N° 2364 - Rapport de M. Christian Decocq sur la proposition de loi de Mme Martine AURILLAC et plusieurs de ses collègues relative au droit de préemption des locataires en cas de vente d'un immeuble (2063)




Document mis

en distribution

le 13 juin 2005

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N° 2364

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 juin 2005.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE
L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 2063)

relative au
droit de préemption des locataires en cas de vente d'un immeuble,

PAR M. Christian DECOCQ,

Député.

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INTRODUCTION 5

I. -  LES VENTES PAR LOTS : ENTRE RÉALITÉ DU MARCHÉ ET PROTECTION JURIDIQUE 6

A. LA RÉALITÉ DU MARCHÉ 6

1. La logique économique du marché 6

2. Les craintes des locataires 8

B. LA PROTECTION ACTUELLE DES LOCATAIRES 10

1. La protection législative 10

2. La protection juridictionnelle 13

3. La protection conventionnelle 13

II. -  DE NOMBREUSES SUGGESTIONS POUR RÉPONDRE AU PROBLÈME DES VENTES PAR LOTS 16

A. LE SOUCI DE TOUS D'APPORTER UNE RÉPONSE 16

B. DES PISTES À EXPLORER 18

III. -  UNE PROPOSITION DE LOI QUI DOIT À LA FOIS AIDER LES LOCATAIRES SOUHAITANT ACQUÉRIR LEUR LOGEMENT ET PROTÉGER CEUX QUI NE PEUVENT SE PORTER ACQUÉREUR 20

A. UN DISPOSITIF LÉGISLATIF POUVANT ÊTRE AMÉLIORÉ 20

1. Les objectifs de la proposition de loi 20

2. Les problèmes posés par la proposition de loi  21

B. LES AMÉLIORATIONS À APPORTER AU DISPOSITIF PROPOSÉ 21

1. Faciliter l'exercice du droit de préemption 21

2. Protéger les locataires qui ne peuvent pas acheter 22

a) Permettre l'extension des accords collectifs conclus au niveau national 22

b) Renforcer les sanctions pour non-respect de ces accords 22

DISCUSSION GÉNÉRALE 23

EXAMEN DES ARTICLES 27

Article additionnel avant l'article premier 27

Article premier (article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975) : Institution d'un droit de préemption au profit des locataires lors d'une vente en bloc d'un ensemble immobilier 27

Article 2 : Rétroactivité du droit de préemption au profit des locataires lors d'une vente en bloc 30

Articles additionnels après l'article 2 : Possibilité d'étendre par décret les accords collectifs de location nonobstant l'opposition de la majorité des organisations concernées - Annulation du congé pour vente en cas de non-respect de dispositions obligatoires 32

Titre de la proposition de loi 33

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 35

TABLEAU COMPARATIF 37

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 43

ANNEXE I 47

ANNEXE II 53

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 55

MESDAMES, MESSIEURS,

Depuis 1982, la location à usage d'habitation principale, ou à usage mixte professionnel et d'habitation, est soumise à un régime spécifique, distinct du régime défini par le code civil, et qui est d'ordre public. Ce nouveau régime législatif, qui a été élaboré par essais successifs  (1), tente d'établir un équilibre entre les droits du propriétaire bailleur et les droits du locataire.

Cependant, si la relation entre bailleur et locataire est ainsi caractérisée par une protection de la partie faible et une grande prévisibilité de l'occupation du locataire, il n'en demeure pas moins des failles, que certaines tensions existant sur le marché de l'immobilier peuvent révéler.

Depuis quelques années, les prix de l'immobilier, en France, se caractérisent par une hausse continue. De nombreuses études confirment cette tendance. L'Institut national de la statistique et des études économiques a ainsi montré (2) que le prix des logements anciens en France métropolitaine avait augmenté de 70,6 % de 1998 à 2004 (cette hausse pondérée de l'inflation atteignant encore 59,8 %).

Or, si les locataires ne sont a priori concernés que de manière indirecte par cette hausse des prix d'achat, par une répercussion sur les prix à la location (qui augmentent en conséquence, afin que le ratio intérêt annuel sur capital investi se maintienne), ils peuvent aussi l'être de manière beaucoup plus directe, par le biais de la vente à la découpe.

Ce terme nouveau désigne en fait une pratique aussi vieille que l'existence de la copropriété : la mise en vente séparée des différents appartements qui constituaient auparavant une propriété unique. C'est pourquoi il est à la fois plus exact et plus précis de parler de vente par lots, ou encore de vente par appartements, plutôt que de vente à la découpe. Au soutien de ce choix terminologique, il est possible de convoquer les dispositions législatives en vigueur en ce domaine, qui utilisent le terme vente par lots, mais aussi l'intitulé d'une proposition de loi qui avait été déposée le 30 juin 1999 par les députés socialistes (3).

Les ventes par lots sont donc une pratique ancienne, mais dont l'usage en période de prix élevés de l'immobilier pose le plus souvent pour les locataires un douloureux dilemme : exercer leur droit de préemption sur le local loué, à un prix souvent très élevé ; ou bien devoir partir à l'échéance du bail, dans la mesure où la vente par lots est souvent liée à l'exercice par le propriétaire du congé pour vente afin d'obtenir le meilleur prix (car un bien vendu libre de toute occupation a plus de valeur qu'un bien vendu occupé).

La proposition de loi présentée par Mme Martine Aurillac et plusieurs de ses collègues relative au droit de préemption des locataires en cas de vente d'un immeuble, enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 février 2005 (4), a pour objet de répondre à ce problème des ventes par lots.

Il faut éclairer plus précisément la genèse et les raisons d'être de la situation actuelle, avant de montrer la portée de la protection assurée conjointement par la loi, par l'action du juge et par les accords collectifs de location.

Après avoir présenté les pistes pour répondre au problème des ventes par lots, il faudra envisager les améliorations et les compléments à apporter à la présente proposition de loi, pour permettre aux locataires dont l'immeuble est vendu par appartements de ne pas subir de conséquences néfastes.

I. -  LES VENTES PAR LOTS : ENTRE RÉALITÉ DU MARCHÉ ET PROTECTION JURIDIQUE

A. LA RÉALITÉ DU MARCHÉ

1. La logique économique du marché

Les ventes par lots sont l'une des deux modalités de cession d'un immeuble par un propriétaire possédant cet immeuble en son entier, la seconde modalité de cession étant la vente en bloc. Le propriétaire qui décide ainsi d'aliéner son patrimoine immobilier exerce l'un des trois aspects essentiels qui fondent le droit de propriété : l'abusus, qui est la capacité de se défaire d'un bien.

L'existence du phénomène des ventes par lots est ancienne. Une étude effectuée par la chambre des notaires de Paris sur les ventes par lots dans Paris de 1992 à 2004 (5) montre la persistance de ce phénomène, qui connaît des oscillations entre un peu moins de 10 % et un peu plus de 18 % de l'ensemble des ventes d'appartements anciens dans la capitale. Sur la période 1992-2004, la hausse des ventes à la découpe a conduit à un pic, à la fin des années 1990, avec près de 7 000 logements vendus chaque année selon ce procédé de 1997 à 1999. Depuis, après un tassement autour de 4 500 ventes annuelles, une nouvelle hausse a eu lieu à partir de l'année 2002. En 2004, on dénombre ainsi 6 378 transactions issues de ventes par appartements à Paris. De plus, d'autres grandes agglomérations connaissent aussi ce phénomène, et les professionnels de l'immobilier considèrent que le total des appartements vendus par lots en France métropolitaine s'élève à près de 12 000. Paris concentre donc à lui seul près de la moitié des ventes par lots, ce qui permet de parler sans exagération d'un phénomène majoritairement parisien.

L'étude effectuée par la chambre des notaires pour la ville de Paris, à partir d'une base de données comprenant plus de 90 paramètres sur chacune des transactions intervenues, permet notamment de montrer que « si on compare strictement le prix au m2, les appartements vendus à la découpe sont en moyenne moins chers que les autres ». Cette affirmation de l'étude peut cependant être affinée : l'écart de prix entre les appartements vendus par lots et les autres appartements vendus a toujours été faible pour les appartements vendus libres ; en revanche, les appartements vendus par lots, soit avec un locataire restant en place, soit avec un locataire exerçant son droit de préemption pour se porter acquéreur, qui bénéficiaient au cours des années 1990 d'un écart de prix significatif par rapport aux autres appartements vendus dans de mêmes conditions de maintien du locataire ou d'acquisition par celui-ci, ont vu cet écart de prix se réduire fortement et même s'inverser depuis l'année 2003.

Il existe donc une tendance à la convergence des prix des appartements vendus par lots et des autres appartements anciens mis sur le marché. Ainsi, les appartements vendus par lots ne pèsent pas spécifiquement sur la hausse des prix de l'immobilier.

Le phénomène des ventes par lots a cependant changé de nature depuis trois ans. Les investisseurs institutionnels ont en effet effectué un arbitrage sur leur patrimoine immobilier à partir du moment où l'inversion de tendance sur les marchés boursiers ne leur a plus permis de dégager rapidement des plus-values sur ces marchés boursiers. Le patrimoine immobilier de ces investisseurs est composé à la fois d'immobilier de bureau et d'immobilier d'habitation. Dans la mesure où le rendement de l'immobilier de bureau est supérieur à 5 %, tandis que le rendement de l'immobilier d'habitation est inférieur à 3 %, l'arbitrage s'est fait en faveur d'une vente du patrimoine locatif d'habitation. Ainsi, les sociétés d'assurance membres de la Fédération française des sociétés d'assurance, qui détenaient 100 000 logements en 1992, n'en détiennent plus que 52 000 au début de l'année 2004. Surtout, les logements mis en vente par les investisseurs immobiliers lors des deux dernières années sont des logements de grande qualité (grandes surfaces dans de beaux quartiers).

De plus, les obligations de résultat des institutionnels étant annuelles et les opérations de vente par lots ne pouvant s'effectuer que sur une durée relativement longue (en moyenne plus de deux ans), les investisseurs institutionnels ont souvent vendu leur patrimoine par bloc. Les immeubles ainsi rachetés par des opérateurs intermédiaires sont ensuite mis en vente au détail.

Le rôle de ces détaillants est souvent stigmatisé. Ils sont accusés, par un raisonnement simpliste, de faire augmenter les prix. En réalité, la personne procédant à l'opération de vente par lots, qui peut soit agir pour son propre compte (souvent sous le statut du marchand de biens) soit pour le compte de tiers (on parle alors de commercialisateur), apporte un surcroît d'offre sur le marché. Une augmentation de l'offre n'est pas en soi un facteur de hausse des prix mais de baisse de ceux-ci. Par contre, une hausse de la demande est un facteur de hausse des prix. À l'origine de cette hausse de la demande, il est possible d'identifier la faiblesse des taux d'intérêt ainsi que le déport de liquidités de la bourse vers l'immobilier. Ce n'est donc pas le rôle des marchands de biens ou des commercialisateurs qui est à l'origine du niveau élevé des prix du marché, mais des déterminants économiques, combinés à la pénurie de logements.

Les ventes par lots contribuent à un accroissement de l'offre de logements et leur effet sur les prix est donc un effet stabilisateur. La seule hypothèse dans laquelle les ventes par lots produisent un effet haussier correspond à des ventes par lots massives dans un quartier et sur un secteur du marché où il n'y a pas ou très peu d'offre. En effet, dans de tels cas, le vendeur par lots crée le prix en même temps qu'il crée l'offre. C'est le phénomène qui a pu être constaté à Lyon, dans les quartiers de la presqu'île entre Saône et Rhône. Sur le marché parisien, ce n'est le cas dans aucun des arrondissements, comme en témoigne le fait que la part des ventes à la découpe dans l'ensemble des ventes d'appartements anciens oscille en 2004 entre un minimum de 8,2 % (pour les IIIe et VIe arrondissements) et un maximum de 30,1 % (pour le VIIIe arrondissement).

2. Les craintes des locataires

Depuis quelques mois, un mouvement de protestation des locataires de certains immeubles vendus par lots s'est fait jour, donnant même lieu à la création de collectifs de locataires, d'une association des locataires découpés regroupant ces différents collectifs, et à des attitudes de résistance à l'égard de la vente (refus des visites notamment). C'est cette protestation qu'il importe de comprendre afin de pouvoir y apporter une réponse.

Deux raisons majeures semblent pouvoir être identifiées comme les causes de la crainte et de la protestation des locataires.

La première, qui part de données objectives, est le manque de moyens pour devenir propriétaires. La hausse généralisée des prix de l'immobilier tend à multiplier le nombre de locataires dans cette situation. De plus, dans la mesure où la hausse des prix à l'achat se répercute le plus souvent par une hausse des prix à la location, l'obligation de devoir trouver une nouvelle location à l'issue du bail peut aussi poser des problèmes financiers.

La seconde raison est plus subjective mais joue un rôle décisif dans l'incompréhension qui se crée entre le bailleur vendeur et le locataire. Les locataires ne comprennent pas qu'une société qui a racheté en bloc l'immeuble à un certain prix au m2 revende appartement par appartement à un prix beaucoup plus élevé (le différentiel dépasse en effet souvent 50 %). C'est en fait une question économique : les prix de gros ne sont pas les prix de détail et vouloir les comparer n'a pas de sens. L'intermédiaire a payé moins cher parce qu'il a tout payé en une seule fois et rapidement, tandis que lorsqu'il vend par appartements la procédure est beaucoup plus lente (en moyenne plus de deux ans) et implique des opérations complexes (travaux, mise en copropriété, respect des procédures, démarches auprès des locataires, contentieux éventuels...). De plus, les délais qui s'écoulent entre la première transaction en bloc et la deuxième transaction par lots contribuent à faire augmenter les prix par un effet tout mécanique en période de hausse des prix de l'immobilier, qui est la prise en compte de l'évolution des prix entre les deux transactions. Ainsi, à Paris, les prix de vente des appartements anciens vendus libres ont augmenté de 14,2 % en 2004, et avaient augmenté de 11,8 % en 2003. Enfin, l'intermédiaire effectue un travail et prend un risque (celui que la tendance du marché s'inverse et qu'il vende à un prix inférieur à celui de son achat) : ce travail et ce risque méritent une rémunération.

