N° 3079 - Rapport de M. Gaëtan Gorce sur la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues relative à l'insertion des jeunes dans l'emploi (3066)



N° 3079

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 mai 2006.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 3066) de M. JEAN-MARC AYRAULT et plusieurs de ses collègues relative à l'insertion des jeunes dans l'emploi,

PAR M. Gaëtan GORCE,

Député.

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INTRODUCTION 5

I.- LE CHÔMAGE DES JEUNES N'EST PAS UNE FATALITÉ 9

A. LE CONSTAT D'UN NIVEAU DURABLEMENT ÉLEVÉ DU CHÔMAGE DES JEUNES 9

1. Le chômage des jeunes en France est supérieur à la moyenne européenne 9

2. Le chômage des jeunes en France doit être mis en relation avec leur faible taux d'activité 10

3. Les jeunes, variable d'ajustement du marché de l'emploi 10

a) La sensibilité à la conjoncture du chômage des jeunes 10

b) La destruction massive des emplois en faveur des jeunes depuis 2002 11

B. LA NÉCESSITÉ DE PRENDRE EN COMPTE LA DIVERSITÉ DES SITUATIONS DES JEUNES FACE À L'EMPLOI 13

1. L'inefficacité des mesures générales et dérogatoires au code du travail 13

2. Prendre en compte la diversité des situations des jeunes face à l'emploi 14

a) Les disparités selon le niveau de formation 14

b) Les disparités selon le diplôme 15

c) Les disparités selon les disciplines 15

d) L'existence de discriminations 16

e) Les disparités selon l'environnement familial 17

C. UN PLAN D'ACTION POUR L'EMPLOI DES JEUNES 17

1. Une méthode qui rompt avec la pratique gouvernementale par le recours à la concertation et la négociation avant toute réforme 17

2. La création d'un droit universel à l'accueil et à l'orientation professionnelle 19

3. La reconnaissance d'un droit universel à l'accompagnement vers une première expérience professionnelle 20

4. La garantie d'un emploi durable des jeunes en entreprise par le contrat à durée indéterminée 22

5. Le dispositif proposé sous le signe du dialogue social 23

II.- ANALYSE DES ARTICLES 25

Article 1er: Association des partenaires sociaux aux réformes du code du travail 25

Article 2 : Création d'une conférence nationale pour l'emploi et l'insertion professionnelle des jeunes 26

Article 3 : Négociation sur l'accès durable à l'emploi 27

Article 4 : Mise en application de l'article 12 de l'accord interprofessionnel du 20 septembre 2003 relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle 29

Article 5 : Suppression du contrat « nouvelles embauches » 31

Article 6 : Suppression de l'apprentissage junior dès 14 ans - Suppression du recours au travail de nuit et du dimanche des jeunes apprentis 33

Article 7 : Modulation du taux de cotisations sociales des employeurs selon l'effort de l'entreprise en faveur de l'insertion 34

Article 8 : Gage 35

TRAVAUX DE LA COMMISSION 37

ANNEXE : LES JEUNES ET L'EMPLOI 43

À l'enthousiasme, aux espoirs, à la soif d'avenir de notre jeunesse, le gouvernement n'a rien proposé d'autre que les discriminations, la précarité et le mépris :

- les discriminations, qui consistent à n'autoriser l'accès des jeunes au monde du travail qu'au prix de sous-contrats, d'un droit du travail au rabais, de garanties sociales amoindries ;

- la précarité, qui ne leur offre comme perspective que le risque d'être licenciés pendant deux ans sans motifs et pratiquement sans délai ;

- le mépris d'un gouvernement qui s'acharne à agir contre eux, sans concertation, sans dialogue, sans capacité d'écoute.

La crise qu'a traversée notre pays, ce n'est pas la jeunesse qui l'a voulue mais l'ensemble du gouvernement qui l'a provoquée.

Loin d'apporter une solution au problème d'accès à l'emploi des jeunes sortant de l'école sans qualification ou sans diplôme, le contrat première embauche (CPE) allait au contraire réduire les droits des jeunes salariés, y compris les deux tiers d'entre eux qui accèdent à un contrat à durée indéterminée dans les trois ans suivant leur sortie du système scolaire.

Loin de reposer sur la concertation, le CPE a été conçu et mis en œuvre au mépris du dialogue social et c'est au prix d'une manœuvre confuse que le gouvernement et sa majorité ont tenté de le préserver contre la volonté des jeunes et d'une majorité des Français.

Loin de soutenir l'emploi des jeunes, le gouvernement n'a cessé de réduire les moyens qui y sont consacrés : avec la suppression des emplois jeunes et la diminution des contrats aidés, ce sont près de 150 000 emplois dont les jeunes ont été privés en quatre ans. Pourtant, le chômage des jeunes n'est pas une fatalité : entre 1997 et 2002, il a diminué d'un tiers alors qu'il a augmenté de près de 7 %  depuis lors.

Cette crise est d'autant plus absurde qu'elle intervient au moment où notre pays doit plus que jamais faire le choix de la confiance en ses jeunes : le départ à la retraite des classes du baby-boom - en moyenne 500 000 départs chaque année entre 2002 et 2015 - constitue une formidable opportunité pour ouvrir aux jeunes les portes de nos entreprises.

La jeunesse refuse, avec raison, d'être traitée comme une simple variable d'ajustement. Les jeunes veulent, à juste titre, que leur motivation, leur formation, leur compétence, leur désir d'avenir soient reconnus. C'est pourquoi nous voulons dire à la jeunesse de France :

- pour vous ouvrir toute grandes les portes de l'avenir, nous voulons investir massivement dans l'éducation, qui doit redevenir la priorité de la Nation, et consacrer aux écoles, collèges, lycées et universités les moyens qui leur font aujourd'hui profondément défaut ;

- pour donner à tous les mêmes chances, les mêmes droits, nous voulons garantir aux jeunes toute leur place dans la politique de l'emploi, assurer à chacun un droit à la formation tout au long de la vie, dont l'importance serait inversement proportionnel à la durée de ses études, et mettre en place une sécurisation des parcours professionnels ;

- pour remettre enfin la société en mouvement, nous voulons que les générations nouvelles puissent trouver toute leur place, à tous les niveaux, dans tous les domaines, dans toutes les fonctions.

- premièrement, l'abrogation du contrat « nouvelles embauches » (CNE), qui constitue toujours une discrimination insupportable à l'égard des salariés des plus petites entreprises, y compris des jeunes. Les conditions de requalification et de sécurisation juridique des contrats déjà signés devront être négociées avec les partenaires sociaux.

- deuxièmement, l'ouverture immédiate d'une vaste négociation associant l'Etat, les régions, les partenaires sociaux et les organisations syndicales étudiantes et lycéennes autour des grands axes d'une politique offensive d'insertion des jeunes dans la société et dans l'emploi.

Cette négociation devra permettre de :

- garantir à chaque jeune un droit universel à une véritable orientation professionnelle, à un premier accueil, à une première expérience de travail dans la prerspective d'une véritable sécurisation des parcours professionnels assurée à tous les actifs ;

- garantir un droit à la formation tout au long de la vie, prévu par l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003, d'autant plus important que la durée d'étude aura été courte ;

- faire du contrat à durée indéterminée la base de l'insertion durable des jeunes dans l'entreprise assorti de vrais droits à la formation et à l'adaptation et réduire les contrats précaires ;

- moduler désormais les aides aux entreprises et les cotisations sociales en fonction de leur effort d'insertion des jeunes et de leur action contre la précarité.

I.- LE CHÔMAGE DES JEUNES N'EST PAS UNE FATALITÉ

Le raisonnement consistant à se fonder sur la progression, indéniable, du chômage des jeunes sur longue période pour excuser de faibles résultats en matière de politique de l'emploi (comme ont tendance à le faire les différents gouvernements depuis 2002) a de quoi effrayer. Sans doute, de la fin des années 1970 à 2006, le taux de chômage des moins de vingt-cinq ans est passé de 13,8 % à plus de 22 % (1), avec un pic de plus de 25 % en mai 1997 après les quatre années de gouvernement de MM. Edouard Balladur et Alain Juppé. Peut-on pour autant en conclure à l'impossibilité d'agir sur cette tendance ? Est-il besoin de revenir longuement sur la diminution de ce même taux de juin 1997 à juin 2002, date à laquelle il avait été ramené à 19,3 % ?

Il y a plus grave encore : cette forme de fatalisme inavoué tente parfois de se masquer - avec un succès inégal... - derrière des politiques menées au pas de charge, au mépris de l'analyse la plus élémentaire. Un examen attentif de la situation de l'emploi des jeunes en France invite en effet à parler moins du chômage des jeunes que des chômages des jeunes, tant ce phénomène est complexe et variable d'un jeune à l'autre. A trop vouloir se hâter, le gouvernement propose des solutions uniformes : à l'évidence, elles ne peuvent convenir.

Sans doute, le constat d'un chômage des jeunes en France supérieur à la moyenne européenne est connu. Il est néanmoins important de rappeler les chiffres qui commandent une action volontaire en faveur de la lutte pour l'emploi (2) : alors que la France connaît un taux de chômage des jeunes actifs de plus de 22 %, le taux de chômage des jeunes dans l'Union européenne s'établit à 18,2 %, ce chiffre étant de 17,5 % dans la zone euro. Les meilleurs résultats sont ceux des Pays-Bas (7,8 %) et du Danemark (8,1 %), les plus mauvais ceux de la Slovaquie (30,4 %) et de la Pologne (35,5 %). Le taux de chômage des 15-24 ans atteint 14,8 % en Allemagne, 13,4 % au Royaume-Uni et 18,9 % en Espagne.

Un récent rapport de l'OCDE confirme ce premier constat tout en élargissant la comparaison internationale et en précisant les enjeux de ces chiffres, à partir du taux d'emploi des jeunes. Selon ce Factbook 2006, ce taux est en France le plus mauvais de l'OCDE, après la Turquie et la Slovaquie : le taux d'emploi des jeunes de 15 à 24 ans est de 26,4 %, des performances inférieures étant seulement enregistrées en Pologne (20 %), au Luxembourg (21,4 %) et en Hongrie (23,6 %), alors que le taux moyen des pays de l'OCDE s'établit à 42,7 %. Pour l'OCDE, ces mauvaises performances expliquent en partie le malaise que connaît aujourd'hui la jeunesse française : « si les jeunes ne sont ni employés ni à l'école, il y a de bonnes raisons de se faire du souci pour leur bien-être et leurs perspectives d'avenir ». Ce même rapport montre aussi que 14,8 % des jeunes Français ne bénéficient ni d'une formation, ni d'un emploi.

Pour autant, ce constat ne doit pas écarter tout esprit de nuance. Prendre acte d'un niveau inacceptable du chômage des jeunes est une chose. Dramatiser cet enjeu et en faire un mode de légitimation de tout outil destiné à lutter contre le chômage des jeunes, au mépris des règles les plus fondamentales du droit du travail, créant ainsi une nouvelle forme de discrimination, en est une autre.

Il convient en effet de garder à l'esprit que le chômage touche entre un jeune actif sur quatre et un jeune actif sur cinq : mais rapportée au nombre total de jeunes, la proportion de chômeurs est de l'ordre de 9 %. Les comparaisons internationales se doivent d'intégrer cette donnée, en particulier au regard des taux de jeunes actifs prévalant à l'étranger : 69,7 % en Grande-Bretagne et 52,5 % en Allemagne, contre 29,5 % en France.

Cet élément rappelle en outre utilement la nécessité d'une politique économique globale de soutien à la conjoncture, elle seule à même de lutter contre des taux trop élevés de chômage des jeunes - et des moins jeunes.

Parce qu'ils sont en France 26 % à occuper un emploi temporaire (intérim ou contrat à durée déterminée, contre 7 % des 26-54 ans et 4 % des 55 ans et plus), il est vrai que les jeunes actifs sont les plus sensibles aux variations cycliques de l'économie.

