux spécialités, les proportions de filles et de garçons sont identiques : l'hôtellerie-tourisme et la comptabilité-gestion. A l'inverse, les filles sont quasiment en exclusivité dans le secteur des « matériaux souples » (c'est-à-dire le textile et l'habillement).

b) La formation professionnelle continue

De 1993 à 2003, l'accès à la formation continue dans le cadre de l'entreprise a sensiblement progressé, et ce tant pour les femmes que pour les hommes. En 2003, 24 % des femmes salariées ont suivi, dans l'année et demi passée, un stage financé ou organisé par leur employeur, contre 25 % des hommes. L'égalité, si elle n'est pas parfaite, approche.

Un examen plus attentif laisse apparaître certaines divergences plus importantes :

- Selon les caractéristiques des emplois occupés : par exemple, dans le secteur privé, les femmes accèdent moins souvent que les hommes à la formation continue (20 % contre 23 %) ; si les femmes à temps plein ont suivi un stage à peu près aussi souvent que les hommes, en revanche, s'agissant des salariés à temps partiel, la différence est favorable aux femmes (18 % contre 13 % pour les hommes).

- Selon la taille de l'entreprise : dans les petites structures, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à avoir effectué un stage ; mais dans les plus grandes entreprises, c'est l'inverse.

- Selon les spécialités : les femmes sont plus nombreuses à suivre une formation dans les services aux personnes, en comptabilité et gestion ou en communication ; les hommes le sont davantage dans les secteurs comme les transports, la manutention ou les services à la collectivité (notamment pour la sécurité des biens et personnes).

Accès à un stage de formation selon l'employeur

(en %)

Femmes

Hommes

Répartition

Taux d'accès à la formation

Répartition

Taux d'accès à la formation

Secteur privé

68,3

20,3

79,1

23,4

Service aux particuliers

8,6

6,6

0,6

9,8

Entreprises de moins de 10 salariés

11,1

10,8

11,2

8,1

Entreprises de 10-49 salariés

10,7

17,6

14,4

12,8

Entreprises de 50-99 salariés

4,4

23,7

5,8

19,4

Entreprises de 100-199 salariés

4,3

21,5

6,1

22,3

Entreprises de 200-499 salariés

4,9

21,5

6,1

24,0

Entreprises de 500 salariés et plus

24,3

29,7

35,0

33,5

Secteur public

31,7

31,0

20,9

32,8

Ensemble

100,0

23,8

100,0

25,9

Lecture : en mai 2003, 8,6  % des femmes salariées dans le secteur privé travaillaient dans les services aux particuliers. Parmi elles, 6,6 % ont suivi une formation organisée par leur employeur depuis janvier 2002.

Champ : actifs salariés en mai 2003

Source : Insee, enquête Formation et qualification professionnelle, 2003.

c) L'apprentissage

C'est le domaine où les inégalités sont les plus marquées. Incontestablement, les garçons sont aujourd'hui très majoritaires dans l'apprentissage, puisqu'ils représentent, comme le montre le tableau présenté ci-après, plus des deux tiers du nombre total des apprentis.

Ce constat doit toutefois être affiné :

- selon le niveau de diplôme préparé : plus le niveau est élevé, plus les filles sont présentes. Ainsi, elles représentent un quart (26 %) des effectifs de niveau V, mais plus d'un tiers des effectifs des niveaux IV, II, I et III ;

- selon la spécialité de formation choisie : les garçons sont très majoritaires dans les domaines technico-professionnels de la production (93,4 %), tandis que les filles sont les plus nombreuses dans les préparations aux diplômes du commerce, de la santé et de la coiffure : ainsi, trois quarts des apprentis des services aux personnes sont des filles.

Évolution des effectifs dans les centres de formation d'apprentis

1995/1996

2001/2002

Filles

Garçons

Filles

Garçons

CAP (1) et autres diplômes niveau V

50 257

139 334

45 994

134 395

BEP (2)

9 719

26 410

12 642

38 602

Mentions complémentaires (MC)

3 423

3 009

2 322

4 023

BP (3) et autres diplômes niveau IV

9 874

15 804

17 371

19 608

Bac professionnel

4 412

11 220

8 544

25 773

BTS (4)

4 908

7 631

11 953

17 029

Autres diplômes d'enseignement supérieur

2 867

4 644

9 550

15 122

CPA/CLIPA (5)

1 671

8 738

1 726

8 604

Ensemble des apprentis

87 131

216 790

110 102

263 156

(1) Certificat d'aptitude professionnelle

(2) Brevet d'études professionnelles

(3) Brevet professionnel

(4) Brevet de technicien supérieur

(5) CPA : classe préparatoire à l'apprentissage ; CLIPA : classe d'initiation préprofessionnelle en alternance

Champ : actifs salariés en mai 2003

Source : Insee, enquête Formation et Qualification Professionnelle, 2003.

2. Les mesures proposées

Face à cette situation, le projet de loi fait le pari de l'incitation. Il vise en effet à intégrer la préoccupation de la mixité aux différents niveaux de la conception et de la programmation en matière de formation professionnelle.

Celle-ci revient, depuis la loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004, aux régions.

L'article 15 du projet intègre donc l'objectif de parité à tous les éléments clés de la politique de formation professionnelle :

- organisation des actions pour répondre aux besoins d'apprentissage et de formation ;

- adoption d'un plan régional de développement des formations professionnelles ;

- adoption des contrats annuels ou pluriannuels fixant des objectifs de développement coordonné des différentes voies de formation.

III.- LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION

La commission a, pour l'essentiel, approuvé l'esprit et la lettre des dispositions du présent projet. Elle souhaiterait néanmoins, dans un souci de pragmatisme, qu'en soit renforcée l'effectivité sur certains points.

Pour ce qui est de la relance de la négociation collective dans le but de supprimer les écarts de rémunération, la commission est attachée à la loyauté et au sérieux de l'engagement des négociations : les branches ou les entreprises ne doivent pas pouvoir s'acquitter « fictivement » de leurs obligations. C'est une nécessité pour la réussite du dispositif. C'est la raison pour laquelle la commission a adopté deux amendements qui détaillent les procédures garantissant que les négociations, tant de branche que d'entreprise, auront été engagées loyalement et sérieusement (articles 3 et 4).

Il est par ailleurs important de prévoir d'ores et déjà les modalités pratiques d'établissement de son rapport par le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes sur la mise en œuvre des mesures destinées à supprimer les écarts de rémunération. Aussi, la commission a adopté un amendement précisant que le conseil procède à l'élaboration d'outils méthodologiques permettant de mesurer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et de les recenser - un décret devant fixer la liste de ces outils au plus tard six mois après la promulgation de la loi (article 4).

Afin d'éviter tout effet d'aubaine dans la mise en œuvre du dispositif d'aide aux entreprises en cas de recrutement d'une personne en remplacement d'un salarié en congé de maternité ou d'adoption, la commission a prévu que l'aide ne serait versée qu'à la condition que la personne recrutée ait une durée de travail au moins équivalente à celle du salarié remplacé : ainsi seront évitées des pratiques d'embauche de personnes à temps partiel dans le seul but de bénéficier des aides de l'Etat (article 7).

La commission a également adopté un amendement précisant que la discrimination en raison de l'état de grossesse est passible de sanctions pénales, ainsi qu'un amendement incluant dans les objectifs de formation des « formateurs » tout au long de la vie l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (article 10 et article additionnel après l'article 15).

Trois amendements ont en outre été adoptés par la commission, visant à prévoir l'ouverture d'une possibilité de prolongation du congé parental d'éducation au-delà des trois ans de l'enfant, précisant que pour le calcul des droits ouverts au titre du droit individuel à la formation, la période d'absence du salarié pour un congé de maternité ou d'adoption est prise en compte et posant que les salariés de retour d'un congé de maternité ou d'adoption ont droit à leur congé annuel, quelle que soit la période retenue, par accord collectif ou par l'employeur, pour les congés du personnel de l'entreprise (article 12 et articles additionnels après l'article 12).

Enfin, des amendements concernant l'accès à différentes fonctions institutionnelles, notamment délibératives et juridictionnelles, ont été adoptés par la commission. Ils tendent à favoriser la parité dans les élections pour les délégués du personnel et les comités d'entreprise ainsi que, de façon générale, pour l'ensemble des membres composant les conseils d'administration ou de surveillance des entreprises publiques (articles additionnels après l'article 13). Un amendement adopté par la commission précise aussi que la réduction de l'écart entre la représentation du sexe sous-représenté et sa part dans le corps électoral doit être d'un tiers pour le prochain renouvellement des conseils de prud'hommes (article 14).

*

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DE LA MINISTRE

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, sur le projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes au cours de sa séance du mercredi 13 avril 2005.

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné que la commission commence aujourd'hui, avec cette audition, l'examen du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Ce texte attendu offre une palette renouvelée de mesures dont la diversité mais aussi la cohérence tendent à un objectif principal : la suppression, dans les cinq ans, des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.

Quel chemin parcouru depuis la présentation par la ministre, lors du conseil des ministres du 24 juillet 2002, de vingt-cinq propositions en faveur de l'égalité professionnelle ! De la table ronde du 19 décembre 2002 à celle du 15 juillet 2003, sans compter les innombrables réunions avec les partenaires sociaux, c'est un réel travail de dialogue social qui a été mené. Fruit de ce travail, l'accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes a été signé par l'ensemble des partenaires sociaux. Certaines des mesures qu'il contient ont déjà été reprises dans la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 ; d'autres inspirent le présent projet. Il faut enfin mentionner le label égalité, lancé le 28 juin 2004, qui vise à valoriser tout organisme qui met en œuvre des actions exemplaires en matière d'égalité professionnelle. Une dizaine d'entreprises ont ainsi été récompensées fin mars.

C'est à l'aune de ces évolutions que ce texte doit être apprécié. Il comporte de nombreuses avancées, qu'il s'agisse de l'égalité salariale - entendue au sens large, comme prenant en compte l'ensemble rémunération principale et rémunérations accessoires - ou de la conciliation entre emploi et parentalité. Il s'inscrit aussi dans la continuité des lois qui ont ouvert la voie sans toujours tenir toutes leurs promesses. Enrichir les dispositifs existants pour en accroître l'efficacité, c'est bien l'enjeu de ce débat.

Sans doute certains esprits chagrins s'indigneront-ils que soit présentée une nouvelle loi, qui ne saurait suffire à faire évoluer les mentalités. Mais si, depuis cinquante ans, les écarts de rémunération diminuent continûment, c'est aussi grâce à l'adoption de lois successives. Et c'est parce que, depuis 1995, ces écarts semblent se stabiliser qu'il était important de reconsidérer ce problème. La démarche engagée est donc pleinement volontaire. Elle est aussi responsable, car elle vise à assurer un équilibre délicat entre l'entière liberté de la négociation collective et des mécanismes permettant d'en renforcer l'effectivité.

Après avoir remercié le président Jean-Michel Dubernard, le rapporteur ainsi que l'ensemble des commissaires pour leur importante contribution à ce débat, Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, a indiqué que la démarche poursuivie avec ce projet consiste à donner un contenu à l'égalité, car on s'est aperçu que proclamer ce droit ne suffit pas s'il ne se traduit par concrètement dans la réalité de la vie quotidienne des Françaises. S'agissant plus particulièrement de l'égalité salariale, dont le principe était inscrit déjà dans le traité de Rome, et en faveur de laquelle un grand nombre de dispositions ont été prises depuis des années, le fait même qu'un différentiel persiste entre la situation des hommes et celle des femmes, en particulier en ce qui concerne les rémunérations, montre l'inachèvement d'un engagement pourtant fondamental. C'est donc au nom de la justice et de la cohésion sociale, ainsi que du dynamisme de l'économie, qu'il faut aujourd'hui franchir un cap et aller vers une véritable conduite du changement au sein des entreprises. C'est l'objectif de cette loi, qui conforte les textes antérieurs sans jamais les remettre en cause, en particulier celui que nous devons à Mme Catherine Génisson, qui a posé des jalons importants.

Mais ce débat intervient dans un contexte nouveau marqué par une méthode qui privilégie le dialogue social et qui est particulièrement important dans l'esprit de gouvernance. Il faut donc que les acteurs économiques et sociaux, le gouvernement et le Parlement s'engagent résolument. Là aussi, la loi vient conforter une tradition ancienne et respecte les accords déjà conclus

Autre point très important, ce texte répond à la volonté clairement exprimée par le Président de la République de s'inscrire dans une logique de résultats. Parce qu'il s'agit d'une urgence sociale, économique et démocratique, il faut avoir atteint l'objectif fixé dans cinq ans. Cette loi doit donc être une étape décisive, définitive.

Le contexte démographique paraît plutôt favorable à son succès. En effet, la France va se trouver privée de centaines de milliers de compétences pour des raisons démographiques. Cela conduit les entreprises à repenser leur gestion des ressources humaines, qui deviennent tout à fait essentielles : la valorisation et la fidélisation des compétences, l'attractivité de l'entreprise doivent être repensées en fonction du capital humain. Les entreprises devraient donc être incitées à s'engager en faveur de ce texte qui parie à la fois sur la confiance dans les acteurs de l'entreprise et sur l'idée de généraliser par la loi le dialogue social sur une question aussi essentielle.

