N° 3022 - Rapport de M. Guy Lengagne sur le projet de loi , adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention relative au renforcement de la Commission interaméricaine du Thon tropical établi par la Convention de 1949 entre les Etats-Unis d'Amérique et la République du Costa Rica (ensemble quatre annexes). (n°2559)



Document

mis en distribution

le 19 avril 2006

N° 3022

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 avril 2006.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 2559, autorisant l'approbation de la convention relative au renforcement de la Commission interaméricaine du Thon Tropical établie par la Convention de 1949 entre les Etats-Unis d'Amérique et la République du Costa Rica (ensemble quatre annexes),

PAR M. GUY LENGAGNE,

Député

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INTRODUCTION 5

I - LA CONVENTION BILATÉRALE DE 1949 PORTE CRÉATION DE LA COMMISSION INTERAMÉRICAINE DU THON TROPICAL 7

A - QU'EST-CE QUE LA COMMISSION INTERAMÉRICAINE DU THON TROPICAL ? 7

B - QUELS SONT LES PARTIES CONTRACTANTES ? 8

C - QUELLE EST LA ZONE DE COMPÉTENCE ? 8

D - POURQUOI UNE NOUVELLE CONVENTION ? 9

II - LA NOUVELLE CONVENTION VISE À RENFORCER LES STRUCTURES ET LES MOYENS DE L'ACTUELLE COMMISSION INTERAMÉRICAINE DU THON TROPICAL 11

A - L'ORGANISATION ET LES COMPÉTENCES DE LA COMMISSION SONT RENFORCÉES 11

1 - L'organisation de la Commission est renforcée 11

2 - Les compétences de la Commission sont étendues 12

B - LA DÉFINITION DES ESPÈCES VISÉES PAR LA NOUVELLE CONVENTION EST PLUS LARGE QU'EN 1949 14

C - LE CHAMP D'APPLICATION DE LA NOUVELLE CONVENTION EST ÉLARGI 15

D - LES ETATS PARTIES BÉNÉFICIENT DE DROITS ET D'OBLIGATIONS 16

E - LA COMMISSION EST UNE ORGANISATION OUVERTE 16

F - DÈS SON ENTRÉE EN VIGUEUR, LA NOUVELLE CONVENTION PRÉVAUDRA SUR LA CONVENTION DE 1949 18

III - LA FRANCE A TOUT INTÉRÊT À ÊTRE PARTIE À LA NOUVELLE CONVENTION 19

CONCLUSION 21

EXAMEN EN COMMISSION 23

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi, adopté par le Sénat, a pour objet d'autoriser la ratification de la convention relative au renforcement de la Commission Interaméricaine du Thon Tropical (CITT). Cette convention a été adoptée à l'unanimité par une résolution des Etats membres de la CITT lors de la soixante-dixième session de cette organisation qui s'est tenue le 27 juin 2003 à Antigua au Guatemala, d'où son nom de « convention d'Antigua ». La France l'a signée le 14 novembre 2003.

Après avoir rappelé brièvement ce qu'est la Commission interaméricaine du thon tropical, votre Rapporteur s'attachera à présenter les apports de la convention d'Antigua, avant d'indiquer quel est l'intérêt pour la France d'y adhérer.

I - LA CONVENTION BILATÉRALE DE 1949 PORTE CRÉATION DE LA COMMISSION INTERAMÉRICAINE DU THON TROPICAL

Votre Rapporteur rappellera brièvement ce que recouvrent les stipulations de la convention de 1949.

A - Qu'est-ce que la Commission interaméricaine du thon tropical ?

A l'origine, la Commission interaméricaine du thon tropical (CITT ou IATTC en anglais) a été établie par la convention bilatérale de 1949 entre les Etats-Unis d'Amérique et la République du Costa Rica. La CITT ainsi créée est une organisation régionale de pêche (ORP) à laquelle les Parties contractantes ont accordé la compétence pour réglementer la gestion et la conservation des stocks de thons dans l'océan Pacifique oriental afin d'assurer un équilibre entre exploitation durable et conservation à long terme des stocks de poissons, comme les thons à nageoires jaunes, les bonites à ventre rayé et d'autres espèces pêchées par les thoniers dans le Pacifique oriental.

