N° 2362 - Rapport de M. Jacques Remiller sur le projet de loi autorisant l'approbation du traité sur le droit des marques (2155)




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le 16 juin 2005

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N° 2362

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 juin 2005.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 2155, autorisant l'approbation du traité sur le droit des marques,

PAR M. JACQUES REMILLER,

Député

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INTRODUCTION 5

I - LA PROTECTION DES MARQUES, UN ENJEU ESSENTIEL 7

A - LES MARQUES, UN RÔLE STRATÉGIQUE 7

B - UN DROIT INTERNATIONAL EN ÉVOLUTION CONSTANTE 8

1) Le dispositif international d'enregistrement des marques 8

2) Le traité sur le droit des marques, une avancée importante 9

II - L'APPROBATION DU TRAITÉ SUR LE DROIT DES MARQUES PAR LA FRANCE : UNE NÉCESSITÉ EN VUE DE L'AMÉLIORATION DU SYSTÈME INTERNATIONAL DE PROTECTION DES MARQUES 13

A - LE DROIT FRANÇAIS DES MARQUES : UN DISPOSITIF CONFORME AUX RÈGLES INTERNATIONALES 13

B - UNE APPROBATION QUI RENFORCERA LE POIDS DE LA FRANCE DANS LES NÉGOCIATIONS À VENIR SUR LE DROIT INTERNATIONAL DES MARQUES 14

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

Mesdames, Messieurs,

Dans une économie fortement concurrentielle, les marques, c'est-à-dire tous les signes qui servent à distinguer une entreprise de ses concurrents, jouent un rôle essentiel. Leur protection est un impératif : il n'est qu'à considérer les conséquences désastreuses de la contrefaçon sur l'emploi - 200 000 emplois européens détruits chaque année - pour s'en convaincre.

S'il importe que chaque Etat dispose d'une législation adaptée à la protection de cet actif immatériel stratégique, la mondialisation rend tout aussi nécessaire l'harmonisation internationale du droit en la matière. Tel est l'objet du traité aujourd'hui soumis à l'approbation de notre Assemblée, plus de dix ans après sa signature.

Le traité sur le droit des marques ne représente certes par l'alpha et l'oméga du droit international des marques, tant s'en faut ; il en constitue cependant une première étape importante, essentiellement centrée sur les procédures. Par conséquent, cette branche du droit de la propriété intellectuelle est appelée à connaître d'importants développements dans les années à venir. Pour y participer, la France se doit d'approuver d'abord le traité sur le droit des marques, quand bien même l'ensemble de ses prescriptions figure d'ores et déjà dans l'ordre juridique interne.

I - LA PROTECTION DES MARQUES, UN ENJEU ESSENTIEL

A - Les marques, un rôle stratégique

La marque est traditionnellement définie comme un signe (mot, dessin, couleur, ...), qui sert à distinguer les produits et services d'une entreprise de ceux de ses concurrents. Cette définition a été reprise par la jurisprudence bien établie de la Cour de Justice des Communautés Européennes, qui considère que la marque a pour fonction essentielle d'identifier l'origine économique d'un produit ou d'un service.

Ce rôle d'identifiant est évidemment de première importance dans le contexte de la concurrence internationale aiguisée qui prévaut aujourd'hui. Comme le rappelle M. Kamil Idris, directeur général de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), dans La propriété intellectuelle, moteur de la croissance économique (juin 2003), les marques jouent ainsi un rôle macroéconomique de premier plan, dans la mesure où elles permettent au consommateur de déterminer très rapidement l'origine des produits et des technologies, donc représentent un élément essentiel dans la démarche de responsabilité des entreprises à l'égard des consommateurs. Elles occupent une place sans égale dans la stratégie commerciale des entreprises, ne serait-ce qu'en matière de publicité. D'où leur impact majeur dans la fidélisation des clients, dont il est aujourd'hui démontré qu'elle est tout aussi profitable que l'aptitude à attirer de nouveaux clients.