Pour cela, un dispositif novateur subordonne l'application des accords salariaux obligatoires à l'ouverture effective de négociations sur cette question. Les accords de branche ne pourront être étendus que dans les mêmes conditions. C'est une façon de responsabiliser les acteurs sans prévoir de pénalité financière dès l'origine, ce qui aurait pu être perçu comme une marque de défiance.

Il est par ailleurs obligatoire, dans la mesure où l'on s'inscrit dans une logique de résultats, d'évaluer les effets de la loi à moyen terme. Des indicateurs permanents d'évaluation et de suivi sont donc prévus, ainsi qu'un bilan à l'occasion d'une conférence annuelle entre partenaires sociaux et gouvernement. En fonction des résultats effectifs de l'application de la loi, si le besoin s'en fait sentir, une taxe pourra être assise sur la masse salariale pour contraindre les entreprises qui n'ont pas voulu jusque-là à s'engager dans le dispositif.

L'autre grand volet du texte est la neutralisation de la maternité au regard des évolutions de salaire et de carrière, car c'est aussi en s'inscrivant dans une logique de valorisation des compétences qu'on relèvera le défi de l'emploi féminin et de la démocratie.

La France dispose d'un bon modèle social qui peut inspirer l'Europe. Les femmes travaillent dans une grande proportion - 80 % des 25-49 ans - et on constate non seulement que plus elles travaillent, mieux elles travaillent, mais aussi que plus elles accèdent à un emploi stable, plus elles ont d'enfants. Contrairement à ce qui se passait au XXe siècle, les femmes ont besoin d'assurer leur autonomie professionnelle pour faire les choix familiaux qui leur conviennent. C'est pour cela que le texte vise à ce que les femmes participent à l'évolution générale des salaires sans que leur absence les pénalise. Car, dans les faits, ce n'est pas ainsi que les choses se passent : les salaires et les carrières stagnent au retour du congé de maternité. Pis, les jeunes filles intègrent ces éléments quand elles font leurs choix professionnels, admettant de facto que les femmes ne peuvent pas réaliser leurs propres ambitions. Elles sont à ce point dans la culture du compromis qu'elles considèrent en fait comme acquise l'impossibilité d'être mère tout en poursuivant sa carrière.

Il est donc très important de réparer cette injustice et de favoriser pour cela la conduite du changement dans les entreprises afin que les femmes ne soient pas empêchées de faire ce choix personnel de la maternité, qui est tellement important pour la Nation.

Le dispositif proposé consiste donc à les faire bénéficier de l'augmentation générale et de la moyenne des augmentations individuelles de salaire de leurs catégories professionnelles pendant leur congé de maternité. Une mesure d'incitation supplémentaire a été prévue pour les PME, sous la forme d'une aide d'environ 400 euros. C'est une façon de répondre à leurs contraintes de gestion et de permettre aux plus petites entreprises de participer pleinement à la conduite du changement.

A ces deux mesures essentielles s'ajoutent des dispositions en matière de formation et de prise en compte des frais de garde. La priorité donnée à l'égalité professionnelle est aussi réaffirmée dans les entreprises publiques.

Sans doute aurait-il fallu aller plus loin en matière de formation et de temps partiel, mais il a semblé important de se concentrer sur les questions les plus emblématiques pour les femmes et pour les entreprises car il faut bien aller vers un véritable changement de culture. D'ailleurs, un certain nombre d'entreprises ont compris qu'il était aussi de leur propre intérêt de valoriser les compétences et de mettre un terme à un contresens économique et démocratique. La loi doit pousser cette démarche.

Après l'exposé de la ministre, le président Jean-Michel Dubernard a déclaré que la ministre pouvait compter sur la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour contrôler et pour évaluer. S'appuyant sur la modification du Règlement de l'Assemblée nationale, résultant d'une proposition de résolution déposée par M. Jean-Luc Warsmann et adoptée le 12 février 2004, elle a en effet décidé de recevoir, six mois après la publication d'une loi, le ministre concerné pour faire le point des décrets d'application. Elle a ainsi auditionné M. Philippe Douste-Blazy sur les lois relatives aux retraites, à l'assurance-maladie, à la santé publique et à la bioéthique.

M. Edouard Courtial, rapporteur, après avoir exprimé son soutien aux objectifs et à la philosophie générale de ce texte, a rappelé que le principe « à travail égal et performance égale, salaire égal » devrait être un principe intangible et que toute mesure visant à satisfaire cet objectif répond ainsi à une exigence de justice sociale.

Mais ce projet a aussi une dimension économique, tout aussi importante. Dans les prochaines années, la France sera confrontée à des départs massifs à la retraite. Pour satisfaire l'offre de travail qui en découlera, il faudra probablement attirer sur le marché du travail de nombreuses femmes, qui constituent un gisement insuffisamment exploité de main d'œuvre qualifiée et compétente. Encore faut-il que ces femmes se sentent accueillies dans de bonnes conditions, tant sur le plan salarial que pratique.

La philosophie générale de ce texte, c'est-à-dire celle de l'équilibre, est bonne : équilibre entre la responsabilisation des partenaires sociaux et l'intervention de l'Etat ; équilibre entre la reprise d'éléments des lois précédentes et l'introduction de nouvelles dispositions visant à en renforcer l'efficacité ; équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Parce que l'égalité professionnelle est un sujet de société, certains affirment que, pour la promouvoir, il conviendrait plutôt de faire évoluer les mentalités que la loi. Mais la loi peut accélérer les évolutions en véhiculant des messages forts qui favorisent une prise de conscience collective. Elle est donc nécessaire.

Pour atteindre l'objectif de suppression des écarts de rémunération, les dispositions proposées au titre Ier du projet visent à une certaine exhaustivité : elles concernent tant la rémunération principale que les éléments accessoires, en particulier en matière d'intéressement ou de distribution d'actions. Sans doute certaines questions subsistent-elles, tant chez les responsables d'entreprises que chez les universitaires et les partenaires sociaux, qui en ont fait part au rapporteur à l'occasion de leur audition.

Cela vaut notamment pour la garantie relative aux augmentations dont bénéficierait la salariée à son retour de congé de maternité. Aussi serait-il souhaitable que la ministre apporte des précisions sur la manière dont cette mesure, qui fait l'objet de l'article 1er, sera appliquée dans les entreprises, notamment les plus petites.

Les articles 3 et 4 fondent le socle du projet et illustrent bien l'idée d'équilibre. Le respect de la négociation collective en représente le coeur, conformément à l'ensemble de la démarche engagée par le ministère de la parité depuis trois ans.

Des précisions doivent toutefois être apportées :

- La subordination de l'extension des accords de branche au traitement d'un sujet particulier avait déjà été introduite pour le thème de l'égalité professionnelle, sans produire de réels résultats. Quelles mesures pourraient être prises pour que les nouvelles dispositions soient davantage respectées ?

- De plus, le texte mentionne que l'ouverture de négociations est requise, tant dans la branche que dans l'entreprise. Il n'est pas question que l'Etat interfère dans la négociation, mais ne peut-on pas apporter des précisions, qui pourraient relever du domaine réglementaire, pour éviter des négociations purement formelles, en s'inspirant de la notion de négociation loyale et sérieuse ?

- Enfin, il apparaît nécessaire de réfléchir dès maintenant à la forme que prendra le bilan à mi-parcours, prévu au II de l'article 4.

Le second titre du projet est consacré à la conciliation de la vie professionnelle et de la parentalité. Les mesures proposées forment un tout cohérent, dont la pertinence a été soulignée par tous. La conciliation entre vie professionnelle et vie familiale fait partie des préoccupations majeures des salariés. Le gouvernement a d'ailleurs beaucoup œuvré, depuis trois ans, à la favoriser. Pour rendre encore plus efficace la loi, ne serait-il pas possible de conditionner l'octroi de certaines aides à l'engagement de l'entreprise en faveur de l'égalité professionnelle et de cette conciliation ? Ne pourrait-on majorer le montant de l'aide forfaitaire évoquée à l'article 7 pour les entreprises les plus vertueuses sur le plan de l'égalité professionnelle ?

Les deux derniers titres du projet comprennent des mesures fort intéressantes relatives à l'accès des femmes à des instances délibératives et juridictionnelles ainsi qu'à la formation professionnelle. Ne pourrait-on aller plus loin en promouvant la mixité dans d'autres instances de décision économique ou dans d'autres juridictions composées de magistrats non professionnels ?

Il est par ailleurs nécessaire de relancer la parité en matière de formation professionnelle, d'apprentissage en particulier. Dans les très petites entreprises et les entreprises artisanales, de nombreux emplois ne sont plus occupés, faute de main d'œuvre qualifiée. Le gouvernement a engagé, avec le plan de cohésion sociale, une vaste relance de l'apprentissage, avec pour objectif d'atteindre 500 000 apprentis en cinq ans. Dans ce cadre, il faudra porter un regard particulier sur l'apprentissage des femmes, qui sont absentes de filières professionnelles entières, et mener une réflexion d'ensemble sur la prise en compte de l'objectif d'égalité professionnelle dans les dispositifs d'aide à l'emploi.

Le rapporteur a conclu en remerciant la commission d'avoir donné à un jeune élu, homme, la chance d'être le rapporteur de ce texte porteur d'avenir.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, a rappelé que le rapporteur est aussi vice-président de la délégation aux droits des femmes et a remercié le président Jean-Michel Dubernard d'avoir saisi la délégation, qui a mené un important travail d'évaluation de la loi de 2001 sur les inégalités professionnelles. En effet, il ne faut pas oublier que cette loi prolonge les textes antérieurs de 1972, 1983 et 2001. Pour autant, les mentalités n'ont pas beaucoup changé, ce qui doit faire prendre conscience à chacun de l'importance de suivre l'application de la loi. La ministre doit donc être remerciée de soutenir le contrôle et l'évaluation régulière. Il est important de négocier non seulement sur l'égalité salariale, mais également sur l'égalité professionnelle, car l'objectif d'égalité salariale ne peut être atteint que si l'on prend en compte l'ensemble des inégalités professionnelles qui touchent les femmes.

Les recommandations de la délégation en vue d'améliorer le texte portent sur trois thèmes principaux : rendre la négociation plus efficace ; mieux prendre en compte maternité et parentalité dans l'entreprise ; assurer une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes dans les instances professionnelles et les instances de décision.

En premier lieu, la délégation, sans vouloir que la loi interfère dans le déroulement des négociations, qui sont de la responsabilité des partenaires sociaux, souhaite que l'exigence d'engager sérieusement et loyalement des négociations soit affirmée dans le texte, comme c'est le cas pour les négociations relatives au travail de nuit. Il faut donc se réjouir que le rapporteur ait insisté sur ce point.

Consciente de l'importance du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle (CESP), auquel le texte donne un travail de bilan et d'évaluation, la délégation considère qu'il doit également contribuer à élaborer les outils permettant de mesurer les écarts de rémunération et préciser le contenu des indicateurs pertinents. C'est l'ensemble des rémunérations et les parcours professionnels, et non pas seulement les salaires, qui devront être pris en compte pour parvenir à un véritable rattrapage salarial.

Il n'appartient pas à ce projet de prévoir que le gouvernement pourra présenter un nouveau projet de loi qui mettrait une contribution financière à la charge des employeurs ne satisfaisant pas à l'obligation d'ouverture de négociations de rattrapage salarial. Cette disposition de l'article 4, qui revient à prévoir l'échec du texte avant même son entrée en vigueur, doit être supprimée.

Il apparaît également essentiel à la délégation de sensibiliser et de former les inspecteurs du travail aux problèmes d'égalité salariale et professionnelle et de donner un statut aux délégués régionaux et chargés de mission départementaux aux droits des femmes, qui doivent s'impliquer fortement dans la mise en œuvre de la politique d'égalité salariale et professionnelle.

La délégation n'estime pas opportun d'imposer la majoration automatique des rémunérations des salariées, en retour de congé de maternité, de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant ces congés par les salariés relevant de leur catégorie. Cette disposition, qui pose des problèmes de confidentialité, paraît complexe, contre-productive et source de contentieux.

Il faudrait par ailleurs faire davantage référence dans le texte à la conciliation entre activité professionnelle et vie personnelle, ce qui est une façon d'insister sur l'égalité entre homme et femme, dans la mesure où chacun peut faire son choix de vie.

La délégation estime que la représentation des femmes dans les élections professionnelles - comités d'entreprises, prud'hommes, commissions administratives paritaires - devrait refléter la proportion d'hommes et de femmes de chaque collège électoral, entreprise ou corps de fonctionnaire.

Elle souhaite également ouvrir les conseils d'administration des entreprises, publiques et du secteur privé, à la représentation des femmes, en fixant un objectif d'au moins 20 % de représentants de chacun des deux sexes.

Enfin, la délégation considère que ce projet doit être l'occasion de transposer les dispositions relatives au harcèlement sexuel sous toutes ses formes sur le lieu de travail de la directive du 23 septembre 2002. Il serait particulièrement utile de donner à cette occasion une définition juridique au mot « sexuel », afin d'éviter des contentieux inutiles.