Entre 1949 et 2003, les décisions principales que la CITT a prises ont consisté en des mesures d'encadrement et de limitation de l'effort de pêche et des captures de thonidés, la réglementation des captures accidentelles de dauphins, qui sont liées à la technique particulière de pêche à la senne (filet) sur dauphins, cette technique étant spécifique au Pacifique Est. Ainsi, plusieurs résolutions prises par la Commission ont contenu des mesures de fermetures spatio-temporelles pour les senneurs obligeant les Parties à choisir entre deux périodes de fermeture possible, ce qui signifie que les senneurs battant pavillon d'une Partie ne sont pas autorisés à pêcher dans le Pacifique Est pendant la période choisie par leur Etat Partie. D'autres résolutions ont également comporté des mesures visant à limiter la capacité des palangriers et des senneurs, les deux types de navires pêchant le thon dans la région. La Chine, le Japon, la Corée et Taiwan sont ainsi limités dans leur tonnage total de palangriers. Il est à noter que la France a fait l'objet d'une note de bas de page mentionnant la reconnaissance par les Parties de son droit, en tant qu'Etat côtier, à développer une flotte de palangriers et qu'elle a exprimé son intérêt à développer une flotte de senneurs dans la zone au titre de ses territoires d'outre-mer. Enfin, une résolution prise en 2004 mentionne l'obligation d'avoir installé un système de suivi par satellite VMS (vessel monitoring system) le 1er janvier 2005 ou « le plus tôt possible ensuite ».

B - Quelles sont les Parties contractantes ?

A partir de 1953, treize autres pays riverains ou pêchant dans la région ont adhéré à cette convention, dont la France le 22 mai 1973. Celle-ci souhaitait ainsi marquer sa souveraineté sur Clipperton, régulièrement contestée par le Mexique. Par la suite, la présence du territoire d'outre-mer de la Polynésie française dans la zone de compétence de cette organisation a également justifié la participation de la France.

A ce jour, quinze pays sont membres de la CITT : la Corée, le Costa Rica, l'Equateur, l'Espagne, les Etats-Unis, la France, le Guatemala, le Japon, le Mexique, le Nicaragua, le Panama, le Pérou, le Salvador, le Vanuatu, le Venezuela. La Colombie est en cours d'adhésion et le Belize a fait une demande d'adhésion. Le Canada, la Chine, le Honduras, l'Union européenne et le Taipei chinois en sont des parties coopérantes non contractantes ou des entités de pêche coopérantes.

De même, il est intéressant de noter que, bien que n'ayant pas de territoire d'outre-mer susceptible de justifier sa participation, l'Espagne a adhéré à la convention bilatérale de 1949 en 2002 car celle-ci prévoyait uniquement l'adhésion des Etats et n'incluait pas la possibilité d'adhésion d'une organisation d'intégration économique, en l'occurrence la Communauté européenne. Pour cette raison et par dérogation à la compétence exclusive de la Communauté en matière de pêche, la décision 1999/405/CE du Conseil a autorisé l'Espagne à adhérer temporairement à la convention de 1949 pour faire face à des « circonstances exceptionnelles » et sans que cela puisse constituer un quelconque précédent ou empiéter sur les compétences exclusives de la Communauté en matière de pêche. Il s'agissait en réalité pour l'Espagne de pouvoir prendre part aux décisions de la CITT concernant ses navires présents dans la zone, seuls navires communautaires d'ailleurs. Cette adhésion temporaire devait prendre fin lors de l'entrée en vigueur du protocole portant amendement de la convention de 1949 relative à la création d'une commission interaméricaine du thon tropical, adopté en 1999 et plus connu sous l'appellation de « protocole de Guayaquil ». Ce protocole avait essentiellement pour objectif de modifier la convention de 1949 de manière à ce que des organisations régionales d'intégration économique puissent devenir membres de cette organisation régionale de pêche. Il s'avère en réalité que le processus de ratification de ce protocole est extrêmement lent car son entrée en vigueur n'interviendra que lorsqu'il aura été ratifié par toutes les parties à la CITT, or à ce jour seules quatre d'entre elles ont accompli cette procédure.

