N° 2847 - Rapport de M. Jean-Marc Roubaud sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (n°2376)




Document mis

en distribution

le 13 février 2006

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N° 2847

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 février 2006.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 2376, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure,

PAR M. JEAN-MARC ROUBAUD,

Député

--

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION............................................................................................................... 5

I - DEPUIS 1991, LA COOPÉRATION ENTRE LA FRANCE ET LA CHINE EN
MATIÈRE DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE NE CESSE DE SE DÉVELOPPER
................ 7

A. LA MONTÉE EN PUISSANCE DE LA COOPÉRATION FRANCO-CHINOISE EN
MATIÈRE DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE
...................................................................... 7

B. TROIS CHAMPS D'UNE COOPÉRATION MULTIFORME ............................................. 8

1) L'immigration illégale ....................................................................................... 8

2) Le trafic de stupéfiants..................................................................................... 11

3) La contrefaçon .................................................................................................. 12

II POUR ACCROÎTRE L'EFFICACITÉ ET LE CHAMP DE CETTE COOPÉRATION,
IL EST NÉCESSAIRE DE L'INSCRIRE DANS UN CADRE JURIDIQUE
SPÉCIFIQUE
..................................................................................................................... 15

A. LE CADRE POLITIQUE DE LA COOPÉRATION ENTRE LA FRANCE ET LA CHINE EN

MATIÈRE DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE : LA DÉCLARATION CONJOINTE DU 16 MAI
1997
.......................................................................................................................... 15

B. LE CADRE JURIDIQUE DE CETTE COOPÉRATION : L'ACCORD SIGNÉ À PÉKIN LE
8 JANVIER 2004
........................................................................................................ 16

1) Un accord aux dispositions classiques... ..................................................... 16

2) ... mais néanmoins caractérisé par des spécificités ponctuelles ............. 18

CONCLUSION .................................................................................................................. 21

EXAMEN EN COMMISSION ............................................................................................ 23

Mesdames, Messieurs,

Le dialogue entre la France et la Chine est souvent difficile, toujours exigeant ; il n'en demeure pas moins nécessaire. Il a conduit, dès les années 1980, à des avancées notoires dans les relations bilatérales franco-chinoises, à la faveur de la politique d'ouverture menée par Deng Xiaoping. Après une période de crise qui a duré près de cinq ans, après la répression des manifestations de la place Tian An Men (4 juin 1989), la signature, le 12 janvier 1994, d'un communiqué conjoint a permis de rétablir la confiance réciproque, alors que certaines coopérations avaient repris au début des années 1990, sur un plan strictement administratif.

Le processus de normalisation a abouti à la signature à Pékin, le 16 mai 1997, pendant la visite du président Chirac, de la déclaration conjointe pour un partenariat global, qui ouvre un nouveau chapitre des relations bilatérales. Élaboré autour du concept de multipolarité, le partenariat global sert de socle à une coopération qui vise à inclure, dans une même dynamique cohérente, les échanges politiques, économiques et culturels.

Sur ces nouvelles bases, le cadre institutionnel du partenariat franco-chinois a connu ces dernières années un développement spectaculaire dont témoigne l'intensité des rencontres. L'accord de coopération en matière de sécurité intérieure aujourd'hui soumis à la ratification de notre Assemblée, signé le 8 janvier 2004 à Pékin, en est également un témoignage. En donnant un cadre juridique spécifique à une coopération entamée depuis quinze ans déjà, il s'inscrit dans une démarche volontariste de la France, visant à développer et diversifier sa coopération vers un pays dont les besoins et les demandes en la matière sont nombreux et durables.

I - DEPUIS 1991, LA COOPÉRATION ENTRE LA FRANCE ET LA CHINE EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE NE CESSE DE SE DÉVELOPPER

La France, à l'instar de ses partenaires européens, mène une politique constante d'encouragement au dialogue avec ce pays au potentiel sans pareil qu'est la Chine, qui regroupe, rappelons-le, un cinquième de la population mondiale. Au regard des enjeux multiples que concentre cette région du monde, ce dialogue ne peut être que global et comprendre tous les facteurs liés à son développement, aussi bien dans ses aspects intérieurs qu'extérieurs.

