N° 2444 - Rapport de M. Jacques Remiller sur le projet de loi , adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n°2177)




Document

mis en distribution

le 13 juillet 2005

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N° 2444

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 juillet 2005.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements,

PAR M. JACQUES REMILLER,

Député

--

Voir les numéros :

Sénat : 123, 200 et T.A. 83 (2004-2005)

Assemblée nationale : 2177

INTRODUCTION 5

I - LA LIBYE : UNE PROSPÉRITÉ FONDÉE SUR L'EXPLOITATION DU PÉTROLE,      UNE POLITIQUE D'OUVERTURE ÉCONOMIQUE 7

A. UN PAYS RICHE GRÂCE À L'EXPLOITATION DU PÉTROLE 7

B. UNE POLITIQUE D'OUVERTURE ÉCONOMIQUE 8

II - L'AMÉLIORATION DES RELATIONS ENTRE LA FRANCE ET LA LIBYE :
     UN PROCESSUS POLITIQUE, DES PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES
11

A. DES RELATIONS FRANCO-LIBYENNES LONGTEMPS DIFFICILES 11

B. VERS DES RELATIONS PLUS CONFIANTES 12

C. UNE PRÉSENCE ÉCONOMIQUE FRANÇAISE EN LIBYE ENCORE TROP INSUFFISANTE 13

III - UN ACCORD CLASSIQUE SUR L'ENCOURAGEMENT ET LA PROTECTION       RÉCIPROQUES DES INVESTISSEMENTS 17

A. UN CADRE NÉCESSAIRE POUR PROTÉGER LES INVESTISSEMENTS 17

B. UN ACCORD CLASSIQUE 17

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

Mesdames, Messieurs,

En 2003, la Libye est sortie de l'isolement diplomatique qu'elle connaissait depuis plus de dix ans. Le 12 septembre de cette année, après s'est déclaré satisfait de l'acceptation par la Libye du paiement d'une indemnité appropriée et de sa renonciation au terrorisme, le Conseil de sécurité de l'ONU a, en effet, levé les sanctions qui avaient été infligées à ce pays par la résolution 748 du 31 mars 1992, après la destruction, en 1988, de l'appareil de la compagnie Pan Am au-dessus de Lockerbie en Ecosse, et celle, en 1989, du DC 10 de la compagnie UTA, au-dessus du Niger faisant 170 victimes. La France et les Etats-Unis se sont abstenus lors de ce vote du Conseil de Sécurité, s'interrogeant encore sur le respect des droits de l'homme dans ce pays.

En décembre de la même année, M. Mouammar Kadhafi a également décidé de manière spectaculaire de renoncer officiellement aux armes de destruction massive alors que, quelques mois plus tard, en mars 2004, la Libye signait le protocole additionnel au Traité de non prolifération autorisant des visites inopinées des inspecteurs de l'ONU. Ces décisions ont constitué une heureuse surprise pour la communauté internationale, et plus particulièrement pour les pays occidentaux qui connaissaient des relations tendues avec la Libye.

Dès lors, une évolution des relations entre ces pays et la Libye a pu être engagée. Les pays européens au premier rang desquels la France mais aussi l'Italie, l'Espagne ou le Royaume-Uni ont entrepris un rapprochement par des visites comme celle en 2004 de M. José Maria Aznar, président du Gouvernement espagnol, suivi de près par celle de M. Tony Blair, Premier ministre britannique. Le Président Chirac s'est lui-même rendu dans ce pays en novembre 2004, ce déplacement ayant été considéré comme le symbole de ce processus de normalisation des relations entre la France et la Libye. A cette occasion, l'Elysée a fait savoir que cette visite visait à « ouvrir un nouveau chapitre dans les relations avec la Libye, un grand pays maghrébin, méditerranéen et africain ».

C'est dans ce nouveau climat, que la France a signé à Paris, le 19 avril 2004, avec la Grande Jamahiriya libyenne populaire et socialiste un accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements. L'Assemblée nationale est aujourd'hui saisie d'un projet de loi adopté par le Sénat en première lecture le 22 mars 2005 autorisant l'approbation de cet accord qui présente un intérêt évident pour nos entreprises attirées par une économie libyenne prospère grâce à la rente pétrolière et encouragées à investir dans ce pays en raison du contexte politique plus favorable qui se fait jour.

