N° 2416 - Rapport de M. René André sur le projet de loi , adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Bosnie-Herzégovine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (2176)




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mis en distribution

le 30 juin 2005

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N° 2416

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 juin 2005.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Bosnie-Herzégovine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements,

PAR M. RENÉ ANDRÉ,

Député

--

Voir les numéros :

Sénat : 443 (2003-2004), 218 et T.A. 82 (2004-2005)

Assemblée nationale : 2176

INTRODUCTION 5

I - ALORS QUE LA FRANCE A TOUJOURS SOUTENU LA BOSNIE-HERZÉGOVINE, LES RELATIONS ÉCONOMIQUES ENTRE LES DEUX PAYS DEMEURENT LIMITÉES 7

A - L'IMPLICATION DE LA FRANCE DANS LA CRÉATION PUIS LA MODERNISATION DE L'ETAT DE BOSNIE-HERZÉGOVINE 7

B - UNE COOPÉRATION DIVERSIFIÉE 8

C - DES RELATIONS ÉCONOMIQUES À DÉVELOPPER 9

1) Une situation économique intérieure difficile 9

2) La modeste place de la France parmi les partenaires économiques de la Bosnie-Herzégovine 10

II - L'ACCORD VISE À FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT DES INVESTISSEMENTS, GRÂCE À UN DISPOSITIF CLASSIQUE 13

A - LE CHAMP D'APPLICATION DE L'ACCORD 13

B - UNE PROTECTION CLASSIQUE VISANT À ENCOURAGER LES INVESTISSEMENTS RÉCIPROQUES 14

C - UN MODE TRADITIONNEL DE RÈGLEMENT DES CONFLITS 16

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat a adopté, le 22 mars 2005, le projet de loi visant à autoriser l'approbation de l'accord entre la France et la Bosnie-Herzégovine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé le 12 décembre 2003.

Près d'une centaine d'accords bilatéraux de ce type ont été conclus par la France depuis les années 1970 afin de protéger les investisseurs français contre les risques politiques qu'ils encourent, particulièrement dans les Etats n'appartenant par à l'OCDE, du fait de la situation locale ou de décisions politiques arbitraires de l'Etat d'accueil.

En ce qui concerne la Bosnie-Herzégovine, les risques courus par les investisseurs français étaient accrûs à cause du refus de cet Etat de proroger l'accord du 28 mars 1974 entre la France et la Yougoslavie sur la protection des investissements, contrairement aux décisions prises par la Croatie et la Macédoine.

Ce choix s'explique essentiellement par les conditions très douloureuses dans lesquelles cet Etat a accédé à la souveraineté internationale, il y a dix ans. Il a rendu nécessaire la négociation et la conclusion d'un nouvel accord, fondé sur les mêmes principes que l'accord de 1974 et que les autres conventions relatives aux investissements signés par la France.

Votre Rapporteur en présentera les dispositions, après avoir montré que, si les relations entre la France et la Bosnie-Herzégovine sont anciennes et riches, elles n'ont pas encore de traductions économiques importantes.

I - ALORS QUE LA FRANCE A TOUJOURS SOUTENU LA BOSNIE-HERZÉGOVINE, LES RELATIONS ÉCONOMIQUES ENTRE
LES DEUX PAYS DEMEURENT LIMITÉES

La France a joué un rôle politique, militaire et diplomatique dans la création de l'Etat de Bosnie-Herzégovine, auprès duquel elle mène des actions de coopération variées et relativement intenses. Mais cette position n'a pas trouvé de réelle traduction dans le domaine économique, alors que le pays est très demandeur d'investissements étrangers.

A - L'implication de la France dans la création puis la modernisation de l'Etat de Bosnie-Herzégovine

Avant même la signature, à Paris, le 14 décembre 1995, des accords de paix négociés à Dayton, la France a directement participé au règlement du conflit en Bosnie-Herzégovine, à la fois sur le plan militaire et sur le plan diplomatique. Elle a en effet été le premier contributeur à la FORPRONU - Force de protection des Nations unies - et a perdu quatre-vingt quatre hommes durant les opérations ; elle a aussi contribué à la création du Groupe de contact, en avril 1994, dont le plan est la base de l'accord de paix actuel, et a participé à l'instance de direction de la tutelle internationale (le Peace implementation council).

