N° 2732 - Rapport de M. Philippe Armand Martin (Marne) sur la proposition de résolution de M. Philippe-Armand Martin (Marne), rapporteur de la délégation pour l'Union européenne sur la proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et les Etats-Unis sur le commerce du vin (COM [2005] 547 final/n° E3002) (2686)




Document

mis en distribution

le 8 décembre 2005

graphique

N° 2732

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 décembre 2005

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (N° 2686) DE M. PHILIPPE-ARMAND MARTIN, RAPPORTEUR DE LA DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE, sur la proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et les Etats-Unis sur le commerce du vin,

PAR M. PHILIPPE-ARMAND MARTIN,

Député.

--

Voir le numéro : 2685.

INTRODUCTION 5

I.- LES GRANDES LIGNES DE L'ACCORD SUR LE VIN 9

a) La protection des appellations européennes protégées 10

b) L'admission de pratiques œnologiques non autorisées sur le territoire de l'Union européenne 12

c) L'utilisation des mentions traditionnelles européennes 13

d) Les dispositions du protocole spécifique à l'étiquetage 13

II.- LE CONTENU DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION 15

EXAMEN EN COMMISSION 19

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 25

MESDAMES, MESSIEURS,

L'Assemblée nationale est saisie d'une proposition de résolution (n° 2686) présentée par votre rapporteur au nom de la Délégation de l'Assemblée Nationale pour l'Union européenne sur la proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et les Etats-Unis sur le commerce du vin.

Cette décision, qui doit être formellement adoptée lors de la réunion du Conseil des ministres de l'agriculture des 19 et 20 décembre prochains, ne doit pas être prise à la légère. La longueur ainsi que la difficulté des négociations ayant abouti à ce premier accord témoigne de l'importance de ses enjeux économiques. Rappelons à cet égard que les Etats-Unis sont le premier client de l'Union européenne et représentent 40 % du total de ses exportations de vins soit 1,8 milliard d'euros en valeur (dont 812 millions d'euros pour la France). Les Etats-Unis sont de plus un marché en forte croissance, dont la consommation intérieure augmente d'environ 6 % par an, ce qui devrait en faire en 2008 le principal pays de consommation de vin au monde. Or, on ne peut que constater que les parts de marché des producteurs européens diminuent en volume au profit des « pays du Nouveau monde » et singulièrement de l'Australie.

Ainsi, dans la mesure où cet accord devrait effectivement permettre aux vins européens d'avoir accès sans entraves au marché américain et éviter les risques de contentieux au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), en particulier pour la reconnaissance des pratiques œnologiques américaines, il fait aujourd'hui l'unanimité au sein du gouvernement français et devrait être adopté sans heurt par le Conseil de l'Union européenne. Il faut en effet souligner que grâce à l'échange de lettres qui a eu lieu entre la Communauté européenne et les Etats-Unis (1), ces derniers n'appliqueront pas aux vins européens vendus sur le marché américain les nouvelles exigences en matière de certification introduites dans la législation américaine en 2004 (2) ; en contrepartie, l'Europe continuera d'admettre l'importation, sur son territoire, de vins américains produits selon des pratiques qui ne sont pas reconnues par la législation communautaire.

Il n'en demeure pas moins que la nouvelle procédure de certification à laquelle les Etats-Unis acceptent de renoncer n'a été mise au point par eux que dans le dessein de faire pression sur le négociateur communautaire en vue d'une conclusion accélérée des négociations dans un contexte qui leur était favorable. Ainsi, même si l'existence d'un accord paraît de nature à rassurer les acteurs de la filière viticole et en particulier les exportateurs de vins et spiritueux, le contenu peu satisfaisant de celui-ci doit être vigoureusement dénoncé. Votre rapporteur considère en effet que les concessions accordées par la Commission dans le but de parvenir à un accord sont disproportionnées par rapport à l'objectif recherché et placent désormais la Communauté européenne dans une position délicate pour la suite des négociations. En témoigne notamment la reconnaissance par la Communauté européenne, plus ou moins implicite dans l'accord, de l'usurpation de certaines de ses appellations protégées (3), usurpation que les Etats-Unis se sont simplement engagés à « s'efforcer » de supprimer.

On ne peut donc se réjouir de la conclusion de cet accord sans en dénoncer également les faiblesses et tenter de formuler des recommandations pour la suite des discussions. En effet, si la première phase de négociations est désormais close, l'accord prévoit d'ouvrir, trois mois après son entrée en vigueur, une seconde phase centrée notamment sur les indications géographiques, l'avenir des termes « semi-génériques » (4) et l'utilisation des mentions traditionnelles. A cet égard, votre rapporteur considère qu'il appartient à l'Assemblée nationale de donner son avis non seulement sur l'accord faisant l'objet du texte qui lui est soumis mais également sur le cadre institué par celui-ci pour la poursuite des négociations : tel est précisément l'objet de la proposition de résolution formulée par la Délégation pour l'Union européenne.

La Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire n'ayant pas souhaité mener de nouveaux travaux d'instruction, le présent rapport a pour objet de rappeler brièvement le contenu de l'accord sur le commerce du vin, tout en renvoyant au rapport n° 2685 de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne sur ses aspects les plus techniques, puis d'examiner la proposition de résolution adoptée par la Délégation.