I - LA LIBYE : UNE PROSPÉRITÉ FONDÉE
SUR L'EXPLOITATION DU PÉTROLE,
UNE POLITIQUE D'OUVERTURE ÉCONOMIQUE

A. Un pays riche grâce à l'exploitation du pétrole

La Libye est un pays de rente dont l'économie repose presque exclusivement sur l'exploitation pétrolière. Ainsi, la production de pétrole constitue pour ce pays une manne constante. Elle a sensiblement progressé en 2004 passant à plus de 1,4 millions de barils par jour (M b/j) alors que le quota décidé par l'OPEP a été fixé en août 2004 à 1,39 M b/j.

La population de la Libye est faible - 5,8 millions d'habitants - au regard de celle de ses voisins maghrébins comme le Maroc qui compte plus de 30 millions d'habitants, l'Algérie, près de 32 millions, et la Tunisie qui approche les 10 millions d'habitants. De fait, la Libye est l'un des pays les plus riches d'Afrique avec un produit intérieur brut par habitant de 3 600 dollars. Le Fonds monétaire international (FMI) a d'ailleurs constaté, dans son rapport pour 2003, la grande qualité des fondamentaux de l'économie libyenne. La croissance de son PIB - qui atteint 21 milliards de dollars - a été de 5,6 % en 2003, 3,9 % en 2004 et 4,3 % en 2005. Cette période de croissance, qui a suivi une quasi stagnation du PIB en 2001 et 2002, permet la compensation de l'accroissement annuel de la population de l'ordre de 3 % et l'absorption des nouveaux travailleurs dont le rythme annuel de croissance est de 3,5 à 4 %.

La situation des finances publiques du pays est saine puisque l'excédent budgétaire a été porté récemment à 11,8 % du PIB. Le niveau des réserves monétaires en croissance de 37 % sur l'année a, quant à lui, atteint un record à la fin de 2003 avec 19,6 milliards de dollars, ce qui correspond à trente deux mois d'importations. Le montant de la dette extérieure est faible et représenterait de 4 à 5 milliards de dollars.

Autre signe de prospérité, le commerce extérieur de la Libye est structurellement excédentaire en raison de la rente pétrolière, matière première dont les cours se sont envolés dernièrement. Les exportations libyennes auraient été de 11,9 milliards de dollars en 2003 et les importations de 6,8 milliards de dollars. De la sorte un solde positif de la balance des paiements a pu être dégagé à hauteur de 3,3 milliards de dollars, soit 23,9 % du PIB.

Toutefois, la Libye entend aller plus loin dans le développement de son économie alors que celle-ci reste encore très largement dirigée ; l'Etat administre les prix, les salaires, le crédit, les taux, et contrôle ainsi plus de 70 % du PIB.

En outre, on peut constater que la population libyenne vit dans un système d'assistanat financé par la rente pétrolière ; les logements y sont gratuits ainsi que de nombreux services. Si la Libye entend s'ouvrir véritablement à l'économie de marché comme le souhaitent publiquement ses dirigeants, il faudra motiver la population et améliorer sa formation afin de la préparer à la diversification économique alors que, aujourd'hui, de nombreux postes d'encadrement sont détenus par des expatriés.

B. Une politique d'ouverture économique

La politique d'ouverture et de diversification de l'économie libyenne est sans doute une nécessité. Tout d'abord, le pays est très dépendant des cours du pétrole. La baisse du prix de cette matière première dans les années quatre-vingt dix a entraîné de sérieuse difficultés en Libye avec une montée du chômage qui a atteint 30 % de la population à la fin de la décennie. Ensuite, le mauvais état des infrastructures qui sont, par ailleurs, peu développées, nuit à l'exploitation du pétrole dont nous n'avons pas besoin de souligner le caractère stratégique pour la Libye. Rappelons simplement que certains experts évaluent les réserves en hydrocarbures dans les grands bassins d'exploitation comme Syrte, Mourzouq, Ghadamès ou Koufra à 220 milliards de barils. L'extraction et le transport de ce pétrole ne doivent pas être limités par des infrastructures déficientes.