Ce phénomène de « surréaction à la conjoncture » du taux d'emploi des jeunes existe certes dans des pays étrangers, comme le montrent les exemples italien, espagnol, britannique ou allemand. Néanmoins, des études récentes ont montré que la tendance est plus prononcée en France et ont tenté de mettre en évidence les raisons pouvant l'expliquer (3) : contrairement à certains pays qui, à l'instar de la Suède, mènent des politiques en faveur de l'emploi essentiellement contra-cycliques, l'existence d'effets de cliquet font de la politique de l'emploi en France une composante essentiellement structurelle ; la sensibilité à la conjoncture décroît avec l'ancienneté sur le marché du travail, mais ne devient relativement faible qu'à partir d'environ cinq ans d'ancienneté ; la surreprésentation des jeunes parmi les candidats à l'embauche explique le fait qu'ils absorbent les tensions du marché du travail, sous la double incidence d'un effet dit de « primo-entrée » sur le marché du travail et d'un effet de précarité lié au fait que la probabilité de sortie de l'emploi est d'autant plus forte que l'ancienneté dans l'emploi est faible.

Un raisonnement tronqué - marqué là encore au coin du fatalisme - permettrait-il pour autant de dédouaner les gouvernements concernés de l'augmentation de 3 points du taux de chômage des jeunes entre 2002 et 2006 ?

Car depuis cette date, le gouvernement non seulement n'a pas créé mais a détruit les outils de la politique de l'emploi destinée aux jeunes.

Quelques chiffres illustrent aisément cette réalité malheureuse. La direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a chiffré à 727 465 le nombre total de jeunes concernés par les différentes mesures de la politique de l'emploi en décembre 2005 (4). Parmi ces jeunes, on dénombre à la même date 124 151 jeunes dits « non qualifiés », à savoir de niveaux VI et V bis, ce qui représente une proportion de seulement 17 % de l'ensemble.

La DARES avait procédé à une même estimation à la fin de l'année 2001 : à cette date, le nombre de « contrats aidés » correspondant à un champ d'application équivalent (contrats d'apprentissage, contrats de qualification, d'adaptation et d'orientation, contrats initiative emploi, emplois jeunes, contrats emploi solidarité) était de 872 500. Le calcul est simple : depuis 2002, environ 150 000 contrats en faveur des jeunes ont été supprimés.

L'analyse détaillée de l'évolution des différents dispositifs n'est pas plus encourageante. À titre d'exemple, le gouvernement prétend développer l'apprentissage, mais le nombre de contrats d'apprentissage - dont le ministère de l'emploi se glorifie qu'il ait dépassé le cap des 380 000 en décembre 2005, après une réforme qui ne s'est pas particulièrement caractérisée par sa légèreté - dépassait 386 000 unités fin 2001 !

Par ailleurs, la part des jeunes peu ou pas qualifiés touchés par ces mesures pour l'emploi était alors loin d'être aussi limitée qu'aujourd'hui : les nouveaux bénéficiaires de l'ensemble constitué par les services-emplois jeunes ainsi que les contrats de qualification, d'adaptation et d'apprentissage, du niveau du CAP ou du BEP ou d'un niveau moindre (niveaux V, V bis et VI), représentaient en 2001 plus de la moitié (54,5 %) de l'ensemble des entrants, soit un total de plus de 250 000 jeunes. Et il convient de noter que sur le total des flux d'entrées en apprentissage en 2001, la part des jeunes peu ou pas qualifiés était fortement majoritaire (81,5 % des entrées).

Autre exemple, comment ne pas voir que la montée en charge des contrats de professionnalisation, qui non seulement est beaucoup plus lente qu'escomptée (on dénombre 74 944 titulaires d'un contrat de professionnalisation jeune fin décembre 2005), peut en outre s'analyser comme un solde négatif comparé aux contrats de qualification que ces nouveaux contrats doivent remplacer et qui ne représentent plus en stock, fin décembre 2005, que 62 007 unités ? En effet, on dénombrait fin 2001 un total de 174 000 contrats de qualification jeunes, auxquels il faut ajouter 50 000 contrats d'adaptation et d'orientation, soit un total de plus de 220 000 contrats en alternance hors apprentissage, contre un total de pas même 140 000 unités aujourd'hui (si l'on fait la sommes des contrats de professionnalisation, de qualification, d'adaptation et d'orientation).

Et malgré la poussée annoncée du chômage, le nouveau gouvernement nommé en 2002 s'est empressé de supprimer les emplois-jeunes. Outre le fait qu'il a été difficile de trouver des défenseurs de cette suppression jusque dans les rangs de la majorité, il importe surtout de rappeler que ce dispositif a permis l'embauche de 410 000 jeunes depuis le lancement du programme. Une étude réalisée en 2004 a en outre montré que huit jeunes sur dix, sortis en 2001, estimaient avoir acquis des compétences professionnelles et que, immédiatement après la sortie du dispositif, sept jeunes sur dix étaient en situation d'emploi (5).

Enfin, quelle action a été conduite pour soutenir la conjoncture depuis quatre années ? Il faut dire clairement que le chômage des jeunes ne pourra baisser qu'au prix d'une forte relance de l'activité économique, à l'image de la politique conduite entre 1997 et 2002 sous les gouvernements Jospin. C'est en s'appuyant sur les trois piliers du retour à la croissance durable et au plein emploi - l'augmentation du revenu des ménages par la création d'emplois et la hausse du pouvoir d'achat ; une politique ambitieuse en matière d'innovation pour restaurer une compétitivité fortement dégradée depuis quatre ans ; une réforme profonde du service public de l'emploi pour sécuriser les parcours professionnels et permettre un accompagnement personnalisé des chômeurs - qu'il sera possible d'amorcer une politique généreuse et offensive pour faire reculer sensiblement le chômage des jeunes.

Il n'est pas possible d'œuvrer d'une manière uniforme en matière de politique d'emploi des jeunes. En proposant le contrat première embauche (CPE), le gouvernement actuel a largement sous-estimé les effets de dynamique de l'emploi, notamment dans les premières années, qui vont dans le sens de la stabilisation : la part des contrats à durée indéterminée dans les emplois occupés par les jeunes actifs passe de 36 % à 67 % entre la première et la troisième année de sortie du système éducatif, cependant que la part de l'intérim passe dans la même période de 19 % à 6 % (6). Sur les 36 % de jeunes ayant pour premier emploi un contrat à durée indéterminée, les deux tiers l'occupent toujours trois ans après, tandis qu'il a été rompu pour le tiers restant (à 70 % à l'initiative du salarié). Il faut noter en outre les disparités existantes en matière de délais pour l'accès à l'emploi : si 52 % des jeunes actifs ne connaîtront pas de période de chômage pendant leurs trois premières années de vie professionnelle, la durée moyenne de la première période de chômage est inférieure à six mois pour 59 % des jeunes actifs et supérieure à 12 mois pour seulement 17 % d'entre eux.

La proposition du CPE aurait donc consisté à toucher tous les jeunes sans distinction et à précariser les 80 % de jeunes qui sont en emploi trois ans après leur sortie de l'enseignement et dont les deux tiers sont en contrat à durée indéterminée. Dépourvu d'outils spécifiques de formation et d'accompagnement, il n'aurait rien apporté aux 16 % de jeunes, la plupart non qualifiés, qui restent aujourd'hui durablement exclus du travail.

Par ailleurs, la mise en place de mesures dérogatoires comportant une part de discrimination répond à une vision dépassée de l'économie qui prétend à tort que la création d'emplois au profit d'une catégorie donnée de population exige de la discriminer en abaissant ses protections sociales. Or l'idée selon laquelle la flexibilité du droit du travail ferait baisser le chômage est infondée. L'assouplissement des contrats de travail ne date pas d'hier. A-t-on pour autant constaté un effet déterminant sur la baisse du chômage ? Uniquement quand il y avait suffisamment d'emplois créés ! Ainsi, de 1986 à 1987, 130 000 contrats précaires ont été créés, mais seulement 39 000 emplois : il y a eu 124 000 chômeurs de plus. Au contraire, de 2000 à 2002, on dénombre 149 000 contrats précaires en moins, mais 660 000 emplois en plus : le nombre de chômeurs a baissé de plus de 200 000 (7). Au total, c'est bien le rythme de progression de l'emploi, plus que le rythme de progression de la précarité, qui fait reculer le chômage !

Il est essentiel d'en finir avec la conception monolithique du chômage des jeunes. Il n'y a pas en effet un chômage, mais bien des chômages des jeunes, que l'on peut distinguer selon de nombreux critères.

Les nombreuses analyses du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) ont montré que le niveau de formation constitue un facteur décisif d'explication du niveau de chômage des jeunes. Une récente étude portant sur la génération de jeunes entrés dans la vie active en 2001 (8) montre que l'écart de chômage au bout de trois ans de vie active entre les jeunes les plus formés et les moins qualifiés est de 30 points, marquant une dégradation générale de la situation des jeunes non qualifiés qui ont particulièrement pâtis de l'évolution négative de la conjoncture (9).

Alors que 31 % des non qualifiés de la génération 2001 accèdent à un contrat à durée indéterminée pour leur premier emploi, cette proportion est de 57 % pour les titulaires d'un troisième cycle et 51 % pour les titulaires d'un second cycle ; de même, alors qu'au bout de trois ans de vie active, 52 % des jeunes non qualifiés sont en contrat à durée indéterminée, ce taux atteint 85 % pour les titulaires d'un troisième cycle et 76 % pour les titulaires d'un second cycle.

En outre, par-delà le risque du chômage, la trajectoire d'insertion varie elle aussi selon le niveau de formation : au sein de la génération 2001, 79 % des diplômés du troisième cycle ont connu une trajectoire favorisant un accès rapide et durable à l'emploi, contre seulement 31 % des jeunes non qualifiés.

Il faut certes garder à l'esprit la diminution sensible, sur les dernières décennies, de la proportion de jeunes sans qualification, ramenée de 35 % en 1965 à 8 % en 1994. Mais depuis cette date, cette proportion semble stagner. De plus, les conséquences de la qualification sont aujourd'hui bien plus importantes qu'il y a quarante ans. Comme le rappelle une étude récente : « Après plusieurs décennies de chômage de masse, les parcours d'emploi et les conditions financières de ces jeunes se sont sensiblement fragilisés, accentuant les risques de précarité, voire d'exclusion sociale »(10)

À niveau de formation équivalent, les diplômés sont moins touchés que les non diplômés par le chômage. L'évolution sur le long terme du taux de chômage des 15-24 ans sans diplôme est révélatrice de ce fait : 5 % en 1971, 35 % en 1987, 47 % en 2004.

Cet effet est particulièrement net au niveau du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) ou du brevet d'études professionnelles (BEP) pour la génération 2001 : 29 % des non diplômés accèdent à un contrat à durée indéterminée pour leur premier emploi contre 35 % pour les diplômés ; au bout de trois années de vie active, 59 % des non diplômés sont en contrat à durée indéterminée, contre 68 % pour les diplômés.

En outre, les conditions d'emploi sont, elles aussi, liées à l'obtention du diplôme : au bout de trois années de vie active, 8 % des diplômés de la génération 2001 titulaires d'un BEP ou d'un CAP travaillent en intérim, cette proportion étant de 17 % pour les non diplômés (ayant suivi une ou deux années de formation).

L'effet du diplôme est tel qu'il vient parfois « modifier la hiérarchie des niveaux de formation » : selon les études du CEREQ précitées, « au sein de la génération 2001, les jeunes qui ont poursuivi leurs études dans l'enseignement supérieur mais sans y avoir obtenu de diplôme ont, au bout de trois ans de vie active, un taux de chômage qui non seulement dépasse celui de l'ensemble de leur génération mais est devenu supérieur à celui des titulaires d'un CAP ou d'un BEP ».

Quel que soit le niveau de formation, les écarts sont globalement importants entre les jeunes issus de spécialités tertiaires et ceux ayant suivi une spécialité industrielle : ces derniers sont en proportion beaucoup plus nombreux à être intérimaires au bout de trois ans de vie active. De même, concernant la génération 2001 et le premier emploi occupé au sortir du système éducatif, au niveau du CAP ou du BEP, les jeunes issus d'une spécialité industrielle ont une probabilité supérieure aux jeunes issus d'une spécialité tertiaire d'entrer dans le monde du travail via l'intérim.

