N° 2290 - Rapport de M. Jean-Yves Le Bouillonnec sur la proposition de loi de M. Jean-Marc AYRAULT et plusieurs de ses collègues renforçant les protections des locataires victimes de ventes à la découpe (2125)




Document mis

en distribution

le 9 mai 2005

graphique

N° 2290

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 mai 2005.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE
L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 2125)

renforçant les
protections des locataires victimes de ventes à la découpe,

PAR M. Jean-Yves LE BOUILLONNEC,

Député.

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INTRODUCTION 5

I. -  LES VENTES À LA DÉCOUPE : UN PROBLÈME SOCIAL ET ÉCONOMIQUE
QUI EXIGE UNE RÉPONSE POLITIQUE
7

A. UNE ABERRATION SPÉCULATIVE DU MARCHÉ IMMOBILIER 8

B. UN RISQUE D'APPAUVRISSEMENT DU TISSU SOCIAL DES QUARTIERS 11

C. UNE ACQUISITION MALMENÉE 12

II. -  LES DISPOSITIONS LÉGALES ET CONVENTIONNELLES EXISTANTES
NE PERMETTENT PAS DE RÉSOUDRE LE PROBLÈME DES VENTES À LA DÉCOUPE
13

A. UNE CONSTRUCTION PROGRESSIVE, AU COURS DU VINGTIÈME SIÈCLE,
DE LA PROTECTION LÉGISLATIVE DU LOCATAIRE
14

1. De la loi de 1948 à la loi de 1989 : assurer une prévisibilité de l'occupation par le locataire 14

2. L'accession à la propriété du local loué, stade ultime de la protection
du locataire : le droit de préemption
15

B. LA PROTECTION CONVENTIONNELLE 17

C. LE CADRE D'EXERCICE DE LA PROFESSION DE MARCHAND DE BIENS 20

III. -  LA PROPOSITION DE LOI : UNE PROTECTION RENFORCÉE DES LOCATAIRES ET UNE RÉGLEMENTATION STRICTE DE LA PROFESSION DE MARCHAND DE BIENS 21

A. L'AIDE À L'ACCÈS À LA PROPRIÉTÉ OU AU MAINTIEN DANS LES LIEUX DES LOCATAIRES VICTIMES DE VENTES À LA DÉCOUPE GARANTIRA LA MIXITÉ SOCIALE DES QUARTIERS 21

1. Garantir aux locataires une plus grande stabilité dans l'occupation 21

2. Favoriser l'accès à la propriété du locataire 24

B. LA RÉGLEMENTATION DE LA PROFESSION DE MARCHAND DE BIENS PERMETTRA DE RALENTIR LES TENDANCES SPÉCULATIVES 26

C. DISPOSITIONS COMPLÉTANT LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI 28

DISCUSSION GÉNÉRALE 29

ORGANISATIONS ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 33

MESDAMES, MESSIEURS,

La crise du logement atteint désormais les proportions d'une véritable crise de société. Elle ne touche plus seulement les plus modestes ; elle frappe également les classes moyennes. Si trois millions de nos concitoyens souffrent du mal logement (insalubrité, inconfort, sur-occupation...), c'est l'ensemble des Français qui subit la hausse vertigineuse des prix à la location et à l'acquisition.

Parmi toutes les manifestations dramatiques de cette crise, le problème de la vente à la découpe a récemment retenu l'attention de l'opinion publique. Depuis plusieurs mois, la presse fait régulièrement état des nombreux cas de résistance de locataires, qui refusent les projets de vente, appartement par appartement, des immeubles qu'ils habitent. L'ampleur du phénomène révèle aussi bien la gravité de leur situation que la généralisation de la crise du logement.

L'expression « vente à la découpe » (qui équivaut à celle de vente par lots, ou encore de vente par appartements) désigne une vente consécutive à la mise en copropriété de tout ou partie d'un immeuble détenu à l'origine par un seul propriétaire. De telles ventes peuvent aussi bien être effectuées par des particuliers ou des investisseurs institutionnels (banques, sociétés d'assurance, foncières, entreprises, investisseurs publics...) que par des professionnels de l'immobilier (marchands de biens, fonds d'investissement...). Or, ces ventes peuvent poser des problèmes, accentués ces derniers mois par les tendances spéculatives du marché immobilier.

Il est en effet presque systématique que la vente par appartements s'accompagne d'un congé donné aux locataires, car un bien vendu non occupé a plus de valeur qu'un bien comportant un occupant. Le locataire se voit ainsi face à une alternative douloureuse : acheter l'appartement qu'il occupe au prix du marché ; être obligé de quitter ledit appartement à l'issue de son bail. Dans une période de prix de l'immobilier élevés, les locataires sont pour la plupart incapables d'acheter au prix du marché qui est un prix spéculatif. Ils doivent donc renoncer à rester dans les lieux. Leur projet de vie peut en être bouleversé. La perte du logement emporte avec elle tout le tissu social créé par l'habitant dans son quartier : les parents doivent changer la crèche ou l'école de leurs enfants, les personnes âgées doivent quitter leurs cercles de sociabilité...Dans les cas les plus graves, notamment dans les grandes agglomérations où le marché locatif atteint des prix prohibitifs, la perte du logement peut contraindre à changer de ville. C'est alors le maintien dans l'emploi qui peut être menacé. Or, la pratique des ventes à la découpe ne fait, comme telle, l'objet d'aucune réglementation de nature législative.

Pourtant, depuis l'époque de la première guerre mondiale, le législateur français s'est efforcé d'édifier peu à peu un régime de protection des locataires. Aux mesures visant à instituer un moratoire sur le prix des loyers se sont ajoutés le droit au maintien dans les lieux loués, le droit au renouvellement du bail et enfin le droit de préemption en cas de cession des lieux loués. Le locataire jouit ainsi à l'heure actuelle d'un ensemble de droits sur le bien qu'il occupe, qui sont censés lui assurer une stabilité et une prévisibilité de cette occupation.

La législation existante est cependant insatisfaisante au regard de ces opérations de vente à la découpe effectuées par des personnes morales détentrices d'immeubles d'habitation, souvent depuis un court laps de temps et en vue d'en tirer une plus-value importante.

Cette insuffisance de la législation avait déjà incité notre ancien collègue Daniel Marcovitch et les membres du groupe socialiste à déposer, le 30 juin 1999, une proposition de loi relative aux congés pour vente par lots aux locataires dans les ensembles immobiliers d'habitation (1). Des dispositions de cette proposition furent finalement intégrées dans la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (2). Jointes au décret du 23 juillet 1999 étendant l'accord collectif du 9 juin 1998, ces dispositions permirent d'encadrer provisoirement un phénomène dont l'ampleur était devenue inquiétante. Mais, depuis deux ans, après une période de relative accalmie, les ventes à la découpe se sont à nouveau amplifiées depuis l'an dernier. Aussi, cette fois, les propositions législatives ont émané de la plupart des groupes politiques.

Mme Martine Aurillac et plusieurs de ses collègues députés ont enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale une proposition de loi le 9 février 2005 (3). M. Jean-Marc Ayrault et les autres députés membres du groupe socialiste ont déposé pour leur part la proposition de loi renforçant les protections des locataires victimes de ventes à la découpe que ce rapport se propose d'étudier le 3 mars 2005 (4). Enfin, les sénateurs communistes ont présenté le 10 mars 2005 une proposition de loi sur ce même sujet (5).

La création d'une commission d'enquête sur les dérives judiciaires a même été récemment réclamée à la suite de révélations sur les circonstances critiquables d'opérations spéculatives.

La présente proposition de loi du groupe socialiste a pour objet de mettre fin aux effets pervers de la vente par appartements. Pour cela, elle vise à donner plus de droits aux locataires et à encadrer plus strictement les activités spéculatives des marchands de biens. Il est en effet nécessaire d'agir sur chacun des acteurs entrant en jeu, c'est-à-dire aussi bien les bailleurs et les locataires que les spéculateurs, si l'on souhaite apporter une réponse durable et adaptée à un problème qui n'est malheureusement que l'une des composantes de la crise actuelle du logement.

La technique de la vente à la découpe étant bien identifiée, de même que les acteurs qui la mettent en œuvre, il est parfaitement loisible au législateur de la réguler, pour autant qu'il en ait la volonté.

I. -  LES VENTES À LA DÉCOUPE : UN PROBLÈME SOCIAL ET ÉCONOMIQUE QUI EXIGE UNE RÉPONSE POLITIQUE

Lorsqu'un immeuble est possédé par une seule personne, physique ou morale, qui désire s'en dessaisir, celle-ci a le choix entre une vente en bloc et une vente par appartements.

La vente en bloc peut être préférée par le propriétaire pour plusieurs raisons. La cession du tout d'un immeuble n'exige qu'un seul acte de vente, qui peut être conclu dans des délais très courts. Le cessionnaire reçoit aussitôt un prix de gros dont il peut avoir un besoin pressant. Simplicité, rapidité de la transaction et du paiement sont ainsi trois avantages non négligeables de la vente en bloc.

À l'inverse, la vente par appartements transforme ce qui était jusque là une propriété en une copropriété. Aussi le vendeur est-il obligé de rédiger un règlement de copropriété préalablement à la vente et de porter à la connaissance de chaque acquéreur ce règlement au moment de la vente. De plus, le vendeur doit faire connaître à chacun des locataires par lettre recommandée le prix et les conditions de la vente projetée. Cette notification, qui vaut offre de vente au profit du locataire, est valable deux mois. Si le locataire accepte l'offre, il dispose alors d'un délai de deux mois pour réaliser l'acte de vente. En outre, ce délai peut être porté à quatre mois si l'acceptation de l'offre de vente par le locataire est subordonnée à l'obtention d'un prêt. C'est donc une durée de plus de six mois qui peut s'écouler entre la décision de vendre et la conclusion de la vente.