C'est pourquoi le Premier ministre libyen, M. Choukri Ghanem, a engagé une politique de libéralisation de l'économie et la privatisation partielle du secteur public depuis 2003. De nombreuses mesures ont été décidées dont l'application effective prendra sans doute du temps. Au Congrès général du peuple de mars 2004, le Premier ministre avait annoncé une série de mesures parmi lesquelles une simplification des procédures d'enregistrement des sociétés étrangères, une plus grande incitation au recrutement et à la formation de personnel libyen, un plafonnement des impôts sur les sociétés et les personnes physiques, la réforme du droit de propriété et des cessions d'actifs ainsi que la privatisation de trois cent soixante sociétés d'État avant la création à moyen terme par la Banque centrale d'une bourse des valeurs. On le voit, le programme de réformes est ambitieux.

La privatisation d'une centaine de petites entreprises a déjà été réalisée au plan local. Le secteur du ciment est actuellement en cours de privatisation auprès d'entreprises étrangères et devrait être suivi par le secteur agro-alimentaire. Toutefois, aujourd'hui les investissements étrangers restent très limités, en dehors du secteur pétrolier.

Dans ce champ de réformes, l'essentiel demeure la modernisation de l'exploration pétrolière pour laquelle de nouveaux investissements sont nécessaires afin de maintenir et développer la production que le Premier ministre libyen évalue à 30 milliards de dollars jusqu'en 2010. La première attribution aux enchères publiques de quinze champs d'exploration d'hydrocarbures a été lancée avec succès en septembre 2004, permettant une reprise sensible des investissements en 2005.

Ce plan de modernisation doit toucher aussi les infrastructures comme le réseau de lignes à très haute tension, l'établissement de réseaux téléphoniques fixes et mobiles, les transports aériens ...

Ces réformes de l'administration préconisées instamment par le FMI sont actuellement en cours, la Libye ayant accepté certaines prescriptions émanant du Fonds comme le contrôle des institutions financières et du crédit, la suppression progressive des exemptions de taxes aux entreprises d'État et des subventions aux articles de première nécessité et l'abaissement progressif des barrières douanières et tarifaires. Une nouvelle mission du FMI s'est déroulée en août 2004 au cours de laquelle le Premier ministre libyen a demandé l'aide des experts de l'institution afin de réformer son administration ainsi que le secteur bancaire.

La Libye est donc lancée dans une phase d'ouverture de son économie et les entreprises occidentales, au premier rang desquelles celles de notre pays, devraient prendre toute leur part à ce processus. L'amélioration sensible des relations entre la France et la Libye laisse présager une coopération économique fructueuse pour nos deux pays.

II - L'AMÉLIORATION DES RELATIONS
ENTRE LA FRANCE ET LA LIBYE : UN PROCESSUS POLITIQUE,
DES PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES

A. Des relations franco-libyennes longtemps difficiles

Les relations entre la France et la Libye ont été longtemps extrêmement tendues : chacun s'en souvient. Alors même qu'elles avaient débuté sous de meilleurs auspices après la prise de pouvoir par le colonel Kadhafi en 1969.

Ce furent notamment les interventions de la Libye au Tchad dans les années quatre-vingts qui dégradèrent considérablement les liens entre les deux pays. La Libye revendiquait la bande d'Aouzou, riche en uranium et en manganèse. En 1983, les troupes libyennes engagées dans une offensive furent arrêtées par l'armée française - c'est l'opération Manta - alors même qu'elles menaçaient la capitale tchadienne, N'Djamena.

Parallèlement, la Libye mena une politique de plus en plus radicale et anti-occidentale, marquée par un soutien actif à des organisations terroristes. L'ambassade américaine à Tripoli est mise à sac en 1979. Deux avions libyens sont abattus par la chasse américaine en 1981 dans le Golfe de Syrte que le colonel Kadhafi revendique comme faisant partie du périmètre territorial de la Libye. En 1985 et 1986, une série d'attentats à Rome, Vienne ou Paris ou le détournement d'un paquebot italien sont imputés au régime libyen. Cette dernière année de nouveaux affrontements opposent la marine américaine aux forces libyennes et le Président Reagan décide de faire bombarder Tripoli et plusieurs objectifs militaires considérés comme des sites terroristes.