A partir de 1996, la France a porté ses efforts dans plusieurs directions : maintien d'une fort dispositif militaire, d'abord dans le cadre de l'IFOR
- Mouvement international de la Réconciliation - (environ 7 500 hommes) puis de la SFOR - Force de stabilisation en Bosnie-Herzégovine - (environ 1 200 Français, sur 12 700 hommes), l'une des trois zones de responsabilité (
1) étant placée sous commandement français jusqu'en mars 2003 ; appui constant à l'action du Haut Représentant, dont elle a veillé à conforter les pouvoirs, et nombreuses initiatives diplomatiques.

Désormais, tout en appuyant activement l'action du Haut Représentant de la communauté internationale (2) et Représentant spécial de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine, dont elle partage les priorités en matière de réformes, la France soutient particulièrement le renforcement du rôle de l'Union européenne à travers ses divers instruments : programme CARDS (Assistance communautaire pour la reconstruction, le développement et la stabilisation), mission de police de l'Union, premier déploiement de la force de police européenne sous l'égide de la Politique européenne de sécurité et de défense - nous avons le premier contingent avec 83 personnes sur 380 au total, juste devant l'Allemagne - et relève de la SFOR par l'Union européenne (Opération ALTHEA), effective fin 2004 avec 460 soldats français dans l'EUFOR - Force de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine -.

B - Une coopération diversifiée

Outre la part française de l'effort communautaire, la France a signé dès 1996 un protocole financier de 25 millions de francs (3,81millions d'euros), essentiellement orienté vers des programmes d'infrastructures (aéroport de Sarajevo, chemin de fer Mostar-Ploce, réseau d'électricité à Sarajevo). En 1997 35 millions de francs (5,34 millions d'euros) ont été débloqués au titre du protocole (notamment pour la prise en charge de la fabrication et du transport de la nouvelle monnaie commune). En 1999, à la suite de la conférence des donateurs qui s'est tenue en mai, notre aide bilatérale s'est élevée à près de 70 millions de francs (10,67 millions d'euros), en priorité destinés à la formation de la police et à l'aide à la reconstruction, après que notre pays a consenti une remise de dette de 900 millions de francs (137,2 millions d'euros) dans la cadre du Club de Paris, en septembre 1998.

Depuis 2001, la part de l'aide bilatérale et multilatérale de la France représente environ 8,5 % de l'aide totale reçue par la Bosnie-Herzégovine. L'aide internationale, tous moyens confondus, est estimée à environ 3 milliards d'euros depuis cinq ans et le seul programme indicatif pluriannuel CARDS s'est élevé à 200 millions d'euros pour 2002-2004, dont 61 millions d'euros en 2005.

Le service français de coopération, installé à Sarajevo, est doté de trois antennes situées à Mostar, Banja Luka et Tuzla. Son action est regroupée autour de deux axes : l'instauration d'un Etat de droit et l'élargissement de notre présence linguistique et culturelle. Un premier accord bilatéral de coopération culturelle, scientifique et technique a été signé le 6 septembre 2002 et est en vigueur depuis le 1er février 2004.

En matière de coopération technique, le poste a engagé des actions avec l'Agence de la fonction publique, partenaire de l'Ecole nationale d'administration, pour la formation des fonctionnaires de l'État central, et l'Agence pour l'intégration européenne apporte son concours à la création de deux instituts de formation des juges et procureurs, finance un « paquet » de projets d'appui institutionnel aux services de police centraux, des deux Entités et du district de Brcko (3), pour les rapprocher des standards européens.

La défense du patrimoine est un autre champ d'intervention, avec une formation de techniciens de la conservation et de la restauration du patrimoine et des actions mises en œuvre à Mostar, ville-symbole, où la France est le seul pays étranger à avoir une présence culturelle.