Indépendamment de l'intérim, pour les jeunes de la génération 2001, le fait d'avoir suivi une spécialité industrielle accroît en outre les chances d'accéder rapidement et durablement à l'emploi jusqu'au niveau du baccalauréat (80 % des jeunes concernés sont en contrat à durée indéterminée au bout de trois années de vie active, contre 67 % dans le secteur tertiaire) mais aussi, jusqu'au niveau bac + 2 (79 % % des jeunes concernés sont en contrat à durée indéterminée au bout de trois années de vie active, contre 71 % dans le secteur tertiaire).

Mais plus encore que le premier poste, c'est la trajectoire dans son ensemble, le parcours professionnel, qui peut être influencé par le secteur du premier emploi. Des analyses récentes ont ainsi montré qu'aux côtés de déterminants individuels, l'entreprise peut jouer un rôle significatif dans la construction des trajectoires des débutants. À même niveau de diplôme, à sexe identique et à même taille d'entreprise, la stabilisation chez le premier employeur est plus fréquente dans les secteurs de la construction (aéronautique, navale et ferroviaire), l'énergie, le transport aérien, la finance, l'immobilier, la santé, les postes et télécommunications, la réparation automobile et les services de conseil et d'assistance (11).

L'avis du Conseil économique et social consacré au mois de juillet 2005 à l'insertion professionnelle des jeunes issus de l'enseignement supérieur (12) a montré l'existence de pratiques discriminatoires à l'embauche, pouvant prendre des formes diverses : « À diplôme et qualification égale, les études, notamment de l'Association pour faciliter l'insertion des jeunes diplômés (AFIJ) et du CEREQ, montrent que certains jeunes sont victimes, au stade de l'embauche, d'une discrimination raciale liée à la consonance étrangère de leur nom, à leur origine ou encore à leur nationalité. Cette discrimination touche des jeunes issus de l'immigration et dont plus de 80 % sont français, tout comme des jeunes originaires de l'outre-mer. »

Le même avis souligne aussi l'existence d'autres pratiques discriminatoires, liées à l'appartenance géographique à tel ou tel quartier, au sexe ou encore à des situations de handicap : concernant cette dernière question, l'avis note que cette problématique particulière est liée notamment à « la nécessité de démystifier au préalable la représentation du handicap que peuvent avoir les employeurs ».

Le CEREQ a tenté de chiffrer ce constat essentiellement qualitatif, à partir des témoignages des intéressés eux-mêmes : parmi la génération 2001, 10 % des diplômés de niveau CAP ou BEP disent avoir été victimes de discriminations à l'embauche contre 18 % des non diplômés. Ces proportions sont respectivement de 11 % et 15 % au niveau baccalauréat et de 9 % et 14 % au niveau bac + 2.

Ce n'est pas un hasard si le premier rapport annuel de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité - publié en avril 2006 - a mis en évidence que l'emploi est le premier facteur de discriminations (sur les 2 365 plaintes reçues par la Halde, 45,3 % concernent l'emploi).

Il faut enfin dire un mot des différences, là aussi difficiles à quantifier, liées à la structure familiale des jeunes. L'avis précité du Conseil économique et social a montré en juillet dernier que la baisse relative du niveau de vie des jeunes renforce leur dépendance financière vis-à-vis de leur famille. Il note également la tendance à l'allongement de la cohabitation. Enfin, une proportion croissante d'étudiants exerce une activité salariée régulière tout au long de l'année scolaire (plus de 80 % selon le CEREQ dans l'enquête génération 1998). L'ensemble de ces données doivent être prises en considération pour apprécier le parcours d'insertion des jeunes.

Au total, ces développements montrent la complexité de ce phénomène multiforme que constitue le chômage des jeunes et l'inopportunité de vouloir agir en imposant des solutions toutes faites.

Une politique active de l'emploi des jeunes doit s'inscrire dans le cadre d'une large négociation avec l'ensemble des partenaires concernés. Elle doit être caractérisée par l'affirmation de nouveaux droits pour tous : droit à la formation tout au long de la vie ; droit à la sécurisation des parcours professionnels. Elle devra s'appuyer sur une réorganisation du service public de l'emploi, ainsi que sur une mobilisation des partenaires sociaux et des collectivités territoriales. Elle devra enfin avoir pour préoccupation première de s'appuyer sur le droit commun du travail : si celui-ci doit être complété pour tenir compte de la spécificité des jeunes, cela ne saurait certainement pas justifier la mise en place de mesures discriminatoires contre les jeunes.

C'est naturellement l'histoire récente de l'élaboration législative qui dicte aujourd'hui le recours au dialogue social, à la concertation, à la négociation avec l'ensemble des partenaires impliqués dans les réformes.

La crise du contrat première embauche (CPE) est encore présente dans tous les esprits, mais à dire vrai ce n'est pas (seulement) un épiphénomène qu'entend ainsi prendre en compte la présente proposition de loi. C'est bien davantage à une manière désastreuse de conduire la préparation du débat législatif, que le gouvernement a élevée au rang de méthode de travail, que veut s'attaquer le présent texte : une méthode prétendument plus rapide, plus simple, plus « pragmatique ».

La manière d'agir ainsi sans aucune concertation a peut-être atteint une forme d'apogée avec le projet de loi pour l'égalité des chances. Mais qu'on se rappelle seulement les débats sur la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise ou encore l'adoption du contrat « nouvelles embauches » par ordonnance au milieu de l'été 2005 : la méthode était déjà la même.

Mais plus encore que ces événements récents, c'est naturellement une conviction de fond qui inspire la présente proposition de loi et la nécessité du recours à la concertation préalablement à toute réforme. Comme le rappelle l'exposé des motifs, il est essentiel de « redonner toute sa place au dialogue social. Une réforme ne peut être que synonyme de progrès. Pour être applicable, elle doit faire l'objet d'un constat partagé, d'une concertation précise, puis d'une décision politique, d'un suivi et d'une évaluation. »

D'ailleurs, le gouvernement est-il dupe ? N'a-t-il pas - voyant le vent tourner - commandé à la fin de l'année 2004 un rapport à M. Dominique-Jean Chertier sur le développement du dialogue social, rapport rendu public le 31 mars dernier et qui propose un certain nombre de pistes pour systématiser la concertation préalable à la législation, notamment sociale, à l'exemple de certains pays étrangers ?

Les remords sont tardifs et l'on peut se demander dans quelle mesure il n'eut pas été préférable de recourir dès le début de l'année 2004 aux engagements qui avaient été pris alors. Faut-il rappeler une fois encore la teneur de l'exposé des motifs du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, par lequel précisément le gouvernement s'engageait à faire précéder toute mesure de nature législative relative au droit du travail de la négociation collective ?

Pour l'ensemble de ces raisons, les différentes étapes de la réforme proposée font chacune la part belle à la négociation collective : l'institution d'une Conférence nationale pour l'emploi et l'insertion professionnelle des jeunes inscrit cette volonté de dialogue dans la permanence, tout en offrant un cadre particulièrement large pour la formulation de propositions communes puisque cette Conférence associera l'Etat, les régions et les autres collectivités territoriales ainsi que l'ensemble des organisations syndicales concernées. L'engagement d'une large négociation avec tous les partenaires impliqués dans les questions d'insertion et d'emploi des jeunes va dans ce même sens.

C'est ainsi que la réforme de l'orientation proposée résultera donc de solutions concertées, de même que l'établissement d'un dispositif d'accompagnement des jeunes dans leur parcours de formation et d'insertion dans l'emploi, ayant vocation à accueillir un public extrêmement large (et qui ouvre notamment sur le développement de l'alternance). L'embauche immédiate sous la forme de contrat à durée indéterminée des jeunes dont le niveau de formation le permet constitue une autre voie ouverte aux jeunes ainsi orientés, après une phase d'adaptation si cela s'avère nécessaire - adaptation dont la négociation précisera les conditions de financement : cette voie a donc de même, pour préalable, le développement du dialogue social.

Le diagnostic est connu et partagé. Mais le gouvernement reste sourd. Pourtant, les voix ne manquent pas, venues de tous bords, pour insister sur le fait que nombre de difficultés dans l'emploi sont aujourd'hui liées à un véritable déficit de l'orientation professionnelle.

M. Pierre Boissier, directeur général de l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), tire les conséquences d'une observation concrète : « Il y a par exemple trop d'orientation sur le secrétariat. Le problème de l'orientation initiale dépend aussi de ce que le jeune a dans sa tête. La difficulté est d'apporter aux jeunes la connaissance des métiers. Ma préférence va à des stages courts de découverte du métier dans l'entreprise, des sessions plus professionnelles de découverte des métiers ».

Il semble bien que, pour une part au moins, les difficultés d'insertion des jeunes sont liées à une mauvaise information et plus souvent encore à une mauvaise orientation professionnelle. « Mieux orienter les jeunes » constitue une piste importante développée par le Conseil économique et social dans l'avis précité de juillet 2005. Si l'avis se félicite que, sur longue période, le système français ait su relever le défi d'accueil d'un nombre toujours plus grand d'étudiants, il rappelle aussi combien l'insertion professionnelle des jeunes est un processus complexe, mettant en cause le parcours de formation, les dynamiques professionnelles, la situation du marché de l'emploi, l'environnement familial ou social, etc. Il propose dans cette perspective un certain nombre de pistes de réflexion et d'action : assurer une information précise et pertinente dès le collège ; faire figurer dans les dossiers d'inscription à l'université des données précises sur les perspectives des métiers et des emplois auxquels peuvent mener les filières ; recenser, au sein de chaque collectivité territoriale, les besoins locaux ; mener des actions spécifiques et ciblées de communication, grâce à la coopération entre entreprises d'un même secteur d'activité, à l'action des branches professionnelles et des partenaires institutionnels ; favoriser un suivi personnalisé des jeunes ; repenser l'orientation comme un processus continu (en encourageant notamment l'usage du projet professionnel personnalisé).

Au même moment, Mme Irène Tharin, députée du Doubs, remettait au Premier ministre son rapport intitulé « Orientation, réussite scolaire : ensemble relevons le défi », qui faisait le même constat et contenait aussi des pistes de réflexion. Le livre blanc sur l'apprentissage, quelques années plus tôt, n'avait pu faire l'économie d'une telle réflexion. Pourtant, la fin de législature approche et force est de constater que bien peu de choses ont, dans la pratique, été faites en cette matière par la majorité.

Pour l'ensemble de ces raisons, il est important aujourd'hui de donner une priorité absolue à une meilleure connaissance des possibilités offertes sur le territoire par les différents métiers. Cela suppose que les partenaires sociaux soient associés à une réforme du dispositif d'orientation dont les modalités devraient être unifiées, qu'elles se situent à l'intérieur ou en dehors du système scolaire.

Cette réforme doit s'appuyer sur la création, en partenariat avec les régions, d'observatoires des métiers indispensables à une connaissance fine des besoins et à des réorientations profitables pour les jeunes comme pour les entreprises ; cette meilleure connaissance des métiers et des besoins doit servir de socle à un accueil renforcé et à une pré-orientation plus efficace des jeunes en recherche d'emploi.

Limité aux jeunes les plus en difficulté, réduit en fonction des aléas budgétaires, ce droit à l'accueil et à l'orientation professionnelle, qui a constitué l'une des plus fortes innovations des années 1980, a subi bien des vicissitudes. C'est pourquoi il doit être aujourd'hui redéfini, consolidé et étendu.

Ce droit constituerait pour chaque jeune, sortant du système scolaire ou universitaire et en recherche d'emploi, à bénéficier d'un premier accueil, d'un bilan de compétences, d'une pré-orientation et d'une première expérience professionnelle. Appuyé sur une réorganisation et un renforcement du service public de l'emploi, assis sur une territorialisation des politiques d'emploi, ce droit se caractériserait, à la différence de la situation actuelle, par son universalité : il aurait pour vocation à concerner tous les jeunes en recherche d'emploi, quel que soit leur niveau de formation. Mais il serait ensuite modulé en fonction de celui-ci.

Ainsi, c'est une grande partie d'une classe d'âge qui serait concernée. À titre d'exemple, si l'on prend pour base la génération 2001 ayant fait l'objet des derniers travaux du CEREQ, ce sont 762 000 jeunes qui ont été recensés comme sortant du système scolaire ou universitaire en 2001, donc entrant dans la vie active (près de 45 % d'entre eux ayant obtenu un diplôme de l'enseignement secondaire, 37 % un diplôme de l'enseignement supérieur et 18 % étant sortis du système éducatif sans aucun diplôme). Si l'on exclut les 36 % de cette classe d'âge correspondant aux jeunes ayant trouvé un premier emploi sous forme de contrat à durée indéterminée, 487 680 jeunes pourraient donc être concernés par une telle mesure.