Telles sont les observations de la délégation, qui espère qu'elles pourront être reprises sous forme d'amendements afin de donner toutes ses chances de réussite à un texte dont l'objectif fondamental est partagé par tous et toutes.

Mme Catherine Génisson a souligné que ce texte est examiné dans un contexte économique et social difficile, marqué par un taux de chômage de plus de 10 %, dans lequel la situation des femmes se dégrade, y compris quand elles travaillent, en raison de la précarité. Une des causes en est bien évidemment le temps partiel, le plus souvent subi. Dans ce cas, il ne s'agit plus d'inégalité salariale mais d'inégalité tout court. Au nom de la justice et de la cohésion sociale invoquées par la ministre, il est impossible de ne pas traiter ce sujet, surtout quand on sait que la grande majorité des 3,5 millions de personnes qui travaillent et qui sont en dessous du seuil de pauvreté sont des femmes, des travailleuses pauvres.

Par ailleurs, en dépit de tous les outils législatifs et réglementaires utilisés depuis qu'on cherche à réduire les inégalités, ces dernières persistent. Elles sont dues bien sûr à la situation des femmes sur leur lieu de travail, dans l'entreprise comme dans les fonctions publiques, où le fameux plafond de verre existe aussi, mais qui sont un peu les oubliées de ce projet de loi.

Parmi les nombreux facteurs qui expliquent les inégalités, la formation initiale est un sujet majeur qui mériterait également d'être davantage traité. Il est dommage qu'il ait fallu un amendement d'origine parlementaire, adopté à l'unanimité, pour rappeler dans la loi d'orientation pour l'avenir de l'école l'importance de l'orientation, qui fait que 60 % des femmes sont concentrées dans 30 % des métiers, toujours les mêmes : services et professions intermédiaires.

Autre sujet capital, l'articulation des temps de vie. Aux obstacles culturels s'ajoutent les écarts entre les situations professionnelles des hommes et des femmes puisque, quand la différence de salaires atteint 20 à 30 %, il est difficile à un couple de faire le choix que l'homme s'investisse dans la vie familiale à la même hauteur que la femme.

Il est donc impératif de passer de droits formels des femmes à des droits réels et on peut se demander si une loi est vraiment nécessaire pour cela ou si c'est surtout d'action politique qu'il s'agit. En la matière, la détermination de la ministre est certaine. Mais, dans la mesure où est intervenu, fait exceptionnel dans le contexte actuel, un accord national interprofessionnel entre l'ensemble des partenaires sociaux, est-il vraiment nécessaire de légiférer, d'autant que traiter uniquement l'égalité salariale et le congé maternité semble certes intéressant, mais très réducteur ? Et il est également dommage, si les inégalités sont largement dues à la discontinuité du parcours professionnel, de ne s'intéresser de ce point de vue qu'aux congés de maternité.

Il aurait aussi fallu dire que, si l'élément le plus criant est l'inégalité salariale, un grand nombre d'autres discriminations frappent les femmes, en particulier à l'embauche, à l'accès à la promotion, à la formation, et que c'est en s'attaquant aux causes de ces phénomènes qu'on réglera le problème de l'égalité salariale.

Il faudrait également disposer d'outils pour évaluer la situation des salariés et des négociations dans les très petites entreprises et les PME. Il est difficile d'imposer un rapport de situation comparée dans les entreprises de trois ou quatre salariés, mais c'est pourtant là que l'on crée le plus d'emplois et qu'il y a le plus d'inégalités.

C'est à juste titre que le rapporteur a insisté, comme la présidente de la délégation aux droits des femmes, sur la conduite de la négociation sociale. On sait par ailleurs .que la présence des femmes dans les lieux de décision a une grande influence sur la qualité de ces décisions et il aurait donc été judicieux que le texte traite de la représentation des femmes. Les syndicats ont certes fait des progrès au niveau national, mais il y a encore trop peu de déléguées syndicales dans les négociations.

Enfin, la logique de résultats à cinq ans n'entre-t-elle pas en contradiction avec l'obligation de négociation spécifique dans les trois ans prévue par la loi du 9 mai 2001 ?

S'agissant plus précisément des articles du projet, le fait d'introduire, à l'article 1er, à côté du rattrapage des augmentations générales de salaire, celui de la moyenne des augmentations individuelles, n'est-il pas extrêmement compliqué, car il s'agit de données confidentielles dont la divulgation pourrait donner lieu à contentieux. On peut même imaginer que cette mesure soit contre-productive si l'entrepreneur bloquait toute augmentation individuelle pendant le congé de maternité. Elle pourrait en revanche avoir valeur pédagogique, en incitant à revenir à la gestion collective des salaires, alors qu'on privilégie plutôt actuellement l'accord individuel.

L'article 4 paraît particulièrement malvenu. En effet, outre que la pénalité assise sur les salaires si la loi n'a pas été suffisamment appliquée dans les deux ans et demi suivant son entrée en vigueur pourrait être immédiatement mise en œuvre, tant les entreprises sont réticentes à négocier, on délivre ainsi un message bien négatif puisqu'on envisage d'emblée l'échec de la loi.

L'article 7 suscite également beaucoup d'interrogations en instituant une prime stigmatisante à la femme qui accouche au profit des PME. On comprend mal ce qui motive cette mesure puisque les entreprises ne paient pas le salaire pendant le congé de maternité et qu'elles ne sont donc nullement pénalisées, à la différence des femmes, qui ne perçoivent que le traitement de base de la sécurité sociale.

Enfin, l'article 15 pose également problème dans la mesure où il s'inscrit dans une logique plus égalitariste qu'égalitaire.

Après avoir apporté son soutien aux recommandations de la délégation aux droits des femmes et annoncé que son groupe déposerait des amendements sur chacun des points soulevés par Mme Marie-Jo Zimmermann, Mme Muguette Jacquaint a, à son tour, insisté sur le contexte économique difficile, dans lequel les femmes, particulièrement frappées par le chômage, se voient proposer, de façon insultante, des emplois précaires. Ainsi, dans son département, la RATP a offert le 8 mars - beau cadeau pour la journée de la femme ! - d'embaucher des femmes à temps partiel, bien évidemment hors statut...

Il est par ailleurs dommage que le texte ne traite pas de la formation qui joue pourtant un rôle très important dans les inégalités professionnelles.

Comment, par ailleurs, ne pas douter de l'application effective de ce texte quand on voit que tous ceux qui l'ont précédé sont largement restés lettre morte ? On peut en particulier s'interroger sur son suivi dans les entreprises, dans la mesure où les inspecteurs du travail ne sont pas assez nombreux et où les procureurs de la République, débordés, classent le plus souvent sans suite les constats de discrimination.

Enfin, si le texte met l'accent sur le congé de maternité, il ne faut pas oublier que les jeunes femmes et celles qui n'ont pas d'enfant sont aussi victimes de discrimination.

Mme Martine David a souligné à quel point le temps partiel subi est un facteur essentiel d'inégalité. Pour que ce texte soit véritablement emblématique pour les femmes, comme l'a souhaité la ministre, il aurait été indispensable de traiter ce sujet. On ne peut qu'être déçu que tel n'ait pas été le cas, car des centaines de milliers de femmes sont dans une situation sociale, humaine, économique, donc démocratique, déplorable.

Ce texte n'apportera rien d'autre que l'amélioration d'un certain nombre de parcours individuels ; il ne répond en rien aux difficultés essentielles. C'est donc une occasion manquée.

En réponse aux intervenants, la ministre a rappelé que l'inégalité est bien la cible de ce texte qui met l'innovation sociale au service de l'emploi. Aujourd'hui encore, un certain nombre de femmes ne sont pas à la place à laquelle elles devraient être dans l'emploi en raison des inégalités salariales. Cette loi marquera donc bien un progrès social pour toutes celles qui vivent l'inégalité salariale comme une barrière sociale et culturelle au sein des entreprises. En outre, parce qu'elle porte la marque de la culture des changements, elle permettra d'aborder ensuite d'autres sujets comme le temps partiel et la formation, dont nul ne mésestime l'importance.

La règle qui consiste à permettre aux femmes, à l'issue du congé de maternité de bénéficier, en plus de l'augmentation générale des salaires intervenue, de l'augmentation moyenne individuelle, n'est que justice ; elle a été expertisée et fonctionne déjà dans un certain nombre d'entreprises. L'option alternative consistant à prendre en compte les augmentations individuelles antérieures de la personne concernée pourrait poser problème pour les femmes nouvellement entrées dans l'entreprise et avoir comme effet pervers de freiner l'augmentation des jeunes femmes, pour ne pas avoir à les faire bénéficier de leur propre parcours. C'est en tenant compte de l'avis du Conseil d'État et après consultation des partenaires sociaux que le gouvernement a retenu une approche équilibrée.

En ce qui concerne l'efficacité des accords, une réunion avec l'ensemble des inspecteurs et des directions du travail est prévue en juin. Une circulaire permettra de veiller à une application très stricte de ces accords, ce qui est essentiel.

Contrairement à ce qui a été dit, prévoir un bilan à mi-parcours, c'est faire le pari de la responsabilité et du résultat. Prévoir une pénalité financière dès l'origine aurait été au contraire l'expression d'une défiance vis-à-vis des entreprises. Le gouvernement s'est placé dans une démarche plus positive qui consiste à dire que, puisque les partenaires sociaux sont engagés avec une détermination sans précédent dans le dialogue social, il faut d'abord leur faire confiance. Ensuite, si le dispositif n'est pas satisfaisant, la taxe sera instaurée à mi-parcours, dans trois ans. Cette mesure a été approuvée par l'ensemble des partenaires.

Le rapporteur a par ailleurs évoqué l'idée d'un encouragement financier en fonction des efforts fournis par l'entreprise. Il faut toutefois rappeler que le crédit impôt famille va déjà permettre d'aider de façon significative les entreprises qui s'engagent résolument dans une politique d'égalité professionnelle. Ce dispositif porte ses premiers fruits avec les projets de crèche d'entreprise ou interentreprises, qui profitent également à ces dernières et offrent un bon équilibre entre justice sociale et atout économique. Quand le groupe PSA constate que l'égalité est un gage d'efficacité économique, c'est un succès pour tous ceux qui ont travaillé sur ces sujets, car on n'est plus seulement dans l'idée d'un rattrapage social mais dans celle de la valorisation du travail des femmes et de leurs performances.

Le travail en faveur de la mixité dans l'apprentissage est déjà engagé. Des efforts sont également faits pour une traduction de l'idée d'égalité entre les hommes et les femmes dans le plan de cohésion sociale. M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique, a également engagé une consultation du Conseil supérieur de la fonction publique qui devrait permettre à l'État d'être exemplaire, car on ne peut demander aux entreprises de porter seules l'égalité professionnelle.

Le travail accompli par Mme Marie-Jo Zimmermann à la tête de la délégation aux droits des femmes est remarquable et il faut, en effet, inscrire les négociations dans une démarche « sérieuse et loyale ».

Le conseil supérieur de l'égalité professionnelle sera chargé d'un certain nombre de missions relatives aux indicateurs, en particulier de définir les critères d'évaluation de la loi. Les inspecteurs du travail seront spécialement chargés de cette évaluation sur le terrain. La contribution financière, il faut y insister, s'inscrit dans l'objectif de réussite du plan. S'il s'agissait de miser sur un échec, elle aurait été instituée immédiatement. Ce dispositif paraît efficace aux partenaires sociaux. Les entreprises, en particulier, s'engagent en faveur d'une montée en puissance rapide, au bénéfice de l'économie comme de la démocratie.

Les délégués régionaux seront intégrés au service de l'emploi. En dépit d'un budget serré, il faut qu'ils soient l'interface entre la vie économique locale, les droits des femmes et l'administration.

S'agissant de la conciliation entre vie personnelle et professionnelle, si le texte insiste surtout sur la maternité, il est évident que c'est plus globalement à l'articulation des temps et à la présence des femmes dans l'entreprise qu'il faut s'intéresser.

Toutes les directives européennes ont été transposées. Il est vrai que la question du harcèlement sexiste reste en suspens, mais la loi récemment adoptée sur les propos sexistes permet d'introduire la notion de sexisme dans le droit positif français. Le fait de le sanctionner au même titre que le racisme constitue une avancée.

Comme l'a souligné Mme Catherine Génisson, alors que le temps partiel pourrait être une très bonne solution, il est aujourd'hui source d'inégalités. Si ce sujet ne figure pas dans la loi, c'est tout simplement parce qu'il relève, à leur demande, de la concertation qui va s'ouvrir dans les prochaines semaines avec les partenaires sociaux. Des propositions pourront ensuite être faites pour progresser sur un dossier essentiel car le lien entre précarité et inégalités étant évident, la consolidation dans l'emploi est la réponse appropriée.

Un plan va être prochainement lancé, avec les grands organismes qui en ont la charge, pour améliorer dans, les trois ans qui viennent, la formation des femmes, grâce en particulier à la validation des acquis de l'expérience. Cela permettra aussi qu'elles prennent toute leur place dans les entreprises dans le cadre du revirement démographique qui s'annonce.