C - Quelle est la zone de compétence ?

La convention initiale était un simple accord bilatéral entre les Etats-Unis d'Amérique et le Costa Rica, sans définition de zone de compétence autre que la référence au Pacifique Est. La zone de compétence actuelle peut être déduite de la zone d'application des mesures de la CITT concernant le thon albacore : de la côte américaine au 150° Ouest et entre les parallèles 40° Nord et 40° Sud.

D - Pourquoi une nouvelle convention ?

Les récentes évolutions du droit international de la mer en matière de pêche ont rendu obsolètes les statuts de la convention bilatérale de 1949. Il s'agit en particulier de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, adoptée en 1982 et entrée en vigueur en 1996, de l'accord conclu à New York en 1995 sur les stocks chevauchants et les poissons grands migrateurs, du code de conduite pour une pêche responsable adopté en 1995 par la Conférence de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture qui inclut l'accord de 1993 visant à favoriser le respect par les navires de pêche en haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion.

Prenant en considération cette inadéquation des statuts par rapport aux évolutions du droit de la mer en matière de pêche, la CITT a adopté en 1998 une résolution engageant le processus de rédaction d'une nouvelle convention destinée à se substituer à celle de 1949. Ainsi, un groupe de travail, auquel ont participé tous les pays membres de la CITT, s'est réuni une dizaine de fois, et le texte de la nouvelle convention a été adopté à l'unanimité par une résolution de la CITT, à Antigua en juin 2003, au cours de sa soixante-dixième session.

II - LA NOUVELLE CONVENTION VISE À RENFORCER LES STRUCTURES ET LES MOYENS DE L'ACTUELLE COMMISSION INTERAMÉRICAINE DU THON TROPICAL

Alors que la convention de 1949 contenait cinq articles, la nouvelle convention en comporte trente-sept, auxquels viennent s'ajouter quatre annexes.

A - L'organisation et les compétences de la Commission sont renforcées

1 - L'organisation de la Commission est renforcée

La Commission interaméricaine du thon tropical, qui jouit de la personnalité juridique, reste constituée de sections composées d'un à quatre commissaires désignés par chaque membre. Le gouvernement français a désigné quatre fonctionnaires reconnus pour leurs compétences techniques avec l'objectif d'assurer une représentativité de l'ensemble des acteurs prenant part à ce dossier, à savoir le ministère de l'Outre-mer, le ministère de l'Agriculture et de la pêche, le Haut-Commissariat de la République pour la Polynésie française et le secrétariat général de la Mer. Le siège est maintenu à San Diego, en Californie, et la nouvelle organisation conservera les actifs et les passifs de l'ancienne. Ainsi, les résolutions adoptées avant l'entrée en vigueur de la nouvelle convention demeureront applicables (article 6). De même, le personnel administratif, scientifique et technique de la CITT restera en place. Celle-ci est tenue de recruter ce personnel sur une base équitable afin de promouvoir une représentation et une participation larges de ses membres (article 7). Les fonctions du personnel scientifique, qui travaille sous la supervision du directeur, sont énumérées à l'article 13.

La Commission nomme un directeur dont les compétences dans le domaine de la présente convention sont établies et généralement reconnues. Son mandat est de quatre ans et il peut être reconduit dans ses fonctions autant de fois que la CITT le décide. Ses fonctions sont énumérées à l'article 12. Il agit notamment en tant que représentant légal de la CITT (article 7).

Les membres de la CITT élisent un président et un vice-président parmi les Parties pour une période d'un an (article 8). Auparavant, elle nommait un président et un secrétaire pour une année.

La CITT se réunit au moins une fois par an, au lieu et à la date convenus par elle-même. Elle peut bien entendu tenir des réunions extraordinaires convoquées à la demande d'au moins deux membres, sous réserve de l'appui d'une majorité de membres (article 8). Les langues de travail sont l'anglais et l'espagnol. Toutes les décisions prises par la Commission le sont par consensus des membres présents ou de toutes les Parties selon les cas énumérés à l'article 9.