Si le dialogue est global, les coopérations pratiques qui en découlent doivent, elles, être concrètes et ciblées pour être efficaces. Pour cette raison, plutôt que de se concentrer sur les seuls projets phares, dont la portée symbolique dépasse souvent l'intérêt économique et social, la France a adopté une démarche de diversification des secteurs cibles de sa coopération. Notamment, elle oeuvre pour que la société civile chinoise soit la première cible et la première bénéficiaire de sa coopération.

Ainsi, développée depuis la signature d'un mémorandum entre ministres de la fonction publique en juin 1991, la coopération administrative avec la Chine connaît un essor très rapide, en réponse aux attentes croissantes de la partie chinoise en matière de réformes institutionnelles. Notamment, la coopération en matière de sécurité intérieure a vu son champ et son contenu s'élargir sans cesse depuis quinze ans.

A. La montée en puissance de la coopération franco-chinoise en matière de sécurité intérieure

C'est en 1991 que la coopération bilatérale dans ce domaine a débuté, avec la création d'un centre de formation sino-français en matière de sécurité et de prévention routière. Elle s'est rapidement diversifiée, pour toucher tous les domaines de la sécurité. Ainsi, treize missions d'experts français, policiers et pompiers ou visites de délégations chinoises ont été réalisées en 2001, puis dix-neuf en 2002, dix-sept en 2003, malgré la crise du SRAS ; en 2005, vingt-trois missions de ce type ont eu lieu.

Par ailleurs, depuis 2001, chaque année, un auditeur chinois suit la formation de l'École nationale supérieure de la police (ENSP) en qualité d'auditeur étranger. Pour les sessions 2005-2006 et 2006-2007, une autre bourse permet à un deuxième policier chinois de suivre la formation à l'École nationale supérieure des officiers de police (ENSOP).

Depuis 2002 cependant, si la diversification de la coopération en matière de sécurité reste la règle, quelques thèmes centraux ont cependant émergé. Après quelques tâtonnements, en effet, la délégation du service de coopération technique internationale de police (SCTIP) de Pékin, sous l'autorité de l'Ambassadeur, a concentré sa coopération de police et de sécurité civile sur des domaines d'action précis, constituant autant de centres d'intérêt pour le ministère de la sécurité publique et susceptibles d'avoir un impact sur la sécurité intérieure de la France ou, pour le dernier, sur la sécurité des citoyens français en Chine :

- lutte contre l'immigration irrégulière ;

- lutte contre le trafic des stupéfiants ;

- lutte contre le terrorisme ;

- sécurité des Jeux Olympiques de Pékin 2008.

Il convient par ailleurs de noter que, depuis 2005, une coopération multilatérale, certes encore modeste à ce jour, a débuté dans le cadre d'un travail en commun effectué par les officiers de liaison immigration européens en poste en Chine : formation de policiers chinois ou de personnels des compagnies aériennes, détection de voyageurs à risque et de faux documents sur l'aéroport de Pékin, coopération avec les autorités chinoises dans la lutte contre les filières.

Par ailleurs, deux projets multilatéraux, l'un portant sur la lutte contre le trafic illicite des drogues synthétiques et de leurs précurseurs chimiques, l'autre sur la lutte contre les migrations irrégulières, ont été élaborés sur initiative française en concertation avec des partenaires européens, chinois et du sud-est asiatique pour le premier d'entre eux. Ces projets devraient être prochainement proposés pour un financement européen.