Il est économiquement impossible d'empêcher qu'il existe un écart de prix entre une vente en bloc d'un immeuble et une vente par lots des appartements de l'immeuble. Toute tentative juridique en ce sens ne pourrait que conduire à administrer les prix du marché ou les prix de l'un des segments du marché. Or les différents segments du marché sont interdépendants, et un avantage accordé à l'un des segments se répercuterait négativement sur les autres segments, et créerait ainsi une situation inégalitaire.

Si l'on analyse le problème posé par les ventes par lots, il se réduit en fait à celui des locataires qui, dans le cadre de ces ventes par lots, reçoivent un congé pour vente et sont obligés de partir à l'échéance de leur bail sans l'avoir souhaité. Or, il est important de noter que le problème ainsi délimité est largement restreint. Par exemple, la société Boccador, qui a vendu lors des deux dernières années près de 2 000 logements dans le cadre des ventes par lots, a délivré des congés pour vente dans moins de 10 % des cas. La société Gemco, pour sa part, filiale du Crédit foncier, qui a vendu en 2004 près de 1 000 logements, a délivré des congés pour vente dans moins de 5 % des cas.

La faible proportion des congés pour vente dans le cadre des opérations de vente par appartements s'explique par l'agrégation des différentes situations possibles. Lorsqu'un immeuble est vendu par lots, certains logements sont déjà vides car l'approche de l'opération s'accompagne d'un gel provisoire des mises en location. En raison du taux de rotation des locataires, les logements vacants représentent en moyenne 10 % du total des logements au début de l'opération. Ce pourcentage s'accroît par la suite et atteint en moyenne 30 % en raison des locataires qui partent au cours de l'opération de vente par lots. D'autre part, certains locataires exercent leur droit de préemption. Dans le cas de la société Boccador, ce sont près de 35 % des 2 000 logements vendus par appartements qui ont été achetés par les locataires ; dans le cas de la société Gemco, ce sont 30 % des 1 000 logements vendus par appartements. À Paris, en 2004, en moyenne 15,6 % des locataires des logements vendus par lots se sont portés acquéreurs de leur logement (6). D'autres locataires acceptent une reconduction ou un renouvellement de leur contrat de location, qui comprend parfois un alignement progressif de leur loyer sur le niveau des loyers du marché (7). Ainsi, à Paris, en 2004, 36,2 % des logements vendus par appartements l'ont été avec un locataire maintenu dans les lieux. Ce sont donc au total près de 52 % des appartements vendus dans le cadre d'une opération de vente par lots à Paris en 2004 qui n'ont pas changé d'occupant, soit par reconduction ou renouvellement du bail soit par exercice du droit de préemption. Le pourcentage est d'autant plus positif que les 48 % restants se composent d'appartements vides, de départs volontaires de locataires et non uniquement de congés pour vente.

B. LA PROTECTION ACTUELLE DES LOCATAIRES

1. La protection législative

Depuis la loi n° 94-624 du 21 juillet 2004 relative à l'habitat, « en cas de mutation à titre gratuit ou onéreux de locaux, le nouveau bailleur est tenu de notifier au locataire son nom ou sa dénomination et son domicile ou son siège social, ainsi que, le cas échéant, ceux de son mandataire ». Dès lors, tout locataire dont l'appartement change de propriétaire, soit lors d'une vente en bloc, soit lors d'une vente distincte de son appartement, en est tenu informé.

Cependant, le choix d'une vente en bloc, ou à l'inverse d'une vente par lots, a des conséquences juridiques différentes pour les locataires.

Tandis que la vente en bloc ne modifie rien en ce qui concerne les locataires de l'immeuble, la vente par lots, pour sa part, permet au locataire d'exercer un droit de préemption sur le local qu'il occupe, en vertu de l'article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d'habitation. C'est-à-dire que tout locataire dont l'immeuble est mis en vente par lots peut se porter acquéreur du local qu'il occupe de manière privilégiée. Il bénéficie d'un délai de deux mois pour décider d'exercer son droit de préemption, auquel s'ajoute un délai de deux mois pour conclure l'acte de vente (ce dernier délai étant porté à quatre mois si le locataire indique son intention de recourir à un prêt).

Le droit de préemption du locataire se décompose en outre en un droit de préemption initial (qui vient d'être évoqué) et un droit de préemption subsidiaire. Le droit de préemption subsidiaire est celui qui garantit au locataire, si jamais le propriétaire décide de vendre à des conditions ou un prix plus avantageux que ceux proposés initialement au locataire, la possibilité d'exercer à nouveau son droit de préemption, dans un délai d'un mois.

Le droit de préemption institué par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 est distinct de celui prévu par l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. En effet, l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit la possibilité pour tout propriétaire de délivrer au locataire un congé pour vente. Ce congé est assorti d'un droit de préemption qui permet de compenser le caractère quelque peu péremptoire du motif de congé. Les conditions d'exercice de ce droit de préemption sont semblables à celles prévues pour le droit de préemption de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 : délai de deux mois pour choisir de l'exercer, de deux mois porté à quatre éventuellement pour se porter acquéreur, droit de préemption subsidiaire. En revanche, deux différences subsistent entre les deux droits de préemption : la vente par adjudication est impossible si l'on a recours au congé pour vente mais est autorisée lors de la vente par lots sans qu'il soit délivré de congé ; le droit de préemption est exclu si la vente est consentie à un parent jusqu'au troisième degré lors d'une vente avec congé, jusqu'au quatrième degré lors d'une vente par lots sans congé.

Le congé pour vente n'est pas une expulsion : c'est une alternative entre l'exercice du droit de préemption par le locataire et l'absence de reconduction ou de renouvellement du bail. Ainsi, dans tous les cas, les locataires occupant des logements qui sont vendus en faisant l'objet d'un congé pour vente peuvent rester dans leur logement jusqu'à la fin de leur bail. De plus, lorsque le locataire est âgé de plus de 70 ans et dispose de ressources annuelles inférieures à 1,5 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance, le bailleur ne peut procéder à un congé pour vente mais est obligé de procéder au renouvellement du contrat de bail ou à un relogement (8), en vertu du III de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989.

Lorsqu'un propriétaire procède à une vente par lots tout en donnant un congé pour vente à ses locataires, le droit de préemption de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 et le droit de préemption de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 sont tous les deux concernés. Cependant, ils ne s'additionnent pas ou ne se succèdent pas, mais fusionnent, leurs délais étant identiques. Comme a jugé la Cour de cassation, « le bailleur n'est pas tenu, préalablement à l'offre du droit de préemption de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, de purger le droit de préemption de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 » (9).

En outre, un article, introduit dans la loi du 6 juillet 1989 par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain, permet au locataire recevant un congé pour vente, dans le cadre d'une vente par appartements de plus de dix logements dans le même immeuble, d'obtenir une reconduction du bail pour une durée qui peut être inférieure aux durées minimales de bail (10) (art. 11-1). À l'issue de cette reconduction, le bail est résilié de plein droit. Cette disposition législative indique la voie à suivre pour améliorer la réponse au problème des congés pour vente dans le cadre des ventes par lots : il est nécessaire de créer pour le locataire et le bailleur un espace de négociation, afin de permettre à celui-ci de vendre sans pour autant provoquer un départ trop rapide de celui-là.

Par ailleurs, il existe un autre droit de préemption, institué en faveur des communes dotées d'un plan d'occupation des sols ou d'un plan local d'urbanisme ainsi que des communes dotées d'une carte communale approuvée, en vertu de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme (11: le droit de préemption urbain. Ce droit de préemption urbain n'est pas applicable à l'aliénation d'un bâtiment soumis, à la date du projet d'aliénation, au régime de la copropriété (art. L. 211-4 du code de l'urbanisme). Le droit de préemption urbain précède le droit de préemption du locataire : il peut être exercé par son titulaire dans les deux mois qui suivent la réception de la déclaration d'intention d'aliéner (art. L. 213-2 du même code). Mais il est aussi beaucoup plus contraignant, car il peut conduire à une fixation du prix par le juge, à défaut d'accord amiable (art. L. 211-5 du même code).

Le droit de préemption urbain est donc en quelque sorte l'alternative à la possibilité donnée au locataire d'acquérir le logement qu'il occupe lors d'une vente par lots de l'immeuble : il peut permettre le rachat en bloc de l'immeuble par la mairie, qui garantira le maintien dans les lieux des locataires. L'usage de ce droit peut ainsi aider les municipalités à apporter une réponse aux problèmes de vente à la découpe.

2. La protection juridictionnelle

Lorsque le bailleur décide de vendre, il est libre de déterminer le prix qu'il souhaite tirer de son bien.

Le locataire est cependant protégé contre un prix excessivement élevé qui révèlerait une intention frauduleuse du bailleur, cherchant à tirer parti du congé en fin de bail donné au locataire soit pour le contraindre à acheter à un prix excessif, soit pour l'empêcher d'exercer son droit de préemption. Le juge du fond apprécie en effet l'intention frauduleuse du bailleur.

Cette appréciation de la fraude manifeste aux intentions du législateur est faite en toute connaissance de cause par la juridiction, qui prend en compte une estimation de la valeur du bien faite par un expert immobilier. Le prix proposé par le propriétaire peut dépasser dans une certaine mesure l'estimation de l'expert sans qu'en résulte une intention frauduleuse. Comme l'indique l'attendu d'une décision de la Cour de cassation : « ayant relevé que le prix de vente de l'appartement dépendant d'un immeuble construit pendant les années 1966-1967, dans un quartier bénéficiant de toutes les commodités, correspondait à 112 % de l'estimation de l'expert, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à de simples arguments, a souverainement retenu que ce prix n'était pas exorbitant ni dissuasif et que l'intention frauduleuse des bailleresses ne pouvait résulter de leur désir de réaliser un profit modeste, en vendant leur bien » (12).

Un profit modeste peut donc être légitimement recherché par tout propriétaire vendant son bien. La recherche du profit n'est en fait pas excessive dès lors qu'elle ne conduit pas à une éviction du locataire. Le juge civil a ainsi retenu le grief de l'intention frauduleuse du bailleur lorsque « l'offre de vente [...] avait été faite pour un prix volontairement dissuasif, dans l'intention évidente d'empêcher les locataires d'exercer leur droit légal de préemption » (13).

3. La protection conventionnelle

La protection conventionnelle est relativement récente. Elle a été rendue possible par la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière. L'article 41 de cette loi a créé une commission nationale de concertation, dont la mission est de contribuer à l'amélioration des rapports entre bailleurs et locataires. Cette commission nationale de concertation permet ainsi de conclure des accords à l'échelle nationale entre les organisations représentatives des bailleurs et les organisations représentatives des locataires.

Les accords, qui s'imposent aux organisations signataires, peuvent ensuite faire l'objet d'un avis publié au Journal officiel de la République française. À l'issue d'un délai d'un mois après cette publication, et sauf opposition de la majorité des organisations représentatives des bailleurs ou de la majorité des organisations représentatives des locataires , un décret peut rendre obligatoire l'accord pour tous les logements du secteur locatif concerné (en vertu de l'article 41 ter de la loi du 23 décembre 1986). L'extension par décret des accords collectifs nationaux peut ainsi permettre la création d'un ordre public locatif, plus favorable que la loi.

Ainsi, a été conclu le 9 juin 1998 un accord collectif relatif aux congés pour vente par lots aux locataires dans les ensembles immobiliers d'habitation. Un avis a ensuite été publié au Journal officiel de la République française le 24 février 1999, puis un décret du 22 juillet 1999 (14) a rendu obligatoire cet accord pour l'ensemble des logements des deuxième et troisième secteurs locatifs (15).

Cet accord a porté sur quelques points essentiels et il impose à tout bailleur délivrant un congé pour vendre plus de 10 appartements dans un même immeuble :

- des obligations d'information des locataires et des associations de locataires (notamment une confirmation par écrit des modalités envisagées pour la vente trois mois avant l'offre de vente) ainsi que du maire de la commune ou de l'arrondissement dès la décision de vente (point 1) ;

- un contenu précis des informations à donner aux locataires(point 2), qui comprennent notamment : les phases de l'opération de vente ; les conditions de crédit du moment ; les prix moyens au m2 au moment de la mise en vente ; les avantages de prix accordés aux locataires ; les possibilités de relogement ; un état de l'immeuble comprenant les diagnostics et bilans techniques, la récapitulation des travaux des cinq dernières années et la liste des travaux à entreprendre à court et moyen terme ; une fiche individuelle pour chacun des locataires ;

- des délais supplémentaires (point 3), dès lors que la durée du bail restant à courir à compter de l'offre de vente est inférieure à 30 mois (c'est-à-dire que le locataire est à moins de trois ans de l'échéance de son bail) et que l'obtention d'un prêt, la vente d'un bien immobilier, le départ à la retraite une mutation professionnelle ou toute autre circonstance dûment justifiée nécessite cette prorogation du droit d'occupation du logement ;

- une possibilité pour les locataires de transmettre leur droit de préemption à leur conjoint ou concubin notoire, un ascendant ou un descendant (point 3) ;

- des obligations de relogement (point 4), qui doivent obéir aux conditions posées par l'article 13 bis de la loi du 1er septembre 1948, dès lors que le bailleur justifie d'un revenu inférieur à 80 % du plafond de ressources dit plafond locatif intermédiaire (ou plafond pli) (16) ;

- des obligations de renouvellement du bail (point 4), dès lors que le locataire a plus de 70 ans à l'échéance de son bail (ce qui veut dire que la disposition peut concerner des personnes de moins de 65 ans au moment où l'immeuble est mis en vente par lots) ou que le locataire est dans un état de santé d'une gravité reconnue, souffre d'un handicap physique ou d'une dépendance psychologique établie.

Pour répondre efficacement aux craintes des locataires des immeubles concernés par des ventes par lots, M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au Logement et à la ville, a demandé en début d'année 2005 qu'une concertation soit menée afin de parvenir à un nouvel accord collectif relatif aux congés pour vente par lots aux locataires dans les ensembles immobiliers d'habitation.