La CITT constitue un comité chargé de l'examen de l'application des mesures qu'elle adopte (article 10). Il est composé des représentants désignés à cet effet par chaque membre de la CITT. Ils peuvent être accompagnés des experts et conseillers qu'ils jugent nécessaires. Les fonctions du comité sont établies à l'annexe 3 de la présente convention. La règle est là encore le consensus pour l'adoption des rapports et recommandations du comité. Celui-ci tient au moins une réunion par an, de préférence à l'occasion de la réunion ordinaire de la CITT.

La CITT constitue également un comité scientifique consultatif (article 11), composé d'un représentant désigné par chaque membre de la CITT, qui peut être accompagné des experts ou conseillers qu'il juge nécessaires. Les fonctions de ce comité sont établies à l'annexe 4 à la présente convention. Celui-ci tient au moins une réunion par an, de préférence à l'occasion de la réunion ordinaire de la CITT. La règle est là encore le consensus pour l'adoption des rapports et recommandations du comité.

2 - Les compétences de la Commission sont étendues

L'objectif de la présente convention est de garantir la conservation et l'utilisation durable à long terme des stocks de poissons qu'elle vise, conformément aux règles du droit international (article 2). A cette fin, la Commission doit adopter les mesures et recommandations nécessaires en matière de conservation et de gestion, ainsi que les mesures adaptées pour faire cesser la surexploitation et la surcapacité de pêche (article 7). La Commission doit également définir et prendre les décisions portant sur la répartition du volume admissible de captures. Les membres de la CITT s'engagent également à mettre en œuvre l'approche de précaution telle que définie dans les instruments pertinents (accord de 1995 sur les stocks chevauchants et les grands migrateurs) et, en particulier, ils doivent prendre d'autant plus de précautions que les informations relatives à l'état des stocks de poissons sont incertaines, peu fiables ou inadéquates (article 4).

La Commission approuve son programme de travail, son budget conformément aux stipulations de l'article 14, les comptes au titre du dernier exercice budgétaire, adopte ou amende ses propres règles et procédures, règlements financiers et autres règlements administratifs internes nécessaires à l'exercice de ses fonctions. Elle établit les organes subsidiaires qu'elle juge nécessaires. La CITT tient une comptabilité séparée pour les activités réalisées en vertu de la présente convention et en vertu de l'APICD, Accord sur le programme international pour la conservation des dauphins du 21 mai 1998 (1), dont elle assure le secrétariat. Chaque année, les comptes de la CITT sont soumis à un audit financier. Le budget est alimenté par des contributions obligatoires de chaque membre de la CITT (article 15). Par ailleurs, la CITT doit établir un fonds destiné à recevoir des contributions volontaires pour la recherche et la conservation des stocks de poissons visés par la présente convention et, le cas échéant, des espèces associées ou dépendantes, ainsi que pour la conservation de l'environnement marin. Enfin, chaque membre de la CITT couvre les dépenses liées à sa participation aux réunions de la CITT et de ses organes subsidiaires.

Le budget au titre de l'année 2006 a été évalué à 5,2 millions de dollars. Il est réparti entre les membres de l'organisation selon des facteurs de pondération liés à la richesse des pays - ce sont les catégories dans le tableau ci-dessous. Ces facteurs de pondération servent à calculer le coefficient de participation de chaque pays au budget total, en fonction d'une part de ses captures dans la zone et d'autre part de son « utilisation », c'est-à-dire de sa pêche dans la zone de compétence de la CITT additionnée de son importation de produits thoniers.

Budget 2006 (dollars américains)

5 182 908

Etats Unis, contribution spéciale (dollars américains)

1 600 000

Budget à répartir (dollars américains)

3 582 908

 

Catégorie

Facteur (F)

Costa Rica

2

1

Equateur

1

1

Espagne

4

4

France

4

4

Guatemala

2

1

Japon

4

3,5

Mexique

3

3

Nicaragua

1

0,5

Panama

2

2

Pérou

2

1

Salvador

2

1

Etats-Unis

4

4

Venezuela

2

2

Vanuatu

1

1

Corée

3

3

somme pondérée

32

nombre de pays

15

La pondération à appliquer pour le calcul de la contribution individuelle de la France est alors calculée comme suit :

 

