N° 3075 - Rapport de M. Paul Quilès sur la proposition de loi constitutionnelle de M. Paul Quilès et plusieurs de ses collègues tendant à modifier l'article 34 de la Constitution afin d'élargir les pouvoirs du Parlement (241 rectifié)



Document mis

en distribution

le 15 mai 2006

N° 3075

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 mai 2006.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE (N° 241 rectifié) DE MM. Paul QUILÈS, Jean-Marc AYRAULT ET DES MEMBRES DU GROUPE SOCIALISTE ET APPARENTÉS, tendant à modifier l'article 34 de la Constitution afin d'élargir les pouvoirs du Parlement,

PAR M. Paul QuilÈs,

Député.

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INTRODUCTION 5

I. - UNE FONCTION DE CONTRÔLE GARANTE DE LA FONCTION NORMATIVE 7

A. L'IMPÉRATIF DE CONTRÔLE DE L'APPLICATION DES LOIS 7

1. Des freins à l'application bien identifiés 7

2. Des statistiques peu encourageantes 9

B. LES CIRCONSTANCES AGGRAVANTES DE L'INFLATION NORMATIVE 10

1. Une pression à la hausse indéniable 10

2. Une vigilance accrue nécessaire 12

II. - L'INSUFFISANCE DES MOYENS ACTUELS D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DE L'APPLICATION DES LOIS 13

A. LES CIRCULAIRES PRIMO-MINISTÉRIELLES, UNE SOLUTION INSUFFISAMMENT CONTRAIGNANTE POUR LE GOUVERNEMENT 13

1. Des études d'impact de facto abandonnées 13

2. Des circulaires sans effet notable sur les délais de parution des décrets d'application 15

B. UN CONTRÔLE PARLEMENTAIRE PERFECTIBLE 16

1. Des moyens classiques de contrôle et d'évaluation ponctuels, donc insuffisants 16

a) Les offices parlementaires d'évaluation 16

b) Les commissions d'enquête et les missions d'information comme outils d'évaluation et de contrôle 18

c) Les questions, avant tout un moyen d'information 19

2. Un essai de systématisation 19

a) Au Sénat : un bilan quantitatif des mesures réglementaires 19

b) À l'Assemblée nationale : un suivi par le rapporteur de la loi 20

c) Les rapports du Gouvernement au Parlement : un pis-aller 23

3. Le contrôle en matière financière : un modèle à suivre 23

a) Un instrument historique de contrôle du Gouvernement 23

b) Des bases juridiques solides 24

c) Des pouvoirs plus étendus pour un suivi mieux assuré 24

III. - L'INDISPENSABLE CONSÉCRATION CONSTITUTIONNELLE DU POUVOIR DE CONTRÔLE DU PARLEMENT 26

A. L'AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DU PROCESSUS LÉGISLATIF AU SERVICE D'UNE REVALORISATION DU PARLEMENT 26

B. LA NÉCESSITÉ DE « DÉVERROUILLER » LA CONSTITUTION 27

C. L'EXAMEN EN COMMISSION 28

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 33

TABLEAU COMPARATIF 35

MESDAMES, MESSIEURS,

Les lois trop nombreuses dévalorisent la loi. Elles dévalorisent un Parlement déjà peu favorisé par la Cinquième République, à la fois dans son texte fondateur, tel que conçu en 1958 et tel que modifié en 1962, et dans sa pratique.

De plus en plus évident, le thème de l'« inflation » normative est devenu un lieu commun. Du lieu commun au poncif, de la dénonciation de l'« inflation » normative à celle de l'« inflation » législative, il n'y a qu'un pas que beaucoup ont franchi allégrement, sans grande nuance, confondant l'augmentation incontestable du nombre de dispositions législatives et l'avalanche, non moins incontestable, de décrets, d'arrêtés et de circulaires, sans compter la catégorie incertaine des ordonnances.

En ne cessant de dénoncer les imperfections de la loi, il n'est pas impossible que certains le fassent avec la volonté de dénigrer le législateur, dans le but avoué ou non de substituer à la légitimité démocratique une légitimité technocratique reposant sur le postulat que seuls les bureaux, à l'abri des pressions électorales, sont capables de définir l'intérêt général.

S'il n'est pas question de nier la dilatation de la loi à la fois vers le haut, dans le ciel éthéré des pétitions de principe sans portée normative, et vers le bas, dans les profondeurs pointilleuses du domaine réglementaire, il convient de faire le départ entre ce qui relève de la responsabilité propre du législateur et ce qui relève de celle des autres autorités créatrices de normes.

Il ne nous appartient pas, dans le cadre du présent rapport, d'analyser l'ensemble des causes de la prolifération des normes (1). Mais, parmi le faisceau de phénomènes qui concourent à cette évolution, il en est un sur lequel le Parlement se doit d'agir, sous peine de se maintenir dans l'affaiblissement auquel il a été conduit : le suivi des lois qu'il vote. En effet, s'il est impossible de déterminer si le défaut d'application des lois est une cause ou bien une conséquence de l'inflation normative, il est certain que son contrôle doit être partie intégrante de l'œuvre
législative.

Avant de modifier une loi, le législateur doit se donner les moyens de mesurer l'application et d'évaluer les effets de celle-ci. Il doit pouvoir vérifier que les dispositions qu'il adopte ne sont pas, dans les faits, ignorées, faute de mesures d'application, ou contredites, par excès de mesures d'application. Or, chacun s'accorde pour constater que cette application n'est pas satisfaisante.

Cette dernière commence avant même que les projets ne soient déposés sur le bureau des assemblées. Ainsi, en amont, la plupart des projets de loi sont élaborés sans que toutes les études nécessaires n'aient été entreprises. Ils sont souvent déposés avec de nombreuses malfaçons, les filtres traditionnels ne jouant pas leur rôle. Pendant l'examen des projets - sans qu'il soit besoin de rappeler de récents errements de procédure -, les déclarations d'urgence sur les textes les plus significatifs tendent à se multiplier, la pression pour que les deux chambres adoptent un texte conforme augmente au détriment de la qualité du débat. En aval, les délais de publication des décrets sont trop longs. Certaines mesures sont adoptées alors même que l'administration sait pertinemment qu'elle ne les appliquera pas. Les bureaux préparent de nouvelles modifications de la loi à peine celle-ci votée. Les textes relatifs à l'immigration ou à la procédure pénale en fournissent un bon exemple.

Les institutions européennes elles-mêmes, depuis plusieurs années, ont pris conscience de la nécessité de consacrer une part de leurs efforts à l'amélioration de la qualité de la réglementation (2). Des efforts significatifs ont également été entrepris en France. Mais, les circulaires des Premiers ministres successifs sur la qualité de la norme sont restées pour la plupart lettre morte. L'application pour le moins parcimonieuse de l'article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit qui impose au Gouvernement de présenter au Parlement un rapport (3) sur la mise en application de chaque loi à l'issue d'un délai de six mois suivant la date de son entrée en vigueur, montre, s'il en était besoin, que la loi elle-même ne parvient pas à imposer un suivi minimum.

En revanche, il faut saluer la réelle avancée constituée par la publication des rapports d'application de la loi sur le fondement de l'article 86, alinéa 8, du Règlement de l'Assemblée nationale. Nombre des rapports rendus dans ce cadre révèlent des défauts d'application non négligeables.

Mais ce dispositif, qui n'existe qu'à l'Assemblée nationale, est insuffisant à lui seul pour garantir la qualité du processus d'élaboration des dispositions législatives et permettre au Parlement d'assurer un véritable contrôle de l'application des lois qu'il vote. Aujourd'hui, les moyens manquent. L'objet de la présente proposition de loi constitutionnelle est d'inscrire dans la Constitution la mission assignée au Parlement de contrôle et d'évaluation de la loi, mission qu'une loi organique permettra de mettre en musique, au plus grand bénéfice de la revalorisation de la Représentation nationale.

Les deux fonctions traditionnellement dévolues au Parlement, le vote de la loi et le contrôle du Gouvernement, sont indissolublement liées. En effet, d'une part, il appartient aux représentants de contrôler l'autorité qui est chargée d'exécuter la loi qu'ils ont adoptée, d'autre part, ils ne peuvent légiférer dans de bonnes conditions que s'ils ont pu contrôler la manière dont les normes en vigueur s'appliquent.

Les jalons de l'analyse de l'affaiblissement du Parlement depuis les débuts de la Cinquième République sont nombreux. Parmi eux, au premier rang, figure assurément le rapport du « comité consultatif pour la révision de la Constitution » (4), mis en place par le Président François Mitterrand en 1992 et présidé par le doyen Georges Vedel : « Trente-cinq ans après l'entrée en vigueur de la Constitution de 1958, les interrogations se multiplient sur la place, le rôle et les conditions d'activité du Parlement ». L'exécutif est devenu « dominant et méfiant », le législatif est « affaibli et consentant ». Pour que le second retrouve le rôle qui doit être celui de la Représentation nationale, il convient de « sortir des ambiguïtés de l'amour courtois » qui caractérise les relations entre les deux pouvoirs.

Pour ce faire, il faut clarifier ces dernières, ce qui implique notamment de lever tout doute sur l'application des textes que le Parlement adopte. Il s'agit d'une condition sine qua non de l'amélioration de la qualité de la norme, législative comme réglementaire. Apte à contrôler les mesures d'application de la loi, le législateur peut apprécier la réalité des effets de ses choix. Il pourra se fonder sur des bases objectives pour décider s'il doit ou non modifier le droit en vigueur et dans quel sens le faire. Mieux contrôlée, la loi est mieux appliquée. Mieux contrôlée, la loi sera moins « bavarde ». Les écarts ou les insuffisances du pouvoir réglementaire pourront être relevés et ce dernier pourrait être moins tenté de multiplier, au-delà du raisonnable, les dispositions d'application, restreignant les marges de souplesse voulues souvent par le législateur.