I.- LES GRANDES LIGNES DE L'ACCORD SUR LE VIN

Sont exposés dans le tableau ci-dessous les principaux points de l'accord Communauté européenne - Etats-Unis sur le vin. Ses dispositions les plus importantes, relatives à la protection des appellations européennes, à l'admission de certaines pratiques œnologiques ayant cours aux Etats-Unis, à l'utilisation des mentions traditionnelles européennes et aux règles d'étiquetage, seront ensuite analysées de manière à justifier la teneur de la proposition de résolution adoptée par la Délégation pour l'Union européenne.

Principaux points de l'accord sur le commerce du vin
entre la Communauté européenne et les Etats-Unis

Engagements de la Communauté européenne

Engagements des Etats-Unis

Dans l'échange de lettres,...

Dans l'échange de lettres,...

_ l'Europe continue d'admettre l'importation, sur son territoire, de vins américains produits selon des pratiques qui ne sont pas reconnues par la législation communautaire.

_ les Etats-Unis n'appliquent pas aux vins européens vendus sur le marché américain les nouvelles exigences en matière de certification introduites dans la législation américaine en 2004.

Dans l'accord soumis à l'approbation du Conseil en décembre 2005,...

Dans l'accord soumis à l'approbation du Conseil en décembre 2005,...

_ les parties à l'accord reconnaissent que certains termes ne peuvent être utilisés en tant que « noms d'origine » que pour désigner des vins de cette origine.

_ les parties à l'accord reconnaissent que certains termes ne peuvent être utilisés en tant que « noms d'origine » que pour désigner des vins de cette origine.

_ les parties s'assurent que les étiquettes des vins vendus sur leur territoire ne contiennent aucune information fausse ou trompeuse, en particulier en ce qui concerne leurs caractéristiques, leur composition ou leur origine.

_ les parties s'assurent que les étiquettes des vins vendus sur leur territoire ne contiennent aucune information fausse ou trompeuse, en particulier en ce qui concerne leurs caractéristiques, leur composition ou leur origine.

_ l'Europe accepte l'utilisation, sous certaines conditions et pour une période limitée (5), de 14 mentions traditionnelles par les viticulteurs américains (château, classic, clos, cream, crusted/crusting, fine, late bottled vintage, noble, ruby, superior, sur lie, tawny, vintage et vintage character).

_ les Etats-Unis entreprennent de requalifier le statut juridique des 17 dénominations de vins européennes actuellement considérées comme des « semi-génériques » (Burgundy, Chablis, Champagne, Chianti, Claret, Haut-Sauterne, Hock, Madeira, Malaga, Marsala, Moselle, Port, Retsina, Rhine, Sauterne, Sherry et Tokay) dans un délai de 3 à 5 ans.

Dans le protocole spécifique relatif à l'étiquetage

Dans le protocole spécifique relatif à l'étiquetage

_ pour les vins en provenance des Etats-Unis, l'Union européenne accepte que l'étiquette indique un nom d'origine si au moins 75 % du vin concerné est produit à partir de raisins récoltés dans l'endroit nommé.

_ les Etats-Unis reconnaissent que l'étiquetage du millésime et du cépage est réservé aux vins bénéficiant d'une indication géographique et que les vins communautaires peuvent comporter des informations additionnelles, prévues par les règlements (CE) n° 1493/1999 et 753/2002, sous réserve de respecter les règles en vigueur aux Etats-Unis.

Dans la poursuite des négociations,...

Dans la poursuite des négociations,...

_ l'Europe n'acceptera l'importation de vins américains produits selon des pratiques vinicoles non admises sur le territoire de l'Union européenne et qui ne font actuellement pas l'objet de dérogations (6) que lorsque le statut des 17 semi-génériques aujourd'hui librement utilisés par les viticulteurs américains aura été modifié dans la législation des Etats-Unis.

_ les parties conviennent de la tenue de « dialogues à venir » portant notamment sur les indications géographiques, les noms d'origine, les semi-génériques et les mentions traditionnelles.

_ les parties conviennent de la tenue de « dialogues à venir » portant notamment sur les indications géographiques, les noms d'origine, les semi-génériques et les mentions traditionnelles.

a) La protection des appellations européennes protégées

Rappelons d'emblée que mettre fin à l'usurpation par les producteurs américains de certaines appellations européennes protégées (7) nécessite le consentement du Congrès, ce dernier ayant en 1997 consacré au niveau législatif l'assimilation de ces appellations à des « semi-génériques » tombés dans le domaine public (amendement dit d'Amato du nom du sénateur de l'Etat de New York qui le fit adopter) (8). Ceci explique qu'aux termes de l'accord, les Etats-Unis doivent simplement « entreprendre » de requalifier le statut juridique des « semi-génériques ».

Par ailleurs, ces derniers se trouvent dans une position juridiquement confortable puisqu'ils bénéficient au niveau international de la clause dite « du grand-père ». En effet, aux termes de l'accord de l'OMC sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle concernant le commerce (ADPIC), si la notion d'indication géographique est protégée contre toute utilisation abusive susceptible d'induire en erreur le consommateur, une exception est néanmoins prévue pour les indications devenues nom commun ou générique. En outre, un membre de l'OMC ne peut exiger d'un autre membre qu'il empêche « un usage continu et similaire d'une indication géographique d'un autre membre identifiant des vins et spiritueux » qu'à la condition que l'utilisation de cette indication soit récente (moins dix ans avant la signature de l'Accord ADPIC). Or, dans le cas des producteurs américains, la plupart des usurpations ont une origine ancienne : ceux-ci ont donc parfaitement le droit aujourd'hui d'utiliser des appellations européennes protégées, telles Champagne ou Chablis.