Aussi les ventes en bloc sont-elles une pratique courante des investisseurs institutionnels. Pour la seule année 2004, on dénombre ainsi 441 transactions de ce type à Paris (6).

Mais l'acheteur en bloc peut être incité à envisager, dès lors que le marché de l'immobilier se caractérise par de fortes tendances à la hausse, une revente de l'immeuble par appartements dans un délai très court. Cette nouvelle vente, où le droit de préemption des locataires pourra s'exercer, sera conclue à un prix bien plus élevé que celui de la précédente vente en bloc (7).

Les personnes morales qui pratiquent l'achat en bloc d'un immeuble pour procéder ensuite à une revente rapide par appartements jouent donc un rôle néfaste à plusieurs titres : elles contribuent à entretenir les tendances spéculatives du marché immobilier ; elles contribuent également à précariser certains locataires et à réduire la mixité sociale des quartiers ; elles ne permettent pas un accès à la propriété des locataires qui le désirent dans des conditions satisfaisantes.

A. UNE ABERRATION SPÉCULATIVE DU MARCHÉ IMMOBILIER

« Une ville qui s'embourgeoise offre d'autres perspectives aux spéculateurs et aux constructeurs qu'une ville qui se prolétarise. » (8). Cette constatation du géographe Marcel Roncayolo, tirée d'une étude détaillée de la croissance urbaine de Marseille depuis l'époque moderne, a tout lieu de s'appliquer aux grandes agglomérations françaises du début du troisième millénaire. Or, selon le sociologue Michel Pinçon-Charlot : « La vente à la découpe va accélérer le mouvement d'embourgeoisement qui a gagné tout l'est de Paris et la périphérie. » (9).

Une étude effectuée par la Chambre des notaires d'Île-de-France sur les ventes à la découpe à Paris de 1992 à 2004 montre à la fois la permanence et l'importance de ce phénomène dans la capitale et les fluctuations conjoncturelles qu'il subit.

LES VENTES À LA DÉCOUPE À PARIS DE 1992 À 2004 : FLUCTUATION ET TREND ASCENDANT

Année

Nombre de logements vendus à la découpe

Part de l'ensemble des ventes dans l'ancien

1992

2 576

9,4 %

1993

3 758

12,4 %

1994

4 656

13,7 %

1995

3 729

13,7 %

1996

6 045

16,3 %

1997

6 452

18,3 %

1998

7 030

17,5 %

1999

6 504

13,9 %

2000

5 415

12,3 %

2001

4 389

10,9 %

2002

4 729

11,5 %

2003

5 753

13,9 %

2004

6 378

15 %

Source : Étude des ventes à la découpe, avril 2005, Chambre des notaires d'Île-de-France.

Le tableau permet de constater l'existence d'un premier pic, à la fin des années 1990, suivi d'un deuxième pic en 2004. Depuis 2001, les ventes à la découpe ont en effet augmenté de près de 50 %. Les données pour 2005 pourraient d'ailleurs révéler une poursuite du mouvement de hausse. De plus, il est important de souligner que le tableau ne recense que les transactions conclues, et non le stock de logement mis en vente, qui est plus élevé.

L'ampleur des opérations de vente à la découpe tient à la conjonction d'un niveau élevé des prix de l'immobilier, contrastant avec la rentabilité très faible des revenus locatifs (en moyenne moins de 4 % du capital investi) et de l'arrivée de fonds d'investissement internationaux sur le marché immobilier français (10).

Au-delà de l'exemple de Paris intra muros, le phénomène est apparu dans l'ensemble de l'agglomération francilienne. Par exemple, dans la commune de Cachan (Val-de-Marne), sur 950 logements construits dans la première zac de rénovation du centre ville, 220 ont fait l'objet d'une revente à la découpe dans les cinq dernières années. En outre, ce phénomène s'est étendu aux principales métropoles françaises comme l'agglomération lyonnaise, Marseille ou l'agglomération lilloise...

Ainsi, contrairement à un cliché parfois répandu, les ventes à la découpe ne concernent pas que les beaux quartiers parisiens. D'ailleurs, à Paris même, l'arrondissement le plus touché en 2004 a été le XIXème arrondissement.

Parmi les différentes catégories de vendeurs procédant à une vente à la découpe, les professionnels de l'immobilier ayant opté pour le statut de marchand de biens sont le premier intervenant. À Paris, ils effectuent entre 40 % et 50 % (selon les années) de l'ensemble des ventes à la découpe. La deuxième catégorie est représentée par les investisseurs institutionnels, qui peuvent soit agir directement soit par l'intermédiaire d'un marchand de biens. Les particuliers ont un rôle plus marginal, mais optiquement minoré dans la mesure où les opérations réalisées par des sci sont souvent indirectement des opérations arbitrées par des particuliers.

Les tendances spéculatives liées aux opérations de vente à la découpe sont principalement entretenues par les marchands de biens. Ces marchands de biens, que l'on pourrait qualifier d'investisseurs spéculatifs intermédiaires, sont spécialisés dans l'achat en bloc afin de revendre par appartements et de bénéficier ainsi de plus-values très élevées. Avec les recettes de ces plus-values, ces investisseurs peuvent pratiquer ad libitum leur rôle d'intermédiaire, achetant en bloc des ensembles immobiliers pour les revendre quelques mois plus tard. Leur action bénéficie, en raison des tendances du marché immobilier, d'un puissant effet de levier.

D'autre part, certaines sociétés d'investissement immobilier cotées (siic, aussi appelées « foncières ») possèdent un parc immobilier locatif, qu'elles ne souhaitent pas conserver en raison de la faible rentabilité du capital ainsi immobilisé. Ainsi, la foncière Gecina a vendu en 2003 pour 1,2 milliards d'euros d'immeubles locatifs au fonds d'investissement américain Westbrook, lequel a aussitôt revendu les immeubles par appartements. Les foncières adoptant un tel comportement favorisent les tendances spéculatives de la vente à la découpe, même si elles ne pratiquent pas par elles-mêmes un tel type de cession, en donnant à des fonds internationaux une occasion de pratiquer à grande échelle ces opérations. On peut même craindre que l'offre publique d'achat déposée par la foncière espagnole Metrovaseca sur la foncière Gecina, dont 41 % du patrimoine est composé d'immeubles locatifs, ne renforce le désengagement ultérieur de ce groupe de l'immobilier locatif.

Ces différents investisseurs intermédiaires (marchands de biens, foncières et fonds internationaux) ne sont donc pas intéressés par la fonction locative des immeubles qu'ils acquièrent mais par leur seule valeur patrimoniale. Ils contribuent à faire du parc de logement locatif un simple « actif circulant », au même titre qu'une valeur boursière ou un titre de créances. C'est particulièrement vrai pour les marchands de biens, qui tirent leurs revenus non pas des loyers mais de la plus-value entre la valeur d'achat et celle de la revente.

La vente à la découpe pratiquée dans la résidence Maurice Ravel, sise au 39 bis rue Montreuil (XIème arrondissement), est à ce titre exemplaire. Construite en 1987 grâce à des fonds provenant de la participation des employeurs à l'effort de construction (11), cette résidence était gérée jusqu'à sa vente par une société appartenant à la Caisse des Dépôts et des Consignations. En offrant des loyers inférieurs de 25 % en moyenne au prix du marché, cette résidence répondait à sa vocation de fournir du logement locatif intermédiaires aux classes moyennes. Pourtant, cette résidence a été vendue en bloc à un marchand de biens pour un montant global de 11,4 millions d'euros, soit 3 127 euros le m2. Aujourd'hui, ce marchand de biens propose aux locataires de racheter leurs logements à un prix de vente atteignant 4 557 euros le m2. Il engrangerait ainsi une plus-value de près de 50 % alors même que le montant des transactions dans le quartier plafonne à 3 500 euros le m2.

Par ailleurs, en réduisant l'étendue du parc locatif privé, les ventes à la découpe accentuent la tension sur la demande de logements sociaux en augmentant la liste des demandeurs. Ces pratiques purement spéculatives menacent donc bel et bien l'équilibre de l'ensemble des marchés locatif et immobilier.

B. UN RISQUE D'APPAUVRISSEMENT DU TISSU SOCIAL DES QUARTIERS

Les quartiers des villes, tout comme les différentes communes qui composent une agglomération, se caractérisent par une dominante sociale : telle ou telle autre catégorie socio-professionnelle y est plus représentée que les autres, tel ou tel autre type de commerces ou de services y indique à la fois la spécialisation fonctionnelle et les populations qui fréquentent et habitent ce quartier ou cette commune. Le sociologue Maurice Halbwachs écrivait déjà, en 1938, dans son traité de Morphologie sociale : « dans chaque région, dans chaque ville, dans chaque quartier, certaines classes prédominent : elles mettent en quelque sorte leur marque sur la partie du sol où elles résident, si bien qu'en traversant un pays on reconnaît à l'aspect des lieux et des hommes s'il est riche, effacé, misérable, de même que, dans une grande ville, se distinguent à l'œil les quartiers riches et les quartiers pauvres ». Il ajoutait, en prenant toutes les précautions oratoires nécessaires : « Les classes ont bien au moins une tendance à se séparer l'une de l'autre dans l'espace. ».

Il existe cependant toute une gradation dans cette tendance à la division sociale de l'espace. Lorsque cette tendance est nettement affirmée, il est possible de parler d'une ségrégation socio-spatiale, les différentes classes sociales étant regroupées en îlots compacts et différenciés, séparés par des coupures territoriales fortes (grand boulevard, ligne de chemin de fer...). Les géographes Félix Damette et Jacques Scheibling ont constaté ce phénomène de ségrégation dans l'agglomération francilienne. Plus encore, ils ont perçu une évolution dans les formes de la ségrégation (12). Un phénomène tel que celui des ventes à la découpe ne peut qu'accentuer le mouvement centripète des classes supérieures et, concomitamment, le mouvement centrifuge des classes les moins favorisées.