Ces principes posés, il faut bien constater que l'application des lois n'est pas sans défaut. Selon les statistiques fournies par le Sénat, dans son rapport annuel sur le contrôle de l'application des lois, entre un cinquième et un tiers des lois sont d'application directe. Mais, c'est sans compter celles qui, d'application directe, ne seront dans les faits appliquées par les administrations qu'à réception de la circulaire explicative.

De surcroît, nombreuses sont celles qui, pour être effectives, nécessitent des mesures d'application (5). La loi nouvelle est immédiatement applicable, sauf en ses dispositions pour lesquelles le complément d'un acte administratif est expressément prévu ou indispensable en fait (6). Si une loi nécessite en moyenne cinq textes d'application (7), ce sont, dans les faits, douze décrets qui sont publiés pour chaque loi (8).

Le Gouvernement seul détermine les modalités de cette mise en application. Il en définit toujours le rythme et souvent l'opportunité. Dans ce processus, il peut advenir que la loi soit vidée de son contenu et son esprit trahi.

Seules les dispositions auxquelles le Gouvernement accorde une priorité politique sont effectivement appliquées dans des délais raisonnables, même si cette dernière notion est difficile à apprécier (9), le juge administratif ayant par exemple estimé, dans un cas d'espèce, que deux années ne représentaient pas une durée excessive (10). En revanche, il n'a pu que sanctionner une négligence coupable de huit ans (11). De manière générale, la juridiction administrative peut constater, dans la logique d'une décision de principe de 1964 (12), l'illégalité du refus de prendre, après l'expiration d'un délai raisonnable, un décret nécessaire à l'application d'une loi. Utilisant les pouvoirs d'injonctions qui lui ont été conférés par la loi du 8 février 1995 (13), le juge administratif a pu ordonner à plusieurs reprises au Gouvernement d'édicter un tel décret (14). Plus sûrement, un délai de six mois paraît être, de manière générale, un délai plus raisonnable (15).

Les différentes causes qui peuvent être invoquées pour expliquer les retards de publication des mesures d'application sont connues. Certains ministères justifient leur difficulté à élaborer les textes réglementaires nécessaires par une charge de travail liée à la préparation des futurs projets de loi. Sont également invoquées des concertations ou négociations laborieuses. Des désaccords entre ministères peuvent bloquer le processus. Certaines difficultés techniques, que de bonnes études d'impact auraient pu prévenir, peuvent apparaître en aval de la loi et constituer des obstacles dirimants. Enfin, l'absence de mesure d'application peut être liée à l'attente de nouvelles mesures législatives, situation de plus en plus fréquente, autre avatar malheureux de l'inflation législative.

Les statistiques fournies par le Sénat dans son rapport annuel sur le contrôle de l'application des lois sont éclairantes. On peut, à l'instar de celui-ci, se réjouir de la timide inversion de tendance constatée sur la session 2004-2005 par rapport aux exercices antérieurs. Les résultats restent cependant peu satisfaisants.

En effet, le taux d'application des dispositions prévoyant explicitement un suivi réglementaire n'atteint, pour celles qui ont été adoptées durant la session 2004-2005, que 16,4 % en fin de période, après un taux de 14,4 % en 2003-2004, et, il est vrai, un taux particulièrement faible de 9,7 % en 2002-2003. Un texte réglementaire sur six restait pris en plus de six mois en 2004-2005. Même le traitement réservé aux textes frappés d'une déclaration d'urgence pour lesquels on pourrait attendre une célérité particulière dans leur application ne paraît pas outrageusement privilégié : leur taux d'application atteint 14 % au lieu de 13 % pour celui des textes adoptés selon le droit commun (16).

Par ailleurs, le Sénat souligne que, depuis le mois de juin 1981, 222 lois, sur un total de plus de 1 000, ne sont pas encore appliquées en totalité. Sur le seul exercice 2004-2005, 51,5 % des lois prévoyant des mesures réglementaires n'avaient reçu aucune mesure d'application en septembre 2005. Ce taux était légèrement inférieur en 2003-2004. Par exemple, en avril 2006, la plupart des textes nécessaires à l'application de la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique, n'avaient pas encore été publiés. En 2004-2005, seuls 9,1 % des lois nécessitant des mesures d'application étaient entièrement applicables. Ce taux était de 9,7 % en 2003-2004.

APPLICATION DES LOIS : ÉVOLUTION DE 1999-2000 À 2004-2005

(en % des lois appelant des mesures réglementaires d'application)

(au 30 septembre de chaque année parlementaire)

Catégorie

1999-2000

2000-2001

2001-2002

2002-2003

2003-2004

2004-2005

Lois non
applicables

Près de 60 %

Près de 60 %

Un tiers

Près de 60 %

Près de 50 %

Plus de 50 %

Lois partiellement
applicables

Près de 30 %

Plus de 30 %

Près de 60 %

Près de 25 %

Plus de 40 %

Près de 40 %

Lois applicables

Plus de 12 %

Plus de
7 %

Plus de 10 %

Près de 20 %

Près de 10 %

Près de 10 %

Source : Sénat, Contrôle de l'application des lois, 57e rapport (année parlementaire 2004-2005), supplément au n° 9 du Bulletin des commissions du Sénat, 3 décembre 2005.

De plus, le Gouvernement tarde à remettre les rapports à caractère informatif prescrits par une disposition législative, rapports qui participent pourtant du contrôle de l'application des lois. En effet, ils constituent bien souvent pour le Parlement le seul moyen n'encourant pas la censure constitutionnelle pour injonction prohibée d'imposer au Gouvernement de faire le point sur l'application des lois. Or, au cours de l'année parlementaire 2004-2005, 1 seul rapport a été remis sur les 30 prescrits. Depuis le début de la législature, 21 rapports ont été déposés alors que le nombre prescrit était de 134.

Si le phénomène n'est pas nouveau (17), il manque une étude complète et approfondie du phénomène de la prolifération normative. Mais, la réalité de ce dernier est tangible à travers de nombreux indicateurs qui, pour être souvent grossiers et purement quantitatifs, n'en sont pas moins révélateurs.

Le nombre de lois adoptées n'est pas significatif. La tendance à l'inflation législative ne peut être fondée sur l'évolution de cette donnée comme le montre le tableau ci-dessous.

NOMBRE DE LOIS VOTÉES

Année parlementaire

Nombre de lois

1986-1987

65

1987-1988

52

1988-1989

54

1989-1990

65

1990-1991

53

1991-1992

76

1992-1993

56

1993-1994

80

1994-1995

50

1995-1996

68

1996-1997

34

1997-1998

46

1998-1999

47

1999-2000

53

2000-2001

42

2001-2002

40

2002-2003

55

2003-2004

40

2004-2005

48

Source : d'après Sénat, Contrôle de l'application des lois, 57e rapport (année parlementaire 2004-2005), supplément au n° 9 du Bulletin des commissions du Sénat, 3 décembre 2005.

Mais, lorsqu'on se penche sur la longueur des textes, appréciée selon divers critères, sur moyenne période, l'augmentation de la production législative et, plus généralement, normative, ne saurait être niée. Ainsi, la mission d'information commune de l'Assemblée nationale de 1995 relevait qu'« on est passé d'une production législative moyenne de l'ordre de 150 pages de Journal officiel par an de 1965 à 1981, à environ 300 de 1982 à 1994 » (18).

L'Organisation de coopération et de développement économiques (ocde), dans son rapport de 2004 sur la réglementation en France, fait le constat suivant : « Le nombre annuel moyen de lois a crû de 35 % en trente ans. Ces données sous-estiment la réalité car la loi ne représente qu'une partie de l'édifice réglementaire, à côté des décrets, arrêtés et circulaires de toutes sortes. Ainsi, il existait 82 000 décrets en vigueur en 1991, avec une production annuelle à l'époque de 670 décrets par an. La production s'est fortement accrue sur la période récente avec plus de 11 000 décrets supplémentaires entre 1995 et 2002. De plus la taille moyenne des textes a augmenté, de 93 lignes pour une loi en 1950 à 220 dans les années 1990. Ainsi, le volume du Journal officiel a été multiplié par 2,4 entre 1976 et 1990. Ceci concerne les flux, car il n'existe pas d'instrument statistique systématique permettant d'appréhender les stocks réglementaires. Cependant, certains estimeraient ce stock de textes à 8 000 lois et 400 000 textes d'ordre réglementaire divers, incluant les décrets, arrêtés et circulaires. » (19) Le Conseil d'État estime, dans son dernier rapport annuel, à 9 000 lois et 120 000 décrets le stock de textes en 2000, auxquels sont venus s'ajouter, en moyenne, 70 lois, 50 ordonnances, et 1 500 décrets par an (20). Même, si certains ramènent le nombre de lois en vigueur à un nombre compris entre 1 500 à 1 700, les chiffres restent considérables (21).

D'autres références moins précises rapprochent de manière excessive les lois et le nombre total de pages du Journal officiel. Ainsi, un auteur relevait récemment que « sans doute les lois sont-elles moins nombreuses que sous les Républiques précédentes. Mais elles sont plus longues, plus détaillées, souvent plus confuses. Le Journal officiel, qui comptait 7 000 pages en 1976, en a couvert 23 000 en 2004. » (22)

Certaines données plus pertinentes fournissent cependant la même tendance. Ainsi, le nombre de pages et le poids du Recueil des lois, publié par l'Assemblée nationale, abstraction faite des ordonnances et des tables, n'a cessé de croître : 620 pages et 912 grammes en 1970, 632 pages et 1 022 grammes en 1980, 1 055 pages et 1 494 grammes en 1990, 1 663 pages et 2 780 grammes en 2000, 2 556 pages et 3 266 grammes en 2004. Relevant le caractère nécessairement arbitraire du choix d'une année de référence, un observateur attentif a pu souligner que « l'évolution sur une longue période, quadruplement du volume des lois promulguées en trente-cinq ans, plus que doublement au cours des quinze dernières années, n'en est pas moins nette » (23).