Passée la première phase d'orientation, le jeune serait accompagné dans son parcours de formation et d'insertion dans l'emploi en vertu d'un droit universel qui lui est reconnu de la même façon qu'aux salariés et aux demandeurs d'emploi.

Il semble exister aujourd'hui une forme de consensus dans les esprits pour reconnaître qu'il n'est nul besoin d'un contrat de plus, mais qu'il faut au contraire simplifier les contrats actuels en en réduisant le nombre, et surtout mieux utiliser les contrats en alternance existants tout en renforçant l'accompagnement. C'est l'accompagnement qui doit constituer la priorité des priorités. Dans ces conditions, il est proposé que toutes ces actions s'inscrivent dans un parcours au sein duquel le jeune pourrait bénéficier d'un référent unique et, le cas échéant, d'un soutien financier (sous la forme d'une bourse), en contrepartie de son obligation d'engagement et d'assiduité. Il pourra bénéficier également des droits sociaux (les prestations en nature de l'assurance maladie), s'il n'est pas couvert par ailleurs. Cet accompagnement sera, en intensité comme en durée, d'autant plus fort que le jeune sera éloigné de l'emploi.

Un tel dispositif s'inspire pour partie du programme TRACE (trajectoire d'accès à l'emploi). Ce programme d'accompagnement avait été créé par la loi d'orientation relative à l'exclusion de 1998, afin d'aider les jeunes en difficulté d'insertion à accéder à l'emploi. L'originalité de ce programme consistait, et c'était une « première », à appréhender les problèmes d'insertion dans leur globalité, qu'il s'agisse d'emploi, mais aussi de formation, de santé, de logement ou encore de citoyenneté. Une circulaire de 1998 prévoyait ainsi que chaque jeune devait être en contact avec un référent unique élaborant, avec lui, un parcours vers l'emploi, en mobilisant les différents dispositifs de la politique de l'emploi et de la formation professionnelle.

Il faut saluer le succès qu'a rencontré ce programme - pourtant supprimé par l'actuelle majorité : ainsi, comme l'a montré une étude réalisée en décembre 2004 (13), de 1998 à 2003 TRACE a bénéficié à 320 000 jeunes, essentiellement peu ou pas qualifiés. Au cours de leur passage dans le programme, sept jeunes sur dix ont accédé à un emploi et quatre sur dix à une formation. Près de la moitié des jeunes sont sortis du dispositif vers l'emploi, majoritairement durable, ou vers la formation. Par ailleurs, les jeunes gardent une image globalement positive de leur passage dans TRACE, trois jeunes sur quatre estimant le rôle de leur conseiller utile, voire indispensable. Durant leur passage, la moitié des jeunes l'avait rencontré au moins une fois par mois.

L'actuelle majorité a supprimé TRACE, mais a néanmoins souhaité en conserver l'inspiration en s'attribuant la paternité d'un nouveau programme d'accompagnement avec le CIVIS (contrat d'insertion dans la vie sociale). Outre le fait que ce contrat, depuis sa version première de juillet 2003 où il apparaît sous forme de contrat aidé, jusqu'à sa version plus récente de la loi de programmation pour la cohésion sociale où il redécouvre sa vocation à l'accompagnement, a mis du temps à trouver une forme juridiquement stable (la toute récente loi
n° 2006-457 du 21 avril 2006 sur l'accès des jeunes à la vie active en entreprise l'a d'ailleurs une fois encore remanié), force est de constater que le CIVIS ne s'adresse qu'à certains publics, certes élargis au fil des lois, mais néanmoins strictement énumérés. L'accompagnement tel qu'il est proposé aujourd'hui, dans le droit fil de TRACE, est beaucoup plus ambitieux.

L'exercice de ce nouveau droit s'inscrira dans le prolongement des actions qui sont engagées pour garantir un droit à la formation tout au long de la vie et une sécurisation des parcours professionnels. Ce dispositif sera négocié par les partenaires sociaux et sa mise en œuvre assurée par les régions qui non seulement détiennent la compétence en matière de formation professionnelle, mais constituent le meilleur niveau pour une politique de l'emploi adaptée à chacun des territoires. Cela suppose le développement du dialogue social territorial.

L'ensemble de ce dispositif d'accueil, d'orientation et d'accompagnement devrait avoir pour objet de rapprocher le jeune le plus possible de l'emploi. L'accès à ce dernier devrait ensuite intervenir soit par la voie de l'alternance, en particulier l'apprentissage si le jeune doit développer son niveau de formation initiale, soit par la voie du contrat à durée indéterminée - en développant le recours aux contrats de professionnalisation sous cette forme - ou en mettant en place en début de contrat des actions d'adaptation au poste de travail. Ces modalités ne doivent en aucun cas être réservées aux publics en difficulté ou aux emplois les moins qualifiés.

Il faut ainsi que le contrat à durée indéterminée redevienne la règle. À cet égard, il n'est d'ailleurs pas anodin de rappeler que le rapport du groupe de travail présidé par M. Henri Proglio, président-directeur général du groupe Veolia Environnement, remis au gouvernement le 15 février 2006 (soit quelques jours après l'adoption du projet de loi créant le CPE à l'Assemblée nationale), insiste dès son introduction sur la nécessaire « volonté de nouer avec les jeunes que l'on recrute un engagement durable, notamment en revalorisant le contrat à durée indéterminée comme forme normale d'embauche. La confiance réciproque entre un jeune et l'entreprise qui le recrute est une condition préalable à la construction des compétences et à la réussite professionnelle ». Plus loin, le rapport insiste : « (...) la question n'est pas de modifier la nature des contrats mais avant tout de les convaincre d'adopter une nouvelle posture à l'égard des jeunes en favorisant un engagement réciproque dans la durée, gage d'intégration et facteur de développement de l'autonomie dans l'accomplissement des missions ».

Le contrat à durée indéterminée ainsi réhabilité, plusieurs voies sont proposées :

- interdire les stages dès lors qu'ils ne sont pas intégrés dans un cursus scolaire ou universitaire ou dans un parcours d'insertion ; il est heureux de noter, à cet égard, que le gouvernement semble, aujourd'hui déjà, revenir sur les dispositions de la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances qui consacrait la distinction entre stages effectués au sein d'un cursus ou hors d'un cursus pédagogique ;

- réactiver le principe défini par la loi de modernisation sociale de 2002, selon lequel l'entreprise doit prendre en charge les actions d'adaptation à l'emploi de ses salariés, une exception étant faite pour les entreprises embauchant les jeunes les plus éloignés de l'emploi ;

- encourager l'Etat à recruter lui-même à l'alternance pour recruter ses personnels, en particulier en étendant le PACTE aujourd'hui utilisé au profit des fonctionnaires de catégorie C aux catégories A et B ;

- moduler les aides de l'Etat aux entreprises, l'effort d'insertion des entreprises pouvant s'apprécier à la fois dans l'accueil de jeunes en alternance et dans le recours au contrat à durée indéterminée pour recruter des jeunes.

Les propositions sont ainsi les suivantes :

- commencer par transposer dans le droit positif l'engagement gouvernemental laissé lettre morte en prévoyant la saisine des partenaires sociaux avant toute réforme législative du code du travail (article 1er) ;

- établir une Conférence nationale pour l'emploi et l'insertion professionnelle des jeunes, instance de concertation permanente associant l'Etat, les régions et les collectivités territoriales concernées, les organisations syndicales représentatives de salariés et d'employeurs, les organisations syndicales représentatives des salariés du secteur de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur (article 2) ;

- lancer une large négociation avec l'ensemble des partenaires concernés dès la promulgation de la présente loi, de manière à proposer des outils pour favoriser l'insertion et l'emploi des jeunes, notamment les moins qualifiés (article 3) ;

- assurer la mise en œuvre de l'article 12 de l'accord interprofessionnel du 20 septembre 2003 (dont il faut rappeler qu'il avait été signé à l'unanimité des partenaires sociaux représentatifs), article relatif à la formation différée et permettant la prise en compte des situations et niveaux de formation pour assurer les conditions d'orientation ou de réorientation, pour accéder à la connaissance des métiers et à l'emploi (article 4) ;

- supprimer les dispositions relatives au contrat nouvelles embauches, dangereux entre autres pour les jeunes et qui avait été adopté par ordonnance au beau milieu de l'été 2005, tout en engageant une négociation pour étudier les conditions de requalification et de sécurisation juridique des contrats déjà signés (article 5) ;

- supprimer les dispositions relatives à l'apprentissage « junior », forme fortement dévaluée d'apprentissage, ainsi qu'au travail de nuit et du dimanche des jeunes apprentis (article 6) ;

- moduler le taux de cotisations sociales des employeurs en fonction de leur effort en faveur de l'insertion et de leur lutte contre l'emploi précaire (article 7).

Tels sont les principes et les méthodes que le groupe socialiste entend promouvoir pour insérer sans délai et durablement les jeunes dans la vie professionnelle.

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II.- ANALYSE DES ARTICLES

Article 1er

Association des partenaires sociaux aux réformes du code du travail

Cet article a pour objet d'inscrire dans la loi le principe selon lequel : « Les partenaires sociaux sont saisis avant l'élaboration de toute réforme de nature législative du code du travail afin de savoir s'ils souhaitent engager un processus de négociation sur la réforme en question préalablement à la modification législative ».

Il s'agit d'un élément central et premier, d'un point de vue tant logique que chronologique, de la présente proposition de loi.

Le gouvernement actuel avait, en 2004, dans l'exposé des motifs du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, pris un engagement dont on ne pouvait que souligner la pertinence : « Le Gouvernement prend l'engagement solennel de renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit du travail. Par conséquent, il saisira officiellement les partenaires sociaux, avant l'élaboration de tout projet de loi portant réforme du droit du travail, afin de savoir s'ils souhaitent engager un processus de négociation sur le sujet évoqué par le Gouvernement ».

Force est de constater que cette bonne volonté n'a duré que le temps d'une déclaration. Deux exemples l'ont par la suite bien montré : d'une part, la discussion de la proposition de loi qui allait devenir la loi du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, au mépris de toute consultation des partenaires sociaux ; d'autre part, la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, qui a connu le même travers - mais, cette fois, avec la fin que l'on connaît.

C'est donc à la fois cet événement récent et la nécessité fondamentale de préserver le dialogue social qui motivent aujourd'hui l'inscription dans la loi de l'exigence d'une concertation préalable à toute modification de la législation sur le droit du travail.

En un sens, ce principe semble si naturel et si évident (évoquer les sujets avec les principaux intéressés avant de mettre en œuvre les politiques) qu'on pourrait se demander pourquoi vouloir inscrire dans le marbre de la loi une telle évidence. C'est, encore une fois, l'histoire récente qui en rappelle la nécessité.

Le rapport établi le 31 mars 2006 - le hasard du calendrier faisant que ce jour correspond à la promulgation par le président de la République de la loi pour l'égalité des chances - par M. Dominique-Jean Chertier à l'attention du Premier ministre (14) souligne aussi cette exigence. Partant du constat que le dialogue social aujourd'hui ressemble à la Tour de Babel, tant il est difficile pour les multiples acteurs de trouver une langue commune, et de la situation prévalant dans plusieurs pays étrangers, ce rapport propose des pistes pour le moins intéressantes : construire un agenda partagé de réformes, connu de tous les acteurs ; prévoir un temps réservé à la concertation dans la conduite des réformes ; accorder en ces matières une place prépondérante au Conseil économique et social. D'une certaine façon, il est possible de dire que le présent article 1er constitue les prémices d'une voie plus ambitieuse ainsi tracée.

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Article 2

Création d'une conférence nationale pour l'emploi et l'insertion professionnelle des jeunes

Cet article a pour objet d'instituer une conférence nationale pour l'emploi et l'insertion professionnelle des jeunes.

Il s'inscrit donc dans la continuité de l'article précédent, dans la mesure où il vise à approfondir le dialogue social. L'établissement d'une conférence nationale permet d'axer les efforts sur un élément clairement déterminé, qui est celui du développement de l'emploi et de l'insertion professionnelle des jeunes.