Le projet de loi ne s'oppose pas au dialogue social, il en est le produit et peut même en être la concrétisation. Il renforce les lois existantes, qui ne sont pas suffisamment appliquées. S'il insiste tant sur la maternité c'est parce qu'elle est déterminante dans les choix d'orientation professionnelle que font les jeunes filles. A l'heure actuelle, elles se placent souvent dans une situation de renoncement ou de compromis. Mettre l'accent sur ce point est donc important pour les femmes comme pour les entreprises. L'aide forfaitaire qui est accordée à ces dernières n'est pas une prime pour les femmes, mais une aide aux entreprises, une prime d'ingénierie destinée à faciliter le remplacement de la personne qui part en congé de maternité. Il s'agit d'assouplir cette période qui est souvent mal vécue par les entreprises.

Il est vrai par ailleurs que l'amont et l'environnement des entreprises sont largement concernés par les inégalités puisque les questions d'orientation, de formation, de mode de garde ou de culture jouent directement. Mais les progrès devraient être rapides. Les changements déjà intervenus dans certaines entreprises montrent que la dynamique des salaires et des carrières est profondément modifiée en relation avec la lutte contre les inégalités. C'est un effet évident d'une nouvelle culture d'entreprise. Cette loi aura donc un effet déclencheur, elle permettra de fixer un cap nouveau, c'est pourquoi la ministre y consacrera toutes ses forces.

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié la ministre pour cet échange qui a vivement intéressé les membres de la commission, ce qui laisse espérer un débat passionnant en séance publique.

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa séance du 13 avril 2005.

Compte tenu de l'échange très nourri avec la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, le rapporteur a indiqué qu'il n'avait pas d'autres observations à formuler, au titre de la discussion générale, mais se réservait la faculté de proposer des amendements à la commission lors de sa prochaine réunion.

Le président Jean-Michel Dubernard a pris acte de ce que les commissaires présents ne souhaitaient pas s'exprimer au titre de la discussion générale du projet de loi, l'audition de la ministre ayant permis à chacun de s'exprimer longuement.

III.- EXAMEN DES ARTICLES

La commission a examiné les articles du présent projet de loi au cours de sa séance du mardi 3 mai 2005.

TITRE IER

SUPPRESSION DES ÉCARTS DE RÉMUNÉRATION

Article 1er

Prise en compte de l'incidence de la prise d'un congé de maternité
ou d'adoption sur la rémunération du salarié à la suite de son congé

Cet article, en procédant à une modification de l'article L. 122-26 du code du travail, vise à apporter une garantie salariale au salarié à l'issue d'un congé de maternité ou d'un congé pris pour adoption.

La question plus générale à laquelle se rapporte cet article est celle du lien entre la maternité et l'emploi.

Cette question faisant l'objet du titre II du présent projet, il ne convient pas de s'y arrêter davantage, sinon pour rappeler que le « handicap » ou le « facteur de discrimination » que peut constituer, dans certains cas, la maternité pour les femmes est une question revêtant des facettes multiples. A titre d'exemple, on peut évoquer l'existence de pratiques de discrimination à l'embauche pour les femmes les plus jeunes, à la perspective d'un congé de maternité à venir.

Mais cet article traite de manière plus particulière la question de la rémunération de la femme salariée au retour de son congé de maternité. Il trouve de ce fait sa place, fort naturellement, dans le titre Ier consacré à la « suppression des écarts de rémunération ».

1. Le problème de la maternité comme « point de rupture » dans le déroulement de la carrière des femmes

Aux termes de l'exposé des motifs du présent projet, « lorsque l'on analyse les trajectoires professionnelles des hommes et des femmes, le congé de maternité se traduit par un point de rupture dans le déroulement de la carrière des femmes en termes d'évolution professionnelle, notamment en ce qui concerne les conditions de travail, la promotion, l'accès à la formation et les augmentations salariales ».

Certes, comme le note ce même exposé des motifs, les femmes en congé de maternité bénéficient déjà des augmentations générales accordées par l'entreprise. Il n'en va pas de même des augmentations individuelles.

Les politiques d'individualisation des salaires peuvent en effet avoir un effet discriminant à l'égard des femmes au cours de ces périodes de congé : c'est le cas des primes comme celles liées à la présence effective, ou celles liées à la « disponibilité » des salariés, fort nombreuses en pratique. Or la jurisprudence de la Cour de cassation accepte que l'attribution de ces primes soit conditionnée à la présence du salarié.

Certains accords collectifs de travail ont déjà prévu des dispositifs destinés à combattre indirectement ce type de discriminations, à l'exemple d'un accord passé chez Electricité de France et Gaz de France le 13 juillet 2004 aux termes duquel, concernant la rémunération principale, l'attribution des augmentations individuelles de salaire sera réalisée à partir de bilans sexués. Elle respectera la proportion des femmes et des hommes de chaque direction et de chaque branche.

Un suivi annuel des augmentations individuelles attribuées aux agents à temps choisi, qui sont majoritairement des femmes, sera réalisé au niveau national afin de s'assurer qu'ils connaissent une évolution comparable à celle des agents à temps plein. Par ailleurs, compte tenu de l'écart récurrent observé entre la rémunération principale des hommes et des femmes, qui a représenté 4,9 % en 2002, un volant d'augmentations individuelles correspondant à un supplément de taux d'avancement de 1,5 point par an sur la population totale dans le système actuel de rémunération sera attribué aux femmes pendant la durée de l'accord.

De même, l'accord en date du 4 novembre 2003 sur l'égalité professionnelle signé dans le groupe PSA Peugeot Citroën dispose, en son article 2-3 consacré au congé de maternité, que « les parties rappellent que le congé maternité est considéré comme du temps de travail effectif notamment pour la détermination des droits liés à l'ancienneté, la répartition de l'intéressement et de la participation, le calcul des congés payés, du treizième mois et des primes ».

Autre exemple : l'accord signé chez Schneider Electric Industries le 14 décembre 2004 portant sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dispose, en son article 4. 2, que l'entreprise « veillera (...) chaque année à ce que la répartition budgétaire des augmentations individuelles soit au moins proportionnelle à l'importance de la population féminine pour chaque catégorie professionnelle ». Par ailleurs, il précise que « cet engagement sera inscrit dans les consignes de mise en œuvre des plans de révision de situation ».

Mais il convenait de poser une règle permettant d'aller au-delà de ces solutions « au cas par cas ».

2. La modification de l'article L. 122-26 proposée par le présent article

Cet article complète l'article L. 122-26 du code du travail par un nouvel alinéa.

L'article L. 122-26 du code du travail, en établissant au bénéfice de toute salariée un droit à suspension de son contrat de travail « pendant une période qui commence six semaines avant la date présumée de l'accouchement et se termine dix semaines après la date de celui-ci », a introduit dans le code du travail le congé de maternité, et le réglemente. Il prévoit par ailleurs les modalités de prise d'un congé en cas d'adoption.

Ce régime comporte déjà une garantie pour les salariés de retrouver, à l'issue de leur congé, leur précédent emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération définie comme « au moins équivalente ». Il importe de revenir sur cette disposition, avant d'en examiner l'articulation au regard du nouvel alinéa ainsi introduit.

a) Une garantie déjà existante : l'avant-dernier alinéa de l'article L. 122-26 du code du travail

L'avant-dernier alinéa de l'article L. 122-26 du code du travail dispose aujourd'hui que : « à l'issue des congés de maternité et d'adoption prévus au présent article, la personne salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente ».

Cet alinéa a été introduit dans l'article L. 122-26 par l'article 5 (5° du I) de l'ordonnance n° 2004-602 du 24 juin 2004 relative à la simplification du droit dans les domaines du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.

L'ajout de cette précision a été effectué par transposition directe de la formule qui préexistait dans d'autres articles du code du travail.

S'agissant du congé de maternité, il convient de préciser que, si cette disposition était absente du code du travail jusqu'à récemment, elle n'était pas pour autant inappliquée. Le régime de la reprise du travail à l'issue d'un congé de maternité était d'ores et déjà encadré par la jurisprudence.

La chambre sociale de la Cour de cassation fait en effet de longue date application de cette notion dans le cadre du congé de maternité (17).

C'est ainsi qu'aux termes d'un arrêt en date du 4 décembre 1986 (SARL Régeltex c/ Richard), la secrétaire du directeur d'une société peut refuser, à son retour de congé, d'être affectée à un nouveau poste comportant pour partie des travaux de manutention, l'employeur ne justifiant pas d'une nécessité de modifier les fonctions de l'intéressée et n'apportant pas la preuve qu'ayant sollicité une réduction de son temps de travail, elle acceptait de voir ainsi transformée l'occupation qu'elle avait jusqu'alors assurée.

D'une certaine façon, la nouvelle rédaction de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 122-26, aux termes de l'ordonnance du 24 juin 2004, a consacré cette jurisprudence en même temps qu'elle procédait à une harmonisation des régimes des différents congés dans le code du travail.

b) La rédaction de l'article L. 122-26 du code du travail complétée par un nouvel alinéa

Le nouvel alinéa prévoit un mécanisme qui peut être décrit par le double mouvement suivant :

- soit il existe un accord collectif de travail « déterminant des garanties d'évolution de la rémunération des salariés pendant les congés prévus au présent article et à leur issue » : dès lors, la liberté des partenaires sociaux reste entière ;

- soit il n'existe aucun accord de cette nature : dans ce cas, à l'issue de son congé, la personne salariée retrouve son emploi précédent ou un emploi similaire, mais assorti d'une rémunération qui n'est plus seulement, comme auparavant, définie comme au moins équivalente : elle est définie comme « majorée (...) des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée de ces congés par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l'entreprise ».

Autrement dit, la majoration à laquelle peut prétendre le salarié à son retour de congé est définie d'une double manière :

- soit, comme le précise l'exposé des motifs du projet de loi, la référence à une catégorie professionnelle est possible : le salarié bénéficie dans ce cas non seulement de l'augmentation générale, mais également de la moyenne des augmentations individuelles au sein de cette catégorie ;

- soit la référence à une catégorie professionnelle est impossible « du fait, notamment, de la petite taille de l'entreprise », selon l'exposé des motifs : dans ce cas, le calcul pourra se fonder sur la seule « moyenne des augmentations individuelles dans l'entreprise » pendant la période d'absence du salarié.

Cette mesure trouve son inspiration dans certains textes existants :

- l'article 13 de l'accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes pose, dans son troisième alinéa, que « lorsqu'il apparaît que l'ouverture au droit à certains éléments de rémunération est affectée par les absences autorisées liées à l'exercice de la parentalité, les entreprises et les branches ayant mis en place de tels dispositifs rechercheront les aménagements susceptibles d'y être apportés pour les absences en cause en vue de ne pas pénaliser la parentalité, sans pour autant dénaturer lesdits dispositifs ».

- le 7. de l'article 2 de la directive 76/207/CEE du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, telle que modifiée par la directive 2002/73/CE du parlement européen et du conseil du 23 septembre 2002 dispose qu'« une femme en congé de maternité a le droit, au terme de ce congé, de retrouver son emploi ou un emploi équivalent à des conditions qui ne lui soient pas moins favorables et de bénéficier de toute amélioration des conditions de travail à laquelle elle aurait eu droit durant son absence. Tout traitement moins favorable d'une femme lié à la grossesse ou au congé de maternité au sens de la directive 92/85/CEE constitue une discrimination au sens de la présente directive ».

Néanmoins, la présente disposition va incontestablement plus loin que l'ensemble de ces références.

*

Le rapporteur a retiré un amendement de précision visant à prendre en compte le moment exact, en général unique et annuel, auquel sont versées les augmentations dans l'entreprise.

La commission a examiné un amendement de Mme Muguette Jacquaint précisant que les augmentations générales et individuelles visées par cet article doivent tenir compte du salaire de base, des primes, des avantages en nature et de la distribution d'actions.

Mme Muguette Jacquaint a estimé important que toutes les dimensions de la rémunération soient prises en compte par les dispositions prévues par cet article.

Après que le rapporteur a émis un avis défavorable, au motif que ces éléments sont d'ores et déjà pris en compte dans la définition de la rémunération posée notamment par l'article L. 140-2 du code du travail, la commission a rejeté l'amendement.

Elle a ensuite adopté l'article 1er sans modification.

Article 2

Égalité salariale en matière d'intéressement ou de distribution d'actions -
Inclusion de l'état de grossesse dans la liste des motifs de discriminations

Cet article vise à inclure dans la liste des discriminations en matière de revenu (telle qu'elle figure à l'article L. 122-45 du code du travail) la mention des éléments accessoires du salaire que constituent les mesures d'intéressement et la distribution d'actions.

1. L'égalité salariale en matière d'intéressement ou de distribution d'actions

a) Le problème posé : les pratiques de discriminations par les avantages accessoires au salaire

Cet article prend place naturellement dans le titre Ier relatif aux écarts de rémunération : il a vocation à éviter les discriminations salariales que l'on peut dire indirectes, c'est-à-dire non celles qui affectent le versement du salaire lui-même, mais les inégalités afférentes à l'attribution d'avantages venant en complément du salaire.