La précarisation des locataires est accentuée dès lors que ceux-ci n'ont pas les moyens d'acheter au prix du marché l'appartement qu'ils louent et qui leur est proposé lors de la vente par lots. À l'occasion de cette vente par lots, le vendeur donne le plus souvent congé au locataire. Lorsque le locataire reçoit son congé et qu'il est dans l'impossibilité d'acheter l'appartement, il doit chercher un nouveau logement et l'évolution du niveau des loyers peut ainsi l'obliger à changer de quartier, et même parfois de commune. Cela est d'autant plus vrai que les parcs locatifs des investisseurs institutionnels est pour ainsi dire un quasi « parc locatif social », souvent construit avec des fonds provenant de la participation des employeurs à l'effort de construction : les prix y sont le plus souvent inférieurs au prix du marché. C'est donc un parc locatif qui permet le maintien de classes aux revenus relativement plus modestes que les revenus moyens du quartier concerné. Un exemple significatif est celui de l'îlot des Arquebusiers, dans le IIIe arrondissement, racheté par Westbrook. Alors que les loyers du quartier avoisinent 25 euros par m2, les loyers institutionnels de cet îlot oscillent entre 15 et 20 euros le m2. La population de cet îlot ne pourrait ainsi s'y loger si elle devait acquitter le prix du marché. La vente à la découpe met fin à cette dérogation au prix du marché et oblige la population concernée à se reloger dans des quartiers plus périphériques, voire en banlieue.

La vente par appartements des immeubles a donc tendance à chasser des quartiers les populations qui ont, relativement à ces quartiers, le niveau de revenu le plus faible. Elle renforce l'embourgeoisement des centres des villes (aussi dénommé gentryfication, par référence aux métropoles britanniques qui furent les premières à connaître ce phénomène) et porte atteinte à la mixité sociale.

D'autre part, du point de vue de l'harmonie de la vie de quartiers, les ventes par appartements introduisent de profondes modifications. En raison du nombre important de logements concernés (ce nombre dépasse souvent la centaine de logements), le quartier entier peut être plongé dans une période d'incertitude pendant la phase de mise en vente. Le nombre de logements vacants augmente, l'atonie précède l'arrivée de nouveaux habitants qui contribueront à modifier grandement la physionomie d'ensemble du quartier.

Par leur aspect soudain, voire brutal et massif, les ventes à la découpe exacerbent donc les tendances à la ségrégation sociale et spatiale.

C. UNE ACQUISITION MALMENÉE

Le troisième aspect négatif des ventes à la découpe est exclusif du deuxième aspect : il concerne les locataires qui décident d'exercer le droit de préemption dont ils bénéficient en vertu de la loi.

Ce droit de préemption permet au locataire de se porter acquéreur au meilleur prix. Ce meilleur prix peut néanmoins s'avérer être très élevé. En effet, lorsque le bailleur décide de vendre, il est libre de déterminer le prix qu'il souhaite tirer de son bien. Le locataire est cependant protégé contre un prix excessivement élevé qui révèlerait une intention frauduleuse du bailleur, cherchant à tirer parti du congé en fin de bail donné au locataire pour le pousser à acheter à un prix excessif. Le juge du fond apprécie en effet l'intention frauduleuse du bailleur.

Il existe cependant d'autres éléments que le prix de vente qui peuvent rendre l'acquisition problématique.

Le délai de deux mois durant lequel le locataire, informé de la vente par appartement d'un immeuble auparavant propriété unique, doit décider s'il se portera ou non acquéreur est un délai objectivement trop court relativement au temps nécessaire pour évaluer la viabilité d'un dossier de prêt. Certes, le locataire dispose ensuite de quatre mois supplémentaires avant de conclure l'achat, mais ces quatre mois doivent lui permettre de finaliser ensuite son dossier de prêt.

De plus, à partir de 60 ans, l'âge ou des raison de santé peuvent rendre impossible l'obtention d'un prêt.

En outre, un locataire se portant acquéreur ne prend le plus souvent pas en compte dans son calcul financier le coût des charges de copropriété qu'il aura à assumer une fois devenu propriétaire. Ces charges sont plus élevées que les simples charges locatives et peuvent inclure les dépenses afférentes à certains travaux rendus obligatoires, tels que la mise aux normes des ascenseurs, la suppression des canalisations en plomb. Si un grand nombre d'anciens locataires devenus propriétaires se voit incapable de prendre en charge les dépenses nécessaires à la copropriété, cette dernière peut se dégrader progressivement. Cette hypothèse signale un risque majeur, dans la mesure où le nombre de logements situés dans une copropriété dégradée est déjà estimé à 500 000.

Enfin, le syndic chargé d'exécuter les décisions prises par l'assemblée générale des copropriétaires est choisi lors de la mise en copropriété, c'est-à-dire par le vendeur par lots. Ce choix ne s'opère pas toujours au bénéfice des locataires ayant fait l'acquisition de leur logement et il pourrait sembler justifié que les futurs copropriétaires aient une part plus grande dans une décision qui conditionne largement la gestion future de la copropriété.

II. -  LES DISPOSITIONS LÉGALES ET CONVENTIONNELLES EXISTANTES NE PERMETTENT PAS DE RÉSOUDRE LE PROBLÈME DES VENTES À LA DÉCOUPE

L'instauration progressive d'un statut législatif protégeant le locataire, pour faciliter son maintien dans les lieux ou pour aider son accès à la propriété, ainsi que les accords collectifs successifs conclus en 1998 puis en 2005 pour encadrer les congés pour vente par lots aux locataires dans les ensembles immobiliers d'habitation sont des instruments juridiques insuffisants face aux opérations de ventes à la découpe.

Les protections actuelles sont en effet à la fois insuffisantes et trop facilement contournées.

De plus, ces opérations sont souvent effectuées par des marchands de biens qui bénéficient d'un encadrement législatif trop lâche, peu favorable à une restriction de leur comportement spéculatif.

A. UNE CONSTRUCTION PROGRESSIVE, AU COURS DU VINGTIÈME SIÈCLE, DE LA PROTECTION LÉGISLATIVE DU LOCATAIRE

Le législateur français a voulu, au cours du vingtième siècle, compléter les mesures législatives relatives à la propriété et au contrat de louage figurant dans le code civil par des lois portant spécifiquement sur les rapports des bailleurs avec les locataires. La protection du locataire d'un local à usage d'habitation ou d'un local à usage mixte (i.e. à la fois professionnel et d'habitation) a ainsi été élaborée progressivement, en répondant aux problèmes posés par la situation sur le marché de l'immobilier et en s'efforçant d'apaiser des relations entre bailleurs et locataires périodiquement conflictuelles.

1. De la loi de 1948 à la loi de 1989 : assurer une prévisibilité de l'occupation par le locataire

Les locataires ont d'abord obtenu des droits garantissant la stabilité de leur installation dans les lieux loués. Ils ont bénéficié, sous certaines conditions, d'un moratoire sur le prix de leur loyer. Ces moratoires, à l'issue de chacun des deux conflits mondiaux, ont permis d'éviter une hausse des loyers qui aurait conduit à l'éviction des locataires. La loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 a créé un droit au maintien dans les lieux loués du locataire.

La loi n° 82-526 du 22 juin 1982 relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs a affirmé l'existence d'un droit à l'habitat comme droit fondamental. La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs affirme pour sa part dans son article 1er : « Le droit au logement est un droit fondamental ». Dès lors, il importe de concilier ce droit au logement avec le droit de propriété, sans que l'un des deux soit assujetti à l'autre. La loi du 6 juillet 1989 pose en effet le principe de l'équilibre entre ces deux droits.

Le titre premier de cette loi du 6 juillet 1989, relatif aux rapports entre bailleurs et locataires, comporte des dispositions qui sont toutes d'ordre public, et qui assurent un ensemble de droits relatifs au contrat de location. Ces dispositions comprennent notamment les indications qui doivent figurer dans tout contrat de location (art. 3), les obligations du bailleur en ce qui concerne le logement donné en location (art. 6), les obligations du locataire (art. 7). Un contrat de location est conclu pour une durée minimale (variant, selon que le bailleur est une personne physique ou une personne morale, de trois à six ans) et il est reconduit tacitement ou renouvelé à son échéance (art. 10).

Le contrat de location est susceptible d'être résilié, soit à l'initiative du locataire (art. 12), soit à celle du bailleur (art. 24). Le locataire doit seulement respecter une condition de délai, qui s'élève à trois mois, voire parfois à un mois (13). À l'inverse, le bailleur ne peut obtenir de résiliation que si la clause du contrat de location prévoyant la résiliation de plein droit du contrat, pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus, pour absence de souscription d'une assurance des risques locatifs ou pour absence de versement du dépôt de garantie, n'est pas respectée par le locataire. En outre, la résiliation ne peut prendre effet qu'après un commandement de payer demeuré infructueux pendant deux mois. Cette dissymétrie est exemplaire des mesures visant à favoriser le locataire, pour remédier à une situation où ce dernier tend naturellement à être en position de faiblesse face au bailleur.

Enfin, un bailleur peut donner congé à son locataire, c'est-à-dire lui signifier que son bail ne sera pas reconduit ni renouvelé (art. 15). Ce congé doit être justifié « soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant ». Le bailleur doit indiquer le motif allégué, ainsi que les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise du logement lorsque ce motif est allégué pour donner congé. De plus, le délai de préavis est de six mois avant l'échéance du bail. Plus encore, la validité de ce congé peut être subordonnée à l'existence d'une offre de relogement du locataire, dès lors que celui-ci est âgé de plus de 70 ans et ne dispose pas de ressources supérieures à 1,5 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (smic). Ce relogement doit alors respecter les conditions prévues par l'article 13 bis de la loi du 1er septembre 1948 (14).