Le nouvel accord, conclu le 16 mars 2005, améliore et étend les garanties apportées aux locataires d'un immeuble qui va faire l'objet d'une vente par appartements (17) :

- l'information fournie aux locataires est améliorée, par l'ajout d'informations sur les dispositifs légaux et réglementaires protégeant les locataires en difficulté et les dispositifs facilitant les opérations pour les locataires, par la communication du récapitulatif des travaux réalisés au plus tard avec l'offre de vente, par une information sur la prise en charge par le bailleur des dépenses d'amélioration et des travaux ne relevant pas des réparations locatives, par l'affichage dans les parties communes du futur règlement de copropriété ;

- la prorogation du bail, à raison d'un mois par année d'ancienneté, devient de droit dès lors que le logement est occupé depuis au moins 6 ans. Cette prorogation est aussi de droit jusqu'à la fin de l'année scolaire pour les locataires qui ont des enfants à charge scolarisés ;

- la transmission du droit de préemption est étendue au partenaire par le pacs ainsi qu'au conjoint, concubin ou partenaire par le pacs des descendants et ascendants ;

- l'obligation de relogement est étendue aux locataires justifiant d'un revenu inférieur à 100 % du plafond pli.

En outre, le nouvel accord collectif précise que le non-respect des prorogations de droit du bail, de la transmission du droit de préemption, de l'obligation de relogement ou de l'obligation de renouvellement du bail entraîne la nullité du congé pour vente.

Il est donc possible d'affirmer que les accords collectifs de location permettent de répondre à l'essentiel des problèmes posés par les congés pour vente par lots. Ils permettent d'informer complètement le locataire, de donner au locataire plus de temps pour trouver une solution adaptée à ses besoins, de protéger spécifiquement les personnes âgées ou fragiles et celles à revenus faibles ou moyens.

Cependant, en dépit des avancées supplémentaires de l'accord du 16 mars 2005 par rapport à l'accord du 9 juin 1998, trois des cinq associations (18) représentatives des locataires ont signifié au ministre délégué au Logement et à la ville leur opposition à une extension par décret de ce nouvel accord à l'ensemble des logements relevant des deuxième et troisième secteurs locatifs.

Dès lors, se pose la question de savoir s'il est pertinent de maintenir un système de majorité d'opposition à l'extension par décret des accords collectifs de location.

II. -  DE NOMBREUSES SUGGESTIONS POUR RÉPONDRE AU PROBLÈME DES VENTES PAR LOTS

A. LE SOUCI DE TOUS D'APPORTER UNE RÉPONSE

L'actualité de la question a incité les principaux groupes politiques à témoigner de leur volonté de répondre à ce problème, en déposant des propositions de loi.

Après que Mme Martine Aurillac et plusieurs de ses collègues membres du groupe de l'union pour un mouvement populaire eurent enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 février 2005 la proposition de loi qui fait l'objet de ce rapport, le groupe des députés socialistes a également déposé, le 3 mars 2005, une proposition de loi renforçant les protections des locataires victimes de ventes à la découpe (19). Lors de la séance publique du 10 mai 2005, réservée à l'ordre du jour fixé par l'Assemblée nationale, l'Assemblée a suivi la commission des Lois et a décidé de ne pas passer à la discussion des articles de cette proposition de loi du groupe socialiste.

Le groupe des sénateurs communistes a pour sa part présenté le 10 mars 2005 une proposition de loi tendant à lutter contre la vente à la découpe et la spéculation immobilière et à garantir la mixité sociale (20). Cette proposition vise notamment à soumettre toute mise en copropriété à une autorisation municipale dénommée permis de diviser, à supprimer la possibilité pour un bailleur personne morale de délivrer un congé pour vente.

Enfin, le 11 mai 2005, notre collègue Patrick Beaudouin et plusieurs de ses collègues ont enregistré une proposition de loi tendant à lutter contre les excès des ventes à la découpe et de la spéculation immobilière (21). L'objectif de cette proposition de loi est de taxer les plus-values immobilières réalisées lors des ventes par lots en créant une contribution annuelle de 10 % sur les plus-values en question.

L'examen de la proposition de loi socialiste par la commission des Lois de l'Assemblée nationale a donné lieu à la rédaction d'un rapport, par notre collègue Jean-Yves Le Bouillonnec (22), qui permet déjà d'éclairer la réalité du phénomène des ventes par lots, les protections légales existantes permettant d'y répondre ainsi que les mesures que le groupe socialiste propose pour améliorer cette réponse.

Ces mesures, fort nombreuses et quelque peu hétéroclites, sont pour certaines d'entre elles intéressantes.

La transcription législative des mesures de l'accord collectif relatif aux congés pour vente signale le souhait de voir cet accord généralisé. Il peut cependant sembler beaucoup plus simple de faciliter l'extension par décret de l'accord collectif, plutôt que de figer son texte dans la loi. En effet, alors que la transcription législative de l'accord contraindrait à adopter une nouvelle loi pour en renouveler ou en améliorer les mesures, l'extension par décret laisse aux membres de la commission nationale de concertation toute latitude pour modifier l'accord.

La proposition de créer un dispositif fiscal incitant les acquéreurs de logements vendus par lots à prolonger le bail du locataire en place peut aussi permettre d'apporter plus de sécurité aux locataires. La question que pose une telle incitation fiscale est celle de son coût pour le budget de l'État, et de la manière dont ce coût pourrait être compensé par une recette supplémentaire équivalente.

À l'inverse, il est nécessaire de signaler ici les dispositions manifestement excessives.

La proposition de loi socialiste proposait ainsi d'instituer au profit du locataire une décote à l'achat, variant entre 10 % et 30 %, en fonction de l'ancienneté de l'occupation. Même si de bonnes intentions peuvent justifier une telle proposition, les effets pervers qu'elle pourrait provoquer ne sont pas négligeables. Le locataire bénéficiant de la décote pourrait en effet se porter acquéreur, puis revendre aussitôt le logement qu'il vient d'acquérir en bénéficiant d'une plus-value de 10 % à 30 %. Ainsi, sous prétexte d'empêcher les spéculateurs d'agir, l'on donnerait à chaque locataire une réelle incitation à devenir lui-même spéculateur. Plus encore, comme le faisait remarquer le professeur de droit Joël Monéger, une telle décote est « l'anti-norme de l'économie de marché. La valeur d'un bien varie non selon son état, celui de la demande et de l'offre, mais selon la qualité de l'acquéreur. » (23). Par ailleurs, le locataire qui rachète son logement ne subit aucun préjudice, à la différence du locataire qui doit quitter ce logement ou de l'acheteur qui achète un bien occupé par un locataire en place. Enfin, comme pour toute tentative d'encadrement des prix, se pose la question du prix de référence à partir duquel la décote serait appliquée. Choisir de se référer au prix moyen du quartier serait créateur de réelles inégalités, car selon sa situation (rue calme ou grande avenue bruyante), selon sa vue (sur un jardin ou sur une friche industrielle), selon l'immeuble dans lequel il se situe, un appartement peut valoir beaucoup plus, ou à l'inverse beaucoup moins, que le prix moyen du quartier où il se trouve.

De même, la proposition de donner à un tiers des locataires de l'immeuble la possibilité de demander au maire une enquête publique, à l'issue de laquelle le maire pourrait prendre un arrêté suspendant la mise en copropriété, est une mesure qui peut sembler excessive. Non seulement cela consiste à donner à une minorité de locataires un pouvoir de blocage considérable, mais de plus cela laisse au maire un pouvoir d'appréciation pouvant confiner à l'arbitraire. La justification invoquée au soutien de cette mesure est l'exemple de la ville de New York, où l'accord du procureur général est nécessaire avant toute mise en copropriété. Cependant, il est utile de rappeler que le plan de mise en copropriété est recevable à New York, même lorsqu'il comporte des congés, dès lors que 51 % des locataires acceptent d'acheter leur logement. Il est d'ailleurs encore plus nécessaire de rappeler que la conception de la mise en copropriété aux États-Unis n'est sans doute pas transposable telle quelle en France. Pourrait-on par exemple imaginer que quelqu'un doive être accepté par les copropriétaires en place pour devenir lui-même copropriétaire ?

B. DES PISTES À EXPLORER

Outre les dispositions que votre rapporteur vous proposera d'adopter afin de compléter le dispositif de la proposition de loi, il est utile d'énumérer quelques unes des idées qui, bien que difficiles à mettre en œuvre, ont été le plus souvent évoquées par les différentes personnes auditionnées.

Les opérations de vente par lots n'ont pas la même signification, selon qu'elles portent sur des immeubles construits avec des capitaux privés, ou sur des immeubles dont une partie du financement provient de capitaux consacrés au logement social. Il faudrait donc interdire une mise en vente par lots de tout immeuble qui a été financé à l'aide de tels capitaux pendant la durée initiale de l'opération de crédit.

Par ailleurs, si la décote à l'achat en faveur du locataire est non seulement peu pertinente mais porteuse d'effets pervers, il est en revanche possible de concevoir une indemnité de libération. Cette indemnité de libération, qui indemniserait le locataire du préjudice subi s'il reçoit un congé pour vente lors d'une vente par lots, pourrait s'inspirer de l'indemnité qui existe en matière de baux commerciaux. En effet, le premier alinéa de l'article L. 145-14 du code de commerce dispose : « Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. ». Le second alinéa de l'article précité définit la composition de l'indemnité d'éviction en matière de baux commerciaux : « Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre. ». En matière de baux d'habitation, le logement n'a en principe pas de valeur marchande. En revanche, le locataire obligé de changer de logement doit faire face à des frais de déménagement et de réinstallation. L'indemnité pour congé pour vente dans le cadre d'une vente par lots pourrait ainsi prendre en compte le coût de ce changement de domicile.

Un certain nombre de personnes auditionnées ont évoqué la possibilité d'assurer à tout locataire recevant un congé pour vente dans le cadre d'une vente par lots un maintien dans les lieux pour une durée de trois ans. Selon le moment auquel son bail vient à échéance, le locataire peut déjà parfois bénéficier d'un tel délai, voire d'un délai plus long. L'enjeu serait de garantir un délai de trois ans aux locataires dont le bail vient à échéance dans un laps de temps plus court.

Enfin, quelle que soit l'étendue du champ de protection des locataires à l'égard du congé pour vente dans le cadre d'une vente par lots, un certain nombre de personnes se trouveront toujours dans une situation difficile et qui n'est cependant pas prévue par les accords, décrets et textes législatifs en vigueur. Certains bailleurs prennent déjà en compte ces cas particuliers et évitent de délivrer des congés pour vente à ces personnes. Afin d'encourager le développement de telles pratiques, il serait souhaitable de créer un processus d'arbitrage efficace, permettant d'examiner le cas des personnes non protégées mais estimant qu'elles doivent l'être et d'y apporter une réponse.

III. -  UNE PROPOSITION DE LOI QUI DOIT À LA FOIS AIDER LES LOCATAIRES SOUHAITANT ACQUÉRIR LEUR LOGEMENT ET PROTÉGER CEUX QUI NE PEUVENT SE PORTER ACQUÉREUR

A. UN DISPOSITIF LÉGISLATIF POUVANT ÊTRE AMÉLIORÉ

1. Les objectifs de la proposition de loi

La présente proposition de loi a pour objet de créer un droit de préemption au profit des locataires lors d'une vente en bloc de l'immeuble au sein duquel ils occupent un appartement.

L'article premier de la proposition de loi introduit l'obligation de notifier au locataire la vente en bloc de l'immeuble dans lequel il occupe un logement et de lui donner la possibilité d'exercer ainsi son droit de préemption.

En créant un droit de préemption dès le stade de la vente en bloc, l'on permettra aux locataires d'acheter leur appartement avant que la hausse spéculative du prix de cet appartement soit enclenchée par des reventes successives. Surtout, les locataires pourront ainsi acheter à un prix proche du prix de la vente en bloc, qui est un prix de gros et donc par définition inférieur au prix de la vente par appartements qui est un prix de détail. En somme, les locataires d'immeubles vendus en bloc bénéficieront d'un prix préférentiel, inférieur aux prix du marché.

Cette mesure devrait permettre à un plus grand nombre de locataires d'acheter leur appartement lors de sa vente. Elle contribuera aussi à inverser la tendance haussière du marché de l'immobilier. Elle devrait par ailleurs rendre de plus en plus rare la possibilité de vendre en bloc.

Combinée au nouvel accord collectif de location conclu pour les secteurs correspondant aux bailleurs institutionnels, cette mesure assurera le maintien des populations les plus fragiles dans chaque quartier. Elle sera par ailleurs encore plus efficace quand la nouvelle législation sur le crédit hypothécaire sera adoptée.

L'article second prévoit l'exercice rétroactif de ce droit de préemption, pour permettre aux locataires de remonter au prix de la première vente en bloc intervenue au cours des trois années précédant la promulgation de la loi et d'acheter à ce prix l'appartement qu'ils occupent.

Cette mesure rétroactive a pour but de pénaliser les investisseurs intermédiaires qui ont récemment spéculé sur certains immeubles. En obligeant ces investisseurs intermédiaires à revendre aux locataires au prix d'achat en bloc, elle accentuera l'inversion de tendance du marché de l'immobilier.

2. Les problèmes posés par la proposition de loi

Le premier article, dans sa rédaction initiale, institue une possibilité de fractionner toute opération de vente en bloc. En effet, lors de la vente en bloc, chaque locataire sera susceptible d'exercer son droit de préemption sur le local qu'il occupe. Le propriétaire, même s'il souhaite vendre en une seule fois et à un seul acheteur l'ensemble de l'immeuble, sera ainsi obligé de renoncer à ce projet dès lors que l'un au moins des locataires décidera d'exercer son droit de préemption.

Une telle disposition législative va bien au-delà du but recherché et expliqué dans l'exposé des motifs de la présente proposition de loi. En effet, cet article reviendrait à rendre impossible toute vente en bloc d'un ensemble immobilier d'habitation. Dès lors, les investisseurs institutionnels se désintéresseraient du secteur de l'immobilier d'habitation et leur désengagement pourrait à terme avoir des conséquences néfastes sur l'offre dans le parc immobilier locatif.

Le second article crée une situation d'instabilité juridique en raison de son caractère rétroactif. Il contraindrait le nouveau propriétaire soit à revendre à perte au profit du locataire soit à demander l'annulation rétroactive de son achat.

B. LES AMÉLIORATIONS À APPORTER AU DISPOSITIF PROPOSÉ

Pour améliorer la proposition de loi, il est nécessaire de permettre à la fois une accession facilitée à la propriété des locataires dont le logement est vendu et une protection plus large et plus efficace des locataires qui ne peuvent acheter leur logement et ne doivent pas pour autant être contraints à partir trop rapidement. Cela permettra ainsi de répondre aux problèmes distincts des différentes catégories de locataires concernées par le problème des ventes par lots.