Deux années plus tard la Libye fut à nouveau mise en accusation par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France. Ce pays fut considéré comme responsable de deux attentats contre des avions de ligne : l'un américain de la compagnie Pan Am qui explosa, en 1988, au-dessus de la localité de Lockerbie, en Ecosse, et l'autre français de la compagnie UTA qui s'écrasa dans le Ténéré au Niger l'année suivante. Des ressortissants libyens furent mis en cause par la justice française et britannique. La Libye refusa cependant de les livrer.

En 1992, par sa résolution 748, le Conseil de sécurité de l'ONU décida de sanctionner la Libye, élargissant l'embargo décidé unilatéralement par les Etats-Unis en 1986. Ces interdictions portaient sur les vols aériens, les achats d'armes, les représentations à l'étranger, le déplacement de certains ressortissants libyens et certains avoirs financiers.

Comme nous l'avons rappelé, il a fallu plus de dix ans avant que les relations avec les pays occidentaux soient renouées, après le règlement de la question des attentats perpétrés contre les avions de la Pan Am et d'UTA. Un accord privé a été signé entre les familles des victimes de l'attentat contre l'avion français et la Fondation Kadhafi le 9 janvier 2004, dans le cadre d'un mouvement plus général de réintégration de la Libye dans le concert des nations que nous avons évoqué en introduction. La voie a été ainsi ouverte à une nouvelle phase dans les relations franco-libyennes.

B. Vers des relations plus confiantes

Le jour même de la signature de cet accord entre les victimes de l'attentat contre le DC10 d'UTA et la Fondation Kadhafi, le Ministre libyen des Affaires étrangères, dont le titre officiel est Secrétaire du Comité populaire général de liaison extérieure et de coopération internationale de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste - M. Abdurrahaman Chalgham - a signé une déclaration conjointe avec le Ministre des Affaires étrangères, M. Dominique de Villepin. Dans cette déclaration, les autorités des deux pays se sont réjouies de la signature de l'accord d'indemnisation et ont confirmé que la France, qui a des relations anciennes et profondes avec la Libye, était prête à accompagner ce pays dans son effort de modernisation et de réforme en profondeur de son système économique afin de faciliter son insertion dans la communauté internationale.

Dans les mois qui ont suivi, plusieurs accords ont été signés entre les deux pays : un accord de coopération universitaire destiné à faciliter l'accueil des étudiants libyens en France, notamment par l'octroi de bourses ; un accord de coopération culturelle, scientifique et technique qui devrait permettre la création d'un centre culturel libyen à Paris ; un accord cadre dans le domaine du tourisme ; un accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements dont nous sommes saisis aujourd'hui. Des négociations sont actuellement en cours afin de poursuivre également la coopération dans des domaines comme la santé, l'environnement, les transports ou l'énergie.

Le Ministre délégué au Commerce extérieur, à l'époque M. François Loos, s'est pour sa part, rendu en Libye du 5 au 8 mars 2004, accompagné de plus de soixante dix chefs d'entreprises françaises. Cette visite a permis de manifester le soutien de la France aux réformes politiques et économiques menées par le Premier ministre libyen, M. Ghanem. Le Premier ministre libyen a effectué une visite officielle en France, la première dans un pays occidental, du 19 au 21 avril 2004. A cette occasion, ont été signés les différents accords évoqués précédemment.

Surtout la relance de nos relations a été consacrée par la visite officielle en Libye du Président de la République les 24 et 25 novembre 2004. A l'occasion de cette visite, la France a convenu avec les autorités libyennes d'établir un dialogue politique et stratégique bilatéral sur des sujets d'intérêt commun : les crises et le développement en Afrique, la sécurité en Méditerranée, le Maghreb et les relations Union européenne/Libye.

L'heure est désormais à une coopération économique accrue au profit de nos deux pays.