France

Total

 
 

tonnage

tonnage x F

tonnage

total pondéré

pondération France

captures

3 368

13 472

598 406

1 327 697

13 472/1 327 697 = 0,01015

utilisation

8 817

35 268

632 319

1 653 700

35 268/1 653 700 = 0,02133

Le calcul de la contribution française est donc le suivant :

part du budget global

répartition entre contributeurs

pondération France

contribution France

5 %

179 145

répartis équitablement

x 1/15

11 943

10 %

358 291

selon facteur

x 4/32

44 786

47,50 %

1 701 881

selon facteur et captures

x 1,015 %

17 269

37,50 %

1 343 591

selon facteur et utilisation

x 2.133 %

28 654

     

Total France
(dollars américains)

102 653

Dans son processus de prise de décisions et dans ses autres activités, la CITT promeut la transparence quant à l'application de la présente convention (article 16). Pour ce faire, les informations pertinentes non confidentielles sont publiques. Elle facilite les consultations avec toutes les instances intéressées par ses activités ainsi que leur participation effective. Conformément aux principes et critères établis à l'annexe 2 à la présente convention, les représentants des Etats non Parties, des organisations intergouvernementales appropriées et des organisations non gouvernementales, ainsi que l'industrie thonière de tout membre de la CITT opérant dans la zone de la convention peuvent participer aux réunions de la CITT et de ses organes subsidiaires en qualité d'observateurs.

B - La définition des espèces visées par la nouvelle convention est plus large qu'en 1949

Les stocks de poissons visés par la nouvelle convention sont les stocks de thons et d'espèces apparentées, ainsi que les autres espèces de poissons capturées par les navires pêchant le thon et des espèces apparentées dans la zone de la convention (article 1er).

Cette définition plus large est le résultat d'un compromis entre les pays désireux de limiter la compétence aux seuls thonidés, comme les pays d'Amérique latine, et des pays qui raisonnent en terme d'écosystèmes et souhaiteraient notamment que la pêche aux requins soit réglementée par la CITT, comme les Etats-Unis.

Le terme « espèces apparentées » concerne les thonidés pêchés par les flottilles thonières : bonites, germons et autres. Ces espèces sont prises en moins grandes quantités mais font l'objet de déclarations. Les espèces pour lesquelles un encadrement se justifie en raison d'une pression de pêche importante ou excessive sont l'albacore (yellowfin) et le thon obèse (bigeye). Les principales espèces de thons présentes dans la zone de compétence sont l'albacore (thunnus albacores ou yellowfin tuna), le listao (katsuwonus pelamis ou skipjack) et le patudo (thunnus obesus ou bigeye tuna). Le besoin de gestion de l'albacore s'est fait ressentir dès les années soixante et l'hypothèse faite depuis 1990 est celle d'un stock unique dans l'ensemble du Pacifique. Le listao est la deuxième espèce, en termes d'importance des captures, dans la zone gérée par la CITT. Les prises sont très variables d'une année sur l'autre, sans que l'on sache si cela est dû à des variations de la pression de pêche ou à la disponibilité du poisson ou encore à sa répartition. Le patudo est moins pêché que les deux espèces précédentes mais il a une plus forte valeur. Cette espèce est particulièrement prisée par les palangriers asiatiques dont les prises s'échelonnaient entre 29,9 et 107,4 milliers de tonnes par an entre 1970 et 1998 contre 0,8 à 51,4 milliers par les pêcheries de surface qui pêchent des animaux de plus petite taille.

C - Le champ d'application de la nouvelle convention est élargi

La zone de la nouvelle convention est élargie et couvre désormais l'ensemble de l'océan Pacifique situé à l'Est du méridien 150° de longitude Ouest, qui passe à l'Ouest de Tahiti, à l'exception des eaux situées au Nord du parallèle 50° de latitude Nord et au Sud du parallèle 50° de latitude Sud (article 3).