Par ailleurs, les marques jouent un rôle essentiel pour permettre aux entreprises de faire face à la concurrence, plus encore lorsque celle-ci est déloyale et qu'elle prend la forme de la contrefaçon. Rappelons que, selon le bilan de la lutte anti-contrefaçon dressé par le ministère de l'Économie et des Finances le 16 novembre dernier, la contrefaçon, qui représente 10 % du commerce mondial, détruit 30 000 emplois par an en France et 200 000 en Europe. Sans compter, au-delà du préjudice économique, les risques graves pour la santé et la sécurité des consommateurs, lorsque sont concernés des médicaments ou des pièces mécaniques de l'industrie aéronautique.

Les marques représentent enfin un élément essentiel à la conclusion de partenariats stratégiques et d'alliances commerciales, sans compter leur rôle fondamental dans les activités de franchisage, mode de gestion qui a montré son efficacité dans nombre de pays. Autant qu'un identifiant sans égal, les marques sont en effet devenues une composante essentielle des actifs incorporels des entreprises, dont la valeur peut parfois largement dépasser celle de tous les autres actifs.

Moindre sensibilité des produits concernés à la concurrence, soutien à l'innovation et à l'emploi, les marques représentent donc au total un atout économique qu'il importe de protéger par une législation adaptée. Législation qui, dans le contexte d'une concurrence internationale très vive, ne saurait être exclusivement nationale.

B - Un droit international en évolution constante

Le principe d'une protection des marques s'est imposé très tôt sur le plan international, avant même le mouvement de mondialisation économique massif de la fin du XXème siècle. Celle-ci n'a cependant pas été neutre, conduisant le droit des marques à faire des progrès considérables ces dernières années, dans le sens d'une protection accrue des entreprises sur le plan mondial.

La simplification du système d'enregistrement international des marques représente l'un des grands acquis de la modernisation de cette branche du droit de la propriété intellectuelle.

1) Le dispositif international d'enregistrement des marques

Le système d'enregistrement international des marques est régi par deux traités : l'arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques, qui date de 1891, et le protocole relatif à l'arrangement de Madrid, qui, adopté en 1989, est entré en vigueur le 1er décembre 1995 et a été mis en œuvre le 1er avril 1996. Le système est administré par le Bureau international de l'OMPI, qui tient à jour le registre international et publie la Gazette OMPI des marques internationales. Tout État partie à la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle - convention du 20 mars 1883 qui a posé un ensemble de règles constituant un minimum de protection en matière de propriété industrielle -  peut devenir partie soit à l'arrangement, soit au protocole, soit aux deux.

Le système de Madrid offre au titulaire d'une marque la possibilité d'obtenir la protection de sa marque dans plusieurs pays, en déposant une seule demande d'enregistrement directement auprès de son office national ou régional. Une marque internationale ainsi enregistrée produit les mêmes effets dans les pays désignés que ceux d'une demande ou d'un enregistrement de marque effectué directement dans chacun desdits pays par le déposant. Si la protection n'est pas refusée par l'office des marques d'un pays désigné dans un délai spécifique, la protection de la marque est la même que si cette marque avait été enregistrée directement par cet office.

Le système de Madrid simplifie également la gestion ultérieure de la marque, tout changement ou renouvellement de l'enregistrement pouvant être inscrits par une simple et unique procédure auprès du Bureau international de l'OMPI.

A l'évidence, l'efficacité d'un tel dispositif dépend de la capacité de chacun des États parties à ce système à mettre en place, en amont, un système d'enregistrement national pertinent.

le système de protection des marques

Il existe deux possibilités - trois pour les États de l'Union européenne - de faire protéger sa marque sur le territoire d'un État. Un déposant français, par exemple, a le choix entre trois procédures pour protéger sa marque sur le territoire français :

· La voie nationale : l'enregistrement d'une marque nationale est effectué auprès de l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI). Cette procédure confère une protection de dix ans indéfiniment renouvelable à partir de la date de dépôt.