Pour ce qui est de la coopération linguistique, éducative et universitaire, l'enseignement du français, autrefois langue de culture et des élites, a connu une érosion considérable. Un plan offensif linguistique dénommé « Educ-action » a été lancé par le poste en 2004. Des universités françaises tissent des relations à travers des programmes Tempus avec les sept universités bosniennes mais il n'y a pas encore de partenariat universitaire reconnu. Il y avait quarante-cinq boursiers bosniens en France en 2002 et cent quarante-quatre étudiants inscrits dans des universités françaises en 2002-2003.

En matière audiovisuelle, le projet Media Plan a bénéficié du premier Fonds de solidarité prioritaire pour la région des Balkans. Il s'appuie sur l'école régionale de journalisme de Sarajevo qui a déjà formé plus de 150 étudiants et accueille des formateurs de plusieurs pays de la zone.

C - Des relations économiques à développer

La situation économique de la Bosnie-Herzégovine est encore délicate, mais elle développe ses échanges commerciaux, principalement avec l'Union européenne, et attire des investisseurs étrangers, parmi lesquels peu de Français.

1) Une situation économique intérieure difficile

La Bosnie-Herzégovine a connu, en 2003, une croissance modérée de 3,5 % du fait du tassement de la demande intérieure. Ce chiffre doit, toutefois être relativisé par l'existence d'une économie grise estimée par le Fonds monétaire international à 40 % du produit intérieur brut officiel. En 2004-2005, la croissance pourrait être repartie, grâce à un environnement extérieur favorable, pour atteindre 4 à 4,5 %, ce qui reste insuffisant pour permettre à ce pays de combler son retard. Le PIB par habitant est passé de 1 466 dollars américains, en 2002, à 1 818 dollars américains, en 2003.

La production industrielle a baissé entre 2002 et 2003, avant que s'amorce une nette reprise au premier trimestre 2004.

L'exercice budgétaire de 2003 s'est achevé avec un léger excédent de 0,4 %. La Bosnie-Herzégovine est passée d'un déficit de 7,8 % du PIB en 1999 à un budget équilibré. L'aide étrangère devient moins importante. Elle représentait 19,6 % du PIB en 1998 et n'était plus que de 6,9 % en 2002.

La monnaie conserve sa stabilité grâce une conformité très rigoureuse de la Banque centrale aux règles de la caisse d'émission. Le taux d'inflation n'a été que de 0,6 % pour l'ensemble du pays en 2003 et de l'ordre de 1,5 % en 2004.

Le flux des investissements directs étrangers a progressé moins vite en 2003 qu'en 2002. Leur montant cumulé était, fin 2003, de 1,7 milliard de dollars américains. La part de l'Union européenne dans ces investissements est de 85 %. Au premier trimestre 2004, le flux d'investissements a été de 289 millions d'euros, soit 17 % du total des investissements. Cette progression résulte, principalement, de l'investissement lituanien dans l'usine d'aluminium de Birac (232 millions d'euros). Les investissements privés, qui ne représentaient que 9,6 % du PIB, en 2001, ont atteint 15,5 % du PIB en 2003.

Le déficit de la balance des paiements courants s'est creusé en 2003 et atteint 1,23 milliard de dollars américains, soit 17,4 % du PIB. La balance commerciale, fortement déficitaire, demeure la principale cause du déficit de la balance des paiements. Globalement, la situation s'assainie avec une forte croissance des exportations, une plus grande diversification et une part accrue des produits à plus forte valeur ajoutée. Quant aux importations, elles sont davantage contrôlées, avec une réduction de la part des biens de consommation et une augmentation de celle des biens d'équipements. En 2003, les exportations se sont élevées à 1,155 milliard d'euros (+ 35 %) et les importations à 3,803 milliards d'euros (+ 23 %). Le déficit commercial était de 2,648 milliards d'euros et le taux de couverture n'a pas dépassé les 30 %, en légère amélioration, toutefois, par rapport à 2002 (27 %). Les principaux partenaires commerciaux étaient, en 2001, l'Italie, la Croatie, la Slovénie, l'Allemagne et la Serbie-Monténégro, essentiellement partenaire de la Republika Srpska. L'Union européenne représente 48 % des importations et 40% des exportations de la Bosnie-Herzégovine.