L'engagement pris par les Etats-Unis dans le cadre de l'accord bilatéral n'apporte donc aucune avancée substantielle par rapport aux dispositions multilatérales existantes. En effet, si ces derniers s'engagent bien à « restreindre l'utilisation [des actuels « semi-génériques »] sur les étiquettes aux seuls vins originaires de la Communauté » (article 6#1), une clause d'antériorité prévoit toutefois que les usurpations actuelles d'appellations ne sont pas concernées dès lors qu'un certificat d'agrément d'étiquette (9) a été délivré préalablement à l'entrée en vigueur de l'accord. Enfin, l'accord dispose plus généralement dans son article 12 que les noms d'origine faisant l'objet des annexes 4 et 5 de l'accord, que les parties reconnaissent réciproquement comme ne pouvant désigner que des vins dont l'origine est effectivement celle désignée par le nom, « ne sont pas nécessairement considérés, bien qu'ils puissent l'être dans l'avenir, comme étant des indications géographiques ».

Ainsi, il pourrait résulter de l'interprétation de ces dispositions que l'Union européenne reconnaît, implicitement, la pratique consistant à usurper ses appellations protégées, alors que c'est là une pratique qu'elle a toujours combattue. En effet, celle-ci accepte, explicitement, dans l'article 6#2 que les usurpations actuelles d'appellations européennes se poursuivent. Par ailleurs, nul ne sait à quoi aboutira la requalification du statut juridique des « semi-génériques » puisque l'accord précise qu'ils ne seront pas nécessairement assimilés à des indications géographiques : bref, ils risquent de tomber dans une sorte de « no man's land » juridique dont on ne saurait dire in fine s'il sera préférable à la situation actuelle.

Votre rapporteur estime en conséquence que ces dispositions ne peuvent être laissées en l'état : d'une part, la Communauté européenne ne peut admettre l'usurpation de ses appellations et se priver de la possibilité de remettre en cause à l'avenir ces usurpations ; d'autre part, la question des « semi-génériques » nécessite d'être approfondie et doit à cet égard constituer un point prioritaire des prochaines négociations.

b) L'admission de pratiques œnologiques non autorisées sur le territoire de l'Union européenne

L'admission de l'importation de vins produits selon des pratiques actuellement non autorisées sur le territoire de l'Union européenne pose un problème de principe puisque cette concession faite aux Etats-Unis revient à octroyer aux producteurs américains des droits dont ne disposent pas les ressortissants communautaires. Cette dichotomie entre ce que l'Europe autorise sur le plan des échanges et ce qu'elle ne permet pas encore sur le plan du marché intérieur apparaît d'autant plus regrettable qu'un débat doit prochainement avoir lieu au niveau communautaire pour décider de l'introduction de certaines de ces pratiques dans les méthodes de production européennes.

Ainsi, l'Europe s'apprête à faire coexister une organisation commune de marché (OCM) très encadrée avec des règles d'importation de vins de type nouveau très ouvertes, sans s'être, au préalable, interrogée sur les adaptations nécessaires de ses propres procédés de production. La future architecture de l'OCM vitivinicole doit cependant faire l'objet d'un projet de réforme complet annoncé pour l'automne 2006 et un groupe de travail a d'ores et déjà été mis en place au sein de la direction générale chargée de l'agriculture de la Commission afin de commencer les consultations avec les ministères et interprofessions concernés des Etats membres. L'attitude de la Commission sur ce dossier a donc de quoi laisser perplexe.

Le seul avantage de la concession octroyée est d'éviter d'éventuels contentieux à l'OMC pour la reconnaissance officielle des pratiques œnologiques américaines que l'Europe tolère par ailleurs depuis 20 ans en renouvelant périodiquement le régime d'exceptions dont ces vins bénéficient. La Communauté européenne aurait en effet peu de chances d'obtenir gain de cause devant l'Organe de règlement des différents et ce d'autant plus que la réglementation viticole communautaire risquerait d'être globalement assimilée à une barrière aux échanges non justifiée d'un strict point de vue sanitaire.

En tout état de cause, quand bien même la Communauté européenne prévoirait la reconnaissance de certaines pratiques nouvelles pour les vins de cépage, il est clair qu'aucun accord bilatéral ne pourrait être finalisé sur ces questions tant qu'elles ne seraient pas définitivement réglées au niveau interne.

Par ailleurs, votre rapporteur estime également que la conclusion d'un accord ne devrait pas intervenir tant que les Etats-Unis n'ont pas réintégré l'Organisation internationale de la vigne et du vin. En effet, ce retour à l'OIV contribuerait plus généralement à rétablir les conditions d'un dialogue équilibré au plan international sur l'évolution des pratiques œnologiques et l'élaboration d'une définition contraignante du vin.

c) L'utilisation des mentions traditionnelles européennes

Aux termes de l'accord, la Communauté européenne accepte l'utilisation, sous certaines conditions et pour une période limitée de trois ans (renouvelable une fois) de 14 mentions traditionnelles par les viticulteurs américains (10). La seule condition posée est que le terme ait été préalablement approuvé dans le cadre d'un certificat d'agrément d'étiquette - COLA (11).