1. Faciliter l'exercice du droit de préemption

L'article premier peut atteindre son but sans aller aussi loin dans la contrainte pesant sur le vendeur en bloc.

L'intention implicite de la proposition de Mme Aurillac, qui figure dans l'exposé des motifs, est d'éviter des ventes en bloc successives dans un court laps de temps, qui n'ont qu'une vocation spéculative.

Dès lors, il serait possible de modifier l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975, afin de donner au locataire la possibilité d'exercer son droit de préemption lorsqu'une vente en bloc intervient dans un délai inférieur à deux ans après une précédente vente en bloc. On peut en effet considérer que ce délai de deux ans, qui est celui permettant à un marchand de biens d'être exonéré des droits et taxes de mutation à l'achat (art. 1115 du code général des impôts), correspond au délai des opérations spéculatives. Cependant, cette solution ne permettrait pas de résoudre entièrement le problème, car une proportion importante des opérations de vente par lots est effectuée après une seule vente en bloc préalable.

Votre rapporteur, qui a travaillé en intelligence avec Mme Aurillac, vous propose donc, sans aller aussi loin que la rédaction initiale de la proposition de loi, de prévoir que le droit de préemption du locataire doit s'exercer lors de toute vente en bloc à un acheteur qui ne s'engage pas par une clause expresse figurant dans l'acte de vente à maintenir la vocation locative de l'immeuble pendant une durée minimale.

Dans la mesure où les acheteurs d'immeubles en bloc sont des personnes morales et dans la mesure où la durée minimale d'un bail conclu par une personne morale est de six ans, il semble cohérent d'exiger de la part de l'acheteur un engagement à maintenir l'immeuble sous statut locatif pendant six ans. Cette obligation de maintien sous statut locatif sera respectée dès lors qu'elle concernera les logements effectivement occupés lors de la conclusion de la transaction. À défaut de respect de cette clause mentionnée dans le contrat de vente, ladite vente serait nulle et de nul effet et la propriété de l'immeuble reviendrait au vendeur. D'autre part, un acheteur ne souhaitant pas souscrire à une telle clause lors de la vente verrait les locataires avoir priorité sur lui dans l'achat de l'immeuble.

2. Protéger les locataires qui ne peuvent pas acheter

a) Permettre l'extension des accords collectifs conclus au niveau national

L'opposition d'une majorité d'organisations représentatives des locataires porte préjudice à l'ensemble des locataires dont les immeubles sont possédés par des investisseurs des deuxième et troisième secteurs locatifs. En effet, cette majorité d'opposition empêche l'extension de l'accord collectif relatif aux congés pour vente à l'ensemble des locataires dont les bailleurs font partie des deuxième et troisième secteurs locatifs.

Pour éviter un tel blocage et permettre l'extension des accords conclus par la Commission nationale de concertation par décret ministériel, il convient de remplacer la possibilité d'une opposition de la majorité des organisations représentatives des bailleurs ou des locataires d'un secteur par une procédure de consultation simple des organisations non-signataires de l'accord, permettant au ministre d'évaluer précisément les raisons de leur opposition et de décider ainsi en toute connaissance de cause si l'extension de l'accord est ou non souhaitable.

b) Renforcer les sanctions pour non-respect de ces accords

Il est possible de combiner l'extension facilitée d'un accord conclu dans le cadre de la commission nationale de concertation avec la possibilité que le juge civil prononce une amende à l'encontre de tout bailleur qui ne respecterait pas les dispositions obligatoires de l'accord. Cette amende peut être fixée à un niveau assez élevé, afin d'être pleinement dissuasive.

L'un des principaux reproches adressé par les organisations non-signataires de l'accord du 16 mars 2005 porte justement sur les sanctions prévues par cet accord. Le point 6 de l'accord précise en effet que le non-respect de certaines dispositions de l'accord entraîne de plein droit la nullité du congé pour vente, et la crainte des organisations en question est que le non-respect des autres dispositions de l'accord ne soit pas censuré de la même manière.

Cependant, le juge a régulièrement sanctionné le non-respect du précédent accord par des personnes auxquelles il s'applique, sans que ce précédent accord ait précisé qu'il devait être sanctionné. De la même manière, le juge a interprété le précédent accord, qui fait référence à la « vente par lots de plus de dix logements dans un même immeuble », dans un sens extensif, en considérant que, même si le nombre de congés pour vente délivrés est inférieur ou égal à dix, l'intention de mettre en vente par lots l'intégralité de l'immeuble comportant plus de dix logements rend applicable l'accord (24).

Afin de donner une base législative à la jurisprudence judiciaire sur le non-respect de l'accord collectif relatif aux congés pour vente, votre rapporteur vous propose d'introduire au niveau législatif la nullité du congé pour vente lorsque les dispositions obligatoires de l'accord étendu par décret ne sont pas respectées.

*

* *

La Commission a examiné la proposition de loi au cours de sa séance du mercredi 8 juin 2005. Après l'exposé du rapporteur, une discussion générale a eu lieu.

M. Xavier de Roux a estimé que, sur le sujet sensible abordé par la proposition de loi, il lui semblait nécessaire d'éviter de légiférer de manière générale pour traiter en réalité de problèmes particuliers, généralement parisiens, et que, en tout état de cause, il convient de prendre en compte l'ensemble des types de cas de ventes en bloc. En particulier, il faut prendre garde à ce que la solution envisagée ne nuise pas au bon déroulement des opérations de rénovation urbaine, par exemple dans des quartiers défavorisés, et à l'exercice du droit de préemption urbain par les communes qui se sont fixé un objectif d'accession sociale à la propriété. Il importe que le dispositif proposé fasse clairement la différence entre le cas des marchands de biens, et celui des titulaires du droit de préemption urbain : à cet égard, la fixation d'une durée minimale de détention du bien avant la revente par lots pourrait constituer un critère de discrimination satisfaisant.

M. Michel Piron a indiqué partager le point de vue qui venait d'être exprimé, et a souligné l'importance qui s'attache, selon lui, à maintenir la capacité d'intervention en la matière des collectivités locales.

M. Jean Tiberi a rappelé que la grande majorité des propriétaires, petits et moyens, se comportait bien et qu'un équilibre devait être recherché entre les droits des bailleurs et ceux des locataires. Les comportements qui apparaissent, a contrario, difficilement acceptables, tant d'un point de vue financier que moral, et qui sont donc ceux qui doivent être traités par la loi, sont en pratique le fait d'un petit nombre et la proposition de loi doit être approuvée car elle va dans le bon sens.

M. Christophe Carresche a observé que la question posée par la proposition de loi n'était pas nouvelle et que, dans la dernière décennie, les investisseurs institutionnels avaient déjà procédé à de nombreuses ventes de cette nature. La situation actuelle témoigne en revanche d'une évolution substantielle, tenant à la dimension inflationniste et spéculative nouvelle des biens immobiliers, évolution sur la durée de laquelle il est évidemment difficile de se prononcer. Quoi qu'il en soit, les mesures envisagées pour répondre à cette évolution doivent être adaptées à cette tendance, en écartant certes des dispositifs qui porteraient une atteinte excessive au droit de propriété, mais en anticipant l'évolution potentiellement à venir, y compris ailleurs qu'à Paris. S'agissant des critiques tirées du caractère supposé emprunté à l'économie administrée des dispositions proposées par l'opposition, il convient d'indiquer que certaines économies réputées libérales, notamment les États-Unis, confèrent aux locataires des droits importants, leur permettant de s'opposer à la vente de leur logement. Enfin, contrairement à une idée souvent répandue, les problèmes soulevés concernent aussi bien l'Est parisien, que l'Ouest et le centre de l'agglomération.

Rappelant ses travaux en tant que rapporteur d'une proposition de loi ayant un objet comparable, récemment examinée par la commission des Lois, M. Jean-Yves Le Bouillonnec a souhaité savoir si la proposition soumise aujourd'hui à la commission tenait compte de l'accord collectif conclu le 16 mars 2005, et, dans l'affirmative, suivant quelles modalités. S'agissant de la question des opérations de rénovation urbaine, il a souligné que la réalité de la capacité d'intervention des maires en la matière lui paraissait exclure en pratique les craintes manifestées à l'instant. En revanche, la question de la mobilisation du prêt à taux zéro mérite d'être posée.

Il a ajouté que l'une des difficultés à appréhender convenablement le phénomène tient à l'insuffisance des données statistiques disponibles : provenant de sources notariales, elles ne concernent que des opérations déjà achevées et sont donc, par nature, anciennes par rapport à la réalité du marché. Il n'en demeure pas moins certain que les processus qu'il s'agit de chercher à faire disparaître ont connu une extension réelle, vers la banlieue parisienne comme vers les grandes villes de province, en particulier depuis les premiers accords collectifs qui avaient permis, dans le cadre de la loi de 1975, de réduire le nombre de ces opérations, jusqu'à ce qu'interviennent des acteurs nouveaux, surtout intéressés par les plus-values potentielles à court terme ; leurs intérêts divergent, par construction, de ceux des locataires et ils ne sont pas contraints par lesdits accords collectifs.

La proposition de loi pourrait être soutenue pour sa partie permettant aux locataires d'exercer réellement leur droit de préemption. En revanche, elle laisse pendantes trois difficultés d'importance : l'inflation des prix ; l'absence de mesures en faveur des locataires qui ne pourront acheter leur appartement et risquent d'être évincés de leur actuel lieu de vie ; enfin les collectivités locales ayant engagé un plan de rénovation urbaine risquent de se trouver, pour le réaliser, subordonnées à la volonté des investisseurs procédant à des ventes par bloc.

M. Claude Goasguen a souhaité confirmer que la majorité des problèmes rencontrés se posent effectivement à Paris, qui connaît un phénomène très spécifique, découlant en partie de la décision politique qui a consisté à arrêter la construction de logements en faveur des classes moyennes, et de l'inflation des prix qui s'en est suivie. Plaidant, au-delà du dispositif de la proposition de loi à laquelle il s'est déclaré globalement favorable, pour doter les pouvoirs publics d'instruments juridiques exceptionnels à la hauteur du problème à traiter, il a rappelé que, avant-guerre, les maires disposaient quasiment de la possibilité d'immobiliser le marché foncier. Toutefois, compte tenu du caractère incontestablement autoritaire que devrait revêtir un tel outil d'intervention, il semble préférable de le confier au préfet plutôt qu'à un exécutif local, comme le proposent les députés socialistes, étant rappelé que si, aux États-Unis, ce pouvoir est attribué à une autorité élue, les circonstances sont totalement différentes.

M. Francis Delattre s'est également inquiété des conséquences possibles de ce texte sur les programmes de rénovation des copropriétés dégradées. Par ailleurs, il a estimé que le marché parisien était fermé depuis fort longtemps du fait du poids des investisseurs institutionnels. La situation actuelle relève d'un rattrapage normal et ne pose réellement problème que pour une clientèle très favorisée qui ne pourra plus bénéficier de loyers réduits pour des appartements de prestige, mais dont la résonance médiatique est très forte. Enfin, si l'on peut considérer qu'un délai de trois ans encadrant la revente libre à la suite d'une vente en bloc représente une mesure de régulation, en revanche la durée de six ans envisagée par le rapporteur risque d'entraîner un blocage du marché.

M. Claude Goasguen a observé que le préfet disposait d'ores et déjà de compétences pour rétablir l'ordre public en matière d'urbanisme. D'ailleurs, il est curieux de constater que les membres du groupe socialiste semblent préférer confier un tel rôle au maire, alors que la loi sru, qu'ils ont fait voter en décembre 2000, a eu pour conséquence d'encadrer étroitement les compétences de celui-ci en matière d'urbanisme. En tout état de cause, compte tenu de l'existence d'une forte spéculation, il est indispensable et légitime qu'une autorité publique puisse intervenir dans des délais rapides. Si l'on se contente de laisser agir la justice, aucune solution ne sera trouvée avant plusieurs années alors que la situation est urgente. Enfin, il faut préciser que le travail législatif qui est mené n'aura d'utilité que pour autant que la nouvelle législation sur le crédit hypothécaire soit adoptée dans les plus brefs délais.

Le rapporteur a apporté aux différents intervenants les éléments de réponse suivants :

-  le souci, exprimé tant par M. Xavier de Roux que par M. Michel Piron et par M. Francis Delattre, que la proposition de loi n'empêche pas les collectivités de mener à bien des opérations de rénovation utiles et nécessaires, est satisfait par l'amendement modifiant l'article premier, qui mentionne explicitement le fait que le droit de préemption des locataires en cas de vente en bloc ne s'applique pas lors de l'exercice par une collectivité de son droit de préemption ;

-  la question du comportement des investisseurs institutionnels et des intermédiaires, soulignée à juste titre par M. Jean Tiberi, ne doit pas être négligée, même si le travail de la Commission est avant tout d'ordre législatif ;

-  comme l'a très justement fait remarquer M. Christophe Caresche, la vente par lots a changé de nature et le patrimoine immobilier des investisseurs institutionnels sert de variable d'ajustement au sein de leur portefeuille. Néanmoins, la réponse qui peut être apportée est étroite, encadrée qu'elle est, d'une part par les dispositions existantes, d'autre part par le respect nécessaire du droit de propriété ;

-  en ce qui concerne l'exemple new-yorkais, il convient de noter que ce n'est pas le maire mais le procureur général qui délivre l'autorisation de mettre en copropriété, et que la décision de ce dernier est strictement contrainte par la décision de la majorité des locataires ;

-  la suggestion de M. Claude Goasguen est intéressante, même si on peut s'interroger sur la compatibilité du pouvoir de blocage qui serait donné au préfet avec le droit de propriété, la capacité du propriétaire de se défaire de son bien pouvant ainsi être excessivement entravée.

Puis la Commission est passée à l'examen des articles de la proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article additionnel avant l'article premier

M. Jean-Yves Le Bouillonnec a présenté globalement seize amendements reprenant les principales dispositions de la proposition de loi du groupe socialiste rejetée le 10 mai dernier en séance publique.

Conformément à l'avis du rapporteur, la Commission a rejeté ces seize amendements.