· La voie communautaire : depuis le 1er janvier 1996, le dépôt d'une marque par voie communautaire peut se faire auprès de l'Office d'harmonisation dans la marché intérieur. Cette procédure confère une protection de dix ans indéfiniment renouvelable et porte sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne.

· La voie internationale : le dépôt d'une marque par la voie internationale peut s'effectuer auprès de l'OMPI ou de tout office national des pays contractants à l'union de Madrid. Cette procédure consiste à demander l'extension, à un ensemble d'autres pays, d'une marque déposée ou enregistrée dans un autre pays. La durée de protection est de dix ans, indéfiniment renouvelable.

En effet, une marque ne peut faire l'objet d'une demande internationale que si elle a déjà été enregistrée (ou, lorsque la demande internationale relève exclusivement du protocole, si son enregistrement a été demandé) auprès de l'office des marques de la partie contractante à laquelle le déposant est rattaché. D'où l'intérêt d'un traité visant, en amont, à harmoniser, dans le sens de la simplification, les différentes procédures d'enregistrement national.

2) Le traité sur le droit des marques, une avancée importante

C'est à cette fin qu'a été conclu, en 1994, le traité sur le droit des marques, ouvert aux États parties à la convention instituant l'OMPI ainsi que, jusqu'au 31 décembre 1999, à tout autre État qui était partie à la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, à condition que des marques puissent être enregistrées auprès de l'office national de cet État. Notons que ce traité est également ouvert à certaines organisations intergouvernementales, dont l'Union européenne.

Le traité sur le droit des marques a pour objectif de rendre les systèmes nationaux et régionaux d'enregistrement de marques plus faciles à utiliser. Il tend, pour ce faire, à simplifier et à harmoniser les procédures et à éviter les pièges et ambiguïtés d'un droit perçu comme extrêmement complexe par ses utilisateurs, à commencer par les entreprises.

De par son objectif, le traité sur le droit des marques est, en dépit de sa dénomination, un outil définissant des procédures, et non de grands principes sur le droit de la propriété intellectuelle. Ainsi, la grande majorité des dispositions du traité concerne la procédure auprès du service national d'enregistrement des marques, dans laquelle on peut distinguer trois phases principales : la demande d'enregistrement, les changements après enregistrement et le renouvellement. Les règles relatives à chacune de ces phases sont conçues de manière à préciser ce qu'un office des marques peut exiger du déposant ou du propriétaire et ce qu'il ne doit pas exiger de lui, l'économie générale du traité s'ordonnant autour des deux principes de protection des entreprises et simplification des démarches. Aux termes de ce traité, les États s'engagent en effet à adopter une législation simple en matière d'enregistrement national de marques. Le principe est celui de l'autorisation expresse par le traité de toute exigence procédurale : un État ne saurait donc demander autre chose que ce que le traité l'autorise expressément à demander.

En ce qui concerne la première phase - demande d'enregistrement -, le traité fixe les exigences maximales qui peuvent être introduites dans la procédure nationale.

Aux termes de l'article 3 du traité, la demande peut ainsi être accompagnée des indications suivantes : une requête en enregistrement, le nom et l'adresse ainsi que d'autres indications relatives au déposant et à son mandataire ; diverses indications concernant la marque, y compris un certain nombre de représentations de la marque ; les produits et services ainsi que le classement correspondant, et une déclaration d'intention d'utiliser la marque.

Chaque partie contractante doit aussi permettre qu'une demande porte sur des produits ou services appartenant à plusieurs classes de la classification internationale (article 6), ce qui implique la reconnaissance du système international de classement des produits et services. L'article 9 du traité se réfère à cet égard à l'arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques. Cet arrangement, conclu en 1957, instaure une classification des produits et des services (34 classes de produits et 8 pour les services) aux fins de l'enregistrement des marques. Cette classification, utilisée par près de 130 États, est périodiquement modifiée et complétée par un comité d'experts de l'OMPI au sein duquel tous les États contractants sont représentés. La classification de l'arrangement de Nice a pour buts essentiels de clarifier le libellé des produits et services figurant dans un dépôt de marque et de faciliter les recherches d'antériorités de marque dans les bases de données des offices de propriété industrielle.