B. Trois champs d'une coopération multiforme

Comme il est souligné ci-dessus, la coopération franco-chinoise en matière de sécurité intérieure se concentre sur certains domaines, du fait de leur importance pour la sécurité de notre pays. Votre rapporteur juge utile d'illustrer ce propos en présentant spécifiquement les enjeux existants en matière de lutte contre l'immigration clandestine et le trafic des stupéfiants. En outre, au regard de son importance pour notre économie, il est également nécessaire de faire le point sur la question de la contrefaçon industrielle et commerciale.

1) L'immigration illégale

La Chine constitue une zone d'émigration particulièrement préoccupante pour l'ensemble des pays occidentaux, notamment pour la France qui accueille sur son territoire la plus forte communauté chinoise en Europe et subit, depuis plusieurs années, une importante pression migratoire irrégulière en provenance de plusieurs provinces chinoises.

En 2005, ce sont ainsi sept Chinois organisateurs de filières, 44 passeurs, onze logeurs et dix-huit employeurs de clandestins qui ont été interpellés, auxquels il convient d'ajouter l'interpellation de 265 Chinois dans le cadre de filières.

Autre chiffre révélateur, depuis 2000, la Chine occupe le premier rang national pour les mesures de non-admission, qui sont majoritairement prises pour refus de visa d'escale, comme le soulignent régulièrement les fonctionnaires de l'aéroport Roissy Charles De Gaulle.

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L'augmentation du nombre des mesures de non-admission prononcées à l'encontre de ressortissants chinois constatée entre les années 2003 et 2004, s'est confirmée sur les onze premiers mois de l'année 2005. En effet, on observe une hausse de 8,06 %, qui confirme la première place de la Chine à cet égard.

Un constat semblable doit être fait s'agissant des mesures de réadmission prises à l'encontre des ressortissants chinois.

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Sur ce point, la Chine est passée du 11ème rang en 2002, pour gagner le ème au titre de l'année 2004. Au titre des onze premiers mois de l'année 2005, une baisse de 16,34 % a toutefois été enregistrée par rapport à la même période de référence de 2004 (384 mesures contre 459). La Chine se positionne pour l'instant au 9ème rang national.

La lutte contre cette immigration clandestine est difficile. Outre l'effet de nombre, qui complique singulièrement leur tâche, les services de police se heurtent en la matière à la difficulté supplémentaire que représentent les remarquables facultés d'adaptation des filières chinoises d'immigration clandestine, qui leur permettent d'offrir à leurs clients toutes les destinations possibles, des plus classiques aux plus atypiques. Ainsi, les organisations chinoises, qui maîtrisent plusieurs trajets, sont capables de changer immédiatement la voie d'acheminement des irréguliers en cas de danger.

Pour acheminer leurs clients dans l'espace Schengen et notamment vers la France, les filières utilisent les itinéraires suivants :

- par la voie aérienne, depuis la Chine vers un aéroport de l'espace Schengen ;

- par la voie aérienne, depuis la Chine ou un pays proche (Japon) vers un pays africain (Guinée, Mauritanie) ou sud-américain avec un transit dans un aéroport de l'espace Schengen ;

- en trajet mixte, aérien et terrestre : depuis la Chine vers la France via la Thaïlande (Bangkok), la Russie (Moscou) puis la Suisse (Genève), la destination finale pouvant être un autre pays de l'espace Schengen comme l'Espagne (voie ferroviaire) ;

- par la voie terrestre, par l'Asie et l'Europe de l'Est impliquant un long périple au cours duquel les clandestins doivent franchir plusieurs contrôles transfrontières. Ainsi, la Russie qui constitue un pays de destination mais aussi de transit pour les irréguliers chinois, est l'une des routes utilisées par les réseaux criminels pour faire transiter leurs clients désireux de gagner un pays d'Europe.