Article premier

(article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975)


Institution d'un droit de préemption au profit des locataires lors d'une vente en bloc d'un ensemble immobilier

L'article premier a pour objet d'étendre le droit de préemption dont bénéficient les locataires lors de la vente de leur appartement au cas où cette vente est une vente en bloc d'un immeuble.

Pour cela, le présent article introduit deux modifications dans le paragraphe I de l'article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relatif au droit de préemption du ou des locataires lors de la vente d'un ou plusieurs appartements consécutive à la division de tout ou partie d'un immeuble par lots.

La première modification consiste à insérer les mots « en bloc ou » dans la phrase indiquant que « le bailleur doit, à peine de nullité, faire connaître par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à chacun des locataires ou occupants de bonne foi, l'indication du prix et des conditions de la vente projetée pour le local qu'il occupe ». Cette modification pose un problème rédactionnel dans la mesure où le propre d'une vente en bloc est de définir un prix et des conditions de vente pour l'ensemble des locaux et non pour chaque local.

De plus, au paragraphe III de l'article 10 précité, il est indiqué que ledit article 10 « ne s'applique pas aux ventes portant sur un bâtiment entier ou sur l'ensemble des locaux à usage d'habitation ou à usage mixte d'habitation et professionnel dudit bâtiment ». Cette disposition est contradictoire avec la disposition que l'article premier de la proposition de loi introduit au paragraphe I de l'article 10. Il est donc nécessaire de la supprimer.

La seconde modification consiste en l'ajout d'un deuxième alinéa paragraphe I de l'article 10, afin d'obliger tout vendeur en bloc à établir un règlement de copropriété. Un règlement de copropriété, « incluant ou non l'état descriptif de division, détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance ; il fixe également, sous réserve des dispositions de la présente loi, les règles relatives à l'administration des parties communes » (25). L'obligation d'établir un tel règlement est un corollaire nécessaire de la possibilité pour les locataires d'exercer leur droit de préemption lors de la vente en bloc. En effet, l'achat par l'un ou plusieurs des locataires de leur appartement lors de la vente en bloc individualisera ledit appartement du reste de la propriété. Il faut donc pouvoir disposer d'un état descriptif de division du bâtiment, répartissant la propriété par lots, comprenant chacun une partie privative et une quote-part de parties communes. La quote-part de parties communes permettra d'établir la répartition des frais d'entretien des parties communes. Plus encore que pour cet état descriptif de division, le règlement de copropriété est indispensable afin de prévoir la destination, les conditions de jouissance et les règles d'administration des parties communes. La seconde modification introduite par le présent article est donc cohérente avec la première modification, permettant au locataire de scinder une vente en bloc.

Mais la première modification pose un problème de principe : la capacité donnée au locataire de scinder la vente en bloc décidée par le propriétaire est-elle un droit conciliable avec le droit de propriété ?

Il est possible de voir dans une disposition du code rural relative à l'aliénation d'un fonds agricole une réponse positive, par analogie. L'article L. 412-6 du code rural dispose en effet : « Dans le cas où le bailleur veut aliéner, en une seule fois, un fonds comprenant plusieurs exploitations distinctes, il doit mettre en vente séparément chacune de celles-ci, de façon à permettre à chacun des bénéficiaires du droit de préemption d'exercer son droit sur la partie qu'il exploite. ». De la même manière, en vertu de la présente loi, chaque locataire d'un appartement pourra exercer son droit de préemption sur la partie d'immeuble qu'il occupe.

Le parallèle rencontre cependant une limite : alors que la vente fractionnée d'un fonds rural ne transforme pas la nature des terres concernées, la vente par appartements d'un immeuble transforme une propriété en une copropriété comportant tant des parties privatives que des parties communes. Ce changement de nature de l'immeuble concerné sera imposé au vendeur, ainsi qu'à l'acheteur potentiel de l'immeuble en bloc, dès lors qu'un et un seul locataire souhaitera exercer son droit de préemption sur le local qu'il occupe. En cela, il s'agit bien d'une limitation à l'exercice du droit de disposer librement de son patrimoine. Or, le Conseil constitutionnel a estimé que ce droit « est lui-même un attribut essentiel du droit de propriété » (26). Dès lors, la question est de savoir si la limitation apportée au droit de propriété d'un propriétaire d'un immeuble en bloc, en raison du droit de démembrement accordé aux locataires lors de toute vente de cet immeuble, a un caractère de gravité tel que l'atteinte au droit de propriété qui en résulte dénature le sens et la portée de ce droit.

Votre rapporteur estime que l'instauration d'un droit de préemption dès la vente en bloc ne présentera pas une atteinte grave au droit de propriété dès lors que sera maintenue une possibilité de vendre en bloc l'immeuble sans que les locataires disposent automatiquement d'un droit de préemption. Il existe en effet des cas où l'acheteur ne souhaite pas vendre par lots l'immeuble qu'il va acheter en bloc. L'achat peut aussi avoir lieu en vue d'une réhabilitation du bâtiment, qui serait rendue impossible par tout fractionnement de la vente. Ces différentes hypothèses ne doivent pas ouvrir droit à l'exercice d'un droit de préemption au profit des locataires.

C'est pourquoi il est possible de réserver le droit de préemption des locataires lors de la vente en bloc d'un immeuble aux ventes ne comportant pas un engagement exprès de l'acquéreur à maintenir l'immeuble sous statut locatif pour une durée au moins égale à six ans. Cet engagement peut être fixé à six ans de manière cohérente avec l'article 10 de la loi du 6 juillet 1989 en vertu duquel les baux conclus par des bailleurs personnes morales doivent l'être pour une durée de six ans. Il faut par ailleurs prévoir une sanction du non-respect de l'engagement de conserver l'immeuble sous statut locatif. La nullité de la vente, replaçant chacune des parties dans l'état antérieur à la transaction, est la sanction la plus efficace et la plus appropriée.

Ainsi, cet article de la proposition de loi permettra d'empêcher les transactions en bloc intervenant en vue de vendre par lots l'immeuble, sans rendre pour autant impossible toute vente en bloc.

Le rapporteur a présenté un amendement permettant de répondre à l'objectif de la proposition de loi sans remettre en cause le droit constitutionnel de propriété. Alors que l'article premier prévoit de donner au locataire un droit de préemption dès le stade de la vente en bloc, il semble plus raisonnable de ne prévoir cette possibilité que si le nouveau propriétaire ne s'engage pas à maintenir le statut locatif de l'immeuble pendant six ans.

M. Xavier de Roux, président, a considéré que cette formule était équilibrée et permettait de résoudre les problèmes concrets. Il a par ailleurs pris note que la proposition de loi ne remettrait pas en cause les opérations de rénovation urbaine.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec a indiqué que son groupe allait étudier les conséquences juridiques qu'entraînerait l'adoption de cet amendement, qui relève d'une approche intéressante, et qu'il s'abstiendrait dans l'immédiat.

La Commission a adopté l'amendement, ainsi que l'article premier ainsi modifié.

Article 2

Rétroactivité du droit de préemption au profit des locataires
lors d'une vente en bloc

L'article second a pour objet de donner une valeur rétroactive, sur les trois années précédant l'entrée en vigueur de la loi, au droit institué dans l'article premier. Mais, surtout, ce droit de préemption rétroactif s'exercera « sur la base du prix de la première vente, éventuellement majoré des dépenses justifiées incombant aux propriétaires successifs et effectivement assumées par eux ».

Ainsi, si un immeuble a fait l'objet d'une ou plusieurs ventes en bloc lors des trois années précédant l'entrée en vigueur de la loi, tout locataire pourra exercer son droit de préemption au prix de la première vente en bloc. Concrètement, dans la mesure où le marché de l'immobilier est dans une période de forte hausse (environ + 15 % par an), cela signifie que les locataires pourront bénéficier d'un tarif de rachat préférentiel, pouvant dans certains cas être inférieur de près de 45 % au tarif du marché. Un tel avantage devrait susciter chez les locataires pouvant exercer ce droit de préemption un accès massif à la propriété.

Le dispositif du droit de préemption rétroactif proposé par le présent article contraindra des personnes physiques ou morales qui s'étaient portées acquéreurs d'un immeuble d'habitation vendu en bloc au cours des trois dernières années à revendre tout ou partie des appartements de cet immeuble à un prix correspondant à celui de la première transaction intervenue lors des trois dernières années. Deux grands types de situation peuvent alors se rencontrer.

Soit la personne concernée a été la seule à racheter l'immeuble au cours des trois dernières années, et elle devra alors se résigner à ne dégager aucune plus-value de la vente. Il s'agira en somme d'une opération blanche, et même d'une opération négative. On peut en effet trouver deux raisons économiques au caractère négatif de cette opération :

- le locataire acheteur acquittera un prix qui était celui du marché trois ans auparavant, mais qui ne l'est plus (dans la mesure où le marché immobilier français est depuis plusieurs années dans un courant de hausse continue), et le vendeur subira donc une perte, relativement à l'état du marché ;

- le propriétaire vendeur contraint recevra une somme qui ne tiendra pas compte de l'inflation monétaire sur la période. Ainsi, même avec une inflation faible, d'environ 2 % par an, le propriétaire pourra subir une perte de près de 6 % sur la valeur de son patrimoine.

Soit le propriétaire au moment où les locataires exerceront leur droit de préemption rétroactif n'est que le dernier d'une série de propriétaires, chacun d'eux ayant vendu l'immeuble à un prix supérieur au prix d'achat. Dans ce second cas, le propriétaire concerné par l'exercice du droit de préemption subira une perte nette lors de la vente, le prix d'achat par le locataire étant inférieur au prix auquel ledit propriétaire s'est porté acquéreur.

Dans un cas comme dans l'autre, le fait que le présent article prévoie une éventuelle majoration du prix afin de tenir compte des « dépenses justifiées incombant aux propriétaires successifs et effectivement assumées par eux » n'assure pas la neutralité financière de la vente, qui est pour le dernier acquéreur en bloc une vente à perte.

Lors de l'examen du dispositif de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions permettant de contraindre le créancier poursuivant à devenir propriétaire d'un bien immobilier sans qu'il ait entendu acquérir ce bien au prix fixé par le juge, le Conseil constitutionnel a considéré « qu'au cas où le créancier devrait revendre ce bien à la suite de l'acquisition à laquelle il a été contraint et où, en raison de la situation du marché immobilier, la valeur de la revente serait inférieure à la valeur fixée par le juge, il subirait une diminution de son patrimoine assimilable à une privation de propriété, sans qu'aucune nécessité publique ne l'exige évidemment et sans possibilité d'indemnisation » (27). En conséquence, le Conseil constitutionnel a censuré le dispositif en question.

Le dispositif proposé par le présent article pose exactement le même problème : le dernier acquéreur en bloc subira « une diminution de son patrimoine assimilable à une privation de propriété ». La nécessité publique et la juste et préalable indemnité qui permettraient de justifier la privation de propriété font d'autre part défaut. Cet article second pose donc un problème de constitutionnalité.

Aussi, votre rapporteur estime qu'il serait préférable de supprimer cet article, tout en complétant par ailleurs la présente proposition de loi par des dispositions relatives aux accords collectifs conclus dans le cadre de la commission nationale de concertation. Une extension par décret de ces accords facilitée et une sanction plus efficace de leur non-respect peuvent en effet contribuer à mieux protéger les locataires recevant un congé pour vente dans le cadre d'une vente par lots et qui ne peuvent pas se porter acquéreurs de leur logement.

Le rapporteur a présenté un amendement de suppression de cet article, estimant que l'objectif de protection des locataires pouvait être obtenu de façon plus souple, par la voie de l'extension par décret des accords collectifs de location, que permettra l'adoption d'un amendement suivant.

La Commission a adopté cet amendement.

Articles additionnels après l'article 2

Possibilité d'étendre par décret les accords collectifs de location nonobstant l'opposition de la majorité des organisations concernées

La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur prévoyant que les accords collectifs de location pourraient être étendus par décret sans qu'une opposition de la majorité des organisations de bailleurs ou de locataires puisse s'y opposer. Rappelant que le droit en vigueur prévoyait que l'accord collectif ne s'appliquait qu'à ses signataires, M. Jean-Yves Le Bouillonnec a exprimé la crainte que le dispositif proposé ne soit perçu par les organismes concernés comme une marque de défiance quant à leur capacité à négocier des accords collectifs puisque la faculté d'étendre l'accord, nonobstant l'opposition de la majorité des organismes concernés, privait de sa substance le principe et la portée même de la négociation collective.

Le rapporteur a considéré que le dispositif proposé ne portait nullement atteinte au principe et à la portée de la négociation collective mais tentait d'améliorer la prise en considération des intérêts des locataires puisque le dernier accord collectif ne leur était pas applicable en raison de l'opposition d'une majorité des organismes de locataires bien que, sur le fond, cet accord leur soit favorable. Il a ajouté que cet amendement proposait également de conforter l'application des accords collectifs en prévoyant que le non-respect de leurs dispositions obligatoires serait puni d'une amende civile de 10 000 euros par logement concerné.

Après avoir rappelé que le précédent ministre du Logement avait souhaité agir en faveur du renforcement des droits des locataires dans la direction proposée par l'amendement, M. Claude Goasguen a rappelé que l'opposition s'y était alors déclarée défavorable, contraignant ainsi le ministre à renoncer à son projet. Contestant cette chronologie des faits et l'influence ainsi prêtée à l'opposition, M. Christophe Caresche a considéré que le dispositif proposé était maladroit, voire inopportun, et de nature à provoquer le mécontentement des organisations de locataires concernées.

La Commission a adopté cet amendement.

Annulation du congé pour vente en cas de non-respect
de dispositions obligatoires

La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur frappant de nullité tout congé pour vente ne respectant pas les dispositions obligatoires des accords collectifs leur étant applicables lorsque la vente concerne plus de dix logements dans les deuxième et troisième secteurs locatifs.

Après que son auteur eut rappelé que le dispositif proposé donnait une base légale à la jurisprudence de la Cour de cassation tout en renforçant la protection des locataires et que M. Jean-Yves Le Bouillonnec se fut exprimé en faveur de son adoption, la Commission a adopté cet amendement.

Titre de la proposition de loi

Puis, en conséquence de ses précédents votes, la Commission, saisie à cette fin par son rapporteur, a adopté un amendement modifiant le titre de la proposition de loi afin d'indiquer qu'elle tendait également à la « protection » des locataires.

La Commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

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En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant ci-après.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Proposition de loi relative au droit de préemption et à la protection
des locataires en cas de vente d'un immeuble

Article premier

L'article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d'habitation est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Préalablement à la conclusion de toute vente en bloc d'un immeuble à usage d'habitation ou à usage mixte d'habitation et professionnel qui ne comporte pas un engagement exprès de l'acquéreur à maintenir l'immeuble sous statut locatif pour une durée au moins égale à six ans, le bailleur doit, à peine de nullité de la vente, faire connaître par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à chacun des locataires ou occupants de bonne foi, l'indication du prix et des conditions de la vente en bloc projetée ainsi que l'indication du prix et des conditions de la vente pour le local qu'il occupe. Cette notification vaut offre de vente au profit de son destinataire. Aux fins de l'exercice du droit de préemption, le bailleur établit et transmet à chacun des locataires ou occupants de bonne foi un règlement de copropriété, qui règlera les rapports entre tous les copropriétaires si, le cas échéant, l'un au moins des locataires ou occupants de bonne foi réalise un acte de vente. Les dispositions du présent alinéa ne s'appliquent pas aux préemptions prévues au titre premier du livre deuxième du code de l'urbanisme. »

2° Au début de la dernière phrase du III sont insérés les mots :

« Sous réserve des dispositions prévues au deuxième alinéa du I du présent article, ».

Article 2

L'article 41 ter de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière est ainsi modifié :

1° Dans le dernier alinéa, les mots : « sauf opposition de la majorité des organisations représentatives des bailleurs d'un secteur, ou de la majorité des organisations représentatives des locataires » sont remplacés par les mots : « après consultation par le ministre en charge du Logement des organisations représentatives des bailleurs d'un secteur et des organisations représentatives des locataires non-signataires » ;

2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le non-respect des dispositions obligatoires d'un accord prévu au présent article par un bailleur qui y est assujetti est puni d'une amende civile par logement concerné dont le montant ne peut excéder 10 000 euros, en sus des sanctions que cet accord peut prévoir. »

Article 3

Le dernier alinéa du II de l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« En outre, le non-respect de l'une des dispositions obligatoires relatives au congé pour vente d'un accord conclu en application de l'article 41 ter de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 précitée et rendu obligatoire par décret, peut donner lieu à l'annulation de ce congé. »

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

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Conclusions de la Commission

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Proposition de loi relative au droit de préemption et à la protection des locataires en cas de vente d'un immeuble

Loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative
à la protection des occupants des locaux à usage d'habitation

Article premier

Art. 10. -  I. -  Préalablement à la conclusion de toute vente d'un ou plusieurs locaux à usage d'habitation ou à usage mixte d'habitation et professionnel, consécutive à la division initiale ou à la subdivision de tout ou partie d'un immeuble par lots, le bailleur doit, à peine de nullité de la vente, faire connaître par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à chacun des locataires ou occupants de bonne foi, l'indication du prix et des conditions de la vente projetée pour le local qu'il occupe. Cette notification vaut offre de vente au profit de son destinataire.

L'article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d'habitation est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Préalablement à la conclusion de toute vente en bloc d'un immeuble à usage d'habitation ou à usage mixte d'habitation et professionnel qui ne comporte pas un engagement exprès de l'acquéreur à maintenir l'immeuble sous statut locatif pour une durée au moins égale à six ans, le bailleur doit, à peine de nullité de la vente, faire connaître par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à chacun des locataires ou occupants de bonne foi, l'indication du prix et des conditions de la vente en bloc projetée ainsi que l'indication du prix et des conditions de la vente pour le local qu'il occupe. Cette notification vaut offre de vente au profit de son destinataire. Aux fins de l'exercice du droit de préemption, le bailleur établit et transmet à chacun des locataires ou occupants de bonne foi un règlement de copropriété, qui règlera les rapports entre tous les copropriétaires si, le cas échéant, l'un au moins des locataires ou occupants de bonne foi réalise un acte de vente. Les dispositions du présent alinéa ne s'appliquent pas aux préemptions prévues au titre premier du livre deuxième du code de l'urbanisme. »

L'offre est valable pendant une durée de deux mois à compter de sa réception. Le locataire qui accepte l'offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente. Si dans sa réponse, il notifie au bailleur son intention de recourir à un prêt, son acceptation de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et, en ce cas, le délai de réalisation est porté à quatre mois. Passé le délai de réalisation de l'acte de vente, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est nulle de plein droit.

Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur, le notaire doit, lorsque le propriétaire n'y a pas préalablement procédé, notifier au locataire ou occupant de bonne foi ces conditions et prix à peine de nullité de la vente. Cette notification vaut offre de vente au profit du locataire ou occupant de bonne foi. Cette offre est valable pendant une durée d'un mois à compter de sa réception. L'offre qui n'a pas été acceptée dans le délai d'un mois est caduque.

Le locataire ou occupant de bonne foi qui accepte l'offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au propriétaire ou au notaire, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire ou occupant de bonne foi de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est nulle de plein droit.

Les termes des cinq alinéas qui précèdent doivent être reproduits, à peine de nullité, dans chaque notification.

Nonobstant les dispositions de l'article 1751 du code civil, les notifications faites en application du présent article par le bailleur sont de plein droit opposables au conjoint du locataire ou occupant de bonne foi si son existence n'a pas été préalablement portée à la connaissance du bailleur.

II. -  Lorsque la vente du local à usage d'habitation ou à usage mixte d'habitation et professionnel a lieu par adjudication volontaire ou forcée, le locataire ou l'occupant de bonne foi doit y être convoqué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception un mois au moins avant la date de l'adjudication.

À défaut de convocation, le locataire ou l'occupant de bonne foi peut, pendant un délai d'un mois compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'adjudication, déclarer se substituer à l'adjudicataire. Toutefois, en cas de vente sur licitation, il ne peut exercer ce droit si l'adjudication a été prononcée en faveur d'un indivisaire.

III. -  Le présent article s'applique aux ventes de parts ou actions des sociétés dont l'objet est la division d'un immeuble par fractions destinées à être attribuées aux associés en propriété ou en jouissance à temps complet. Il ne s'applique pas aux actes intervenant entre parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclus. Il ne s'applique pas aux ventes portant sur un bâtiment entier ou sur l'ensemble des locaux à usage d'habitation ou à usage mixte d'habitation et professionnel dudit bâtiment.

2° Au début de la dernière phrase du III sont insérés les mots :

« Sous réserve des dispositions prévues au deuxième alinéa du I du présent article, ».

IV. -  Un décret détermine les conditions d'application du présent article.

Loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de
logements sociaux et le développement de l'offre foncière

Article 2

Art. 41 ter. -  Des accords collectifs de location peuvent être conclus, pour un même secteur locatif, au sein de la Commission nationale de concertation ou de chaque commission spécialisée des rapports locatifs prévue à l'article 41 bis entre une ou plusieurs organisations de bailleurs et de locataires. Les accords ainsi conclus s'imposent aux organisations signataires et aux adhérents de ces organisations.

L'article 41 ter de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière est ainsi modifié :

Les secteurs locatifs sont les suivants :

- logements appartenant ou gérés par les organismes d'habitations à loyer modéré ;

- logements appartenant aux sociétés d'économie mixte, aux sociétés immobilières à participation majoritaire de la Caisse des dépôts et consignations, aux collectivités publiques, aux sociétés filiales d'un organisme collecteur de la contribution des employeurs à l'effort de construction et aux filiales de ces organismes autres que celles mentionnées à l'alinéa ci-dessus ;

- logements appartenant aux entreprises d'assurance, aux établissements de crédit et aux filiales de ces organismes et aux personnes morales autres que celles mentionnées aux deux alinéas précédents ;

- logements appartenant aux bailleurs personnes physiques et aux sociétés civiles immobilières constituées exclusivement entre parents et alliés jusqu'au quatrième degré inclus.

Ces accords portent notamment sur les suppléments de loyers pour les organismes d'habitations à loyer modéré, la maîtrise de l'évolution des charges récupérables, la grille de vétusté, l'amélioration et l'entretien des logements et des parties communes, les locaux résidentiels à usage commun.

Les accords conclus au sein de la Commission nationale de concertation font l'objet de la publication d'un avis au Journal officiel de la République française. À l'issue d'un délai d'un mois après cette publication et sauf opposition de la majorité des organisations représentatives des bailleurs d'un secteur, ou de la majorité des organisations représentatives des locataires, ils peuvent être rendus obligatoires, par décret, pour tous les logements du secteur locatif concerné. Le décret peut, après avis motivé de la Commission nationale de concertation et sans modifier l'équilibre de l'accord, en distraire certaines clauses.


1° Dans le dernier alinéa, les mots : « sauf opposition de la majorité des organisations représentatives des bailleurs d'un secteur, ou de la majorité des organisations représentatives des locataires » sont remplacés par les mots : « après consultation par le ministre en charge du Logement des organisations représentatives des bailleurs d'un secteur et des organisations représentatives des locataires non-signataires » ;

2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le non-respect des dispositions obligatoires d'un accord prévu au présent article par un bailleur qui y est assujetti est puni d'une amende civile par logement concerné dont le montant ne peut excéder 10 000 euros, en sus des sanctions que cet accord peut prévoir. »

Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer
les rapports locatifs et portant modification
de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986

Article 3

Art. 15. -  I. -  Lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant. À peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire.

Le dernier alinéa du II de l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est complété par une phrase ainsi rédigée :

Le délai de préavis applicable au congé est de trois mois lorsqu'il émane du locataire et de six mois lorsqu'il émane du bailleur. Toutefois, en cas d'obtention d'un premier emploi, de mutation, de perte d'emploi ou de nouvel emploi consécutif à une perte d'emploi, le locataire peut donner congé au bailleur avec un délai de préavis d'un mois. Le délai est également réduit à un mois en faveur des locataires âgés de plus de soixante ans dont l'état de santé justifie un changement de domicile ainsi que des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion. Le congé doit être notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou signifié par acte d'huissier. Ce délai court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée ou de la signification de l'acte d'huissier.

Pendant le délai de préavis, le locataire n'est redevable du loyer et des charges que pour le temps où il a occupé réellement les lieux si le congé a été notifié par le bailleur. Il est redevable du loyer et des charges concernant tout le délai de préavis si c'est lui qui a notifié le congé, sauf si le logement se trouve occupé avant la fin du préavis par un autre locataire en accord avec le bailleur.

À l'expiration du délai de préavis, le locataire est déchu de tout titre d'occupation des locaux loués.

II. -  Lorsqu'il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée. Le congé vaut offre de vente au profit du locataire : l'offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis. Les dispositions de l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ne sont pas applicables au congé fondé sur la décision de vendre le logement.

À l'expiration du délai de préavis, le locataire qui n'a pas accepté l'offre de vente est déchu de plein droit de tout titre d'occupation sur le local.

Le locataire qui accepte l'offre dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Le contrat de location est prorogé jusqu'à l'expiration du délai de réalisation de la vente. Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est nulle de plein droit et le locataire est déchu de plein droit de tout titre d'occupation.

Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n'y a pas préalablement procédé, notifier au locataire ces conditions et prix à peine de nullité de la vente. Cette notification est effectuée à l'adresse indiquée à cet effet par le locataire au bailleur ; si le locataire n'a pas fait connaître cette adresse au bailleur, la notification est effectuée à l'adresse des locaux dont la location avait été consentie. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Cette offre est valable pendant une durée d'un mois à compter de sa réception. L'offre qui n'a pas été acceptée dans le délai d'un mois est caduque.

Le locataire qui accepte l'offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur ou au notaire, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est nulle de plein droit.

Les termes des cinq alinéas précédents sont reproduits à peine de nullité dans chaque notification.

Ces dispositions ne sont pas applicables aux actes intervenant entre parents jusqu'au troisième degré inclus, sous la condition que l'acquéreur occupe le logement pendant une durée qui ne peut être inférieure à deux ans à compter de l'expiration du délai de préavis, ni aux actes portant sur les immeubles mentionnés au deuxième alinéa de l'article 1er de la loi n° 53-286 du 4 avril 1953 modifiant la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel.

Dans les cas de congés pour vente prévus à l'article 11-1, l'offre de vente au profit du locataire est dissociée du congé.

« En outre, le non-respect de l'une des dispositions obligatoires relatives au congé pour vente d'un accord conclu en application de l'article 41 ter de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 précitée et rendu obligatoire par décret, peut donner lieu à l'annulation de ce congé. »

III. -  Le bailleur ne peut s'opposer au renouvellement du contrat en donnant congé dans les conditions définies au paragraphe I ci-dessus à l'égard de tout locataire âgé de plus de soixante-dix ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance, sans qu'un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités lui soit offert dans les limites géographiques prévues à l'article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 précitée.

Toutefois, les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables lorsque le bailleur est une personne physique âgée de plus de soixante ans ou si ses ressources annuelles sont inférieures à une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance.

L'âge du locataire et celui du bailleur sont appréciés à la date d'échéance du contrat ; le montant de leurs ressources est apprécié à la date de notification du congé.

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Avant l'article premier

Amendements présentés par M. Jean-Yves Le Bouillonnec et les commissaires membres du groupe socialiste :

·  Insérer l'article suivant :

« Lorsque la vente est mise en œuvre dans les conditions visées à l'article 11-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, toute offre de vente doit avoir été précédée d'un audit établi de façon contradictoire avec le locataire ou une association représentative au sens de l'article 44 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière. Les dépenses afférentes à cet audit sont à la charge du bailleur. Les dépenses de travaux de mise aux normes et de sécurité qui relèvent d'obligations légales ou réglementaires, qui doivent être effectués dans les trois années suivant l'année de réalisation de l'audit, sont à la charge du bailleur. »

·  Insérer l'article suivant :

« Toute personne pratiquant habituellement l'acquisition de biens immobiliers affectés en tout ou partie à l'habitation ou l'acquisition de logements, d'actions ou de parts de sociétés immobilières possédant des logements, en vue de leur revente dans un délai inférieur à six ans, à hauteur de plus de deux reventes par an, exerce l'activité d'intermédiaire commercial dénommée activité de marchand de biens. »

·  Insérer l'article suivant :

« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'exercice de l'activité de marchand de biens.