Si le congé pour vente est une pratique fréquente, elle a cependant tendance à diminuer, comme le manifeste indirectement la proportion de logements vendus libres de toute occupation à Paris, qui est passée de 92,8 % en 1999 à 87,7 % en 2004. La baisse tendancielle est encore plus vraie en ce qui concerne les logements vendus à la découpe à Paris, puisque la proportion de ces logements vendus libres de toute occupation a chuté de 82,5 % en 1993 à 63,8 % en 2004.

2. L'accession à la propriété du local loué, stade ultime de la protection du locataire : le droit de préemption

L'achat du logement loué par le locataire ne peut avoir lieu que si le propriétaire décide de vendre. Il n'y a pas de droit d'expropriation au profit du locataire, comme c'est le cas au profit de la collectivité publique. L'article 545 du code civil l'indique fort clairement : « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité. ».

Le locataire bénéficie cependant dans certains cas d'une position privilégiée pour acheter le logement qu'il occupe : le droit de préemption. Ce droit de préemption se décompose en un droit de préemption initial et en un droit de préemption subsidiaire (ce dernier existant depuis la loi n° 94-624 du 21 juillet 1994). Le droit de préemption initial permet au locataire de se porter acquéreur, de préférence à tout autre, au prix proposé par le vendeur. Le droit de préemption subsidiaire garantit au locataire la possibilité de devenir acquéreur en cas de vente à un tiers à des conditions plus avantageuses que celles qui lui avaient été proposées.

La loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975, relative à la protection des occupants de locaux à usage d'habitation, a créé un droit de préemption au profit des locataires à l'occasion de toute vente consécutive à la division initiale ou à la subdivision de tout ou partie d'un immeuble par lots (art. 10). Ce droit de préemption est valable indépendamment de la délivrance ou non d'un congé au locataire. Ce droit de préemption ne peut être invoqué par le locataire d'un appartement situé dans un immeuble qui, dès sa construction, a été placé sous le régime de la copropriété. De plus, ce droit de préemption prend une forme particulière en cas de vente par adjudication : il se réduit alors à une convocation par lettre recommandée un mois avant la date de l'adjudication et à la possibilité pour le locataire de se substituer à l'adjudicataire.

D'autre part, lorsque congé est donné par le bailleur au locataire en raison de la décision de vente du logement, ce congé « vaut offre de vente au profit du locataire » (art. 15, paragraphe II de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989). Ce mécanisme permet ainsi au bailleur de vendre le logement libre de toute occupation. En contrepartie, le droit de préemption au profit du locataire vient tempérer le motif péremptoire du congé pour vente. Ce droit de préemption avait été affirmé par la loi n° 82-526 du 22 juin 1982 (art. 11), puis confirmé par la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 (art. 22), avant que la loi du 6 juillet 1989 en fasse une disposition permanente. La loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain (dite loi sru) a ajouté un article 11-1 à la loi du 6 juillet 1989, afin de permettre au locataire recevant un congé pour vente, dans le cadre d'une vente par appartements de plus de dix logements dans le même immeuble, d'obtenir une reconduction du bail pour une durée qui peut être inférieure aux durées minimales de bail. En conséquence, le locataire bénéficie du délai de la reconduction pour trouver un logement s'il ne dispose pas de moyens financiers suffisants pour exercer le droit de préemption.

Les conditions d'exercice des deux droits de préemption (de l'article 10 de la loi de 1975 et de l'article 15 de la loi de 1989) peuvent être réunies, notamment lorsqu'un bailleur possédant un immeuble procède à une vente par appartements et donne dans le même temps congé aux locataires, afin de tirer le meilleur prix de son bien. Dans de tels cas, le bailleur voit les deux droits de préemption du locataire fusionner, et non s'additionner ou se succéder.

Le droit de préemption de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 pose un problème en cas de vente par adjudication. Il n'est alors pas certain que le locataire puisse vraiment exercer son droit de préemption. Dès lors, le bailleur serait-il en droit de donner congé au locataire au motif d'une vente qui aurait lieu par adjudication ? La jurisprudence estime que la vente par adjudication est une vente dans laquelle le logement loué est vendu occupé, sans que puisse être donné congé au locataire.

Enfin, le droit de préemption du locataire est exclu dans plusieurs cas :

-  lorsque la vente est une vente de l'immeuble en bloc ;

-  lorsque la vente (quand il ne s'agit pas d'une vente par lots d'un ensemble auparavant unique) a lieu sans que soit donné congé au locataire ;

-  lorsque la vente est consentie à un proche parent (jusqu'au troisième degré pour le droit de préemption engendré par le congé donné au locataire ; au quatrième degré pour le droit de préemption engendré par une vente par lots) ;

-  lorsque le logement est situé dans un immeuble déclaré inhabitable ;

-  lorsque ce droit de préemption est supplanté par le droit de préemption urbain institué au profit des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (epci) par les articles L. 211-1 à L. 211-7 du code de l'urbanisme.

Donner aux locataires la possibilité d'acheter le logement qu'il loue est ainsi en quelque sorte la façon la plus efficace de protéger le locataire et d'assurer son maintien dans les lieux. Cette possibilité, pour facilitée qu'elle soit, n'en demeure pas moins trop rare. Il est cependant intéressant de noter que la proportion des logements vendus aux locataires dans le cadre des ventes à la découpe à Paris, bien que faible, a sensiblement augmenté, passant de 7,7 % en 1993 à 15,6 % en 2004.

B. LA PROTECTION CONVENTIONNELLE

L'article 41 de la loi du 23 décembre 1986 (15) a créé une commission nationale de concertation dont la mission est de contribuer à l'amélioration des rapports entre bailleurs et locataires. Cette commission favorise notamment la conclusion d'accords entre les organisations de bailleurs et de locataires. Ces accords, qui s'imposent aux organisations signataires, peuvent faire l'objet d'un avis publié au Journal officiel de la République française. Après un délai d'un mois suivant cette publication (et sauf opposition de la majorité des organisations représentatives des bailleurs d'un secteur ou de la majorité des organisations représentatives des locataires), un décret peut rendre l'accord obligatoire pour tous les logements du secteur locatif concerné (en vertu de l'article 41 ter de la loi du 23 décembre 1986).

Il est donc possible que des accords collectifs de location protègent les locataires encore plus largement que la loi. Des mesures adoptées par voie conventionnelle peuvent être généralisées par un décret ministériel. Il s'agit ainsi d'une sorte d'ordre public locatif, de même qu'il existe en droit du travail un ordre public social garantissant aux travailleurs une protection conventionnelle plus étendue encore que la protection législative.

Les secteurs locatifs les plus susceptibles de faire l'objet d'une vente à la découpe sont les secteurs locatifs cités au quatrième et au cinquième alinéas de l'article 41 ter de la loi du 23 décembre 1986 (aussi appelés secteur II et secteur III) :

« - logements appartenant aux sociétés d'économie mixte, aux sociétés immobilières à participation majoritaire de la Caisse des dépôts et consignations, aux collectivités publiques, aux sociétés filiales d'un organisme collecteur de la contribution des employeurs à l'effort de construction et aux filiales de ces organismes autres que [des organismes d'habitation à loyer modéré] ;

- logements appartenant aux entreprises d'assurance, aux établissements de crédit et aux filiales de ces organismes et aux personnes morales autres que celles mentionnées au précédent alinéa ».

Or, des organisations nationales représentatives des bailleurs de ces secteurs et des organisations nationales représentatives des locataires ont conclu le 9 juin 1998 un accord collectif de location relatif aux congés pour vente par lots aux locataires dans les ensembles immobiliers d'habitation. D'autres organisations représentatives des bailleurs des secteurs II et III ayant par la suite adhéré à cet accord le 13 janvier 1999, et un avis ayant été publié au Journal officiel de la République française le 24 février 1999, un décret du 22 juillet 1999 (16) a rendu obligatoire cet accord pour l'ensemble des logements des deuxième et troisième secteurs locatifs.

Ainsi, dès lors que le bailleur relevant de l'un ou l'autre de ces secteurs décide de vendre plus de 10 appartements dans un même immeuble, cet accord met à sa charge un ensemble d'obligations.

Il s'agit d'abord d'obligations d'information des locataires et des associations de locataire, au moins trois mois avant l'envoi de l'offre de vente. Parmi les informations à communiquer figurent les diagnostics et bilans techniques sur l'état de l'immeuble et sur les travaux.

L'accord prévoit aussi une obligation de renouvellement du bail (lorsque le locataire est âgé de plus de 70 ans ; lorsque le locataire est atteint d'une invalidité importante), ainsi qu'une obligation de relogement pour un locataire ayant un revenu inférieur à 80 % des plafonds de ressources pli (17).

Face à la recrudescence des ventes à la découpe et à la mobilisation croissante des locataires qu'elle frappent, M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au Logement et à la ville, a renvoyé aux associations de bailleurs et de locataires la responsabilité de trouver une solution. En décembre 2004, lors du débat sur le projet de loi de cohésion sociale, le Gouvernement a affirmé vouloir attendre les résultats de leurs échanges au sein de la commission nationale de concertation. Après quatre mois de négociation, un accord a minima a été conclu le 16 mars 2005 entre certaines associations représentatives des locataires et l'ensemble des associations représentatives des bailleurs.

Afin de donner au locataire plus de temps pour trouver une solution adaptée à ses besoins, cet accord prévoit que le bail soit prorogé d'un mois par année d'ancienneté (dès lors que le logement est occupé depuis au moins 6 ans), la durée du bail restant à courir et de la prorogation du bail ne pouvant cependant dépasser 30 mois. La prorogation du bail serait également automatique jusqu'à la fin de l'année scolaire pour les locataires qui ont des enfants à charge scolarisés.