Quelques nouveaux trajets particuliers ont été relevés au cours des derniers mois. La France est directement concernée par l'apparition de filières qui utilisent la Polynésie française comme passerelle pour les Etats-Unis. Des ressortissants chinois en provenance de Tokyo ont en effet été interpellés à l'aéroport de Tahiti-Faa'a lors du contrôle de l'immigration au mois de juin 2005. Ces personnes, qui éprouvaient de réelles difficultés à s'exprimer en anglais, avaient présenté des passeports américains munis de faux visas. Lors de leur fouille, elles furent trouvées porteuses de passeport chinois supportant leur photographie. Les recherches effectuées auprès du consulat américain ont révélé que les passeports avaient été volés ou perdus. Les auditions de trois Chinois transitant sur le même vol ont permis d'établir que ces irréguliers avaient quitté la Chine pour le Vietnam, puis le Japon, pour se rendre en Polynésie française, la destination finale étant les Etats-Unis.

Les méthodes utilisées par ces organisations chinoises témoignent également de leurs redoutables facultés d'adaptation. Ainsi, elles fournissent des faux documents de grande qualité à leur clientèle, notamment à celle qui emprunte la voie aérienne. Malgré une baisse constatée depuis 2004, la Chine conserve en effet sa place de leader en matière d'introduction de clandestins trouvés en possession de faux documents. Les filières recourent en outre sans scrupules à toute forme de corruption, tant auprès des officiels chinois que de tout agent étranger pouvant être utile à la réalisation de leur projet, comme pour l'obtention des visas (complicité en Europe dans les agences de voyages, associations ou sociétés commerciales, etc.).

Faut-il ajouter que les filières connaissent parfaitement les réglementations, qu'elles retournent à leur profit ? Par exemple, sachant qu'en France, les mineurs non accompagnés ne sont pas reconductibles et sont de fait pris en charge par l'État (hébergement, apprentissage du français, etc...), elles ont multiplié ce type d'arrivées, construites sur la base de scénarios plausibles - par exemple des mineurs âgés de 16 à 17 ans, censés venir effectuer un stage linguistique.

Qui plus est, les organisations criminelles chinoises s'adaptent aux diverses contraintes survenant dès l'apparition d'un problème : modification des législations, démantèlement d'un maillon du réseau, nouveaux documents de voyages présentés comme infalsifiables, amélioration des contrôles documentaires sur un aéroport, etc.

Par ailleurs, il apparaît de plus en plus que les filières chinoises n'hésitent pas à confier leurs « clients » à des réseaux parallèles et à faire appel à des passeurs de diverses nationalités (britannique, iranienne, roumaine notamment) pour atteindre leur but.

2) Le trafic de stupéfiants

La Chine dispose d'une importante industrie chimique qui produit, entre autres, certains des précurseurs utilisés pour la fabrication de drogues synthétiques. Or certains de ces précurseurs chimiques sont détournés et utilisés pour la fabrication de drogues synthétiques. C'est ainsi que des précurseurs chinois ont été retrouvés dans des ateliers clandestins aux Pays-Bas, d'où la drogue atteint la France. Un projet de coopération régionale Asie-Europe occidentale dans ce domaine est en cours de préparation et devrait être soumis prochainement à un financement européen.

La Chine est par ailleurs frontalière des deux principales régions productrices d'opium que sont l'Afghanistan et le Triangle d'or. Si la production d'opium et d'héroïne est en baisse constante depuis plusieurs années dans le Triangle d'or où elle est relayée par la production de drogues synthétiques, l'Afghanistan est devenu, et de loin, le premier producteur mondial d'opium (87 % de la production mondiale) et d'héroïne.

Plusieurs actions ont donc été entreprises depuis 2001 pour renforcer les relations avec les services chinois dans ce domaine : séminaires, formation, coopération directe sur dossier opérationnel. Dans un contexte plus général, le deuxième congrès « Accord » organisé à Pékin du 17 au 20 octobre 2005 a fait le bilan du plan d'action régional 2000-2005 contre les drogues dangereuses. Il a permis l'élaboration d'un nouveau plan d'action 2005-2010, prenant en considération les nouvelles tendances décelées dans cette région du monde et en particulier l'accroissement important du rôle joué par les drogues synthétiques. A l'heure actuelle, la Chine et la Thaïlande en sont les moteurs, la Chine souhaitant manifestement en faire un outil très opérationnel dans la lutte contre les trafics et les trafiquants de drogue.