C. Une présence économique française en Libye encore trop insuffisante

Les relations commerciales entre la France et la Libye sont marquées par un constant déficit et des fluctuations perpétuelles. En effet, nos importations sont, pour 95 % d'entre elles, des hydrocarbures dont les prix varient au gré des cours mondiaux. Ces hydrocarbures libyens constituent 2,5 % de notre approvisionnement global. De l'autre côté, les exportations françaises sont essentiellement fonction de l'attribution de grands contrats à nos entreprises.

La Libye demeure un partenaire modeste pour notre pays. En 2003, elle était notre 76e client et notre 45e fournisseur, représentant environ 0,1 % de nos exportations et importations, très loin derrière les autres pays du Maghreb, dont nous sommes plus proches historiquement.

La France est le cinquième fournisseur de la Libye avec une part de marché de 6,3 % loin derrière l'Italie (21,4 %), l'Allemagne (11,2 %), mais peu après le Japon (7,4 %) et le Royaume-Uni (6,9 %).

Pour la période récente, on constate que notre déficit commercial s'est creusé en raison de l'augmentation des cours du pétrole. En 2001, il était de - 487 millions d'euros, passant en 2002 à - 122 millions d'euros puis en 2003 à - 484 millions d'euros. Notre taux de couverture était ainsi de 35 % en 2001 - ce qui constituait le niveau le plus bas depuis 1991 -, de 70 % en 2002 pour retomber à 36 % en 2003.

Nos exportations évoluent, de leur côté, en fonction de l'attribution de grands contrats et le commerce courant entre la France et la Libye n'occupe qu'une part négligeable. Depuis dix ans, ces exportations ont fluctué entre 200 et 300 millions d'euros.

Les investissements directs des entreprises françaises sont concentrés dans le secteur pétrolier. La présence française en Libye est encore peu développée même si elle tend à se renforcer ces dernières années, tant en termes absolus qu'en termes relatifs.

A la fin de l'année 2001, notre pays détenait de faibles stocks d'IDE (investissements directs étrangers) en Libye, loin derrière les pays de l'UMA (Union du Maghreb arabe) qui totalisent près de 2 milliards d'euros. Néanmoins, le flux d'investissements directs français relevé par la Banque de France en 2002 a été de 138 millions d'euros, figurant au 32e rang des flux sortants. Ces progrès ont été essentiellement réalisés dans le secteur pétrolier et para-pétrolier, et plus particulièrement par la société Total qui apparaît, comme pour l'heure, le seul investisseur français à long terme en Libye. Total produit 60 000 b/j en Libye sur les quelques 1,4 million de barils produits dans ce pays ; cette production de l'entreprise française devrait cependant dépasser 100 000 b/j dans quelques années. Ses investissements directs comme opérateur dans l'exploration et le développement ont été de 100 millions de dollars en 2001, de 150 millions de dollars en 2002 et, semble-t-il, de 170 millions de dollars en 2003. Il est clair que le développement des activités d'une entreprise comme Total est fonction des attributions dont elle pourrait bénéficier pour l'exploration et l'exploitation de gisements. Tous les espoirs sont permis en ce domaine.

Gaz de France a engagé également des investissements conjoints avec la National Oil Company libyenne et l'italien ENI dans le projet de gazoduc qui doit relier les côtes libyennes à la Sicile en 2005. Cette société attend également les nouvelles attributions de licences de prospections gazières avec beaucoup d'intérêt.

Les autres sociétés françaises implantées en Libye ne réalisent pas d'investissements véritablement significatifs dans le pays. Elles sont là encore pour beaucoup présentes dans le secteur pétrolier et parapétrolier. Ainsi à côté de Total, on trouve les sociétés Schlumberger, Forasol, Géoservices, Héli-Union, TDS, Ponticelli. Certaines entreprises françaises interviennent également dans le domaine de l'ingénierie (Technip), de l'électricité, de l'électronique et des télécommunications (Alcatel, Areva, Alstom Power, Schneider Electric (BT), Schneider-Vatech (M&HT), Tredec (Legrand) et Thalès, du BTP (Vinci, Fact-Carrier) et divers autres secteurs (Peugeot, Michelin, SIDEM (pour le dessalement des eaux, PharmaPlus). Dans le contexte de la libéralisation en cours de l'économie libyenne de nombreuses compagnies françaises étudient des investissements conjoints, notamment dans le secteur des services à l'industrie pétrolière et aéronautique.