Il est nécessaire qu'une telle conférence soit aussi large que possible. Aussi cet article 2 prévoit-il que seront associés au sein de cette conférence l'Etat, les régions et les collectivités territoriales concernées, les organisations syndicales représentatives de salariés et d'employeurs, les organisations syndicales étudiantes et lycéennes ainsi que les organisations syndicales représentatives des salariés du secteur de l'Education nationale et de l'enseignement supérieur.

L'objet des travaux de cette conférence est précisément déterminé par cet article 2 : il s'agit de « formuler des propositions pour réduire le chômage et la précarité des jeunes, pour assurer aux jeunes les conditions d'orientation ou de réorientation et de formation qualifiante leur permettant d'accéder durablement à l'emploi, pour faire du contrat de travail à durée indéterminée le socle du droit du travail et pour assurer la sécurisation des parcours professionnels ».

On retrouve dans ces missions les priorités telles qu'elles ont été énoncées et développées dans la partie liminaire - le triptyque, pourrait-on dire : la question centrale de l'orientation ; la nécessité du retour au contrat à durée indéterminée comme forme ordinaire de contrat de travail ; la sécurisation des parcours professionnels.

Parce qu'il est impossible de se contenter d'établir des dispositifs sans développer parallèlement une évaluation des politiques publiques menées, le présent article attribue à cette même conférence la mission de procéder, régulièrement, à l'évaluation des mesures mises en œuvre.

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Article 3

Négociation sur l'accès durable à l'emploi

Cet article a pour objet, conformément à l'exposé des motifs de la proposition de loi, de préciser « le champ d'une large négociation avec l'ensemble des partenaires concernés sur l'orientation, l'accueil, l'insertion et la formation des jeunes en vue d'accéder durablement à un emploi ».

La logique du développement du dialogue social, présente déjà dans les deux premiers articles, réapparaît avec le présent dispositif.

Dans l'esprit de la démarche proposée à l'article 2, qui tend à pérenniser une structure de concertation sur un thème particulier, la négociation à laquelle doit donner lieu la mise en œuvre du présent article doit constituer un nouveau départ dans l'histoire de la négociation sociale. Après quatre années d'errance sociale, il est important que tous les partenaires sociaux concernés puissent se retrouver pour discuter d'un certain nombre de sujets majeurs.

Cette négociation doit intervenir au plus vite : le présent article 3 précise qu'elle est engagée dès la promulgation de la présente loi.

L'objet principal des préoccupations étant naturellement la question de l'emploi des jeunes, cet article assigne à la négociation la mission de prendre en considération « prioritairement [le] bénéfice des personnes de seize à vingt six ans engagées ou s'engageant dans la vie active et dont le niveau de qualification est inférieur ou équivalent à un diplôme de fin de second cycle de l'enseignement général, technologique ou professionnel », autrement dit les jeunes les moins qualifiés.

Les thèmes de la négociation sont limitativement énumérés par cet article. Il s'agit des mesures suivantes :

« - les mesures permettant à chaque jeune de bénéficier d'un accueil individualisé, d'une information et d'une orientation en vue d'assurer son insertion sociale et professionnelle ;

- les mesures permettant à chaque jeune de bénéficier d'un bilan de compétences et d'aptitudes, et d'acquérir une première expérience professionnelle ou d'approfondir son expérience professionnelle ;

- les mesures de suivi, de soutien renforcé, d'adaptation, de formation de nature à favoriser la conclusion pour chaque jeune d'un contrat à durée indéterminée ou d'un contrat de professionnalisation à durée indéterminée en vue d'assurer son insertion professionnelle durable ».

On retrouve avec ces mesures les trois priorités inspirant l'ensemble de la démarche menée avec le présent texte, à savoir l'orientation, la réhabilitation du contrat à durée indéterminée et la sécurisation des parcours professionnels.

L'article 3 précise en outre que la négociation portera aussi sur les conditions d'organisation, de rémunération et de contrôle des stages en entreprise, autorisés dans le seul cadre des parcours de formation professionnelle ou de formation de l'enseignement général, technologique ou professionnel ou de l'enseignement supérieur.

Il existe en effet aujourd'hui un consensus sur le fait que les stages donnent trop souvent lieu à des abus de la part des employeurs - abus dénoncés par exemple par le Conseil économique et social dans l'avis qu'il a rendu en juillet 2005 sur l'insertion professionnelle des jeunes issus de l'enseignement supérieur. Le succès éditorial du récent ouvrage collectif intitulé « Sois stage et tais-toi », collection de témoignages mettant en évidence l'existence de tels abus, est révélateur de cette prise de conscience.

Là encore, le gouvernement n'apporte toutefois que des réponses incertaines et au coup par coup, qui se caractérisent par les atermoiements auxquels elles donnent lieu : s'il faut reconnaître à la loi pour l'égalité des chances du 31 mars 2006 d'avoir consacré le principe de l'obligation d'une convention de stages, reprise dans la charte récemment rendue publique, ou d'avoir abordé la question de la limitation de la durée des stages, comment ne pas pointer différents errements ? L'article 9 de la loi pour l'égalité des chances évoquait la distinction entre les stages intégrés à un cursus pédagogique et ceux qui ne le sont pas, distinction qui semble désormais abandonnée dans les décrets d'application en préparation. En outre, le gouvernement, en quelques semaines, annonce le principe de la gratification des stages de plus de trois mois pour un montant minimal de 360 euros - principe abandonné quelques jours plus tard.

Naturellement, il n'est pas question de reprocher au gouvernement de s'atteler à ces questions d'importance. Mais ces simples éléments de contexte ne restituent-ils pas une ambiance, celle de l'impréparation et de l'absence de concertation préalable ? C'est l'objet du présent article que d'éviter de pareils écueils grâce à la négociation préalable.

Concernant la mise en œuvre pratique de ces dispositions, le présent article 3 dispose en outre qu'il reviendra à la négociation de préciser les conditions dans lesquelles seront financées les actions d'adaptation mises en œuvre au bénéfice des jeunes recrutés en contrat à durée indéterminée.

Il convient en effet de souligner l'importance du recours au contrat à durée indéterminée dans cette démarche. Sans doute, dans le cadre de la négociation engagée, seront prévues l'ensemble des mesures permettant le renforcement d'un véritable droit universel à l'accueil et à l'orientation professionnelle, puis à l'accompagnement vers une première expérience professionnelle. Le développement de la formation en alternance (qui fera l'objet d'évaluations régulières) sera pour un certain nombre de jeunes une voie privilégiée pour l'insertion, notamment via le contrat de professionnalisation ainsi redynamisé. Mais seul le contrat à durée indéterminée peut, pour les jeunes dont le niveau de formation le permet, constituer le cadre juridique du premier emploi, étant entendu que des actions d'adaptation au poste de travail seraient, le cas échéant, mises en œuvre. Le coût de ces actions (qu'elles soient extérieures à l'entreprise ou prennent place en son sein, sous forme de tutorat par exemple) ne doit naturellement pas être un obstacle à ces embauches.

Plus généralement, cet article 3 prévoit la participation financière, notamment, de l'Etat, dont l'objet est très clairement défini : « au vu de l'accord conclu, l'Etat contribue, au regard de l'effort consenti par l'employeur et dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, au financement des actions d'orientation, d'adaptation, d'accompagnement professionnel ainsi que des actions de formation et de validation des acquis de l'expérience nécessaires à la réalisation du projet professionnel du jeune ».

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Article 4

Mise en application de l'article 12 de l'accord interprofessionnel
du 20 septembre 2003 relatif à l'accès des salariés à la formation
tout au long de la vie professionnelle

Cet article a pour objet de rendre applicable le dispositif de formation différée de l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle.

En effet, la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social n'a pas procédé à la transposition de cet article pourtant important de l'accord, consacré au thème de la formation qualifiante ou diplômante différée. Pourtant l'accord du 20 septembre 2003 avait fait l'objet d'une approbation unanime de l'ensemble des partenaires sociaux.

Il n'est pas inintéressant d'ailleurs de reprendre, à cet égard, la justification avancée telle qu'elle figure dans le rapport préparatoire à la discussion législative (15) : «(...) l'article 12 de l'accord national interprofessionnel prévoit la mise en place d'une « formation qualifiante ou diplômante différée » dont la création n'a pu, en raison de sa complexité, être intégrée au présent projet. Or, ce mécanisme pourrait constituer une véritable révolution en attribuant à chaque personne une sorte de « droit de tirage » sur le système d'éducation et de formation pris dans sa globalité. Ce droit bénéficierait en priorité aux salariés qui ont arrêté leur formation initiale avant ou au terme du premier cycle de l'enseignement supérieur et à ceux qui n'ont pas obtenu de qualification professionnelle reconnue et souhaitent poursuivre ultérieurement des études en vue d'une promotion sociale.

Comme le ministre l'a précisé lors de son audition par la commission, ce dossier porteur de grandes espérances nécessite une longue préparation, notamment une concertation étroite avec le ministère chargé de l'éducation. Cette concertation nécessaire aurait excessivement retardé le dépôt du présent projet. Elle donnera lieu, le cas échéant, à des dispositions dans un autre véhicule législatif ».

Mais ces dispositions restent, deux ans plus tard, toujours à prendre...

En outre, les termes de l'article 12 de l'accord sont particulièrement importants au regard des enjeux inspirant la présente proposition de loi, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre pratique d'une formation tout au long de la vie :

« Dans un souci d'équité, les salariés, qui ont arrêté leur formation initiale avant ou au terme du premier cycle de l'enseignement supérieur, et en priorité ceux qui n'ont pas obtenu de qualification professionnelle reconnue, et qui souhaitent poursuivre ultérieurement des études en vue d'une promotion sociale, devraient avoir accès à une ou des formation(s) qualifiante(s) ou diplômante(s) d'une durée totale maximale d'un an, mise(s) en œuvre notamment dans le cadre du congé individuel de formation.

Pour que cette ou ces formation(s) permette(nt) aux salariés un accroissement sensible de leur qualification professionnelle, ils pourront bénéficier :

- d'un concours à l'élaboration de leur projet professionnel, avec l'appui d'un accompagnement dans ou hors de l'entreprise et d'un bilan de compétences ;

- de la validation des acquis de leur expérience avant de suivre la formation qualifiante correspondant à leur projet.

Les coûts des actions d'accompagnement, de bilan de compétences et de validation des acquis de l'expérience sont alors pris en charge par le FONGECIF compétent.

Les parties signataires du présent accord souhaitent que les salariés concernés puissent bénéficier au moment de leur départ en formation, d'un abondement financier des pouvoirs publics correspondant au coût moyen d'une année de formation. A cette fin, elles demandent l'ouverture d'une concertation avec les pouvoirs publics. »

Pour l'ensemble de ces raisons, le présent article 4 insiste sur le fait que les mesures et les moyens assurant l'insertion ou la réinsertion professionnelle des jeunes et leur permettant d'acquérir un diplôme ou un titre à finalité professionnelle ainsi qu'une qualification professionnelle reconnue doivent être mis en œuvre.

Réapparaît avec cette exigence l'une des pistes ouvertes par l'avis du Conseil économique et social en date de juillet 2005 précité, qui insistait sur la nécessité de repenser l'orientation comme un processus continu, dans les termes suivants : « La formation professionnelle initiale, pour indispensable qu'elle soit, ne constitue pas une fin en soi. L'exercice d'une activité professionnelle comporte des opportunités d'évolution, de formation continue, voire de réorientation à certains stades de la vie. Or, la césure entre formation initiale et vie professionnelle apparaît encore aujourd'hui trop marquée. (...) En ce sens, les dispositifs tels que le congé individuel formation, le droit individuel à la formation, la validation des acquis de l'expérience ou le bilan de compétences constituent des leviers devant être valorisés et dont l'accès doit être facilité ».

Cet article renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer les modalités de sa mise en œuvre.

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Article 5

Suppression du contrat « nouvelles embauches »

Cet article a pour objet la suppression de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat « nouvelles embauches » (CNE).

Est-il besoin de longs développements pour rappeler le caractère inacceptable de ce contrat, destiné aux plus petites entreprises, ayant pour caractéristique majeure d'instituer une période de consolidation - nouvelle qualification pudique de la période d'essai - de deux ans au cours desquels le contrat peut être rompu sans motivation explicite ?