La multiplication des ordonnances constitue un autre indice des dérives de l'appareil producteur de normes. En 2004, pour la première fois, le nombre d'ordonnances a dépassé le nombre de lois (24). Il ne s'agit plus seulement de codifier des dispositions à droit constant, d'adapter le droit existant à l'outre-mer ou encore de transposer des directives communautaires, mais aussi de modifier le code civil, le code électoral ou le code de commerce. Intervenant dans le domaine législatif, les ordonnances sont élaborées par les bureaux, tandis que la pratique des ratifications implicites, théorisée par la juridiction administrative, vient vider de sa signification profonde la procédure de ratification prévue par l'article 38 de la Constitution. Le recours abusif à la législation déléguée vient ainsi s'ajouter aux marges d'appréciation parfois excessives du pouvoir réglementaire.

Les défauts de suivi de l'application des lois affaiblissent le Parlement non seulement dans sa fonction de contrôle, mais aussi dans sa fonction législative. Dans cette relation réciproque, renforcer la première ne peut que contribuer à restaurer la seconde.

M. Patrice Maynial, avocat général à la Cour de cassation, pouvait ainsi relever, dans son rapport au Premier ministre en 1997, que « le Parlement subit de plein fouet l'épreuve de l'encombrement et de la précipitation en dépit de l'instauration de la session unique, qui a pourtant augmenté de trois mois la période des débats publics » (25). Déjà en 1979, le professeur Jean Carbonnier lui aussi stigmatisait cette dérive autoentretenue en faisant observer qu'« il est probable qu'entre l'inflation des lois et celle des légistes se produit un effet que les sociologues qualifieraient de parkinsonien : plus il y a de lois, plus il faut de techniciens des lois; mais plus il y a de ces techniciens, moins le législateur hésite à faire des lois, se disant qu'il y aura toujours assez d'intermédiaires pour en faciliter l'application » (26).

Les tentatives tant du Gouvernement que du Parlement pour ralentir cette évolution et éviter que le célèbre postulat de Tacite ne se trouve vérifié (27) ont été nombreuses. Mais leur bilan n'est guère satisfaisant.

Depuis plus de dix ans, les Gouvernements successifs ont entrepris d'intégrer dans le processus d'élaboration des textes une évaluation de leurs coûts et avantages par rapport à la situation existante. Les études d'impact ont été créées, à titre expérimental du 1er janvier au 31 décembre 1996, par une circulaire du Premier ministre du 21 novembre 1995. L'objectif était de « permettre au Parlement, comme au Gouvernement, de légiférer et réglementer à bon escient, en les éclairant, mieux qu'ils ne le sont actuellement, sur la portée et les incidences des projets qui leur sont soumis » (28). Tirant les conclusions du bilan de l'expérimentation dressé par la section du rapport et des études du Conseil d'État et le Comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics, Lionel Jospin, Premier ministre, avait décidé de pérenniser cette procédure par une circulaire du 26 janvier 1998, qui précise que « l'objet de l'étude d'impact est d'évaluer a priori les effets administratifs, juridiques, sociaux, économiques et budgétaires des mesures envisagées et de s'assurer, de manière probante, que la totalité de leurs conséquences a été appréciée préalablement à la décision publique » (29). L'étude d'impact, qui doit accompagner tous les projets de loi, doit notamment justifier la nécessité d'un nouveau texte ; sa version finale doit être transmise au Parlement avec le projet de loi.

Le rapport « Mandelkern » (30) a dressé, en 2002, un bilan sévère de six ans de pratique des études d'impact, d'où il ressort que l'exercice demeure la plupart du temps formel, tardif et qu'il ne permet pas d'éclairer utilement la décision, se contentant de justifier a posteriori une décision déjà prise.

Considérant que, « en conférant un caractère systématique à l'étude d'impact tout en laissant au seul service en charge de la production du texte le soin de définir ses modalités et d'assurer son pilotage, elle n'a pas permis d'éviter le risque du formalisme » (31), Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, a décidé que l'étude d'impact ne serait désormais plus systématique (32). L'amélioration attendue de la qualité des études d'impact n'est malheureusement pas au rendez-vous de leur raréfaction. Le constat du Conseil d'État est sans appel : « la très grande majorité des projets de loi et de décret en Conseil d'État continue d'être précédée d'un simple exposé de motifs qui est en réalité une justification plus ou moins argumentée du texte par le service qui l'a rédigé. On constate même une régression à cet égard : après être restées purement formelles, les études d'impact sont implicitement abandonnées. » (33)

Depuis la circulaire d'Alain Juppé en 1995, la réalisation d'études d'impact sur les projets de loi a toujours été laissée à l'entière discrétion du Gouvernement. D'autres formules, plus contraignantes, ont été envisagées, mais n'ont jamais été mises en œuvre. Ainsi, la mission d'information commune de notre assemblée sur les problèmes généraux liés à l'application des lois (34) préconisait, en 1995, que l'existence de la fiche d'impact constitue une condition préalable à la fois à l'adoption de tout projet de loi par le Conseil des ministres et de recevabilité de son dépôt au Parlement.

ÉTUDE D'IMPACT ET PROCESSUS DE DÉCISION

Secrétariat général du Gouvernement (sgg) et pôle(s) de compétence

Proposition d'action émanant d'un ministère sous forme d'une ou plusieurs
options faisant l'objet d'évaluations sommaires (étude d'options)

Réunions interservices et échanges d'information, contre-expertise
des autres ministères, propositions alternatives

Pas d'analyse d'impact

Réunion interministérielle sur la base de l'étude d'options. Décision de procéder ou non à une analyse d'impact et à une consultation publique

Définition du cahier des charges de l'analyse d'impact

Analyse d'impact (validation éventuelle par le pôle de compétence
à la demande du sgg ou des ministères)

Réunions interministérielles

Choix d'une décision (consensus ou arbitrage)

Deux rôles du pôle
de compétence :

Validation des
évaluations

Appui technique pour l'évaluation

Ministère demandeur rédige le texte définitif et met à jour l'évaluation
en fonction du texte

Réalisation de l'analyse d'impact définitive, validée éventuellement
par le pôle de compétence et signée par le ministre

Transmission du texte accompagné de l'analyse d'impact

Source : Bruno Lasserre, Pour une meilleure qualité de la réglementation, mars 2004.

De nombreuses circulaires, depuis celle du 31 juillet 1974 de Jacques Chirac, alors Premier ministre, ont affiché la détermination des Gouvernements successifs à accélérer la parution des décrets d'application des lois votées par le Parlement et leurs efforts pour organiser le travail du Gouvernement à cette fin. La circulaire du 30 septembre 2003 relative à la qualité de la réglementation, complétée par une circulaire du 1er juillet 2004, organise le suivi des décrets d'application. Par ailleurs, lors d'une communication en Conseil des ministres du 20 décembre 2004, le Premier ministre a demandé aux ministres de veiller à ce que les décrets soient préparés en même temps que le projet de loi et d'ordonnance et que leur publication suive de près celle de la loi ou de l'ordonnance.

La parution sur le site Internet Legifrance de l'échéancier des décrets d'application constitue certes un progrès pour l'information du public et du Parlement, mais, lorsqu'elle intervient dans un délai raisonnable, elle permet surtout de constater que cet échéancier n'est pas respecté. Le rapporteur s'étonne ainsi que l'échéancier des décrets d'application de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises annonce encore le 10 mai 2006 que la plupart des décrets seront pris en novembre ou décembre 2005.

Sans méconnaître les difficultés réelles liées à l'interministérialité, aux possibles ambiguïtés du texte législatif ou à l'évolution des situations de fait ou de l'environnement juridique, l'existence même de ces circulaires depuis trente ans prouve qu'elles n'ont pas permis de résoudre le problème des retards ou des défauts de mise en application des textes votés. Se pose dès lors la question du recours à une norme de niveau supérieur.

PROCÉDURE D'ÉLABORATION DES TEXTES D'APPLICATION
PAR LE GOUVERNEMENT

Le Guide pour l'élaboration des textes législatifs et réglementaires, établi conjointement par le Secrétariat général du Gouvernement et le Conseil d'État, explicite la procédure suivie par le Gouvernement pour l'élaboration des textes d'application des lois, à partir des circulaires du Premier ministre et des usages. Il y est rappelé que les textes d'application des lois doivent être pris dans un délai maximal de six mois :

« I. - Le calendrier des décrets d'application et son suivi

« Dès l'adoption définitive de la loi par le Parlement, le Secrétariat général du Gouvernement saisit le ministère principalement responsable et lui demande la liste des décrets d'application nécessaires et le calendrier prévisionnel de leur intervention. Lorsque la loi appelle des décrets préparés par plusieurs ministères, chacun des ministères concernés est saisi. Le ministère responsable doit retourner dans les plus brefs délais ces documents au Secrétariat général du Gouvernement. Le calendrier prévisionnel ne doit, en principe, pas comporter de délais d'adoption supérieurs à six mois.

« Le document préparé par le ministère principalement responsable mentionne la liste et le nombre des décrets nécessaires et, pour chaque décret, le service ou bureau chargé de son élaboration, son objet, le ou les articles de la loi dont il est fait application et leur base légale, sa nature (décret en

Conseil d'État, en Conseil des ministres), les consultations obligatoires et le calendrier de ces consultations, la date envisagée pour la saisine du Conseil d'État lorsque le décret est un décret en Conseil d'État et la date envisagée pour la publication du décret au Journal officiel. Afin de mieux programmer l'organisation éventuelle de réunions interministérielles et l'examen, lorsqu'il est requis, des décrets par le Conseil d'État, ces informations doivent être accompagnées d'indications sur la priorité ou l'urgence particulière qui s'attache à la publication de tel ou tel des décrets.