Les zones sous juridiction des Etats côtiers sont également incluses dans la zone de couverture de la nouvelle CITT, mais le texte de la convention précise bien qu'aucune de ses stipulations ne doit porter atteinte ou nuire à la souveraineté ou aux droits souverains des Etats côtiers en termes d'exploration ou d'exploitation, de conservation et de gestion des ressources biologiques marines, et ceci dans les zones dans lesquelles ces Etats exercent leur souveraineté ou leur juridiction (article 5). Les mesures de gestion et de conservation adoptées dans les zones se trouvant dans la juridiction des Etats côtiers doivent cependant être compatibles avec celles qui sont prises par la CITT. Il s'agit là d'une disposition importante découlant de l'accord de 1995 sur les stocks chevauchants et les poissons grands migrateurs, qui a pour objectif de prendre en considération l'unicité des stocks en question. Cette stipulation s'applique également désormais à toutes les organisations régionales de pêche.

La zone économique exclusive de la Polynésie française sera donc incluse à 80 % dans la zone de compétence de la CITT.

D - Les Etats Parties bénéficient de droits et d'obligations

Aucune disposition de la présente convention ne peut être interprétée de manière susceptible de porter atteinte ou de nuire à la souveraineté, aux droits souverains ou à la juridiction exercée par tout Etat conformément au droit international, ainsi qu'à sa position ou à son point de vue sur des questions relatives au droit de la mer (article 17).

Chaque Partie doit prendre les mesures nécessaires pour garantir que les navires battant son pavillon respectent les dispositions et les mesures de gestion adoptées par la CITT. Elle ne doit pas permettre à un navire battant son pavillon de pêcher sans autorisation dans la zone de compétence de la CITT. Elle prend également les mesures nécessaires pour garantir que les navires battant son pavillon ne pêchent pas dans les zones relevant de la juridiction ou de la souveraineté d'un autre Etat (articles 20 et 21).

Les Etats Parties s'engagent par ailleurs à informer la CITT des mesures adoptées relatives à la conservation et à la gestion, ainsi que celles relatives aux infractions et aux sanctions (articles 18 et 19). Les Etats membres doivent mener des enquêtes sur les navires battant leur pavillon qui ont été signalés en infraction dans la zone de la convention, et ils doivent également appliquer des sanctions d'une gravité suffisante pour garantir le respect des dispositions et des mesures prises en vertu de la convention. En revanche, la Commission ne peut pas prendre de mesures de contrôle en pleine mer et la possibilité d'adopter des sanctions de nature commerciale n'est pas expressément prévue. Néanmoins ce sujet a longuement été débattu lors de la dernière réunion annuelle de la Commission et une résolution portant, entre autres, sur ce genre de mesures a été adoptée sous réserve d'approbation « ad referendum » par les Parties.

Chaque Partie tient un fichier des navires autorisés à battre son pavillon et autorisés à pêcher dans la zone de la convention des stocks de poissons visés par la présente convention. L'annexe 1 énumère les directives et critères pour l'établissement de ces fichiers de navires.

E - La Commission est une organisation ouverte

La nouvelle convention est restée ouverte à la signature à compter du 14 novembre 2003 et jusqu'au 31 décembre 2004 :

- aux Parties à la convention de 1949,

- aux Etats non Parties à la convention de 1949 riverains de la zone de la nouvelle convention,

- aux Etats et organisations régionales d'intégration économique non Parties à la convention de 1949 et dont les navires ont pêché des stocks de poissons visés par la présente convention à un quelconque moment au cours des quatre ans qui ont précédé l'adoption de la présente convention, et qui ont participé à la négociation de celle-ci,

- et aux autres Etats non Parties à la convention de 1949 et dont les navires ont pêché des stocks de poissons visés par la présente convention à un quelconque moment au cours des quatre ans ayant précédé l'adoption de la présente convention, à la suite de consultations avec les Parties à la convention de 1949 (articles 27 et 29, 30).

S'agissant des organisations régionales d'intégration économique, aucun Etat membre d'une telle organisation ne peut signer la présente convention à moins qu'il ne représente un territoire situé en dehors du champ d'application territorial du traité établissant l'organisation et sous réserve que la participation de cet Etat membre soit limitée exclusivement à la représentation des intérêts de ce territoire. C'est le cas de la France qui sera Partie au titre de la Polynésie française et de Clipperton. Du point de vue juridique, les éventuels intérêts français portant sur les unités de pêche métropolitaines de haute mer dans la zone de la CITT sont représentés par la Communauté européenne. Dans les faits, aucun navire français métropolitain n'opère dans cette zone. La France y défend donc spécifiquement les zones économiques exclusives de Clipperton et de la Polynésie française.