Ainsi, EADS a négocié, l'an passé, un projet de mémorandum d'accord qui contient deux volets. Le premier porte sur l'aéronautique et comprend la fourniture d'avions à la Libyan Arab Airlines (soit dix Airbus A 320-200 et quatre A 330-200) et à la compagnie Afriqiyah Airways (deux A 320-200 et quatre A 330-200) ainsi que des avions d'affaires d'Airbus corporate jet et des ATR. A côté de ces fournitures d'appareils sont également prévues des prestations de service comme des audits aux compagnies aériennes et la création de centres de formation et de maintenance. Le second volet porte sur la sécurité civile comprenant la livraison d'un hélicoptère d'Eurocopter, d'avions légers ...

La société Vinci Construction est également implantée en Libye. Elle achève ainsi l'une des phases de mise en place du réseau géant d'alimentation en eau fossile du pays pour l'Autorité de la Grande Rivière Artificielle (« Great Man made River Authority »). Ce projet, impressionnant par son ampleur, a pour objectif d'utiliser les réserves d'eau souterraines du Sahara pour alimenter la frange côtière du pays où se concentrent les trois quarts de la population libyenne. Ces réserves d'eau sont gigantesques. Constituées à la fin du néolithique saharien - 2000 ans avant Jésus-Christ - elles représenteraient pour la seule Libye plus de 120 000 milliards de m3 de réserves. Vinci a le projet de poursuivre, dans ce cadre, sa coopération par la signature d'un contrat de supervision technique du programme global d'adduction d'eau avec une société locale partenaire, Al Nahar Construction.

Alcatel a terminé, pour sa part, l'équipement GSM de l'est libyen et Alstom participe à la réhabilitation de centrales électriques et espère obtenir plusieurs contrats de construction en ce domaine.

On constate que les entreprises françaises particulièrement en vue pour la construction d'infrastructures peuvent donc s'implanter durablement en Libye dans les prochaines années.

Symétriquement, rappelons que la Libye a accru le montant d'IDE qu'elle détient en France par un flux de 37 millions d'euros en 2002, ce qui place ce pays au 26e rang des flux reçus. Les stocks d'investissements libyens en France étaient de 75 millions d'euros à la fin de 2001. Les investissements libyens les plus importants sont constitués par la détention de plus de 18 % de l'UBAF (Union des banques arabes françaises) et la propriété de l'immeuble occupé par la Fnac-Étoile à Paris.

Pour s'intensifier les relations économiques entre la France et la Libye ont cependant besoin d'un cadre juridique clair. L'accord dont nous sommes saisis aujourd'hui y pourvoit.

III - UN ACCORD CLASSIQUE SUR L'ENCOURAGEMENT ET LA
PROTECTION RÉCIPROQUES DES INVESTISSEMENTS

A. Un cadre nécessaire pour protéger les investissements

Les entreprises qui entendent investir dans un pays étranger s'exposent à des risques particuliers qui s'ajoutent à ceux inhérents à toute activité économique, comme l'évolution des marchés, des changes, les fluctuations des coûts de production ... Mais elles peuvent ainsi craindre des nationalisations, des traitements discriminatoires pour l'accès aux matières premières, des entraves à la possibilité de rapatrier en France des revenus tirés de l'investissement réalisé dans le pays en cause.

C'est pour parer ces risques que la France signe des accords sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements. La Commission des Affaires étrangères a eu régulièrement à connaître de telles conventions comme l'accord avec la Bosnie-Herzégovine (projet de loi n° 2176 sur le rapport de M. René André) ou avec le Royaume du Bahrein (projet de loi n° 2337 sur le rapport de M. Jean-Claude Guibal).

La signature de tels accords est importante pour les entreprises françaises dans la mesure où, en application des dispositions de l'article 26 de la loi de finances rectificative n° 71-1025 du 24 décembre 1971, elle ouvre ensuite la possibilité pour la COFACE d'octroyer des garanties aux investisseurs.