« Il fixe en particulier le montant minimum du capital social pour les personnes morales, un ratio de fonds propres et, le cas échéant, une garantie financière proportionnelle à la valeur des actifs immobiliers possédés ou ayant donné lieu à signature d'un acte ou document contractuel engageant le marchand de biens à les acquérir, le mode de calcul de la garantie financière nécessaire lorsque le marchand de biens reçoit des fonds des acquéreurs avant livraison du bien, les modalités d'assurance en matière de responsabilité civile professionnelle et les garanties relatives à la bonne fin des opérations et à la bonne réalisation des travaux. Tout logement vendu par un marchand de biens doit être décent au sens de l'article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

« Le non-respect de ces obligations entraîne interdiction d'exercer l'activité de marchand de biens pour les personnes morales et pour les personnes physiques exerçant une fonction d'administration ou de direction de l'activité, la dissolution de la personne morale et le paiement d'une amende pénale de 100 000 euros.

« Le décret fixe les conditions particulières d'exercice de cette activité pour les organismes à vocation sociale ayant pour but le redressement des copropriétés en difficulté. »

·  Insérer l'article suivant :

« Le congé pour vendre le logement mentionné à l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ne peut être donné que par un bailleur de logements n'exerçant pas l'activité d'intermédiaire commercial dénommée activité de marchands de biens. Toutefois le congé pour vente peut être donné par le marchand de biens lorsqu'il a acquis ce logement au moins six ans auparavant. »

·  Insérer l'article suivant :

« Lorsque le marchand de biens exerçant son activité dans le champ du logement ne respecte pas de manière grave et répétée les dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée, les règles relatives au permis de démolir ou les textes applicables en cas de travaux dans des logements locatifs occupés, notamment la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d'habitation, il peut être condamné à l'interdiction d'exercer l'activité de marchand de biens pour les personnes morales et, pour les personnes physiques exerçant une fonction d'administration ou de direction de l'activité, à la dissolution de la personne morale et au paiement d'une amende pénale de 100 000 euros. »

·  Insérer l'article suivant :

« Lorsqu'un bailleur décide de procéder à une vente par lots de plus de dix logements dans le même immeuble en ayant recours au congé pour vente mentionné à l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, il en informe le maire et les locataires concernés au moins trois mois avant la notification du congé pour vente.

« Si pendant cette période un tiers au moins des locataires refuse d'acquérir leur logement, ils peuvent demander au maire l'organisation d'une enquête publique. La mise en copropriété ne peut intervenir avant la fin de l'enquête publique. À la suite de cette enquête et en cas de situation de pénurie de logements locatifs dûment justifiée sur le territoire de la commune, le maire peut prendre un arrêté suspendant la mise en copropriété jusqu'à justification par le bailleur du maintien en statut locatif d'un nombre suffisant de logements de l'immeuble. »

·  Insérer l'article suivant :

« Dans les opérations en cours, les congés pour vendre le logement non conformes à la loi n° du relative au droit de préemption des locataires en cas de vente d'un immeuble et non exécutés sont nuls de plein droit. Les opérations ne cours sont les opérations relatives à un immeuble dans lequel au moins un lot n'a pas fait l'objet d'une vente. »

·  Insérer l'article suivant :

« I. -  Le dernier alinéa de l'article 1115 du code général des impôts est ainsi modifié :

« 1° Après les mots : « à usage d'habitation ou », sont insérés les mots : « susceptibles de déclencher » ;

« 2° Les mots : « deux ans » sont remplacés par les mots et deux phrases ainsi rédigés : « un an. Toutefois ce délai est porté à quatre ans en cas d'engagement de vendre sans utiliser le congé pour vendre le logement mentionné à l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée. Ce délai est porté à six ans pour les organismes à vocation sociale ayant pour but le redressement des copropriétés en difficulté. »

« II. -  Les pertes de recettes qui résultent pour les collectivités locales de l'application de ces dispositions sont compensées à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement.

« III. -  Les pertes de recettes qui résultent pour l'État de l'application de ces dispositions sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

·  Insérer l'article suivant :

« I. -  Après l'article 1594 A du code général des impôts, il est inséré un article 1594 AA ainsi rédigé :

« Art. 1594 AA. -  En cas de vente d'un logement occupé et lorsque l'acquéreur personne physique s'engage à ne pas donner congé pour reprendre ou vendre le logement pendant une période de six ans après la vente, les droits et taxes visés aux 1° et 2° de l'article 1594 A sont réduites à 1% de l'assiette imposable. En cas de départ du locataire pendant une période de six ans après la vente, la réduction est diminuée d'un sixième par année de bail non accomplie par le locataire. »

« II. -  Les pertes de recettes qui résultent pour les collectivités locales de l'application de ces dispositions sont compensées à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement.

« III. -  Les pertes de recettes qui en résultent pour l'État sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

·  Insérer l'article suivant :

« I. -  Le I de l'article 10 de la loi n° 75-1351 relative à la protection des occupants de locaux à usage d'habitation est ainsi modifié :

« 1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque la vente est mise en œuvre dans les conditions visées à l'article 11-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, le prix proposé comporte une décote minimum de 10 % par rapport au prix de l'appartement vendu libre de toute occupation, à laquelle est ajoutée une décote de 2 % minimum par année de présence du locataire ou de l'occupant de bonne foi, sans que la décote totale puisse dépasser 30 % du prix de l'appartement vendu libre. » ;

« 2° Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa, après les mots : « pour l'acquéreur », sont insérés les mots : « que celui notifié au locataire ou à l'occupant de bonne foi en application du premier alinéa du présent I ».

« II. -  Le II de l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, est ainsi modifié :

« 1° Après la première phrase du premier alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Lorsque la vente est mise en œuvre dans les conditions visées à l'article 11-1, le prix proposé comporte une décote minimum de 10 % par rapport au prix de l'appartement vendu libre de toute occupation, à laquelle est ajoutée une décote de 2 % minimum par année de présence du locataire ou de l'occupant de bonne foi, sans que la décote totale puisse dépasser 30 % du prix de l'appartement vendu libre. » ;

« 2° Dans la première phrase du quatrième alinéa, après les mots : « pour l'acquéreur », sont insérés les mots : « que celui notifié au locataire ou à l'occupant de bonne foi en application du premier alinéa du présent II ».

·  Insérer l'article suivant :

« Le I de l'article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d'habitation est ainsi modifié :

« 1° Dans le troisième alinéa, les mots : « deux mois » sont remplacés par deux fois par les mots : « quatre mois » et les mots : « quatre mois » sont remplacés par les mots : « six mois »;

« 2° Dans le dernier alinéa, les mots : « deux mois » sont remplacés par les mots : « quatre mois » et les mots : « quatre mois » sont remplacés par les mots : « six mois ».

·  Insérer l'article suivant :

« Après le dernier alinéa de l'article 41 ter de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ces accords étendus par décret s'appliquent à toute vente par lots de plus de dix logements dans le même immeuble, quel que soit le secteur locatif concerné. Le cas échéant, ces accords restent opposables à l'occupant et au nouveau bailleur en cas de cession à un bailleur appartenant à un autre secteur locatif que celui ou ceux concernés par l'accord. »

·  Insérer l'article suivant :

« L'article 10 de la loi n° 89-462 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de vente d'un logement occupé dont le contrat de location est conclu pour une durée au moins égale à six ans, la durée du contrat renouvelé est au moins égale à six ans, par dérogation aux premier et quatrième alinéas du présent article. »

·  Insérer l'article suivant :

« Le deuxième alinéa du II de l'article 15 de la loi n° 89-462 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Toutefois, lorsque le congé a été notifié au locataire par le bailleur pour revendre le logement, si le logement est vendu occupé, le nouveau bailleur ne peut invoquer à son profit le congé donné par le vendeur. »

·  Insérer l'article suivant :

« Après le troisième alinéa du II de l'article 15 de la loi n° 89-462 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la vente est mise en œuvre dans les conditions visées à l'article 11-1, les délais de deux mois visés au premier et au troisième alinéa du présent II sont portés à quatre mois et le délai de quatre mois visé au troisième alinéa est porté à six mois. »

·  Insérer l'article suivant :

« Après le dernier alinéa du III de l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation aux alinéas précédents, lorsque le bailleur vend par lots un immeuble de plus de dix logements, que ces logements soient loués ou non et quel que soit leur statut locatif, il ne peut s'opposer au renouvellement du contrat en donnant congé dans les conditions définies au paragraphe I ci-dessus à l'égard de tout locataire âgé de plus de 65 ans ou dont les ressources sont inférieures ou égales à 80 % des plafonds de ressources prévus à l'article R. 391-8 du code de la construction et de l'habitation, ni à l'égard de tout locataire placé dans une situation de difficulté grave dûment justifiée telle qu'un état de santé présentant un caractère de gravité reconnue, un handicap physique ou une dépendance psychologique établie. Pour les autres locataires, le congé pour vendre le logement ne peut être donné avant un délai de trois ans après la mise en copropriété de l'immeuble et l'individualisation du lot qu'ils occupent. »

ANNEXE I

Accord collectif de location relatif aux congés pour vente par lots aux locataires dans les ensembles immobiliers d'habitation

NB : Les dispositions absentes de l'accord du 9 juin 1998 mais figurant dans l'accord du 16 mars 2005 sont indiquées en gras, tandis que celles supprimées par ce dernier accord sont indiquées en italiques et entre crochets.

    L'accord porte sur les points suivants :

1.  Procédure d'information des locataires et des associations

1.1  Préalablement à la décision d'un bailleur de mettre en vente par lots plus de dix logements dans un même immeuble, celui-ci informe, par écrit, de son intention les associations de locataires représentatives au sens de l'article 44 de la loi du 23 décembre 1986.

    À ce stade, le bailleur et les représentants des associations de locataires examinent notamment les modalités de l'information future des locataires.

    À défaut d'association de locataires représentative, le bailleur apprécie l'intérêt d'informer les locataires le plus tôt possible en fonction des données qu'il peut alors fournir pour répondre aux interrogations suscitées.

1.2.  Une fois que le bailleur est prêt à rendre publique l'intention de vendre, une information est donnée à tous les locataires concernés, quelle que soit la date d'expiration de leur bail respectif.

    Elle consiste au moins en une réunion à laquelle sont invités les locataires et leurs associations au sens de l'article 44 de la loi du 23 décembre 1986. Une documentation dans une forme accessible est utile à ce stade.

    Dans le cas d'un propriétaire unique, il est également procédé à l'affichage, dans les parties communes, des date, lieu et heure de ladite réunion. Une documentation dans une forme accessible est utile à ce stade.

    Le bailleur confirme par écrit à chaque locataire les modalités envisagées pour la vente. Il complète l'information générale par une information particulière destinée aux locataires, susceptibles de se porter acquéreurs, en soulignant que cette information est donnée par le bailleur à titre indicatif et ne constitue pas une offre de vente.

    À compter de cette confirmation, le bailleur respectera un délai de 3 mois avant d'envoyer aux locataires l'offre de vente prévue à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975.

    Une fois notifiée l'offre de vente, le congé pour vente peut être envoyé conformément aux dispositions de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989.

    Par ailleurs, une information est donnée au maire de la commune ou de l'arrondissement du siège de l'immeuble dès la décision de vente.

2.  Contenu de l'information

2.1  Information générale

    L'information générale rappelle les dispositions de la loi sur l'offre de vente.

    Elle porte également, dans un langage approprié, sur :

    -  les phases importantes de l'opération de vente et les droits respectifs des locataires et des propriétaires, tels que définis par la loi et le présent accord ;

    -  les règles générales de fonctionnement des copropriétés, notamment au regard du rôle de l'assemblée générale, du syndicat des copropriétaires et du syndic, ainsi que la nature et le niveau des charges particulières aux copropriétaires par rapport à ceux des charges locatives ;

    -  les conditions de crédit du moment, telles que connues et proposées par plusieurs établissements financiers, ainsi que la possibilité de recourir aux prêts du 1 % logement ;

    -  les prix moyens au mètre carré au moment de la mise en vente, avec le cas échéant les critères de différenciation des prix entre les logements, et le ou les avantages éventuellement accordés aux locataires (pour une période de 6 mois) par rapport aux acquéreurs extérieurs, en particulier en fonction de l'ancienneté du locataire dans les lieux et de la durée du bail restant à courir ;

    -  l'information par le bailleur des possibilités de relogement, par location ou accession, notamment dans son propre parc ;

    -  l'information par le bailleur des dispositifs légaux et réglementaires destinés à protéger les locataires en difficulté, notamment en raison de leur âge ou de leurs ressources ;

    -  l'information par le bailleur des dispositifs légaux et réglementaires destinés à faciliter les opérations pour les locataires.

2.2  Information sur l'état de l'immeuble et sur les travaux

    Les modalités de réalisation de diagnostics et bilans techniques sont examinées entre le bailleur et les associations de locataires représentatives au sens de l'article 44 de la loi du 23 décembre 1986. En l'absence d'associations de locataires représentatives, un état de l'immeuble doit être établi.

    Les diagnostics et bilans techniques peuvent être effectués par des organismes spécialisés d'expertise technique. Ils portent sur les éléments essentiels du bâti, les équipements communs et de sécurité susceptibles d'entraîner des dépenses importantes pour les futurs copropriétaires dans les années qui suivront la vente. Il s'agit en particulier du clos, du couvert, de l'isolation thermique, des conduites et canalisations collectives, des équipements de chauffage collectif, des ascenseurs, de la sécurité en matière d'incendie.

    Les diagnostics et bilans sont mis dès que possible à disposition des locataires ainsi que, s'ils existent, de leurs représentants au sens de l'article 44 de la loi du 23 décembre 1986 et, en tout état de cause, leur sont communiqués avec l'offre de vente prévue à l'article 10 de la loi du 10 décembre 1975. Le propriétaire s'assure que ces documents sont aisément lisibles, et peut sinon demander une version simplifiée aux auteurs des diagnostics et bilans.

    Le propriétaire communique également, au plus tard avec l'offre de vente prévue à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975, un récapitulatif des travaux réalisés dans les parties communes les cinq dernières années et des coûts exposés. Il fournit une liste des travaux qu'il serait souhaitable d'entreprendre à court et moyen terme. Il indique éventuellement quelle partie de ces derniers il serait prêt à prendre en charge avant la première vente.