On ne peut que constater que l'accord est là aussi en net recul par rapport aux autres accords bilatéraux conclus par la Communauté européenne ou en cours de négociations. En effet la plupart de ces accords prévoient une utilisation des mentions traditionnelles par les pays tiers beaucoup plus restrictive. Par exemple, l'article 7#5 de l'accord conclu en 1994 avec l'Australie prévoit le traitement de cette question par un comité mixte, lequel est chargé d'adopter des recommandations sur « les périodes transitoires appropriées pour l'abandon progressif », par ce pays, de l'emploi de certaines mentions traditionnelles européennes.

A cet égard, votre rapporteur considère que la poursuite de l'utilisation par les producteurs américains des mentions traditionnelles européennes ne peut être que provisoire et que la suite des négociations doit permettre d'aboutir à un compromis avec les Etats-Unis prévoyant la cessation complète de l'usage de ces mentions par ses producteurs.

d) Les dispositions du protocole spécifique à l'étiquetage

La plupart des observateurs considèrent qu'une clause de paix a été signée sur l'étiquetage, les parties ayant déclaré vouloir engager un « dialogue constructif ». Il convient néanmoins de noter que les Etats-Unis ont réussi à faire reconnaître leur conception de l'étiquetage par la Communauté européenne : en effet, aux termes du protocole spécifique, l'étiquette des vins en provenance des Etats-Unis pourra indiquer un nom d'origine si 75 % du vin concerné seulement est produit à partir de raisins récoltés dans l'endroit nommé. En outre, l'accord prévoit qu' « aucune des parties n'exige que les procédés, traitements et techniques utilisés pour la vinification soient précisés sur l'étiquette ».

On ne peut toutefois nier que le protocole comporte aussi des avancées pour l'Europe dans la mesure où, d'une part, il stipule que l'étiquetage du millésime et du cépage doit être réservé aux vins à indication géographique et, d'autre part, il permet aux vins originaires de la Communauté européenne de porter sur leur étiquette des informations additionnelles, prévues par les règlements (CE) n° 1493/1999 et 753/2002, à condition toutefois qu'elles respectent les règles en vigueur aux Etats-Unis.

II.- LE CONTENU DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Après avoir énoncé trois considérants rappelant le contexte défavorable dans lequel se sont tenues les négociations ayant abouti à l'accord, soulignant que le contenu de cet accord est en conséquence décevant comparé aux autres accords bilatéraux signés par la Communauté européenne, et réaffirmant enfin la nécessité de défendre le modèle viticole européen sur la scène internationale nonobstant les concessions accordées dans l'accord avec les Etats-Unis, la Délégation pour l'Union européenne expose son avis en 7 points.

1. Le premier point vise à condamner l'adoption en cours de négociation d'une nouvelle procédure de certification des vins importés par les Etats-Unis aux seules fins de faire pression sur le négociateur européen en menaçant de bloquer l'importation du millésime 2005 sur le territoire américain.

En effet, il convient ici de rappeler que cette nouvelle procédure n'aurait de facto été applicable qu'aux vins provenant des pays de l'Union européenne puisque les pays ayant signé un accord bilatéral avec les Etats-Unis sur les pratiques œnologiques, tels l'Australie, étaient par avance exemptés de ces mesures. De tels procédés doivent donc être vigoureusement dénoncés : la suspension de l'application de cette procédure aux vins européens ne peut être considérée comme une réelle concession de la part des Etats-Unis mais comme un juste retour des choses.

2. Le deuxième point souligne le caractère inégalitaire de l'accord, qui contraint la Communauté européenne à accepter un certain nombre de pratiques vinicoles non admises dans le cadre de l'OCM communautaire, forçant ainsi le contenu des futures négociations internes dans ce domaine.

3. Le troisième point concerne la question cruciale des usurpations d'appellations protégées européennes par les producteurs américains. Comme indiqué précédemment, les Etats-Unis sont actuellement dans une position juridique confortable puisqu'ils sont protégés par la clause dite « du grand père » consacrée par l'accord sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle concernant le commerce (ADPIC) négocié dans le cadre de l'Uruguay Round. Ces derniers ont néanmoins pris l'engagement de revenir sur l'amendement d'Amato, qui « couvre » actuellement ces usurpations, au plus tard dans les cinq ans suivant la signature de l'accord.

A la lecture de cette disposition, d'aucuns pourraient néanmoins penser que l'Europe reconnaît et tolère pour l'heure l'existence de ces usurpations, ce qui serait une grave erreur d'interprétation. Il doit en effet être clair pour tous que le délai laissé à l'administration américaine pour revenir sur la législation adoptée en 1997 ne constitue en aucun cas une acceptation de la situation actuelle.

Ainsi, le point 3 de la proposition de résolution de la Délégation pour l'Union européenne vise à demander au Conseil de produire une déclaration annexée à l'accord précisant qu'il ne résulte pas de ses dispositions que l'Union européenne reconnaît les usurpations de ses appellations protégées par les producteurs américains.

