N° 2410 - Rapport de M. Jean-Marc Nesme sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention européenne sur la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d'accès conditionnel (2120)




Document

mis en distribution

le 28 juin 2005

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N° 2410

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 juin 2005.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI (n° 2120), autorisant l'approbation de la convention européenne sur la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d'accès conditionnel ,

PAR M. JEAN-MARC NESME,

Député

--

I - LES OBJECTIFS DE LA CONVENTION DU 24 JANVIER 2001 7

A - LA NÉCESSITÉ DE LUTTER CONTRE LE PIRATAGE DES SERVICES À ACCÈS CONDITIONNEL 7

B - LE CHAMP D'APPLICATION DE LA CONVENTION 8

II - LES MOYENS DEVANT ÊTRE MIS EN œUVRE 9

A - LES RECOMMANDATIONS DE LA CONVENTION 9

B - L'ÉTAT DU DROIT INTERNE APPLICABLE 10

CONCLUSION 11

EXAMEN EN COMMISSION 12

ANNEXE : ÉTAT DES RATIFICATIONS 13

Mesdames, Messieurs,

L'Assemblée nationale est saisie du projet de loi autorisant l'approbation de la convention européenne sur la protection des services à accès conditionnel et des services d'accès conditionnel (n° 2120). Cette convention a été élaborée dans le cadre du Conseil de l'Europe et adoptée à Strasbourg le 6 octobre 2000 par le Comité des ministres. Ouverte à la signature le 24 janvier 2001, elle a été signée par la France le même jour. Le projet de loi se rapportant à cette convention à été déposé sur le bureau de l'Assemblée le 2 mars 2005. Le présent rapport analysera successivement les objectifs de cette convention et les moyens qu'elle prescrit aux Etats signataires pour y parvenir.

I - LES OBJECTIFS DE LA CONVENTION DU 24 JANVIER 2001

A - La nécessité de lutter contre le piratage des services à accès conditionnel

Le piratage des services audiovisuels consiste en l'exploitation illégale d'œuvres audiovisuelles ou multimédia par des personnes, qui ne sont pas détenteurs légitimes des droits rattachés à ces œuvres. Les deux formes les plus fréquentes de piratage audiovisuel sont les suivantes : le détournement par des téléspectateurs privés des signaux codés transmis numériquement par une chaîne de télévision payante ; la transmission illégale par des chaînes de télévision locales et des réseaux câblés de contenus qui ne leur appartiennent pas. Dans les deux cas, l'accès au programme est rendu possible par l'utilisation de cartes à puce et de décodeurs numériques de contrefaçon.

Face à ce phénomène de grande ampleur, les grandes entreprises de télévision numérique et de télécommunication ont fondé en 1995 l'Association européenne pour la protection des œuvres et services cryptés (AEPOC). Cette association regroupe aujourd'hui 35 entreprises, parmi lesquelles figurent des chaînes de télévision, des fournisseurs d'accès conditionnel, des fournisseurs d'infrastructure de transmission et des fabricants d'équipements.

Cette association estime qu'à l'intérieur de l'Union Européenne près d'un milliard d'euros est dépensé chaque année pour acquérir des cartes à puce ou des équipements de décodage utilisés pour le piratage de la télévision numérique. D'après cet organisme : « les progrès technologiques réalisés par le piratage des services audiovisuels (y compris sur l'Internet) ont été si rapides, que le phénomène impacte aujourd'hui sévèrement la performance économique et l'innovation de l'industrie des médias si importante au niveau culturel, économique et social. Les niveaux d'emplois ainsi que les revenus fiscaux souffrent également du phénomène. Sont aussi touchés les utilisateurs «légitimes», c'est-à-dire ceux qui payent pour voir légalement les programmes diffusés. »

Les organisations de piratage se présentent sous diverses formes : certaines reposent sur une structure pyramidale, d'autres sont liées au crime organisé, d'autres sont plus locales. Des milliers d'individus à travers l'Europe et au-delà, travaillent aujourd'hui au développement de nouvelles techniques permettant de décoder (« craquer » dans le jargon des pirates) les signaux cryptés émis par les systèmes d'accès conditionnel.