Enfin, l'obligation de relogement vaudrait, en vertu de l'accord de 2005, lorsque le locataire justifie d'un revenu ne dépassant pas 100 % des plafonds de ressources pli. Cette obligation ne saurait cependant être confondue avec un droit au relogement : elle n'offre en effet aucune garantie.

Par contre, cet accord prévoit que le défaut d'information des locataires n'entraînerait pas de droit la nullité des transactions. Il établirait ainsi un recul par rapport à la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation, qui considère que l'ensemble des dispositions de l'accord collectif de location du 9 juin 1998 est obligatoire (18).

En raison de la faiblesse de ces avancées, l'accord collectif de location du 16 mars 2005 n'est pas à la hauteur des enjeux : il ne met pas en place le dispositif nécessaire au traitement du problème des ventes à la découpe. Plus grave, cet accord collectif, même s'il est ensuite généralisé à l'ensemble des secteurs locatifs II et III, n'empêchera nullement le passage des logements à d'autres secteurs locatifs, qui échappent aux règles de cet accord collectif. Par ailleurs, il ne permet pas non plus de répondre au souci de maintenir un parc locatif suffisant.

Au final, cet accord n'apaise nullement les relations conflictuelles entre bailleurs et locataires concernés par les ventes à la découpe, comme en témoigne le fait capital qu'il n'a été signé que par une minorité des principales organisations représentatives des locataires (19). De plus, son extension par décret est rendue impossible, en dépit de la publication d'un avis au Journal officiel le 6 avril 2005, par l'opposition actuelle de la majorité des organisations représentatives des locataires.

Ces organisations, auditionnées par le rapporteur, ont d'ailleurs exprimé leur préférence pour une intervention du législateur, expliquant que l'accord collectif est à la fois un dispositif insuffisant (notamment en ce qui concerne les motifs de nullité du congé pour vente) et un dispositif trop aisément contournable (par une revente à une personne ne relevant pas des secteurs locatifs II et III, laquelle n'est dès lors pas soumise aux obligations contenues dans l'accord).

En raison de l'ampleur prise par le phénomène des ventes à la découpe et de la faible efficacité des accords négociés par les partenaires sociaux, votre rapporteur estime que l'accord n'est pas la bonne technique juridique pour déterminer les modalités selon lesquelles les opérations de vente à la découpe peuvent avoir lieu.

Lorsque le dialogue social échoue, le législateur doit prendre ses responsabilités.

C. LE CADRE D'EXERCICE DE LA PROFESSION DE MARCHAND DE BIENS

Un rapport qui avait été remis en juin 1991 (20) à M. Louis Besson, alors ministre chargé du Logement, signalait déjà : « La profession de marchand de biens utilise et accélère la transformation de certains quartiers « pittoresques » en quartiers réservés aux couches aisées de la population. ». Il ajoutait : « Ce rôle de « transformateur » est actuellement exercé dans des conditions souvent floues ou discutables en ce qui concerne la mise en copropriété d'immeubles locatifs. ». Ce constat demeure actuel.

L'on peut à juste titre parler de profession dans la mesure où la taxation de cette activité intervient au titre des bénéfices industriels et commerciaux (en vertu du 1° du I de l'article 35 du code général des impôts) et au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (en vertu du 6° de l'article 257 du même code).

Est marchand de bien une personne qui achète et revend des biens immobiliers en vue d'en tirer un bénéfice. Dans la mesure où l'achat du bien a pour finalité sa revente, la législation fiscale prévoit une exonération des droits et taxes de mutations (art. 1115 du même code) à l'achat, les droits de mutation étant perçus lors de la revente. Cette exonération est d'ailleurs soumise à une « intention de revendre dans un délai de quatre ans » (troisième alinéa de l'article précité). En outre, pour agir sur le phénomène des ventes à la découpe par les marchands de biens, un amendement présenté par notre collègue Patrick Bloche a été adopté à l'unanimité en loi de finances pour 2005 afin de restreindre les exonérations. Cet amendement a réduit à deux ans (la proposition initiale étant de un an) le délai permettant au marchand de biens d'être exonéré des droits de mutation, dans l'hypothèse d'une vente par lots (21).

L'obligation de tenir un répertoire des mandats, promesses et actes de vente et l'obligation de déclarer à l'administration chacune des opérations dans le mois qui suit leur commencement (art. 852 du même code), de même que la déclaration d'existence et l'inscription au registre du commerce sont les contraintes minimales encadrant la profession de marchand de biens.

Dans le contexte actuel, cet encadrement minimal fait apparaître son insuffisance de façon criante. Tandis que les professionnels concernés souhaitent conserver leur condition de propriétaire ordinaire, les associations représentant les locataires souhaitent que certains droits du propriétaire ne puissent valoir pour les marchands de bien (congé pour vente, déchéance du droit au maintien dans les lieux...).

Entre ces antagonismes, il importe que le législateur puisse tracer une via media, qui permette d'agir sur les ventes à la découpe non seulement en modifiant le droit s'appliquant aux locataires mais aussi en modifiant le droit s'appliquant à ces investisseurs intermédiaires que sont les marchands de biens.

III. -  LA PROPOSITION DE LOI : UNE PROTECTION RENFORCÉE DES LOCATAIRES ET UNE RÉGLEMENTATION STRICTE DE LA PROFESSION DE MARCHAND DE BIENS

A. L'AIDE À L'ACCÈS À LA PROPRIÉTÉ OU AU MAINTIEN DANS LES LIEUX DES LOCATAIRES VICTIMES DE VENTES À LA DÉCOUPE GARANTIRA LA MIXITÉ SOCIALE DES QUARTIERS

1. Garantir aux locataires une plus grande stabilité dans l'occupation

Afin de garantir au mieux les droits des locataires, la présente proposition de loi joue sur la durée de maintien dans les lieux du locataire et la restriction du droit d'exercice du congé pour vente :

-  en instaurant des obligations de renouvellement du contrat de bail et en garantissant un délai de trois ans à tout locataire dont le logement fait l'objet d'une vente par lots de plus de dix appartements (article 1er) ;

-  en incitant fiscalement l'acquéreur d'un logement vendu à la découpe à ne pas utiliser le droit de congé dont il dispose pendant les six prochaines années (article 5) ;

-  en interdisant la transmission du congé pour vente déclenché par le vendeur au profit de l'acheteur (article 6) ;

-  en garantissant au locataire le maintien d'un bail de six ans une fois l'appartement acquis par une personne physique (article 7) ;

-  en étendant le champ de validité des accords collectifs de location (articles 13 et 14) ;

-  en donnant aux locataires la possibilité de recourir à la mairie afin de suspendre, s'il le faut, l'opération de mise en copropriété nécessaire pour vendre l'immeuble par appartements (article 17).

L'article premier, qui insère un alinéa dans le III de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, reprend certaines mesures de protection du locataire figurant dans l'accord collectif de location conclu en 1998 et rendu obligatoire pour l'ensemble des secteurs II et III par le décret du 22 juillet 1999 : obligation de renouvellement du contrat de bail des locataires dont les ressources sont inférieures à 80 % du plafond pli, de ceux placés dans une situation de difficulté grave justifiée.

Mais le texte du présent article comprend aussi des dispositions plus favorables que celles prévues par l'accord de 1998 : l'obligation de renouvellement en raison de l'âge est abaissée de 70 à 65 ans ; tout autre locataire ne peut recevoir de congé pour vente avant un délai de trois ans suivant la date de mise en copropriété de l'immeuble.

L'article premier rend ces différentes dispositions applicables à l'ensemble des bailleurs vendant par lots un immeuble de plus de dix logements. Il ne sera donc plus possible de s'en exonérer en vendant en bloc l'immeuble à une personne ne relevant pas des secteurs locatifs II ou III, qui étaient les seuls à être concernés par l'accord.

Ainsi, dans tous les cas, une personne subissant une vente à la découpe sera assurée de conserver son logement pendant une durée minimale de trois ans. Les personnes particulièrement fragiles (en raison soit de leur âge, soit de difficultés médicales, soit de la faiblesse de leurs revenus) seront assurées de conserver leur logement.

Il est important de signaler que ces protections n'empêchent ni d'acheter, ni de mettre en copropriété : le droit de propriété n'est donc pas entravé par ces protections.

L'article 5 crée une incitation fiscale (la réduction des droits et taxes de mutation à titre onéreux) pour toute personne physique acquérant un logement vendu à la découpe occupé qui s'engage à ne pas donner congé au locataire pour une période de six ans. Ce bénéfice n'est cependant acquis par le nouveau propriétaire qu'à due proportion de la durée d'occupation du locataire. Il apparaît donc clairement que c'est un bénéfice que le locataire apporte au propriétaire, une sorte de bénéfice portatif pour ainsi dire. Une codification dans le code général des impôts, que l'article vise d'ailleurs, serait pertinente.

Cette incitation au maintien du parc locatif serait bien moins coûteuse que le dispositif fiscal dit de Robien, la contraint qui pèserait sur le propriétaire étant du même ordre que celle qui prévaut pour ce dispositif fiscal.

L'article 6 restreint grandement la portée du congé pour vente prévu par l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989. Il empêche l'acheteur d'invoquer à son profit le congé donné par le vendeur. Concrètement, cela signifie que le congé pour vente ne fonctionnera plus que si l'échéance du bail coïncide avec ou précède la date de cession du logement. Il serait très utile d'insérer cette mesure dans l'article susmentionné, en raison de sa portée. Il est normal que le nouveau propriétaire, qui revendique la liberté de vendre, assume la responsabilité de la délivrance du congé pour vente.