4. Le quatrième point formule un certain nombre de recommandations pour la suite des négociations et demande notamment que cette seconde phase ne soit conclue qu'une fois que quatre conditions cumulatives seraient remplies, en l'occurrence :

- que la réforme de l'OCM vitivinicole ait eu lieu ;

- que les Etats-Unis aient réintégré l'Organisation mondiale de la vigne et du vin, ce qui constituerait un signe encourageant de leur part, témoignant de leur engagement à participer à l'élaboration de règles communes au sein des enceintes internationales de concertation ;

- que ces derniers se soient également engagés, dans un délai raisonnable et sans indemnités, à rétrocéder à l'Union européenne l'usage exclusif de ses appellations d'origine et mentions traditionnelles, comme cela est prévu dans les autres accords bilatéraux signés par la Communauté ;

- et enfin, que la Communauté européenne ait obtenu la création d'un « registre multilatéral de notification et d'enregistrement des indications géographiques pour les vins » juridiquement contraignant, tel que prévu par l'ADPIC, position qu'elle défend actuellement devant l'OMC dans le cadre des négociations du cycle de Doha.

En effet, il serait tout à fait inopportun que la seconde phase des négociations se déroule dans les mêmes conditions que la première et se conclue avec la même précipitation. La réforme de l'OCM apparaît un préalable absolument nécessaire, de même que le retour des Etats-Unis au sein de l'OIV. Cette nouvelle phase de négociations doit en outre obligatoirement conduire à l'engagement des Etats-Unis à renoncer à l'usage des appellations protégées et des mentions traditionnelles européennes. Enfin, le respect de ces appellations et mentions ne pourra être véritablement garanti que lorsqu'un registre contraignant des indications géographiques protégées aura été élaboré au niveau international.

5. Le point 5 de la proposition de résolution traite de la question des pratiques œnologiques qui sont aujourd'hui par trop disparates et contribuent à faire coexister sous l'appellation de « vin » des produits qui n'ont rien en commun et dont certains n'ont plus rien à voir avec l'acception traditionnelle de ce terme et ne sont au final que des produits industriels.

En conséquence, il apparaît nécessaire que l'Union européenne ait pour objectif de promouvoir l'élaboration d'une définition contraignante du vin au niveau international.

6. L'objet du point 6 est d'amener la Communauté européenne à adopter une posture plus offensive sur le marché américain en allouant à la défense de la notoriété des vins européens dont les appellations sont actuellement usurpées par les producteurs américains une partie des crédits du budget communautaire consacrés à la promotion des produits agricoles.

7. Enfin, aux termes du point 7 de la proposition de résolution, la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale affirme la nécessité de créer un organisme de concertation permanent rassemblant l'ensemble des acteurs du monde vinicole concernés par la conclusion de cet accord.

En effet, comme l'indique le premier point de la proposition de résolution, les Etats membres, tout comme les producteurs et les citoyens intéressés, ont été mis pour ainsi dire au pied du mur par le négociateur communautaire et contraints d'approuver les concessions accordées par ce dernier sous la menace d'un « embargo » des vins européens par les Etats-Unis. Cette situation ne doit pas se reproduire lors de la seconde phase des négociations, et ce d'autant plus que celle-ci sera intimement liée à la réforme de l'OCM vitivinicole : les représentants des Etats-membres, des professionnels du secteur et des instituts chargés de la protection des appellations protégées doivent donc être étroitement associés aux travaux de la Commission dans ce cadre.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 7 décembre 2005, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Philippe-Armand Martin, la proposition de résolution de la Délégation pour l'Union européenne sur la proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et les Etats-Unis sur le commerce du vin (COM [2005] 547 final / E 3002).

Après avoir rappelé qu'il était également le rapporteur de la Délégation pour l'Union européenne sur la proposition de résolution, le rapporteur, M. Philippe Armand Martin, a entrepris d'en exposer le contenu aux autres commissaires, précisant qu'il ne pouvait qu'y être favorable.

Il a tout d'abord expliqué que le texte adopté par la Délégation pour l'Union européenne visait avant tout à exprimer quelques mises en garde de bon sens face au blanc-seing qui s'apprêtait à être donné à cet accord au niveau européen. Il a néanmoins reconnu que celui-ci arrivait après quasiment deux décennies de négociations et que sa conclusion avait au moins le mérite de consacrer le retour à des relations commerciales normales, dans un cadre sécurisé, et d'éloigner les risques de contentieux à l'Organisation mondiale du commerce.

Il a toutefois considéré qu'il n'était pas possible de se contenter d'approuver un accord qui par ailleurs n'apportait aucune avancée substantielle sur des points importants aux yeux des producteurs européens, notamment sur la question des usurpations d'appellations européennes protégées. Affirmant que l'accord contribuait au contraire à figer la situation existante, il s'est interrogé sur la capacité de l'Europe à mener à bien la seconde phase des négociations étant donné sa position de faiblesse actuelle.

Il a ensuite rappelé que le Parlement européen avait également adopté fin septembre une proposition de résolution très critique sur de nombreux points de l'accord, faisant part notamment de son inquiétude quant à la pérennité du modèle viticole européen. A cet égard, M. Philippe-Armand Martin a affirmé qu'il appartenait également l'Assemblée nationale de dénoncer l'attitude de la Commission de Bruxelles consistant à conclure un accord autorisant l'importation de vins produits selon des pratiques œnologiques non autorisées par l'organisation commune de marché (OCM) vitivinicole avant que celle-ci ait pu être réformée.