Les détenteurs de droits d'auteurs, diffuseurs et distributeurs d'équipements de réception sont les premières victimes du piratage, mais elles ne sont pas les seules. Le piratage a en effet d'importantes répercussions économiques, culturelles et fiscales. Compte tenu du caractère transnational de ce phénomène, il est indispensable que les législations des différents Etats soient harmonisées et qu'ils coopèrent entre eux. Pour cette raison, le Conseil de l'Europe s'est saisi de cette question et a adopté une convention spécifique visant à offrir une protection suffisante aux professionnels concernés, qu'ils soient éditeurs, distributeurs ou fournisseurs d'accès.

B - Le champ d'application de la convention

Après avoir rappelé dans son préambule que le piratage constitue une menace pour la diversité culturelle et pour la viabilité économique des sociétés de diffusion, la convention s'attache à définir les notions de « service protégé », « d'accès conditionnel », de « dispositif d'accès conditionnel » et de « dispositif illicite ». A ce titre, les services entrant dans le champ d'application de la convention sont à la fois les services de programmes de télévision, les services de radiodiffusion sonore et les services fournis par la voie électronique, dès lors qu'ils sont fournis moyennant paiement par le biais d'un accès conditionnel. La convention exclut clairement de son champ d'application le cryptage et le brouillage opérés pour des raisons de sécurité ou de protection des données personnelles, car leur protection relève d'autres instruments internationaux.

La convention s'applique indifféremment à toute personne physique ou morale qui offre un service conditionnel rémunéré. Elle repose sur le principe de la « protection universelle » qui implique que toute personne ou organisation puisse bénéficier des stipulations de la convention, indépendamment de sa nationalité ou de son siège et sans que puisse être invoquée la clause de réciprocité entre les Etats parties. Le nouvel instrument a donc vocation à s'appliquer dans les Etats parties indépendamment du fait qu'il offre ou non une protection identique aux opérateurs étrangers.

L'objet principal de la convention est de rendre illicites sur le territoire des Etats parties les activités visant à permettre un accès non autorisé aux services protégés qu'elle a définies. L'incrimination des infractions définies par la convention nécessitant une transposition en droit interne des différents Etats parties, elle n'est pas, pour l'essentiel, d'application immédiate. Son principal mérite est d'harmoniser la législation dans un grand nombre d'Etats dans un territoire beaucoup plus vaste que celui de l'actuelle Union européenne.

II - LES MOYENS DEVANT ÊTRE MIS EN œUVRE

A - Les recommandations de la convention

La convention invite les parties à introduire dans leur législation de nouvelles infractions permettant de lutter contre la circulation, la fabrication et la production de dispositifs de piratage. A cette fin, elle définit précisément les activités illicites correspondantes et invite les Etats parties à introduire dans leur législation pénale générale ou spéciale de nouvelles qualifications.

Les différentes activités considérées comme illicites par la convention sont les suivantes :

- la fabrication ou la production à des fins commerciales de dispositifs illicites, ce qui recoupe les activités de fabrication de matériels, de logiciels ou de tout autre dispositif conçus pour permettre l'accès illicite à un service d'accès conditionnel ;

- l'importation à des fins commerciales de dispositifs illicites (décodeurs ou logiciels) ;

- la distribution à des fins commerciales de dispositifs illicites ;

- la vente ou la location à des fins commerciales de dispositifs illicites ;

- la détention à des fins commerciales de dispositifs illicites ;

- l'installation, l'entretien ou le remplacement à des fins commerciales de dispositifs illicites ;

- la promotion commerciale, le marketing ou la publicité en faveur de dispositifs illicites.

Les Parties sont libres d'ajouter d'autres infractions en matière d'accès illicite aux services d'accès conditionnel. La liste établie par la convention constitue en réalité un minimum, qui doit permettre d'harmoniser la législation des différents Etats parties.

La convention ne définit pas directement de sanctions pour ces différents types d'infraction. En revanche, elle invite les Etats parties à adopter des mesures pour rendre les activités qu'elle énumère passibles de sanctions administratives ou pénales. Elle laisse au législateur national le soin de définir la nature de ces sanctions, tout en indiquant que celles-ci doivent être « effectives, dissuasives et proportionnées à l'incidence potentielle de l'activité illicite ». Par ailleurs, elle invite les parties à prévoir la possibilité de confisquer les matériels illicites, ainsi que les gains financiers résultant des activités de piratage et elle leur impose l'adoption de mesures garantissant une compensation financière aux prestataires de services lésés.