« L'échéancier des décrets d'application est publié sur le site Legifrance.

« Le Secrétariat général du Gouvernement rend périodiquement compte au Premier ministre de l'état d'avancement de l'application des lois votées.

« II. - Recueil des contreseings des décrets d'application

« On recueillera les contreseings le plus rapidement possible. À cette fin :

« -  on aura recours à la procédure du contreseing simultané ;

« -  les services ne seront pas saisis à nouveau pour avis, sauf dans le cas où le contreseing d'un ministre est requis alors que ce ministre n'avait pas été consulté lors de l'élaboration du texte ;

« -  s'ils remplissent les conditions requises, ces décrets pourront être mis au contreseing selon la procédure accélérée. »

Insuffisamment associé en amont à la préparation des projets de loi et à l'évaluation de la législation existante par le Gouvernement, le Parlement a cherché à développer ses propres outils d'analyse afin de gagner en indépendance.

Quatre offices parlementaires d'évaluation ont été créés depuis 1983 :

-  l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, créé par la loi n° 83-609 du 8 juillet 1983, « a pour mission d'informer le Parlement des conséquences des choix de caractère scientifique et technologique afin, notamment, d'éclairer ses décisions » (35). Auteur de 90 rapports, cet office a indiscutablement trouvé sa place dans le dispositif d'expertise du Parlement ; mais plus qu'à l'évaluation du contexte législatif, il se consacre à l'étude de sujets très techniques, dépassant les clivages politiques. Il peut ainsi fonctionner dans des conditions satisfaisantes lorsque les majorités dans les deux assemblées ne sont pas concordantes (33 rapports ont été publiés sous la XIe législature), sans être soupçonné, comme ce fut le cas pour l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, d'être utilisé pour faire des « coups » politiques (36) ;

-  l'Office parlementaire d'évaluation de la législation, créé par la loi n° 96-516 du 14 juin 1996, est chargé de « rassembler des informations et de procéder à des études pour évaluer l'adéquation de la législation aux situations qu'elle régit » (37). Depuis sa création, il n'a remis que 2 rapports, sur l'exercice de l'action civile par les associations en 1999 et sur la prévention et le traitement des difficultés des entreprises, et sa suppression a déjà été évoquée (38). Après plusieurs années d'inactivité, il a toutefois été saisi par la commission des Lois du Sénat, en 2005, d'une étude dressant le bilan des autorités administratives indépendantes ;

-  l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, créé par la loi n° 96-517 du 14 juin 1996, a été supprimé par l'article 94 de la loi de finances pour 2001. Son échec illustre les difficultés liées au fonctionnement bicaméral de ces délégations. En quatre ans d'activité, il n'avait produit que 4 rapports et ne fonctionnait plus depuis 1999. Le groupe de travail sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, présidé par Laurent Fabius, soulignait dans son rapport en 1999 que « l'office ne dispose d'aucun instrument nouveau qui le distinguerait des commissions permanentes, ce qui souligne par là même son caractère redondant » (39). Les commissions des Finances des deux assemblées en ont d'ailleurs pris acte, en créant des structures plus souples : les missions d'évaluation et de contrôle (mec) à l'Assemblée nationale et le comité d'évaluation des politiques publiques au Sénat, composé de la délégation du Sénat à l'office et bénéficiant des crédits qui lui étaient auparavant dévolus ;

-  l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, créé par la loi n° 2002-1487 du 20 décembre 2002 de financement de la sécurité sociale pour 2003, « a pour mission d'informer le Parlement des conséquences des choix de santé publique, afin d'éclairer ses décisions » (40). Il a remis à ce jour 4 rapports, sur les résultats du dépistage du cancer du sein, la prévention des handicaps de l'enfant, la maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées et la nutrition et la prévention de l'obésité. Par ailleurs, la commission chargée des affaires sociales, dans chaque assemblée, a créé une mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur le fondement de l'article 38 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.

Relevant des procédures d'investigation classiques, les commissions d'enquête et missions d'information des commissions se sont progressivement inscrites dans une perspective évaluative. Il en est ainsi, par exemple, de la commission d'enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l'affaire dite « d'Outreau » et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement. Notre collègue André Vallini, précisait lors de l'examen de la résolution la créant, le 7 décembre 2005 : « Il importe en effet de savoir pourquoi la chaîne pénale, qui a fonctionné conformément aux textes, a pu aboutir à un tel désastre pénal, et pourquoi notre système judiciaire, qui a fonctionné conformément aux règles en vigueur, a pu engendrer une telle erreur judiciaire », posant ainsi la question de l'évaluation des règles en vigueur.

Pour ce qui concerne les missions d'information, l'article 145 du Règlement de l'Assemblée nationale a été modifié le 18 mai 1990, à l'initiative de Michel Sapin et Laurent Fabius, alors Président de notre assemblée, afin de permettre aux commissions permanentes de confier à un ou plusieurs de leurs membres une mission d'information temporaire portant notamment sur « les conditions d'application d'une législation » (41). Cette faculté a été régulièrement utilisée, avant la modification de l'article 86 du Règlement (42), pour suivre l'application de certaines lois emblématiques, comme celles relatives à la réduction du temps de travail ou au pacte civil de solidarité (43) sous la XIe législature.

Comme l'avait proposé l'actuel Président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, l'article 45 du Règlement a par ailleurs été modifié par la résolution n° 106 du 26 mars 2003 pour permettre à la Conférence des Présidents de créer des missions d'information « sur des sujets de caractère transversal et politique » (44). 9 missions d'information ont été créées, pour dresser un état des lieux et émettre des propositions. La mission d'information sur la question du port des signes religieux à l'école et la mission d'information sur l'accompagnement de la fin de vie ont permis d'aboutir à des propositions consensuelles, qui se sont déjà traduites dans la loi (45).

Les rapports de ces missions d'information et commissions d'enquête, dont la qualité est souvent soulignée, constituent un matériau de choix pour l'évaluation des politiques publiques. Mais elles sont par nature créées sur une question particulière et, pour les commissions d'enquête, pour une durée limitée à six mois, et ne suffisent donc pas à éclairer la décision du Parlement pendant l'examen des projets de loi, ni à contrôler systématiquement l'application des lois promulguées. De plus, la création de telles missions et commissions d'enquête est de facto laissée à la décision de la majorité (46), ce qui, dans le contexte institutionnel de la Cinquième République, est de nature à limiter leur nombre, comme semble le montrer l'évolution du nombre de commissions d'enquête créées au Sénat en fonction de l'orientation du Gouvernement : si douze commissions d'enquête ont été créées entre 1997 et 2002, aucune ne l'a été entre 1993 et 1997 et seulement trois depuis le début de la présente législature.

Des parlementaires interrogent régulièrement le Gouvernement, par le biais de questions écrites, sur la parution des décrets d'application d'une loi en particulier - comme le rapporteur l'a fait pour la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées - ou, par ministère, sur les lois n'ayant pas encore reçu toutes les mesures d'application nécessaires. Outre l'information du Parlement, cette procédure permet de rappeler au Gouvernement l'urgence de certaines situations, mais elle ne saurait constituer un moyen de contrôle suffisant pour le Parlement.

Saisi par le Président Alain Poher du problème de l'application des lois le 27 juin 1972, le Bureau du Sénat a décidé de confier à chacune des commissions permanentes le soin de suivre la mise en application des textes qui relèvent de sa compétence. Depuis, chaque commission établit un bilan complet des textes votés qui ne peuvent être mis en application faute de publication des textes réglementaires. Ce bilan annuel est diffusé sous la forme d'un supplément au Bulletin des commissions et présenté à la Conférence des Présidents, en présence du ministre chargé des relations avec le Parlement. Par ailleurs, depuis mars 2005, le Sénat indique sur son site Internet, pour chaque loi promulguée, la liste des mesures réglementaires prévues par la loi et si elles ont été prises ou non par le Gouvernement.

Ce bilan détaillé est un moyen d'information utile et l'on peut saluer la régularité de sa publication. Cependant, comme le rappelait notre collègue Jean-Luc Warsmann, l'absence de parlementaire désigné pour dialoguer avec le Gouvernement et présenter ce rapport nuit à la portée de ce dispositif (47), qui n'a pas conduit à une modification significative des pratiques gouvernementales et administratives.

Aboutissement de trente ans d'efforts (cf. encadré infra), la réforme du Règlement de l'Assemblée nationale, adoptée à l'unanimité le 12 février 2004 sur la proposition de Jean-Luc Warsmann, instaure un dispositif de contrôle permanent de l'application des lois afin d'assurer un suivi quantitatif de la parution des textes réglementaires, le recensement des difficultés apparues lors de la mise en application de la loi et un contrôle qualitatif.

Le nouvel alinéa 8 de l'article 86 de notre Règlement, tel qu'il résulte de la résolution n° 256 du 12 février 2004, dispose en effet que « sans préjudice de la faculté ouverte par le deuxième alinéa de l'article 145, à l'issue d'un délai de six mois suivant l'entrée en vigueur d'une loi dont la mise en œuvre nécessite la publication de textes de nature réglementaire, le député qui en a été le rapporteur ou, à défaut, un autre député désigné à cet effet par la commission compétente, présente à celle-ci un rapport sur la mise en application de cette loi. Ce rapport fait état des textes réglementaires publiés et des circulaires édictées pour la mise en œuvre de ladite loi, ainsi que de ses dispositions qui n'auraient pas fait l'objet des textes d'application nécessaires. Dans ce cas, la commission entend son rapporteur à l'issue d'un nouveau délai de six mois. »

La publication des rapports déposés sur le fondement de cet article a confirmé le retard de la parution des textes réglementaires souligné par le Sénat. Le rapport de notre collègue Pierre-Louis Fagniez sur la mise en application de la loi relative à la bioéthique soulignait ainsi que, au 23 mars 2005, « le taux d'exécution de la loi, défini comme la proportion entre le nombre de décrets publiés et le nombre de ceux prévus par la loi, était ainsi de 4 %, selon les informations communiquées par le Secrétariat général du Gouvernement » (48).