L'article 7 instaure une survivance du droit au bail de six ans (normalement prévu pour les bailleurs personnes morales) au profit du locataire qui occupe un logement possédé par une personne morale et vendu à une personne physique.

L'article 13 prévoit que les accords collectifs de location conclus dans les secteurs locatifs II ou III doivent s'appliquer à toutes les ventes par appartements d'immeubles comportant plus de 10 logements. Cet article doit être compris comme visant les accords collectifs de location qui ont été étendus par décret, comme le prévoit l'article 41 ter de la loi du 23 décembre 1986. Cet article témoigne du fait que le souci d'élever au rang législatif la plupart des dispositions de l'accord conclu en 1998 n'est pas pour autant une remise en cause de l'ordre public locatif permettant aux différentes parties intéressées de faire mieux que la loi. Cet article permettra la diffusion de cet ordre public locatif à l'ensemble des opérations de vente à la découpe, quels que soient les intermédiaires ou les sociétés écrans utilisés.

L'article 14 vise à assurer la survivance de l'application des dispositions de l'accord collectif de location lorsque le logement est acquis par un nouveau bailleur. Il prolonge donc les effets de l'article 13 au-delà de la vente par lots. Pour mettre fin à l'application des dispositions en question, il faudra qu'aient eu lieu deux reventes à la suite de la vente par lots. Par analogie avec l'article 7, cette survivance reste attachée au locataire qui a été concerné par la vente à la découpe, qui l'a pour ainsi dire subie.

L'article 17 prévoit qu'un bailleur des secteurs II ou III qui procède à une vente par lots d'un ensemble de plus de dix logements avec utilisation du congé pour vente doit en informer le maire et les locataires trois mois à l'avance. Un dispositif est institué, qui permet à un tiers de l'ensemble des locataires concernés par une opération de vente à la découpe avec congé de demander au maire une enquête d'utilité publique. Cette enquête bloque provisoirement la mise en copropriété et peut permettre au maire de prendre un arrêté de suspension de la mise en copropriété. Cette procédure doit permettre de garantir le maintien d'une part suffisante d'appartements locatifs dans l'immeuble concerné, dès lors qu'une proportion significative de locataires le souhaite et que ce souhait est confirmé par l'enquête et par l'autorité municipale.

2. Favoriser l'accès à la propriété du locataire

Pour favoriser l'accès à la propriété, la proposition joue sur les délais d'exercice du droit de préemption (articles 2 et 3), sur la transparence relativement à la gestion et aux travaux afférant au logement à vendre (article 4) ainsi que sur le prix d'acquisition par le locataire (article 8).

L'article 2 allonge les délais d'exercice du droit de préemption prévu par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975. Le locataire disposera de quatre mois pour décider d'exercer ou non ce droit dans le cadre d'une vente à la découpe. Il disposera ensuite de quatre mois, ou, s'il a recours à un prêt, de six mois pour réaliser l'acte de vente. Ces délais plus longs, pouvant porter ainsi à dix mois la durée de l'opération d'acquisition à compter de la notification de la vente au locataire, doit permettre à celui-ci de se décider en ayant pu examiner toutes les possibilités financières permettant l'acquisition et en effectuant ainsi cette acquisition dans les meilleures conditions.

L'article 3 instaure un allongement de délais identique en ce qui concerne le cas spécifique du droit de préemption dans le cadre d'un congé pour vente au profit du locataire concerné par une vente à la découpe de plus de dix logements effectuée par un bailleur relevant des secteurs locatifs II ou III. C'est en fait une disposition parallèle à celle de l'article 2 dans la mesure où les deux droits de préemption concernés se fusionnent. La seule différence est le domaine plus restreint de cet article 3, qui ne vise que les bailleurs des secteurs locatifs II ou III effectuant une vente à la découpe, et non comme l'article 2 l'ensemble des bailleurs effectuant une vente à la découpe.

L'article 4 instaure l'obligation pour le bailleur des secteurs locatifs II ou III procédant à une vente à la découpe de plus de dix logements de faire précéder l'offre de vente qu'il doit obligatoirement transmettre aux locataires d'un audit contradictoire, à sa charge. Cet article met également à la charge du bailleur les dépenses de travaux de mise aux normes et de sécurité.

L'obligation de vendre un bien répondant aux normes de sécurité doit s'imposer aux vendeurs.

Enfin, le coût de ces travaux peut tout à fait légitimement être répercuté dans le prix de vente, ce qui est un élément de transparence du prix et permet d'éviter des prix artificiellement bas.

L'article 8 prévoit une décote lorsqu'un appartement vendu à la découpe dans un ensemble de plus de dix appartements par un bailleur des secteurs locatifs II ou III est acquis par le locataire. Cette décote est d'au minimum 10 % du prix de l'appartement vendu libre d'occupation, auxquels s'ajoutent 2 % par année d'occupation, dans la limite de 30 % du prix du bien.

Cet article reprend une proposition qui avait déjà été faite par votre rapporteur sous la forme d'un amendement au projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. Le ministre délégué au Logement et à la ville avait alors émis un avis défavorable à cet amendement en expliquant : « Comme, d'une part, Mme Massin, qui en est la présidente, réunit la Commission nationale de concertation le 8 décembre, que Mme la rapporteure et moi-même lui avons demandé de se saisir du sujet, et que ce sont les acteurs eux-mêmes qui vont se mettre autour de la table, et comme, d'autre part, j'ai pour objectif de présenter au conseil des ministres le projet de loi Habitat pour tout début février, c'est-à-dire dans un délai raisonnable, nous pouvons, me semble-t-il, laisser les associations de locataires et les bailleurs s'exprimer lors de la concertation, tout en recherchant des pistes d'action à partir des propositions des parlementaires. Si un chemin est trouvé, je vous promets de m'y engager dans le cadre du projet de loi Habitat pour tous. » (22). Désormais, la Commission nationale de concertation s'est réunie : elle a abouti à un nouvel accord sur les congés pour vente par lots mais elle a aussi révélé l'opposition de la majorité des organisations représentatives des locataires, qui réclament une intervention du législateur. C'est pourquoi la présente proposition de loi propose à nouveau le dispositif de décote.

La décote ne peut pas être contestée dans son principe. Elle existe dans les faits. Elle est justifiée tant d'un point de vue économique (traduction de la différence de valeur entre un bien libre et un bien occupé) que d'un point de vue juridique. L'existence de cette décote se justifie en effet, lorsque le marché est équilibré, en raison de l'impossibilité juridique de vendre un logement à un acheteur extérieur à un prix inférieur à celui proposé à l'occupant. Du fait de cette occupation, la rentabilité pour l'acheteur extérieur se trouve affectée, dans des proportions équivalents à la décote.

L'étude précitée de la Chambre de notaires fait d'ailleurs apparaître que le taux maximal de 30 % (atteint à partir de 10 ans d'ancienneté dans les lieux) prévu par la présente proposition a souvent été atteint, voire dépassé dans les années récentes (41,8 % de décote en 1994).

Le principe d'une décote sur la valeur d'un bien immobilier occupé existe par ailleurs déjà du point de vue du dispositif fiscal concernant l'impôt de solidarité sur la fortune, qui prévoit un abattement de 20 % sur la valeur en cas d'occupation par l'assujetti. De même, du point de vue des droits de succession, le principe est de les calculer en fonction de la valeur des biens transmis. Or la Cour de cassation considère que « les droits résultant du bail préalablement consenti au donataire affectaient la valeur intrinsèque d'une propriété [...] et que la moins-value qui s'ensuivait devait, par conséquent, être prise en considération pour fixer la valeur vénale réelle à retenir » (23).

La proposition de loi présentée par Mme Martine Aurillac et plusieurs de ses collègues (24) a également pour objet de répondre au problème des ventes à la découpe en favorisant l'accès à la propriété du locataire, mais elle ne le fait que dans un cadre trop restreint. Elle vise à créer un droit de préemption au profit des locataires lors d'une vente en bloc de l'immeuble au sein duquel ils occupent un appartement (25). Cette proposition de loi traite le problème de la vente à la découpe par le seul biais d'un accès renforcé du locataire à la propriété. C'est donc un instrument insuffisant, qui ne résoudra pas le problème des locataires subissant une vente à la découpe sans pouvoir se porter acquéreurs du logement qu'ils occupent, et c'est de plus un instrument imparfait, car il revient à donner une option de fragmentation de toute vente en bloc à chacun des locataires concerné par la vente en bloc en question.

À l'inverse, les articles de la proposition de loi que nous examinons envisagent aussi bien l'accès à la propriété que la prévisibilité et la sécurité de l'occupation du locataire ne pouvant ou ne souhaitant pas se porter acquéreur. Plus encore, la présente proposition de loi vise aussi à encadrer la profession de marchand de biens, pour utiliser ainsi tous les leviers pouvant agir sur le phénomène des ventes à la découpe.

B. LA RÉGLEMENTATION DE LA PROFESSION DE MARCHAND DE BIENS PERMETTRA DE RALENTIR LES TENDANCES SPÉCULATIVES

Pour la première fois est proposé un statut juridique fermement établi de la profession de marchand de biens, qui sera précisé par voie réglementaire et permettra de construire une véritable déontologie s'appliquant à ces acteurs du marché immobilier (articles 9, 10 et 15). Le marchand de biens ne pourra disposer du recours au congé pour vente (article 11) et le dispositif fiscal dérogatoire concernant les droits et taxes de mutation sur son activité est rendu plus contraignant (article 12).

L'article 9 définit pour partie l'activité de marchand de biens. Il qualifie en effet de marchand de biens toute personne pratiquant l'achat de biens immobiliers affectés à l'habitation en vue de leur revente dans un délai de moins de six ans, dès lors que la personne pratique plus de deux reventes par an.