Au titre des interdictions, on notera que l'Etat n'a pas le droit d'exiger du déposant qu'il produise un extrait du registre du commerce ni qu'il indique qu'il exerce une certaine activité commerciale, ni qu'il fournisse des preuves selon lesquelles la marque a été enregistrée dans le registre des marques d'un autre pays (article 10).

La deuxième phase de la procédure relative à l'enregistrement de marques qui est prévue par le traité concerne les changements de nom ou d'adresse (article 10) ainsi que les changements de titulaire de l'enregistrement (article 11). Là encore, les exigences de forme autorisées sont énumérées de manière exhaustive, toute autre exigence éventuelle étant interdite. Une seule requête doit suffire, même lorsque le changement porte sur plusieurs demandes ou enregistrements de marques, c'est-à-dire parfois sur des centaines, à condition que le titulaire des enregistrements ou des demandes et le nouveau propriétaire soient les mêmes pour tous les enregistrements ou demandes en cause.

Enfin, en ce qui concerne la troisième phase, à savoir celle du renouvellement, le traité uniformise la durée de validité de l'enregistrement initial et celle des périodes de renouvellement, qui sont fixées à dix années chacune (article 13).

II - L'APPROBATION DU TRAITÉ SUR LE DROIT DES MARQUES PAR LA FRANCE : UNE NÉCESSITÉ EN VUE DE L'AMÉLIORATION DU SYSTÈME INTERNATIONAL DE PROTECTION DES MARQUES

Premier instrument visant à coordonner le droit des marques au niveau mondial, le traité sur le droit des marques pose les prémisses de l'harmonisation d'un droit qui reste marqué, au-delà des questions procédurales, par une grande variété des conditions de fond auxquelles il est soumis. Pour cette raison, ainsi que pour tenir compte des évolutions technologiques et de leurs conséquences sur la procédure, une révision du traité est nécessaire.

En vue de cette révision, il importe que la France puisse faire valoir ses vues dans la négociation internationale qui pourrait débuter à cette fin en 2006. Aussi, malgré une adéquation parfaite du droit national aux stipulations internationales, est-il important que notre pays approuve formellement le traité sur le droit des marques.

A - Le droit français des marques : un dispositif conforme aux règles internationales

Le droit des marques français se caractérise de longue date par son caractère très protecteur au profit des déposants de marque. A l'issue de la négociation qui conduisit à la signature du traité sur le droit des marques, en 1994, la France sortait d'ailleurs d'une période d'activité législative et réglementaire très importante dans le domaine du droit des marques, qui vit l'adoption de la loi n° 91-7 du 4 janvier 1991, suivie du décret d'application n° 92-100 du 30 janvier 1992, ainsi que de la loi n° 92-597du 1er juillet 1992 créant le code de la propriété intellectuelle. La France a estimé qu'il n'y avait donc pas d'urgence à une ratification du traité de sa part.

A ce jour par conséquent, cette ratification ne présente guère d'intérêt sur le plan juridique interne, moins encore depuis que la France a introduit dans son droit l'ensemble des dispositions prescrites par le traité sur le droit des marques. En effet, le décret n° 2004-199 du 25 février 2004 a achevé d'introduire dans l'ordre juridique interne les quelques dispositions du traité sur le droit des marques qui n'y figuraient pas, en sorte que nous sommes d'ores et déjà en conformité avec le droit international.