Plusieurs des rapports publiés dans ce cadre peuvent fournir des exemples de l'apport de cette nouvelle procédure, qui repose sur l'implication des rapporteurs et, plus globalement, des commissions :

-  la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales examine ses rapports d'application en présence des ministres concernés, ce qui permet à tous les membres de la commission d'interroger le ministre sur l'application de la loi et le contenu des décrets ;

-  l'intervention du rapporteur a pu permettre d'accélérer la parution de certains décrets. Notre collègue Thierry Mariani indiquait ainsi lors de la présentation devant la commission des Lois de son rapport d'application sur la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité que « d'amicales pressions » lui avaient permis d'obtenir la parution d'un décret important concernant les étrangers gravement malades, la veille de cette présentation (49) ;

-  plusieurs imperfections de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité révélées par le rapport de notre collègue Jean-Luc Warsmann sur son application ont été par la suite corrigées par l'article 39 de la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales ;

-  les auditions et déplacements du rapporteur dans le cadre de l'exercice de son « droit de suite » conduisent à une appréciation beaucoup plus qualitative de l'application de la loi que ne le permettrait le simple recensement des décrets. Le deuxième rapport d'application de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a, par exemple, permis de mettre l'accent sur l'augmentation spectaculaire des frais de justice, les problèmes d'exécution des peines ou l'adaptation nécessaire de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Cependant, malgré les progrès enregistrés grâce à cette nouvelle procédure et à son inscription dans le Règlement de l'Assemblée nationale - plus d'un quart des lois promulguées ont pu être contrôlées -, l'objectif d'un contrôle systématique de l'application des lois n'est pas atteint, même si les commissions ont parfois recouru à d'autres moyens de contrôle (50). De plus, par le biais des ordonnances et de leurs décrets d'application, c'est un pan entier de la législation qui échappe au contrôle du Parlement, les projets de loi de ratification d'ordonnances n'étant qu'exceptionnellement inscrits à l'ordre du jour.

Enfin, ce mode de contrôle souffre de trois handicaps majeurs : le Parlement reste tributaire des informations que le Gouvernement veut bien lui transmettre, le rapporteur n'ayant pas de pouvoir d'investigations sur pièces et sur place ; le fait majoritaire exerce probablement un effet modérateur sur les critiques des rapporteurs ; un contrôle, y compris qualitatif, ne permet pas une analyse aussi approfondie qu'un authentique exercice d'évaluation.

LA GENÈSE DE L'ARTICLE 86, ALINÉA 8, DU RÈGLEMENT
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
TRENTE ANS D'EFFORTS

-  1973 : deux initiatives sans lendemain

· La proposition de résolution n° 279 d'André Chandernagor et de Pierre Lagorce proposa la création de groupes de travail au sein de chaque commission pour suivre l'application des lois, mais ne fut pas rapportée.

· La proposition de loi n° 318 d'André Rossi fit l'objet d'un rapport n° 834 de Georges Donnez au nom de la commission des Lois, qui conclut à l'adoption de deux textes distincts :

- une proposition de loi modifiant l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires pour permettre aux rapporteurs de « se faire communiquer tous les renseignements de nature à faciliter leur mission » ;

- une proposition de résolution modifiant Règlement de l'Assemblée nationale pour préciser que le rapporteur du projet ou de la proposition de loi ou, à défaut, un autre membre de la commission désigné à cet effet, bénéficierait de ces pouvoirs.

L'Assemblée n'eut jamais l'occasion de se prononcer sur les conclusions de ce rapport.

-  1979-1980 : l'impulsion du Président Chaban-Delmas

Lors de sa réunion du 31 mai 1979, le Bureau de l'Assemblée nationale demanda aux commissions d'informer, au minimum deux fois par an, « la Conférence des Présidents des problèmes que pose l'application des lois votées pour que celle-ci puisse en délibérer dès le premier mois de chaque session ».

Au cours de sa réunion du 24 juin 1980, la Conférence des Présidents examina les rapports transmis par les commissions et décida de les publier en annexe au compte rendu de la séance et de les transmettre au gouvernement. La réponse du Gouvernement fut également publiée en annexe au compte rendu de la séance du 9 décembre 1980.

Dépourvue d'une réelle assise juridique, cette expérience ne survécut pas au changement de législature et à l'intense activité législative due à l'alternance politique.

-  1982 : un groupe de travail sans conclusions

En 1982, le Président de l'Assemblée nationale chargea le groupe de travail sur la réforme du Règlement, présidé par Raymond Forni, de réexaminer la question du suivi de l'application des lois en tirant les enseignements de l'expérience précédente. Ce groupe de travail mit finalement fin à ses travaux sans remettre de conclusions.

-  1988 : un député chargé du suivi de l'application des lois dans chaque commission

Le 20 décembre 1988, la Conférence des Présidents demanda à chaque commission permanente de désigner l'un de ses membres pour suivre la publication des décrets d'application des textes adoptés par le Parlement. La tâche incombant ainsi à un seul rapporteur par commission était trop lourde. Les rapports déposés en 1990 par Didier Migaud, pour la commission des Lois, et Alain Richard, pour la commission des Finances, n'eurent pas de suite.

-  1990 : La résolution n° 288 du 18 mai 1990, votée à l'initiative du Président Laurent Fabius, a inséré un nouvel alinéa à l'article 145 du Règlement de l'Assemblée nationale, qui permet aux commissions de confier à un ou plusieurs de leurs membres une mission d'information portant, notamment, sur les conditions d'application d'une législation.

-  1993-1994 : Le groupe de travail du Président Philippe Séguin sur la réforme du Règlement a préconisé le renforcement du contrôle de l'application des lois par les commissions par l'implication du rapport de la loi dans son suivi et par le recours aux possibilités offertes par le deuxième alinéa de l'article 145 du Règlement de créer des missions d'information.

-  1996 : création de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation

De nombreuses dispositions législatives ont prévu le dépôt de rapports du Gouvernement au Parlement pour lui permettre de suivre l'application d'une disposition ou d'un ensemble de dispositions. En pratique, le Gouvernement semble considérer le dépôt de ce type de rapports comme purement facultatif, le refus de les établir ne donnant lieu à aucune sanction. Le 57e rapport annuel du Sénat sur l'application des lois (51) critique l'inertie du Gouvernement pour ce qui concerne l'application des dispositions législatives prévoyant le dépôt d'un rapport, comme on l'a vu supra. Depuis le début de la législature, 16 % seulement des rapports demandés ont été remis. Cette inertie confine à la désinvolture quand le Gouvernement refuse de répondre aux interpellations des parlementaires.

L'article 67 de la loi du 9 décembre 2004 précitée a généralisé la demande de ces rapports en disposant qu'« à l'issue d'un délai de six mois suivant la date d'entrée en vigueur d'une loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur la mise en application de cette loi ». De l'aveu même du ministre délégué aux relations avec le Parlement, et bien que cet article résulte d'un amendement du Gouvernement, aucun rapport n'avait été déposé au Parlement en application de cet article au 21 janvier 2006 (52). Depuis cette date, et grâce à une circulaire du Premier ministre du 20 janvier 2006 insistant sur le nécessaire respect de cette exigence, les premiers rapports ont été déposés. Le rapporteur regrette qu'une circulaire ait été nécessaire pour obtenir des ministres qu'ils exécutent la loi (53).

L'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que : « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ». C'est sur le fondement de cet article et de l'article 15, en vertu duquel « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration », que les premiers acteurs du parlementarisme ont exigé d'exercer un contrôle étroit des dépenses publiques. La persévérance des assemblées législatives leur permit d'obtenir, par la loi du 21 avril 1832, communication du rapport annuel de la Cour des comptes.

C'est par le biais de l'examen de la loi de finances que put d'abord s'exercer le contrôle du Gouvernement, comme l'exprima Lézardière le 16 mai 1826 : « La discussion du budget de l'État amène chaque année l'examen des actes du ministère, des besoins et de l'état de la société. Cette discussion périodique, nécessaire dans un Gouvernement représentatif, ne peut mieux s'appliquer qu'au sujet de la loi de finances, qui, affectant des fonds à chaque service, nous fait, pour ainsi dire, passer en revue le Gouvernement tout entier. » (54)

L'article 47 de la Constitution consacre le contrôle parlementaire sur l'exécution des lois de finances et prévoit qu'il peut se faire assister par la Cour des comptes. Cet article a habilité le législateur organique à « organiser les procédures d'information et de contrôle sur la gestion des finances publiques nécessaires à un vote éclairé du Parlement sur les projets de lois de finances, et notamment sur les projets de lois de règlement destinés à suivre l'emploi des contributions publiques » (55). Les modalités d'information du Parlement et ses pouvoirs de contrôle, d'abord fixés par les ordonnances n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959 et n° 59-2 du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances, ont été réévalués en permanence, jusqu'à la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Cette loi organique prévoit notamment la présentation au Parlement de nombreux documents nécessaires à son information préalable (56) et attribue aux présidents, rapporteurs généraux et rapporteurs spéciaux des commissions des Finances des pouvoirs d'investigation proches de ceux d'une commission d'enquête : investigations sur pièces et sur place, communication de tous documents d'ordre financier et administratif, assistance de la Cour des comptes, institution d'un référé.