Il a ensuite exposé les sept points de la proposition de résolution, précisant tout d'abord que le premier point visait à condamner l'adoption d'une nouvelle procédure de certification américaine des vins importés ayant uniquement pour objet de faire pression sur le négociateur européen. S'agissant du deuxième point, il a précisé qu'il consistait en une dénonciation de l'acceptation de l'importation de vins produits selon des pratiques non autorisées sur le territoire communautaire avant que l'on ait pu décider au niveau interne du contenu de la future OCM vitivinicole.

Il a ensuite détaillé les dispositions du point 3 relatif aux usurpations d'appellations européennes protégées par les producteurs américains. A cet égard, il a rappelé que si, dans l'accord, les Etats-Unis avaient pris l'engagement de revenir dans un délai maximum de 5 ans sur leur législation assimilant ces appellations à des « semi-génériques » tombés dans le domaine public, ils restaient néanmoins protégés par la « clause du grand père » prévue par l'accord sur les droits de propriété intellectuelle de l'OMC s'agissant des appellations usurpées de longue date. Il a donc estimé que si l'Europe acceptait de fait dans l'accord que les usurpations actuelles se poursuivent jusqu'à ce que les Etats-Unis aient modifié leur législation, il était impensable qu'elle reconnaisse officiellement une pratique qu'elle a toujours dénoncée. Le point 3 vise donc à demander au Conseil de produire une déclaration précisant que l'accord ne constitue en aucun cas une forme de reconnaissance de cette pratique, sous couvert de la clause dite « du grand-père ».

Abordant le quatrième point de la proposition de résolution, le rapporteur a signalé qu'il formulait un certain nombre de recommandations pour la suite des négociations et demandait qu'on ne les conclue qu'une fois les conditions suivantes remplies :

- que la réforme de l'OCM vitivinicole ait eu lieu ;

- que les Etats-Unis aient réintégré l'Organisation mondiale de la vigne et du vin ;

- qu'ils se soient engagés à rétrocéder à la Communauté européenne l'usage exclusif de ses appellations d'origine et mentions traditionnelles, comme cela est prévu dans les autres accords bilatéraux ;

- et que l'Europe ait obtenu la création d'un « registre multilatéral de notification et d'enregistrement des indications géographiques pour les vins » juridiquement contraignant, seul instrument à même de protéger véritablement les appellations européennes.

Il a ensuite expliqué que le cinquième point de la proposition de résolution appelait un encadrement des pratiques œnologiques au niveau international ainsi que l'élaboration d'une définition contraignante du vin, considérée désormais comme un préalable indispensable à l'établissement d'une base de discussion commune. Puis il a exposé le contenu du point 6 visant à allouer à la défense de la notoriété des vins européens dont les appellations sont actuellement usurpées par les producteurs américains une partie des crédits du budget communautaire consacrés à la promotion des produits agricoles. Enfin, il a indiqué que le point 7 de la proposition de résolution affirmait la nécessité de créer un organisme de concertation permanent rassemblant l'ensemble des acteurs du monde vinicole concernés par la conclusion de ce type d'accords bilatéraux afin que leur adoption fasse l'objet d'une véritable concertation.

Le rapporteur a ensuite demandé aux autres commissaires d'apporter leur soutien à la proposition de résolution, sous réserve des quelques amendements rédactionnels qu'il souhaitait y apporter. Il a estimé que si les députés étaient bien sûr tous conscients des enjeux économiques que représentait l'accord, les Etats-Unis étant le premier débouché des vins et spiritueux européens pour un montant annuel de 1,8 milliard d'euros, ils ne devaient pas renoncer pour autant à défendre le modèle viticole européen et à faire respecter les droits des producteurs. Il a conclu en affirmant que c'était là le message que devait faire passer la résolution.

M. Philippe Feneuil a tout d'abord félicité le rapporteur pour la qualité de son travail, soulignant qu'il était tout à fait complet. Il s'est néanmoins proposé de retracer le contexte historique de l'accord, en indiquant que la situation laissait le sentiment de satisfaction mitigée que laisse un verre à moitié vide ou, selon les interprétations, à moitié plein. Il a indiqué que cela faisait vingt ans que la Communauté européenne essayait d'obtenir des Etats-Unis la reconnaissance de ses appellations d'origine contrôlée et refusait parallèlement de reconnaître les pratiques œnologiques américaines. Néanmoins, elle avait toujours fini par concéder chaque année des dérogations partielles et temporaires pour les vins produits selon ces pratiques. Parallèlement, le sénateur d'Amato avait réussi à consacrer sur le plan législatif l'assimilation à des « semi-génériques » de dix-sept appellations d'origine européennes, parmi lesquelles certaines françaises telles que Chablis, Sauterne, Champagne et Bourgogne (« Burgundy »).