Les principales dispositions introduites en 2004 dans le code de la propriété intellectuelle en vue de se conformer au traité sont les suivantes :

- rectification d'une erreur matérielle : en cas d'erreur matérielle dans le dépôt d'une marque, l'office ne peut exiger du déposant la fourniture de pièces justificatives qu'en cas de doute sur la réalité de l'erreur, conformément à l'article 12 du traité ; l'article R. 712-20 du code de la propriété intellectuelle a donc été modifié en conséquence ;

- réintroduction du délai de grâce : le délai de grâce offre une période supplémentaire de six mois au titulaire d'une marque afin qu'il procède aux opérations de renouvellement de celle-ci (règle 8 du règlement d'exécution du traité) ; ce délai avait été supprimé en France par la loi du 4 janvier 1991 qui ne retenait alors que la procédure de relevé de déchéance, beaucoup plus exigeante quant aux possibilités de renouvellement tardif d'une marque ; la mise en conformité du droit national aux prescriptions internationales a donc imposé la réintroduction du délai de grâce à l'article R. 712-24 du code ;

- division du dépôt de marque : cette nouvelle procédure, figurant à l'article 7 du traité, permet à un déposant de marque de scinder son dépôt initial en plusieurs dépôts ; cette procédure est particulièrement utile lorsque seule une partie d'un dépôt est contestée, par exemple dans le cadre d'une procédure d'opposition ; le déposant peut ainsi, après division, obtenir rapidement un enregistrement des parties non contestées de son dépôt ;

- allègement des formalités d'inscription : un certain nombre d'actes doivent être inscrits au registre national des marques pour être opposables aux tiers ; l'article 11 du traité limite les exigences de l'office en la matière, interdisant à celui-ci d'exiger la production d'originaux, la fourniture d'un extrait ou d'une copie des actes constatant la modification de la propriété ou de la jouissance de la marque devant suffire ; les articles R. 714-4 et -5 du code ont donc été modifiés en conséquence.

B - Une approbation qui renforcera le poids de la France dans les négociations à venir sur le droit international des marques

Si l'approbation du traité sur le droit des marques présente un intérêt juridique limité pour la France, elle est, en revanche, de première importance sur les plans politique et diplomatique.

S'agissant des entreprises françaises ayant une forte présence au niveau international et qui se heurtent, lors de la protection de leurs marques à l'étranger, à des procédures nationales extrêmement lourdes et pointilleuses, il peut être utile que la France puisse faire valoir une certaine réciprocité vis-à-vis des États en cause qui n'ont pas encore ratifié le traité. Même si la mise en œuvre du traité n'est pas conditionnée par quelque clause de réciprocité que ce soit, la France sera renforcée, sur le plan diplomatique, par une approbation formelle du traité.

Mais c'est surtout au vu des évolutions annoncées du droit international des marques que l'approbation du traité sur le droit des marques par la France est importante. Ces évolutions devraient être doubles, touchant et la procédure et les questions de fond.

S'agissant des questions de procédure, au cours de ces dernières années, il est apparu que le traité adopté en 1994 nécessitait certaines adaptations afin que soient prises en considération les récentes évolutions techniques et poursuivies l'harmonisation et la simplification des procédures de dépôt et d'enregistrement. En outre, certains États estiment opportun d'harmoniser les dispositions du traité avec celles, analogues, contenues dans le traité sur le droit des brevets, adopté par les États membres de l'OMPI en septembre 2000.

Dans cette optique, les travaux menés par le comité permanent du droit des marques de l'OMPI ont abouti, lors de sa quatorzième session qui a eu lieu du 18 au 22 avril 2005, à une proposition de traité révisé qui sera soumise pour adoption à une conférence diplomatique du 13 au 31 mars 2006.

Les nouvelles modifications proposées par ce projet de traité révisé devraient accentuer l'harmonisation des règles d'examen et alléger davantage encore les procédures devant les offices nationaux, tout en instaurant des procédures de sauvegarde au bénéfice des déposants. Ces aspects sont particulièrement importants pour les entreprises françaises qui se développent au niveau international et doivent donc procéder à la protection de leurs droits de marques dans différents États.