2) La modeste place de la France parmi les partenaires économiques de la Bosnie-Herzégovine

Si l'Union européenne est le principal client et le premier fournisseur de la Bosnie-Herzégovine, la France n'est qu'un partenaire économique très modeste de ce pays.

Le volume des échanges bilatéraux reste faible. La Bosnie-Herzégovine occupe encore une place marginale dans le commerce extérieur français : elle est notre 124ème client et notre 104ème fournisseur.

Nos exportations (55 millions d'euros en 2003) sont peu diversifiées et consistent surtout en biens de consommation, automobiles, huiles essentielles et produits chimiques industriels, tandis que nos importations (80,2 millions d'euros) portent pour l'essentiel sur des matières premières, housses pour sièges automobiles, chaises en bois et articles d'habillement.

Selon les statistiques de l'Agence bosnienne de promotion des investissements, les investissements français en Bosnie-Herzégovine s'élevaient, au 31 décembre 2002, à 4,2 millions d'euros, ce qui représente moins de 0,5 % du total des investissements directs étrangers dans le pays.

Hormis quelques petits investissements au cours de la période 1996-1998 (distribution, boulangeries, petites unités de production, services), le seul investisseur français significatif est Intermarché qui a ouvert, en 1999, une grande surface de 4 000 mètres carrés à Sarajevo représentant un investissement estimé à 6 millions d'euros. Des succursales ont été ouvertes à Tuzla en 2001, puis à Banja Luka, ce qui porte entre 10 et 12 millions d'euros l'investissement de ce groupe en Bosnie-Herzégovine.

Deux bureaux de représentation d'Aventis Pharma et de l'Oréal sont implantés à Sarajevo et une vingtaine de sociétés françaises est représentée par des agents ou des distributeurs. Ces implantations à vocation purement commerciale ne représentent, toutefois, qu'un investissement limité. On peut également signaler la participation de 30 % de Technip dans la société Petrolinvest, une ingénierie de Sarajevo spécialisée dans les secteurs du gaz, du pétrole et de la chimie.

L'ensemble des implantations françaises en Bosnie-Herzégovine représente près de 200 emplois directs. Les travaux confiés en sous-traitance (confection, transformation du bois, pièces mécaniques) dans ce pays sont en augmentation et créent indirectement des emplois.

Les quelques tentatives françaises d'investissements dans le cadre d'appels d'offres pour la reprise d'entreprises en cours de privatisation ont échoué.

II - L'ACCORD VISE À FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT DES INVESTISSEMENTS, GRÂCE À UN DISPOSITIF CLASSIQUE

La France et la République socialiste fédérative de Yougoslavie étaient liées par la convention sur la protection des investissements signée à Paris le 28 mars 1974. La Bosnie-Herzégovine a refusé de se déclarer successeur de l'Etat yougoslave dans ce domaine, contrairement à ce qui s'est passé pour une série d'autres conventions, notamment en matière de sécurité sociale, d'entraide judiciaire pénale, de procédure civile, d'extradition ou de doubles impositions (4), si bien que les investissements ne bénéficient plus de la protection qui leur était accordée auparavant. Négocier un nouvel accord était donc nécessaire.

A - Le champ d'application de l'accord

L'article 1er pose un certain nombre de définitions. Celle du terme « investissements » est très large : il s'agit de « tous les avoirs, tels que biens, droits et intérêts de toute nature ». Plusieurs formes d'investissements sont citées à titre d'exemple, et de manière non exclusive.

Il est précisé que les dispositions de l'accord s'appliqueront à tous les investissements réciproques, qu'ils aient été réalisés avant ou après son entrée en vigueur, mais pas à des événements ou litiges survenus avant celle-ci, dans un souci de sécurité juridique minimale.

Les investisseurs concernés par l'accord peuvent être des personnes physiques ou morales. Du côté français, tous les ressortissants sont visés ; les ressortissants de Bosnie-Herzégovine doivent en revanche avoir soit leur résidence principale, soit leur principal établissement commercial dans le pays. Pour ce qui est des personnes morales, elles doivent être constituées sur le territoire français et y posséder leur siège social, ou bien être contrôlées par des Français ou par des personnes morales constituées sur le territoire français et y possédant leur siège social. Les personnes morales seulement contrôlées par des personnes morales bosniennes ne bénéficient en revanche pas des protections de l'accord : celles-ci ne concernent que les personnes morales constituées conformément à la législation de Bosnie-Herzégovine et qui ont leur siège social, leur administration centrale ou leur principal établissement commercial sur son territoire.