2.3  Information individuelle

    Dans l'information écrite adressée au locataire, qui reprend les informations générales, est joint l'état descriptif de division de l'immeuble pour les lots le concernant ainsi qu'une fiche individuelle précisant le prix du logement.

    Par ailleurs, le locataire pourra évoquer avec le bailleur l'état du logement et la prise en charge par ce dernier des dépenses d'amélioration et des travaux qui ne relèvent pas des réparations locatives.

[    Dans la mesure du possible, l'information diffusée aux personnes susceptibles d'être protégées à raison de leur situation difficile prend une forme personnalisée et leur rappelle notamment leurs droits. Une enquête préalable auprès des locataires peut s'avérer utile à cet effet.]

2.4  Règlement de copropriété

    La possibilité de consulter le futur règlement de copropriété est annoncée, par voie d'affichage dans les parties communes, dès qu'elle est matériellement possible. Il est communiqué aux représentants des locataires au sens de l'article 44 de la loi du 23 décembre 1986.

2.5  Contrats de prestation de service

    Après l'information générale visée au 1.2, l'ensemble des contrats de prestation de service liés à l'exploitation de l'immeuble est consultable, à leur demande, par les associations de locataires représentatives.

3.  Conditions destinées à faciliter les opérations

3.1  Pour faciliter la réalisation de la vente ou les conditions de son départ, le locataire, dont la durée du bail restant à courir est inférieure à 30 mois à compter de la date de l'offre de vente prévue à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975, peut demander au bailleur une prorogation du droit d'occupation de son logement. Cette demande peut être présentée lorsque l'obtention d'un prêt, la vente d'un bien immobilier, le départ à la retraite, une mutation professionnelle ou toute autre circonstance dûment justifiée nécessite un délai supplémentaire.

    Ce délai supplémentaire est accordé sur justification par le bailleur. Il peut permettre de porter à 30 mois la durée d'occupation du logement.

[    Le bailleur confirme son accord par écrit au plus tard quatre mois avant la date d'expiration du bail.

    Le groupe propose au gouvernement une modification législative clarifiant les relations entre le bailleur et l'occupant maintenu dans son logement au-delà de l'expiration du bail].

3.2. Sauf opposition du locataire, la prorogation du bail est de droit si le locataire occupe le logement depuis plus de six ans à la date de l'offre de vente prévue par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975. La durée de l'occupation résultant de la prorogation du bail est calculée à raison d'un mois par année d'ancienneté.

Le contrat est prorogé de plein droit jusqu'à la fin de l'année scolaire dès lors que le locataire a, à sa charge, des enfants scolarisés.

Dans tous les cas, la prorogation ne peut être supérieure à trente mois à compter de la date de l'offre de vente susvisée.

Le bailleur notifie au locataire, par lettre recommandée avec accusé de réception, la durée de prolongation du bail, au plus tard quatre mois avant l'expiration du bail.

3.3  Les personnes ne pouvant acquérir leur logement peuvent proposer au bailleur, comme acquéreur, leur conjoint, leur partenaire avec lequel elles sont liées par un PACS ou leur concubin vivant avec elles depuis au moins un an à la date de l'offre de vente. Elles peuvent également proposer un ascendant ou un descendant ainsi que ceux de leur conjoint, partenaire par le PACS ou concubin.

    Cet acquéreur bénéficie des mêmes conditions de vente et de délai que celles proposées au locataire.

[    Le groupe appelle l'attention du gouvernement sur le problème du versement des aides au logement dont le bénéfice est suspendu lorsque le logement est acquis par un ascendant ou un descendant.]

3.4  En vue de développer une offre locative diversifiée, le groupe appelle l'attention du gouvernement sur la nécessité de prévoir des financements favorisant des acquisitions par les bailleurs sociaux et permettant ainsi le maintien dans les lieux des locataires avec des loyers à un niveau supportable.

4.  Traitement des cas particuliers

4.1.  Lorsque le locataire ne se porte pas acquéreur de son logement et qu'il justifie d'un revenu inférieur à [80 %] 100 % du plafond de ressources PLI en vigueur, le congé ne peut lui être délivré sans qu'une proposition de relogement [compatible avec ses besoins et situé, si cela est souhaité par le locataire et dans la mesure du possible pour le bailleur, dans une commune ou un quartier voisin du lieu de résidence du locataire] lui soit offerte dans les conditions mentionnées au premier paragraphe du III de l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

    Le bailleur propose notamment et en priorité au locataire les logements qui deviennent vacants dans son parc et qui ne font pas l'objet d'un droit de réservation. Dans ce cas le loyer du logement proposé bénéficie par rapport aux loyers de relocation d'une remise en pourcentage égale à celle dont bénéficie le locataire dans son logement actuel. Le loyer résultant ne peut cependant être supérieur au loyer moyen pratiqué pour un logement comparable dans la même zone géographique.

4.2  Lorsqu'un locataire ne peut se porter acquéreur de son logement et qu'il ne peut déménager en raison [de son âge supérieur à 70 ans,] de son état de santé présentant un caractère de gravité reconnue médicalement, [d'un handicap physique ou d'une dépendance psychologique établie, ou de sa situation dûment justifiée,] son bail est renouvelé de plein droit.

4.3  Lorsqu'un locataire est âgé de plus de 70 ans à la date d'expiration de son bail, celui-ci est renouvelé de plein droit. Cette disposition n'est pas applicable dès lors qu'un titulaire du bail est assujetti à l'impôt de solidarité sur la fortune.

4.4  Lorsqu'un locataire est titulaire soit d'une rente d'invalide du travail correspondant à une incapacité au moins égale à 80 %, soit d'une allocation servie à toute personne dont l'infirmité entraîne au moins 80 % d'incapacité permanente, son bail est renouvelé de plein droit.

5.  Procédures de conciliation et contentieuse

5.1  Les partenaires conviennent de faire appel à la conciliation avant qu'un conflit entre un bailleur et un locataire, relatif à une ou plusieurs dispositions des points 3 et 4 du présent accord, ne soit porté devant une juridiction

[    Le groupe propose au gouvernement d'élargir la compétence des commissions départementales de conciliation.]

5.2  L'avis de l'instance de conciliation ou les avis des collèges en cas de divergence sont obligatoirement transmis au juge au cas où le conflit est porté devant celui-ci, accompagnés des motivations précises de ces avis.

6.  Sanctions

Le non-respect des dispositions prévues aux paragraphes 3.2, 3.3, 4.1 à 4.4 entraîne de plein droit la nullité du congé pour vente.

7.  Durée de l'accord

    [  En ce qui concerne l'instance de conciliation, dans l'attente de la modification législative souhaitée, elle est composée paritairement par les signataires du présent accord.]

7.1  Le présent accord est d'application immédiate pour toutes les opérations de vente à venir. Pour les opérations en cours au jour de sa signature, il est d'application immédiate aux phases et actes de l'opération non encore réalisés. De façon générale, les bailleurs examineront les dossiers au cas par cas et mettront en œuvre les dispositions du présent accord, en particulier celles du point 4.

7.2  Indépendamment de l'existence des commissions départementales de conciliation compétentes pour examiner les difficultés résultant localement de l'application du présent accord, il est créé un groupe de travail permanent de suivi de l'accord composé à parité de représentants des bailleurs et des locataires désignés par les signataires du présent accord.

7.3  Le présent accord est conclu pour une durée d'un an, reconductible par tacite reconduction, sauf dénonciation six mois avant l'échéance par une des parties signataires auprès du président de la Commission nationale de concertation.

    [La durée de l'accord est modifiée soit lors de l'extension de l'accord demandée dans le préambule, soit en cas d'intervention de dispositions législatives ou réglementaires.]

ANNEXE II

Les ressources prises en compte pour déterminer la position d'un foyer par rapport au plafond locatif intermédiaire (dit plafond PLI) sont la somme des revenus imposables à l'impôt sur le revenu de chacun des membres vivant au foyer du locataire au titre de l'avant-dernière année.

Les plafonds PLI sont réévalués le 1er janvier de chaque année, en fonction de l'évolution du salaire minimum interprofessionnel de croissance.

Plafonds de ressources PLI au 1er janvier 2005

Nombre de personnes composant le ménage

Plafond de la Zone A (*) (en euros)

Plafond de la Zone B (**) (en euros)

Plafond de la Zone C (***) (en euros)

1

30 580

23 634

20 679

2

45 702

31 558

27 614

3

54 938

37 954

33 209

4

65 806

45 816

40 089

5

77 902

53 898

47 160

6

87 662

60 739

53 147

Par personne supplémentaire

9 767

6 774

5 928

(*) Agglomération de Paris, Côte d'Azur, Genevois français

(**) Agglomérations de plus de 50 000 habitants, communes chères situées aux franges de l'agglomération de Paris et en zones littorales ou frontalières, départements d'Outre-mer

(***) Reste du territoire

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

ORGANISMES REPRÉSENTATIFS DES LOCATAIRES

Association Force ouvrière consommateur

M. Jean-Marc Bilquez, vice-président

M. Raphaël Manzano, secrétaire général

Confédération générale du logement

M. Henry de Gaulle, président

M. Pierre Pério, secrétaire général

M. Pascal Robin, secrétaire confédéral

Confédération nationale du logement

M. Jean-Pierre Giacomo, président

M. Serge Inserti-Formentini, secrétaire général

ORGANISMES REPRÉSENTATIFS DES BAILLEURS

Fédération des sociétés immobilières et foncières

M. Jean-Louis Brunet, vice-président

M. Dorian Kelberg, délégué général

NOTAIRES

Maître Christian Pisani, président de la Chambre des notaires de Paris, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne

Maître Frédéric Roussel, notaire à Lille

AUTRES PERSONNALITÉS

M. Jacques Bienvenu, président de la société Boccador

M. Barthélémy Raynaud, directeur des services immobiliers du Crédit foncier

M. Pascal Veisse, président de la société Cogedim Valorisation

Maître Matthieu Vincent, avocat au barreau de Paris

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N° 2364 - Rapport sur la proposition de loi relative au droit de préemption des locataires en cas de vente d'un immeuble (M. Christian Decocq)

1 () La loi n° 82-526 du 22 juin 1982, relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs, dite loi Quilliot, puis la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière, dite loi Méhaignerie, ont précédé la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 qui n'a depuis lors fait l'objet que de quelques retouches.

2 () « La hausse des prix des logements anciens depuis 1998 », Martine Beauvois, Insee Première n° 991, décembre 2004.

3 () Proposition n° 1791, relative aux congés pour vente par lots aux locataires dans les ensembles immobiliers d'habitation (XIe législature).

4 () Proposition de loi n° 2063.

5 () Étude publiée en avril 2005, et d'où seront tirés les chiffres sur les ventes par appartements à Paris cités dans le présent rapport.

6 () Le pourcentage de locataires exerçant leur droit de préemption est très variable selon les opérations, mais les opérateurs immobiliers ont pu constater qu'il avait tendance à être nettement plus élevé dans les quartiers populaires ou les banlieues (souvent plus de 50 % de locataires se portant acquéreurs) que dans les beaux quartiers ou les quartiers revalorisés récemment.

7 () L'alignement du montant d'un loyer lors du renouvellement du bail est strictement encadrée par la loi. Le loyer doit être manifestement sous-évalué (art. 17 de la loi du 6 juillet 1989) et l'entrée en vigueur de la hausse est progressive : par tiers ou par sixième chaque année selon la durée du contrat de location. La hausse doit d'autre part respecter, dans l'agglomération parisienne, les règles supplémentaires fixées par le décret n° 2004-879 du 27 août 2004.

8 () Le relogement doit être effectué dans les conditions définies par l'article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948. D'après cet article : « Le local mis à la disposition des personnes évincées [...] doit être en bon état d'habitation, remplir les conditions d'hygiène normales et correspondre à leurs besoins personnels ou familiaux et, le cas échéant, professionnels, et à leurs possibilités. Il doit en outre être situé : dans le même arrondissement ou les arrondissements limitrophes ou les communes limitrophes de l'arrondissement où se trouve le local, objet de la reprise, si celui-ci est situé dans une commune divisée en arrondissements ; dans le même canton ou dans les cantons limitrophes de ce canton inclus dans la même commune ou dans les communes limitrophes de ce canton si la commune est divisée en cantons ; dans les autres cas sur le territoire de la même commune ou d'une commune limitrophe, sans pouvoir être éloigné de plus de 5 km. ».

9 () Cass., 3e civ., 2 octobre 1996.

10 () Les durées minimales de bail, qui sont précisées à l'article 10 de la loi du 6 juillet 1989, sont de trois ans pour un bailleur personne physique, de six ans pour un bailleur personne morale.

11 () Les commune peuvent aussi déléguer à l'établissement public de coopération intercommunale dont elles font partie cette compétence, ou celui-ci peut aussi être compétent de plein droit en cette matière (art. L. 211-2 du code de l'urbanisme).

12 () Cass., 3e civ., 19 avril 2000.

13 () Cass., 3e civ., 5 juillet 1995.

14 () Décret n° 99-628.

15 () Les secteurs locatifs, qui sont énumérés à l'article 41 ter de la loi du 24 décembre 1986, sont au nombre de quatre : le premier correspond au secteur HLM ; le deuxième au secteur public et semi-public ; le troisième au secteur institutionnel privé ; le quatrième au secteur privé non inclus dans les précédents secteurs.

16 () Voir l'annexe II (infra).

17 () Voir l'annexe I (infra).

18 () Les trois associations représentatives des locataires opposées à l'accord sont la Confédération nationale du logement (CNL), la Confédération générale du logement (CGL) et la Confédération syndicale des familles (CSF), tandis que l'Association Force ouvrière consommateurs (AFOC) et l'association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV) ont signé l'accord, tout comme l'ensemble des organisations représentatives des bailleurs des secteurs locatifs concernés.

19 () Proposition de loi n° 2125.

20 () Proposition de loi n° 238 (session 2004-2005).

21 () Proposition de loi n° 2307.

22 () Rapport n° 2290.

23 () « La découpe d'immeuble d'habitation : vers une nouvelle tranche de droit », Revue Loyers et copropriété, mars 2005, p.3.

24 () Cass., 3e civ., 5 mai 2004.

25 () Conformément à la définition qui en est donnée au premier alinéa de l'article 8 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

26 () Décision n° 98-403 DC du 29 juillet 1998 sur la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.

27 () Décision n° 98-403 DC du 29 juillet 1998.


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