Les principales innovations sont les suivantes :

- adaptation des dispositions relatives aux moyens de communication : celle-ci est rendue nécessaire par la mise en place, dans certains pays, de procédures de dépôt électronique. À ce jour, le traité dispose qu'il est interdit d'exiger qu'une signature soit attestée, reconnue conforme par un officier public, authentifiée, légalisée ou certifiée, sauf en cas de renonciation à un enregistrement. Reste que le cas particulier de la signature électronique ne saurait entrer dans ce cadre, son rôle en matière de preuve étant subordonné à des conditions d'authentification ou de certification dans la plupart des systèmes nationaux. Jusqu'alors laissée de côté, cette question devrait être résolue dans le projet de traité révisé. Ainsi, une nouvelle disposition extrêmement souple (nouvel article 8) laissera toute latitude aux États de choisir le mode de dépôt de la marque (papier, électronique, combinaison des deux). Par ailleurs, dans le cadre de la sécurisation des communications électroniques, et à la demande expresse de la délégation française, une disposition a été introduite en vue d'autoriser une partie contractante à exiger l'utilisation d'une procédure de certification électronique (appelée « signature électronique »).

- introduction de procédures de restitutio in integrum, qui visent à rétablir dans ses droits un titulaire qui aurait laissé passer un délai pour accomplir une formalité (nouvel article 13).

-  dispositions sur les licences de marques : de nouvelles règles limiteront les éléments qu'un office est en droit d'exiger de la part d'un titulaire d'une marque, lors de l'inscription d'une licence au registre national (nouveaux articles 17 à 21).

Par ailleurs, le nouveau traité devrait comporter des dispositions institutionnelles, inexistantes à ce jour. A dire vrai, cette question n'est pas nouvelle et avait été posée lors de la négociation du traité, notamment du fait du souhait de la Communauté européenne d'y adhérer. Dans ce cas, il est habituellement prévu qu'elle vote, soit à la place des États membres, soit en bénéficiant d'une voix supplémentaire. Or, lors des négociations du traité, la Communauté avait souhaité obtenir à l'assemblée une voix distincte de celle de ses États membres. Un groupe de délégations, mené par celle des Etats-Unis, s'était fermement opposé à cette demande. Finalement, un compromis n'ayant pu être atteint, il avait été décidé d'abandonner les dispositions institutionnelles.

Cependant, la création d'une assemblée du traité sur le droit des marques est à nouveau à l'ordre du jour. Un consensus semble s'être établi autour de la nécessité de créer un tel organe, principalement en vue de faciliter la procédure de révision du règlement d'exécution du traité, sans qu'il soit besoin de convoquer une conférence diplomatique. Cette nécessité est apparue d'autant plus criante que l'évolution rapide des techniques impose une forte réactivité juridique.

S'agissant de la question de l'harmonisation des conditions de fond du droit des marques, les discussions viennent tout juste de débuter à l'OMPI. A cet effet, le bureau international a diffusé un questionnaire sur le droit matériel des marques, auquel de nombreux États et organisations intergouvernementales ont répondu. Les informations collectées concernent notamment les signes susceptibles de constituer une marque, les procédures d'examen des offices ou les conditions d'usage d'une marque.

Ces sujets seront examinés de façon plus approfondie lors de la prochaine session du comité permanent des droit des marques de l'OMPI, qui devrait se tenir en octobre ou novembre 2005. A cet égard, les positions défendues par les différents États membres de l'Union Européenne seront nécessairement homogènes puisque cet aspect du droit des marques a déjà fait l'objet d'une directive d'harmonisation n° 89/104, en date du 21 décembre 1988.

CONCLUSION

L'extraordinaire progression des actifs immatériels dans le patrimoine des entreprises témoigne du rôle stratégique que jouent aujourd'hui les marques de produits ou de services dans l'économie.