Cette définition n'est que partielle, car elle n'envisage pas les cas d'achat et de revente d'autres types de biens immobiliers : immobilier de bureau, terrains non bâtis, propriétés agricoles...

Le délai de revente est fixé à six ans car c'est la durée d'un bail conclu par un bailleur personne morale. Ainsi, une personne morale qui revend un appartement locatif qu'elle détient depuis plus de six ans peut être considérée comme assumant pleinement son rôle de bailleur, et pas seulement son rôle de propriétaire. Le seuil minimal d'activité est fixé à plus de deux reventes par an pour éviter le passage dans cette catégorie d'un trop grand nombre d'acteurs du marché immobilier.

L'article 10 prévoit à son premier alinéa l'adoption d'un décret en Conseil d'État afin de préciser les règles encadrant l'exercice de cette profession dans le domaine du logement.

Le deuxième alinéa énumère un certain nombre d'obligations qui devront être précisées par le décret en question (26). Il prévoit aussi la sanction du non-respect de ces obligations : interdiction d'exercer, amende pénale.

Le troisième alinéa prévoit enfin l'existence de dérogations à cet encadrement en ce qui concerne les organismes à vocation sociale ayant pour but le redressement des copropriétés en difficulté.

L'article 15 prévoit des sanctions identiques à celles du troisième alinéa de l'article 10 pour le marchand de biens qui ne respecte pas de manière grave et répétée les dispositions de la loi du 6 juillet 1989, les règles relatives au permis de démolir ou les textes applicables en cas de travaux dans les logements locatifs occupés. Cet article devrait permettre d'éviter les pratiques abusives auxquelles recourent certains marchands de biens afin de rendre l'occupation des logements pénible ou difficile et d'inciter ainsi les locataires à partir par eux-mêmes.

L'article 11 vise à supprimer le droit de recourir au congé pour vente dont disposent, au même titre que tous les autre propriétaires bailleurs, les marchands de biens. Cet article se fonde sur l'idée que le marchand de biens n'exerce pas son activité en vue de remplir la fonction de bailleur et qu'il est dès lors justifié de ne pas lui accorder les mêmes droits qu'aux propriétaires qui sont réellement des « propriétaires bailleurs ».

Cet article prévoit d'ailleurs que le marchand de biens qui souhaite céder un ou plusieurs logements qu'il a acquis depuis plus de six ans retrouve le droit d'exercice du congé pour vente. En effet, dans la mesure où cette durée correspond à celle d'un bail conclu par une personne morale et dans la mesure où l'article 9 définit le marchand de biens comme une personne pratiquant l'acquisition en vue de la revente dans un délai inférieur à six ans, le marchand de biens qui revend un bien possédé depuis plus de six ans n'est pas marchand de biens au sens strict lorsqu'il effectue cette revente. La durée de sa possession manifeste le fait qu'il a assumé pleinement sa fonction de bailleur, et il ne serait dès lors pas justifié qu'il ne puisse jouir de tous les droits dont bénéficient les bailleurs.

L'article 12 a trait aux exonérations de droits et taxes de mutation dont peuvent bénéficier les marchands de biens. Un amendement provenant d'une initiative de députés socialistes adopté en loi de finances pour 2005 a permis de réduire de quatre à deux ans le délai de revente permettant à ce marchand de biens de bénéficier de l'exonération des droits de mutation lorsque le marchand de biens procède à une vente par lots. Cet article prolonge cet amendement en réduisant ce délai à un an. Il ajoute des cas dérogatoires : lorsque le marchand de biens s'engage à vendre sans utiliser le congé pour vente, il bénéficie du délai de quatre ans ; lorsque la vente est faite par un organisme à vocation sociale ayant pour but le redressement des copropriétés en difficulté, le délai est porté à six ans.

C. DISPOSITIONS COMPLÉTANT LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI

Outre les sanctions applicables spécifiquement aux marchands de biens (articles 10 et 15), la proposition de loi prévoit à l'article 16 la nullité du congé pour vente en cas de non-respect des articles 1er (obligation de renouvellement du contrat dans un certain nombre de cas ; délai de trois ans entre la mise en copropriété et le congé pour vente), 2 et 3 (respect des délais d'exercice du droit de préemption), 4 (audit contradictoire et dépenses de travaux à la charge du bailleur), 8 (décote sur le prix de vente au profit du locataire), 11 (interdiction faite au marchands de biens d'exercer le congé pour vente), 13 (extension des accords collectifs de location à l'ensemble des secteurs locatifs) et 17 (rôle de la municipalité).

L'article 18 doit permettre une application rapide de la présente proposition de loi. Les dispositions devront s'appliquer à toute opération de vente à la découpe en cours, effectuée par un bailleur relevant des secteurs locatifs II ou III qui aura délivré un congé pour vente aux locataires. L'opération en cours est définie comme une opération concernant un immeuble dans lequel au moins l'un des lots mis en vente n'a pas encore été vendu.

Dès lors, les autres transactions déjà conclues pour d'autres lots de l'immeuble concerné pourront se voir appliquer l'article 16, rendant nul et de nul effet le congé pour vente en cas de non-respect de certaines dispositions de la présente loi. Par exemple, un locataire ayant renoncé à exercer son droit de préemption et ayant en conséquence quitté l'appartement à l'échéance de son bail pourra demander la réintégration dans le logement qu'il occupait. Plus encore, il pourra obtenir l'annulation rétroactive de la vente au profit d'un tiers, afin de pouvoir dans un second temps exercer son droit de préemption combiné à la décote prévue par l'article 8 de la présente loi.

La rétroactivité est cependant limitée par le second alinéa de l'article 18 : il s'agit seulement pour ainsi dire d'une rétroactivité in mitius, c'est-à-dire ne s'appliquant que si elle est plus favorable au locataire.

L'article 19 précise que les dispositions sont d'ordre public, afin de s'assurer de l'effectivité de leur application.

L'article 20 permet pour sa part d'éviter que la présente proposition de loi, et notamment ses articles 5, 8 et 12, tombe sous le coup d'une irrecevabilité financière. En effet, l'article 40 de la Constitution prévoit que « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ». Dès lors, il est indispensable que la proposition de loi prévoie une hausse de certaines impositions (en l'occurrence les droits et taxes sur les tabacs manufacturés, le papier à rouler les cigarettes et les cigarettes) qui permette de compenser la baisse d'autres impositions (en l'occurrence les droits et taxes de mutation à titre onéreux).

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La Commission a examiné la proposition de loi au cours de sa séance du
mercredi 4 mai 2005. Après l'exposé du rapporteur, une discussion générale a eu lieu.

Après avoir souligné la nécessité de lutter contre la spéculation immobilière et de protéger les locataires dont l'immeuble est vendu par appartements, M. Xavier de Roux a estimé que les moyens proposés vont à l'encontre de l'objectif visé. Il a considéré que la croissance rapide des prix est due à l'insuffisance de l'offre de logements par rapport à la demande, et que la solution consiste à construire davantage de logements et à favoriser l'accession à la propriété. Il a conclu que la proposition de loi, qui tend à allonger le maintien des locataires dans les lieux, réduirait la fluidité du marché de l'immobilier et aboutirait donc à l'accélération de la hausse des prix.

M. Christian Decocq a tout d'abord estimé que la lutte contre la spéculation n'implique pas nécessairement de modifier le droit commun de la protection des locataires. Puis, rappelant qu'une proposition de loi relative à la vente à la découpe avait été déposée par Mme Martine Aurillac en février 2005 et qu'il en avait été désigné rapporteur en mars, il a considéré que la démocratie était dès lors saisie et regretté que le groupe socialiste ait choisi de déposer une proposition concurrente pendant qu'il procédait à l'audition de représentants des locataires et des propriétaires, au lieu d'aborder le problème lors de la discussion de la proposition de Mme Aurillac. Il a exprimé son désaccord avec une méthode dictée par des raisons médiatiques et souhaité que la Commission procède à un vote sur le passage à la discussion des articles.

Mme Annick Lepetit a souligné l'urgence de la situation et l'impatience croissante des milliers de citoyens devant les phénomènes d'enrichissement rapide rendus possibles, dans de grandes villes telles que Paris ou Lyon, par l'achat de blocs d'immeubles suivi de reventes par appartements.

Elle a rappelé que le président du groupe socialiste, M. Jean-Marc Ayrault, n'avait opté pour l'examen de cette proposition de loi lors de la séance d'initiative parlementaire du groupe socialiste qu'en raison du refus du Gouvernement de se saisir de la question et d'inscrire un texte à l'ordre du jour prioritaire. Elle a ajouté que M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au Logement et à la ville, avait annoncé lors d'un Conseil des ministres en décembre dernier que le projet de loi relatif à l'habitat pour tous serait présenté au Parlement au début du mois de février et permettrait d'accueillir les propositions parlementaires sur cette question - si leur élaboration était suffisamment avancée. Elle a regretté l'absence de concrétisation de cet engagement concernant un projet de loi évoqué depuis déjà deux ans, alors que ces dérives spéculatives s'aggravent. Elle a considéré qu'il était dangereux de ne pas entendre l'impatience des citoyens, dont les députés socialistes se sont d'ailleurs fait l'écho en interpellant à plusieurs reprises le ministre délégué chargé du Logement.

Elle a rappelé qu'un amendement adopté à l'unanimité en commission des Affaires sociales traitant du problème des « ventes à la découpe » avait été retiré, le Gouvernement déclarant vouloir mener une concertation, qui est aujourd'hui à l'arrêt. Elle a ajouté que l'engagement pris par le ministre envers les parlementaires, en réponse à une question au Gouvernement le 23 mars 2005, de publier un décret la semaine suivante n'avait pas davantage été respecté, l'assise insuffisante de l'accord signé par certaines organisations et la résistance de certaines associations de locataires empêchant la publication d'un tel texte au Journal officiel.