Les débats sur le contrat première embauche (CPE), mort-né, sont encore suffisamment récents pour être présents à l'esprit de tous. Or le CPE était le décalque du CNE, tout en s'adressant exclusivement aux jeunes. Pour autant, aujourd'hui encore, dans les entreprises de vingt salariés ou moins, des jeunes sont embauchés en CNE et frappés du même coup de précarité.

Sans même revenir dans le détail sur le caractère inacceptable de la procédure qui a conduit à l'élaboration du CNE (une ordonnance au cœur de l'été) non plus que sur le détail de son régime juridique, il convient de rappeler les limites du dispositif au regard, notamment, des exigences conventionnelles internationales. La convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail impose en effet le caractère raisonnable de la période d'essai.

L'instabilité juridique ne fait d'ailleurs que commencer. Après un premier jugement, en date du 20 février 2006, condamnant un employeur pour rupture abusive d'un CNE en période de consolidation par le conseil de prud'hommes de Longjumeau, il semblait acquis que les magistrats seraient vigilants face aux motifs du recours au CNE. Cette hypothèse paraît se confirmer avec une décision rendue tout récemment par ce même tribunal, qui cette fois ne se contente plus de prendre position sur un cas d'espèce mais met en cause le principe même au fondement du CNE en posant que : « La durée de la période d'essai [...] étant déraisonnable, [l'ordonnance qui institue le CNE] est contraire à la convention 158 de l'Organisation internationale du travail ».

Par ailleurs, les effets du CNE sont incertains au plan économique. À l'heure où le gouvernement veut croire au succès du CNE en mettant en avant, au tout début du mois de mai 2006, les quelque 500 000 CNE signés, dont un tiers correspondraient à des créations d'emplois nettes, la question des effets de substitution reste largement ouverte.

N'est-il pas piquant (mais au regard de l'enjeu, il faudrait plutôt dire grave) que l'économiste Pierre Cahuc, dont on sait qu'il a par ailleurs pu influencer l'orientation des politiques gouvernementales (16), ait, en février 2006, signé avec M. Stéphane Carcillo un rapport soulignant que l'introduction d'un contrat de type CNE dans l'ensemble du secteur privé entraînerait une création nette d'emplois d'environ 80 000 emplois à l'horizon de quatre années ainsi qu'une tendance à la détérioration du bien-être des chômeurs - hypothèses reprises par l'INSEE dans ses prévisions macro-économiques ?

Enfin, il faut reconnaître que les Français sont pour le moins partagés. Un sondage réalisé à la fin du mois d'avril 2006 montre d'ailleurs que 46 % des Français souhaitent le retrait du CNE. Les fédérations professionnelles n'hésitent pas non plus à dire leurs réticences, à l'image des prises de position de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB).

Bref, il semble urgent de mettre fin à cette situation qui se caractérise par une insécurité sociale, politique et économique.

Par souci de cohérence, le présent article précise qu'une négociation sera engagée sur les conditions de requalification et de sécurisation juridique des contrats signés.

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Article 6

Suppression de l'apprentissage junior dès 14 ans

Suppression du recours au travail de nuit et du dimanche des jeunes apprentis

Cet article a pour objet de revenir sur les dispositions récemment adoptées relatives à l'apprentissage junior, ainsi qu'au développement du travail de nuit et du dimanche des jeunes apprentis.

Ce n'est pas l'objet du présent développement que de décrire longuement le détail des dispositions ainsi adoptées, mais il convient de préciser la logique profondément scandaleuse au fondement de ces mesures, qui motive aujourd'hui cet article de suppression.

Au milieu de l'été 2005 là encore, parallèlement à la démarche entreprise avec le CNE, le gouvernement, par deux lois du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale et du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, a souhaité élargir les possibilité du travail de nuit et du dimanche (ainsi d'ailleurs que des jours fériés) pour les travailleurs mineurs, approfondissant ainsi l'intuition fondatrice qui l'avait conduit à encourager le travail supplémentaire pour accroître la rémunération des salariés avec la loi du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.

C'est ainsi que désormais un décret en Conseil d'Etat dresse la liste des secteurs dans lesquels les apprentis peuvent travailler la nuit. Le décret pris en application de la nouvelle rédaction de l'article L. 213-7 du code du travail en janvier 2006 introduit par exemple un nouveau secteur, celui des courses hippiques. En outre, il revient également à un décret en Conseil d'Etat le soin d'établir la liste des secteurs dans lesquels les apprentis de moins de dix-huit ans pourront désormais travailler le dimanche.

Ces modifications ont été alors présentées comme des clarifications - ce que l'on pourrait à la limite, avec bienveillance, accepter. Le bât à commencé à blesser lorsque, sortant de la torpeur de l'été, le gouvernement, face à la crise des banlieues de l'automne, lance l'idée de l'apprentissage à 14 ans, sans que personne ne sache alors véritablement de quoi il s'agit. La loi pour l'égalité des chances du 31 mars 2006 a, en définitive, consacré ce nouveau dispositif, à la fois moins ambitieux et plus grave que ce pouvaient laisser pressentir les annonces précipitées de l'automne.

D'apprentissage à 14 ans, il n'était plus question, le minimum de concertation mené - une fois n'est pas coutume - ayant démontré l'absurdité d'une telle proposition. En lieu et place, sont établies une forme nouvelle de préapprentissage à partir de 14 ans (la première phase de l'apprentissage junior) et, à partir de 15 ans, une extension des possibilités (certes déjà existantes à titre dérogatoire) d'entrée en apprentissage « de droit commun » avant 16 ans.

Ce dispositif s'est révélé imparfait : dans l'apprentissage « junior », une passerelle est censée permettre à l'apprenti de retourner au collège quand il le veut. Il est toutefois difficile de ne pas craindre avec un tel mécanisme un risque de dérogation à l'obligation d'assiduité scolaire jusqu'à l'âge de 16 ans et une atteinte au principe de l'acquisition du socle commun de connaissances et de compétences, qui pourtant a été consacré il y environ une année seulement avec la loi du 23 avril 2005 d'orientation pour l'avenir de l'école.

Pire encore, dès lors que l'apprentissage au sens strict se généralise dès l'âge de 15 ans, le travail de nuit et du dimanche est rendu possible à cet âge également : la coexistence des deux dispositifs est perverse, et n'avait peut-être pas même été perçue, dans la précipitation qui a caractérisé l'ensemble de la mise en œuvre de cette procédure, par le gouvernement. Sa gravité est pourtant telle qu'elle ne doit pas laisser place à la polémique. La suppression pure et simple de l'ensemble de ces dispositions dangereuses est à l'évidence une nécessité.

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Article 7

Modulation du taux de cotisations sociales des employeurs
selon l'effort de l'entreprise en faveur de l'insertion

Cet article vise à établir un dispositif de modulation de cotisations sociales des employeurs, modulation fonction de l'effort de l'entreprise en faveur de l'insertion des jeunes.

C'est une chose que d'agir directement sur les jeunes pour favoriser leur insertion, mais encore faut-il aussi dans le même temps s'efforcer d'encourager les entreprises à agir dans ce même sens. Le gouvernement actuel s'est toujours refusé à imposer quelque contrainte que ce soit dans ce sens aux entreprises, se privant ainsi d'un outil pourtant essentiel à une meilleure insertion des jeunes. Incontestablement, une telle mesure ne peut être établie sans l'aval des partenaires sociaux : c'est la raison pour laquelle cet article 7 prévoit une concertation préalable avec ces derniers.

Passée cette concertation, le taux des cotisations sociales des employeurs pourrait être modulé en fonction de deux types d'efforts des entreprises. D'une part, un effort d'insertion durable effectué par l'entreprise concernée au bénéfice des jeunes de seize à vingt-six ans : c'est l'objet central de la présente proposition de loi. D'autre part, le taux des cotisations pourrait être majoré en fonction du nombre d'emplois précaires existant dans l'entreprise : c'est aussi évidemment l'un des axes principaux du présent texte que de lutter contre la précarité.

Cet article renvoie enfin à un décret en Conseil d'Etat le soin de définir les conditions de mise en œuvre de ces dispositions.

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Article 8

Gage

Cet article procède à l'ajout d'un « gage », comme il est d'usage afin de respecter les dispositions relatives à la recevabilité financière des initiatives parlementaires.

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TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné la présente proposition de loi au cours de sa séance du mercredi 10 mai 2006.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Francis Vercamer a estimé que la question de l'emploi des jeunes, thème important s'il en est, constitue une préoccupation constante de l'ensemble des gouvernements depuis vingt ans, sans qu'aucune solution pertinente pour y remédier ait pu à ce jour être trouvée. En début de carrière, les jeunes Français enchaînent toujours les contrats courts (intérim ou contrats à durée déterminée), qui constituent une sorte de variable d'ajustement dans l'entreprise.

Il convient bien évidemment de bâtir un système viable afin d'éviter la précarité et la perte de confiance que cette situation engendre, avec toutes ses conséquences sur la croissance, car le système français se trouve aujourd'hui dans un cercle vicieux.

Par ailleurs, la question des droits sociaux, attachés au salariat et non à la personne, est effectivement fondamentale. L'importance d'un diplôme, d'une qualification adéquate, seuls à même de constituer des « filets de sécurité », est reconnue par tous - l'UDF a d'ailleurs proposé de créer un contrat emploi formation.

Mais la proposition de loi ne répond pas à ces problématiques, même si certains points intéressants sont abordés, comme la question du suivi personnalisé des jeunes. Il s'agit d'une proposition de circonstance, polémique - comme le montre l'exposé des motifs -, politicienne jusque dans le rapport présenté à cette occasion par le rapporteur : tout cela ressemble plus à l'habituelle partie de ping-pong revancharde entre majorité et opposition qu'à une réelle avancée. Cette proposition augure mal de ce que pourrait être l'alternance, avec son lot d'abrogations. Il conviendrait pourtant de travailler dans la continuité.

Le groupe UDF partage certes le constat du groupe socialiste sur l'importance du dialogue social : il avait d'ailleurs proposé d'inscrire le principe d'une consultation des partenaires sociaux préalable à l'engagement de toute réforme du droit du travail dans la Constitution, puis dans la loi. Le dialogue social doit impliquer l'établissement d'un agenda social des réformes et un temps de concertation tout en permettant une rénovation du rôle du Conseil économique et social. Or ces trois points sont absents de la proposition de loi.

On ne peut également que se montrer perplexe face au rôle de la conférence nationale pour l'emploi et l'insertion professionnelle des jeunes. Pourquoi isoler ainsi un problème ? Un tel saucissonnage ne peut engendrer que des effets pervers. En outre, l'emploi doit être traité au niveau local et non national, les bassins d'emploi constituant à cette fin des périmètres pertinents.

La question de l'expérimentation n'est pas davantage abordée par la proposition de loi. Or elle est fondamentale pour évaluer les nouveaux dispositifs et, éventuellement, les généraliser. Elle éviterait ces perpétuelles abrogations, dont les principales victimes sont les salariés et les employeurs, qui ont avant tout besoin de lisibilité et de visibilité sur leur avenir.

M. Bernard Perrut s'est déclaré extrêmement surpris par certains propos relevés dans le rapport sur la proposition de loi. Parler de « mépris d'un gouvernement qui s'acharne à agir contre [les jeunes] sans concertation, sans dialogue, sans capacité d'écoute », dire que « la crise qu'a traversée notre pays, ce n'est pas la jeunesse qui l'a voulue mais l'ensemble du gouvernement qui l'a provoquée » ou encore que ce dernier « n'a cessé de réduire les moyens consacrés [à l'emploi des jeunes] », notamment par la suppression des emplois-jeunes, c'est inadmissible, surtout lorsque l'on sait sur ce dernier point que l'ancienne majorité s'était bien gardée d'assurer leur pérennité.

Ces accents polémiques sont d'autant plus regrettables que, sur le fond, on ne peut qu'être d'accord sur le constat que le chômage des jeunes n'est pas une fatalité, sur la diversité que constituent les différentes formes de chômage des jeunes ou sur l'existence de discriminations à l'égard de ces derniers ; c'était d'ailleurs précisément l'objet de la loi pour l'égalité des chances que de s'attaquer à ces problèmes.