Enfin, la convention invite les Parties à développer la coopération internationale en matière de lutte contre le piratage des services audiovisuels. Elle sont ainsi invitées à utiliser les accords bi- et multilatéraux en matière judiciaire.

B - L'état du droit interne applicable

Il existe d'ores et déjà dans le droit communautaire des normes visant à protéger les services d'accès conditionnel. Une première directive, transposée en droit français, a ainsi posé le principe de la protection juridique des services audiovisuels dans le marché intérieur européen (directive 98/84/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 1998). Une seconde directive, en cours de transposition en droit français, a complété le dispositif précédent en enjoignant aux Etats membres de l'Union d'harmoniser certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information en rendant passible de sanctions pénales le contournement des mesures de protection des œuvres et des programmes.

Pour l'essentiel, le droit français satisfait aux exigences de la nouvelle convention adoptée par le Conseil de l'Europe. Ainsi les articles 79-1 à 79-5 de la loi n° 86-520 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication protègent les exploitants de services audiovisuels accessibles moyennant une rémunération. Des règles similaires ont été introduites dans le code pénal pour les services informatiques et l'Internet (articles 323-1 à 323-7 du code pénal, reprenant les dispositions de la loi n° 88-19 du 30 janvier 1998, dite loi Godfrain). Enfin, la loi n° 2004-575 du 21 janvier 2004 pour la confiance dans l'économie numérique a inséré dans le code pénal des dispositions réprimant la commercialisation de dispositifs permettant d'accéder frauduleusement à des systèmes informatiques protégés.

L'approbation de la convention du Conseil de l'Europe ne nécessitera donc pas d'adaptations importantes du droit français. La seule mesure véritablement nouvelle qu'il conviendra d'introduire dans notre système juridique consiste en de nouvelles prérogatives pour le juge pénal et le juge civil, qui devront pouvoir confisquer, d'une part, les gains financiers résultant de l'exploitation de dispositifs illicites et, d'autre part, les matériels de publicité destinés à assurer la promotion commerciale de ces derniers.

CONCLUSION

La convention dont l'approbation doit être autorisée par l'Assemblée nationale et le Sénat est ouverte à la signature de l'ensemble des Etats membres du Conseil de l'Europe, de la Communauté européenne et d'Etats non membres qui en manifesteraient la volonté. Pour entrer vigueur, elle doit avoir été ratifiée ou approuvée par trois Etats. Cette condition est remplie depuis le 1er juillet 2003, puisqu'elle est à ce jour ratifiée par la Bulgarie, Chypre, la Moldavie, les Pays-Bas, la Roumanie et la Suisse. Quatre pays ont signé la convention sans avoir mené à leur terme la procédure de ratification ou d'approbation : la France, le Luxembourg, la Norvège et la Russie. Compte tenu de l'engagement de notre pays en faveur de la défense du droit d'auteur et de la diversité culturelle et du dynamisme de notre secteur audiovisuel, il est essentiel que l'approbation de cette convention soit menée à son terme dans les meilleurs délais. Pour cette raison, votre Rapporteur propose d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 22 juin 2005.

Après l'exposé du Rapporteur, et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 2120).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention européenne figure en annexe au projet de loi (n° 2120).

ANNEXE : ÉTAT DES RATIFICATIONS

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Etats non membres du Conseil de l'Europe

Etats

Signature

Ratification

Entrée en vigueur

Renv.

R.

D.

A.

T.

C.

O.

Bélarus

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Saint-Siège

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Organisations internationales

Organisations

Signature

Ratification

Entrée en vigueur

Renv.

R.

D.

A.

T.

C.

O.

Communauté européenne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nombre total de signatures non suivies de ratifications :

4

Nombre total de ratifications/adhésions :

6

Renvois :a.: Adhésion - s.: Signature sans réserve de ratification - su.: Succession - r.: signature "ad referendum".
R.: Réserves - D.: Déclarations - A.: Autorités - T.: Application territoriale - C.: Communication - O.: Objection.

Source : Bureau des Traités sur http://conventions.coe.int

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N° 2410 - Rapport sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention européenne sur la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d'accès conditionnel (Jean-Marc Nesme)

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