Or le droit - par nature international du fait de la mondialisation - qui régit cet aspect de la propriété intellectuelle doit évoluer pour offrir aux entreprises un cadre aussi clair et protecteur que possible en la matière. D'importantes négociations se profilent donc dans le champ du droit international des marques : par l'approbation que notre Assemblée donnera au traité sur le droit des marques conclu en 1994, la France pourra pleinement participer à la révision d'un instrument international nécessaire, mais désormais insuffisant.

Votre Rapporteur ne peut dès lors que vivement recommander cette approbation.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 8 juin 2005.

Après l'exposé du Rapporteur, se référant au dispositif français de lutte contre la contrefaçon, le Président Edouard Balladur a souhaité avoir des précisions sur le principe de droit qui justifiait la poursuite, non seulement des auteurs de contrefaçons, ce qui va de soi, mais également des consommateurs.

M. Jacques Remiller a répondu que le consommateur pouvait, dans ce cas, être considéré comme receleur. Il a ajouté que la contrefaçon intervenait dans de multiples aspects de la vie quotidienne, citant l'interception récente par la douane française de maillots contrefaits, à l'occasion de la finale de la Coupe de France qui avait opposé Auxerre à Sedan. Il en a également souligné les dangers pour la santé publique, lorsque la contrefaçon touchait les médicaments. Quant à ses conséquences économiques, elles peuvent toucher même de grandes marques de luxe qui, parfois, ferment boutique dans certains pays.

M. Axel Poniatowski a approuvé ces propos, faisant valoir que les consommateurs de produits contrefaits alimentaient le système.

Indiquant qu'il s'était penché sur le sujet pour le Conseil de l'Europe, qui organisait d'ailleurs une conférence sur ce thème en septembre prochain, M. Bernard Schreiner a souligné le danger, pour les pays en voie de développement, de la diffusion de médicaments contrefaits.

M. Yves Nicolin, rappelant qu'il était élu d'une région textile, a fait observer que, sans avoir de conséquences en termes de sécurité ou de santé comme la contrefaçon des pièces détachées aéronautiques ou des médicaments, la contrefaçon textile avait des conséquences redoutables pour notre pays, dans lequel l'industrie textile se place en deuxième position en matière d'emplois. Par conséquent, même si chacun des 500 000 touristes qui se rendent chaque année à l'étranger n'achète qu'une chemise de grande marque française contrefaite, ce sont cependant 500 000 chemises fabriquées par cette marque qui ne sont pas achetées en France. Il a ajouté qu'en 1996, il avait attiré l'attention des responsables français sur l'importation, en France, de textiles teintés avec des substances cancérigènes, dont l'utilisation à la fabrication est interdite en France mais qu'aucune mesure visant à interdire ces exportations n'avait pour autant été prise.

En écho aux propos sur la contrefaçon de médicaments, M. Guy Lengagne s'est élevé contre les multiples publicités pour des médicaments envoyées par courrier électronique, dont on pouvait penser qu'elles concernaient pour beaucoup des produits contrefaits. Il s'est étonné que des poursuites ne soient pas systématiquement lancées en remontant à la source des auteurs de ces courriels.

M. Jean-Claude Guibal a, par extension, évoqué les problèmes liés au téléchargement de biens culturels sur Internet : faut-il taxer le flux ou pénaliser l'usage, comme on le fait en matière de contrefaçon ?

M. Jacques Remiller a rappelé qu'un million de téléchargements avaient lieu chaque jour et que 40 % des logiciels informatiques étaient soit contrefaits, soit volés.

Evoquant le poids des actifs immatériels d'une entreprise, qui représentent désormais souvent une valeur financière supérieure à celle de ses actifs matériels, il a cité l'exemple des ventes de Chablis aux Etats-Unis, qui représentent sept fois plus de Chablis que la production elle-même.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (no 2155).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte du traité figure en annexe au projet de loi (n° 2155).

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N° 2362 - Rapport sur le projet de loi autorisant l'approbation du traité sur le droit des marques (M. Jacques Remiller)


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