Il est vrai aussi que les jeunes se heurtent à de graves difficultés d'insertion et d'orientation, comme l'a montré le rapport de Mme Irène Tharin en 2005, cité par le rapporteur dans son rapport, ou encore qu'il est important d'avoir une connaissance toujours meilleure des besoins en emploi sur les différents territoires ; c'est d'ailleurs l'une des tâches imparties aux maisons de l'emploi dans le cadre du service public de l'emploi, mais aussi en lien avec d'autres institutions telle l'Éducation nationale.

Il est vrai encore que le programme TRACE (trajectoire d'accès à l'emploi des jeunes) a constitué un dispositif intéressant, mais s'il a été supprimé par la majorité, c'est pour être remplacé par un mécanisme encore plus efficace, le contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS).

Pour autant, on ne peut passer sous silence tout ce que la majorité actuelle a fait pour lutter contre ces difficultés. L'action du gouvernement a produit des résultats : 185 000 chômeurs en moins depuis février 2005 ; une baisse de 8,4 %  du chômage des jeunes sur un an, même s'il est indéniable que ce taux est encore trop élevé ; la montée en puissance de l'apprentissage, puisque à la fin du mois de mars dernier on comptait 382 000 apprentis contre 366 000 un an plus tôt, qui est allée de pair avec l'amélioration de l'attractivité de cette voie de formation en alternance ; à cela s'ajoutent près de 29 000 contrats de professionnalisation depuis le début de l'année et 170 000 contrats d'insertion dans la vie sociale pour les jeunes de 16 à 25 ans sans diplôme, sans oublier le dispositif du soutien à l'emploi des jeunes en entreprises (SEJE) qui a permis à 300 000 jeunes d'obtenir un contrat à durée indéterminée.

C'est bien la preuve que le gouvernement, qui a mis les moyens nécessaires pour assurer la bonne application de ces mesures, a de la considération pour les jeunes et que la vision totalement négative développée par le rapporteur ne correspond pas à la réalité. Il est donc important de dire aussi ce qui a été fait, sans faire un tableau totalement noir des faits.

Pour l'essentiel, la proposition de loi porte sur la relance de la négociation collective par l'engagement d'une large négociation avec l'ensemble des partenaires sociaux et l'établissement d'une conférence nationale pour l'emploi et l'insertion professionnelle des jeunes. Pour le reste, les auteurs de la proposition de loi se bornent à demander la suppression de tout ce qui existe. Ils oublient notamment que, s'agissant des stages, une charte signée le 26 avril dernier prévoit l'encadrement obligatoire des stagiaires, encadrement formalisé dans la convention de stage, prolongeant ainsi la loi pour l'égalité des chances. Ils oublient également la commission du débat national « université-emploi » qui vient d'être installée et qui travaillera dans les régions sous l'autorité des recteurs.

La proposition de loi remet en cause le contrat nouvelles embauches, faisant fi des 410 000 contrats de cette nature signés, parmi lesquels 100 000 à 150 000 correspondent à des créations d'emplois nettes. Elle revient sur l'apprentissage junior, alors que ce dispositif permettra aux jeunes qui le désirent de se familiariser dès 14 ans avec les métiers puis, à partir de 15 ans, de signer un contrat d'apprentissage, autrement dit de choisir une orientation en toute connaissance de cause.

Quant à la remise en cause des dispositions nouvelles sur le travail de nuit et du dimanche des jeunes apprentis, il faut rappeler que ces mesures comblent un vide juridique concernant certains métiers qui exigent de travailler à des horaires inhabituels, comme ceux de la boulangerie, de la restauration ou du spectacle. Les supprimer conduirait à un incroyable retour en arrière et priverait ces professions d'un encadrement juridique nécessaire.

Au total, la proposition de loi pose de bonnes questions mais n'apporte pas de réponses nouvelles, se bornant à demander la suppression de ce qui existe.

M. René Couanau a déploré une réaction politique navrante de la part des auteurs de la proposition de loi, qui cherchent à occuper un créneau dans un domaine qui mériterait un débat plus approfondi et plus pertinent que ce geste politique quelque peu primaire.

Sans doute, le CPE a suscité des interrogations : les jeunes ont pu être heurtés par cette mesure instaurant, il est vrai, un peu de précarité. Est-il normal, en effet, de chercher à inventer, années après années, des mesures spécifiques aux jeunes alors qu'il est toujours dangereux de segmenter le marché de l'emploi par catégories d'âges ? C'est pourtant ce que continue à faire cette proposition de loi en établissant une Conférence nationale spécifiquement dédiée à ces seules questions.

La bonne démarche consisterait à agir à l'égard de ceux qui n'ont pas de formation et qui devraient l'acquérir par le travail, pour leur permettre de mettre plus aisément le pied à l'étrier. La bonne question consiste à se demander à quoi sert l'entreprise dans ce contexte et quel peut être son apport. Ce serait un beau débat de société que de tenter d'y répondre.

Les articles 4 et 7 de la proposition de loi sont intéressants. Ils abordent ces problèmes en proposant de rendre applicable l'article 12 de l'accord national interprofessionnel, relatif à la formation tout au long de la vie concernant le dispositif de formation différée, et de moduler le taux des cotisations sociales des employeurs selon l'effort de l'entreprise en faveur de l'insertion. Mis à part l'aspect inutilement répressif de la majoration des cotisations sociales en fonction du nombre d'emplois précaires existants dans l'entreprise, on peut soutenir ces pistes de réforme que la proposition de loi ne fait toutefois qu'effleurer.

M. Yves Durand a estimé que l'aspect jugé polémique de la proposition n'est en fait que le reflet d'une réalité difficile : le chômage des jeunes et leurs difficultés d'insertion professionnelle. Au-delà du problème du chômage, c'est plus généralement la question de la place des jeunes dans la société qui est en cause. Dans la perspective des prochaines échéances électorales, le débat démocratique qui s'ouvrira devra prendre en compte les revendications des jeunes et de leurs organisations, telles qu'elles se sont notamment exprimées, encore récemment, lors des manifestations contre le contrat première embauche. Il devra définir la place réservée aux jeunes dans notre société ainsi que les conditions de leur insertion professionnelle. La proposition de loi pose des grands principes d'action : leur application et les détails techniques devront faire l'objet d'une concertation avec les organisations représentatives.

Un des principes qui a guidé la rédaction du texte consiste à ne pas créer un dispositif supplémentaire et à œuvrer dans le sens de la lisibilité. Aujourd'hui, personne ne s'y retrouve dans l'empilement des sigles et mesures de toutes sortes.

De plus, la proposition de loi affirme que le contrat à durée indéterminée doit rester le socle du droit du travail. La baisse du chômage constatée récemment s'explique en effet non seulement par des variables démographiques, mais aussi par l'augmentation du travail précaire, augmentation qui suscite l'angoisse des jeunes et de leurs parents. C'est la marque de l'action de la majorité.

Enfin, ce texte constitue un appel à la concertation et à la négociation. L'action de la majorité a démontré en quelques semaines qu'une réforme qui n'a pas fait l'objet de la concertation nécessaire est une réforme qui ne sera pas appliquée. Cela ne signifie pas que c'est la rue qui gouverne. Il faut faire œuvre de pédagogie et élaborer un authentique compromis social - et ce avant toute réforme - comme le prescrit d'ailleurs l'exposé des motifs du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social dans un engagement resté lettre morte.

S'agissant des questions de formation, toutes les expériences menées à l'étranger montrent qu'il n'est possible de diminuer le chômage des jeunes que par l'augmentation des niveaux de qualification. Cette observation n'est pas prise en compte par le gouvernement, en particulier pas par l'introduction de l'apprentissage « junior ». En effet, développer l'apprentissage est opportun dès lors qu'il ménage l'acquisition d'un socle solide de connaissances. Le ministre chargé de l'éducation a d'ailleurs annoncé aujourd'hui, lors des questions au Gouvernement, que les dispositions relatives au socle commun de connaissances, qui avait fait l'objet d'un accord entre la majorité et l'opposition lors de la discussion de la loi d'orientation sur l'avenir de l'école du 23 avril 2005, allaient être appliquées grâce à la publication prochaine du décret d'application.

Or, on ne pourra pas demander à un jeune de quatorze ans de découvrir un métier et dans le même temps d'assimiler le socle commun de connaissances. À titre de comparaison, les élèves issus des classes préparatoires, qui ne sont pas les moins doués, ne s'orientent qu'après l'âge de vingt-cinq ans ! Le dispositif conduit donc à empêcher l'acquisition du socle commun de connaissances par les jeunes, socle qui leur serait pourtant indispensable pour l'adaptation aux nouveaux métiers et qui in fine concourrait à la baisse du chômage.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- Si le constat est jugé sévère, voire excessif, il faut cependant rappeler qu'il n'est que la conséquence des événements récents liés à la volonté gouvernementale d'imposer le contrat première embauche, aux manifestations qui ont mis à cette occasion plusieurs centaines de milliers de personnes dans la rue et au bouleversement institutionnel qui s'en est suivi : ce sont ces éléments qui dictent les présents commentaires et ne portent pas naturellement, il est vrai, à l'indulgence.

- Certes, passée cette période, on pourrait imaginer l'établissement d'un constat le plus partagé possible, fruit d'une démarche dépassionnée. La crise du CPE est sociale mais également générationnelle. Elle a permis aux jeunes d'exprimer leurs craintes et leur colère au sujet de l'emploi, mais aussi plus généralement au sujet de l'entreprise, de l'éducation ou de la politique, qui ne semblent pas vouloir les accepter, en tout cas pas au niveau de responsabilité auquel ils peuvent pourtant légitimement prétendre.

- M. Bernard Perrut s'est livré à une défense de l'action du gouvernement, chose devenue assez rare ces temps-ci pour être soulignée et exercice difficile. Cependant, les chiffres sont là. De 2002 à 2005, force est de constater qu'environ 150 000 emplois aidés au profit des jeunes ont été supprimés ; le nombre d'apprentis passe aujourd'hui la barre des 380 000, mais reste encore en deçà du niveau de 2001 (386 000 apprentis) ; l'évolution des contrats de professionnalisation conclus au profit des jeune montre qu'ils ne sont pas parvenus à se substituer pleinement aux contrats de qualification, d'adaptation et d'orientation, puisqu'on constate en comparant les chiffres un déficit de l'ordre de 80 000 unités fin 2005 par rapport à fin 2001. Si l'on ajoute à ce constat l'erreur d'aiguillage dans la crise du CPE, on retrouve aisément les conséquences que l'on a décrites.

- Compte tenu de la crise de CPE, les critiques ayant trait à l'insuffisante ambition de la présente proposition de loi ne manquent d'ailleurs pas de sel. Les auteurs de la proposition ont voulu travailler en étroite coopération avec les syndicats, qui n'ont pas souhaité que soit créé un nouveau contrat. Il est essentiel de mettre en œuvre quelques principes simples, tel l'accompagnement des jeunes jusque dans l'entreprise, sans pénaliser les entreprises qui ouvrent leurs portes aux jeunes en favorisant la mise en place d'actions d'adaptation au profit des jeunes et de négocier les modalités de financement de ces actions.

- La proposition de loi ne traite pas deux sujets qui auraient pu être abordés. D'une part, on pourrait imaginer lier les départs à la retraite et l'embauche des jeunes, eu égard aux évolutions démographiques qui marqueront les prochaines années. D'autre part, il faudrait se pencher, là aussi en lien avec les partenaires sociaux, sur la question du déclassement qui affecte de nombreux jeunes diplômés, dont les emplois et les niveaux de responsabilité y afférents sont souvent inférieurs à leurs qualifications, ce qui suscite une colère bien légitime. Il s'agit d'une des caractéristiques du marché du travail français. Le travail sera poursuivi, au cours des prochaines semaines, notamment dans ces deux directions.

Le président Jean-Michel Dubernard a proposé aux commissaires de ne pas engager la discussion des articles, de suspendre les travaux de la commission et de ne pas présenter de conclusions sur le texte de la proposition de loi, tout en soulignant que ce choix n'empêche ni la discussion en séance publique, ni la publication d'un rapport incluant le compte rendu des travaux de la commission au cours desquels chacun a eu tout loisir de s'exprimer.

Suivant la proposition du président, la commission a décidé de suspendre l'examen de la proposition de loi et de ne pas présenter de conclusions.