Entre 1992 et 2002, à l'Assemblée nationale, 40 % des rapports d'information ont été déposés par la commission des Finances (57). Pendant cette décennie, alors que l'Assemblée nationale peinait à instaurer un contrôle régulier de l'application des lois, la commission des Finances a continué à publier chaque année, jusqu'en 2001, un rapport d'information sur l'application des dispositions fiscales des lois de finances et a constitué en son sein, en 1999, une mission d'évaluation et de contrôle, renouvelée chaque année, qui associe étroitement la majorité et l'opposition.

Depuis 1996, le modèle du contrôle en matière budgétaire a été transposé au domaine des finances sociales, avec l'introduction d'un article 47-1 dans la Constitution (58), calqué sur l'article 47, le vote de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale et la création de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale. C'est aujourd'hui la même démarche qui conduit le rapporteur à proposer de modifier la Constitution afin de pouvoir voter une loi organique qui renforcerait les pouvoirs de contrôle du Parlement pour toutes les lois.

L'EXEMPLARITÉ DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES

Destinée notamment à améliorer le contrôle du Parlement en matière budgétaire, la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances a constitué, de sa genèse à sa mise en application, un exemple d'investissement du Parlement dans l'évaluation du droit existant et la mise en application d'une réforme.

-  Du diagnostic au vote de la loi

À l'initiative de son Président, Laurent Fabius, l'Assemblée nationale a constitué, en octobre 1998, un groupe de travail sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, comprenant des membres de tous les groupes de l'Assemblée nationale. Le rapport de ce groupe de travail, présenté par Didier Migaud en janvier 1999, a proposé une série de mesures pouvant être mises en œuvre immédiatement, comme la création d'une mission d'évaluation et de contrôle au sein de la commission des Finances, intervenue dès le 3 février de la même année, et d'autres nécessitant une révision de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances. Un travail analogue était parallèlement conduit par la commission des Finances du Sénat.

À l'invitation de la Conférence des Présidents, Didier Migaud a déposé, le 11 juillet 2000, une proposition de loi organique relative aux lois de finances (n° 2540) proposant une révision de ce texte.

Les travaux législatifs se sont ensuite engagés, Laurent Fabius étant devenu ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et ont abouti, après deux lectures successives par chacune des assemblées, à la promulgation de la loi le 1er août 2001.

-  Le suivi de la mise en application

La mise en application de la nouvelle loi organique a été suivie très attentivement par le Parlement. Le 15 janvier 2003, la commission des Finances de l'Assemblée nationale a créé une mission d'information sur la mise en œuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, qui l'a régulièrement informée de la mise en œuvre de la réforme.

Plusieurs rapports d'information ont été publiés :

- rapport d'information no 957 déposé le 18 juin 2003 par la commission de la Défense sur la mise en œuvre de la loi organique dans le secteur de la défense ;

- rapports d'information nos 1021, 1554 et 2161 déposés respectivement les 10 juillet 2003, 28 avril 2004 et 16 mars 2005 par la commission des Finances.

Le Sénat a également publié plusieurs rapports d'information et une mission a été confiée à notre collègue Didier Migaud et au sénateur Alain Lambert afin d'examiner les conditions de mise en œuvre de la loi organique (La mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, rapport au Gouvernement, septembre 2005).

La question, déjà posée avec clairvoyance par le comité présidé par le doyen Vedel en 1993, est la suivante : comment renforcer le rôle du Parlement « par l'accroissement des compétences et des pouvoirs de contrôle et par l'amélioration de la procédure législative » ? L'enjeu est de taille, sortir l'Assemblée nationale de la « situation de subordination excessive par rapport au pouvoir exécutif », situation « d'autant plus regrettable que la profusion normative et la complexité des textes qui marquent depuis près de deux décennies le paysage juridique français ont fait perdre à la loi l'autorité et la qualité qui devraient être la sienne » (59). Le Parlement doit continuer de faire entendre sa voix au-delà du seul vote.

Comme l'a indiqué le Président de la République dans son message au Parlement en date du 2 juillet 2002 à l'occasion de sa réélection, « ceux qui votent la loi doivent pouvoir s'assurer de sa bonne application par le Gouvernement et l'administration », « la représentation nationale n'épuise pas sa mission au service de la volonté générale quand elle a énoncé le droit ». Il souhaitait ainsi que « le Parlement se donne désormais réellement les moyens d'évaluer l'action publique ». Lors de son message au Parlement du 19 mai 1995, il avait déjà relevé que « Trop de lois tuent la loi. (...) Aujourd'hui, l'inflation normative est devenue paralysante. Il faut mettre un terme à cette situation qui pénalise les plus faibles et entrave l'esprit d'entreprise au seul bénéfice de spécialistes qui font écran entre le citoyen et le droit. » Le président de notre assemblée, Jean-Louis Debré, lors de la présentation de ses vœux au Président de la République, le 3 janvier 2006, déplorait cette situation : « nous débattons en urgence et le Gouvernement ne fait pas suffisamment diligence pour publier rapidement les décrets d'application ».

C'est dans le même esprit qu'a été déposée la présente proposition de loi, dès le 2 octobre 2002. Son adoption permettrait la mise en œuvre de nombreuses mesures susceptibles d'améliorer la procédure d'examen des projets de loi. L'objectif est d'instaurer des mécanismes plus efficaces de suivi de l'application des lois et d'évaluation de leurs résultats.

La réalisation de cet objectif peut suivre différents canaux qui ne sont pas exclusifs les uns des autres. Ainsi, il pourrait être fait obligation organique au Gouvernement de soumettre à l'Assemblée nationale et au Sénat, dans un délai maximum d'un an suivant la promulgation d'une loi, un état précis des mesures réglementaires prises et restant à prendre pour son application. Le Parlement pourrait être associé à l'élaboration des études d'impact destinées à accompagner obligatoirement les projets de lois. Il pourrait faire établir une étude d'impact sur des propositions de loi susceptibles d'être inscrites à l'ordre du jour.

Il pourrait également être envisagé de créer des organes spécialisés qui, au sein des assemblées, seraient plus particulièrement chargés du suivi de l'application des lois et de l'évaluation de leurs résultats, sans préjudice des compétences des commissions permanentes. Ces organes pourraient prendre la forme de délégations parlementaires propres à chaque assemblée, dont ils refléteraient ainsi la composition politique ou bien de missions d'information émanant d'une ou de plusieurs commissions permanentes. Des moyens d'études spécifiques leur seraient attribués. Ils auraient le pouvoir d'entendre les ministres et toute personne dont ils estimeraient l'audition utile et ses membres pourraient disposer de pouvoirs d'enquête sur pièces et sur place à l'instar des rapporteurs des commissions d'enquête ou des rapporteurs spéciaux des commissions des Finances. Ils soumettraient leurs conclusions aux commissions permanentes dans des rapports publiés par leur assemblée respective.

Cette avancée déchargerait les commissions permanentes de travaux d'information que leur ordre du jour ne leur permet pas d'assumer avec une intensité satisfaisante. Le maintien d'un lien fort entre ces nouveaux organes et les commissions permanentes n'empêcherait pas ces dernières d'intervenir directement et de recommander la suppression ou la modification de dispositions d'une loi en cas de difficultés rencontrées dans leur application. Les premiers pourraient même instruire pour le compte des commissions permanentes des avant-projets de décrets d'application que le Gouvernement soumettrait pour avis à ces commissions.

Pour s'imposer, ces normes doivent trouver leur place dans une loi organique. Mais pour que cette loi organique puisse intervenir, il convient de lui donner une base juridique sûre, ce qui nécessite de modifier la Constitution. Le Conseil d'État n'a pas fait une autre analyse lorsqu'il a repris, dans son dernier rapport (60), la préconisation de la présente proposition de loi, déposée, rappelons-le, il y a près de quatre ans. Gérard Larcher lui-même, alors président de la commission des Affaires économiques du Sénat, en avait salué l'initiative (61).

Le Président de la République, dans son message aux deux chambres du 19 mai 1995 précité, affirmait : « Je le sais, vous avez déjà eu le mérite d'adapter vos règlements avec le souci de rechercher une plus grande efficacité. Mais l'effort de rénovation que vous avez entrepris dans vos méthodes de travail a sans doute atteint ses limites. » On ne peut mieux ainsi justifier la nécessité de procéder à une modification de la Constitution.

Il n'est pas indispensable, pour redonner du pouvoir au Parlement, de changer de Constitution. L'histoire de nos Constitutions rejoint celle de nos crises nationales. Au regard de cette histoire, une crise institutionnelle, aussi grave qu'elle puisse être, ne justifie pas à elle seule de changer de République. Il suffit sans doute, pour la résoudre, de changer la Constitution et modifier son esprit.

Pour reprendre les termes du « rapport Vedel », « il ne paraît pas inutile de préciser dans le texte constitutionnel ce qu'est la mission du Parlement. D'une part, les articles 5 et 20 de la Constitution respectivement consacrés au Président de la République et au Gouvernement donnent une définition d'ensemble de la mission dévolue à chacune de ces autorités : il est bon qu'il en soit usé de même avec le Parlement. D'autre part et surtout, l'évolution même des assemblées dans les démocraties contemporaines tend, à côté du vote de la loi qui reste la fonction première du Parlement, mais s'exerce dans des conditions très différentes de celles qui prévalaient dans le passé, à l'apparition et au renforcement de la fonction de contrôle de l'activité gouvernementale assortie d'une meilleure implication dans le suivi de l'application des lois. »

Dans la même logique, le rapporteur propose d'inscrire dans la Constitution non seulement que « le Parlement vote la loi » - le premier alinéa de l'article 34 dans sa rédaction en vigueur dispose déjà que « la loi est votée par le Parlement » -, mais aussi qu'« il en contrôle l'application et en évalue les résultats ». L'inscription de cette mission dans la Constitution permettra d'ouvrir un nouveau champ organique, seul à même d'imposer aux différents acteurs institutionnels de nouvelles contraintes de procédure. C'est pourquoi il est également proposé de renvoyer à une loi organique la fixation des modalités d'application de cette nouvelle mission constitutionnelle explicite.

Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

Exprimant le soutien du groupe socialiste à la proposition de loi constitutionnelle, M. Bernard Roman a souhaité que son examen puisse intervenir de manière objective, au-delà des divergences politiques. Il a souligné qu'il n'existe pas de démocratie parlementaire sans contrôle du Gouvernement qui aille au-delà des questions d'actualité, lesquelles s'apparentent plus à une « illusion paroxystique » qu'à l'exercice d'un véritable droit de regard du Parlement.

Pour illustrer son propos, M. Bernard Roman a cité deux exemples, vécus par l'ancienne et l'actuelle majorités parlementaires. Il a ainsi rappelé que sous la précédente législature, alors que l'Assemblée nationale avait adopté un amendement instituant le titre d'identité républicaine pour les enfants nés de parents étrangers, contre l'avis du ministre de l'intérieur de l'époque, il avait fallu attendre 18 mois et de multiples pressions sur le Gouvernement pour que les formulaires destinés aux demandes de ce titre parviennent aux préfectures. Il a ensuite observé que l'actuel ministre de l'intérieur présentait en ce moment un nouveau projet de loi relatif à l'immigration, alors même que la circulaire d'application de la précédente loi sur le sujet, votée en 2003, venait tout juste d'être publiée.

Tout ceci démontre qu'il est bien souvent fait peu de cas de la volonté du Parlement et que la proposition de loi constitutionnelle constitue une réponse appropriée, dans l'intérêt mutuel de la majorité et de l'opposition. L'audition régulière des ministres par les commissions pour dresser le bilan de l'application des lois votées à leur initiative, la systématisation des études d'impact sur les propositions de loi, l'association plus étroite des parlementaires à la rédaction des décrets d'application constituent autant de mesures susceptibles de donner tout son sens au contrôle parlementaire, car renforcer ce contrôle contribuerait à resserrer les liens entre les citoyens et ceux qui les représentent au Parlement.

Reconnaissant que les arguments évoqués par le rapporteur ne sont de nature à soulever la contestation d'aucun parlementaire, la commission des Lois se préoccupant d'ailleurs de ces questions depuis plusieurs années, M. Guy Geoffroy a insisté sur la récente modification du Règlement de l'Assemblée nationale instituant un droit de suite sur l'application des lois, exercé par leurs rapporteurs six mois après leur entrée en vigueur. Tout en se déclarant intéressé par le contenu de la proposition de loi constitutionnelle, il s'est néanmoins montré attaché à ne pas minimiser la portée de la réforme du Règlement précitée. Si le droit de suite qu'elle a introduit a jusqu'à présent porté sur l'application de seulement un quart des lois votées, il a permis, sur le plan qualitatif, d'accélérer le processus réglementaire dans bien des cas. Pour toutes ces raisons, M. Guy Geoffroy s'est prononcé en faveur d'une abstention constructive sur le texte.

M. Xavier de Roux a jugé que le débat porte finalement sur l'insécurité juridique dans laquelle les citoyens français se trouvent, du fait de la complexité et du grand nombre de lois votées, ainsi que, parfois, de leur caractère contradictoire. Cette insécurité se trouve même aggravée par les libertés que prend parfois le pouvoir exécutif vis-à-vis de l'intention du législateur. La proposition de loi constitutionnelle, si elle va dans le bon sens, présente malgré tout le risque de se révéler insuffisamment précise. De nombreuses lois partant d'une bonne intention se sont montrées difficiles d'application, à l'instar, par exemple, des lois instituant les enquêtes d'utilité publique. À la lumière de ce constat, la proposition de loi constitutionnelle mérite certainement d'être discutée pour que sa portée soit précisée.

M. Michel Piron a souligné la qualité des propos du rapporteur et a fait observer que ces derniers conduisent à interroger le rapport entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif. Il a exprimé le souhait que le contrôle effectué par le Parlement soit plus incitatif. Il a ajouté que l'étude d'impact pose toujours la question de ses limites et qu'il conviendrait que l'on définisse avec précision l'impact de l'impact.

M. Jean Leonetti s'est interrogé sur la nécessité de modifier la Constitution pour que le Parlement voie accrue sa fonction de contrôle. Il a estimé qu'en tout état de cause un débat devrait préalablement avoir lieu sur le contenu de la loi organique que le rapporteur appelle de ses vœux et considéré que la procédure prévue par l'article 86 alinéa 8 du Règlement de l'Assemblée nationale paraît dans l'immédiat suffisante pour contrôler l'application des lois. Avant d'envisager de modifier la Constitution, il a jugé préférable d'établir un bilan de cette procédure, préalable nécessaire à son approfondissement.

M. Émile Blessig a évoqué le discrédit dont souffre le Parlement dans un contexte de crise de la démocratie, en récusant les expressions trop souvent utilisées de « majorité soumise » ou de « Parlement croupion ». Il a estimé qu'une réflexion devrait, par exemple, être engagée sur la plus-value que représente le passage d'un texte devant le Parlement, permettant ainsi d'éviter la tentation du recours aux ordonnances. Considérant que l'affirmation du rôle irremplaçable du Parlement est utile et pertinente, il s'est déclaré favorable à la proposition de loi constitutionnelle qui représente, en la matière, un pas supplémentaire.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a souhaité apporter les éléments de réponse suivants :

-  la proposition de loi constitutionnelle, déposée en 2002, ne pouvait, par définition, tenir compte de la réforme du Règlement de l'Assemblée nationale du 12 février 2004 ;

-  cette réforme, si elle a constitué un progrès indéniable, ne permet pas la systématisation souhaitée et n'autorise qu'un contrôle de l'application à l'exclusion de l'évaluation de la loi elle-même ;

-  au-delà du Parlement, c'est la loi elle-même qui suscite chez nos concitoyens de nombreuses interrogations. L'exemple de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées montre que les défauts d'application portent atteinte à la crédibilité de la norme. Il n'est pas rare que les ministres soient obligés de hausser le ton pour imposer à leurs services de respecter, dans la rédaction des textes d'application, la volonté exprimée par la Représentation nationale. Il appartient au Parlement de réaffirmer que la légitimité populaire doit toujours l'emporter sur une hypothétique légitimité bureaucratique ;

-  les propos précités du Président de la République disent combien la fonction de contrôle du Parlement mérite d'être enfin inscrite dans la Constitution ;

-  dans sa rédaction en vigueur, la Constitution définit les fonctions du Président de la République et celles du Gouvernement, mais rien n'est dit de celles du Parlement ;

-  la présente proposition de loi constitutionnelle permettra de « déverrouiller » la Constitution pour ouvrir le débat sur une future loi organique qui pourra accueillir toutes les précisions appelées de leurs vœux par plusieurs orateurs.

À l'issue de ce débat, la Commission est passée à l'examen de l'article unique de la proposition.

Le rapporteur a présenté une proposition de modification rédactionnelle afin de mieux respecter la logique de présentation de la Constitution en inscrivant les nouvelles dispositions dans un article 24 A placé au début du titre IV consacré au Parlement. Il a précisé que ses fonctions seraient ainsi définies avant sa composition, qui figure aujourd'hui dans l'article 24, de la même façon que l'article 20 détermine en tête du titre III relatif au Gouvernement les missions de ce dernier. En conséquence, par coordination, il a proposé de supprimer le premier alinéa de l'article 34.

Après que le Président Philippe Houillon eut estimé qu'il ne paraissait pas souhaitable de créer un nouvel article dans la Constitution, la Commission a rejeté cette proposition de modification.

Puis, la Commission a adopté sans modification l'article unique de la proposition de loi constitutionnelle.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter la présente proposition de loi constitutionnelle (n° 241 rectifié) dont le texte figure ci-après.

Proposition de loi constitutionnelle tendant à modifier
l'article 34 de la Constitution afin d'élargir les pouvoirs du Parlement

Article unique

Le premier alinéa de l'article 34 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Le Parlement vote la loi. Il en contrôle l'application et en évalue les résultats dans les conditions prévues par une loi organique. »

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Texte en vigueur

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Conclusions de la Commission

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Article unique

Constitution du 4 octobre 1958

Le premier alinéa de l'article 34 de la Constitution est ainsi rédigé :

Art. 34. -  La loi est votée par le Parlement.

« Le Parlement vote la loi. Il en contrôle l'application et en évalue les résultats dans les conditions prévues par une loi organique. »

La loi fixe les règles concernant :

 

-  les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; les sujétions imposées par la Défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ;

 

-  la nationalité, l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités ;

 

-  la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l'amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ;

 

-  l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; le régime d'émission de la monnaie.

 

La loi fixe également les règles concernant :

 

-  le régime électoral des assemblées parlementaires et des assemblées locales ;

 

-  la création de catégories d'établissements publics ;

 

-  les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'État ;

 

-  les nationalisations d'entreprises et les transferts de propriété d'entreprises du secteur public au secteur privé.

 

La loi détermine les principes fondamentaux :

 

-  de l'organisation générale de la Défense nationale ;

 

-  de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ;

 

-  de l'enseignement ;

 

-  de la préservation de l'environnement ;

 

-  du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ;

 

-  du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale.

 

Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.

 

Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.

 

Des lois de programmes déterminent les objectifs de l'action économique et sociale de l'État.

 

Les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique.

 

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N° 3075 - Rapport fait au nom de la commission des lois sur la proposition de loi constitutionnelle (n° 241 rectifié) de M. Paul Quilès, tendant à modifier l'article 34 de la constitution afin d'élargir les pouvoirs du parlement (M. Paul Quilès)

1 () Cf. Georges Hispalis, « Pourquoi tant de loi(s) ? », Pouvoirs, n° 114, 2005, pages 101 à 115.