Par ailleurs, la nouvelle convention permettant à la Communauté européenne d'adhérer, la présence de l'Espagne en tant que telle n'est plus possible, cet Etat n'ayant pas de territoire d'outre-mer susceptible de justifier sa participation par ailleurs. Au moment de l'entrée en vigueur de la convention d'Antigua, l'Espagne devra donc dénoncer la convention de 1949.

Le partage des compétences entre la Communauté européenne et les Etats membres se fera sur la base d'une déclaration de compétence qui sera fournie par la Communauté européenne. A titre d'exemple, les déclarations de compétence faites dans le cadre de la Commission générale des pêches pour la Méditerranée (CGPM) pourront être consultées.

Toute entité de pêche dont les navires ont pêché des stocks de poissons visés par la présente convention à un quelconque moment au cours des quatre ans ayant précédé l'adoption de la présente convention peut exprimer son engagement ferme à respecter les stipulations de la présente convention et à observer toute mesure de conservation et de gestion adoptée en vertu de celle-ci (article 28).

F - Dès son entrée en vigueur, la nouvelle convention prévaudra sur la convention de 1949

La présente convention entrera en vigueur quinze mois après le dépôt auprès du dépositaire du septième instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion des Parties à la convention de 1949 qui étaient Parties à cette convention à la date à laquelle la présente convention a été ouverte à la signature, soit le 14 novembre 2003 (article 31).

Dès son entrée en vigueur elle prévaudra sur la convention de 1949, mais les divers mesures et arrangements adoptés par la CITT conformément à la convention de 1949 resteront en vigueur jusqu'à leur échéance ou abrogation par décision de la CITT ou leur remplacement par d'autres mesures ou arrangements adoptés conformément à la présente convention.

Une application provisoire de la présente convention par un Etat Partie est possible (article 32). La présente convention n'admet aucune réserve (article 33) mais peut être amendée sur proposition d'un membre de la Commission (article 34). Les annexes, qui font partie intégrante de la présente convention, peuvent également être amendées (article 35). Toute Partie peut se retirer de la présente convention (article 36). Le dépositaire des textes originaux de la présente convention est le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique (article 37).

A ce jour, treize Parties ont signé la convention d'Antigua : le Canada, le 10 décembre 2004, la Chine, le 3 mars 2004, la Communauté européenne, le 13 décembre 2004, le Costa Rica, le 14 avril 2004, l'Equateur, le 14 avril 2004, les Etats-Unis, le 14 novembre 2003, la France, le 14 novembre 2003, le Guatemala, le 6 janvier 2004, le Mexique, le 14 novembre 2003, le Nicaragua, le 21 novembre 2003, le Pérou, le 14 novembre 2003, le Salvador, le 13 mai 2004, le Venezuela, le 12 mai 2004, l'entité de pêche Taiwan (dénommée Taipei chinois), le 14 novembre 2003.

Seuls deux pays ont pour le moment achevé leur processus de ratification : le Salvador, le 10 mars 2005, et le Mexique, le 14 janvier 2005.

L'Union européenne sera membre à part entière dès l'entrée en vigueur de la convention d'Antigua, mais la France, conformément à l'article 26, paragraphe 2, restera partie contractante au titre de ses territoires non couverts par le traité de Rome que sont la Polynésie française et Clipperton.

III - LA FRANCE A TOUT INTÉRÊT À ÊTRE PARTIE
À LA NOUVELLE CONVENTION

En application de l'accord de New York de 1995 sur les stocks chevauchants et les grands migrateurs, les Etats côtiers et les Etats qui pratiquent la pêche en haute mer ont obligation de coopérer en vue d'assurer la conservation et la gestion des stocks de poissons. Les Etats côtiers conservent leurs droits d'édicter des mesures de gestion pour leurs zones sous juridiction, mais celles-ci doivent être compatibles avec celles décidées par les organisations régionales de pêche pour la haute mer.