Dans ce contexte, l'initiative, soutenue par la France, d'un projet de coopération entre les pays européens, la Chine et les pays de l'ASEAN dans le domaine de la lutte contre les trafics de drogues synthétiques et de leurs précurseurs trouve toute sa pertinence et suscite beaucoup d'intérêt de la part de l'ONUDC, de l'ASEAN et de la Chine.

3) La contrefaçon

La Chine est l'un des plus importants producteurs de contrefaçons au monde, essentiellement connue pour les contrefaçons de produits de luxe : marques de vêtements, de maroquinerie de luxe, de parfums. La France étant le pays phare de l'industrie du luxe, les entreprises françaises sont de facto particulièrement affectées. Cette face la plus visible et la plus connue de la contrefaçon d'origine chinoise se double désormais d'autres formes de contrefaçons. La Chine devient en effet également le foyer principal de piratage d'oeuvres audiovisuelles diverses, de même qu'elle est à l'origine de contrefaçons de médicaments, produits alimentaires, pièces automobiles, voire d'avions, lentilles de vue, etc. qui, au delà du préjudice économique causé aux fabricants, représentent de surcroît un risque pour la santé publique. A titre d'exemple, certains médicaments qui ne sont pas encore sur le marché sont déjà en vente sur Internet en Chine.

Le gouvernement chinois a pris des mesures pour lutter contre la contrefaçon. Même s'il s'agit souvent de chercher à parer ainsi les critiques des pays étrangers les plus touchés par les contrefaçons chinoises et s'il existe un décalage entre la règlementation adoptée et sa mise en oeuvre concrète, les autorités chinoises prennent néanmoins, peu à peu, conscience du rôle joué dans ce domaine par la criminalité organisée et du risque que la contrefaçon peut faire également courir à leur propre production.

Reste que la police chinoise intervient encore trop peu dans ce domaine, alors que les douanes, habilitées à effectuer des contrôles aux frontières, tant à l'entrée qu'à la sortie, obtiennent des résultats satisfaisants. Le nombre de saisies augmente régulièrement, passant de 300 en 2000 à 1050 en 2004.

En l'absence de mise en place effective d'une plate-forme interministérielle dans le domaine de la lutte contre les contrefaçons, il est impossible d'énoncer la proportion des produits chinois dans le total des saisies des produits et biens contrefaits en France. Cependant, la brigade centrale pour la répression des contrefaçons intellectuelles et artistiques fait état, en 2005, sur 44 affaires traitées, de onze affaires concernant des produits et biens contrefaits en Chine (vêtements et chaussures de marques, accessoires d'habillement, lentilles de contact...).

A l'évidence, le renforcement de notre coopération bilatérale avec la Chine dans ce domaine doit constituer une priorité de notre action. Sans doute la France gagnerait-elle, pour sensibiliser encore davantage la partie chinoise à ce problème, à développer son outil statistique national de manière à mieux faire ressortir le rôle des organisations chinoises sur le marché mondial de la contrefaçon.

II - POUR ACCROÎTRE L'EFFICACITÉ ET LE CHAMP DE CETTE COOPÉRATION, IL EST NÉCESSAIRE DE L'INSCRIRE DANS UN CADRE JURIDIQUE SPÉCIFIQUE

Pour riche et diverse qu'elle soit, la coopération bilatérale entre la France et la Chine en matière de sécurité intérieure n'est pas encadrée par un instrument juridique spécifique. Les conventions internationales signées et ratifiées par les deux parties offrent certes un cadre légal pour cette coopération. Mais ce sont en réalité surtout les engagements politiques répétés des dirigeants français et chinois qui en ont permis la réalisation.