B. Un accord classique

L'accord dont l'Assemblée nationale est saisie aujourd'hui est d'une facture tout à fait classique. Il a été négocié sur la base du modèle d'accord qu'utilise la France dans ce type de situations.

Après que l'article premier a défini les termes employés dans la convention, l'article 2 prévoit l'encouragement et l'admission réciproque des investissements dans la cadre de la législation de chaque Partie.

L'article 3 fixe le principe selon lequel chaque Partie accorde aux investissements de l'autre Partie un traitement juste et équitable, conformément aux règles du droit international. Cet article prévoit également que les Parties examineront de façon bienveillante, dans le cadre de leur législation, l'entrée sur leur territoire de nationaux de l'autre Partie lorsqu'elle est en lien avec des investissements.

L'article 4 contient les stipulations classiques relatives au traitement des investisseurs provenant de l'autre Partie. Ils ne doivent pas être traités moins favorablement que les investisseurs nationaux et, en vertu du traitement de la nation la plus favorisée, bénéficieront d'un traitement au moins équivalent à celui accordé aux investisseurs étrangers les plus favorisés. Des exceptions sont prévues pour les avantages résultant d'accords économiques régionaux comme celui signé entre la Libye et l'Union européenne.

Le principe de la protection des investissements effectués par les entreprises provenant de l'autre Partie est fixé à l'article 5 de la convention. Les mesures d'expropriation ou de dépossession arbitraires ou discriminatoires sont interdites. Dans le cas d'une expropriation pour des motifs d'utilité publique - hypothèse toujours ouverte - l'accord établit le droit à une indemnité prompte, effective et adéquate et fixe le détail des modalités de calcul de cette indemnité.

L'article 6 prévoit le libre transfert des diverses formes de revenus que peut engendrer l'investissement, sous la seule réserve de déséquilibres exceptionnels de la balance des capitaux d'une des Parties.

Les modalités de règlement des différents entre un investisseur et l'Etat accueillant son investissement sont fixées à l'article 7 de la convention. Si le différend n'a pu être réglé dans les six mois, l'investisseur bénéficie du droit de recours à l'arbitrage, selon son choix, soit d'un tribunal de la Commission des Nations unies pour le droit international commercial, soit de la Chambre de commerce internationale de Paris, soit du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements relevant du Groupe de la Banque mondiale.

L'article 8 prévoit la subrogation de l'Etat qui aurait accordé sa garantie à un investisseur dans les droits de celui-ci.

L'article 9 stipule que, sans préjudice de l'accord, les investisseurs des nationaux de l'autre Partie peuvent faire l'objet d'un engagement particulier plus favorable de la part de la seconde Partie

L'article 10 rappelle le principe classique selon lequel la procédure de règlement des différends entre les Parties pour l'interprétation et l'application du présent accord s'effectue selon la voie diplomatique ou, à défaut, par le recours à un tribunal d'arbitrage, si la voie diplomatique est restée infructueuse pendant au moins six mois.

Enfin, l'article 11 prévoit que le présent accord est applicable aux investissements réalisés avant ou après son entrée en vigueur mais pas à ceux soulevés avant celle-ci ; quant à l'article 12 il contient les stipulations classiques sur l'entrée en vigueur, la dénonciation et la durée d'application de l'accord.

CONCLUSION

La signature de cet accord constitue pour les entreprises françaises une garantie quant à la pérennité de leurs investissements en Libye, pays qui a rejoint enfin la communauté internationale. Dans le cadre d'un dialogue constant et intense entre les deux rives de la Méditerranée, de tels accords bilatéraux sont le gage d'une meilleure coopération et d'un développement harmonieux de nos relations. Après des années de tensions, il est temps de renouer les liens entre la France et la Libye avec confiance mais aussi exigence.

C'est pourquoi il sera proposé d'adopter le projet de loi n° 2177 que la Sénat a voté le 22 mars dernier.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 6 juillet 2005.

Après l'exposé du Rapporteur et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 2177).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (n° 2177).

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N° 2444 - Rapport autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (Jacques Remiller)


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