Elle en a conclu qu'en l'absence de cette proposition de loi, les parlementaires n'auraient sans doute pas eu l'occasion de travailler avant l'été sur ce sujet important, en précisant que l'objet de la proposition de loi de Mme Martine Aurillac relative au droit de préemption des locataires en cas de vente d'un immeuble, était en tout état de cause beaucoup plus limité.

Le Président Pascal Clément a rappelé que la proposition de loi déposée par Mme Martine Aurillac permettrait d'apporter une protection spécifique aux personnes âgées ou handicapées, et de mettre à la charge du vendeur une obligation de relogement des locataires les plus démunis.

Mme Annick Lepetit a estimé que la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault renforçant les protections des locataires victimes de ventes à la découpe était plus ambitieuse, puisqu'elle permettrait de venir en aide aux personnes ne pouvant pas acquérir de logement, et accordait au maire un rôle plus important. Elle a donc souhaité que le contenu de cette proposition soit étudié et les préoccupations grandissantes de milliers de locataires prises en compte.

M. Daniel Vaillant a fait valoir sa propre expérience de maire d'arrondissement à Paris pour souligner l'urgence de certaines situations, l'importance de l'attente sociale exprimée par de nombreux courriers, et l'absence totale de réaction de certains vendeurs dénués de scrupules. Il a estimé que le Gouvernement n'avait jusqu'à présent pas démontré qu'il entendait réellement se préoccuper de ce problème et a appelé à porter le débat sur un autre terrain que celui des médias. Il a ainsi rappelé que ni le Gouvernement ni le groupe ump n'avaient souhaité inscrire la proposition de loi de Mme Martine Aurillac à l'ordre du jour prioritaire de l'Assemblée nationale.

M. Jean Tibéri a estimé que les phénomènes de « vente à la découpe » étaient particulièrement graves dans certaines grandes villes mais a appelé à ne pas mettre en cause l'ensemble des propriétaires, les pratiques scandaleuses d'une minorité d'entre eux se retournant en réalité contre les propriétaires ordinaires, parfois modestes. Pour autant, il a souhaité que puisse s'engager rapidement un débat permettant de mettre un terme à ce problème spéculatif.

Le Président Pascal Clément a observé que les citoyens attendaient une décision législative dans ce domaine et s'est félicité que la volonté de régler cette situation soit partagée par les deux grands partis de gouvernement. Il a rappelé que le Gouvernement avait choisi de privilégier la concertation, dans un secteur où la négociation est difficile et n'avait pas à ce jour abouti comme il l'aurait souhaité.

Il a indiqué que le groupe socialiste avait initialement souhaité consacrer l'ordre du jour de sa séance d'initiative parlementaire à une proposition de loi sur le soutien institutionnel à la paix au Proche-Orient et, face à l'irrecevabilité opposée par le Président de l'Assemblée nationale, n'avait opté qu'ensuite pour l'examen de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault qui constitue ainsi un second choix. Il a souligné que la proposition de loi de Mme Martine Aurillac n'avait été laissée de côté, dans un premier temps, que pour permettre au Gouvernement de poursuivre la concertation. Il a ajouté que, favorable à une intervention du législateur sur cette question, il avait proposé à la Commission de désigner un rapporteur dès le mois de mars, alors même que le Gouvernement n'avait pas mené la négociation à son terme.

Il a jugé qu'il serait abusif, dans ces conditions, que les élus socialistes cherchent à faire croire qu'ils ont été à l'origine de cette initiative. Il a annoncé que la question serait traitée au mois de juin prochain lors de la séance d'initiative parlementaire prévue par le groupe ump, et la solution devrait ainsi pouvoir recueillir un accord unanime. Il a, en conséquence, appelé les commissaires à ne pas passer à la discussion des articles de la proposition de loi en discussion.

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* *

À l'issue de ce débat, la Commission a décidé de ne pas présenter de conclusions sur la proposition de loi renforçant les protections des locataires victimes de ventes à la découpe (n° 2125).

ORGANISATIONS ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

Confédération générale du logement

M. Pascal Robin, secrétaire confédéral

Confédération nationale du logement

M. Serge Inserti-Formentini, secrétaire général

Confédération syndicale des familles

Mme Aminata Koné, secrétaire générale

Association des comités de défense des locataires

M. Benoît Filippi, secrétaire général

Collectif des locataires découpés

M. Marc-Antoine Lorne, représentant de l'Association des locataires des Ternes

Mme Frédérick Rousseau, représentante du Comité des Arquebusiers

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N° 2290 - Rapport sur la proposition de loi (n° 2125) renforçant les protections des locataires victimes de ventes à la découpe (Jean-Yves Le Bouillonnec)

1 () Proposition de loi n° 1791 (XIe législature).

2 () Loi n° 2000-1208, du 13 décembre 2000.

3 () Proposition de loi n° 2063 relative au droit de préemption des locataires en cas de vente d'un immeuble, dont la commission des Lois a nommé notre collègue Christian Decocq rapporteur le mercredi 23 mars 2005.

4 () Proposition de loi n° 2125 renforçant les protections des locataires victimes de ventes à la découpe.

5 () Proposition de loi n° 238, tendant à lutter contre la vente à la découpe et la spéculation immobilière et à garantir la mixité sociale (session 2004-2005).

6 () D'après les données de la Chambre des notaires d'Île-de-France, tout comme l'ensemble des autres chiffres relatifs aux transactions immobilières à Paris figurant dans ce rapport.

7 () On peut trouver deux justifications économiques à ce différentiel de prix entre la vente en bloc et la vente à la découpe qui la suit : le prix de détail est toujours plus élevé que le prix de gros ; le nouveau prix intègre l'évolution des prix du marché, même sur courte période.

8 () Les grammaires d'une ville. Essai sur la genèse des structures urbaines à Marseille, EHESS, 1996, p.466.

9 () Débat public sur les ventes à la découpe du 29 janvier 2005, Paris XIème.

10 () L'exemple topique de ces fonds internationaux pratiquant une vente à la découpe massive est le groupe américain Westbrook, cité à satiété par toute la presse, qui aurait ainsi déjà mis en vente environ 4 000 logements dans la capitale.

11 () Cette participation des employeurs à l'effort de construction, qui est versée par chaque entreprise du secteur privé non agricole employant au moins 10 salariés, est souvent désignée par le terme « 1 % patronal ».

12 () Alors que l'agglomération était historiquement un lieu de ségrégation associée (« le peuple participe à la centralité ; il occupe même le cœur historique de la cité »), elle est devenue un lieu de ségrégation dissociée, le centre concentrant maintenant les fonctions métropolitaines et les classes supérieures.

13 () En cas d'obtention d'un premier emploi, de mutation, de perte d'emploi ou de nouvel emploi consécutif à une perte d'emploi, mais aussi pour les locataires bénéficiaires du rmi et les locataires âgés de plus de 60 ans dont l'état de santé justifie un changement de domicile.

14 () Cet article exige que le relogement ait lieu dans un local qui « doit être en bon état d'habitation, remplir les conditions d'hygiène normales et correspondre [aux] besoins personnels et familiaux et, le cas échéant, professionnels » de l'intéressé. En outre, des conditions de proximité géographique doivent être respectées.

15 () Loi n° 86-1290 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière.

16 () Décret n° 99-628.

17 () Ces plafonds de ressources, qui sont fixés chaque année par arrêté en prenant en compte l'évolution du SMIC, varient selon le nombre de personnes composant le ménage et selon la zone géographique. Au 1er janvier 2005, pour une personne seule vivant dans l'agglomération parisienne, sur la Côte d'Azur ou dans le Genevois, ce plafond s'établit à près de 2 550 euros mensuels.

18 () Voir notamment l'arrêt du 5 mai 2004 de la 3e chambre civile de la Cour de cassation.

19 () Parmi ces organisations, qui ont signé l'accord, l'Association Force ouvrière Consommateurs (AFOC) et l'association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV), tandis que la Confédération nationale du logement (CNL), la Confédération syndicale des familles (CSF) et la Confédération générale du logement (CGL) ont pris la position contraire. En revanche, les organisations représentatives des bailleurs ont toutes signé l'accord.

20 () Les marchands de biens, une activité à réformer ? Rapport de juin 1991, sous la direction de Claude Robert.

21 () Cet amendement insère un nouvel alinéa dans l'article 1115 du code général des impôts, ainsi rédigé : « Pour les reventes consistant en des ventes par lots déclenchant le droit de préemption prévu à l'article 10 de la loi nº 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d'habitation ou celui prévu à l'article 15 de la loi nº 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi nº 86-1290 du 23 décembre 1986, le délai prévu pour l'application de la condition de revente visée au b est ramené à deux ans. ».

22 () Troisième séance du vendredi 3 décembre 2004.

23 () Arrêt du 23 octobre 1984.

24 () Proposition de loi n° 2063 relative au droit de préemption des locataires en cas de vente d'un immeuble.

25 () L'article premier de cette proposition de loi introduit l'obligation de notifier au locataire la vente en bloc de l'immeuble dans lequel il occupe un logement et de lui donner la possibilité d'exercer ainsi son droit de préemption. L'article second prévoit l'exercice rétroactif de ce droit de préemption, pour permettre aux locataires de remonter au prix de la première vente en bloc intervenue au cours des trois années précédant la promulgation de la loi et d'acheter à ce prix l'appartement qu'ils occupent.

26 () Ces obligations sont : un montant minimal de capital social ; un ratio de fonds propres ; une garantie financière lorsque le marchand de biens reçoit des fonds avant de livrer les biens ; une assurance en matière de responsabilité civile professionnelle et des garanties de bonne fin des opérations et de bonne réalisation des travaux ; une conformité des biens vendus aux obligations législatives de décence.


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