Désireux de mettre à profit le cadre offert par la déclaration conjointe franco-chinoise pour un partenariat global signée à Pékin, le 16 mai 1997, afin de contribuer au renforcement et au développement de leurs relations bilatérales, les deux pays ont souhaité formaliser leur coopération dans un accord spécifiquement consacré à la sécurité intérieure. Notamment, à la suite de l'installation d'un attaché de sécurité intérieure français à Pékin, le 1er janvier 2001 le ministère de la sécurité publique chinois a proposé au ministère de l'intérieur français un projet d'accord sur la base des accords conclus par la Chine avec la Russie, les Etats-Unis et le Canada.

C'est dans ce contexte qu'ont été engagées les négociations qui ont abouti à la signature du présent accord à Pékin, le 8 janvier 2004, dans le cadre de la première visite effectuée par un ministre de l'intérieur français en Chine depuis la reconnaissance de la République populaire par la France en 1949.

A. Le cadre politique de la coopération entre la France et la Chine en matière de sécurité intérieure : la déclaration conjointe du 16 mai 1997

Le partenariat global entre la France et la Chine conclu lors de la visite à Pékin du président de la République en 1997 a ouvert un nouveau chapitre des relations bilatérales entre les deux pays.

La visite d'État en Chine du président de la République du 15 au 18 mai 1997 a en effet permis la signature, le 16 mai 1997, de la déclaration conjointe pour un partenariat global, qui place la relation franco-chinoise sur un nouveau pied, en fixant des objectifs ambitieux de rapprochement politique, économique et culturel : renforcer la multipolarité, réformer l'ONU, promouvoir le désarmement, protéger l'environnement, lutter contre la criminalité, aider au développement, soutenir le commerce multilatéral, respecter la pluralité culturelle, institutionnaliser les consultations, intensifier la coopération commerciale, renforcer les échanges culturels. Elle constitue désormais le document de référence des relations franco-chinoises.

Notamment, en matière de lutte contre la drogue, la criminalité et le terrorisme, les deux parties ont convenu « de coopérer dans le domaine de la lutte contre le trafic des drogues, le blanchiment de capitaux, l'immigration illégale et ses filières, et toutes les autres formes de criminalité transnationale organisée. Condamnant le terrorisme international sous toutes ses formes, elles coopéreront également dans la lutte contre ce fléau. »

On notera que, peu après la signature de l'accord aujourd'hui soumis pour ratification à notre Assemblée, la visite du Président de la République en Chine a permis, une nouvelle fois, de réaffirmer la volonté politique des deux États en matière de coopération. La déclaration conjointe du 27 janvier 2004 précise ainsi que les deux parties « renforceront leur coopération dans les domaines judiciaire et de sécurité intérieure, conformément notamment à l'accord intergouvernemental relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure. »

B. Le cadre juridique de cette coopération : l'accord signé à Pékin le 8 janvier 2004

La négociation de l'accord que notre Commission est aujourd'hui appelée à examiner a été difficile. Trois ans ont été nécessaires, notamment pour régler les problèmes délicats soulevés par la différence conceptuelle qui existe entre nos deux pays au sujet des droits de l'homme en général, des libertés individuelles en particulier.

Si l'économie générale du projet n'a pas donné lieu à des désaccords de fond entre les deux parties, il a fallu ainsi faire face, lors de ces discussions, à des contre-propositions chinoises très éloignées des propositions françaises notamment en ce qui concerne la rédaction des clauses de sauvegarde, et l'exclusion des dispositions relatives à l'entraide judiciaire.

Telles sont les raisons pour lesquelles, outre les dispositions habituelles, cet accord comporte des spécificités notables.

1) Un accord aux dispositions classiques...

Comme le rapporteur l'a souligné, la coopération bilatérale entre la France et la Chine est, avant tout, née de la forte volonté politique des parties. Le préambule de l'accord en témoigne, se référant à la déclaration précitée du 16 mai 1997.

Pour le reste, c'est un accord aux dispositions classiques pour la plupart, reprises de l'accord type utilisé par la France dans les négociations en la matière.