ANNEXE : LES JEUNES ET L'EMPLOI

Dossier réalisé par Florence Lefresne,

chercheure à l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES) (17)

_________________

Mai 2006

LES JEUNES : UNE CATÉGORIE PERTINENTE ?

I - L'ACCÈS À L'EMPLOI DES JEUNES

1. Les jeunes, premiers concernés par la conjoncture économique

CHÔMAGE DES CLASSES DÂGE

Source : INSEE

SPÉCIFICITÉ DES ACTIFS RÉCENTS SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL

Source : Yannick Fondeur, « Insertion professionnelle des jeunes et cycle économique : quelques pistes de recherche », La Revue de l'IRES, n° 21, printemps-été, 1996

2. Le chômage des jeunes en France, au regard des autres pays européens

COMPARAISONS EUROPÉENNES

 

Taux de chômage des 15-24 ans

Taux d'activité des 15-24 ans

%  de la classe d'âge au chômage

Allemagne

15,1

48

6

Danemark

8,2

67,9

5,6

Espagne

22,1

45,1

9,9

France

22

38

8,3

Italie

23,6

36,1

8,5

Pologne

39,5

35,9

14,2

Royaume-Uni

12,1

62,9

7,6

Suède

16,3

47,2

8

Moyenne des 15

16,6

47,6

7,6

Moyenne des 25

18,7

45

8,3

Source : Eurostat, L'emploi en Europe, 2005

Source : Eurostat, L'emploi en Europe, 2005

NIVEAU DE DIPLÔME DES SORTANTS

Source : CEREQ

3. La délicate mesure du déclassement des jeunes

¬ La méthode adéquationniste : la relation formation-emploi est « normale » lorsque le type d'emploi occupé est celui pour lequel la formation reçue a été conçue. Les travaux qui utilisent cette méthode s'appuient généralement sur des répertoires donnant pour chaque type d'emploi le niveau de diplôme nécessaire.

¬ La méthode statistique postule qu'une relation formation-emploi est « normale » si elle correspond à la situation le plus souvent rencontrée. Est mesurée la part de chaque profession au sein des actifs des différents niveaux de diplôme et, réciproquement, la part de chaque niveau de diplôme au sein des différentes professions.

¬ La méthode subjective postule qu'une relation formation-emploi est « normale » si l'individu interrogé la considère comme telle.

Source : Yannick Fondeur, Le « déclassement » à l'embauche, Étude réalisée pour le Commissariat général du Plan (avec la collaboration de Claude Minni), 1999

FORMATIONS INITIALES ET PREMIERS EMPLOIS

LE PREMIER EMPLOI DES DIPLÔMÉS AU REGARD DE LEUR FORMATION (GÉNÉRATION 98)

 

Domaine d'emploi

 

Niveau d'emploi

Ajusté

Non ajusté

Ensemble

Bien classé

26 % 

22 % 

48 %

Déclassé

15 % 

37 % 

52 %

Ensemble

41 % 

59 % 

100 %

Source : CEREQ

Seuls 26 % des jeunes ont un emploi totalement ajusté à leur formation, en niveau et en spécialité

DÉCLASSEMENT ET DÉSAJUSTEMENT

Source : CEREQ

ÉVOLUTION DU TAUX DE DÉCLASSEMENT POUR CHAQUE GÉNÉRATION DE DIPLÔMÉS

Source : CEREQ

PROFESSION DES ACTIFS AYANT UN EMPLOI

 

2000

 

15-29 ans

30 ans ou plus

 

Hommes

Femmes

Ensemble

Prof. indépendantes

5,1

1,9

11,5

Cadres supérieurs

7,4

6,4

14,9

Prof. intermédiaires

18,7

22,8

21,2

Employés qualifiés

11,2

38,5

17

Employés non qualifiés

5,7

17,3

10,6

Ouvriers qualifiés

32,6

4

17,2

Ouvrier non qualifiés

19,3

9,1

7,5

Total professions

100

100

100

Source : Enquête Emploi INSEE

4. Les statuts d'emploi selon l'âge

 

Emploi public

Emploi salarié privé

Contractuels et vacataires

Statutaires

Intérim

CDD Emplois Aidés

Apprentis

CDI

82

Ensemble

2,0

98,0

1,0

2,7

1,4

94,9

15-29 ans

8,0

92,0

1,7

5,8

4,3

88,2

90

Ensemble

5,6

94,4

1,7

6,3

1,6

90,4

15-29 ans

15,5

84,5

3,3

14,7

5,2

76,9

99

Ensemble

6,3

93,7

3,0

8,7

1,8

86,5

15-29 ans

19,9

80,1

6,9

18,6

7,7

66,8

01

Ensemble

7,2

92,8

3,4

8,6

1,4

86,6

15-29 ans

21,0

79,0

7,5

19,6

7,4

65,5

02

Ensemble

8,4

91,6

3,2

8,5

1,6

86,7

15-29 ans

21,5

78,5

7,1

18,5

8,3

66,1

03

Ensemble

13,6

86,4

2,9

8,6

1,6

86,9

15-29 ans

40,0

60,0

6,1

18,7

6,7

68,5

Sources : Enquêtes Emploi ; IRES - Les mutations de l'emploi en France, Repères, La Découverte, 2005

Les vecteurs des nouvelles normes d'emploi

¬ La sur-représentation des jeunes dans les flux d'entrée sur le marché du travail les place non seulement en première ligne face aux tensions conjoncturelles, mais également au cœur des transformations structurelles de l'emploi.

¬ L'exemple le plus frappant est celui des emplois temporaires.

CONTEXTE : L'AUGMENTATION SPECTACULAIRE DES CONTRATS TEMPORAIRES

Source : INSEE

La fragilisation des relations d'emploi

¬ Plus fréquents, les emplois temporaires débouchent moins souvent à la fin des années 1990 qu'au début des années 1980 sur un emploi stable

¬ Les écarts entre sans diplôme et très diplômés se sont creusés

¬ Entre la période 1982-1986 et la période 1997-2002, évolution du taux de transformation des CDD en CDI :

- Hommes sans diplôme : - 25 points

- Hommes très diplômés : - 5 points

Source : INSEE

TRANSITION DES CDD EN CDI,  HOMMES

Source : INSEE

PART DE L'EMPLOI STABLE (EN %) PAR COHORTE DE SORTANTS

Source : Enquêtes Emploi INSEE ; IRES - Les mutations de l'emploi en France, Repères, La Découverte, 2005

II - DES PARCOURS HÉTÉROGÈNES

1. L'impact de la formation initiale

TAUX DE CHÔMAGE PAR NIVEAU DE QUALIFICATION
TROIS ANS APRÈS LA SORTIE DE L'ÉCOLE

ACCÈS À L'EMPLOI STABLE : SEULS LES TRÈS DIPLÔMÉS ÉPARGNÉS

Source : INSEE

2. Trajectoires féminines et masculines

ÉVOLUTION DES ÉCARTS ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

 

Taux de chômage

Salaires (des emplois à temps plein)

G98

G01

G98 (%)

G01 (%)

non diplômés

15

10

- 11

- 6

cap ou bep

11

6

- 12

- 12

Bac pro et techno

3

5

- 10

- 9

bac + 1, + 2 non diplômés

5

2

- 13

- 12

bac + 2

0

- 2

- 7

- 5

2d cycle

- 1

- 3

- 10

- 5

3è cycle et écoles

2

3

- 13

- 11

Ensemble de la génération

4

0

- 5

- 1

Source : CEREQ

SALAIRE NET MENSUEL DÉCLARÉ EN MARS 2002 (TEMPS PLEIN)
POUR DES DIPLÔMÉ(E)S DU SUPÉRIEUR LONG (DEUG ET AU-DELÀ)

Sources : Enquêtes Emploi

3. La situation des jeunes d'origine étrangère

¬ À situation socio-économique identique, ces jeunes ne réussissent pas moins bien que les jeunes français de souche.

¬ Il existe une sur-représentation des élèves d'origine étrangère dans les structures particulières (Sections d'enseignement général et professionnel adapté, Zone d'éducation prioritaire) et dans les filières professionnelles.

¬ À niveau d'études équivalent, et à ancienneté équivalente sur le marché du travail, leur taux de chômage demeure plus élevé que celui des jeunes Français de souche et le différentiel ne se réduit pas avec le niveau d'étude

III - L'ACTION DES DISPOSITIFS D'INSERTION

1. Différentes logiques d'action en Europe

¬ La place centrale de la formation et de la négociation dans les pays du Nord de l'Europe

¬ Le rôle confirmé de l'apprentissage en Allemagne, mais moins protecteur

¬ Le new deal au Royaume-Uni : entre activation contrainte et dynamisme du marché du travail

¬ La recherche de flexibilité du marché du travail dans les pays latins et les effets de dualisation

2. Gonflement structurel et effets ambigus en France

PART DE L'EMPLOI AIDÉ (EN %) POUR LES MOINS DE 26 ANS DE 1974 À 2002

Sources : estimations de la DARES au 31 décembre pour l'emploi aidé ; enquêtes Emploi INSEE 1975-2003 pour l'emploi

Un bilan en demi-teinte :

¬ L'impact limité sur le chômage des jeunes

¬ La faible contra-sélectivité des mesures

¬ L'effet sur les normes d'emploi

¬ La politique d'emploi est une prérogative de l'Etat ; la faiblesse de la négociation collective

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N° 3079 - Rapport de M. Gaëtan Gorce fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur la proposition de loi (n° 3066) de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues relative à l'insertion des jeunes dans l'emploi

1 () Il s'agit des chiffres de l'Institut national de la statistique et des études économiques, fondés sur la définition des chômeurs au sens du Bureau international du travail (en données corrigées des variations saisonnières).

2 () Source Eurostat, 2006. Le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans, au sens du Bureau international du travail, est de 22,1 % fin mars 2006.

3 () Voir sur cette question notamment Yannick Fondeur et Claude Minni, « L'emploi des jeunes au cœur des dynamiques du marché du travail », Economie et statistiques, n° 378-379, 2004.

4 () On y dénombre : les contrats en alternance (apprentissage, contrats de qualification, d'adaptation et d'orientation ainsi que contrats de professionnalisation jeunes), les emplois marchands (contrats jeunes en entreprise, contrats initiative emploi) et les emplois non marchands (contrats emploi solidarité, contrats emploi consolidés, contrats d'accompagnement dans l'emploi, contrats d'insertion RMA, contrats d'avenir, emplois jeunes).

5 () Jean-Paul Zoyem, « Les nouveaux services-emplois jeunes : bilan fin 2003 », Premières synthèses et premières informations de la DARES, n° 20.1., mai 2004.

6 () Source : CEREQ, 2004-2005.

7 () Selon les données établies par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

8 () Autrement dit, dans la terminologie du CEREQ, la « génération 2001 », qui compte 762 000 jeunes.

9 () L'ensemble de ces développements s'inspirent de l'article de José Rose, « Les « effets » de la formation initiale sur l'insertion », Bref, n° 222, septembre 2005.

10 () Florence Lefresne, « Les jeunes non qualifiés », Problèmes politiques et sociaux, n° 915, août 2005, La documentation française.

11 () Michèle Mansuy et Claude Minni, « Le secteur du premier emploi oriente-t-il le début de parcours professionnel ? », Economie et statistiques, n° 378-379, 2004.

12 () Avis présenté par M. Jean-Louis Walter, L'insertion professionnelle des jeunes issus de l'enseignement supérieur, adopté par le Conseil économique et social au cours de sa séance des 5 et 6 juillet 2005.

13 () Stéphanie Mas, « Bilan de cinq ans de programme TRACE », Premières informations et premières synthèses de la DARES, décembre 2004, n° 51.1.

14 () Dominique-Jean Chertier, « Pour une modernisation du dialogue social », 31 mars 2006.

15 () Rapport (n° 1273) fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social par M. Jean-Paul Anciaux.

16 () MM. Pierre Cahuc et Francis Kramarz sont les auteurs du rapport intitulé « De la précarité à la mobilité : vers une sécurité sociale professionnelle », décembre 2004.

17 () Florence Lefresne est notamment l'auteure de Les jeunes et l'emploi, Repères, La découverte (avril 2003), et Les jeunes non qualifiés, Problèmes politiques et sociaux, La documentation française (août 2005)


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