2 () Le souci de produire une législation de meilleure qualité, plus simple, plus claire, moins abondante est une priorité politique depuis les débats liés à la ratification du traité de Maastricht. Cf. par exemple, les travaux du groupe de travail consultatif de haut niveau (groupe « Mandelkern ») sur la qualité de la réglementation, 2001, groupe créé à la suite du Conseil européen de Feira des 19 et 20 juin 2000.

3 () Ce rapport doit mentionner les textes réglementaires publiés et les circulaires édictées pour la mise en œuvre de ladite loi, ainsi que, le cas échéant, les dispositions de celle-ci qui n'ont pas fait l'objet des textes d'application nécessaires et en indiquer les motifs.

4 () Comité consultatif pour la révision de la Constitution présidé par le doyen Georges Vedel, Propositions pour une révision de la Constitution, rapport au Président de la République, 15 février 1993, publié à La documentation française, Collection des rapports officiels, 1993.

5 () Durant l'année parlementaire 2003-2004, selon le Sénat, parmi les 48 lois adoptées, 33 lois nécessitaient au total 670 mesures réglementaires pour être appliquées.

6 () Cour de cassation, Chambre commerciale, 7 janvier 1955 ; Conseil d'État, 4 mai 1928, D'Ornano ; 7 janvier 1987, Ministère de la santé publique et Association de la maison de retraite de Gouarec.

7 () Jérôme Bignon, président, et François Sauvadet, rapporteur, L'insoutenable application de la loi, rapport de la mission d'information commune sur les problèmes généraux posés par l'application de la loi, Assemblée nationale, Xe législature, document n° 2172, 21 juillet 1995.

8 () Conseil d'État, « De la sécurité juridique », in Rapport public 1991, La documentation française, Études et documents du Conseil d'État n° 43, 1992, pages 15 à 47.

9 () Laurence Nicolas-Vullierme, « Le " délai raisonnable " ou la mesure du temps », Les petites affiches, 3 janvier 2005 (n° 1), pages 3 à 13.

10 () Conseil d'État, 3 octobre 1997, Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers.

11 () Conseil d'État, section, 27 janvier 1995, Melot.

12 () Conseil d'État, assemblée, 27 novembre 1964, Ministre des affaires économiques et des finances c. Mme Veuve Renard.

13 () Loi n° 95-125 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

14 () Conseil d'État, assemblée, 28 mars 1997, Union nationale des associations familiales ; 27 juillet 2005, Syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires et Fédération nationale des syndicats de biologistes praticiens hospitaliers et hospitalo-universitaires.

15 () C'est la norme retenue à la fois pour la mise en œuvre de l'article 86, alinéa 8, du Règlement de l'Assemblée nationale relatif au « droit de suite » accordé au rapporteur d'un projet de loi et pour la remise du rapport du Gouvernement au Parlement sur l'application de chaque loi en application de l'article 67 de la deuxième loi de simplification précitée.

16 () Le taux d'application moyen est de 16 % et se décompose ainsi : 14 % pour les lois votées après déclaration d'urgence, 39 % pour les lois votées de droit en urgence (lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale) et 13 % pour celles votées selon la procédure de droit commun.

17 () En 1977, un auteur estimait déjà que « l'inflation juridique » n'était pas loin de signifier « la fin de l'État de droit » (Jean-Pierre Henry, « Vers la fin de l'État de droit ? », Revue du droit public et de la science politique, 1977, pages 1207 à 1235).

18 () Jérôme Bignon, président, et François Sauvadet, rapporteur, op. cit., page 32.

19 () ocde, Examens de la réforme de la réglementation, la réforme de la réglementation en France, 2004, page 7.

20 () Conseil d'État, « Sécurité juridique et complexité du droit », in Rapport public 2006, La documentation française, Études et documents du Conseil d'État n° 57, 2006, page 273.

21 () Hervé Moysan, « La codification à droit constant ne résiste pas à l'épreuve de la consolidation », Droit administratif, avril 2002, chronique 7, pages 6 à 14.

22 () Bernard Stirn, « Lois et règlements : le paradoxe du désordre », Revue du droit public et de la science politique, 2006 (n° 1), page 133.

23 () Georges Hispalis, op. cit., page 101.

24 () En 2005, ce sont encore plus de 85 ordonnances qui ont été adoptées pour 50 lois (hors lois autorisant l'approbation d'un accord ou la ratification d'un traité). En 2004, ces chiffres atteignaient respectivement 54 et 39.

25 () Patrice Maynial, Le droit du côté de la vie, Réflexions sur la fonction, juridique de l'État, rapport au Premier ministre, La documentation française, Collection des rapports officiels, 1997.

26 () Jean Carbonnier, Essais sur le droit, Répertoire du notariat Defrénois, Paris, 1979, page 274.

27 () « Corruptissima re publica plurimae leges », Annales, III-27.

28 () Circulaire du 21 novembre 1995 relative à l'expérimentation d'une étude d'impact accompagnant les projets de loi et de décret en Conseil d'État.

29 () Circulaire du 26 janvier 1998 relative à l'étude d'impact de projets de loi et de décret en Conseil d'État.

30 () Dieudonné Mandelkern, président, Rapport du groupe de travail interministériel sur la qualité de la réglementation, Ministère de la fonction publique, 2002.

31 () Circulaire du 26 août 2003 relative à la maîtrise de l'inflation normative et à l'amélioration de la qualité de la réglementation.

32 () Circulaire du 30 septembre 2003 relative à la qualité de la réglementation.

33 () Conseil d'État, op. cit., 2006, page 305.

34 () Jérôme Bignon, président, et François Sauvadet, rapporteur, op. cit., page 55.

35 () Article 6 ter de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

36 () Didier Migaud, Rapport fait au nom de la commission des Finances sur le projet de loi de finances pour 2001, Assemblée nationale, XIe législature, n° 2624, 12 octobre 2000, tome III, volume 1, page 185 : « Le Président Henri Emmanuelli a estimé que l'office avait plus été utilisé dans le but de faire des "coups" politiques que dans un esprit de contrôle. »

37 () Article 6 quater de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

38 () Pascal Clément, Rapport fait au nom de la commission des Lois sur la proposition de résolution tendant à compléter le Règlement de l'Assemblée nationale et à modifier ses articles 14, 50, 65, 91, 104 et 128, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 698, 18 mars 2003, page 10 : « Il y aurait lieu de s'interroger sur le maintien de l'Office d'évaluation de la législation : d'une part ses règles de composition le rendent fort difficile à réunir ; d'autre part, l'évaluation des lois, si importante, est à réaliser par d'autres canaux. »

39 () Laurent Fabius, président, Didier Migaud, rapporteur, Rapport du groupe de travail sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, Assemblée nationale, XIe législature, 27 janvier 1999, page 119.

40 () Article 6 octies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

41 () Résolution n° 288 du 18 mai 1990.

42 () Cf. infra page 20.

43 () Gaëtan Gorce, Vers une seconde loi, rapport fait au nom de la commission des Affaires culturelles sur l'application de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail, Assemblée nationale, XIe législature, n° 1731, 22 juin 1999 ; Patrick Bloche et Jean-Pierre Michel, Le pacs, deux ans après, rapport fait au nom des commissions des Affaires culturelles et des Lois sur l'application de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte de solidarité, Assemblée nationale, XIe législature, n° 3383, 13 novembre 2001.

44 () Pascal Clément, op. cit., page 33.

45 () Loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics et loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.

46 () Depuis la résolution n° 106 du 26 mars 2003, en application de l'article 140-1 du Règlement de l'Assemblée nationale, la fonction de président ou celle de rapporteur revient de plein droit à un membre du groupe auquel appartient le premier signataire de la proposition de résolution qui crée la commission d'enquête. Dans la pratique, à l'Assemblée nationale, une de ces fonctions est confiée à un membre de l'opposition.

47 () Jean-Luc Warsmann, Rapport fait au nom de la commission des Lois sur la proposition de résolution modifiant le Règlement en vue d'informer l'Assemblée nationale sur la mise en application des lois, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 1409, 4 février 2004, page 15.

48 () Pierre-Louis Fagniez, Rapport fait au nom de la commission des Affaires culturelles sur la mise en application de la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 2206, 23 mars 2005, page 10.

49 () Compte rendu n° 27 de la commission des Lois, 1er mars 2006.

50 () Voir par exemple l'audition commune par les commissions des Lois et des Affaires culturelles, le 9 novembre 2005, de Mme Hanifa Chérifi, inspectrice générale de l'éducation nationale, sur l'application de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.

51 () Sénat, Contrôle de l'application des lois, op. cit., page 78.

52 () Question écrite n° 81578 du 20 décembre 2005, Journal officiel Questions Assemblée nationale du 24 janvier 2006.

53 () Le rapport sur la mise en application de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, déposé le 13 avril 2006, ne fait d'ailleurs pas référence à l'article 67 de la loi du 9 décembre 2004, mais à la lettre du Premier ministre du 20 janvier 2006.

54 () Lézardière, discours à la Chambre des députés du 16 mai 1826, Archives parlementaires, 2e série, tome 48, page 74.

55 () Décision du Conseil constitutionnel n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, Loi organique relative aux lois de finances.

56 () Articles 48 à 56.

57 () Pauline Türk, Les commissions parlementaires permanentes et le renouveau du Parlement sous la Cinquième République, Dalloz, Bibliothèque parlementaire et constitutionnelle, 2005, page 211.

58 () Loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996.

59 () Comité consultatif pour la révision de la Constitution, op. cit., page 55.

60 () Conseil d'État, op. cit., 2006, page 313.

61 () Gérard Larcher, « Du vote de la loi à son application : vers une fracture réglementaire ? », Droit administratif, février 2004, page 7.


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