Après un article général relatif à la définition des autorités compétentes pour l'application de l'accord (article 1er), l'article 2 énumère le champ de la coopération envisagée par les parties. Quinze domaines d'action en matière de lutte contre les formes de criminalité transnationale dans lesquels la Chine et la France entendent coopérer sont ainsi énumérés. Ils concernent la lutte contre la criminalité organisée, le trafic de drogue, le terrorisme, le blanchiment d'argent, la traite des êtres humains, l'immigration illégale, la sécurité des transports, la falsification de documents, la contrefaçon, le trafic d'armes et de substances dangereuses, le trafic d'objets d'art, la sécurité des événements sportifs (dans la perspective des Jeux Olympiques de 2008), la criminalité informatique, ainsi que la coopération en matière de police technique et scientifique, de formation et d'élaboration de l'État de droit.

Ce vaste éventail correspond aux préoccupations des deux pays : la Chine est intéressée par l'apport français en matière de techniques modernes de police, de sûreté aérienne et sportive, de lutte contre la fraude informatique et les exportations illégales d'antiquités, tandis que la France, pour sa part, pourra contribuer au renforcement de l'État de droit dans ce pays, à la lutte contre les contrefaçons, l'immigration illégale, les faux papiers, la drogue et le trafic d'armes, de matériaux biologiques et nucléaires.

On remarquera que, si la plupart des domaines envisagés permettent de définir des coopérations structurelles, l'accord envisage également ce champ ponctuel qu'est l'organisation de la sécurité des Jeux Olympiques que la Chine accueillera sur son sol en 2008. Dans ce domaine, la Chine a exprimé de nombreuses demandes, que ce soit en matière d'équipements ou de formation des personnels concernés. En ce qui concerne les équipements, plusieurs entreprises françaises sont actuellement en compétition avec des concurrents étrangers. Quant à la formation, elle s'articule autour de trois grands axes :

- gestion des foules ;

- intervention dans des situations particulièrement difficiles ;

- secours en cas de catastrophe.

Les partenaires français devraient être la direction générale de la police nationale (DGPN, notamment l'unité d'élite qu'est le RAID) et la sécurité civile, au sein de laquelle la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris, jumelée avec les pompiers de Pékin, joue un rôle très important. Le moment venu, il sera également indispensable de mettre en place une coopération opérationnelle : échange d'informations sur l'analyse du risque mais aussi sur des mouvements de personnes suspectes, coopération pour assurer au mieux la sécurité des athlètes français et des personnalités qui se déplaceront à l'occasion des Jeux.

S'agissant des autres dispositions classiques de la convention :

- l'article 4 expose les mesures concrètes à mettre en _uvre en matière de prévention et de recherche de faits punissables dans le cadre des différentes formes de criminalité internationale ;

- quant aux article 5 et 6, il concerne des champs de coopération spécifiques : la lutte contre la drogue pour le premier, qui énumère les mesures prises par les deux Parties afin de prévenir la culture, l'extraction, la production, l'importation, l'exportation, le transit et la commercialisation illicites de stupéfiants ; la lutte contre le terrorisme pour le second, qui traite de l'échange d'informations sur les actes et les groupes terroristes ;

- la coopération technique est menée en matière de formation, d'échange d'experts et de conseil technique, dans le cadre d'une programmation annuelle (article 7) ;

- le traitement confidentiel des données et matériels échangés est garanti par l'article 10 ;

- le règlement des différends s'effectue par la voie de consultations entre les Parties (article 11) ;

- enfin, les dispositions finales de l'article 12, de facture classique, concernent l'amendement, la suspension et la dénonciation de l'accord.

2) ... mais néanmoins caractérisé par des spécificités ponctuelles

Outre une spécificité tenant aux champs de la coopération envisagée

- par rapport à l'accord type, l'accord ne mentionne ni le trafic de véhicules volés, ni le trafic d'organes, mais inclut en revanche les domaines de coopération suivants : la sécurité et la protection des évènements sportifs, la criminalité informatique et l'élaboration de l'État de droit et des normes législatives et réglementaire en matière de sécurité intérieure -, le présent accord comporte des spécificités notables en matière de libertés publiques.