En effet, comme le précise l'exposé des motifs du présent projet, « la méthode de calcul de ces avantages peut aboutir de fait à une discrimination au détriment des femmes, selon la pondération des critères retenus par l'employeur - par exemple pénibilité physique, disponibilité horaire, éléments définissant les ratios de productivité ».

D'une certaine façon, la discrimination salariale est doublement indirecte : elle affecte en effet indirectement les éléments accessoires au salaire, par le recours à des critères qui, par définition, auront vocation, in fine, à défavoriser les femmes.

· L'intéressement

Le régime aujourd'hui en vigueur de l'intéressement résulte des dispositions de la loi n° 2001-152 du 19 février 2001 sur l'épargne salariale, précisées par une circulaire interministérielle en date du 22 novembre 2001.

L'article L. 441-4 du code du travail et cette circulaire rappellent que le salaire et l'intéressement sont distincts : l'intéressement n'a pas le caractère de rémunération au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale pour l'application de la législation de sécurité sociale et n'est donc pas soumis à cotisations.

Aux termes de l'article L. 441-2 du code du travail, l'intéressement revêt un caractère aléatoire, garanti par l'existence d'une formule de calcul, qui offre une sécurité juridique aux salariés.

La loi n° 94-640 du 25 juillet 1994 relative à l'amélioration de la participation des salariés dans l'entreprise a proscrit la possibilité de différenciation selon les catégories de salariés, qui avait donné lieu à des abus fréquents et était source de complexité.

Comme le précise la circulaire du 22 novembre 2001, tous les salariés (qu'il s'agisse d'apprentis, de travailleurs à domicile, de contrats de retour à l'emploi, etc.) doivent pouvoir également bénéficier de l'intéressement, du fait de son caractère collectif, sous la seule réserve d'une éventuelle condition d'ancienneté (qui ne peut, en application de l'article L. 444-4 du code du travail, excéder trois mois).

La jurisprudence tire du caractère collectif de l'intéressement la conséquence selon laquelle un accord d'intéressement ne peut prendre en considération des critères de performance individuelle.

C'est ainsi que la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt en date du 23 mai 1996, qu'un accord d'intéressement prévoyant notamment que 25 % de la somme à distribuer aux salariés serait répartie en tenant compte des points de mérite attribués par l'encadrement est irrégulier dans son ensemble, en ce qu'il constitue un mode de rémunération individuelle et non collective.

De même, le caractère collectif de l'intéressement s'oppose, comme l'a précisé la Cour de cassation dans un arrêt en date du 23 novembre 1999, à l'exclusion de certains salariés au sein d'une même entreprise de l'accès au bénéfice de l'intéressement.

Sans doute la circulaire du 22 novembre 2001 dispose-t-elle que « la durée de présence » dans l'entreprise au cours de l'exercice peut être retenue comme critère de répartition de l'intéressement, dans la mesure où elle correspond à « la logique économique de l'intéressement », mais elle rappelle aussi que « l'article L. 441-2 du code du travail - et la Cour de cassation - exclut toute réduction sur la prime individuelle d'intéressement plus que proportionnelle à la durée des absences intervenues au cours de l'exercice ».

En outre, en application du sixième alinéa de l'article L. 441-2 du code du travail, les périodes visées à l'article L. 122-26 notamment (les congés de maternité ou d'adoption) sont assimilées à des périodes de présence. Dès lors, les salaires à prendre en compte au titre de ces périodes sont ceux qu'aurait perçus le bénéficiaire s'il avait été présent - même si le congé de maternité n'est pas rémunéré à 100 %.

Manifestement, ces garanties sont toutefois insuffisantes dans les faits pour éviter toute pratique discriminatoire.

· La « distribution d'actions »

Cette formule peut viser plusieurs pratiques :

- L'article L. 443-5 du code du travail ouvre la possibilité à une assemblée générale qui décide l'augmentation de capital d'une entreprise de prévoir l'attribution gratuite d'actions ou d'autres titres donnant accès au capital.

- L'article 83 de la loi de finances pour 2005 (n° 2004-1484 du 30 décembre 2004) a créé un nouveau mécanisme d'« attribution d'actions gratuites » en insérant dans le code de commerce de nouveaux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-5. Aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 225-197-1 du code de commerce, « l'assemblée générale extraordinaire, sur le rapport du conseil d'administration ou du directoire, selon le cas, et sur le rapport spécial des commissaires aux comptes, peut autoriser le conseil d'administration ou le directoire à procéder, au profit des membres du personnel salarié de la société ou de certaines catégories d'entre eux, à une attribution gratuite d'actions existantes ou à émettre ».

Cette disposition résulte de l'adoption d'un amendement de M. Edouard Balladur - reprise d'une proposition de loi du même auteur déposée en juillet 2004 à l'Assemblée nationale -, que celui-ci a présenté en ces termes au cours de la deuxième séance du vendredi 19 novembre 2004 : il s'agit « d'instituer un mécanisme de distribution d'actions gratuites aux mandataires sociaux et - c'est la nouveauté - aux salariés. Autorisées par l'assemblée générale des actionnaires, ces distributions pourront être réservées à telle ou telle catégorie de salariés, que les organes sociaux de l'entreprise détermineront, et être assorties de conditions légales : des conditions de performance des salariés pourront notamment être prévues ».

Au plan fiscal, ce régime est aligné sur celui applicable aujourd'hui aux stock options, réservées en pratiques à un petit nombre de dirigeants d'entreprise.

- Comme le rappelle le rapport général (n° 74, 2004-2005) de M. Philippe Marini établi au nom de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2005, il existait déjà un système d'attribution gratuite d'actions, autorisé pour la première fois en juin 2003 par la Commission des opérations de bourse, à laquelle a succédé l'Autorité des marchés financiers.

Mais ce système vise plus particulièrement les cadres dirigeants. De plus, l'attribution n'intervenait qu'à l'issue d'une période de trois ou quatre ans (contre deux ans dans le nouveau dispositif) et s'opérait exclusivement dans le cadre des programmes de rachat d'actions, alors que le nouveau système prévoit aussi l'attribution gratuite d'actions à émettre.

b) La solution retenue : poser une interdiction nouvelle

· L'interdiction posée au premier alinéa de l'article L. 122-45 du code du travail par la loi du 16 novembre 2001

L'article 1er de la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations a procédé à une nouvelle rédaction de l'article L. 122-45 du code du travail, qui porte définition des mesures discriminatoires.

Aux termes de cette nouvelle rédaction, « aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de son contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou (...) en raison de son état de santé ou de son handicap ».

Cet alinéa se présente donc comme « à double entrée », en regroupant deux listes :

- la première est une liste des actes qui ne doivent pas être discriminatoires : le recrutement, la formation, le licenciement,...

- la deuxième est une liste de motifs de discriminations.

La question de la discrimination dans la rémunération salariale du fait du sexe n'est qu'une des multiples questions qui relèvent de cet alinéa.

L'article 1er de la loi du 16 novembre 2001 avait procédé à un élargissement de la définition des mesures discriminatoires mentionnées à cet article afin d'intégrer l'ensemble de la carrière des salariés. Le rapporteur avait souhaité, à l'époque, inclure dans l'énumération, par souci d'exhaustivité, et tout en étant conscient de son caractère non-limitatif, les situations « dans lesquelles les salariés sont particulièrement exposés », à savoir le reclassement et le renouvellement du contrat à durée déterminée (18).

C'est une démarche semblable à laquelle procède le présent article.

· Une liste complétée...ou précisée ?

L'article 2 vise à insérer, dans le premier alinéa de l'article L. 122-45 du code du travail, après les mots : « notamment en matière de rémunération », les mots : « de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions ».

Il a donc semblé important, en dépit, là encore, du caractère non limitatif de cette énumération, d'y insérer la référence aux mesures d'intéressement ou de distribution d'actions - en raison du caractère manifeste des discriminations auxquelles elles donnent lieu.

Sans doute faut-il voir dans cette nouvelle énumération une précision : le texte, dans sa version antérieurement en vigueur, était suffisant.

Mais il convient d'aller au-delà : l'article L. 122-45 du code du travail ne donne pas seulement une définition des discriminations. Il offre aussi, par son dernier alinéa, la possibilité, « en cas de litige relatif à l'application [de cette définition] », au salarié concerné ou à un candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise, de « présente[r] des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ». En outre, « au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ».

Cet alinéa constitue un élément important, car il met fin à l'exigence imposée au salarié d'apporter la preuve de la discrimination : désormais, il ne lui revient plus qu'à produire des éléments de fait de nature à établir une présomption de discrimination (ce minimum étant indispensable pour éviter tout recours abusif auquel aurait pu conduire une rédaction plus souple). Passée cette étape, il appartient à l'employeur de prouver que ses décisions étaient fondées sur des critères objectifs. Il convient de noter que le juge peut ordonner toute mesure d'instruction qu'il estime utile, et qu'il n'est donc pas limité aux éléments produits par le salarié.

Plus encore, la loi du 16 novembre 2001 a modifié les articles 225-1 et 225-2 du code pénal : en particulier, ce dernier article prévoit aujourd'hui que la discrimination entre les personnes physiques à raison de leur sexe (mentionnée à l'article 225-1) est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende lorsqu'elle consiste à subordonner une offre d'emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 225-1.

2. L'inclusion dans la définition des discriminations de la question des discriminations en raison de l'état de grossesse

L'article 2 vise aussi à insérer, dans la définition des causes ou des motifs de la discrimination, l'état de grossesse, à l'article L. 122-45 du code du travail.

Cette insertion constitue la conséquence de la modification apportée à l'article L. 123-1 du même code par l'article 10 du présent projet.

Cet article, qui figure en tête du chapitre III introduit dans le titre II (« Contrat de travail ») du livre Ier (« Conventions relatives au travail ») par la « loi Roudy » du 13 juillet 1983, était destiné à reconnaître l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, conformément aux exigences de la directive communautaire 76/207 du 9 février 1976, ainsi transposée - certes tardivement - dans le droit interne.

Pour mémoire, on rappellera simplement que cet article introduisait alors des dispositions qui ne figuraient pas dans le code du travail, relatives au droit à l'égalité professionnelle sans discrimination fondée sur le sexe ni sur la situation de famille - et sauf « motif légitime » - en matière d'embauche, de licenciement mais aussi de non-renouvellement du contrat de travail, de formation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle ou de mutation.

On peut s'interroger sur l'opportunité de compléter également, dans ce même sens, la définition de la discrimination telle qu'elle figure à l'article 225-1 du code pénal. Il pourrait en effet être important de prévoir une sanction pénale en cas de discrimination fondée sur l'état de grossesse, de manière à renforcer l'effectivité de cette règle.

*

La commission a adopté l'article 2 sans modification.

Après l'article 2

La commission a examiné un amendement de Mme Martine Billard, défendu par Mme Muguette Jacquaint, prévoyant que la notice d'information délivrée aux salariés lors de l'embauche contient également des éléments d'information sur les dispositifs juridiques contre les discriminations et le harcèlement, sur le principe de l'égalité de traitement et sur l'existence de la Haute autorité de lutte contre les discriminations.

Mme Muguette Jacquaint a souligné l'importance de cet amendement.

Le rapporteur ayant objecté que cet objectif d'information des salariés est déjà pris en compte par les dispositions des articles L. 140-7 et L. 423-3-1 du code du travail, qui prévoient l'affichage dans les entreprises de certaines données relatives à l'égalité entre les femmes et les hommes, la commission a rejeté l'amendement.

Article 3

Relance avant le 31 décembre 2010 de la négociation collective
dans les branches en vue de la suppression des écarts de rémunération
entre les femmes et les hommes

Cet article présente une importance particulière non seulement en ce qu'il pose ce qui est l'un des objectifs centraux du projet de loi - à savoir la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes - et ce, conformément à l'une des priorités identifiées dans l'accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Mais cet article établit aussi des moyens réellement nouveaux, en une démarche progressive : il tend à approfondir la relance de la négociation collective telle qu'elle résulte de l'article L. 132-12 du code du travail, soit la négociation collective de branche (on le verra, l'article suivant concerne les négociations d'entreprise).

1. La persistance des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes : un problème de méthode plus qu'un problème d'objectif

Il n'est pas utile de revenir dans le détail sur la longue marche législative vers la réduction des inégalités salariales, telle qu'elle a été exposée dans la partie générale, non plus que sur l'état des lieux qui prévaut aujourd'hui et montre la persistance des inégalités de rémunération.

« La France est-elle toujours le pays des réformes symboliques ? », s'interrogeait récemment un sociologue qui, après avoir noté que « des réformes symboliques ont été adoptées tant par les gouvernements de droite (lois de 1972, 1975 et 1987) que de gauche (lois de 1983 et 2001) », finit par conclure qu' « en dernière analyse, il semble bien que les réformes symboliques soient toujours d'actualité en France. » (19)

Est-ce à concéder que le présent projet tombe, par avance, sous le coup des mêmes critiques ? Le rapporteur ne le pense pas. Si la matière est spécifique - et cela, pourquoi ne pas le reconnaître -, elle ne constitue pas pour autant une fin de non-recevoir à toute intervention législative.