Bien que constatant que l'accord qui devait être signé définitivement par les instances européennes les 19 et 20 décembre prochains, entérinait cette situation insatisfaisante, voire la figeait pour l'avenir, il a signalé que, par ailleurs, le rejet de l'accord renverrait à la situation antérieure à la négociation. Il a néanmoins rappelé que la Communauté européenne était parvenue à signer des accords bilatéraux avec tous les pays vinicoles du monde, sauf les Etats-Unis, la Russie et l'Ukraine, et que cet accord, s'il était signé en l'état, ne manquerait pas d'avoir des répercussions sur les autres accords, leurs signataires étant alors fondés à demander des avantages équivalents à ceux accordés aux Etats-Unis. Il a estimé que, pour échapper au dilemme posé par le résultat de la négociation, il convenait de ménager la possibilité que la « clause du grand-père », qui permet d'invoquer l'ancienneté d'une production pour revendiquer l'utilisation d'une appellation en principe protégée, ne s'appuie pas sur une ancienneté déterminée, mais sur une durée négociable. Par ailleurs, il a considéré que la prise de conscience, aux Etats-Unis, de la nécessité d'assurer la protection des appellations d'origine, ainsi que l'avait illustré l'exemple récent d'un procès pour usurpation de l'appellation californienne « Napa » par un vin produit dans l'Oregon, constituait un terrain favorable pour tenter une négociation sur ce point.

En conclusion, il a marqué son total soutien au texte de la résolution telle qu'amendée par le rapporteur.

M. Pierre Micaux, après avoir à son tour félicité le rapporteur pour son travail, s'est interrogé sur l'existence de collusions entre certains intérêts français et les intérêts américains, suggérant que la proposition de résolution condamne de tels agissements.

M. François Brottes a indiqué que le groupe socialiste partageait les interrogations des autres commissaires sur cet accord.

M. Léonce Deprez a souligné qu'un verre à moitié vide était préférable à pas de verre du tout et qu'il ne fallait pas reporter à demain ou après-demain la conclusion d'un tel accord, qui comportait quand même quelques garanties.

Reprenant la remarque de M. Pierre Micaux sur d'éventuelles collusions d'intérêts, M. Philippe Feneuil a fait observer que certaines marques françaises s'étaient effectivement installées outre-atlantique afin de bénéficier de la législation américaine mais que le chiffre d'affaires des ventes de vin français aux Etats-Unis restait sans commune mesure avec celui des ventes de vin américain en France. Il a ajouté que même si les parts de marché des vins français au Etats-Unis s'effritaient quelque peu, elles continuaient à progresser en valeur étant donné la forte hausse de la consommation outre-atlantique. Il a estimé que cela constituait sans doute la raison pour laquelle certaines entreprises se montraient réticentes à critiquer l'accord.

M. Serge Poignant a demandé au rapporteur quelles pouvaient être les suites d'un refus d'une des parties de parapher l'accord et s'est interrogé sur l'étendue des marges de manœuvre existantes en matière de négociation.

Le rapporteur a rappelé que le contexte actuel était marqué par une position de faiblesse de l'Union européenne, à l'inverse de la situation prévalant il y a dix ans lorsque celle-ci avait refusé la signature d'un précédent accord. Il a souligné que la situation présente se différenciait notamment de la précédente par l'apparition d'une concurrence draconienne. Il a précisé qu'en l'absence d'accord, les Etats-Unis imposeraient leur nouvelle procédure de certification aux vins importés de l'Union européenne, ce qui dans les faits serait similaire à un boycott des vins européens. Soulignant que c'était là un risque que l'Europe ne pouvait prendre, il a cependant indiqué qu'il ne fallait pas pour autant reconnaître les usurpations, au risque d'aboutir à une banalisation de certains vins, notamment le champagne, et de voir remis en cause les accords bilatéraux conclus avec d'autres pays. Il a donc expliqué que c'est la raison pour laquelle figurait dans la proposition de résolution la nécessité de demander aux Etats-Unis de renoncer à l'usage de l'ensemble des appellations européennes protégées et mentions traditionnelles, et plus généralement, un certain nombre de conditions visant à encadrer la poursuite des négociations.

M. Serge Poignant a demandé si un refus des Etats-Unis de l'ensemble de ces conditions signifierait à un retour à zéro.

Le rapporteur a rappelé qu'il s'agissait ici simplement d'une résolution adoptée par le Parlement contribuant à la définition de la position de la France au sein de l'Union européenne, dont elle ne constitue que l'un des vingt-cinq Etats membres. Il a ajouté que le texte adopté serait remis au ministre de l'agriculture, dont la position commençait d'ailleurs à évoluer dans le sens de la proposition de résolution.

La commission a ensuite adopté sept amendements rédactionnels du rapporteur, dont deux ayant pour effet de déplacer des dispositions, le 6 devenant 3 bis et le 7 venant compléter le 4, pour les regrouper de manière plus cohérente, et un autre recentrant le point 3 sur son objet principal.

La commission a ensuite adopté la proposition de résolution ainsi modifiée, à l'unanimité des groupes représentés, UMP et socialiste.