A la faveur de son partenariat avec la Chine, la France a constamment marqué son souhait d'aborder de manière plus constructive la question des droits de l'homme en Chine. On rappellera d'ailleurs que c'est Paris qui a ouvert la voie à une nouvelle approche européenne sur le sujet au printemps 1997, en permettant l'établissement d'un dialogue régulier entre l'Union européenne et la Chine, au niveau des experts et des juristes, sur les droits de l'homme et l'État de droit. Cette ouverture a porté des fruits, notamment en incitant la Chine à signer les deux pactes fondamentaux des Nations unies, sur les droits économiques, sociaux et culturels (signé en octobre 1997 et ratifié en mars 2001), et sur les droits civils et politiques (signé en octobre 1998), même si les progrès concrets sont lents.

Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que, s'agissant d'un accord sur la sécurité intérieure, cette question soit une nouvelle fois revenue à l'ordre du jour. C'est notamment la question des échanges d'informations et de leurs communications aux intéressés ou aux tiers qui a fait l'objet de négociations délicates.

Ainsi, l'article 3, qui prévoit la possibilité pour chacune des parties de refuser de communiquer une information si elle estime que cette dernière est de nature à porter atteinte aux principes fondamentaux consacrés par les législations nationales, ne fait pas référence aux « droits fondamentaux de la personne », à la différence de l'accord type.

Par ailleurs, l'article 8, qui aménage les conditions de la communication et de l'utilisation des données personnelles, n'ouvre pas de droit, pour toute personne justifiant de son identité, de savoir si les autorités détiennent des informations nominatives la concernant et d'en recevoir communication. En outre, il n'est pas possible de communiquer ces informations à des tiers.

On notera enfin que la Chine a souhaité ajouter un article stipulant que la mise en _uvre de l'accord n'affectait pas le renforcement de la coopération bilatérale des deux parties dans le cadre d'organisations internationales et d'INTERPOL en particulier (article 9).

CONCLUSION

Le but essentiel de la coopération technique entre la France et la Chine en matière de sécurité intérieure est d'établir à terme une relation de confiance, fondée sur une meilleure connaissance réciproque, afin de parvenir à une coopération plus efficace dans le domaine de la lutte contre diverses formes de criminalité organisée transnationale.

Le présent accord va dans ce sens. Avec l'accord d'entraide judiciaire signé en 2005 entre les deux pays, il permettra d'améliorer notablement l'exécution des pièces de justice chinoises ou françaises sur le territoire de l'autre partie. Ajoutons qu'il a d'ores et déjà été ratifié par la Chine, peu après sa signature.

C'est pourquoi votre Rapporteur recommande l'adoption de ce projet de loi par la Commission des Affaires étrangères.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 8 février 2006.

Après l'exposé du Rapporteur, le Président Edouard Balladur s'est interrogé sur le choix de certains termes, mentionnant la référence au « contrôle de foule » parmi les éléments susceptibles d'ouvrir sur une coopération franco-chinoise à l'occasion des Jeux Olympiques de Pékin en 2008, ainsi que le titre même de l'accord.

Le Rapporteur a expliqué que la coopération que la France et la Chine pourrait mettre en place en 2008 reposait sur la réputation du savoir-faire français dans plusieurs domaines tels que les secours en cas de catastrophes naturelles - la sécurité civile française étant connue pour ses interventions dans le monde entier - ou la gestion de prises d'otages. Quant à la « gestion de foule », la France disposait en la matière d'une expérience à son échelle, dont on pouvait penser qu'elle pouvait être transposée à l'échelle chinoise.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2376).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (n° 2376).

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N° 2847 - Rapport fait par M. Jean-Marc Roubaud au nom de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi n° 2376, autorisant l'approbation de l'accord entre la France et la Chine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure


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