Le rapporteur ne partage pas le pessimisme dont se parent toutes ces formules. Non qu'il se satisfasse de l'existant - loin s'en faut. Mais il ne faut pas, au nom d'une exigence légitime, oublier que selon les « séries longues », comme les appellent les statisticiens, les écarts salariaux perdurent, ce qui est regrettable (inacceptable), mais se réduisent, comme l'atteste le tableau présenté ci-après. Motif non de satisfaction, mais d'espérance, porteur d'un souhait : continuer d'aller de l'avant.

Indéniablement, cette réduction des écarts marque le pas depuis l'année 1995 (année à partir de laquelle l'écart diminue peu, et même stagne réellement, de 1996 à 1999). C'est la raison pour laquelle il importe bien sûr de relancer ce mouvement, en l'amplifiant, jusqu'à la suppression des écarts de rémunération.

Ecarts de salaire entre les hommes et les femmes

France (1952 - 2002)

Salaires nets moyens

Rapport des salaires

Ecart de salaire

Années

Hommes

Femmes

F/H (%)

H/F

Ecart (H-F)/F (en %)

(a) 1952

4 079

2 636

64,6

1,55

54,7

1954

4 552

3 029

66,5

1,50

50,3

1956

5 604

3 605

64,3

1,55

55,5

1958

6 897

4 386

63,6

1,57

57,3

1960

8 051

5 178

64,3

1,55

55,5

1962

9 579

6 170

64,4

1,55

55,3

1964

11 242

7 208

64,1

1,56

56,0

1966

12 692

8 131

64,1

1,56

56,1

1968

14 632

9 703

66,3

1,51

50,8

1970

17 782

11 855

66,7

1,50

50,0

1972

21 841

14 548

66,6

1,50

50,1

1974

28 782

19 322

67,1

1,49

49,0

1976

38 037

26 295

69,1

1,45

44,7

1978

47 383

33 464

70,6

1,42

41,6

1980

58 258

42 100

72,3

1,38

38,4

1982

74 849

54 724

73,1

1,37

36,8

1984

88 317

65 570

74,2

1,35

34,7

1986

99 782

74 139

74,3

1,35

34,6

1988

105 566

78 657

74,5

1,34

34,2

1990

115 730

86 968

75,1

1,33

33,1

1992

122 715

93 307

76,0

1,32

31,5

(b) 1992

128 040

98 930

77,3

1,29

29,4

1993

131 060

101 640

77,6

1,29

28,9

1994

132 800

103 470

77,9

1,28

28,3

1995

135 670

107 950

79,6

1,26

25,7

1996

136 740

109 230

79,9

1,25

25,2

1997

136 040

108 220

79,6

1,26

25,7

1998

137 760

109 920

79,8

1,25

25,3

1999*

21 460

17 140

79,9

1,25

25,2

2000*

21 890

17 510

80,0

1,25

25,0

2001*

22 301

17 928

80,4

1,24

24,4

2002*

22 860

18 404

80,5

1,24

24,2

a. 1952-1992 : Séries longues sur les salaires, édition 2000.

b. 1992-2002 : « Les salaires dans les entreprises en... », INSEE Première n°  393-471-550-610-778-833-939-980

Les DADS (déclarations annuelles de salaire) couvrent le champ des salariés à temps complet du secteur privé et semi-public.

Les salaires sont des salaires annuels moyens nets de tous prélèvements.

* en euros

Source : Déclarations annuelles de salaire, INSEE ; Femmes, genres et sociétés, l'Etat des savoirs sous la direction de Margaret MARUANI La Découverte 2005

La méthode proposée est originale et tient en trois temps : l'assignation de nouveaux objectifs à la négociation collective ; le déclenchement original d'un type de négociation automatique ; une procédure d'évaluation conduisant à l'institution d'une contribution obligatoire imposée aux entreprises. Elle est déclinée dans les deux articles 3 et 4 du présent projet.

2. De nouveaux objectifs pour la négociation de branche telle qu'elle résulte de l'article L. 132-12 du code du travail

a) Les négociations de branche sur les mesures tendant à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

L'article 7 de la loi du 9 mai 2001 a introduit dans l'article L. 132-12 du code du travail la règle selon laquelle les organisations liées par une convention de branche ou des accords professionnels doivent se réunir pour négocier tous les trois ans sur les mesures tendant à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et sur les mesures de rattrapage tendant à remédier aux inégalités constatées.

La négociation porte notamment sur les conditions d'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelle, ainsi que sur les conditions de travail et d'emploi. L'article L. 132-12 précise qu'elle se déroule sur la base d'un rapport présentant la situation comparée des hommes et des femmes dans ces domaines et sur la base d'indicateurs pertinents, reposant sur des éléments chiffrés, pour chaque secteur d'activité.

Par ailleurs, l'article 9 de la loi du 9 mai 2001 a intégré aux négociations de branche prévues au premier alinéa de l'article L. 132-12 (obligation de négociation annuelle sur les salaires et au moins tous les cinq ans sur les classifications) l'objectif d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes - c'est l'objet de l'article L 132-12-1 du code du travail.

On ne reviendra pas ici sur les limites de ce processus de négociation, développées plus haut. L'objectif du présent article est précisément de favoriser la relance de ces négociations, sur le fondement de ce deuxième dispositif.

b) La relance de la négociation de branche au profit de la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes

C'est l'objet du présent article 3 du projet de loi, qui utilise le dispositif de négociation existant au niveau de la branche d'une manière particulière, en insérant après l'article L. 132-12-1 du code du travail un nouvel article L. 132-12-2.

On aurait pu en effet songer à compléter la rédaction existante de l'article L. 132-12-1 du code du travail en accolant à l'objectif d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes déjà mentionné, la mention de la suppression des écarts de rémunération.

Une telle méthode, cependant, aurait présenté le risque que cet objectif, à l'image de l'objectif existant, ne fasse pas l'objet de négociations suffisantes et souffre, en définitive, des mêmes limites.

C'est la raison pour laquelle une autre solution a finalement été retenue. En un dispositif que l'on peut dire « externalisé », l'article L. 132-12 est utilisé d'une manière dynamique hors du code du travail, pour un objectif de suppression des écarts de rémunération qui figure dans un autre article du code, expressément dédié à cet objectif.

C'est ainsi que le premier alinéa de l'article L. 132-12-2 assigne aux « négociations prévues au premier alinéa de l'article L. 132-12 » (donc aux négociations de branche telles que définies plus haut) pour objectif complémentaire (elles « visent également à ») le soin de « définir et (...) programmer les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes ». On observera que :

- Les mesures concernées doivent être définies mais aussi programmées. Cette disposition affiche son caractère opérationnel. C'est que le même alinéa précise d'une part que cette suppression doit intervenir « avant le 31 décembre 2010 », ce qui correspond à l'idée de parvenir à la suppression de ces écarts de rémunération dans un délai maximum de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi.

D'autre part, cet alinéa pose l'obligation d'établir « un diagnostic des écarts éventuels de rémunération entre les femmes et les hommes ». Ce diagnostic doit être réalisé « sur la base du rapport prévu au sixième alinéa de l'article L. 132-12 », à savoir le rapport de situation comparée qui sert par ailleurs de fondement à la négociation spécifique se déroulant tous les trois ans prévue par le même article.

En tout état de cause, ce diagnostic doit constituer un préalable à la définition des mesures visant à la suppression des écarts de rémunération.

- Ces mesures doivent permettre de « supprimer » les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. L'objectif ainsi affiché revêt donc une forme de radicalité. Rupture à l'égard des comportements antérieurs, qui toujours visaient la simple réduction des écarts.

3. Un dispositif d'enclenchement automatique des négociations

Les expériences législatives passées ont montré la nécessité d'aller au-delà de simples « vœux pieux ». C'est la raison pour laquelle un « triple verrou » est mis en œuvre concernant la négociation de branche.

C'est ainsi que le deuxième alinéa du nouvel article L. 132-12-2 prévoit qu'« à défaut d'initiative de la partie patronale dans l'année suivant la promulgation de la loi » les négociations s'engagent « dans les quinze jours suivant la demande d'une organisation représentative mentionnée à l'article L. 132-2 ».

Plus encore - deuxième verrou -, le troisième alinéa du nouvel article L. 132-12-2 dispose que l'accord fait l'objet d'un dépôt auprès de l'autorité administrative compétente, selon les dispositions de l'article L. 132-10 du code du travail, qui sont les dispositions de droit commun du dépôt des accords collectifs de travail.

Mais dans deux cas - absence de transmission d'un accord ou d'établissement d'un procès-verbal de désaccord contenant les propositions des parties en leur dernier état -, le ministre chargé des relations du travail convoque, en application du deuxième alinéa de l'article L. 133-1 du code du travail, une commission composée des représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, « afin que s'engage ou se poursuive la négociation prévue au premier alinéa du présent article ».

Le rapporteur est sensible à la mise en place de tels dispositifs destinés à renforcer l'effectivité de l'ouverture des négociations. Dans le même temps, il juge nécessaire qu'il soit assuré que les négociations engagées soient loyales et sérieuses - et ce, tant au niveau de la branche qu'au niveau de l'entreprise (à l'article 4 suivant). C'est là un élément de plus pour assurer cette effectivité des négociations.

Enfin, ultime précaution, le II de l'article 3 insère un nouvel alinéa 9°bis dans l'article L. 133-5 du code du travail.

L'article L. 133-5 du code du travail énumère les clauses devant figurer dans un accord de branche pour que celui-ci puisse être étendu. Il comportait déjà un alinéa 9° selon lequel devait figurer dans l'accord des dispositions concernant « l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les mesures de rattrapage tendant à remédier aux inégalités constatées », ces mesures « s'appliquant notamment à l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelle et aux conditions de travail et d'emploi ».

Désormais, l'extension d'une convention collective de branche conclue au niveau national est subordonnée non seulement aux conditions « traditionnelles » telles qu'elles sont énumérées à l'article L. 133-5 du code du travail, mais également à l'obligation de négociation sur la définition et la programmation de mesures destinées à supprimer les écarts de rémunération, puisque le 9° bis prévoit la nécessité de l'existence de dispositions concernant « la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes prévue à l'article L. 132-12-2 ».

Le III de l'article 3 prévoit dans le même temps que ces dispositions du 9° bis n'entreront en application qu'« à compter d'un an après la publication de la présente loi ». Cette disposition est le corollaire de la rédaction du deuxième alinéa de l'article L. 132-12-2 qui accorde une année à compter de la promulgation de la loi à la partie patronale pour engager des négociations relatives à l'égalité salariale, avant que des négociations puissent s'engager dans les quinze jours suivant la demande d'une organisation représentative.

4. Un mécanisme d'évaluation constitué d'un bilan effectué par la commission nationale de la négociation collective

Il résulte du dernier alinéa du nouvel article L. 132-12-2 que la commission nationale de la négociation collective aura pour mission, dans le cadre de l'examen annuel prévu au 8° de l'article L. 136-2 du code du travail, d'établir « le bilan de l'application de ces mesures [mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération au niveau de la branche] ».

A titre de rappel, le 8° de l'article L. 136-2, alinéa introduit par la loi du 16 novembre 2001, mentionne dans la liste des missions de la commission nationale de la négociation collective la charge « de suivre annuellement l'application dans les conventions collectives du principe à travail égal salaire égal, du principe de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes (...), de constater les inégalités éventuellement persistantes et d'en analyser les causes ». Le même alinéa précise que « la commission nationale a qualité pour faire au ministre chargé du travail toute proposition pour promouvoir dans les faits et dans les textes ces principes d'égalité ».

*

Article L. 132-12-2 du code du travail

La commission a examiné un amendement de Mme Muguette Jacquaint précisant que la négociation collective dans les branches spécifiques mentionnées à l'article L. 132-12 du code du travail porte notamment sur les conditions d'accès à l'emploi, la formation professionnelle, les conditions de travail, les salaires et la reconnaissance des qualifications professionnelles.

Mme Muguette Jacquaint a expliqué qu'il s'agit ainsi de préciser le contenu des négociations collectives dans les branches afin d'y intégrer l'ensemble des éléments de nature à concourir à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et non seulement à l'égalité salariale.

La commission a rejeté l'amendement, après que le rapporteur a fait valoir que l'objectif de cet article n'est pas de procéder à une remise à plat de l'ensemble du système de négociation, tel qu'issu de la loi du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, mais uniquement de l'approfondir et de l'améliorer.

La commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

La commission a examiné un amendement de Mme Anne-Marie Comparini visant à préciser que les négociations dans les branches doivent être « loyales et sérieuses ».

Mme Anne-Marie Comparini a tout d'abord souligné que l'amendement vise à prendre en compte les observations formulées par l'ensemble des partenaires sociaux au cours des auditions organisées, en février et en mars derniers, par la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, présidée par Mme Marie-Jo Zimmermann. En effet, il est apparu important de soumettre les parties à une obligation d'engager des négociations loyales et sérieuses, dans la mesure où l'accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes est resté peu appliqué, de même d'ailleurs que la loi du 9 mai 2001. C'est pourquoi il est nécessaire d'apporter cette précision, afin que les négociations aient bien lieu au niveau de chaque branche et de chaque entreprise.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est interrogé sur le sens de cette précision qui semble aller de soi : imaginerait-on en effet préciser que ces négociations doivent être « déloyales et humoristiques » ?