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En conséquence, la Commission demande à l'Assemblée nationale d'adopter la proposition de résolution dont le texte suit.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur la proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et les Etats-Unis
sur le commerce du vin (COM [2005] 547 final/ E 3002)

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et les Etats-Unis sur le commerce du vin (COM [2005]547 final/n° E 3002 ),

Considérant le contexte inégalitaire dans lequel, jusqu'ici, ont été menées les négociations relatives à la conclusion d'un accord sur le commerce du vin avec les Etats-Unis ;

Considérant que l'accord dont l'adoption est proposée au Conseil marque un recul par rapport aux autres accords bilatéraux conclus par la Communauté européenne, lesquels prévoient le retrait pur et simple des appellations européennes protégées usurpées par les producteurs des pays signataires de ces accords ;

Considérant que le cadre juridique du commerce du vin entre la Communauté européenne et les Etats-Unis ne doit, en aucune manière, affaiblir la position européenne, tant en ce qui concerne les négociations visant à établir, au sein de l'Organisation mondiale du commerce, un registre des indications géographiques de vins et spiritueux juridiquement contraignant, que celles en cours avec des pays tiers ;

1. Condamne l'adoption, par les Etats-Unis, à des fins de pression dans la négociation, d'une procédure nouvelle de certification des vins importés, laquelle ne vise, dans les faits, que l'Union européenne, dès lors contrainte d'accepter, par anticipation, les concessions accordées par la Commission européenne ;

2. Conteste le caractère déséquilibré de l'accord, dont la négociation n'aurait dû être terminée qu'après la réforme prévue de l'organisation commune du marché vitivinicole, en permettant ainsi à la filière d'adapter ses méthodes de production ;

3. Demande que le Conseil précise, par une déclaration annexée à l'accord, que les dispositions de ce dernier ne reconnaissent pas aux producteurs américains, par une « clause du grand-père », le droit de continuer à utiliser, sous le couvert des marques existantes aux Etats-Unis, des appellations européennes protégées ;

4. Demande qu'une partie des crédits de l'enveloppe du budget communautaire affectée à la promotion des produits agricoles finance la défense, sur le marché américain, de la notoriété des vins européens dont les appellations sont actuellement usurpées par les producteurs locaux ;

5. Demande que la seconde phase de négociations, prévue par l'accord, s'achève au plus tard dans le délai de deux ans indiqué et, en tout état de cause, après :

- la mise en place d'un organisme de concertation permanent associant les directions générales compétentes de la Commission européenne, les organisations européennes de producteurs, les instituts nationaux de protection des appellations et les représentants des Etats membres, qui serait consulté avant la finalisation de tout accord viticole ;

- la révision de la réglementation communautaire vitivinicole ;

- le retour des Etats-Unis au sein de l'Organisation internationale de la vigne et du vin ;

- l'obtention d'un engagement contraignant et précis des Etats-Unis à renoncer, à l'issue d'une période égale à celle généralement fixée pour ce faire dans les accords bilatéraux et sans versement d'indemnités, à l'usage de l'ensemble des appellations protégées et mentions traditionnelles européennes, tant sur le marché intérieur qu'à l'exportation ;

- la création, au sein de l'Organisation mondiale du commerce, d'un registre de notification et d'enregistrement des indications géographiques de vins et spiritueux juridiquement contraignant, grâce auquel une indication enregistrée ne pourrait plus être revendiquée comme étant un nom générique au sens de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce de 1994.

6. Défend le principe de la négociation, en parallèle et au niveau de l'Organisation internationale de la vigne et du vin, d'une définition contraignante du vin, qui encadre sur le plan multilatéral les pratiques œnologiques.

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N° 2732 - Rapport au nom de la commission des affaires économiques sur la proposition de résolution (N° 2686), du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et les Etats-Unis sur le commerce du vin (M. Philippe Armand-Martin)

1 () Transmis par la Commission au Conseil le 21 octobre 2005 et approuvé par celui-ci en point A (sans débat) le 14 novembre 2005, cet échange de lettres n'a pas été soumis à l'Assemblée nationale en raison de l'avis négatif rendu par le Conseil d'Etat sur sa nature législative.

2 () Depuis le 1er novembre 2005, les vins naturels produits après le 31 décembre 2004, titrant entre 0,5 % et 24 % d'alcool, importés sur le territoire américain en provenance de pays n'ayant pas ratifié un accord bilatéral sur les pratiques œnologiques avec les Etats-Unis, doivent faire l'objet d'une certification délivrée par le gouvernement du pays d'origine, attestant que le vin a été produit en conformité avec les pratiques américaines et étayée par des résultats d'analyse officielle. Notons à cet égard que les vins australiens, argentins, canadiens et néo-zélandais, sont dispensés de la certification, puisqu'ils bénéficient d'un accord conclu à cet effet avec les Etats-Unis en 2001, dit « accord d'Adélaïde ».

3 () Burgundy, Chablis, Champagne, Chianti, Claret, Haut-Sauterne, Hock, Madeira, Malaga, Marsala, Moselle, Port, Retsina, Rhine, Sauterne, Sherry et Tokay.

4 () En droit américain, certaines appellations européennes protégées sont réputées être tombées dans le domaine public et désigner un type de produit susceptible d'être utilisé par n'importe quel producteur, quel que soit son lieu de production.

5 () 3 ans renouvelable une fois.

6 () 24 nouvelles pratiques œnologiques ont ainsi été admises dans la législation américaine en mai 2005.

7 () Burgundy, Chablis, Champagne, Chianti, Claret, Haut-Sauterne, Hock, Madeira, Malaga, Marsala, Moselle, Port, Retsina, Rhine, Sauterne, Sherry et Tokay.

8 () Ainsi, en droit américain, ces appellations désignent aujourd'hui un type de produit susceptible d'être utilisé par n'importe quel producteur, quel que soit son lieu de production.

9 () COLA (Certification of Label Approval).

10 () Château, classic, clos, cream, crusted/crusting, fine, late bottled vintage, noble, ruby, superior, sur lie, tawny, vintage, vintage character.

11 () Certification of Label Approval.


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