Par ailleurs, l'accord de New York précise que les Etats qui exploitent des stocks en haute mer et les Etats côtiers intéressés s'acquittent de leur obligation de coopérer en devenant membres de l'organisation régionale compétente ou en acceptant d'appliquer les mesures de conservation et de gestion instituées par ladite organisation.

En outre, seuls les Etats qui sont membres d'une telle organisation ou qui acceptent d'en appliquer les mesures ont accès aux ressources halieutiques de la zone couverte par l'organisation régionale de pêche.

C'est pourquoi, ayant ratifié l'accord de New York, la France est tenue de coopérer avec les autres Etats en devenant Partie à la convention d'Antigua ou en appliquant les mesures qu'elle pourra édicter. Nul doute que pour faire entendre la voix de la France et prévenir les mesures qui pourraient être défavorables au développement des activités de pêche, en particulier en Polynésie française qui est soumise pour 80 % de sa zone économique exclusive à la CITT, la participation aux travaux de la CITT s'impose. Jusqu'à présent, la Polynésie française n'a participé qu'une seule fois aux travaux de la CITT, en 2001. Une représentation propre de la Polynésie française au sein de la CITT ne peut être envisagée pour l'heure car la convention de 1949, modifiée en 2003, n'accepte que les Etats jouissant d'un statut de sujet de droit international (Etat souverain, organisation internationale ou régionale d'intégration économique). Bien qu'il n'y ait pas de pêche métropolitaine dans le Pacifique oriental, il convient de veiller à nos intérêts dans ce domaine. De même, il importe de maintenir le libre accès de nos navires de pêche à la haute mer et de préserver la liberté de gestion des zones sous juridiction de nos territoires concernés. En effet, l'obligation de coopérer en vue d'assurer la compatibilité des mesures appliquées dans les zones sous juridiction avec celles adoptées par la CITT ne peut se concevoir qu'en prenant part à la Commission elle-même.

Les présidents des syndicats professionnels de pêche en Polynésie française, consultés le 5 octobre 2004 par les membres de la Commission du statut et des lois de l'Assemblée de la Polynésie française, se sont déclarés unanimement favorables à la ratification de la convention d'Antigua. Après avoir salué la prise de conscience internationale de la nécessité d'une gestion commune et rationnelle des ressources de la mer, ils ont mis en avant l'importance des enjeux commerciaux et des risques encourus par la profession dans le cas d'une non adhésion à la CITT. Celle-ci aurait pour conséquence de limiter le libre accès des navires de pêche polynésiens à la haute mer et aux ZEE des Etats Parties et, en cas de non respect des mesures prises par la Commission, de mettre en péril l'exportation polynésienne vers les Etats-Unis d'Amérique, le Japon et l'Union européenne qui représentent les principaux marchés extérieurs de la production polynésienne. Par ailleurs, ils ont souligné l'importance du pouvoir décisionnel de la Commission et l'intérêt d'une représentation de la Polynésie française.

CONCLUSION

Au vu des observations précédentes, votre Rapporteur vous recommande l'adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 12 avril 2006.

Après l'exposé du Rapporteur, M. François Loncle a tenu à témoigner de la façon ardente avec laquelle, lorsqu'il était Ministre de la Mer, M. Guy Lengagne avait défendu, entre autres, la souveraineté française sur Clipperton.

M. Guy Lengagne a estimé que l'appropriation par les pays riverains des 200 miles marins avait constitué un bouleversement considérable, une sorte de révolution pacifique.

Le Président Edouard Balladur a considéré que l'on pouvait également analyser cette évolution comme une régression en termes de droit international.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2559).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 2559).

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N° 3022 - Rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi n° 2559 autorisant l'approbation de la convention relative au renforcement de la Commission interaméricaine du Thon Tropical établie par la Convention de 1949 entre les Etats-Unis d'Amérique et la République du Costa Rica (ensemble quatre annexes) (M. Guy Lengagne)

1 () Parties ayant ratifié ou adhéré à l'AIPCD : Costa Rica, Equateur, Etats-Unis d'Amérique, Guatemala, Honduras, Mexique, Nicaragua, Panama, Pérou, Salvador, Union Européenne, Vanuatu, Venezuela.


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