La définition du revenu d'investissement est la plus large possible, et englobe le revenu du réinvestissement ; ces revenus bénéficient des mêmes protections que les investissements eux-mêmes.

L'article 1er définit enfin le champ géographique de l'accord : il comprend le territoire de chaque partie, mais aussi sa zone maritime. Pour ce qui est de la Bosnie-Herzégovine, sont aussi mentionnés les fonds marins et leur sous-sol, ainsi que l'espace aérien au-dessus. La zone maritime de la Bosnie-Herzégovine est en fait très limitée puisque son accès à la mer est assuré par le seul canal de Neum, large de 7 kilomètres, et devant lequel se trouve la presqu'île croate de Peljesac.

L'article 2 de l'accord précise qu'il s'applique au territoire de chaque partie contractante, sous la responsabilité de celle-ci. Ainsi, l'Etat de Bosnie-Herzégovine est responsable du respect de ses dispositions par les Entités qui la constituent (5), tout comme la France doit être garante de son application par ses collectivités territoriales.

Par ailleurs, conformément à sa pratique en la matière, la France a obtenu que l'accord n'empêche pas les parties de prendre des mesures de nature à préserver et à encourager la diversité culturelle et linguistique. Cette clause figure aussi dans les accords du même type conclus avec l'Iran, la Libye, le Mozambique, le Mexique, l'Ouganda et Madagascar. Elle autorise la France à protéger et promouvoir les productions artistiques de langue française, notamment dans le domaine de l'audiovisuel, au détriment, le cas échéant, d'investisseurs d'un pays tiers, la réciproque valant naturellement dans l'autre partie contractante. Mais il ne s'agit nullement de contraindre une partie à prendre des mesures internes visant à favoriser la diversité culturelle.

B - Une protection classique visant à encourager les investissements réciproques

Dès son préambule, l'accord indique ses deux objectifs : renforcer la coopération économique entre les parties et créer des conditions favorables aux investissements réciproques. Ces derniers devraient « stimuler les transferts de capitaux et de technologie entre les deux parties contractantes, dans l'intérêt de leur développement économique ».

L'article 3 pose les principes généraux d'admission et d'encouragement par une partie des investissements effectués par les investisseurs de l'autre partie. Ces principes sont mis en œuvre « dans le cadre de sa législation et des dispositions du présent accord ».

Ces dispositions sont de plusieurs ordres :

- les investissements de l'autre partie bénéficieront d'un traitement « juste et équitable », conforme au droit international, et l'Etat sur le territoire duquel l'investissement est réalisé devra faire en sorte que ce traitement ne soit entravé ni en droit ni de fait ; un certain nombre de restrictions et d'entraves est cité pour illustrer ce point ;

- toute mesure discriminatoire susceptible de gêner les investisseurs de l'autre partie est interdite ;

- chaque partie examinera avec bienveillance les demandes d'entrée et de séjour sur son territoire de nationaux de l'autre partie, dans le cadre d'un investissement (article 4) ;

- les investisseurs de l'autre Etat ne pourront être traités moins favorablement que ceux de l'Etat où il investit, ou moins favorablement que les investisseurs de la Nation la plus favorisée, si le traitement réservé à ceux-ci est plus favorable ; des exceptions sont néanmoins prévues pour les avantages résultant d'accords économiques régionaux, tels que l'Union européenne pour la France, ainsi que pour les questions fiscales (article 5) ;

- l'Etat partie dans lequel l'investissement est réalisé assure la protection et la sécurité de celui-ci ; il ne peut y avoir d'expropriation que sous plusieurs conditions : l'existence d'une cause d'utilité publique liée à des exigences internes, le respect de la procédure légale requise, et l'absence de toute discrimination ou contradiction avec un engagement particulier ; l'expropriation éventuelle doit donner lieu au paiement d'une indemnité « prompte, adéquate et effective » calculée et versée selon les modalités prévues par l'accord ;

- le traitement national ou celui de la Nation la plus favorisée doit être accordé à tout investisseur de l'autre partie, victime de pertes dues à la guerre ou à tout autre conflit armé (article 6) ;

- le libre transfert des diverses formes de revenus que peut engendrer l'investissement est assuré, sauf circonstances exceptionnelles exigeant des mesures de sauvegarde, ces dernières étant limitées à une durée de six mois (article 7).