Mme Anne-Marie Comparini a néanmoins fait valoir que tant le rapport de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur l'application de la loi du 9 mai 2001 que les travaux de la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale ont souligné que les partenaires sociaux manquent d'une base juridique sérieuse pour engager une négociation. Cette précision doit donc être apportée, à défaut de quoi la loi risque fort bien de ne pas être appliquée.

Mme Muguette Jacquaint a souligné l'importance de cette série d'amendements concernant les conditions de négociation collective dans les branches, qui présentent un intérêt particulier pour la question salariale. Il est en effet peu satisfaisant que les négociations se déroulent trop souvent sous la forme d'un ultimatum de type « à prendre ou à laisser » : le législateur doit donc donner un caractère obligatoire au déroulement loyal de ces négociations.

Tout en partageant l'objectif de l'amendement, et ce compte tenu du fait qu'une précision analogue a été apportée concernant le travail de nuit des femmes, le rapporteur a indiqué qu'un amendement présenté ultérieurement permettra de répondre à cette préoccupation.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

La commission a examiné un amendement de Mme Anne-Marie Comparini prévoyant que l'employeur convoque à la négociation les syndicats de l'entreprise, fixe le lieu et le calendrier des réunions et leur communique les informations nécessaires au bon déroulement de la négociation.

Mme Anne-Marie Comparini a souligné que l'amendement s'inscrit également dans le droit fil des recommandations de la délégation aux droits des femmes, dont les travaux ont permis de mettre en exergue la nécessité de préciser davantage les obligations incombant à l'employeur en matière d'organisation de la négociation. Il est en effet évident que ce n'est pas par la loi seule, mais par l'action des acteurs et des partenaires sociaux sur le terrain, que le principe d'égalité professionnelle pourra effectivement être mis en œuvre. L'amendement permet ainsi de définir concrètement le contenu d'une négociation « loyale et sérieuse », par analogie avec les dispositions applicables au travail de nuit des femmes.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment, ainsi que du fait de la forme juridique du dispositif proposé, plus adapté aux entreprises qu'aux branches, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur.

La commission a examiné un amendement du rapporteur prévoyant qu'une commission mixte est réunie si la négociation de branche n'a pas été engagée sérieusement et loyalement.

Le rapporteur a expliqué que l'engagement sérieux et loyal des négociations implique notamment que la partie patronale ait communiqué aux organisations syndicales les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause. L'amendement permet ainsi de tenir compte des observations formulées par les partenaires sociaux et relayées par Mme Muguette Jacquaint et Mme Anne-Marie Comparini - qui ont souhaité cosigner l'amendement.

Le président Jean-Michel Dubernard a jugé préférable de retenir le terme d' « engagement sérieux et loyal » et estimé que l'amendement répond tout à fait aux différentes préoccupations formulées précédemment.

Mme Anne-Marie Comparini a souhaité toutefois avoir des précisions sur la commission mixte visée par l'amendement.

Après que le rapporteur a répondu qu'il s'agit de la commission mixte prévue par l'article L. 133-1 du code du travail et visée à cet article 3, qui est réunie à l'initiative du ministre chargé du travail, la commission a adopté l'amendement.

Article L. 133-5 du code du travail

La commission a adopté un amendement de coordination rédactionnelle du rapporteur.

La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Après l'article 3

La commission a examiné un amendement de Mme Martine Billard prévoyant que l'employeur est tenu, au cours de la négociation, de répondre de manière motivée aux propositions syndicales.

Le rapporteur a indiqué que cette précision est déjà apportée par l'amendement à l'article 3 précédemment adopté par la commission.

Mme Martine Billard a estimé que tel n'est pas le cas car les dispositions de l'amendement de la commission s'appliquent après la réunion de la commission mixte, tandis que cet amendement permet précisément de ne pas y recourir si l'employeur apporte des réponses argumentées aux syndicats.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, qui a rappelé que la commission mixte intervient bien dans les cas où l'employeur n'a pas apporté de réponse aux syndicats, la commission a rejeté l'amendement.

Article 4

Relance avant le 31 décembre 2010 de la négociation collective
dans les entreprises en vue de la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes

Cet article est établi sur le même modèle et dans un même esprit que l'article précédent, mais il s'applique à la négociation d'entreprise, et non plus à la négociation de branche : il poursuit le même objectif de suppression des écarts de rémunération ; il met en œuvre une même méthode, de relance de la négociation par une forme d'« externalisation » de l'outil que constitue la négociation d'entreprise telle qu'elle est organisée par l'article L. 132-27 du code du travail, en créant un nouvel article L. 132-27-2 ; il prévoit un même mécanisme de relance de la négociation, assorti d'un certain nombre de « verrous » ; il débouche, au final, sur une évaluation assortie de la possibilité d'institution d'une taxe spécifique.

1. De nouveaux objectifs pour la négociation d'entreprise telle qu'elle résulte de l'article L. 132-27 du code du travail

a) La négociation annuelle d'entreprise sur les objectifs en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

L'article 4 de la loi du 9 mai 2001 avait complété l'article L. 132-27 du code du travail relatif à la négociation annuelle obligatoire dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d'organisations représentatives en prévoyant que, dans ces entreprises, « l'employeur est également tenu d'engager chaque année une négociation sur les objectifs en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l'entreprise, ainsi que sur les mesures permettant de les atteindre, à partir des éléments figurant dans le rapport de situation comparée prévu par l'article L. 432-3-1 et complété éventuellement par des indicateurs qui tiennent compte de la situation particulière de l'entreprise ».

L'article précise qu'à défaut d'une initiative de l'employeur depuis plus de douze mois suivant la précédente négociation, la négociation s'engage obligatoirement à la demande d'une organisation syndicale représentative dans le délai fixé à l'article L. 132-28, c'est-à-dire dans les quinze jours suivant la demande formulée par une organisation syndicale - cette demande étant transmise dans les huit jours par l'employeur aux autres organisations représentatives.

Il convient de noter que lorsqu'un accord collectif comportant de tels objectifs et mesures est signé dans l'entreprise, la périodicité de la négociation est portée à trois ans.

En outre, de sorte que cette obligation ne puisse entraver des progrès réalisés dans cette même matière dans d'autres enceintes de la négociation collective, il est précisé que les mesures permettant d'atteindre les objectifs visés en termes d'égalité professionnelle peuvent résulter d'autres accords que la seule négociation spécifique. Le nouvel article L. 132-27-1 du code du travail, inséré dans le code par l'article 6 de la loi du 9 mai 2001, a expressément intégré dans les négociations annuelles obligatoires pour l'entreprise, en application du premier alinéa de l'article L. 132-27 du même code, l'objectif d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Enfin, l'article 5 de la loi du 9 mai 2001 a ajouté l'entrave faite par l'employeur à l'obligation annuelle de négocier sur l'égalité professionnelle aux cas déjà prévus à l'article L. 153-2 du code du travail (entrave à l'obligation annuelle de négocier posée par le premier alinéa de l'article L. 132-27 et par l'article L. 132-28 du code du travail, à l'obligation quinquennale de négocier sur la formation professionnelle posée par l'article L. 934-2) entraînant l'application des sanctions pénales mentionnées à l'article L. 481-2 du code du travail.

On ne reviendra pas dans le détail sur les limites de ce processus de négociation. C'est précisément la raison pour laquelle le présent article vise à les relancer.

b) La relance de la négociation d'entreprise au profit de la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes

Le premier alinéa de l'article L. 132-27-2 du code du travail prévoit un mécanisme comparable à celui figurant dans le nouvel article L. 132-12-2 tel qu'il résulte de la rédaction de l'article 3, applicable directement aux entreprises. Il reprend en effet mot pour mot le premier alinéa de cet article en assignant cette fois aux « négociations sur les salaires effectifs prévues au premier alinéa de l'article L. 132-27 » (autrement dit les négociations d'entreprise) le soin également de définir et programmer les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes avant le 31 décembre 2010.

Là encore, un diagnostic des écarts éventuels de rémunération entre les femmes et les hommes est établi sur la base des éléments figurant dans le rapport de situation comparée (qui est prévu, s'agissant des entreprises, au premier alinéa de l'article L. 432-3-1 du code du travail mentionnant le « rapport écrit sur la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes dans l'entreprise »).

D'ores et déjà, un certain nombre d'entreprises ont « défini » certaines mesures à cet effet. Leur « programmation » est toutefois beaucoup plus rare.

2. Un « double verrou » est mis en œuvre concernant la négociation d'entreprise

Le premier « verrou » est comparable à celui existant dans le cadre de la négociation de branche : à défaut d'initiative de la partie patronale dans l'année suivant la promulgation de la loi, les négociations s'engagent dans les quinze jours suivant la demande d'une des organisations syndicales de salariés représentatives dans l'entreprise au sens des articles L. 132-2 et L. 132-19 du code du travail (ce dernier article précisant, concernant les entreprises, mais aussi les établissements ou les groupes d'établissements, que les accords sont négociés entre l'employeur et les organisations syndicales de salariés représentatives au sens de l'article L. 132-2).

En outre, une condition de validité nouvelle est ajoutée pour les accords collectifs d'entreprise sur les salaires effectifs. Ceux-ci ne doivent en effet plus seulement être déposés auprès de l'autorité administrative compétente dans les conditions de droit commun telles qu'elles sont définies à l'article L. 132-10 du code du travail.

Ils doivent aussi, à cette occasion, être « accompagnés d'un procès-verbal d'ouverture des négociations portant sur les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, consignant les propositions respectives des parties ».

Bref, les négociations sur les salaires seront désormais subordonnées, au moins, à l'ouverture de négociations sur la question particulière de la suppression des écarts de rémunérations entre les femmes et les hommes.

Comme en matière de négociation de branche, le rapporteur juge utile, au regard de l'impératif d'effectivité de la mise en œuvre de ce dispositif, que les négociations qui s'engagent le soient de manière loyale et sérieuse, avec toutes les garanties procédurales que cela suppose : l'engagement sérieux et loyal des négociations implique notamment que l'employeur a convoqué à la négociation les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise et fixé le lieu et le calendrier des réunions. Il doit également leur avoir communiqué les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause et avoir répondu aux éventuelles propositions des organisations syndicales.

3. Un mécanisme d'évaluation ouvrant, à terme, sur l'éventuelle institution d'une contribution relative à l'égalité entre les femmes et les hommes

Deux types d'évaluations différents sont prévus par le présent article 4.

a) Un bilan « à mi-parcours » pouvant donner lieu au dépôt d'un projet de loi instituant une nouvelle contribution imposée aux entreprises

Le II de l'article 4 prévoit les modalités d'un bilan « à mi-parcours de l'application de la présente loi ». Ce bilan doit être précédé d'un rapport élaboré par le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Sur la base de ce rapport, « une conférence nationale sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes » établira le bilan.

Le rapporteur est sensible à la nécessité de cette procédure d'évaluation. Dans le même temps, il juge utile de prévoir quelles en seront les modalités pratiques. Dans ce but, il conviendrait de préciser que le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes procède à l'élaboration d'outils méthodologiques permettant de mesurer les écarts de rémunération et de les recenser, en tenant compte des différents parcours professionnels et secteurs d'activité. Un décret pris après avis du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle pourrait fixer la liste de ces outils dans un délai donné.

Au vu de ce bilan, le projet prévoit que « le Gouvernement pourra présenter au Parlement, si nécessaire, un projet de loi instituant une contribution assise sur les salaires, et applicable aux entreprises ne satisfaisant pas à l'obligation d'ouverture des négociations prévues à l'article L. 132-27-2 du code du travail ».

b) Un rapport d'évaluation du Gouvernement au Parlement

Le dernier alinéa du II de cet article prévoit que « le Gouvernement présentera, six ans après la promulgation de la présente loi, un rapport d'évaluation au Parlement, après consultation du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle ».

Ce sera l'occasion, après la mise en œuvre éventuelle de la nouvelle contribution, le cas échéant, d'en apprécier les effets.

*

La commission a examiné un amendement de Mme Martine Billard ouvrant la possibilité aux syndicats dans l'entreprise de faire appel à un expert afin d'établir précisément la situation en matière d'écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et à en identifier les causes.

Mme Martine Billard a jugé important, compte tenu de l'enjeu, de permettre aux syndicats de s'appuyer sur une assistance extérieure afin de mieux comprendre les raisons des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes, de la même façon que dans d'autres cas les comités d'entreprise ont la possibilité de recourir à des experts.

Tout en partageant le souci que soit établi un diagnostic précis de la situation avant d'engager des négociations, le rapporteur s'est opposé à l'amendement, en le jugeant déjà satisfait globalement par l'obligation d'établir un diagnostic sur la base du rapport de situation comparée au niveau des branches et des entreprises et en indiquant par ailleurs qu'un amendement suivant proposera une procédure de « reporting » de l'ensemble des données concernant les écarts de rémunération par le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, de nature à renforcer la portée de cette obligation.

La commission a ensuite rejeté l'amendement.