Certaines des ces dispositions figuraient déjà, sous une forme voisine, dans la convention de 1974 entre la France et la Yougoslavie : c'est le cas du traitement de la Nation la plus favorisée (article 4 de la convention, qui ne prévoyait pas le traitement national), de l'expropriation et de sa juste indemnisation (articles 5 de la convention), du libre transfert du produit des investissements (article 6 de la convention).

L'article 9 de l'accord prévoit la subrogation de l'Etat, qui aurait accordé sa garantie à un investisseur, dans les droits de celui-ci, si la garantie a été utilisée. Il permettra à la France, conformément à l'article 26 de la loi de finances rectificative pour 1971 (6), d'accorder par l'intermédiaire de la COFACE des garanties aux investisseurs français pour leurs opérations en Bosnie-Herzégovine.

Enfin, l'article 10 autorise, sans préjudice des dispositions de l'accord, que les investissements d'une partie puissent faire l'objet d'un engagement particulier plus favorable de la part de l'autre partie.

C - Un mode traditionnel de règlement des conflits

Le mode de règlement des conflits prévu par le présent accord s'inspire aussi des dispositions de la convention de 1974. La principale évolution repose sur la distinction entre les différends opposant un investisseur et une partie contractante et ceux entre les parties contractantes.

Dans le premier cas, qui n'était pas explicitement traité par la convention de 1974, l'article 8 de l'accord prévoit d'abord un règlement à l'amiable ; si celui-ci n'a pu être obtenu dans un délai de six mois, plusieurs options sont envisageables. L'investisseur concerné peut, selon sa préférence, soit saisir la juridiction judiciaire ou administrative compétente dans le pays où l'investissement a été réalisé, soit soumettre le différend à l'arbitrage du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). L'un ou l'autre des Etats parties à l'accord peut aussi demander l'arbitrage du CIRDI. Le recours à cet arbitrage suppose le consentement sans condition de toute collectivité publique dont la responsabilité pourrait être mise en cause.

Le règlement des différends opposant les parties contractantes sur l'interprétation ou l'application de l'accord est quant à lui l'objet de l'article 11, qui reprend l'essentiel des mécanismes de l'article 8 de la convention de 1974. La voie diplomatique a la priorité ; si elle n'a pas permis de régler le différend dans un délai de six mois, celui-ci peut être soumis, à la demande de l'une ou l'autre partie, à un tribunal d'arbitrage, dont les modalités de désignation des membres sont précisées. Si la constitution de ce tribunal de trois membres n'est pas réalisée en suivant ces prescriptions, l'intervention du secrétaire général des Nations unies peut être demandée. En 1974, il pouvait être fait appel au président de la Cour internationale de justice (7). Prises à la majorité des voix, les décisions du tribunal d'arbitrage sont définitives et exécutoires de plein droit.

L'article 12 prévoit en outre que, en cas de désaccord sur l'application de l'accord, les parties engagent des consultations sans tarder.

CONCLUSION

Cet accord, de facture classique, devrait permettre de relancer les investissements français en Bosnie-Herzégovine, qui sont encore peu développés, en assurant leur protection juridique.

Votre Rapporteur vous recommande d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 29 juin 2005.

Après l'exposé du Rapporteur, M. Jacques Remiller a indiqué qu'il avait reçu, la semaine dernière, dans sa circonscription, une délégation de parlementaires de Bosnie-Herzégovine, qu'il avait présenté à des entrepreneurs français. Ces parlementaires souhaitent un développement des investissements français dans leur pays. Pourquoi sont-ils encore si rares ?

M. René André, Rapporteur, a estimé que notre pays était plus efficace pour tisser des liens politiques ou culturels que pour nouer des relations économiques denses, et que ce phénomène n'était pas particulier à la Bosnie-Herzégovine. Au Kosovo, le constat est le même : d'une part les Français y sont très respectueux des règles du commerce international, d'autre part les Hauts représentants français ont toujours été remarquablement neutres, alors que cela n'a pas été systématiquement le cas de leurs homologues d'autres nationalités, ce qui est d'ailleurs regrettable. Les Etats-Unis sont incontestablement mieux organisés que la France pour assurer l'implantation de leurs entreprises à l'étranger.

Hormis quelques petits investissements au cours de la période 1996-1998 (distribution, boulangeries, petites unités de production, services), le seul investisseur français significatif est Intermarché qui a ouvert, en 1999, une grande surface de 4 000 mètres carrés à Sarajevo représentant un investissement estimé à 6 millions d'euros. L'ouverture de deux succursales a ensuite porté à 10 à 12 millions d'euros l'investissement de ce groupe en Bosnie-Herzégovine.

Le Président Edouard Balladur a demandé combien d'habitants comptait la Bosnie-Herzégovine et comment fonctionnait la structure fédérale.

M. René André, Rapporteur, a précisé que la population de Bosnie-Herzégovine atteignait environ 4 millions d'habitants et que le fonctionnement des institutions devait beaucoup au rôle éminent du Haut Représentant, qui est en quelque sorte le gouverneur de cet Etat.

Il est regrettable que la France, contrairement à l'Allemagne et aux Etats-Unis, fasse aujourd'hui peu entendre sa voix sur les questions qui touchent les Balkans de l'Ouest, alors que le Monténégro aspire à se retirer de la fédération qui l'unit à la Serbie et que le statut du Kosovo doit évoluer prochainement.

M. Jean-Paul Bacquet a estimé que les incertitudes sur la viabilité de l'Etat de Bosnie-Herzégovine n'étaient guère susceptibles d'encourager les investissements de long terme.

M. François Loncle a reconnu que l'Etat était fragile, mais qu'une conscience nationale commençait à voir le jour, notamment en réaction aux tentatives d'ingérence des pays voisins.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n2176).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (n° 2176).

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n° 2416 - Rapport sur le projet de loi, adopté par le sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et la Bosnie-Herzégovine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (René André)

1 () Il s'agissait de la division multinationale sud-est, comprenant Sarajevo, Gorazde et Mostar.

2 () Si l'institution du Haut Représentant était prévue dans l'accord de Dayton, ses pouvoirs ont été précisés à la conférence de Bonn des 9 et 10 décembre 1997. Il peut imposer des lois ou la modification de lois existantes, suspendre ou destituer des personnes, sanctionner des partis politiques. Il continue à jouer un rôle essentiel au fonctionnement des institutions de Bosnie-Herzégovine.

3 () L'Etat de Bosnie-Herzégovine est composé des deux Entités et du corridor de Brcko, situé au nord-est du pays, entre les deux parties de la République Sprska, et qui constitue un district autonome directement rattaché à l'Etat central depuis une décision du tribunal arbitral ad hoc, en 2000.

4 () Le maintien en vigueur de ces conventions a été réalisé par un accord par échange de lettres entre la France et la Bosnie-Herzégovine relatif à la succession des traités bilatéraux conclus entre la France et la République socialiste fédérative de Yougoslavie, signé à Sarajevo le 3 décembre 2003.

5 () Les deux Entités de Bosnie-Herzégovine sont la République Srpska et la Fédération de Bosnie-Herzégovine, bosno-croate, elle-même composée de dix cantons. L'échelon central est chargé des compétences liées à la personnalité juridique internationale (politique et commerce extérieurs, politique monétaire, immigration, défense, justice inter-entité...), tandis que les autres compétences non expressément dévolues à l'échelon central sont du ressort des Entités.

6 () Loi n° 71-1025 du 24 décembre 1971.

7 () La Cour internationale de justice, qui siège à La Haye, est l'organe judiciaire principal de l'ONU.


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