Mme Anne-Marie Comparini a retiré un amendement précisant que les négociations collectives dans les entreprises doivent être « loyales et sérieuses », après que le rapporteur a indiqué qu'un amendement à venir permettra de reprendre cette précision, comme à l'article 3 du projet de loi.

De même, Mme Anne-Marie Comparini a retiré un amendement tendant à définir les obligations qui incombent à l'employeur en matière d'organisation de la négociation, et la commission a rejeté un amendement de Mme Marie-Jo Zimmermann prévoyant l'engagement de négociations « loyales et sérieuses ».

Mme Martine Billard a présenté un amendement tendant à imposer à l'employeur de répondre de façon motivée aux propositions syndicales afin que soient consignées ses réponses dans le procès-verbal d'ouverture des négociations.

Le rapporteur ayant fait valoir que la proposition d'amendement est satisfaite par l'amendement suivant, la commission a rejeté l'amendement.

Le rapporteur a ensuite présenté un amendement visant à ce qu'une négociation loyale et sérieuse soit effectivement engagée dans l'entreprise et définissant les formalités permettant de fournir une information réelle aux organisations syndicales représentatives, tout en prévoyant l'obligation pour l'employeur de répondre aux éventuelles propositions des organisations syndicales.

Mme Anne-Marie Comparini a déclaré souhaiter cosigner l'amendement du rapporteur.

Mme Martine Billard a fait valoir que le dispositif proposé n'implique pas que la négociation elle-même se déroule sérieusement et loyalement.

Rappelant les travaux des représentants de la DARES, les éléments fournis dans le rapport d'information de Mme Gisèle Gautier au nom de la délégation du Sénat aux droits des femmes et les auditions effectuées par la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes, Mme Anne-Marie Comparini a insisté sur l'importance de la garantie d'ouverture de négociations. Afin de conforter ce droit, il est nécessaire de définir l'engagement de la négociation, comme le propose l'amendement du rapporteur.

La commission a adopté l'amendement.

Le rapporteur ayant fait valoir que la proposition est satisfaite par son amendement précédent adopté par la commission, la commission a rejeté un amendement de Mme Catherine Génisson, défendu par Mme Muguette Jacquaint, imposant à l'employeur de répondre de manière motivée aux propositions syndicales au cours de la négociation annuelle. Mme Martine Billard a néanmoins objecté que l'amendement complète utilement l'amendement du rapporteur.

Puis, la commission a adopté deux amendements du rapporteur, l'un procédant à une modification rédactionnelle et l'autre précisant sur quels articles du code du travail porte le bilan « à mi-parcours » établi par la Conférence nationale sur l'égalité salariale.

La commission a également adopté un amendement du rapporteur, qu'a souhaité cosigner Mme Anne-Marie Comparini, confiant au Conseil supérieur de l'égalité professionnelle le soin de procéder à l'élaboration d'outils méthodologiques permettant de mesurer les écarts de rémunération et de les recenser.

La commission a ensuite examiné deux amendements en discussion commune, l'un de Mme Catherine Génisson, défendu par Mme Muguette Jacquaint, l'autre de Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini a expliqué que la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes s'est interrogée sur le sens du deuxième alinéa du II de l'article 4 dans la mesure où il semble anticiper un échec de l'appel à négociation qui constitue pourtant la pierre angulaire du projet de loi. L'amendement propose donc d'effacer du projet de loi cette référence à un échec éventuel en prévoyant dès maintenant l'institution d'une contribution assise sur les salaires.

Le rapporteur s'est déclaré défavorable aux deux amendements qui ont le même objet dans la mesure où le dispositif proposé par le gouvernement constitue un équilibre entre la responsabilisation des partenaires sociaux et la nécessité d'une intervention de l'Etat en cas d'échec de la négociation sociale.

La commission a rejeté les deux amendements.

Mme Martine Billard a présenté un amendement tendant à substituer à l'obligation d'ouverture des négociations une obligation d'engagement des négociations afin de garantir une négociation authentique.

Le rapporteur ayant fait valoir que cet objectif est atteint par les amendements adoptés par la commission sur le caractère loyal et sérieux de l'ouverture des négociations, la commission a rejeté l'amendement.

Mme Muguette Jacquaint a présenté un amendement tendant à renforcer les sanctions applicables à l'employeur en cas d'absence de justification d'un écart de salaire entre deux emplois identiques.

Le rapporteur a jugé que la peine proposée est disproportionnée par rapport à l'objectif recherché et la sanction difficilement applicable.

La commission a rejeté l'amendement.

Mme Muguette Jacquaint a présenté un amendement complétant l'article 4 afin que la négociation prévue à l'article L. 132-27 du code du travail puisse traiter du temps partiel car trop de femmes subissent un temps partiel imposé, lequel est à la base de la plupart des inégalités dans l'entreprise.

Mme Catherine Génisson a rappelé que 82 % des 3,2 millions de travailleurs pauvres sont des femmes et que leur situation résulte souvent du temps partiel imposé.

Mme Danièle Hoffman-Rispal a fait valoir que si le projet de loi ne traite pas la question du temps partiel, il y a lieu de se demander à quel moment cette question sera abordée par le Parlement.

Le rapporteur a estimé qu'il s'agit d'une vraie question mais qui ne relève pas de l'objet du projet de loi. Lors de son audition, Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, a néanmoins annoncé l'engagement d'un travail important sur ce sujet.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement.

Puis, la commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Après l'article 4

Mme Anne-Marie Comparini a présenté un amendement tendant à prévoir l'établissement de négociations dites non spécifiques en matière d'égalité professionnelle, en application du premier alinéa de l'article L. 132-27 du code du travail. En effet, les petites et moyennes entreprises, où les femmes sont les plus nombreuses, ont l'habitude d'engager des négociations de portée générale ; le rapport d'information sénatorial de Mme Gisèle Gautier a montré qu'une grande majorité d'entreprises n'a jamais organisé de négociations spécifiques sur le thème de l'égalité professionnelle mais est favorable à l'intégration de cette thématique dans les négociations obligatoires.

Le rapporteur ayant fait valoir que la proposition de Mme Anne-Marie Comparini semble satisfaite par les dispositions de l'article L. 132-27-1 du code du travail, la commission a rejeté l'amendement.

Mme Anne-Marie Comparini a ensuite présenté un amendement tendant à ce que, dans les entreprises de moins de vingt salariés, l'employeur prenne en compte les objectifs en matière d'égalité professionnelle. En effet, les salariés de ces entreprises n'ont pas, le plus souvent, les avantages sociaux dont bénéficient les salariés qui disposent d'un comité d'entreprise. L'amendement doit inciter les petites et moyennes entreprises à offrir des pistes d'amélioration de la situation des femmes dans l'entreprise.

Mme Martine Billard a souligné la nécessité d'adopter cet amendement qui ne constitue pas un poids excessif pour les petites et moyennes entreprises puisqu'il n'impose que la prise en compte d'objectifs.

Le rapporteur s'est déclaré défavorable à l'amendement dans la mesure où l'objectif poursuivi relève davantage de la procédure incitative du « label égalité », qui vise à récompenser les entreprises ayant un comportement « exemplaire » en matière d'égalité professionnelle.

Mme Anne-Marie Comparini a objecté que ce label est en vigueur mais que l'on n'en voit pas les effets. Or la nouvelle loi, selon le gouvernement et les sociologues, doit avoir un effet déclencheur en faveur de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Tout le monde s'accorde pour dire que le cadre juridique de cette égalité existe. Il n'est donc pas acceptable de repousser l'amendement au motif de l'existence du « label égalité ». Le projet de loi est justement présenté pour fournir les outils d'application de ce cadre juridique.

Mme Catherine Génisson s'est déclarée favorable à l'adoption de l'amendement car les accords de branche actuels ne sont pas suffisamment protecteurs et c'est dans les petites et moyennes entreprises, là où il y a le plus de femmes, que l'on négocie le moins sur l'égalité salariale.

Mme Muguette Jacquaint s'est également déclarée favorable à l'adoption de l'amendement.

Mme Danièle Hoffman-Rispal a fait valoir la nécessité d'une intervention en faveur des femmes travaillant dans les petites et moyennes entreprises où il existe, à postes identiques, trop de situations discriminatoires.

Mme Catherine Génisson a indiqué que le « label égalité » peut être décerné à toutes les entreprises quelle que soit leur taille. Dès lors, si l'on suit le raisonnement du rapporteur, aucun projet de loi ne serait utile !

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement de Mme Anne-Marie Comparini.

La commission a examiné un amendement de Mme Martine Billard selon lequel chaque heure complémentaire donne droit à une majoration de 25 % pour les huit premières heures effectuées au-delà de la durée hebdomadaire de travail et les trente-quatre premières heures effectuées au-delà de la durée mensuelle fixée au contrat, les heures suivantes donnant lieu une majoration de 50 %.

Mme Martine Billard a précisé qu'il s'agit de favoriser la rémunération des heures effectuées au-delà du temps fixé dans les contrats à temps partiel, lesquels concernent en grande majorité les femmes. Les salariés à temps partiel doivent pouvoir bénéficier de majorations pour les heures complémentaires au même taux que les salariés à temps complet pour les heures supplémentaires.

Le rapporteur s'est déclaré défavorable à l'amendement car le projet de loi n'a pas pour objet le traitement du temps partiel et qu'il ne convient pas de revenir ainsi sur l'équilibre très spécifique qui préside au régime des heures complémentaires.

Mme Catherine Génisson a soutenu l'amendement en faisant observer que le droit communautaire est plus en avance que le droit français dans ce domaine et qu'il est donc important de transposer la totalité des dispositions communautaires.

La commission a rejeté l'amendement.

Elle a examiné un amendement de Mme Martine Billard visant à réserver en priorité aux salariés à temps partiel les heures « choisies » effectuées en application du nouvel article L. 212-6-1 du code du travail.

Mme Martine Billard a précisé que le vote récent de la loi sur le temps de travail devrait conduire à réserver les heures « choisies » en priorité aux salariés à temps partiel, le plus souvent des femmes, qui souhaitent travailler davantage.

Le rapporteur s'est déclaré défavorable à l'amendement, contraire à l'esprit du texte sur le temps choisi qui ne prévoit pas de priorité à l'avantage d'une catégorie particulière de salariés, ce qui introduirait une discrimination dans la législation du travail.

Mme Catherine Génisson a soutenu l'amendement en considérant que l'argument de la discrimination est irrecevable lorsque l'on sait, par exemple, qu'un poste de nuit qui se libère peut être réservé en priorité à certains salariés.

La commission a rejeté l'amendement.

1 () Rapport (n° 2644) fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi relatif à l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes.

2 () « Ces élément sont en fait bien difficiles à appréhender et à contrôler, sauf à instaurer une bureaucratie tatillonne et un véritable dirigisme des salaires ».

3 () Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 9 avril 1996, CNAM et a. c/ Aurran et a.

4 () Cour de justice des communautés européennes, 21 octobre 1999, Lewen c/ Denda.

5 () Souligné par le rapporteur.

6 () Rapport (n° 1268) fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi portant modification du code du travail et du code pénal en ce qui concerne l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

7 () Voir par exemple un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 31 mai 1988.

8 () Voir le compte rendu des débats du Sénat en date du 21 juin 1983, p. 1814.

9 () Rapport d'information (n° 103) fait au nom de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur les résultats du sondage téléphonique sur la situation professionnelle des femmes au titre du bilan de la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, déposé en application de l'article 6 septies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires par Mme Gisèle Gautier.

10 () Pour une analyse plus exhaustive de ces chiffres, dont on ne retient ici que les plus significatifs, voir par exemple « Femmes et hommes, regards sur la parité », INSEE 2004.

11 () Hélène Périvier, « La marche vers l'égalité des sexes au travail : du piétinement au recul, il n'y a qu'un pas », Droit social, septembre-octobre 2004.

12 () Sophie Ponthieux et Dominique Meurs, « Les écarts de salaires entre les femmes et les hommes en Europe, effets de structures ou discrimination ? », Revue de l'OFCE, juillet 2004.

13 () Yves de Curraize et Réjane Hugounencq, « Inégalités de salaires entre femmes et hommes et discriminations », Revue de l'OFCE, juillet 2004.

14 () Hélène Garner, Dominique Meda, Claudia Senik, « La difficile conciliation entre vie professionnelle et vie familiale », Premières synthèses et premières informations de la DARES, décembre 2004, n° 50.3.

15 () Eléments d'information contenus dans le rapport de Jacqueline Laufer, « L'accès des femmes à la sphère de direction des entreprises : la construction du plafond de verre », Rapport de recherche financé par la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, octobre 2003.

16 () Les éléments d'information contenus dans ce développement sont très largement extraits de l'ouvrage : « Femmes et hommes : regards sur la parité », publié par l'institut national de la statistique et des études économiques en 2004.

17 () Voir un arrêt en date du 9 avril 1987, Triscornia c/ MICER.

18 () Rapport (n° 2609) de M. Philippe Vuilque au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur la proposition de loi de M. Jean Le Garrec relative à la lutte contre les discriminations.

19 () Amy Mazur, « La France est-elle toujours le pays des réformes symboliques ? », Travail, genre et sociétés n° 12, novembre 2004.


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